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Document 62014CP0129

Prise de position de l'avocat général M. N. Jääskinen, présentée le 2 mai 2014.
Zoran Spasic.
Demande de décision préjudicielle, introduite par l'Oberlandesgericht Nürnberg.
Renvoi préjudiciel – Procédure préjudicielle d’urgence – Coopération policière et judiciaire en matière pénale – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Articles 50 et 52 – Principe ne bis in idem – Convention d’application de l’accord de Schengen – Article 54 – Notions de sanction ‘subie’ et ‘actuellement en cours d’exécution’.
Affaire C-129/14 PPU.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2014:739

PRISE DE POSITION DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NIILO JÄÄSKINEN

présentée le 2 mai 2014 ( 1 )

Affaire C‑129/14 PPU

Zoran Spasic

[demande de décision préjudicielle formée par l’Oberlandesgericht Nürnberg (Allemagne)]

«Procédure préjudicielle d’urgence — Coopération policière et judiciaire en matière pénale — Principe ne bis in idem — Acquis de Schengen — Article 54 de la convention d’application de l’accord de Schengen — Articles 50 et 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne — Article 4 du protocole no 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales — Condamnation pour les mêmes faits — Condition d’exécution d’une sanction pénale — Sanction composée de deux éléments»

Table des matières

 

I – Introduction

 

II – Le cadre juridique

 

A – La CEDH

 

B – Le droit de l’Union

 

1. La Charte

 

2. L’acquis de Schengen en droit de l’Union

 

a) L’accord de Schengen

 

b) La CAAS

 

c) Le protocole sur l’acquis de Schengen

 

III – Le litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

 

IV – Analyse

 

A – Propos introductifs

 

1. Sur la compétence de la Cour

 

2. Sur les enjeux de l’affaire

 

B – Sur la première question, relative à la relation entre l’article 54 de la CAAS et l’article 50 de la Charte

 

1. Sur le principe ne bis in idem

 

2. Sur la condition d’exécution prévue à l’article 54 de la CAAS et son application par les instruments liés

 

3. Sur l’article 4 du protocole no 7

 

4. L’article 50 de la Charte et son rapport avec l’article 4 du protocole no 7

 

5. La condition d’exécution prévue à l’article 54 de la CAAS entre-t-elle en conflit avec l’article 50 de la Charte?

 

6. La condition d’exécution constitue-t-elle une limitation ou une dérogation au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte?

 

– Sur l’existence d’une ingérence constitutive d’une atteinte à un droit fondamental

 

– Sur la justification de l’ingérence au regard des conditions de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte

 

– Sur la justification à l’aune du test de proportionnalité

 

C – Sur la seconde question, relative à l’interprétation de la condition d’exécution au sens de l’article 54 de la CAAS

 

V – Conclusion

I – Introduction

1.

La présente procédure a pour origine un recours contre la décision de maintien des effets d’un mandat d’arrêt émis par les autorités allemandes à l’égard de M. Spasic, de nationalité serbe, actuellement placé en détention provisoire en Allemagne sur le fondement dudit mandat ( 2 ). M. Spasic a été condamné en Italie pour escroquerie, pour les mêmes faits que ceux qui font l’objet dudit mandat.

2.

Par ses questions préjudicielles, l’Oberlandesgericht Nürnberg (Allemagne) saisit donc la Cour d’une problématique inédite dans le domaine de la coopération judiciaire en matière pénale. Dans ce cadre, la Cour est invitée à clarifier le rapport entre l’article 50 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte»), qui prévoit le droit à ne pas être poursuivi ou puni pénalement deux fois pour une même infraction (principe ne bis in idem), et l’article 54 de la convention d’application de l’accord de Schengen (ci-après la «CAAS») ( 3 ), relatif à l’application dudit principe.

3.

En particulier, la juridiction de renvoi cherche à savoir si l’application de la condition énoncée à l’article 54 de la CAAS, selon laquelle l’interdiction de poursuites pénales pour les mêmes faits ne s’applique que sous réserve que «la sanction ait été subie ou soit actuellement en cours d’exécution ou ne puisse plus être exécutée selon les lois de la Partie Contractante de condamnation» (ci-après la «condition d’exécution») ( 4 ), peut être considérée comme une limitation justifiée de l’article 50 de la Charte au sens de l’article 52, paragraphe 1, de celle-ci. Cette question conduira la Cour à préciser la portée du principe ne bis in idem dans un contexte transfrontalier, eu égard à l’état actuel de la création de l’espace de liberté, de sécurité et de justice. La Cour est également saisie de l’interprétation de la condition d’exécution au sens de l’article 54 de la CAAS lorsque la peine est composée de deux éléments indépendants.

4.

Dès lors que l’article 50 de la Charte correspond à l’article 4 du protocole no 7 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ( 5 ), la présente demande de décision préjudicielle implique de déterminer les effets dudit protocole aux fins de l’interprétation du principe ne bis in idem.

5.

À cet égard, je relève d’emblée que la condition d’exécution prévue à l’article 54 de la CAAS autorise les autorités d’un État membre B à entamer ou à continuer les poursuites pénales en dépit de l’existence d’une décision finale adoptée par un État membre A par rapport à la même personne et par rapport aux mêmes faits. Or, dans un contexte national, une telle démarche aurait été interdite, tant conformément à l’article 4 du protocole no 7, tel qu’interprété dans les arrêts de la Cour EDH Zolotoukhine c. Russie ( 6 ) et Muslija c. Bosnie-Herzégovine ( 7 ), que conformément à l’article 50 de la Charte lequel, selon les explications relatives à la Charte, a le même sens et la même portée que le droit correspondant de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la «CEDH») dans l’hypothèse de l’application du principe ne bis in idem à l’intérieur d’un État membre. Par conséquent, il convient également d’encadrer les limites du pouvoir discrétionnaire des autorités nationales de l’État membre B au regard des exigences découlant de la Charte ( 8 ).

II – Le cadre juridique

A – La CEDH

6.

Le protocole no 7 prévoit, à son article 4, intitulé «Droit à ne pas être jugé ou puni deux fois», ce qui suit:

«1.   Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même État en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet État.

2.   Les dispositions du paragraphe précédent n’empêchent pas la réouverture du procès, conformément à la loi et à la procédure pénale de l’État concerné, si des faits nouveaux ou nouvellement révélés ou un vice fondamental dans la procédure précédente sont de nature à affecter le jugement intervenu.

3.   Aucune dérogation n’est autorisée au présent article au titre de l’article 15 de la [CEDH]» ( 9 ).

B – Le droit de l’Union

1. La Charte

7.

L’article 50 de la Charte, intitulé «Droit à ne pas être jugé ou puni pénalement deux fois pour une même infraction», est rédigé comme suit:

«Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans l’Union par un jugement pénal définitif conformément à la loi.»

8.

L’article 52 de la Charte, intitulé «Portée et interprétation des droits et des principes», dispose:

«1.   Toute limitation de l’exercice des droits et libertés reconnus par la présente Charte doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés. Dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui. […] [ ( 10 )].

3.   Dans la mesure où la présente Charte contient des droits correspondant à des droits garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère ladite convention. Cette disposition ne fait pas obstacle à ce que le droit de l’Union accorde une protection plus étendue.

[…]

7.   Les explications élaborées en vue de guider l’interprétation de la présente Charte sont dûment prises en considération par les juridictions de l’Union et des États membres.»

2. L’acquis de Schengen en droit de l’Union

a) L’accord de Schengen

9.

Le 14 juin 1985, les gouvernements des États de l’Union économique Benelux, de la République fédérale d’Allemagne et de la République française ont signé, à Schengen, un accord relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes ( 11 ).

b) La CAAS

10.

La CAAS, conclue le 19 juin 1990 par les mêmes parties contractantes et qui est entrée en vigueur le 26 mars 1995, prévoit ce qui suit à son article 54, qui fait partie du chapitre III, intitulé «Application du principe ne bis in idem»:

«Une personne qui a été définitivement jugée par une Partie Contractante ne peut, pour les mêmes faits, être poursuivie par une autre Partie Contractante, à condition que, en cas de condamnation, la sanction ait été subie ou soit actuellement en cours d’exécution ou ne puisse plus être exécutée selon les lois de la Partie Contractante de condamnation.»

11.

L’article 55 de la CAAS prévoit les cas dans lesquels un État partie a la possibilité de déclarer qu’il n’est pas lié par l’article 54. L’article 56 prévoit la règle selon laquelle toute période de privation de liberté subie sur le territoire d’une partie à l’accord est déduite de la sanction qui sera éventuellement prononcée dans un autre État. Il sera également tenu compte, dans la mesure où les législations nationales le permettent, des sanctions autres que celles privatives de liberté qui ont déjà été subies. L’article 57 concerne l’échange des renseignements pertinents entre les autorités compétentes. Aux termes de l’article 58, les dispositions précédentes ne font pas obstacle à l’application de dispositions nationales plus larges concernant l’effet du principe ne bis in idem attaché aux décisions judiciaires prises à l’étranger.

c) Le protocole sur l’acquis de Schengen

12.

Par le protocole (no 2) intégrant l’acquis de Schengen dans le cadre de l’Union européenne, annexé au traité sur l’Union européenne et au traité instituant la Communauté européenne (ci-après le «protocole sur l’acquis de Schengen») ( 12 ), ce corpus juridique, qui comprend également la CAAS ( 13 ), a été intégré au droit de l’Union sous la dénomination «acquis de Schengen».

13.

L’article 2, paragraphe 1, de ce protocole se lit comme suit:

«À compter de la date d’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam, l’acquis de Schengen, y compris les décisions du comité exécutif institué par les accords de Schengen qui ont été adoptées avant cette date, s’appliquent immédiatement aux treize États membres visés à l’article 1er [ ( 14 )], sans préjudice du paragraphe 2 du présent article. […]

[…] Le Conseil […] détermine, conformément aux dispositions pertinentes des traités, la base juridique pour chacune des dispositions ou décisions qui constituent l’acquis de Schengen.

En ce qui concerne ces dispositions et décisions et conformément à la base juridique que le Conseil a déterminée, la Cour de justice des Communautés européennes exerce les compétences qui lui sont conférées par les dispositions pertinentes applicables des traités. […]

[…]

Aussi longtemps que les mesures visées ci-dessus n’ont pas été prises et sans préjudice de l’article 5, paragraphe 2, les dispositions ou décisions qui constituent l’acquis de Schengen sont considérées comme des actes fondés sur le titre VI du traité sur l’Union européenne.»

14.

L’acquis de Schengen a été intégré au traité FUE par le protocole (no 19) ( 15 ). Le protocole (no 36) sur les dispositions transitoires, annexé au traité FUE ( 16 ), précise, à ses articles 9 et 10, les effets juridiques des actes des institutions, organes et organismes de l’Union adoptés sur la base du traité UE avant l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne.

III – Le litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

15.

Le prévenu au principal, M. Spasic, est un ressortissant serbe poursuivi par la Staatsanwaltschaft Regensburg (Allemagne) pour avoir commis une escroquerie en bande organisée à Milan le 20 mars 2009. En échange de billets de banque de 500 euros, qui se sont ultérieurement avérés faux, la victime de cet acte criminel, le ressortissant allemand M. Soller, avait donné à M. Spasic une somme de 40000 euros en petites coupures.

16.

