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Document 62014TO0812(02)

Ordonnance du Tribunal (deuxième chambre) du 19 juillet 2017.
BPC Lux 2 Sàrl e.a. contre Commission européenne.
Recours en annulation – Aides d’État – Aide des autorités portugaises à la résolution de l’établissement financier Banco Espírito Santo – Création et capitalisation d’une banque relais – Décision déclarant l’aide compatible avec le marché intérieur – Absence d’intérêt à agir – Irrecevabilité.
Affaire T-812/14.

ECLI identifier: ECLI:EU:T:2017:560

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

19 juillet 2017 (*)

« Recours en annulation – Aides d’État – Aide des autorités portugaises à la résolution de l’établissement financier Banco Espírito Santo – Création et capitalisation d’une banque relais – Décision déclarant l’aide compatible avec le marché intérieur – Absence d’intérêt à agir – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑812/14,

BPC Lux 2 Sàrl, établie à Senningerberg (Luxembourg), et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe, représentées par Me P. Fajardo, avocat, MM. J. Webber, et M. Steenson, solicitors, et Mme K. Bacon, QC,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. L. Flynn et P.‑J. Loewenthal, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

République portugaise, représentée par M. L. Inez Fernandes et Mme S. Jaulino, en qualité d’agents, assistés de Me M. Mendes Pereira, avocat,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2014) 5682 final de la Commission, du 3 août 2014, concernant l’aide d’État SA.39250 (2014/N) – Portugal – Résolution de Banco Espírito Santo,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de MM. M. Prek (rapporteur), président, E. Buttigieg et B. Berke, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Les requérantes, BPC Lux 2 Sàrl et les autres personnes morales dont la liste figure en annexe à la présente ordonnance, sont des créanciers subordonnés de Banco Espírito Santo (ci-après « BES »), titulaires de créances de catégorie 2 inférieure.

2        En mai 2014, il a été annoncé qu’un audit réalisé par la Banque du Portugal auprès du groupe Espírito Santo International avait conclu que ce dernier se trouvait dans une situation financière difficile, susceptible d’avoir une incidence négative sur la solvabilité de BES dont il constituait l’actionnaire majoritaire.

3        Le 30 juillet 2014, BES a publié ses résultats pour le premier semestre de 2014, indiquant une perte financière élevée. S’en est suivie au cours du mois de juillet 2014 une importante chute de ses dépôts.

4        Dans ce contexte, les autorités portugaises ont décidé de soumettre BES à une procédure de résolution, laquelle impliquait la création d’un établissement de crédit temporaire, la « banque relais » à laquelle étaient transférées les activités commerciales saines de BES. À l’issue de ces transferts d’actifs et de passifs à la banque relais, les autres actifs et passifs résiduels devaient rester au sein de BES, qui deviendrait la « structure de défaisance ».

5        Le 3 août 2014, les autorités portugaises ont notifié à la Commission européenne un projet d’aide d’État de 4 899 millions d’euros accordé par l’intermédiaire du Fonds de résolution portugais (Fundo de Resolução), destiné à fournir à la banque relais un capital-actions initial. Conjointement à cette notification, les autorités portugaises ont transmis à la Commission deux rapports de la Banque du Portugal : une évaluation des options envisageables pour la résolution de BES, dont la conclusion était que la création d’une banque relais était la seule solution qui permettait de préserver la stabilité financière de la République portugaise et une description de la procédure à suivre pour la résolution de BES. À la suite de ce dernier rapport, les autorités portugaises ont présenté à la Commission des engagements relatifs tant à la banque relais qu’à la structure de défaisance, portant sur leur liquidation ordonnée. Les engagements communs à ces deux établissements ont trait à la gestion des actifs existants, au plafonnement des salaires et à l’interdiction de l’acquisition de participations, du paiement de coupons ou de dividendes et de la publicité au moyen de l’aide de l’État.

6        Le même jour, la Commission a adopté à l’issue de la phase préliminaire d’examen, au titre de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, la décision C(2014) 5682 final concernant l’aide d’État SA.39250 (2014/N) – Portugal – Résolution de Banco Espírito Santo, SA (ci-après la « décision attaquée »), par laquelle elle a conclu que la mesure notifiée, à savoir l’injection d’un capital de 4 899 millions d’euros par les autorités portugaises dans la banque relais assortie des engagements pris par ces autorités, constituait une aide d’État compatible avec le marché intérieur en vertu de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE

7        L’annexe I comprend la liste des engagements présentés par les autorités portugaises. Est, notamment, prévu au point 5 de cette annexe qu’aucun avoir des actionnaires et des détenteurs de titres de créance subordonnés, ni aucun instrument hybride ne peut être transféré à la banque relais. Au point 24 de cette annexe, il est également précisé que la liquidation de BES devrait avoir lieu d’ici le 31 décembre 2016.

 Procédure et conclusions des parties

8        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 12 décembre 2014, les requérantes ont introduit le présent recours.

