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Document 62022CC0536

Conclusions de l'avocat général M. M. Campos Sánchez-Bordona, présentées le 28 septembre 2023.


ECLI identifier: ECLI:EU:C:2023:721

 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 28 septembre 2023 ( 1 )

Affaire C‑536/22

MW,

CY

contre

VR Bank Ravensburg-Weingarten eG

[demande de décision préjudicielle formée par le Landgericht Ravensburg (tribunal régional de Ravensbourg, Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel – Protection des consommateurs – Contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel – Directive 2014/17/UE – Remboursement anticipé du crédit – Réglementation nationale prévoyant une indemnisation qui recouvre le manque à gagner du prêteur – Méthode de calcul du manque à gagner – Résiliation du contrat avant remboursement »

1.

Aux termes de l’article 25 de la directive 2014/17/UE ( 2 ), le consommateur a, avant l’expiration d’un contrat de crédit relatif à un bien immobilier à usage résidentiel, le droit de s’acquitter, intégralement ou partiellement, des obligations qui lui incombent en vertu de ce contrat.

2.

Jusqu’à présent, la Cour a été amenée à se prononcer sur l’étendue de la réduction (en faveur du consommateur) du coût total du crédit, inhérente au règlement anticipé de ses obligations ( 3 ).

3.

Le présent renvoi préjudiciel donne à la Cour l’opportunité d’examiner pour la première fois (sauf erreur de ma part) l’autre terme de l’équation, à savoir le droit du prêteur à une indemnisation « équitable et objective, lorsque cela s’avère justifié », pour les éventuels coûts directement supportés du fait du remboursement anticipé du crédit.

I. Le cadre juridique

A.   Le droit de l’Union

4.

Le considérant 66 de la directive 2014/17 expose ce qui suit :

« La possibilité pour les consommateurs de rembourser leur crédit avant l’échéance du contrat de crédit peut jouer un rôle important dans le marché unique, en y renforçant la concurrence et en y favorisant la libre circulation des personnes ainsi qu’en contribuant à apporter pendant la durée du contrat de crédit la souplesse requise pour promouvoir la stabilité financière conformément aux recommandations du Conseil de stabilité financière. [...] Il conviendrait, par conséquent, que les États membres garantissent aux consommateurs, soit par voie législative ou réglementaire, soit par d’autres moyens tels que des clauses contractuelles, un droit au remboursement anticipé. [...] Les conditions fixées par les États membres peuvent prévoir que le prêteur a droit à une indemnisation équitable et objectivement justifiée pour les coûts directement encourus du fait du remboursement anticipé du crédit. Si les États membres prévoient que le prêteur a droit à une indemnisation, il devrait s’agir d’une indemnisation équitable et objectivement justifiée pour les coûts directement encourus du fait du remboursement anticipé du crédit conformément à la réglementation nationale en matière d’indemnisation. L’indemnisation ne devrait pas dépasser la perte financière du prêteur. »

5.

Aux termes de l’article 25 de la directive 2014/17 :

« 1.   Les États membres veillent à ce que le consommateur ait, avant l’expiration d’un contrat de crédit, le droit de s’acquitter, intégralement ou partiellement, des obligations qui lui incombent en vertu dudit contrat. Dans ce cas, le consommateur a droit à une réduction du coût total du crédit pour le consommateur correspondant aux intérêts et frais dus pour la durée résiduelle du contrat.

2.   Les États membres peuvent prévoir que l’exercice du droit visé au paragraphe 1 est soumis à certaines conditions. Ces conditions peuvent notamment consister à limiter ce droit dans le temps, à prévoir un traitement différent selon le type de taux débiteur ou au moment où le consommateur exerce son droit et à prévoir un nombre restreint de circonstances dans lesquelles le droit peut être exercé.

3.   Les États membres peuvent prévoir que le prêteur a droit à une indemnisation équitable et objective, lorsque cela s’avère justifié, pour les éventuels coûts directement supportés du fait du remboursement anticipé du crédit, mais n’impose pas de pénalité au consommateur. À cet égard, l’indemnisation ne dépasse pas la perte financière du prêteur. Dans ces conditions, les États membres peuvent prévoir que l’indemnisation ne peut dépasser un certain niveau ou qu’elle ne peut être autorisée que pour une certaine durée.

4.   Lorsqu’un consommateur souhaite s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu d’un contrat de crédit avant l’expiration dudit contrat, le prêteur lui communique sans tarder après réception de la demande, sur support papier ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à l’examen de cette faculté. Au minimum, ces informations chiffrent les conséquences qui s’imposeront au consommateur s’il s’acquitte de ses obligations avant l’expiration du contrat de crédit et formulent clairement les hypothèses utilisées. Ces hypothèses sont raisonnables et justifiables.

5.   Si le remboursement anticipé intervient dans une période durant laquelle le taux débiteur est fixe, les États membres peuvent prévoir que l’exercice du droit visé au paragraphe 1 est subordonné à l’existence d’un intérêt légitime chez le consommateur. »

B.   Le droit allemand

6.

Plusieurs dispositions du Bürgerliches Gesetzbuch (code civil allemand, ci‑après le « BGB ») sont pertinentes pour la présente affaire, notamment l’article 252 (« Manque à gagner »), l’article 490 (« Droit extraordinaire de résiliation »), paragraphe 2, l’article 500 (« Droit de résiliation de l’emprunteur ; remboursement anticipé »), paragraphe 2, l’article 502 (« Indemnité de remboursement anticipé ») et l’article 812 (« Droit à restitution »).

II. Les faits, le litige et les questions préjudicielles

7.

Le 11 janvier 2019, MW et CY ont conclu avec VR Bank Ravensburg‑Weingarten eG (ci-après « VR Bank ») un contrat de crédit immobilier en vue de l’acquisition d’un logement. Ils ont convenu d’un taux d’intérêt fixe jusqu’au 30 janvier 2029.

8.

En vertu de ce contrat, l’emprunteur ne pouvait s’acquitter par anticipation de ses obligations pendant la période d’application du taux fixe que s’il justifiait d’un intérêt légitime.

9.

Les clauses dudit contrat prévoyaient notamment ce qui suit :

VR Bank aurait droit à une indemnisation pour le préjudice subi du fait du remboursement anticipé. Le calcul de ce préjudice serait fondé sur la méthode dite « actif-passif », jugée admissible par le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne) ( 4 ).

Les emprunteurs seraient tenus de payer une rémunération raisonnable pour les frais administratifs liés au remboursement anticipé du prêt.

