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Document 62013CJ0564

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 26 février 2015.
Planet AE Anonymi Etaireia Parochis Symvouleftikon Ypiresion contre Commission européenne.
Pourvoi - Article 340, premier alinéa, TFUE - Responsabilité contractuelle de l’Union - Article 272 TFUE - Clause compromissoire - Sixième programme-cadre pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration - Contrats relatifs aux projets Ontogov, FIT et RACWeb - Coûts éligibles et montants avancés par la Commission - Action déclaratoire - Absence d’intérêt à agir né et actuel.
Affaire C-564/13 P.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2015:124

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

26 février 2015 ( *1 )

«Pourvoi — Article 340, premier alinéa, TFUE — Responsabilité contractuelle de l’Union — Article 272 TFUE — Clause compromissoire — Sixième programme-cadre pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration — Contrats relatifs aux projets Ontogov, FIT et RACWeb — Coûts éligibles et montants avancés par la Commission — Action déclaratoire — Absence d’intérêt à agir né et actuel»

Dans l’affaire C‑564/13 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 31 octobre 2013,

Planet AE Anonymi Etaireia Parochis Symvouleftikon Ypiresion, établie à Athènes (Grèce), représentée par Mes V. Christianos et S. Paliou, dikigoroi,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant:

Commission européenne, représentée par M. R. Lyal, Mme B. Conte et M. D. Triantafyllou, en qualité d’agents, assistés de Me S. Drakakakis, avocat,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, MM. C. Vajda (rapporteur), A. Rosas, E. Juhász et D. Šváby, juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 24 septembre 2014,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 6 novembre 2014,

rend le présent

Arrêt

1

Par son pourvoi, Planet AE Anonymi Etaireia Parochis Symvouleftikon Ypiresion demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne Planet/Commission (T‑489/12, EU:T:2013:496, ci‑après l’«ordonnance attaquée»), par laquelle ce dernier a rejeté comme étant manifestement irrecevable son recours introduit au titre des articles 272 TFUE et 340, premier alinéa, TFUE et visant à faire constater que la Commission européenne avait violé plusieurs contrats conclus avec elle en rejetant les coûts de personnel propres aux cadres de rang supérieur qu’elle emploie et que, partant, ces coûts étaient éligibles et ne devaient pas être remboursés à la Commission.

Les antécédents du litige

2

Les antécédents du litige sont décrits comme suit aux points 1 à 22 de l’ordonnance attaquée:

«1

La requérante, PLANET AE Anonymi Etaireia Parohis Symvouleftikon Ypiresion, est une société de conseil en gestion d’entreprises et de projets. Elle collabore avec des partenaires internationaux et européens, dont la Commission [...], dans le secteur du conseil en stratégie, en informatique et en gestion de projets.

2

La présente affaire concerne les droits et les obligations de la Commission découlant des contrats conclus avec la requérante pour trois projets de recherche. Ces contrats étaient fondés sur la décision no 1513/2002/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 juin 2002, relative au sixième programme-cadre de la Communauté européenne pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration contribuant à la réalisation de l’espace européen de la recherche et à l’innovation (2002-2006) (JO L 232, p. 1).

3

Il s’agit, plus particulièrement, des contrats conclus entre la Communauté européenne, représentée par la Commission, et:

la requérante, agissant en tant que coordinateur et membre d’un consortium, signé le 17 décembre 2003 pour le projet ‘Ontology enabled E-Gov Service Configuration’ (Ontogov, no 507237);

le Forschungszentrum Informatik an der Universität Karlsruhe, agissant en tant que coordinateur d’un consortium dont la requérante était membre, signé le 21 décembre 2005 pour le projet ‘Fostering self-adaptive e-government service improvement using semantic technologies’ (FIT, no 27090);

la requérante, agissant en tant que coordinateur et membre d’un consortium, signé le 18 décembre 2006 pour le projet ‘Risk Assessment for Customs in Western Balkans’ (RACWeb, no 45101) (ci-après, pris ensemble, les ‘contrats en cause’).