Ayant fait l’objet d’un mandat d’arrêt européen émis le 27 août 2009 par la Staatsanwaltschaft Innsbruck (Autriche) pour une série de délits similaires commis en Autriche et en Allemagne en 2008, M. Spasic a été arrêté en Hongrie le 8 octobre 2009 et a ensuite été remis aux autorités autrichiennes. Il a été condamné en Autriche par un arrêt du 26 août 2010, qui est devenu définitif.

17.

Le 25 février 2010, l’Amtsgericht Regensburg (Allemagne) a émis un mandat d’arrêt national pour l’acte d’escroquerie commis à Milan, lequel a servi par la suite de fondement au mandat d’arrêt européen émis le 5 mars 2010 par la Staatsanwaltschaft Regensburg. Le 20 novembre 2013, l’Amtsgericht Regensburg a émis un autre mandat d’arrêt national élargi à l’encontre de M. Spasic, dont le point I vise l’infraction d’escroquerie commise le 20 mars 2009 à Milan.

18.

Par arrêt du 18 juin 2012, le Tribunale ordinario di Milano (Italie) a condamné M. Spasic par contumace pour l’infraction commise le 20 mars 2009 à Milan à une peine privative de liberté d’un an ainsi qu’à une amende de 800 euros. J’observe, à cet égard, que le jugement du Tribunale di Milano est devenu définitif le 7 juillet 2012, si bien que les poursuites entamées en Allemagne l’ont été en partie en même temps que la procédure italienne.

19.

M. Spasic est actuellement en détention provisoire en Allemagne depuis le 6 décembre 2013, date à laquelle, en exécution du mandat d’arrêt européen du 5 mars 2010, les autorités autrichiennes l’ont remis aux autorités allemandes ( 17 ). En Autriche, M. Spasic avait commencé à purger une peine d’emprisonnement de huit ans. Eu égard à sa remise aux autorités allemandes, l’exécution de la peine prononcée en Autriche a été provisoirement suspendue. Toutefois, il ne ressort pas clairement du dossier si le retour de M. Spasic en Autriche avant ou après qu’il a purgé la peine éventuellement prononcée en Allemagne a été prévu.

20.

Le prévenu a attaqué devant l’Amtsgericht Regensburg la décision le maintenant actuellement en détention, en soutenant en substance que, en vertu du principe ne bis in idem, il ne pourrait être poursuivi pour les faits commis à Milan, pour lesquels un jugement définitif et exécutoire a déjà été prononcé à son encontre par le Tribunale di Milano.

21.

Ayant été débouté de sa demande, M. Spasic a déposé devant le Landgericht Regensburg la preuve du paiement de la somme de 800 euros le 23 janvier 2014, qui constitue l’exécution de la peine pécuniaire infligée par l’arrêt du Tribunale di Milano.

22.

Par décision du 28 janvier 2014, le Landgericht Regensburg a confirmé la décision de l’Amtsgericht Regensburg, en précisant que l’exécution de la détention provisoire pouvait désormais uniquement être fondée sur les faits décrits au point I du mandat d’arrêt du 20 novembre 2013, et a rejeté le recours pour le surplus.

23.

Devant la juridiction de renvoi, saisie par la suite, M. Spasic a fait valoir en substance que la condition d’exécution prévue à l’article 54 de la CAAS ne peut valablement restreindre la portée de l’article 50 de la Charte et qu’il devrait être remis en liberté à la suite de l’exécution que constitue le paiement de l’amende de 800 euros.

24.

Dans ces conditions, l’Oberlandesgericht Nürnberg a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)

L’article 54 de la convention d’application de l’accord de Schengen est-il compatible avec l’article 50 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne en ce qu’il soumet le principe ne bis in idem à la condition que, en cas de condamnation, la sanction ait été subie ou soit actuellement en cours d’exécution ou ne puisse plus être exécutée selon les lois de l’État de condamnation?

2)

La condition susmentionnée de l’article 54 de la convention d’application de l’accord de Schengen est-elle également remplie lorsque seule une partie (en l’occurrence, l’amende) de la sanction prononcée dans l’État de condamnation, laquelle se compose de deux parties indépendantes (en l’occurrence, une peine d’emprisonnement et une amende), a été exécutée?»

25.

Dans la décision de renvoi, la juridiction de renvoi a demandé l’application de la procédure préjudicielle d’urgence conformément à l’article 107 du règlement de procédure de la Cour. Ainsi qu’il ressort du dossier, selon le droit allemand, la détention préventive du prévenu ne peut être prolongée au-delà de six mois, sauf raison particulière. Or, cette prolongation dépend manifestement de l’interprétation du droit de l’Union.

26.

La chambre compétente a décidé, le 31 mars 2014, d’appliquer la procédure préjudicielle d’urgence en l’espèce. L’affaire a été attribuée à la grande chambre conformément à l’article 113, paragraphe 2, du règlement de procédure.

27.

Des observations écrites ont été présentées par les représentants de M. Spasic, de la République fédérale d’Allemagne, du Conseil et de la Commission européenne. Lors de l’audience tenue le 28 avril 2014, lesdites parties ainsi que la République française et la République italienne ont été entendues.

IV – Analyse

A – Propos introductifs

1. Sur la compétence de la Cour

28.

D’emblée, je suis d’avis que la Cour est compétente pour répondre à la première question préjudicielle en vertu de l’article 267 TFUE et à la seconde question préjudicielle en vertu de l’article 35 UE ( 18 ).

29.

S’agissant en particulier de la seconde question, la CAAS jouit en vertu du protocole sur l’acquis de Schengen d’un statut analogue à des décisions, à des décisions-cadre ou à des conventions au sens de l’article 34 UE. Par conséquent, la compétence de la Cour pour répondre à la seconde question est fondée sur ledit article 35 UE ( 19 ) en lien avec l’article 2 et l’annexe A de la décision 1999/436/CE du Conseil ( 20 ), ce qui est par ailleurs confirmé dans une jurisprudence très riche relative à l’article 54 de la CAAS.

30.

En revanche, s’agissant de la première question, il est vrai que, en vertu de l’ancien article K.7 résultant du traité d’Amsterdam (devenu article 35 UE), la compétence de la Cour a été exclue en ce qui concerne l’examen de la validité des conventions, tant dans le cadre des recours préjudiciels que dans celui du contrôle de légalité. Cependant, la première question posée vise expressis verbis une éventuelle incompatibilité entre la Charte et une disposition de la CAAS, et non l’invalidité de cette dernière. Je relève, à cet égard, que l’article 134 de la CAAS stipule que les dispositions de celle-ci ne sont applicables que dans la mesure où elles sont compatibles avec le droit communautaire ( 21 ).

31.

Faisant indubitablement partie du droit de l’Union depuis sa «communautarisation», la CAAS ne saurait échapper à l’exigence de contrôle au regard de la Charte. En effet, la Cour, en vertu de sa compétence exclusive, assure, aux termes de l’article 19 TUE, le respect du droit dans l’interprétation et l’application des traités ( 22 ). Son pouvoir d’interpréter le droit primaire doit être considéré comme établi par rapport à la CAAS, celle-ci étant un acte du droit de l’Union sui generis et se trouvant au même niveau que le droit dérivé dans la hiérarchie des normes.

32.

En tout état de cause, il ressort de la jurisprudence que la Cour est compétente pour apprécier au regard de la Charte un acte du droit dérivé directement applicable ( 23 ).

2. Sur les enjeux de l’affaire

33.

La mise en œuvre, dans le cadre de l’Union, de l’acquis de Schengen, dont fait partie l’article 54 de la CAAS, relatif au principe ne bis in idem, vise à renforcer l’intégration européenne et, en particulier, à permettre à l’Union de devenir plus rapidement un espace de liberté, de sécurité et de justice, que celle-ci a pour objectif de maintenir et de développer. Cet objectif ambitieux se heurte encore à l’heure actuelle à un problème de conflit de compétences en matière pénale, en l’espèce entre la République italienne en tant que locus delicti et la République fédérale d’Allemagne en tant qu’État dont la victime est ressortissante ( 24 ).

34.

Comme l’a relevé l’avocat général Sharpston dans ses conclusions présentées dans l’affaire M, «[a]ctuellement, on ne dispose pas de règles convenues à l’échelle de l’Union sur l’attribution de compétence pénale. L’application du principe ne bis in idem résout le problème d’une manière limitée, voire parfois arbitraire. Cette solution ne saurait cependant se substituer de manière satisfaisante à une action visant à régler de tels conflits conformément à un ensemble commun de critères» ( 25 ).

35.

Or, la source du principe ne bis in idem à l’échelle transnationale est la circonstance que, dès lors qu’une infraction comporte des éléments qui la rattachent à plusieurs ordres juridiques, il y a un risque que chacun revendique sa propre compétence, créant ainsi une possibilité de cumul de répressions étatiques ( 26 ). Cela dit, la présente affaire ne soulève pas d’interrogations quant aux problèmes liés à l’application du principe ne bis in idem qui ont récemment fait l’objet d’intenses discussions juridictionnelles et académiques tant au niveau européen que national, notamment dans le cas de poursuites pénales et administratives concernant les mêmes faits. De surcroît, dans le cadre de ces débats, la question a été posée de savoir comment déterminer la notion d’identité d’infraction ainsi que la notion de «jugement par une décision finale» dans l’hypothèse où les poursuites n’ont pas été clôturées par une décision d’une juridiction.

36.

En l’occurrence, le présent cas de figure relève pleinement du champ d’application de l’article 54 de la CAAS. Il est, en effet, constant que les poursuites en Italie et en Allemagne concernent les mêmes faits ( 27 ) et, mutatis mutandis, le délit d’escroquerie. Le caractère pénal des deux procédures ne peut pas être mis en doute ( 28 ), et encore moins la nature juridictionnelle et définitive, à compter du 7 juillet 2012, de l’arrêt du Tribunale ordinario di Milano du 18 juin 2012 ( 29 ).

37.

Autrement dit, tant l’élément «bis» que l’élément «idem» sont constitués en l’espèce. En réalité, c’est la condition d’exécution prévue à l’article 54 de la CAAS qui, au regard du droit fondamental établi à l’article 50 de la Charte, se trouve au cœur du présent renvoi préjudiciel.

38.

À cet égard, il est évident que la condition d’exécution prévue à l’article 54 de la CAAS ne figure pas à l’article 50 de la Charte. De surcroît, je relève que la portée de l’article 50 de la Charte n’a pas encore été définitivement délimitée dans la jurisprudence de la Cour.

39.

En effet, le principe ne bis in idem trouve à s’appliquer également en dehors du droit pénal dit «classique» ( 30 ), l’exemple le plus courant étant le droit de la concurrence, dans le cadre duquel l’application du principe est soumise à une triple condition d’identité des faits, d’unité du contrevenant et d’unité de l’intérêt juridique protégé ( 31 ). Il en résulte donc que le même opérateur économique peut être poursuivi simultanément et se voir imposer une sanction pour les mêmes faits par les autorités nationales et par la Commission parce que les deux procédures visent des fins distinctes ( 32 ).

40.

Par ailleurs, le principe ne bis in idem trouve à s’appliquer dans le domaine des contrôles et des sanctions des irrégularités commises en droit de l’Union ( 33 ), ce que la Cour a rappelé concernant l’application cumulative des sanctions administratives ( 34 ).

41.

Par conséquent, je considère d’emblée que l’analyse de la portée du principe ne bis in idem au regard de la Charte dans la présente affaire doit se borner au seul domaine du droit pénal classique, en excluant ainsi les questions liées aux sanctions administratives, avec toutes les conséquences et spécificités que ledit domaine du droit pénal peut comporter.