10.

Le 19 mai 2020, MW et CY ont vendu le logement (acquis l’année précédente) ( 5 ) et ont résilié le contrat de prêt avec effet au 30 juin 2020.

11.

Le 9 juin 2020, VR Bank a réclamé à MW et CY une indemnisation au titre du préjudice résultant du remboursement anticipé du crédit, indemnisation que ces derniers ont payée.

12.

Le 19 avril 2021, MW et CY ont réclamé à VR Bank la restitution de l’indemnité de remboursement anticipé. Telle est également leur demande dans le cadre du litige pendant devant la juridiction de renvoi.

13.

Selon MW et CY, VR Bank n’aurait pas eu droit au paiement de cette indemnité, car le contrat de prêt ne fournissait pas suffisamment d’informations sur son calcul. En outre, ils estiment que, conformément à la directive 2014/17, l’indemnité ne pourrait être qu’une indemnisation des frais effectivement supportés et ne saurait couvrir les intérêts perdus ni le manque à gagner du prêteur. MW et CY considèrent également qu’un calcul hypothétique d’après des formules mathématiques financières ne saurait être admis.

14.

VR Bank s’est opposée à la demande en faisant valoir ce qui suit :

Le contrat de prêt fournit toutes les informations prescrites par la loi.

Le montant de l’indemnité est conforme à la jurisprudence constante du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) en cas de remboursement justifié d’un crédit garanti par une hypothèque. Aux termes de cette jurisprudence, le prêteur a droit à la réparation du préjudice naissant directement du remboursement anticipé si l’emprunteur, au moment de ce remboursement, devait des intérêts à un taux fixe.

Lors de l’octroi de crédit, les banques doivent en règle générale se refinancer et, de ce fait, s’engagent à long terme. Si l’emprunteur pouvait se retirer du contrat à tout moment, sans réparer le préjudice causé par la résiliation de ce contrat, les crédits garantis par une hypothèque connaîtraient un renchérissement considérable, étant donné que ce risque devrait être intégré dans le prix.

15.

C’est dans ce contexte que le Landgericht Ravensburg (tribunal régional de Ravensbourg, Allemagne) pose à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Convient-il d’interpréter la notion d’“indemnisation équitable et objective [...] pour les éventuels coûts directement supportés du fait du remboursement anticipé du crédit” au titre de l’article 25, paragraphe 3, de la [directive 2014/17] en ce sens que l’indemnisation recouvre également le manque à gagner du prêteur et en particulier les intérêts futurs qu’il perd à la suite du remboursement anticipé ?

2)

En cas de réponse affirmative à la première question :

Le droit de l’Union et plus particulièrement l’article 25, paragraphe 3, de la [directive 2014/17] contiennent-ils des prescriptions pour le calcul des recettes du prêteur à prendre en compte en ce qui concerne son manque à gagner et découlant du réinvestissement d’un crédit immobilier aux consommateurs remboursé par anticipation et le cas échéant lesquelles ?

En particulier :

a)

La réglementation nationale doit-elle tenir compte, pour le calcul, de la manière dont le prêteur utilise effectivement le montant remboursé par anticipation ?

b)

Une réglementation nationale peut-elle autoriser un prêteur à calculer l’indemnité de remboursement anticipé sur le fondement d’un réinvestissement fictif dans des titres sûrs du marché des capitaux à maturité identique (méthode dite “actif-passif”) ?

3)

Relève également du champ d’application de l’article 25 de la [directive 2014/17] le cas dans lequel le consommateur résilie tout d’abord un contrat de crédit immobilier aux consommateurs sur la base d’un droit de résiliation prévu par le législateur national avant de rembourser le crédit au prêteur de manière anticipée ? »

III. La procédure devant la Cour

16.

La demande de décision préjudicielle a été enregistrée au greffe de la Cour le 10 août 2022.

17.

Des observations écrites ont été déposées par VR Bank, le gouvernement allemand et la Commission européenne. La tenue d’une audience n’a pas été jugée indispensable.

IV. Analyse

18.

La directive 2014/17 fixe « un cadre commun relatif à certains aspects des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres concernant les contrats couvrant le crédit aux consommateurs garanti par une hypothèque ou autre crédit relatif à des biens immobiliers à usage résidentiel » ( 6 ).

19.

À quelques exceptions près, l’harmonisation opérée par la directive 2014/17 est minimale. Dans son champ d’application matériel :

elle permet aux États membres, pour des aspects réglementés de manière uniforme, de maintenir ou d’adopter des dispositions offrant plus de protection au consommateur ( 7 );

pour d’autres aspects, elle reconnaît au législateur national des pouvoirs normatifs, en acceptant d’emblée les conséquences découlant de l’absence de réglementation uniforme.

20.

Sous l’intitulé « Remboursement anticipé », l’article 25 de la directive 2014/17 garantit au consommateur la faculté de s’acquitter de l’obligation contractuelle avant l’échéance convenue. Cette faculté n’est cependant pas inconditionnelle ni exempte de contreparties : celles-ci peuvent notamment comprendre l’indemnisation du prêteur pour les éventuels coûts directement supportés du fait du remboursement anticipé du crédit.

21.

Les États membres doivent impérativement prévoir le droit du consommateur au remboursement anticipé d’un crédit relatif à un bien immobilier à usage résidentiel, avec une réduction corrélative (en sa faveur) du coût total de ce crédit. La directive 2014/17 énonce les postes sur lesquels opère cette réduction.

22.

En revanche, la directive 2014/17 ne garantit pas, en elle-même, le droit du prêteur à l’indemnisation des préjudices subis du fait du remboursement anticipé. Elle se borne à permettre à chaque législateur national d’instaurer ce droit et de le réglementer, en en assurant les conditions ( 8 ). Si le droit national admet une telle indemnisation, celle-ci devra néanmoins répondre à certaines conditions minimales posées par la directive 2014/17 elle-même.

A.   Sur la première question préjudicielle

23.

La juridiction de renvoi souhaite savoir si l’indemnisation équitable et objective pour les éventuels coûts directement supportés du fait du remboursement anticipé du crédit recouvre également le manque à gagner du prêteur ( 9 ). Sous cette notion, la juridiction de renvoi inclut, notamment, les intérêts que le prêteur espérait recevoir dans le futur et qu’il ne percevra plus ( 10 ).

24.