4

L’article ΙΙ.24, paragraphe 1, point a), des contrats en cause prévoit que la contribution financière de l’Union européenne est fondée sur les coûts éligibles déclarés par les contractants.

5

Conformément à l’article II.8 des contrats en cause, la Commission doit, avant de rembourser les coûts déclarés par le consortium et/ou les contractants à la fin de chaque période de rapport, évaluer et approuver les rapports et les éléments livrables. Selon le paragraphe 4 du même article, l’approbation d’un rapport par la Commission n’implique pas l’exemption d’un audit ou d’un contrôle, qui peut être effectué conformément aux dispositions de l’article II.29.

6

L’article II.29 des contrats en cause prévoit ce qui suit:

‘1.   À tout moment pendant le contrat et jusqu’à cinq ans après la fin du projet, la Commission peut faire procéder à des audits soit par des réviseurs ou auditeurs scientifiques ou technologiques externes, soit par les services de la Commission eux-mêmes, y compris l’Office européen de lutte antifraude. Ces audits peuvent porter sur des aspects scientifiques, financiers, technologiques et autres (tels que les principes de comptabilité et de gestion) se rapportant à la bonne exécution du projet et du contrat. Ces audits s’effectuent sur une base confidentielle. Les montants qui seraient dus à la Commission d’après les résultats de ces audits peuvent faire l’objet d’un recouvrement comme indiqué à l’article ΙΙ.31 [...]

2.   Les contractants mettent directement à la disposition de la Commission toutes les données détaillées que cette dernière pourrait demander en vue de vérifier si le contrat est bien géré et exécuté.

3.   Les contractants conservent, pendant une période de cinq ans à partir de la fin du projet, l’original ou, dans des cas exceptionnels dûment justifiés, les copies certifiées conformes de l’original de tous les documents concernant le projet. Ces documents sont mis à la disposition de la Commission lorsqu’ils sont demandés durant l’exécution d’un audit dans le cadre du contrat.’

7

Conformément à l’article II.31, paragraphe 1, des contrats en cause, ‘lorsqu’un montant a été payé indûment au contractant ou lorsqu’un recouvrement est justifié dans les conditions du contrat, le contractant s’engage à rembourser à la Commission la somme en question dans les conditions et à la date précisées par elle’.

8

Enfin, selon l’article 12 des contrats en cause, ces derniers sont régis par la loi belge. L’article 13 dispose que ‘[l]e Tribunal [...] ou la Cour de justice des Communautés européennes, selon le cas, a compétence pour connaître des litiges entre la Communauté et les contractants quant à la validité, l’application ou l’interprétation du présent contrat’.

9

Au cours de la période comprise entre les 17 et 21 novembre 2008, ainsi que le 4 décembre 2008, une société d’audit externe a effectué, pour le compte de l’unité d’audit externe de la direction générale (DG) ‘Société de l’information et médias’ de la Commission (ci-après la ‘DG Information’), un audit financier de la requérante, axé sur les coûts déclarés pour certaines périodes au titre des projets Ontogov, FIT et RACWeb.

10

Par courrier électronique du 8 avril 2009, la société d’audit a transmis à la requérante le rapport d’audit provisoire qui remettait notamment en question les coûts de personnel concernant trois de [ses] cadres supérieurs (ci-après les ‘coûts litigieux’).

11

Le 29 mai 2009, la requérante a présenté ses observations sur ledit rapport d’audit provisoire.

12

Le 10 juillet 2009, la requérante a soumis une déclaration des coûts révisée, acceptant certaines recommandations de la société d’audit.

13

Par courrier du 11 novembre 2009, l’unité d’audit externe de la DG Information a exposé les raisons pour lesquelles elle maintenait les conclusions présentées dans le rapport d’audit provisoire et a transmis à la requérante le rapport d’audit final.

14

Par courrier du 23 décembre 2009, la requérante a contesté la conformité de l’audit et a invité la Commission à une rencontre afin de fournir des informations détaillées concernant ses objections.