42.

Enfin, sachant que le texte de l’article 50 de la Charte est identique à celui de l’article 4 du protocole no 7, la seule différence concernant leur champ d’application territorial, il conviendra avant tout d’analyser les effets de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme à ce sujet.

B – Sur la première question, relative à la relation entre l’article 54 de la CAAS et l’article 50 de la Charte

1. Sur le principe ne bis in idem

43.

Le principe ne bis in idem, qualifié par la Cour d’«exigence générale d’équité» ( 35 ), est universellement reconnu dans les ordres juridiques nationaux. Cependant, le droit international public n’impose pas ce principe aux États et il n’a pas été considéré comme relevant de la notion de procès équitable consacrée à l’article 6 de la CEDH ( 36 ).

44.

En droit de l’Union, l’applicabilité du principe ne bis in idem ( 37 ) a été reconnue par la Cour dès 1966 avec l’arrêt Gutmann/Commission ( 38 ). Ainsi que la Cour l’a jugé par la suite, «le principe non bis in idem, également consacré par l’article 4 du protocole no 7 […], constitue un principe fondamental du droit communautaire dont le juge assure le respect» ( 39 ). Il constitue donc la source d’une jurisprudence particulièrement riche, notamment dans les domaines du droit de la concurrence et de la coopération en matière pénale, ainsi que dans celui de la protection des intérêts financiers de l’Union, ce qui plaide selon moi contre une conclusion selon laquelle il existerait une notion de ne bis in idem unique et uniforme dans tous les domaines du droit de l’Union. Enfin, le statut de droit fondamental dudit principe a été reconnu à l’article 50 de la Charte.

45.

Sans entrer dans les détails, il convient de rappeler que la maxime ne bis in idem couvre deux aspects ou idées juridiques distincts ( 40 ). Il s’agit, d’une part, de l’interdiction d’une seconde poursuite sur une même affaire concernant la même personne («Erledigungsprinzip», c’est-à-dire le principe d’épuisement des procédures) et, d’autre part, du principe de prise en compte («Anrechnungsprinzip»), qui implique que, lorsqu’il y a déjà eu une condamnation pour le même délit dans un autre pays, la nouvelle décision doit en tenir compte de manière à réduire la deuxième condamnation ( 41 ). Comme l’avocat général Colomer l’a expliqué, le premier aspect est fondé sur les exigences de la sécurité juridique tandis que le second reflète plutôt celles de l’équité, dont la règle de la proportionnalité est un instrument ( 42 ).

46.

Il est constant que, eu égard à son libellé, l’article 54 de la CAAS ne vise que le premier aspect, c’est-à-dire l’interdiction des doubles poursuites, tandis que le libellé de l’article 50 de la Charte et celui de l’article 4 du protocole no 7 englobent les deux aspects.

2. Sur la condition d’exécution prévue à l’article 54 de la CAAS et son application par les instruments liés

47.

L’article 54 de la CAAS est la première disposition qui établit une règle ne bis in idem contraignante, applicable dans les rapports transfrontaliers en droit pénal ( 43 ). Une disposition en substance identique à celle de l’article 54 de la CAAS figurait certes dans la convention relative à l’application du principe ne bis in idem, mais celle-ci n’est pas entrée en vigueur ( 44 ). En outre, la condition d’exécution de portée transnationale a aussi connu des précédents dans les conventions européennes sur l’extradition ( 45 ).

48.

Les raisons pour lesquelles les auteurs de la CAAS ont soumis l’applicabilité du principe ne bis in idem à la condition que la sanction «ait été subie, soit actuellement en cours d’exécution ou ne puisse plus être exécutée» me semblent évidentes. Comme le relèvent le gouvernement allemand et le Conseil, cette condition vise à garantir que la personne concernée soit effectivement punie pour l’infraction en question au moins une fois; autrement dit, cette disposition vise à éviter l’impunité. L’objectif visant à empêcher l’impunité ressort clairement de la jurisprudence de la Cour, notamment des arrêts Miraglia ( 46 ) et Kretzinger ( 47 ).

49.

Le principe ne bis in idem, assorti de la condition d’exécution, a été par la suite incorporé dans la décision-cadre 2002/584/JAI ( 48 ) et figure parmi les motifs de non-exécution obligatoire dudit mandat ( 49 ). Or, avant l’adoption de cette décision-cadre, les personnes condamnées à des sanctions pénales pouvaient facilement éviter leur exécution en se déplaçant entre les États membres, et notamment en revenant dans celui dont elles étaient ressortissantes. La décision-cadre ainsi que d’autres actes du droit de l’Union adoptés postérieurement ont augmenté l’efficacité des poursuites pénales dans les situations transfrontalières et facilité l’exécution des condamnations pénales ( 50 ).

50.

En outre, une condition d’exécution construite selon le même modèle que l’article 54 de la CAAS figure à l’article 7 de la convention sur la protection des intérêts financiers des Communautés européennes ( 51 ) ainsi qu’à l’article 10 de la convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés ou des fonctionnaires des États membres de l’Union européenne ( 52 ).

51.

En revanche, plusieurs actes du droit dérivé, notamment, l’article 9 de la décision-cadre 2008/909/JAI ( 53 ), mentionnent le principe ne bis in idem parmi les motifs de non-exécution d’un jugement pénal sans que ce principe soit assorti d’une condition d’exécution ( 54 ).

52.

Tout en admettant que la seule émergence d’un régime plus efficace de coopération en matière pénale en droit de l’Union ne saurait affecter en soi l’interprétation de la condition d’exécution prévue à l’article 54 de la CAAS, ce développement ne peut rester sans incidence sur l’appréciation de la compatibilité dudit article avec l’article 50 de la Charte ainsi que sur son appréciation en termes de proportionnalité au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte. En effet, ainsi que la Commission l’a constaté dans le livre vert cité ci-dessus ( 55 ), «[c]ette condition se justifiait dans un système d’entraide judiciaire classique, dans le cadre duquel l’exécution d’une sanction dans d’autres États membres pouvait parfois s’avérer difficile. On peut se demander si elle se justifie encore dans un espace de liberté, de sécurité et de justice, où l’exécution transfrontalière s’opère désormais grâce aux instruments de l’UE sur la reconnaissance mutuelle» ( 56 ).

3. Sur l’article 4 du protocole no 7

53.

Contrairement à l’article 54 de la CAAS, l’article 4 du protocole no 7 ne s’applique pas aux rapports transfrontaliers, mais son champ d’application est strictement limité aux situations internes d’un État. Comme je l’ai déjà relevé, ledit article ne contient pas de condition d’exécution analogue à celle prévue à l’article 54 de la CAAS, mais couvre, en revanche, tant l’interdiction des doubles poursuites que celle des doubles peines.

54.

Adopté le 22 novembre 1984, le protocole no 7 a été ratifié par 43 membres du Conseil de l’Europe, y compris tous les États membres de l’Union européenne à l’exception de la République fédérale d’Allemagne, du Royaume des Pays-Bas et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord. Ainsi qu’il ressort du projet d’accord portant adhésion de l’Union à la CEDH, ce protocole ne figure pas parmi les mesures auxquelles l’adhésion de l’Union est envisagée ( 57 ). L’absence de mention dudit protocole dans la décision de renvoi peut donc s’expliquer par le fait que la République fédérale d’Allemagne ne l’a pas ratifié ( 58 ). Toutefois, lors de la signature du même protocole, elle a formulé certaines déclarations ( 59 ).

55.

Conformément à l’article 4, paragraphe 1, du protocole no 7, nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement deux fois. Aux termes du paragraphe 2 dudit article, la réouverture du procès, conformément à la loi et à la procédure pénale de l’État concerné, est cependant possible si des faits nouveaux ou nouvellement révélés ou un vice fondamental dans la procédure précédente sont de nature à affecter le jugement intervenu. L’article 4, paragraphe 3, du protocole no 7 interdit toute dérogation audit article au titre de l’article 15 de la CEDH, lequel permet, en cas de guerre ou en cas d’autre danger public menaçant la vie de la nation, d’adopter des mesures dérogeant aux obligations prévues par la CEDH.

56.

En somme, l’article 4 du protocole no 7 garantit donc une protection qui, sans être absolue, demeure pourtant plus élevée que celle prévue aux dispositions de la CEDH en général.

57.

Les dispositions de l’article 4 du protocole no 7 constituent une source de jurisprudence riche et variée de la Cour européenne des droits de l’homme, laquelle me semble avoir manqué de précision en ce qui concerne la détermination des notions de poursuites pénales ou de sanction pénale et, en particulier, en ce qui concerne l’interprétation de la notion d’infraction.

58.

S’agissant de cette dernière question, dans l’arrêt de la Cour EDH Zolotoukhine c. Russie, celle-ci a interprété la notion d’infraction comme visant des «faits qui constituent un ensemble de circonstances factuelles concrètes impliquant le même contrevenant et indissociablement liées entre elles dans le temps et l’espace» ( 60 ). Elle a donc opéré un rapprochement avec la jurisprudence de la Cour de justice adoptée au sujet de l’article 54 de la CAAS et de «l’identité des faits matériels», laquelle constitue le seul critère pertinent aux fins de l’application dudit article ( 61 ).

59.

La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme confirme unanimement que le principe ne bis in idem vise non seulement le cas d’une double condamnation, mais également celui des doubles poursuites ( 62 ). L’article 4 du protocole no 7 a pour objet de prohiber la répétition de procédures pénales définitivement clôturées. Or, une décision est considérée comme définitive «si elle est passée en force de chose jugée. Tel est le cas lorsqu’elle est irrévocable, c’est-à-dire lorsqu’elle n’est pas susceptible de voies de recours ordinaires ou que les parties ont épuisé ces voies ou laissé passer les délais sans les exercer» ( 63 ).

60.

En outre, il ressort d’un arrêt récent rendu dans l’affaire Muslija c. Bosnie-Herzégovine que l’article 4 du protocole no 7 interdit la continuation de poursuites parallèles après que l’une des procédures a abouti à une décision définitive. Dans un tel cas de figure, il doit être mis fin aux autres poursuites ( 64 ).

4. L’article 50 de la Charte et son rapport avec l’article 4 du protocole no 7

61.

Ainsi que je l’ai déjà relevé, l’article 50 de la Charte est rédigé dans des termes identiques à ceux de l’article 4 du protocole no 7, la seule différence concernant le champ d’application territorial du principe ne bis in idem, lequel, dans le cas de la Charte, couvre l’ensemble de l’Union ( 65 ), alors que, dans l’hypothèse de l’article 4 du protocole no 7, ce champ ne vise que le territoire d’un État.

62.

Il est constant que la Charte doit être interprétée en conformité avec les dispositions correspondantes de la CEDH. Toutefois, la question qui se pose est celle de savoir si cette approche s’applique également dans les cas où une disposition de la CEDH ne lie pas tous les États membres. À cet égard, s’agissant de la prise en compte complète de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme aux fins de l’interprétation du principe ne bis in idem en droit de l’Union, des prises de positions diverses ont déjà été exposées ( 66 ).

63.

Selon moi, l’absence de ratification du protocole no 7 par certains États membres ne saurait affecter l’interprétation de l’article 50 de la Charte dès lors que ce fait ne peut pas changer la portée de ladite disposition. Dans le cas contraire, cela équivaudrait à reconnaître aux États membres un pouvoir d’interprétation unilatérale quant au contenu du régime des droits fondamentaux de l’Union. Or, à la lumière du principe de l’autonomie du droit de l’Union, en liaison avec la mission de la Cour d’assurer son interprétation uniforme, cela doit être exclu.