Selon moi, la directive 2014/17 ne s’oppose pas au calcul de l’indemnité en tenant compte de ces intérêts, ce qui implique de répondre à la première question préjudicielle par l’affirmative. Dans les développements qui suivent, j’interpréterai, à cet effet, l’article 25, paragraphe 3, de cette directive selon les critères herméneutiques usuels.

1. Le critère littéral

25.

Une première approche du texte ( 11 ) pourrait susciter certains doutes :

L’article 25, paragraphe 3, de la directive 2014/17 fait référence à l’indemnisation des coûts. Selon le paragraphe 1 de cet article (qui utilise la conjonction « et » entre « intérêts » et « frais »), la notion de coûts comprendrait alors quelque chose d’autre que les intérêts.

Ce texte mentionne les éventuels coûts supportés du fait du remboursement anticipé. Les intérêts qui auraient été dus en l’absence d’un tel remboursement n’auraient pas la nature de coûts, car celui-ci entraîne nécessairement leur perte.

Cet article 25 mentionne les coûts directement supportés du fait du remboursement. L’on pourrait soutenir que les seuls coûts directement supportés sont ceux qui correspondent à des opérations concrètes, effectuées par les établissements de crédit pour gérer ce remboursement ( 12 ).

26.

Je ne pense cependant pas que l’interprétation littérale de l’article 25, paragraphe 3, de la directive 2014/17 s’oppose à la thèse que je préconise.

27.

La notion de « coûts » ou de « frais » employée par cette directive ( 13 ) n’est pas précise et ne renvoie pas à un contenu univoque ( 14 ). Textuellement, ladite directive présente les intérêts comme des « frais », par exemple à l’article 14 relatif aux informations précontractuelles ( 15 ).

28.

En outre, si, à l’article 25, paragraphe 1, de la directive 2014/17, les « frais » constituent une partie du « coût total du crédit » pour le consommateur et, partant, des « frais » à sa charge ( 16 ), les « intérêts » constituent également des « frais » au sens de la définition du « coût total du crédit » ( 17 ).

29.

L’article 25, paragraphe 3, de la directive 2014/17 indique en outre que l’indemnisation « ne dépasse pas la perte financière du prêteur » ( 18 ). Il suggère ainsi que la perte d’intérêts futurs est conçue comme un coût supporté (ou susceptible de l’être, le cas échéant) par le prêteur du fait du paiement anticipé, coût qui est indemnisable si le législateur national le décide.

30.

L’emploi du syntagme « éventuels coûts » n’empêche pas non plus de considérer que le manque à gagner fait partie de l’indemnisation due au prêteur. Celui-ci cesse de percevoir les intérêts convenus (c’est‑à-dire ceux qui, selon le contrat, auraient été générés pendant toute la période contractuelle) du fait du remboursement anticipé du crédit. C’est précisément pour cette raison que la perte d’intérêts peut être qualifiée de conséquence financière directement liée au remboursement.

31.

De ce point de vue, l’affirmation selon laquelle la perte des intérêts est inévitable, et pas seulement éventuelle, est, en général, correcte. Toutefois, il n’est pas exclu qu’un prêt à un taux variable cesse de produire des intérêts avant le remboursement et indépendamment de celui-ci (dans certaines conjonctures du marché) ( 19 ).

32.

Il se pourrait également que, en pratique, le remboursement anticipé du capital ne porte pas préjudice au prêteur au titre des intérêts qu’il ne percevra pas, si ce dernier réinvestit le montant du remboursement et que le taux d’intérêt applicable après le réinvestissement lui est plus favorable. Dans cette hypothèse, il est impossible de déterminer ex ante si le préjudice se produira ou non.

33.

D’autres mentions figurant à l’article 25 de la directive 2014/17 confirment qu’il est correct de qualifier les intérêts qui ne seront pas perçus comme un poste faisant partie intégrante de l’indemnité due au prêteur, celle-ci n’étant en effet pas limitée aux seuls frais de gestion :

L’indemnisation, qui doit être « équitable et objective », doit être « justifiée » ( 20 ) : il ne serait pas nécessaire de le préciser si l’indemnisation ne correspondait qu’au paiement de services (tels que la gestion du remboursement) dont la justification objective est toujours présente.

La phrase de clôture « l’indemnisation [...] ne peut être autorisée que pour une certaine durée » va dans le même sens, car les frais de gestion du remboursement ne se prolongent pas dans le temps.

34.

Enfin, l’annexe II [« Fiche d’information standardisée européenne (FISE) »], partie B (« Instructions pour compléter la FISE »), section 9 (« Remboursement anticipé »), de la directive 2014/17 prévoit que « le montant de l’indemnisation dépend de plusieurs facteurs, tels que [...] le taux d’intérêt en vigueur au moment du remboursement anticipé ». Elle souligne ainsi que les intérêts qui ne seront plus perçus constituent l’un des éléments admissibles pour calculer l’indemnisation.

2. Les travaux préparatoires

35.

Lors de l’examen des travaux préparatoires de la directive 2014/17, je n’ai pas trouvé de références à l’indemnité de remboursement anticipé qui tendraient à harmoniser sa méthode de calcul ou les postes susceptibles d’être indemnisés. Des indices montrent cependant que la possibilité d’inclure le manque à gagner du prêteur dans cette indemnité a été envisagée.

36.

Dans son rapport sur la proposition de la Commission, le Parlement avait suggéré que, lors de la fixation de l’indemnité, il soit tenu compte des coûts pour le prêteur, mais aussi des éventuelles économies que ce dernier tire du remboursement ( 21 ). Dans le dispositif, le Parlement avait, en outre, introduit le plafonnement de l’indemnité à la perte financière du prêteur ( 22 ).

37.

Dans certains documents du Conseil, l’indemnisation apparaît comme distincte des « autres frais supplémentaires », dont les exemples sont les frais administratifs ou de clôture du dossier ( 23 ).

38.

Par ailleurs, outre l’éventuelle réglementation par les États membres d’un remboursement anticipé avec indemnisation du prêteur pour les coûts supportés du fait de celui-ci, le Conseil avait prévu des remboursements sans contrepartie (« free of charge for the consumer »), en citant comme exemple le prêt à taux variable ( 24 ). Cette proposition me semble indiquer que, pour le Conseil, l’indemnisation pouvait regrouper les intérêts qui ne seraient plus perçus à partir du remboursement anticipé.

3. Le critère téléologique

39.

Comme je l’ai déjà avancé, la directive 2014/17 ne confère pas en soi au prêteur un droit à une indemnisation en cas de remboursement anticipé du crédit. La décision de prévoir ou non une telle indemnisation relève de la compétence de chaque législateur national, qui devra cependant respecter la finalité de l’article 25 de cette directive.