15

Le 4 mars 2010, une rencontre a eu lieu entre la requérante et l’unité d’audit externe de la DG Information. Il y a été conclu que la requérante fournirait à la Commission des éléments supplémentaires quant à la participation de ses cadres supérieurs.

16

Par courrier du 19 avril 2010, la requérante a transmis à la Commission la documentation complémentaire qu’elle s’était engagée à fournir.

17

Par courrier du 10 mai 2010, l’unité d’audit externe de la DG Information a informé la requérante de son intention d’effectuer un contrôle supplémentaire (follow-up audit) à son siège et a transmis une liste des justificatifs devant être produits lors du contrôle. Ce contrôle a eu lieu entre le 20 et le 22 juillet 2010.

18

Les 3 septembre et 9 décembre 2010, la requérante a soumis des informations complémentaires demandées au cours dudit contrôle supplémentaire.

19

Par courrier du 22 décembre 2010, l’unité d’audit externe de la DG Information a informé la requérante qu’elle avait décidé de revoir partiellement les conclusions de son rapport en acceptant certaines dépenses, mais de maintenir les conclusions relatives aux coûts litigieux.

20

Par courrier du 11 février 2011, la requérante a présenté ses observations sur les conclusions révisées du rapport d’audit.

21

Par courrier du 10 avril 2012, l’unité d’audit externe de la DG Information a répondu qu’elle maintenait la quasi-totalité de ses conclusions concernant les coûts litigieux.

22

Par courrier du 21 mai 2012, la requérante a réaffirmé sa position concernant l’éligibilité des coûts litigieux.»

La procédure devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée

3

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 novembre 2012, la requérante a introduit un recours au titre des articles 272 TFUE et 340, premier alinéa, TFUE visant à faire constater que la Commission avait violé plusieurs contrats conclus avec elle en rejetant les coûts litigieux et que, partant, ces coûts étaient éligibles et ne devaient pas être remboursés à la Commission.

4

Le 24 janvier 2013, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité, au titre de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. Le 11 mars 2013, la requérante a déposé des observations sur l’exception d’irrecevabilité de la Commission.

5

Par l’ordonnance attaquée, le Tribunal a accueilli l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission, jugeant que la requérante n’avait pas un intérêt à agir né et actuel au jour de l’introduction de son recours.

Les conclusions des parties devant la Cour

6

La requérante demande à la Cour:

d’annuler l’ordonnance attaquée;

de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue sur le fond, et

de condamner la Commission aux dépens.

7

La Commission demande à la Cour de rejeter le pourvoi comme étant manifestement dénué de fondement.

Sur le pourvoi

Argumentation des parties

8

Par un moyen d’annulation unique, la requérante soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant, aux points 31 à 35, 37, 38, 42 à 45 et 50 de l’ordonnance attaquée, qu’elle n’avait pas un intérêt à agir né et actuel au jour de l’introduction de son recours au titre des articles 272 TFUE et 340, premier alinéa, TFUE.

9

La requérante soutient que l’intérêt à agir requis dans le cadre d’une action déclaratoire visant à faire reconnaître la responsabilité contractuelle de l’Union en application des articles 272 TFUE et 340, premier alinéa, TFUE, telle que celle introduite devant le Tribunal, a un contenu différent de l’intérêt à agir requis dans le cadre des autres recours existant dans le droit de l’Union, tels que le recours en annulation et le recours en indemnité.

10

Selon la requérante, l’intérêt à agir requis dans le cadre d’une telle action déclaratoire visant à faire reconnaître la responsabilité contractuelle de l’Union existe lorsqu’est constatée, de la part du cocontractant ou de son représentant qualifié, une contestation sérieuse, systématique et répétée d’un droit contractuel, contestation qui introduit raisonnablement une incertitude quant à l’existence, à l’étendue et au libre exercice du droit de l’intéressé. Par conséquent, l’intérêt à agir requis dans le cadre d’une action en responsabilité contractuelle n’exigerait pas qu’un acte définitif faisant grief ait été adopté par la Commission ou qu’un dommage existe.