64.

Par conséquent, il convient de procéder à une interprétation cohérente de l’article 50 en lien avec l’article 4 du protocole no 7, en partant du principe d’identité de sens de ces deux dispositions en ce qui concerne les termes identiques y figurant.

5. La condition d’exécution prévue à l’article 54 de la CAAS entre-t-elle en conflit avec l’article 50 de la Charte?

65.

Eu égard à la complexité de la présente problématique, je propose d’analyser la relation entre l’article 54 de la CAAS et l’article 50 de la Charte comme suit. Tout d’abord, j’entends poser la question tenant à une éventuelle incompatibilité entre ces deux dispositions. Ensuite, si une telle incompatibilité ne pouvait pas être constatée, je propose de déterminer s’il s’agit d’une ingérence dans l’exercice d’un droit fondamental de ne pas être poursuivi ou puni deux fois pour une même infraction. Dans ce cadre, il conviendra d’analyser l’aptitude de la condition d’exécution énoncée à l’article 54 de la CAAS de constituer une telle ingérence. Enfin, il conviendra d’examiner les conditions figurant à l’article 52 de la Charte et viser en particulier celle du respect du contenu essentiel du droit fondamental en cause ainsi que l’examen de la proportionnalité de l’ingérence découlant de l’article 54 de la CAAS au regard de l’article 50 de la Charte.

66.

Il est constant que la condition d’exécution prévue à l’article 54 de la CAAS impose à l’application du principe ne bis in idem des conditions supplémentaires qui font défaut dans l’article 50 de la Charte et qui ne correspondent pas aux dérogations admises par l’article 4, paragraphe 2, du protocole no 7.

67.

De plus, il me semble que l’application de cette condition aboutit à un résultat qui n’est pas matériellement conforme à la jurisprudence précitée de la Cour européenne des droits de l’homme, qui reste toutefois applicable et limitée aux seules situations internes d’un État. En effet, la condition d’exécution prévue à l’article 54 de la CAAS n’empêche pas en soi d’entamer ou de continuer des poursuites concernant les mêmes faits alors même qu’un jugement pénal dans un autre État membre est devenu définitif.

68.

Toutefois, l’hypothèse d’incompatibilité avec la CEDH, soutenue uniquement par le représentant de M. Spasic, est envisageable dans quatre situations qui relèvent de l’expression «dans l’Union» figurant à l’article 50 de la Charte. Il s’agit des situations de doubles poursuites par les autorités de l’Union, de doubles poursuites par les autorités nationales et celles de l’Union, de doubles poursuites au niveau national et de doubles poursuites transfrontalières. Sachant que seuls les deux derniers cas sont pertinents dans le domaine de la coopération en matière pénale telle qu’elle existe en l’état actuel du droit de l’Union, il convient de limiter le débat à ceux-ci.

69.

Selon moi, la protection particulièrement élevée consacrée à l’article 4 du protocole no 7, selon laquelle l’on ne peut être poursuivi deux fois pour les mêmes faits, ainsi que le développement de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, au sein duquel l’exécution transfrontalière s’opère désormais grâce aux instruments du droit de l’Union relatifs à la reconnaissance mutuelle, conduiraient à pencher pour une application rigoureuse de l’article 50 de la Charte. Il en ressortirait donc à première vue une incompatibilité entre la condition d’exécution prévue à l’article 54 de la CAAS et la Charte.

70.

Néanmoins, cette conclusion risquerait de contredire les explications relatives à la Charte, qui semblent établir une distinction entre les situations nationales et les situations transfrontalières en ce qui concerne l’application du principe ne bis in idem.

71.

En effet, selon lesdites explications, «[e]n ce qui concerne les situations visées par l’article 4 du protocole no 7, à savoir l’application du principe à l’intérieur d’un même État membre, le droit garanti a le même sens et la même portée que le droit correspondant de la CEDH». L’article 50 correspond donc à l’article 4 du protocole no 7, mais «sa portée est étendue au niveau de l’Union européenne entre les juridictions des États membres». Cela semble impliquer que, dans les situations transfrontalières, le sens et la portée de l’article 50 de la Charte pourraient diverger de la CEDH. Cependant, il paraît que les auteurs des explications ont plutôt considéré que l’acquis de l’Union y mentionné constitue une limitation de l’exercice du droit fondamental prévu à l’article 50 de la Charte conformément à l’article 52, paragraphe 1, de celle-ci.

72.

De surcroît, le libellé peu précis de l’article 50 de la Charte ne permet pas de tirer des conclusions univoques et uniformes face à la multitude des situations dans lesquelles ledit principe pourrait trouver à s’appliquer, tant en dehors que dans le champ du droit pénal classique, dans le cas de situations moins évidentes que celle de l’espèce.

73.

Pour toutes ces raisons, je ne pense pas que la Cour pourrait déclarer la condition d’exécution incompatible en tant que telle avec la Charte.

6. La condition d’exécution constitue-t-elle une limitation ou une dérogation au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte?

– Sur l’existence d’une ingérence constitutive d’une atteinte à un droit fondamental

74.

Si l’on accepte l’interprétation des explications relatives à la Charte telle qu’exposée ci-dessus, il me semble impossible de nier l’existence de tout conflit entre la condition d’exécution et l’article 50 de la Charte. Or, une limitation ou une dérogation à un droit fondamental ne peut être envisagée que si la règle en question constitue une ingérence dans le droit fondamental concerné ( 67 ).

75.

En se référant à la jurisprudence des hautes juridictions allemandes ( 68 ) et à la lumière des explications de la Charte dans leur version mise à jour en 2007 ( 69 ), la juridiction de renvoi fait valoir que l’article 54 de la CAAS constitue une disposition limitative au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte. Selon la juridiction de renvoi, les termes desdites explications «[l]es exceptions très limitées par lesquelles ces conventions permettent aux États membres de déroger à la règle ‘ne bis in idem’» se réfèrent aux conventions ( 70 ) qui contiennent le principe ne bis in idem construit selon le modèle de la CAAS, ou à leurs dispositions dérogatoires, y compris les articles 54 à 58 de la CAAS.

76.

Il est certes vrai que la Cour est tenue de prendre dûment en considération ces explications conformément à l’article 6, paragraphe 1, troisième alinéa, TUE et à l’article 52, paragraphe 7, de la Charte ( 71 ). Cela implique a contrario que la Cour n’est pas liée par celles-ci dans l’interprétation de la Charte. De surcroît, dans les cas où lesdites explications renvoient à l’acquis de l’Union en ce qui concerne le droit dérivé, cela n’implique pas, à mon avis, que la question de la compatibilité de cet acquis avec la Charte ne puisse être remise en cause en tenant compte de l’évolution de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, de la Cour de justice ainsi que du développement du droit de l’Union.

77.

Sans vouloir prendre position sur la question de savoir quel est le statut des articles 55 à 58 de la CAAS au regard de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, certaines de ces dispositions me semblent clairement établir des limitations au droit fondamental constitué par le principe ne bis in idem.

78.

En revanche, cette qualité est moins claire s’agissant de l’article 54 de la CAAS. En effet, l’objectif de la condition d’exécution prévue à ladite disposition est plutôt de délimiter ou de préciser le champ d’application de la règle ne bis in idem dans un cadre transfrontalier que d’introduire une limitation ou une dérogation à ladite règle. Il est vrai que, dans ses observations écrites, la Commission qualifie la condition d’exécution de condition d’application de l’article 54 de la CAAS, et non d’exception à cette disposition. Toutefois, cette qualification interne à la disposition de la CAAS n’a pas d’incidence du point de vue de la relation entre l’article 54 de la CAAS dans son ensemble et l’article 50 de la Charte, sous l’angle de l’article 52 de la Charte.

79.

À cet égard, il convient donc de poser la question de savoir si la qualité de limitation en tant que telle dépend d’une appréciation subjective ou objective.

80.

Dans le premier cas, une norme constitue une limitation au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte seulement dans l’hypothèse où elle a été adoptée en tant que telle. Cette hypothèse, qui serait susceptible d’exclure la condition d’exécution prévue à l’article 54 de la CAAS du champ d’application dudit article 52, exige donc que le législateur ait adopté la norme aux fins de limiter le droit fondamental concerné et que, lors de l’adoption de la limitation, il ait également tenu compte de sa proportionnalité au sens de la seconde phrase dudit article.

81.

Toutefois, je pense que la notion de limitation visée à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte doit être conçue comme un concept objectif. Ainsi, toute disposition du droit de l’Union, ou celle du droit national mettant en œuvre le droit de l’Union qui, en droit ou en fait, est susceptible de limiter l’exercice des droits et libertés consacrés par la Charte, peut faire l’objet d’une appréciation de sa compatibilité avec la Charte et, en conséquence, de son aptitude à constituer une limitation au sens de l’article 52 de la Charte. De surcroît, le contrôle de la compatibilité des dispositions du droit de l’Union avec les droits fondamentaux consacrés par la Charte, qui n’est devenue juridiquement contraignante qu’en 2009, s’impose concernant les dispositions adoptées antérieurement ( 72 ).

82.

Par conséquent, l’application de la condition d’exécution prévue à l’article 54 de la CAAS peut constituer une limitation, au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, du droit fondamental défini à l’article 50 de celle-ci.

– Sur la justification de l’ingérence au regard des conditions de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte

83.

À titre liminaire, il convient de rappeler que la Cour reconnaît que, sauf certaines exceptions ( 73 ), les droits fondamentaux n’apparaissent pas comme des prérogatives absolues, mais peuvent comporter des restrictions, à condition que celles-ci répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis par la mesure en cause et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même des droits ainsi garantis ( 74 ). La Cour recherche donc dans sa jurisprudence un mécanisme qui permette de trouver un juste équilibre entre, d’une part, les différents droits et intérêts et, d’autre part, les droits fondamentaux et libertés économiques ( 75 ), et elle procède à cette pondération en tenant également compte des objectifs constitutifs de la limitation d’un droit fondamental ( 76 ).

84.

La Cour européenne des droits de l’homme applique un raisonnement comparable ( 77 ) en admettant que certains droits se prêtent à des limitations sous réserve que les limitations mises en œuvre n’affectent pas le droit dans sa substance même. En outre, de telles limitations ne se concilient avec la disposition concernée de la CEDH que si elles tendent à un but légitime et s’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé ( 78 ). En particulier, s’agissant de la détermination de l’ingérence au regard des libertés définies par la CEDH, le constat d’ingérence n’implique pas la violation de la convention, mais nécessite d’examiner si une telle ingérence remplit les conditions de légalité formelle (elle est prévue par la loi), de légalité matérielle (elle poursuit des buts légitimes au regard de la disposition concernée) et du caractère indispensable dans une société démocratique ( 79 ).

85.

Je rappelle que la première phrase de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte autorise des limitations des droits fondamentaux consacrées par la Charte sous réserve qu’elles soient prévues par la loi et respectent le contenu essentiel des droits et libertés concernés. La seconde phrase dudit article soumet ces limitations à un critère de proportionnalité ( 80 ).

86.

En l’occurrence, il va de soi que la condition d’exécution satisfait au critère selon lequel elle doit être prévue par la loi.

87.

En ce qui concerne le respect du contenu essentiel du droit fondamental en question, je considère, non sans hésitation, que ce critère est également satisfait par la condition d’exécution.