40.

Un système national qui tient compte du manque à gagner du prêteur lors de l’évaluation de l’indemnité de remboursement anticipé peut, selon moi, être conforme à cette finalité.

41.

Dans l’arrêt UniCredit Bank Austria, la Cour, après avoir associé le droit au remboursement anticipé à l’article 1 de la directive 2014/17, lu à la lumière de son considérant 15, a rappelé que cette directive vise à assurer que les contrats couvrant le crédit aux consommateurs garanti par une hypothèque ou un autre crédit relatif à des biens immobiliers à usage résidentiel « bénéficie[nt] d’un niveau élevé de protection » ( 25 ).

42.

Il a été soutenu que l’exclusion du manque à gagner du prêteur des coûts indemnisables serait la solution qui protège le mieux le consommateur (puisqu’elle supprime des obstacles à l’exercice de son droit à un remboursement anticipé) ( 26 ). Dans cette perspective, la réduction des intérêts et des coûts qu’entraîne le droit au remboursement anticipé, en vertu de l’article 25, paragraphe 1, de la directive 2014/17, empêcherait d’inclure dans l’indemnisation les intérêts futurs qui ne seront plus perçus ( 27 ).

43.

Selon cette thèse, identifier le manque à gagner du prêteur avec le rendement qu’il aurait perçu si le contrat était resté en vigueur annulerait l’un des aspects attractifs du droit au remboursement anticipé, à savoir l’économie, et remettrait en cause le sens de ce droit. Sans justification spécifique ou contraintes de quelque nature que ce soit, une telle identification ne serait pas compatible avec la directive 2014/17.

44.

Je pense toutefois que cette position n’est pas celle qui ressort de la directive 2014/17. Tout en imposant le droit au remboursement anticipé (auquel il ne saurait être dérogé en tant que tel), celle-ci permet à chaque État membre d’intégrer ce droit dans son système juridique en préservant les particularités de ce dernier et en tenant compte de celles de son marché du crédit immobilier ( 28 ).

45.

Lorsqu’un État membre fait usage de cette liberté et reconnaît le droit à une indemnisation au profit du prêteur, il est tenu de se conformer à certaines conditions minimales ( 29 ), mais rien ne l’empêche de tenir compte du manque à gagner subi par le prêteur pour calculer l’indemnité.

46.

La directive 2014/17 n’apporte pas de définition de l’« indemnisation équitable » ( 30 ), syntagme qui doit recevoir une interprétation uniforme et qui se réfère tant à la cause qu’au montant de l’indemnité. Comme dans d’autres domaines du droit de l’Union ( 31 ), le qualificatif « équitable », appliqué à l’indemnité pour remboursement anticipé du crédit, évoque, à la fois, la réparation du préjudice subi par une partie et l’équilibre entre les intérêts opposés du consommateur et du prêteur :

Pour le consommateur, le remboursement anticipé comporte des avantages, car il s’acquitte de son obligation contractuelle avec une réduction du prix convenu.

Pour le prêteur, le remboursement anticipé peut entraîner des désavantages, car il devra non seulement le gérer, mais aussi réinvestir le capital conformément aux nouveaux prix du marché (ou assumer, purement et simplement, la perte des intérêts) ( 32 ).

47.

Dans ce contexte, inclure le manque à gagner parmi les éléments de l’indemnisation est de nature à favoriser les objectifs de la directive 2014/17, lesquels ne sont pas seulement circonscrits à la volonté d’offrir un niveau élevé de protection aux consommateurs. Un autre objectif déclaré est la création d’un marché intérieur des contrats de crédit relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel à la fois efficient et concurrentiel ( 33 ), tout en gardant à l’esprit les préoccupations relatives à la stabilité financière ( 34 ). Conformément au considérant 66 de cette directive, le droit au remboursement anticipé est un instrument au service de ces fins ( 35 ).

48.

Lorsqu’un État membre reconnaît le droit à une indemnisation, la directive 2014/17 accorde, comme je l’ai indiqué, une large marge de manœuvre afin d’en réglementer l’exercice. Elle permet ainsi à cet État membre de prendre en compte les particularités de son marché du crédit, sans aller à l’encontre des finalités de cette directive.

49.

La décision d’instaurer ou non une indemnisation en faveur du prêteur en cas de remboursement anticipé et d’en fixer, le cas échéant, la portée est de nature à déclencher, selon les cas, des conséquences considérables. Dans le domaine du crédit immobilier, dont la portée est principalement nationale, ces conséquences affecteraient d’abord le marché et l’économie locaux, mais leur capacité de contagion à des niveaux plus larges ne saurait être exclue.

50.

En présence d’un régime n’autorisant pas les prêteurs à être indemnisés pour la perte des intérêts attendus, il est concevable que ceux-ci optent pour des stratégies ayant des effets potentiellement indésirables sur les objectifs de la directive 2014/17 ( 36 ) : à titre d’exemple, citons la limitation de la gamme des produits de crédit proposés ou la perception d’intérêts plus élevés auprès de tous les consommateurs ( 37 ).

51.

Lorsque l’article 25, paragraphe 3, de la directive 2014/17 confie aux États membres la décision d’établir l’indemnisation, il ne la limite pas au préalable aux coûts de gestion du remboursement ou à d’autres frais administratifs qui en découlent. Le législateur national jouit donc d’une large marge de manœuvre, de sorte qu’il peut intégrer dans l’indemnisation le manque à gagner subi par le prêteur s’il estime que c’est indispensable, en dernier ressort, pour promouvoir les objectifs de la directive 2014/17 sur son propre marché des biens à usage résidentiel.

4. Le critère systématique. La directive 2008/48

52.

Le préambule de la directive 2014/17 rappelle la nécessité d’interprétations cohérentes et complémentaires avec d’autres actes de l’Union, en particulier avec la directive 2008/48 ( 38 ). Bien que la directive 2014/17 pose également des limites à cette interprétation systématique, aucune ne concerne le droit au remboursement anticipé ( 39 ).

53.

La directive 2008/48 (considérant 39) reconnaît la différence entre les crédits aux consommateurs et « d’autres produits, qui sont financés par des mécanismes de financement à long terme, tels que les crédits hypothécaires à taux fixe ». C’est précisément parce que ce dernier modèle de financement à long terme n’est pas habituel dans les crédits aux consommateurs que l’indemnité maximale en faveur du prêteur en cas de remboursement anticipé de ces crédits doit être fixée, en règle, de manière forfaitaire.