11

En l’espèce, la requérante estime que son intérêt à agir est non pas hypothétique, mais bien né et actuel, dès lors que les contestations répétées de la part de la Commission ont créé une incertitude quant à l’existence de son droit d’enregistrer les rémunérations de cadres supérieurs comme coûts directs éligibles.

12

À la lumière de ces principes, la requérante estime que le Tribunal a erronément appliqué le critère de l’intérêt à agir requis pour introduire un recours en annulation, à savoir l’existence d’un acte définitif, au point 34 de l’ordonnance attaquée, lu en combinaison avec les points 45, 35, 37, 38 et 42 de celle-ci. La requérante considère également que le Tribunal a erronément appliqué le critère de l’intérêt à agir requis pour introduire un recours en indemnité, à savoir l’existence d’un préjudice certain, aux points 42 à 44 de l’ordonnance attaquée.

13

La requérante fait valoir que le Tribunal a erronément jugé, au point 50 de l’ordonnance attaquée, que son intérêt à agir ne pouvait être né et actuel qu’à la suite de l’émission par la Commission d’un ordre de recouvrement ou de tout autre acte. Cette exigence engendrerait une insécurité juridique à long terme pour les particuliers, dans la mesure où ceux-ci seraient contraints d’attendre l’émission d’un ordre de recouvrement alors même que la Commission aurait déjà contesté leur droit contractuel de manière sérieuse, répétée et systématique.

14

La Commission estime que le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit en jugeant que la requérante n’avait pas un intérêt à agir né et actuel au jour de l’introduction de son recours en constatation de manquement à des obligations contractuelles au titre des articles 272 TFUE et 340, premier alinéa, TFUE.

15

En premier lieu, la Commission fait valoir que le Tribunal n’a pas fondé l’ordonnance attaquée sur les conditions de recevabilité des recours en annulation. En particulier, le Tribunal n’aurait pas fondé son appréciation sur l’absence d’acte faisant grief au sens de l’article 263 TFUE.

16

En deuxième lieu, la Commission affirme qu’elle n’a pas contesté les droits contractuels de la requérante, dès lors qu’elle n’a pas émis de note de débit pour exiger le remboursement des coûts litigieux. La Commission rappelle, à cet égard, que l’article II.29, paragraphe 1, des contrats en cause avec la requérante dispose que «les montants qui seraient dus à la Commission d’après les résultats de ces audits peuvent faire l’objet d’un recouvrement». En application de cette disposition, la rédaction d’un rapport final défavorable n’entraînerait pas automatiquement le recouvrement des coûts litigieux, dès lors que les services compétents de la Commission conservent le pouvoir discrétionnaire d’exiger ou non leur remboursement. A fortiori, dans le cas d’espèce, la rédaction d’un rapport défavorable par l’un de ses services internes, alors même que la procédure d’audit n’était pas clôturée, ne saurait être considérée comme une contestation des droits contractuels de la requérante. La Commission estime, en définitive, qu’il n’existe encore aucun litige entre les parties contractantes, dès lors qu’aucune d’entre elles n’a pris de mesures concrètes pour imposer l’application d’une clause contractuelle sur laquelle les parties seraient en désaccord.

17

En troisième lieu, la Commission estime que le fait qu’elle n’a pas encore émis de note de débit n’entraîne aucune conséquence négative pour la requérante. Cette situation n’engendrerait aucune insécurité juridique dès lors que, d’une part, la possibilité pour la Commission d’exiger un remboursement est soumise à la prescription conformément aux dispositions du droit national en matière de contrats et, d’autre part, l’éventuel ordre de recouvrement serait soumis à un contrôle juridictionnel complet.

Appréciation de la Cour

18

À titre liminaire, il y a lieu de relever que, par sa requête déposée au greffe du Tribunal le 8 novembre 2012, la requérante a introduit une action déclaratoire au titre, notamment, de l’article 272 TFUE. En effet, comme l’a relevé Mme l’avocat général au point 16 de ses conclusions, l’action introduite par la requérante devant le Tribunal visait à obtenir non pas une prestation de la part de la Commission, mais bien une déclaration de la part du juge de l’Union l’autorisant à conserver des sommes déjà payées par la Commission en vertu des contrats en cause.