88.

Dans le cas du principe ne bis in idem, il est en effet difficile de cerner son contenu essentiel distinctif. En se fondant sur l’évolution de la protection internationale et nationale de ce droit fondamental, il paraît cependant possible d’identifier son «noyau dur». Ainsi, la substance de ce droit fondamental pourrait être conçue comme consistant dans i) l’interdiction des poursuites entamées après le prononcé d’un jugement final ii) de nature pénale classique iii) par les autorités du même État iv) dans l’hypothèse d’une identité des faits v) ainsi que d’une identité de leur qualification juridique tenant compte du bien faisant l’objet de la protection conformément au droit national applicable, vi) sous réserve que la première procédure ne soit pas entachée de vice grave ainsi que vii) sous réserve de l’absence de nouvelles preuves. Toutefois, ce droit fondamental n’est pas applicable aux crimes particulièrement graves tels que le génocide.

89.

Par conséquent, une ingérence peut être admise en dehors du champ du droit pénal classique, dans les cas de concours idéal d’infractions ainsi que dans les situations transfrontalières. Ce dernier cas est notamment celui de l’article 54 de la CAAS qui n’empêche pas de nouvelles poursuites pénales pour les mêmes faits que ceux pour lesquels la personne concernée a déjà été condamnée par un arrêt définitif dans un autre État membre. Cela est, par ailleurs, exactement la situation de M. Spasic.

90.

Au regard de ces observations, je propose de considérer que l’article 54 de la CAAS, qui reflète le principe ne bis in idem dans un cadre transfrontalier, respecte la substance du principe ne bis in idem en tant que droit fondamental.

– Sur la justification à l’aune du test de proportionnalité

91.

Dans ces conditions, il y a donc lieu de vérifier la proportionnalité de l’ingérence constatée. À cet égard, il convient de rappeler que le principe de proportionnalité exige, selon une jurisprudence constante de la Cour, que les actes des institutions de l’Union soient aptes à réaliser les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause et ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation de ces objectifs ( 81 ).

92.

En ce qui concerne l’objectif d’intérêt général sous-jacent à la limitation en cause en l’espèce, le droit fondamental de ne pas être poursuivi ou puni pénalement deux fois pour une même infraction, énoncé à l’article 50 de la Charte, est limité par l’article 54 de la CAAS au nom de l’objectif reconnu par l’Union consistant à éviter l’impunité dans le contexte de l’établissement de l’espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontières intérieures au sens de l’article 3, paragraphe 2, TUE, au sein duquel est assurée la libre circulation des personnes.

93.

En ce qui concerne l’aptitude de l’application de la condition d’exécution à atteindre le but visant à empêcher l’impunité, il convient tout d’abord de s’interroger quant à la justification de l’exercice de la compétence pénale par les autorités allemandes pour poursuivre M. Spasic après sa condamnation par le Tribunale di Milano par un arrêt devenu définitif. Deux hypothèses me semblent envisageables à cet égard.

94.

Si le motif des poursuites est de vouloir imposer à M. Spasic une seconde sanction qui serait plus sévère que celle découlant de l’arrêt du Tribunale di Milano du 18 juin 2012 reflétant la peine réduite à la suite de l’accord conclu entre le prévenu et le ministère public, afin de garantir une protection plus élevée à la victime de nationalité allemande, force est de constater que le droit de l’Union ne subordonne pas l’application du principe ne bis in idem à l’harmonisation ou au rapprochement des législations pénales des États membres. Il est donc requis qu’il existe une confiance mutuelle des États membres dans leurs systèmes respectifs de justice pénale et que chacun des États membres accepte l’application du droit pénal en vigueur dans les autres États membres, quand bien même la mise en œuvre de son propre droit national conduirait à une solution différente ( 82 ). Ce motif ne saurait donc être accepté comme justifiant l’application de la condition d’exécution à la lumière du principe de proportionnalité.

95.

Si, en revanche, le motif de l’application de la condition d’exécution prévue à l’article 54 de la CAAS repose sur la crainte que, en l’absence de poursuites en Allemagne, M. Spasic ne reste impuni pour l’infraction qu’il a commise à Milan, l’ingérence par rapport au droit fondamental prévu à l’article 50 de la Charte est en principe apte à atteindre le but visant à empêcher l’impunité.

96.

Cependant, cette dernière hypothèse met également en doute l’exigence de confiance mutuelle entre les États membres quant à leurs systèmes respectifs de justice pénale. J’observe à cet égard que, le 5 janvier 2013, le parquet près le Tribunale di Milano a adopté la décision ordonnant l’incarcération du condamné afin qu’il purge la peine d’emprisonnement en Italie ( 83 ). Or, la République italienne n’a pas encore émis de mandat d’arrêt européen à cette fin.

97.

Cela m’amène à examiner la nécessité, au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, de l’application de la condition d’exécution.

98.

Selon moi, l’impératif consistant à empêcher l’impunité ne requiert pas l’application généralisée de la condition d’exécution ainsi que le prévoit l’article 54 de la CAAS parce que le critère de la nécessité ne peut plus être considéré comme satisfait systématiquement en l’état actuel du droit de l’Union.

99.

En effet, l’interrogation exprimée par la Commission dans le livre vert cité ci-dessus au sujet de la justification de la condition d’exécution dans le contexte d’une exécution transfrontalière fondée sur des instruments reposant sur la reconnaissance mutuelle ( 84 ) est devenue effectivement plus pertinente.

100.

Le droit de l’Union fournit à l’heure actuelle les instruments juridiques de droit dérivé de nature moins intrusive ( 85 ), qui sont susceptibles de permettre aux États membres d’exécuter les sanctions pénales dans les cas où le condamné se trouve dans un autre État membre ainsi que d’échanger les informations y relatives ( 86 ). Par ailleurs, plusieurs actes du droit dérivé en matière de coopération en droit pénal se réfèrent au principe ne bis in idem, lequel n’est pas assorti d’une condition d’exécution ( 87 ).

101.

Dans ce contexte, soumettre systématiquement les personnes déjà condamnées par un arrêt pénal définitif à un risque de duplication des poursuites dans un autre État membre dépasse les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation de l’objectif poursuivi.

102.

Par ailleurs, tout en admettant que le principe selon lequel «toute peine doit être exécutée» fait partie de l’État de droit ( 88 ), je considère que les États membres disposent d’un pouvoir discrétionnaire s’agissant des moyens à adopter afin d’exécuter des arrêts rendus par les juridictions nationales. Dans les cas relevant du champ d’application de l’article 54 de la CAAS, il est possible que le premier État membre n’ait pas encore voulu ou pu exécuter un arrêt, par exemple eu égard à la législation nationale exigeant une procédure particulière pour déterminer in concreto les modes d’exécution, à cause de l’insuffisance des places dans les établissements pénitentiaires, parce que la personne concernée purge une autre peine dans un autre État ou à cause d’un accord individuel comportant l’ajournement d’exécution pour des raisons familiales ou relatives à la santé du condamné. Le droit de l’Union ne saurait donc par exemple imposer à un État une obligation d’émission d’un mandat d’arrêt européen aux fins d’empêcher l’impunité ( 89 ).

103.

Pour tous ces motifs, la condition d’exécution dans son application généralisée ne satisfait pas au critère de proportionnalité et ne peut pas être considérée comme une atteinte justifiée au droit de ne pas être poursuivi ou jugé pénalement deux fois au sens de l’article 52 de la Charte.

104.

À cet égard, force est de constater que, conformément à la jurisprudence, les États membres sont tenus non seulement d’interpréter mais également d’appliquer un acte du droit dérivé de manière conforme aux droits fondamentaux ( 90 ). Cette obligation peut impliquer un devoir de ne pas appliquer l’acte en question dans toutes les situations résultant de son libellé ( 91 ).

105.

En effet, il existe encore, en l’état actuel du droit de l’Union, des cas limités où l’application de la condition d’exécution de l’article 54 de la CAAS doit être considérée comme nécessaire à la réalisation de l’objectif recherché.

106.

Tel est, premièrement, le cas des situations qui relèvent du champ d’application de l’article 4, paragraphe 2, du protocole no 7, tel qu’interprété par la Cour européenne des droits de l’homme. Il me semble évident qu’une dérogation applicable conformément à la CEDH à des situations nationales peut être appliquée dans les situations transfrontalières qui s’ajoutent en vertu de la Charte au champ d’application du droit fondamental ne bis in idem.

107.

Deuxièmement, selon moi, les crimes dont les États sont tenus de punir les auteurs en vertu du droit international général, tels que les crimes contre l’humanité, le génocide et les crimes de guerre, doivent être poursuivis une seconde fois si l’application du principe ne bis in idem aboutissait à leur impunité ( 92 ). Une décision du Conseil concernant les enquêtes et les poursuites pénales relatives aux génocides, aux crimes contre l’humanité et aux crimes de guerre reflète également la nécessité d’une approche stricte à cet égard ( 93 ).

108.

Troisièmement, afin d’éviter l’impunité, de nouvelles poursuites judiciaires et une nouvelle peine seraient nécessaires également en cas d’obstacle durable à l’entraide en matière d’exécution des décisions. Cela correspond à l’hypothèse où, malgré l’application ou en l’absence d’application des instruments moins intrusifs à la disposition des autorités de deux États membres concernés, l’objectif de l’Union visant à empêcher l’impunité risque d’être anéanti.

109.

Par ailleurs, la Commission rappelle à juste titre les obligations énoncées aux articles 10 à 12 de la décision-cadre 2009/948, conformément auxquels les autorités de deux États concernés qui revendiquent des compétences concurrentes pour la mise en œuvre d’une procédure pénale sont obligées d’engager des consultations afin d’éviter les conséquences négatives découlant de l’existence de procédures simultanées. Il est vrai que formellement cette obligation s’éteint à la suite de l’adoption d’une décision finale dans l’un ou l’autre État membre. Toutefois, selon moi, l’article 57, paragraphe 1, de la CAAS interprété conformément au principe de loyauté et dans l’esprit de la protection des droits fondamentaux peut constituer une source d’une telle obligation ( 94 ).

110.

Eu égard à tout ce qui précède, je propose à la Cour de répondre à la première question préjudicielle en ce sens que, en l’état actuel du droit de l’Union, l’application de la condition d’exécution prévue à l’article 54 de la CAAS constitue une ingérence proportionnelle et donc justifiée au sens de l’article 52 de la Charte par rapport dans le droit fondamental de ne pas être poursuivi ou puni deux fois pour la même infraction énoncé à l’article 50 de la Charte dans les cas relevant du champ d’application de l’article 4, paragraphe 2, du protocole no 7, dans l’hypothèse où les États membres sont tenus de punir des actes en vertu du droit international ainsi que dans l’hypothèse où les mesures applicables en vertu du droit de l’Union ne sont pas suffisantes pour empêcher l’impunité. En l’espèce, il incombe à la juridiction nationale de déterminer si cette dernière hypothèse se pose en l’espèce.

C – Sur la seconde question, relative à l’interprétation de la condition d’exécution au sens de l’article 54 de la CAAS

111.

Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, au sens de l’article 54 de la CAAS, il y a lieu de considérer que la sanction prononcée par une juridiction d’un État contractant «a été subie» ou «est actuellement en cours d’exécution» ou «ne peut plus être exécutée» lorsqu’un prévenu a été, conformément au droit de l’État contractant, condamné à une sanction composée de deux éléments, à savoir une peine privative de liberté et une peine pécuniaire et que seule la peine pécuniaire a été exécutée.