54.

Dans la directive 2008/48, l’exception à cette règle confirme que les intérêts qui cessent d’être perçus à partir du paiement anticipé sont (ou peuvent être) indemnisables :

L’article 16, paragraphe 4, sous b), autorise les États membres à prévoir une indemnité différente compte tenu du préjudice réellement subi, dans les limites d’un certain plafond ( 40 ).

En tant que critère de détermination du préjudice, cette disposition énonce que celui-ci « consiste dans la différence entre le taux d’intérêt de référence initialement convenu et le taux d’intérêt de référence auquel le prêteur peut à nouveau prêter sur le marché le montant remboursé par anticipation ».

55.

Or, s’il en va ainsi dans la directive 2008/48, il peut a fortiori en aller de même dans le cadre d’un crédit immobilier (garanti par une hypothèque ou une sûreté comparable) aux fins de l’interprétation de l’article 25 de la directive 2014/17 ( 41 ). Cela renforce encore l’idée que le préjudice financier correspondant aux intérêts peut être inclus parmi les éventuels coûts supportés du fait du remboursement anticipé du crédit, conformément aux règles nationales d’indemnisation.

56.

En somme, je suis d’avis qu’il n’y a pas d’obstacle à ce que la législation d’un État membre prévoie que l’indemnisation au titre de l’article 25, paragraphe 3, de la directive 2014/17 tienne compte de préjudices liés à la perte d’intérêts qui cesseraient d’être dus en conséquence du paiement anticipé.

B.   Sur la deuxième question préjudicielle

57.

Dans l’hypothèse où la réponse à la première question serait affirmative (comme je le préconise), la juridiction de renvoi souhaite savoir si l’article 25, paragraphe 3, de la directive 2014/17 contient « des prescriptions pour le calcul des recettes du prêteur à prendre en compte en ce qui concerne son manque à gagner et découlant du réinvestissement d’un crédit immobilier aux consommateurs remboursé par anticipation ».

1. La méthode de calcul, en général

58.

La directive 2014/17 ne mentionne aucune manière spécifique de calculer l’indemnité due au prêteur ( 42 ). La méthode de calcul est laissée à la discrétion des États membres (tout comme d’autres aspects de l’indemnisation, avec seulement certaines conditions auxquelles j’ai déjà fait référence et que je répéterai ci‑dessous).

59.

Cette idée est corroborée par le considérant 66 de la directive 2014/17, qui expose que l’indemnisation doit être fixée « conformément à la réglementation nationale ».

60.

Pour établir l’indemnisation, la directive 2014/17 n’impose ni n’interdit de prendre en compte la manière dont le prêteur utilise effectivement le montant remboursé de manière anticipée ( 43 ), ni aucune autre méthode analogue, ces décisions devant être prises par chaque État membre.

61.

Les contraintes de la directive 2014/17 quant à l’indemnisation se limitent à ce qu’elle n’impose pas de pénalités au consommateur et ne dépasse pas la perte financière du prêteur, et à ce qu’elle soit « équitable » ( 44 ) et « objective ».

62.

L’exigence selon laquelle l’indemnisation doit être « objective » renvoie à une modalité de calcul abstraite et prédéterminée, dont aucune des parties ne peut définir les paramètres selon son bon vouloir. Cette méthode doit, en outre, servir à détecter les cas dans lesquels l’indemnisation n’est pas justifiée ( 45 ). Tant que ces caractéristiques sont respectées, calculer l’indemnisation selon une méthode comportant un élément hypothétique peut cependant constituer une option qui, selon moi, ne s’oppose pas à la directive 2014/17.

2. La méthode dite « actif-passif » selon la jurisprudence allemande

63.

Selon la description reprise dans la décision de renvoi, qui renvoie à la jurisprudence nationale ( 46 ), dans le cadre de la méthode dite « actif-passif », le préjudice financier du prêteur correspond à la différence entre :

les intérêts que l’emprunteur aurait versés en cas d’exécution du contrat telle que convenue, et

le rendement qui serait réalisé si le prêteur investissait les montants remboursés par anticipation dans des titres sûrs du marché des capitaux à maturité identique.

64.

Pour effectuer ce calcul, il n’est pas indispensable que le réinvestissement ait matériellement eu lieu. La référence est déterminée en évaluant le rendement d’un investissement à maturité identique ( 47 ).

65.

Le montant de la différence doit en outre être minoré des coûts du risque et des coûts administratifs économisés et être actualisé à la date du versement de l’indemnisation pour remboursement anticipé.

66.

Dans cette méthode :

L’indemnité est calculée en fonction des conditions du marché des capitaux, déterminées de manière transparente, sur lesquelles le prêteur n’a pas d’influence.

La formule n’inclut pas de sommes visant à sanctionner l’emprunteur pour le remboursement anticipé.

L’indemnité ainsi calculée a pour ambition de correspondre à la perte financière, de sorte que, de facto, elle n’impose pas non plus de pénalité au consommateur du fait du remboursement anticipé. Si les taux d’intérêt appliqués au réinvestissement sont supérieurs à ceux convenus dans le contrat de crédit initial, le prêteur n’a pas droit à une indemnisation.

67.

Comme toutes les parties qui sont intervenues dans la procédure préjudicielle, et sous réserve de l’appréciation finale de la juridiction de renvoi sur ce point, j’estime que la méthode dite « actif-passif » répond aux conditions minimales de l’indemnisation exigées par la directive 2014/17.

68.

Mieux encore, cette méthode s’apparente à celle utilisée à l’article 16, paragraphe 4, in fine, de la directive 2008/48 pour calculer le préjudice effectivement subi par le prêteur lorsque les États membres envisagent de déroger, à titre exceptionnel, à la règle d’un plafond forfaitaire (article 16, paragraphe 2).

69.

En effet, le calcul de l’indemnisation due au prêteur admis par la directive 2008/48, relative aux crédits aux consommateurs, incorpore, à l’instar de la méthode dite « actif-passif », un élément d’investissement hypothétique (qui n’est donc pas nécessairement réalisé) du montant remboursé ( 48 ). Le fait que cet élément soit admis dans le domaine du crédit aux consommateurs permet de l’admettre également et avec davantage de facilité dans le cadre du crédit garanti par une hypothèque ou une sûreté comparable.

C.   Sur la troisième question préjudicielle

70.