9        Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le même jour, les requérantes ont demandé au Tribunal de statuer selon la procédure accélérée prévue par l’article 76 bis du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, laquelle a été rejetée par décision du Tribunal (quatrième chambre) du 10 février 2015.

10      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 19 décembre 2014, les requérantes ont introduit une demande en référé visant au sursis à l’exécution de la décision attaquée.

11      Par ordonnance du président du Tribunal du 25 février 2015, la demande en référé présentée par les requérantes a été rejetée et les dépens ont été réservés.

12      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 10 mars 2015, la République portugaise a demandé à pouvoir intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

13      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 9 avril 2015, les requérantes ont demandé le traitement confidentiel de certaines annexes de la requête et de certains points de la réplique à l’égard de la République portugaise.

14      Par décision du 16 juin 2015, le Tribunal (quatrième chambre) a admis l’intervention de la République portugaise. La République portugaise a déposé son mémoire en intervention le 21 août 2015.

15      Le 7 décembre 2016, le Tribunal a interrogé les requérantes sur l’existence dans leur chef d’un intérêt à agir à l’encontre de la décision attaquée.

16      Le 23 janvier 2017, les requérantes ont répondu à la question du Tribunal.

17      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la deuxième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

18      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

19      La Commission et la République portugaise concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

20      Aux termes de l’article 129 de son règlement de procédure, le Tribunal peut, à tout moment, d’office, les parties principales entendues, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée sur les fins de non-recevoir d’ordre public, au rang desquelles figurent les conditions de recevabilité d’un recours (voir, en ce sens, ordonnance du 15 mars 2016, Larymnis Larko/Commission, T‑576/14, non publiée, EU:T:2016:169, point 13 et jurisprudence citée).

21      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces produites et les explications fournies par les parties pendant la phase écrite de la procédure. Le dossier comportant tous les éléments nécessaires en vue de statuer, le Tribunal décide, en conséquence, qu’il n’y a pas lieu d’ouvrir la phase orale.

22      Dans son mémoire en défense, la Commission a conclu à l’irrecevabilité du recours en raison de l’absence de qualité pour agir des requérantes à l’encontre de la décision attaquée. Les requérantes estiment qu’elles disposent d’une qualité pour agir à l’encontre de la décision attaquée tant en application des critères explicités dans l’arrêt du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission (25/62, EU:C:1963:17, p. 197, 223), que comme « parties intéressées » au sens de l’article 1er, sous h), du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1).

23      Le Tribunal, les requérantes entendues, estime qu’il convient d’examiner d’office son intérêt à obtenir l’annulation de la décision attaquée.

24      Selon une jurisprudence constante, un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale n’est recevable que dans la mesure où le requérant a un intérêt à voir annuler l’acte attaqué. Cet intérêt doit être né et actuel et s’apprécie au jour où le recours est formé ; il doit également perdurer jusqu’au moment de la décision juridictionnelle (voir ordonnance du 26 mars 2014, Adorisio e.a./Commission, T‑321/13, non publiée, EU:T:2014:175, point 20 et jurisprudence citée).

25      Un tel intérêt suppose que l’annulation de cet acte soit susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques ou, selon une autre formule, que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir ordonnance du 26 mars 2014, Adorisio e.a./Commission, T‑321/13, non publiée, EU:T:2014:175, point 21 et jurisprudence citée).

26      Le juge de l’Union européenne peut également examiner, le cas échéant, si l’appréciation de la Commission produit des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts d’une requérante (voir ordonnance du 26 mars 2014, Adorisio e.a./Commission, T‑321/13, non publiée, EU:T:2014:175, point 22 et jurisprudence citée).

27      Dans la réponse à la question que leur a posée le Tribunal, les requérantes ont justifié l’existence dans leur chef d’un intérêt à agir à l’encontre de la décision attaquée par les effets particulièrement négatifs qu’aurait eu la décision des autorités portugaises de soumettre BES à une procédure de résolution et, dans ce cadre, de ne pas transférer leurs créances à la banque relais. Elles soutiennent que l’annulation de la décision attaquée accroîtrait de façon très significative la probabilité d’un succès de la procédure de contrôle juridictionnel devant les juridictions nationales et ajoutent qu’un tel succès aurait pour conséquence soit l’annulation de la résolution de BES, soit un droit de réclamer des indemnités.

28      Ainsi que les requérantes le soulignent elles-mêmes, la diminution de valeur des obligations dont elles sont titulaires trouve son origine dans la décision des autorités portugaises d’avoir recours à une procédure de résolution selon les modalités explicitées au point 4 ci-dessus et, dans ce cadre, de ne pas transférer les obligations du type de celles détenues par les requérantes au patrimoine de la banque relais.

29      Force est de constater que le recours à un financement public de la banque relais, constitué par la mesure d’aide litigieuse, n’est que le prolongement de la décision de la République portugaise de recourir à une procédure de résolution.