19

Eu égard à la nature déclaratoire de l’action introduite par la requérante devant le Tribunal, il est nécessaire de vérifier si le juge de l’Union est compétent pour connaître de ce type d’action, et ce nonobstant le fait que la Commission n’a pas excipé de l’incompétence du Tribunal au cours de la procédure devant celui-ci, ni au cours de la présente procédure.

20

En effet, s’agissant d’une question touchant à la compétence même du juge de l’Union, elle doit être relevée d’office par le juge alors même qu’aucune des parties ne lui a demandé de le faire (voir, en sens, arrêts Allemagne/Haute Autorité, 19/58, EU:C:1960:19, p. 488, ainsi que Ferriera Valsabbia e.a./Commission, 154/78, 205/78, 206/78, 226/78 à 228/78, 263/78, 264/78, 31/79, 39/79, 83/79 et 85/79, EU:C:1980:81, point 7). Par ailleurs, les parties ont été invitées à présenter leurs observations sur cette question soulevée d’office par la Cour.

21

À cet égard, la Cour a déjà eu l’occasion de juger que, si, dans le cadre d’une clause compromissoire conclue en vertu de l’article 272 TFUE, la Cour peut être appelée à trancher le litige en appliquant un droit national régissant le contrat, sa compétence pour connaître d’un litige concernant ce contrat s’apprécie sur le fondement des seules dispositions de cet article et des stipulations de la clause compromissoire, sans que puissent lui être opposées des dispositions du droit national qui feraient prétendument obstacle à sa compétence (arrêts Commission/Zoubek, 426/85, EU:C:1986:501, point 10, et Commission/Feilhauer, C‑209/90, EU:C:1992:172, point 13).

22

Aux termes de l’article 272 TFUE, lu en combinaison avec l’article 256 TFUE, le Tribunal est compétent pour statuer, en première instance, en vertu d’une clause compromissoire contenue dans un contrat de droit public ou de droit privé passé par l’Union ou pour son compte.

23

Il ressort de ce qui précède que l’article 272 TFUE constitue une disposition spécifique permettant de saisir le juge de l’Union en vertu d’une clause compromissoire stipulée par les parties pour des contrats de droit public ou de droit privé, et ce sans limitation tenant à la nature de l’action introduite devant le juge de l’Union.

24

Néanmoins, il y a lieu de vérifier si, en l’espèce, la clause compromissoire insérée dans les contrats en cause conférait une compétence au Tribunal pour connaître de l’action déclaratoire introduite par la requérante.

25

Aux termes de la clause compromissoire inscrite à l’article 13 des contrats en cause, le Tribunal ou la Cour, selon le cas, a compétence pour connaître des litiges entre l’Union et les contractants quant à la validité, à l’application ou à l’interprétation de ces contrats. Il en résulte que cette clause compromissoire ne limite pas non plus la compétence du Tribunal ou de la Cour quant à la nature de l’action.

26

Au regard de son libellé, ladite clause compromissoire est ainsi susceptible de fonder la compétence du Tribunal ou de la Cour pour connaître d’une action déclaratoire, telle que celle en cause, portant sur un litige entre l’Union et la requérante quant à la validité, à l’application ou à l’interprétation desdits contrats.

27

À cet égard, il ne fait guère de doute que l’action introduite par la requérante devant le Tribunal portait sur l’interprétation des contrats en cause, et plus particulièrement sur l’éligibilité des coûts litigieux au regard de ces contrats.

28

Le Tribunal a cependant jugé, au point 33 de l’ordonnance attaquée, que la requérante n’avait pas établi que, au jour de l’introduction de son recours, celui-ci était fondé sur un intérêt né et actuel nécessitant une protection juridique.