112.

En effet, M. Spasic ayant effectué le paiement de l’amende de 800 euros, il fait valoir que, à la suite d’une telle exécution partielle, la sanction doit être considérée comme «subie» ou «en cours d’exécution» au sens de l’article 54 de la CAAS. Je note que, dans ses observations, la Commission partage cette position, compte tenu de cette exécution partielle de la peine et du fait que la détention du prévenu dans un autre État membre rend l’exécution immédiate du deuxième élément de la sanction objectivement impossible en pratique. Ainsi, une deuxième procédure pénale visant à empêcher l’impunité ne s’imposerait pas selon la Commission.

113.

À cet égard, s’agissant de la nature du jugement prononcé par le Tribunale di Milano, je note qu’il ressort du dossier que ledit arrêt a été prononcé «en l’absence» du prévenu. En effet, le juge italien indique clairement que, lors du procès, M. Spasic se trouvait en prison en Autriche. Par ailleurs, il ressort également dudit jugement que le prévenu a conclu un accord avec le ministère public afin de pouvoir bénéficier d’une réduction de peine en vertu de l’article 444 du code pénal italien. Ce cas de figure ne constitue donc pas un exemple classique de jugement par contumace. Toutefois, l’article 54 de la CAAS me semble pleinement applicable dans le cas d’espèce, dès lors que la condition préalable d’application de cette disposition est uniquement celle du prononcé d’un jugement définitif par une partie contractante ( 95 ).

114.

En outre, je rappelle que le principe ne bis in idem énoncé à l’article 54 de la CAAS joue deux rôles fondamentaux. D’une part, il constitue non pas une simple règle d’ordre procédural, mais une garantie fondamentale des citoyens dans les systèmes juridiques qui sont fondés sur la reconnaissance à l’individu d’un ensemble de droits et de libertés face à l’action des pouvoirs publics. Ladite disposition constitue donc une limite à l’exercice du droit de poursuivre et de réprimer un fait délictueux ( 96 ). D’autre part, ledit article sert à garantir la sécurité juridique par le respect des décisions des organes publics devenues définitives en l’absence d’harmonisation ou de rapprochement des législations pénales des États membres ( 97 ).

115.

Cet aspect relatif à l’absence d’harmonisation me paraît important pour répondre à la présente question, eu égard à la variété des systèmes d’imposition des peines dans les droits nationaux. Par conséquent, l’interprétation de l’article 54 de la CAAS doit, au cas par cas, respecter le type de peine prononcée et les spécificités du système pénal de l’État membre de condamnation ( 98 ).

116.

Dans le cas d’espèce, il s’agit d’une condamnation pour un seul délit. En vertu de l’article 640 du code pénal italien, le juge italien a prononcé deux peines, qui sont considérées en droit pénal italien comme des «peines principales», à savoir la peine privative de liberté et l’amende ( 99 ). Ainsi que l’a confirmé lors de l’audience l’agent du gouvernement italien, il ne s’agit donc pas d’une peine principale et d’une peine accessoire au sens du droit italien.

117.

S’agissant des trois volets de la condition d’exécution au sens de l’article 54 de la CAAS, il convient de constater ce qui suit.

118.

En premier lieu, en ce qui concerne la condition d’une peine «ayant été subie», il paraît clair que, dans l’hypothèse du prononcé de deux peines pour la même infraction, ce qui est le cas du jugement italien en l’espèce, l’exécution de l’une d’entre elles ne saurait conduire à considérer ladite condition comme remplie. Certes, en l’occurrence, le paiement de l’amende de 800 euros doit être considéré comme une «peine subie». Toutefois, s’agissant de la peine privative de liberté, il ne fait aucun doute que le prévenu ne l’a pas encore «subie».

119.

Une interprétation différente conduirait en effet à vider de son sens le principe ne bis in idem énoncé à l’article 54 de la CAAS au regard de ses deux fonctions rappelées ci-dessus. Or, ainsi que la Cour l’a rappelé dans l’affaire Gözütok et Brügge, l’interprétation dudit article doit garantir une application utile dudit principe ( 100 ).

120.

En tout état de cause, s’agissant en particulier de la peine d’emprisonnement, il est constant que la peine à laquelle le prévenu a été condamné peut subir des modifications au cours de son exécution: réduction de durée, sorties temporaires, libération anticipée, libération anticipée sous conditions. La peine d’emprisonnement doit donc être considérée comme «ayant été subie» dans l’hypothèse de la libération conditionnelle, dès lors que le processus d’exécution répond à la condition tenant au caractère définitif et exhaustif. Il n’est donc pas exigé que la peine à laquelle l’intéressé a été condamné soit purgée dans sa totalité. Dans un tel cas, une nouvelle peine ne peut pas être prononcée sans qu’un nouveau manquement ou qu’une nouvelle infraction ne soient commis ( 101 ).

121.

En deuxième lieu, s’agissant de la condition selon laquelle la sanction doit être «actuellement en cours d’exécution», elle ne me semble pas non plus remplie en l’espèce.

122.

À cet égard, s’agissant de la peine d’emprisonnement, M. Spasic n’étant pas détenu dans une prison italienne afin d’exécuter le jugement du Tribunale di Milano, l’absence de la satisfaction de cette condition ne donne lieu à aucun doute raisonnable.

123.

À cet égard, je relève qu’il ressort clairement de l’arrêt du Tribunale di Milano du 18 juin 2012 que le sursis à l’exécution n’a pas été demandé au stade dudit arrêt et, comme l’agent du gouvernement italien l’a confirmé à l’audience, un éventuel sursis d’office conformément au droit italien ne se pose plus en l’espèce ( 102 ). Je rappelle que la Cour a déjà précisé qu’une peine d’emprisonnement assortie d’un sursis, en ce qu’elle pénalise le comportement illicite d’une personne condamnée, constitue une sanction au sens de l’article 54 de la CAAS. Ladite peine doit être considérée comme étant «actuellement en cours d’exécution» dès lors que la condamnation est devenue exécutoire ainsi que durant la période d’épreuve. Ensuite, une fois que la période d’épreuve est achevée, la peine doit être considérée comme «ayant été subie» au sens de cette même disposition ( 103 ).

124.

Enfin, nous ne nous trouvons manifestement pas en présence d’un cas dans lequel la sanction «ne peut plus être exécutée» selon les lois de l’État de condamnation. Il ressort de la décision du 5 janvier 2013 du parquet près le Tribunale di Milano que les autorités italiennes partent de l’idée que la peine privative de liberté est exécutoire.

125.

Par conséquent, je propose de répondre à la deuxième question préjudicielle en ce sens que la condition de l’article 54 de la CAAS n’est pas remplie lorsqu’un prévenu a été, conformément au droit de l’État contractant, condamné à une sanction composée de deux éléments indépendants, à savoir une peine privative de liberté et une peine pécuniaire, et que seule une peine pécuniaire a été subie, tandis que l’autre peine n’est ni subie ni actuellement en cours d’exécution, mais peut être encore exécutée selon les lois de l’État membre de condamnation.

V – Conclusion

126.

Pour ces raisons je propose à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par l’Oberlandesgericht Nürnberg comme suit:

1)

En l’état actuel du droit de l’Union, l’application de la condition d’exécution prévue à l’article 54 de la convention d’application de l’accord de Schengen du 14 juin 1985 entre les gouvernements des États de l’Union économique Benelux, la République fédérale d’Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes constitue une ingérence proportionnelle et donc justifiée au sens de l’article 52 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne dans le droit fondamental de ne pas être poursuivi ou puni pénalement deux fois pour la même infraction énoncé à l’article 50 de la Charte

dans les cas relevant du champ d’application de l’article 4, paragraphe 2, du protocole no 7 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signé à Strasbourg le 22 novembre 1984, tel qu’amendé par le protocole no 11 à compter de l’entrée en vigueur de ce dernier le 1er novembre 1998,

dans l’hypothèse où les États membres sont tenus de punir des actes en vertu du droit international ainsi que

dans l’hypothèse où les mesures applicables en vertu du droit de l’Union ne sont pas suffisantes pour empêcher l’impunité.

Il incombe à la juridiction de renvoi de déterminer si cette dernière hypothèse se pose en l’espèce.

2)

La condition de l’article 54 de ladite convention d’application de l’accord de Schengen n’est pas remplie lorsqu’un prévenu a été, conformément au droit de l’État contractant, condamné à une sanction composée de deux éléments indépendants, à savoir une peine privative de liberté et une peine pécuniaire, et que seule une peine pécuniaire a été subie, tandis que l’autre peine n’est ni subie ni actuellement en cours d’exécution, mais peut être encore exécutée selon les lois de l’État membre de condamnation.


( 1 ) Langue originale: le français.

( 2 ) Il convient de préciser que les autorités allemandes ont émis plusieurs mandats d’arrêt, tant nationaux qu’européens, qui ont été rectifiés également par la suite. Pour les détails, voir cadre factuel.

( 3 ) Convention d’application de l’accord de Schengen du 14 juin 1985 entre les gouvernements des États de l’Union économique Benelux, la République fédérale d’Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes (JO 2000, L 239, p. 19).

( 4 ) Voir arrêt Kretzinger (C‑288/05, EU:C:2007:441, point 39).

( 5 ) Signé à Strasbourg le 22 novembre 1984, tel qu’amendé par le protocole no 11 à compter de l’entrée en vigueur de ce dernier le 1er novembre 1998 (ci-après le «protocole no 7»).

( 6 ) Cour EDH, Zolotoukhine c. Russie, 10 février 2009, no 14939/03, § 80 à 84.

( 7 ) Cour EDH, Muslija c. Bosnie-Herzégovine, 14 janvier 2014, no 32042/11, § 37 relatif à la duplication des procédures.

( 8 ) Il semble que les autorités allemandes possèdent un pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne les poursuites visant les actes commis en dehors du territoire auquel s’applique le code pénal. Voir article 153 ter (§ 153 c) du code de procédure pénale allemand (Strafprozeßordnung).

( 9 ) Selon le point 26 du rapport explicatif sur le protocole no 7, «[l’article 4] établit le principe selon lequel une personne ne peut être poursuivie ou punie pénalement par les juridictions du même État en raison d’une infraction pour laquelle elle a déjà été acquittée ou condamnée par un jugement définitif (non bis in idem)»: http://conventions.coe.int/Treaty/FR/Reports/Html/117.htm.

( 10 ) Il ressort des explications relatives à l’article 50 de la Charte que la règle ne bis in idem s’applique non seulement à l’intérieur de la juridiction d’un même État, mais aussi entre les juridictions de plusieurs États membres, ce qui correspond à l’acquis du droit de l’Union. Il est précisé que la règle du non-cumul vise le cumul de deux sanctions de même nature, en l’espèce pénales. Les exceptions très limitées par lesquelles les articles 54 à 58 de la CAAS, l’article 7 de la convention relative à la protection des intérêts financiers de la Communauté et l’article 10 de la convention relative à la lutte contre la corruption permettent aux États membres de déroger à la règle ne bis in idem sont couvertes par la clause horizontale de l’article 52, paragraphe 1, sur les limitations. En ce qui concerne les situations visées par l’article 4 du protocole no 7, à savoir l’application du principe à l’intérieur d’un même État membre, le droit garanti a le même sens et la même portée que le droit correspondant de la CEDH.