La juridiction de renvoi souhaite savoir si l’article 25 de la directive 2014/17 s’applique dans des circonstances telles que celles de l’espèce, dans lesquelles le consommateur résilie tout d’abord son contrat sur la base d’un droit de résiliation prévu par le législateur national avant de rembourser le crédit.

71.

La question se pose au regard de la législation allemande, qui envisage deux situations de remboursement anticipé du crédit dans les prêts à taux fixe :

Dans la première, le remboursement suit la résiliation du contrat par l’emprunteur et est soumis aux conditions de celle-ci. Il relève de l’article 490, paragraphe 2, du BGB, qui confère au consommateur le droit de résilier le contrat pour motifs exceptionnels ( 49 ). La disposition, dans sa rédaction actuelle, préexiste à la directive 2014/17 et ne répond pas à sa transposition en droit national.

Dans la seconde, le remboursement n’est pas la conséquence de la résiliation du contrat. Il a lieu indépendamment du fait que cette résiliation ait lieu ou non. Ce remboursement est régi, en substance, par les articles 500 et 502 du BGB, tels que modifiés en 2016 afin de transposer la directive 2014/17 ( 50 ). Le consommateur est libre de procéder au remboursement anticipé à tout moment, pour autant qu’il démontre un intérêt légitime ( 51 ).

72.

Les conséquences de l’application de l’une et de l’autre règle diffèrent en ce qui concerne l’indemnisation du prêteur :

L’article 490, paragraphe 2, du BGB prévoit que l’emprunteur doit indemniser le prêteur pour le préjudice qu’il subit du fait de la résiliation anticipée. Le calcul de l’indemnisation est régi par les principes généraux en vigueur en matière de réparation du dommage, de sorte qu’il comprend également le manque à gagner, conformément à l’article 252 du BGB.

Selon l’article 502, paragraphe 1, du BGB, en cas de remboursement anticipé, le prêteur peut réclamer une indemnité raisonnable pour la perte directement liée à ce remboursement. Les éléments constitutifs de l’indemnité et sa méthode de calcul sont des aspects organisés par le législateur national, dans le respect des limites et conditions de la directive 2014/17.

73.

L’existence de divergences doctrinales conduit la juridiction de renvoi à se demander si l’article 25 de la directive 2014/17 couvre également le remboursement consécutif à une résiliation du contrat régie par l’article 490, paragraphe 2, du BGB.

74.

Selon la juridiction de renvoi, « de nombreux arguments plaident en ce sens que l’article 25 de la directive 2014/17 est également applicable lorsque le consommateur résilie le contrat [en vertu de l’article 490, paragraphe 2, du BGB] avant d’avoir remboursé le crédit par anticipation ».

75.

Selon cette juridiction, à défaut, « de nombreux consommateurs ne profiteraient pas de leur droit au remboursement [...]. Si on devait calculer différemment l’indemnité de remboursement anticipé en cas d’exercice du droit de résiliation anticipée d’après l’article 490, paragraphe 2, du BGB que ce n’est le cas dans le cadre d’un remboursement anticipé d’après les articles 500 et 502 du BGB, cela conduirait à ce que le consommateur qui résilie de manière anticipée son contrat de crédit serait le cas échéant placé dans une plus mauvaise position que celui qui exerce son droit de remboursement anticipé sans résiliation ».

76.

La juridiction de renvoi résume donc son raisonnement comme suit : « [l]’objectif de protection du consommateur de ce droit suggère donc que l’article 25 de la directive 2014/17 doit également s’appliquer en cas de résiliation avant le remboursement du crédit ».

77.

Je partage la thèse de la juridiction de renvoi en ce qui concerne l’applicabilité de la directive 2014/17. Je nourris cependant des réserves quant à certains raisonnements qui la sous-tendent.

78.

D’un point de vue abstrait, la question est de savoir si chaque État membre peut aménager le droit à une indemnisation du prêteur de manière différente ( 52 ), selon qu’il l’associe ou non à l’exercice d’un droit extraordinaire de résiliation du consommateur.

79.

À mon avis, l’on ne saurait exclure que cette question spécifique appelle une réponse affirmative. En d’autres termes, des arguments selon lesquels un consommateur serait placé « dans une plus mauvaise position » ( 53 ) qu’un autre, au motif qu’il utilise une possibilité plutôt qu’une autre parmi celles offertes par l’ordre juridique national, ne me paraissent pas suffisants pour réduire la marge de liberté normative des États membres.

80.

L’exigence est, en tout état de cause, que chaque option de la réglementation nationale respecte l’article 25 de la directive 2014/17, outre la disposition générale de son article 2.

81.

Il découle de ce qui précède qu’il y a lieu de répondre par l’affirmative à la question de savoir si les principes régissant l’indemnisation dans le cadre de l’article 490, paragraphe 2, du BGB (et qui autorisent l’inclusion du manque à gagner en faveur du prêteur) doivent ou non être conformes à l’article 25, paragraphe 3, de la directive 2014/17 ( 54 ).

82.

L’article 25 de la directive 2014/17 reconnaît au consommateur le droit de s’acquitter intégralement ou partiellement des obligations qui lui incombent sans avoir à attendre qu’elles arrivent à échéance. Cette disposition ne se prononce pas sur les modalités d’exercice de ce droit : il peut être mis en œuvre par un simple acte matériel de remboursement ou en conséquence d’une faculté de résiliation du contrat de prêt.

83.

La protection que la directive 2014/17 assure au consommateur doit toujours exister, indépendamment du fait que ce dernier opte pour l’une ou l’autre de ces modalités d’exercice du droit de s’acquitter de ses obligations par anticipation. Quelle que soit la réglementation que l’État membre adopte en faisant usage de la liberté que lui laisse la directive 2014/17, sa marge d’appréciation est subordonnée aux conditions de l’article 25, paragraphe 3, de celle-ci. Par conséquent, ces conditions s’appliquent indépendamment du fait que le remboursement anticipé suive la résiliation du contrat ou qu’il lui soit totalement étranger.

84.

Je ne pense pas que la référence au droit au remboursement « avant l’expiration » du contrat de crédit, présente à l’article 25, paragraphes 1 et 4, de la directive 2014/17, soutienne la thèse défendue par VR Bank ( 55 ). L’article 25 de la directive 2014/17 ne vise pas à imposer des restrictions temporelles à l’exercice par le consommateur de son droit de s’acquitter de ses obligations par anticipation. Il sert plutôt à souligner que ce droit prévaut sur le régime ordinaire des contrats de droit privé, en vertu duquel les deux parties sont tenues de respecter ce qui a été convenu, selon les conditions (y compris temporelles) sur lesquelles elles se sont entendues.