29

La requérante estime que, ce faisant, le Tribunal a commis une erreur de droit dans la mesure où, dans le cadre d’une action déclaratoire, il suffirait, pour faire naître un tel intérêt, qu’un droit contractuel soit contesté de manière sérieuse, systématique et répétée par l’une des parties au contrat, créant ainsi une incertitude pour l’un des cocontractants quant à l’existence ou à l’étendue de ce droit. Cette condition serait remplie en l’espèce, dès lors que la Commission aurait contesté de manière sérieuse, systématique et répétée le droit de la requérante au remboursement des coûts litigieux.

30

La Commission affirme qu’elle n’a pas contesté les droits contractuels de la requérante, pour les motifs résumés au point 16 du présent arrêt. En substance, la Commission fait valoir que, à la date de l’introduction de l’action de la requérante devant le Tribunal, elle n’avait pas encore exigé le remboursement des coûts litigieux en émettant une note de débit et que l’éligibilité de ces coûts faisait l’objet d’une procédure d’audit non clôturée, dont le rapport final ne serait, en toute hypothèse, pas contraignant pour les services de recouvrement de la Commission en vertu de l’article II.29, paragraphe 1, des contrats en cause.

31

À cet égard, il convient de rappeler que l’intérêt à agir d’un requérant doit, au vu de l’objet du recours, exister au stade de l’introduction de celui-ci, sous peine d’irrecevabilité (voir, par analogie et en ce qui concerne le recours en annulation, arrêts Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, EU:C:2007:322, point 42, ainsi que Cañas/Commission, C‑269/12 P, EU:C:2013:415, point 15).

32

Or, selon les constatations du Tribunal figurant au point 34 de l’ordonnance attaquée, à la date de l’introduction du recours, aucune demande de remboursement au titre des frais avancés dans le cadre des contrats en cause n’avait encore été émise par le service compétent de la Commission. En outre, le Tribunal a précisé, au point 35 de l’ordonnance attaquée, que l’éligibilité des coûts litigieux faisait l’objet d’une procédure d’audit, laquelle n’est qu’une procédure préalable et préparatoire, distincte de la procédure pouvant éventuellement aboutir à un recouvrement, cette dernière étant menée par les services opérationnels de la Commission.

33

Par ailleurs, il ressort des points 36 à 39 de l’ordonnance attaquée que cette procédure d’audit n’avait pas encore été clôturée à la date de l’introduction du recours de la requérante et que le service de la Commission chargé de cet audit a continué à communiquer avec celle‑ci, même après cette date, sur une éventuelle modification des conclusions préalables dudit audit.

34

Au vu des circonstances rappelées aux points 32 et 33 du présent arrêt, la requérante n’est pas fondée à soutenir que, à la date de l’introduction de son action devant le Tribunal, elle disposait d’un intérêt né et actuel nécessitant une protection juridique.

35

En effet, dès lors que l’éligibilité des coûts litigieux faisait encore l’objet d’une procédure d’audit, dont le rapport final ne serait, en toute hypothèse, pas contraignant pour les services de recouvrement de la Commission, il y a lieu de constater que la Commission n’avait pas encore déterminé définitivement les coûts qu’elle considérait comme non éligibles au regard des dispositions pertinentes des contrats en cause. Or, le point de savoir si, et dans quelle mesure, lesdits coûts pourraient effectivement donner lieu à une demande de remboursement de la part de la Commission était encore incertain. Partant, la requérante ne disposait pas d’un intérêt à agir à la date de l’introduction de son recours.

36

Il découle de ce qui précède que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que la requérante ne disposait pas d’un intérêt né et actuel nécessitant une protection juridique à la date de l’introduction de son recours.

37

Il résulte de tout ce qui précède que le moyen invoqué par la requérante au soutien de son pourvoi ne saurait être accueilli et, partant, celui-ci doit être rejeté dans son ensemble.

Sur les dépens

38

En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, de ce même règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui‑ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

39

La Commission n’ayant pas conclu à la condamnation de la requérante aux dépens, cette dernière et la Commission supporteront leurs propres dépens.

 

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) déclare et arrête:

 

1)

Le pourvoi est rejeté.

 

2)

Planet AE Anonymi Etaireia Parochis Symvouleftikon Ypiresion et la Commission européenne supportent leurs propres dépens.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: le grec.

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