( 11 ) JO 2000, L 239, p. 13.

( 12 ) JO 1997, C 340, p. 93.

( 13 ) Voir annexe au protocole sur l’acquis de Schengen, point 2.

( 14 ) Le Royaume de Belgique, le Royaume de Danemark, la République fédérale d’Allemagne, la République hellénique, le Royaume d’Espagne, la République française, la République italienne, le Grand-Duché de Luxembourg, le Royaume des Pays-Bas, la République d’Autriche, la République portugaise, la République de Finlande et le Royaume de Suède.

( 15 ) JO 2008, C 115, p. 290.

( 16 ) JO 2008, C 115, p. 322.

( 17 ) Conformément à l’article 121 du code de procédure pénale allemand, intitulé «Détention préventive au-delà de six mois», «[t]ant qu’un jugement n’est pas rendu, prononçant une peine privative de liberté […], l’exécution de la détention préventive pour le même fait ne peut être prolongée au-delà de six mois que si la difficulté particulière ou l’étendue particulière des investigations ou une autre cause importante ne permettent pas encore le jugement et justifient la continuation de la détention. […]».

( 18 ) La mention par le Conseil de l’adoption récente de la directive concernant la décision d’enquête européenne, laquelle doit remplacer les dispositions correspondantes de la CAAS, ne me paraît pas pouvoir modifier cette conclusion. Voir directive du Parlement européen et du Conseil concernant la décision d’enquête européenne en matière pénale, en voie de publication au Journal officiel de l’Union européenne (voir doc. PE-CONSE 122/13).

( 19 ) Il ressort de l’information relative à la date d’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam, publiée au Journal officiel des Communautés européennes du 1er mai 1999 (JO L 114, p. 56), que la République fédérale d’Allemagne a fait une déclaration au titre de l’article 35, paragraphe 2, UE, par laquelle cet État membre a accepté la compétence de la Cour pour statuer à titre préjudiciel selon les modalités prévues à l’article 35, paragraphe 3, sous b), UE. Il convient de rappeler que l’article 35 UE reste applicable ratione temporis cinq ans après la date d’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, à savoir jusqu’au 1er décembre 2014.

( 20 ) Décision du 20 mai 1999 déterminant, conformément aux dispositions pertinentes du traité instituant la Communauté européenne et du traité sur l’Union européenne, la base juridique de chacune des dispositions ou décisions constituant l’acquis de Schengen (JO L 176, p. 17).

( 21 ) Pour une analyse, voir, Van Raepenbusch, S., «Le traité d’Amsterdam et la Cour de justice», Bulletin de la Cour, septembre 1997, no 51.

( 22 ) Sur la délimitation des compétences entre les premier et troisième piliers, voir arrêt Commission/Conseil (C‑170/96, EU:C:1998:219).

( 23 ) Arrêt McB. (C‑400/10 PPU, EU:C:2010:582, point 52).

( 24 ) Ainsi qu’il ressort de la demande de décision préjudicielle, conformément à l’article 7, paragraphe 1, du code pénal allemand (Strafgesetzbuch), le prévenu relève de la compétence de la République fédérale d’Allemagne en matière pénale en raison de la nationalité de la victime.

( 25 ) C‑398/12, EU:C:2014:65, point 51. Pour des tentatives de régler le problème, l’avocat général renvoie, dans la note en bas de page, au Livre vert sur les conflits de compétence et le principe ne bis in idem dans le cadre des procédures pénales, adopté par la Commission [COM (2005) 696 final].

( 26 ) Da Cunha Rodrigues, J. N., «À propos du principe ‘Ne bis in idem’ – Un regard sur la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes», Une communauté de droit, Festschrift für Gil Carlo Rodriguez Iglesias, Berlin, 2003, p. 165.

( 27 ) Arrêts van Esbroeck (C‑436/04, EU:C:2006:165, points 27 et 36); van Straaten (C‑150/05, EU:C:2006:614, points 41, 47 et 48), et Mantello (C‑261/09, EU:C:2010:683, point 39).

( 28 ) Arrêt van Straaten (EU:C:2006:614, point 55) et, a contrario, arrêt Miraglia (C‑469/03, EU:C:2005:156, points 29 et 30).

( 29 ) Voir, en ce sens, arrêt Gasparini e.a. (C‑467/04, EU:C:2006:610, point 33) et van Esbroeck (EU:C:2006:165, point 21).

( 30 ) Le caractère autonome de la notion «d’accusation en matière pénale» a été consacré par la Cour EDH dans l’arrêt Engel c. Pays-Bas, 8 juin 1976, no 5100/71. Je vise par le terme «classique» le droit pénal répressif, qui exprime une condamnation sociale ou morale grave de l’acte en question et qui est qualifié en tant que tel par le droit applicable. Voir également arrêt Bonda (C‑489/10, EU:C:2012:319, points 37 et suiv.).

( 31 ) Ce principe interdit donc de sanctionner une même personne plus d’une fois pour un même comportement illicite afin de protéger le même bien juridique. Voir arrêt Aalborg Portland e.a./Commission (C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, point 338).

( 32 ) Voir arrêts Wilhelm e.a. (14/68, EU:C:1969:4, point 11); Tréfileurope/Commission (T‑141/89, EU:T:1995:62, point 191), et Sotralentz/Commission (T‑149/89, EU:T:1995:69, point 29). Par ailleurs, la préservation d’une concurrence non faussée sur le territoire de l’Union ou dans l’Espace économique européen est considérée comme l’objet distinct de la protection par rapport au marché d’un pays tiers. La Commission n’est donc pas tenue d’obéir au principe de non-cumul des sanctions et de prendre en compte les sanctions infligées antérieurement. Voir, sur l’application du principe ne bis in idem, arrêt Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission (T‑224/00, EU:T:2003:195, points 90 à 93), qui contient également une analyse de la portée de l’article 50 de la Charte, qui n’est pas applicable en cas d’infraction au droit de la concurrence de portée mondiale.

( 33 ) Voir préambule du règlement (CE, Euratom) no 2988/95 du Conseil, du 18 décembre 1995, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes (JO L 312, p. 1).

( 34 ) Voir arrêt Beneo-Orafti (C‑150/10, EU:C:2011:507, points 68 et suiv.).

( 35 ) Arrêt Wilhelm e.a. (EU:C:1969:4, point 11).

( 36 ) Cour EDH, X c. République fédérale d’Allemagne, 16 mai 1977, no 7680/76; X c. Belgique, 16 mai 1977, no 7697/76, et Gestra c. Italie, 16 janvier 1995, no 21072/92.

( 37 ) Je relève que, souvent, comme par exemple dans les explications relatives à la Charte, ledit principe est nommé «non bis in idem». Selon van Boeckel, c’est la variante «ne bis in idem» qui serait plus correcte selon les règles de la grammaire latine. Voir van Boeckel, Blas, The Ne Bis In Idem Principle in EU Law, Kluwer Law International BV, Alphen an den Rijn, 2010, p. 31.

( 38 ) 18/65 et 35/65, EU:C:1966:24.

( 39 ) Voir arrêts Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission (C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, point 59) et Showa Denko/Commission (C‑289/04 P, EU:C:2006:431, point 50).

( 40 ) Ces principes sont incorporés respectivement dans les locutions latines «nemo debet bis vexari pro una et eadem causa» et «nemo debet bis puniri pro uno delicto».

( 41 ) Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur la reconnaissance mutuelle des décisions finales en matière pénale [COM (2000) 495 final].

( 42 ) Conclusions Gözütok et Brügge (C‑187/01, EU:C:2002:516, points 49 et 50).

( 43 ) En réalité, un texte comparable mais peu connu établissait une première interdiction des doubles poursuites et des doubles peines au niveau communautaire: la résolution du Parlement européen du 12 avril 1989 portant adoption de la Déclaration des droits et libertés fondamentaux (voir, en particulier, articles 20 et 25 de ladite déclaration, relatifs au principe ne bis in idem) (JO 1989, C 120, p. 51).

( 44 ) Convention entre les États membres des Communautés européennes du 25 mai 1987, mentionnée par la Cour dans l’arrêt Gözütok et Brügge (C‑187/01 et C‑385/01, EU:C:2003:87, point 46).

( 45 ) Voir article 2 du protocole additionnel du 15 octobre 1975 à la convention du Conseil de l’Europe sur l’extradition du 13 décembre 1957 ayant modifié l’article 9 de ladite convention. Voir également article 35 de la convention européenne sur la transmission des procédures répressives du 15 mai 1972.

( 46 ) Arrêt Miraglia (EU:C:2005:156, points 33 et 34).

( 47 ) Arrêt Kretzinger (EU:C:2007:441, point 51).

( 48 ) Décision-cadre du Conseil du 13 juin 2002 relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres (JO L 190, p. 1).

( 49 ) Sur l’interprétation des motifs de non-exécution d’un mandat d’arrêt européen, voir, notamment, arrêts Kozłowski (C‑66/08, EU:C:2008:437) et Wolzenburg (C‑123/08, EU:C:2009:616).

( 50 ) Voir, à cet égard, les mesures figurant aux notes en bas de page no 85 à 87 des présentes conclusions.

( 51 ) Acte du Conseil du 26 juillet 1995 établissant la convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes (JO C 316, p. 48).

( 52 ) Acte du Conseil du 26 mai 1997 établissant la convention établie sur la base de l’article K.3 paragraphe 2 point c) du traité sur l’Union européenne, relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des États membres de l’Union européenne (JO C 195, p. 1).

( 53 ) Décision-cadre du Conseil du 27 novembre 2008 concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté aux fins de leur exécution dans l’Union européenne (JO L 327, p. 27).

( 54 ) Voir note en bas de page no 87 dans les présentes conclusions.

( 55 ) Livre vert sur les conflits des compétences et le principe ne bis in idem dans le cadre des procédures pénales.

( 56 ) Ibidem (point 3).

( 57 ) Voir article 1er du projet d’accord d’adhésion: http://www.coe.int/t/dghl/standardsetting/hrpolicy/accession/Meeting_reports/47_1(2013)008rev2_FR.pdf

( 58 ) Il semble que l’absence de ratification soit liée à l’article 1er du protocole no 7. Voir rapport du Bundestag, p. 3: http://dip21.bundestag.de/dip21/btd/17/129/1712996.pdf

( 59 ) Déclaration faite lors de la signature, le 19 mars 1985, accessible sur le site du Conseil de l’Europe: http://conventions.coe.int/Treaty/Commun/ListeDeclarations.asp?CL=FRE&NT=117&VL=0

( 60 ) Cour EDH Zolotoukhine c. Russie, 10 février 2009, no 14939/03, § 84.

( 61 ) Dans ce cadre, ladite notion a été interprétée comme visant la seule matérialité des faits et englobant un ensemble de circonstances concrètes indissociablement liées entre elles, indépendamment de la qualification juridique de ces faits ou de l’intérêt juridique protégé (voir arrêts van Esbroeck, EU:C:2006:165, points 27, 32, 36 et 42; Gasparini e.a., EU:C:2006:610, point 54; van Straaten, EU:C:2006:614, points 41, 47 et 48, ainsi que Kraaijenbrink, C‑367/05, EU:C:2007:444, point 26). Il convient également de relever que cette notion de «mêmes faits», qui figure aussi dans la décision-cadre 2002/584/JAI, sur le mandat d’arrêt européen, a été interprétée par la Cour comme une notion autonome du droit de l’Union (voir arrêt Mantello, EU:C:2010:683, point 38).