V. Conclusion

85.

Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre au Landgericht Ravensburg (tribunal régional de Ravensbourg, Allemagne) comme suit :

L’article 25, paragraphe 3, de la directive 2014/17/UE du Parlement européen et du Conseil, du 4 février 2014, sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel et modifiant les directives 2008/48/CE et 2013/36/UE et le règlement (UE) no 1093/2010,

doit être interprété en ce sens qu’il :

ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui, pour déterminer l’indemnisation due au prêteur, tient compte des préjudices liés à la perte des intérêts qui ne seront plus dus en raison du remboursement anticipé du crédit par le consommateur ;

ne s’oppose pas à une méthode de calcul de l’indemnisation due au prêteur du fait du remboursement anticipé du crédit fondée sur le réinvestissement fictif du montant remboursé dans des titres sûrs du marché des capitaux à maturité identique ;

s’applique lorsque le consommateur exerce son droit de s’acquitter de manière anticipée des obligations qui lui incombent après avoir résilié le contrat de crédit immobilier.


( 1 ) Langue originale : l’espagnol.

( 2 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 4 février 2014 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel et modifiant les directives 2008/48/CE et 2013/36/UE et le règlement (UE) no 1093/2010 (JO 2014, L 60, p. 34).

( 3 ) Arrêt du 9 février 2023, UniCredit Bank Austria (C‑555/21, ci-après l’« arrêt UniCredit Bank Austria , EU:C:2023:78).

( 4 ) Cette méthode part du principe que les fonds libérés par le remboursement seront investis dans des obligations hypothécaires d’une maturité identique à celle du prêt. Dans le cadre de ce calcul, le préjudice lié à la réduction des intérêts est pris en compte en tant que préjudice financier résultant du remboursement anticipé du prêt. Ce préjudice correspond à la différence entre le taux d’intérêt contractuel et le rendement des obligations hypothécaires d’une durée correspondant à la durée résiduelle du prêt remboursé.

( 5 ) L’un des emprunteurs, militaire de carrière, avait été muté par son employeur.

( 6 ) Article 1er de cette directive.

( 7 ) Pour autant que ces dispositions soient compatibles avec les obligations qui incombent aux États membres en vertu du droit de l’Union (article 2, paragraphe 1, de la directive 2014/17).

( 8 ) La diversité préexistante à la directive 2014/17 sur ce point explique probablement la difficulté de parvenir à une plus grande harmonisation. Voir document de travail de la Commission joint au Livre blanc sur l’intégration du marché européen du crédit hypothécaire [SEC(2007) 1683, p. 56]. D’après l’étude « Evaluation of the Mortgage Credit Directive (Directive 2014/17/EU) », Risk & Policy Analysts (RPA), 2021, annexe I, tableau 163, en octobre 2020, vingt États membres avaient adopté des dispositions pour indemniser le prêteur en cas de remboursement anticipé. Quatre ne l’avaient pas fait et il n’y avait pas d’information concernant les autres.

( 9 ) Telle semble être la pratique courante en Allemagne, où la jurisprudence considère que la perte du prêteur est déterminée selon les principes du droit de la responsabilité civile. Par conséquent, les intérêts non perçus peuvent être indemnisés en tant que manque à gagner (article 252 du BGB) en appliquant les dispositions nationales qui transposent l’article 25, paragraphe 3, de la directive 2014/17.

( 10 ) La formulation de cette première question peut prêter à confusion. Dans la mesure où elle assimile le manque à gagner à ces intérêts futurs, une réponse affirmative et sans nuances aurait pour conséquence que le prêteur pourrait réclamer au consommateur, au titre de l’indemnisation visée par l’article 25, paragraphe 3, de la directive 2014/17, l’intégralité des intérêts qui auraient été générés par le prêt si la relation contractuelle s’était poursuivie jusqu’au terme originairement convenu, et ce bien que ces intérêts soient soumis à la réduction prévue par l’article 25, paragraphe 1. La deuxième question, relative à la méthode de calcul du manque à gagner aux fins de son indemnisation, nuance la formulation et, par conséquent, cette affirmation.

( 11 ) La juridiction de renvoi mentionne certaines interprétations doctrinales fondées sur le texte. La comparaison de différentes versions linguistiques impose de manier ce critère herméneutique avec prudence.

( 12 ) Voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Hogan dans l’affaire Lexitor (C‑383/18, EU:C:2019:451, point 49), à propos de l’article 16, paragraphe 2, de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil (JO 2008, L 133, p. 66). Pour ma part, je suis d’avis que ce paragraphe vise à compenser le rendement que le prêteur aurait pu obtenir si le remboursement anticipé du crédit n’avait pas eu lieu (même si, en fonction de la période écoulée, un plafond d’indemnisation est fixé, pour les raisons exposées au considérant 39 de la directive 2008/48).

( 13 ) La directive 2014/17 et ses annexes mentionnent des catégories hétérogènes de coûts ou de frais : frais d’évaluation du bien immobilier ; frais d’ouverture et de tenue d’un compte bancaire ; coûts d’inscription au registre foncier ; frais d’accès à des bases de données de crédit sur les consommateurs ; frais découlant du remboursement ; coûts liés à la garantie du crédit ; frais des contrats de crédit ; frais visés à l’article 17, paragraphe 2 ; frais non inclus dans le coût total du crédit ; frais connexes à l’évaluation du bien immobilier ; frais applicables à l’offre de contrat de crédit ; frais d’utilisation d’un moyen de paiement permettant d’effectuer à la fois des opérations et des prélèvements ; autres frais liés aux opérations de paiement ; frais pour défaut de paiement ; frais payables une seule fois ; frais payables régulièrement ; frais liés au prêt ; frais encourus pour non‑respect des obligations contractuelles ; frais non connus du prêteur ; frais inclus dans le versement.

( 14 ) Comme l’illustre l’affaire relative à l’article 25, paragraphe 1, de la directive 2014/17, qui a donné lieu à l’arrêt UniCredit Bank Austria. Voir également arrêt du 11 septembre 2019, Lexitor (C‑383/18, EU:C:2019:702), en ce qui concerne l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2008/48, dont la teneur est pratiquement identique à celle de la première disposition mentionnée.

( 15 ) Le libellé exact est « taux débiteur ou [...] autres frais applicables à l’offre ». L’article 3, paragraphe 5, de la directive 2014/17 contient, en ce qui concerne le paragraphe 3, sous c), de cet article, un exemple supplémentaire de « coûts » incluant les intérêts.