30      Ce n’est, dès lors, pas le financement public de la banque relais qui a pu avoir une incidence concrète sur la valeur des créances des requérantes, mais bien la décision des autorités portugaises de procéder à ladite procédure de résolution selon des modalités qui leur auraient été préjudiciables, décision qu’il appartenait aux requérantes de contester devant la juridiction nationale compétente, ce qu’elles ont fait en introduisant un recours devant le Tribunal Administrativo de Círculo de Lisboa (tribunal administratif de Lisbonne, Portugal).

31      À cet égard, il convient de relever qu’une éventuelle annulation de la décision attaquée n’aurait pas pour effet d’imposer à la République portugaise de revenir sur sa décision de créer une banque relais et de ne pas inclure dans son patrimoine les obligations du type de celles détenues par les requérantes (voir, en ce sens, ordonnance du 26 mars 2014, Adorisio e.a./Commission, T‑321/13, non publiée, EU:T:2014:175, point 26).

32      En outre, la circonstance que la République portugaise ait présenté des engagements portant sur certaines modalités de la procédure de résolution dont les requérantes estiment qu’elles leur ont été préjudiciables n’implique pas que lesdites modalités aient été imposées par la Commission à titre de condition de la compatibilité de l’aide litigieuse ou qu’une éventuelle annulation de la décision attaquée puisse avoir une incidence quelconque à leur égard. Par la décision attaquée, la Commission s’est contentée de tenir compte des engagements comportementaux pris volontairement par l’État lors de la phase de notification de la mesure litigieuse afin de clarifier certains points. Ces modalités n’ont, partant, pas été imposées comme elles auraient pu l’être au titre d’une décision conditionnelle adoptée sur le fondement de l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 659/1999 (voir, en ce sens, ordonnance du 1er décembre 2015, Banco Espírito Santo/Commission, T‑814/14, non publiée, EU:T:2015:936, points 30 et 31 et jurisprudence citée).

33      Les requérantes justifient également leur intérêt à agir à l’encontre de la décision attaquée par les conséquences que pourrait avoir une annulation de la décision attaquée sur l’examen par le Tribunal Administrativo de Círculo de Lisboa (tribunal administratif de Lisbonne) de la procédure de résolution de BES et renvoient à la déclaration de leur avocat chargé de la procédure devant cette juridiction ainsi qu’à l’acte de recours devant cette dernière, qu’elles fournissent en annexe à leur réponse à la question du Tribunal.

34      À cet égard, il suffit d’observer que les écritures des requérantes dans le cadre de la présente procédure et celles introduites devant le Tribunal Administrativo de Círculo de Lisboa (tribunal administratif de Lisbonne) n’ont pas le même objet. Par leur premier moyen dans le cadre du présent recours, les requérantes allèguent, en substance, une violation par la Commission des règles qu’elle s’est fixé dans le cadre de sa communication concernant l’application, à partir du 1er janvier 2012, des règles en matière d’aides d’État aux aides accordées aux banques dans le contexte de la crise financière (JO 2011, C 356, p. 7). Il ressort de la lecture de l’acte introductif de recours devant le Tribunal Administrativo de Círculo de Lisboa (tribunal administratif de Lisbonne) que les requérantes y invoquent une violation du principe de proportionnalité tel que protégé par le droit constitutionnel portugais et non celle du droit de l’Union.

35      Partant, dans la mesure où la procédure devant le Tribunal Administrativo de Círculo de Lisboa (tribunal administratif de Lisbonne) porte sur la seule question de la conformité avec le droit national du recours à une procédure de résolution et où le présent recours concerne seulement la compatibilité avec le droit de l’Union du financement de ladite procédure de résolution, une éventuelle appréciation par le Tribunal du respect par la Commission de ladite communication n’aurait pas d’incidence sur l’interprétation par le Tribunal Administrativo de Círculo de Lisboa (tribunal administratif de Lisbonne) des règles constitutionnelles portugaises.

36      Il doit, dès lors, être considéré qu’une éventuelle annulation de la décision attaquée ne procurerait aucun bénéfice aux requérantes, au sens de la jurisprudence citée au point 25 ci-dessus.

37      Au vu de ce qui précède, le recours des requérantes doit être rejeté comme étant irrecevable pour absence d’intérêt à agir à l’encontre de la décision attaquée, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la fin de non-recevoir soulevée par la Commission et tirée de leur absence de qualité pour agir à l’encontre de ladite décision.

 Sur les dépens

38      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens de la présente instance ainsi qu’à ceux afférents à la procédure en référé, conformément aux conclusions de la Commission.

39      En application de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. La République portugaise supportera, partant, ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme étant irrecevable.

2)      BPC Lux 2 Sàrl et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe sont condamnées à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne dans le cadre de la présente instance et lors de la procédure en référé.

3)      La République portugaise supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 19 juillet 2017.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

M. Prek


* Langue de procédure : l’anglais.

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