( 62 ) À cet égard, je relève une incohérence terminologique entre le titre de l’article 50 de la Charte qui vise «le droit de ne pas être jugé ou puni pénalement deux fois» et le libellé de l’article 50 de la Charte aux termes duquel «nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement».

( 63 ) Voir, notamment, Cour EDH, Nikitine c. Russie, 20 juillet 2004, no 50178/99, § 37; Horciag c. Roumanie, 15 mars 2005, no 70982/01; Muslija c. Bosnie-Herzégovine, 14 janvier 2014, no 32042/11, ainsi que Zigarella c. Italie, 3 octobre 2002, no 48154/99.

( 64 ) «Thus the two proceedings were conducted concurrently. At the time the minor-offences conviction became final and required the force of res iudicata, the criminal proceedings were pending before the first-instance court. In these circumstances, the Court considers that the Municipal Court should have terminated the criminal proceedings following the delivery of a ‘final’ decision in the first proceedings», (arrêt Muslija c. Bosnie-Herzégovine, précité, § 37).

( 65 ) Selon les explications relatives à l’article 52 de la Charte, l’article 50 correspond à l’article 4 du protocole no 7, mais sa portée est étendue au niveau de l’Union entre les juridictions des États membres.

( 66 ) Voir conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Bonda (C‑489/10, EU:C:2011:845, point 43) ainsi que conclusions de l’avocat général Cruz Villalón dans l’affaire Åkerberg Fransson (C‑617/10, EU:C:2012:340, point 109).

( 67 ) Voir, récemment, arrêt Digital Rights Ireland (C‑293/12 et C‑594/12, EU:C:2014:238, points 32 et suiv.).

( 68 ) Le Bundesgerichtshof et le Bundesverfassungsgericht.

( 69 ) JO 2007, C 303, p. 17. Toutefois, aucun changement n’est intervenu s’agissant de l’article 50 de la Charte.

( 70 ) Voir note en bas de page no 10.

( 71 ) Voir arrêt Åkerberg Fransson (C‑617/10, EU:C:2013:105, point 20).

( 72 ) Parmi les exemples d’un examen au regard de la Charte de mesures de droit dérivé adoptées avant l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, voir arrêts Association belge des Consommateurs Test-Achats e.a. (C‑236/09, EU:C:2011:100); Volker und Markus Schecke et Eifert (C‑92/09 et C‑93/09, EU:C:2010:662), et Digital Rights Ireland (EU:C:2014:238).

( 73 ) Voir, en ce sens, arrêt Schmidberger (C‑112/00, EU:C:2003:333, point 80), qui vise le droit de toute personne à la vie ou l’interdiction de la torture ainsi que des peines ou traitements inhumains ou dégradants.

( 74 ) Voir arrêts Wachauf (5/88, EU:C:1989:321, point 18); Dokter e.a. (C‑28/05, EU:C:2006:408, point 75 et jurisprudence citée) ainsi que G. et R. (C‑383/13 PPU, EU:C:2013:533, point 33).

( 75 ) Voir ex multis, arrêts Promusicae (C‑275/06, EU:C:2008:54); Scarlet Extended (C‑70/10, EU:C:2011:771); Bonnier Audio e.a. (C‑461/10, EU:C:2012:219); Trade Agency (C‑619/10, EU:C:2012:531); Deutsches Weintor (C‑544/10, EU:C:2012:526); Schmidberger (EU:C:2003:333), et Commission/Allemagne (C‑271/08, EU:C:2010:426).

( 76 ) Arrêts Volker und Markus Schecke et Eifert (EU:C:2010:662, points 67 à 71) et Schwarz (C‑291/12, EU:C:2013:670, points 36 à 38).

( 77 ) Les trois catégories de droits au sens de la CEDH sont les droits susceptibles de limitations expresses, les droits relevant de l’article 15 de la CEDH et les droits de nature absolue comme l’article 3 de la CEDH. Voir Peers, S., Prechal, S., The EU Charter of Fundamental Rights, A Commentary, Hart Publishing 2014, p. 1462.

( 78 ) Sur le droit d’accès aux tribunaux, voir Cour EDH, Fogarty c. Royaume-Uni, 21 novembre 2001, no 37112/97.

( 79 ) Pour un exemple classique, voir Cour EDH, Silver c. Royaume-Uni, 25 mars 1983, nos 5947/72, 6205/73, 7052/75, 7061/75, 7107/75, 7113/75 et 7136/75.

( 80 )

( 81 ) Voir, en ce sens, arrêts Afton Chemical (C‑343/09, EU:C:2010:419, point 45); Volker und Markus Schecke et Eifert (EU:C:2010:662, point 74); Nelson e.a. (C‑581/10 et C‑629/10, EU:C:2012:657, point 71); Sky Österreich (C‑283/11, EU:C:2013:28, point 50); Schaible (C‑101/12, EU:C:2013:661, point 29), et Digital Rights (EU:C:2014:23, point 46).

( 82 ) Voir, en ce sens, arrêts Gözütok et Brügge (EU:C:2003:87, point 33); van Esbroeck (EU:C:2006:165, points 28 à 30, 35, 36, 38 et 42), et Bourquain (C‑297/07, EU:C:2008:708, points 35, 37 et 40).

( 83 ) Revoca di Decreto di Sospensione di ordine di esecuzione per la carcerazione ex art. 656 c. 8 cpp.

( 84 ) Livre vert sur les conflits de compétences et le principe ne bis in idem dans le cadre des procédures pénales.

( 85 ) Voir décision-cadre 2008/909, concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements en matière pénale; décision-cadre 2008/675/JAI du Conseil, du 24 juillet 2008, relative à la prise en compte des décisions de condamnation entre les États membres de l’Union européenne à l’occasion d’une nouvelle procédure pénale (JO L 220, p. 32), ainsi que des instruments liés tels que l’acte du Conseil du 29 mai 2000 établissant, conformément à l’article 34 du traité sur l’Union européenne, la convention relative à l’entraide judiciaire en matière pénale entre les États membres de l’Union européenne (JO C 197, p. 1), et décision-cadre 2009/315/JAI du Conseil, du 26 février 2009, concernant l’organisation et le contenu des échanges d’informations extraites du casier judiciaire entre les États membres (JO L 93, p. 23).

( 86 ) Décision 2009/316/JAI du Conseil, du 6 avril 2009, relative à la création du système européen d’information sur les casiers judiciaires (ECRIS), en application de l’article 11 de la décision-cadre 2009/315/JAI (JO L 93, p. 33).

( 87 ) Voir article 1er de la décision-cadre 2009/948/JAI du Conseil, du 30 novembre 2009, relative à la prévention et au règlement des conflits en matière d’exercice de la compétence dans le cadre des procédures pénales (JO L 328, p. 42); articles 4 et 7 de la décision-cadre 2005/214/JAI du Conseil, du 24 février 2005, concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux sanctions pécuniaires (JO L 76, p. 16); article 7, paragraphe 1, sous c), de la décision-cadre 2003/577/JAI du Conseil, du 22 juillet 2003, relative à l’exécution dans l’Union européenne des décisions de gel de biens ou d’éléments de preuve (JO L 196, p. 45); article 8, paragraphe 2, sous a), de la décision-cadre 2006/783/JAI du Conseil, du 6 octobre 2006, relative à l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux décisions de confiscation (JO L 328, p. 59); article 9, paragraphe 1, sous c), de la décision-cadre 2008/909, et article 11, paragraphe 1, sous c), de la décision-cadre 2008/947/JAI du Conseil, du 27 novembre 2008, concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements et aux décisions de probation aux fins de surveillance des mesures de probation et des peines de substitution (JO L 337, p. 102). Voir également les modifications apportées par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil, du 26 février 2009, portant modification des décisions-cadres 2002/584, 2005/214, 2006/783, 2008/909 et 2008/947, renforçant les droits procéduraux des personnes et favorisant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux décisions rendues en l’absence de la personne concernée lors du procès (JO L 81, p. 24).

( 88 ) Ainsi que l’a exprimé Cesare Beccaria, «La certitude d’une punition, même modérée, fera toujours plus d’impression que la crainte d’une peine terrible si à cette crainte se mêle l’espoir de l’impunité», Des délits et des peines, Livourne, 1764.

( 89 ) Je note, à cet égard, les instruments figurant dans la décision-cadre 2008/909 ainsi que dans la décision-cadre 2009/829/JAI du Conseil, du 23 octobre 2009, concernant l’application, entre les États membres de l’Union européenne, du principe de reconnaissance mutuelle aux décisions relatives à des mesures de contrôle en tant qu’alternative à la détention provisoire (JO L 294, p. 20), et dans la décision-cadre 2008/947/JAI du Conseil, du 27 novembre 2008, concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements et aux décisions de probation aux fins de la surveillance des mesures de probation et des peines de substitution (JO L 337, p. 102).

( 90 ) Voir, en ce sens, arrêt N. S. e.a. (C‑411/10 et C‑493/10, EU:C:2011:865, points 77 et 99).

( 91 ) Arrêt N. S. e.a. (EU:C:2011:865, points 105 et 106).

( 92 ) À cet égard, dans la doctrine, van Bockel (op. cit., p. 235) soutient la nécessité de pouvoir appliquer la condition d’exécution prévue à l’article 54 de la CAAS aux cas des criminels de guerre qui ont étés condamnés par contumace dans l’hypothèse où les peines prononcées n’ont été nullement exécutées.

( 93 ) Décision 2003/335/JAI du Conseil, du 8 mai 2003, concernant les enquêtes et les poursuites pénales relatives aux génocides, aux crimes contre l’humanité et aux crimes de guerre (JO L 118, p. 12).

( 94 ) Le critère «si elles l’estiment nécessaire» dans ladite disposition vise, selon moi, les situations où les autorités de l’État membre B sont déjà en possession des renseignements pertinents confirmant que la personne poursuivie a déjà été définitivement jugée par un autre État membre pour les mêmes faits. Il serait cynique d’autoriser lesdites autorités à ne pas chercher les renseignements pertinents même si elles «ont des raisons de croire que l’accusation concerne les mêmes faits que [ceux pour lesquels la personne] a déjà été définitivement jugée» dans un autre État membre.

( 95 ) Arrêt Bourquain (EU:C:2008:708, point 37).

( 96 ) Voir conclusions Gözütok et Brügge (EU:C:2002:516, point 114).

( 97 ) Arrêt van Esbroeck (EU:C:2006:165, points 28 à 30, 35, 36, 38 et 42).

( 98 ) À cet égard, je rappelle que, dans l’arrêt Gözütok et Brügge (EU:C:2003:87, point 29), la Cour a considéré que constituaient une «peine» sui generis les obligations imposées au prévenu à la suite d’une transaction proposée par le ministère public néerlandais.

( 99 ) Voir article 17 du code pénal italien.

( 100 ) EU:C:2003:87, point 35.

( 101 ) Par exemple, par l’inobservation des conditions de libération conditionnelle.

( 102 ) Ainsi qu’il ressort des explications fournies à l’audience par l’agent du gouvernement italien, une telle suspension ordonnée d’office est intervenue après l’arrêt du Tribunal di Milano et a été révoquée par la décision du 5 janvier 2013 citée ci-dessus (Revoca di Decreto di Sospensione di ordine di esecuzione per la carcerazione ex art. 656 c. 8 cpp).

( 103 ) Arrêt Kretzinger (EU:C:2007:441, point 42).

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