( 16 ) Article 4, paragraphe 13, de la directive 2014/17, qui renvoie à l’article 3, sous g), de la directive 2008/48.

( 17 ) Article 4, paragraphe 13, de la directive 2014/17, qui renvoie à l’article 3, sous g), de la directive 2008/48. Selon cette dernière disposition, le coût total du crédit correspond à « tous les coûts, y compris les intérêts » (mise en italique par mes soins). Du point de vue du consommateur, les « intérêts » et les « coûts » (ou « frais ») sont énumérés comme des notions distinctes en ce qui concerne le droit à réduction associé à un remboursement anticipé dans un but de clarification : un tel libellé élimine d’emblée tout doute quant au point de savoir si cette réduction est limitée à l’une ou l’autre catégorie (ainsi que toute tentation d’imposer une telle limitation). Du point de vue du prêteur, comprendre les notions en ce sens qu’elles s’excluraient mutuellement n’est pas cohérent au regard des autres mentions figurant à l’article 25, paragraphe 3, de la directive 2014/17. Voir point 29 des présentes conclusions.

( 18 ) Voir également considérant 66 de la directive 2014/17 (« perte financière du prêteur »).

( 19 ) Rappelons que, dans les travaux préparatoires du Conseil sur l’actuelle directive, une mention du remboursement anticipé sans contrepartie (« free of charge for the consumer »), portant précisément sur le prêt à taux d’intérêt variable, avait été insérée dans ce qui serait le considérant 50 de celle-ci. Voir note 24 des présentes conclusions. Tel n’est pas le cas lorsque l’indemnité de remboursement anticipé ne concerne que des prêts à taux fixe, comme en l’espèce.

( 20 ) Le considérant 66 de la directive 2014/17 retient une formulation quelque peu différente : « [s]i les États membres prévoient que le prêteur a droit à une indemnisation, il devrait s’agir d’une indemnisation équitable et objectivement justifiée pour les coûts » (mise en italique par mes soins). Selon moi, ce libellé montre plus clairement que les coûts sont la raison d’être de l’indemnisation, mais aussi le critère de calcul de celle-ci.

( 21 ) Rapport sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur les contrats de crédit relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel, du 11 octobre 2012 [COM(2011) 142 – C7‑0085/2011 – 2011/0062(COD), amendement 35]. Cet amendement n’a pas été approuvé : voir document P7_TA(2013) 0341 du Parlement européen, du 10 septembre 2013, relatif à cette proposition (JO 2016, C 93, p. 295).

( 22 ) Rapport sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur les contrats de crédit relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel, du 11 octobre 2012 [COM(2011) 142 – C7‑0085/2011 – 2011/0062 (COD), amendement 87], approuvé par le Parlement européen le 10 septembre 2013, voir document P7_TA(2013) 0341 du Parlement européen, du 10 septembre 2013, relatif à cette proposition (JO 2016, C 93, p. 295). Je rappelle que ces amendements ont été remplacés par la position du Parlement européen P7_TC1-COD(2011)0062 adoptée en première lecture le 10 décembre 2013, dont la teneur coïncide avec le texte législatif final, c’est‑à-dire avec la directive 2014/17.

( 23 ) À partir du document 16325/11 du 3 novembre 2011. La distinction apparaissait dans ce qui était à l’époque la section 8 des instructions pour compléter la FISE.

( 24 ) À partir de la note du secrétariat général du Conseil aux délégations (proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur les contrats de crédit relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel – Proposition de compromis de la Présidence) du 15 novembre 2011, document 16948/11, considérant 55. La proposition ne figure déjà plus dans le texte convenu à titre provisoire avec le Parlement le 22 avril 2013, au terme des négociations : voir note du secrétariat général du Conseil aux délégations (proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur les contrats de crédit relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel – Proposition de compromis de la Présidence) du 3 mai 2013, document 8895/13.

( 25 ) Arrêt UniCredit Bank Austria, point 29.

( 26 ) Le Study on switching of financial services and products de 2019, commandé par la Commission, désigne le montant de l’indemnité due au prêteur, en particulier dans les prêts hypothécaires à taux fixe, comme l’un des facteurs susceptibles de décourager les consommateurs et de les dissuader d’exercer le droit à remboursement. Voir également rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur le réexamen de la directive2014/17/UE du Parlement européen et du Conseil sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel [COM (2021) 229 final].

( 27 ) Décision de renvoi, partie D, point i.2.b), sous bb), et i.3.a), avec référence à des opinions doctrinales.

( 28 ) La directive 2014/17 reconnaît et reprend la diversité qui en résulte dans son considérant 66.

( 29 ) L’indemnisation ne couvrira que des coûts « directement supportés du fait du remboursement anticipé » et sera justifiée par ceux-ci ; elle « ne dépasse[ra] pas la perte financière du prêteur » ; elle n’impose pas de pénalité au consommateur ; elle sera « équitable » et « objective ».

( 30 ) Cette directive ne fournit pas davantage de définition de l’« indemnisation objective ». Cet adjectif renvoie selon moi à la manière de calculer le montant de l’indemnisation. Voir point 62 des présentes conclusions.

( 31 ) Malgré leurs différences, on peut, à mon sens, citer comme signe d’une certaine communauté d’opinion l’indemnisation équitable de l’agent commercial pour perte de clientèle, qui n’exclut pas la demande complémentaire de dommages-intérêts, prévue à l’article 17, paragraphe 2, de la directive 86/653/CEE du Conseil, du 18 décembre 1986, relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants (JO 1986, L 382, p. 17) ; à cet égard, voir arrêts du 23 mars 2023, 02Czech Republic (C‑574/21, EU:C:2023:233), et du 13 octobre 2022, Herios (C‑593/21, EU:C:2022:784). Un autre exemple serait la directive no 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information (JO 2001, L 167, p. 10), dont l’article 5, paragraphe 2, sous b), prévoit une obligation de « compensation équitable » pour les auteurs dans certaines circonstances. La Cour a précisé la relation entre cette notion et la nécessité d’un « juste équilibre » entre les différents acteurs, qui figure au considérant 31 de cette directive : voir arrêt du 21 octobre 2010, Padawan (C‑467/08, EU:C:2010:620, points 38 et suivants), et conclusions de l’avocat général Trstenjak dans cette affaire (C‑467/08, EU:C:2010:264, points 73 et suiv.). Enfin, il convient de mentionner l’indemnité compensatrice équitable acceptée par la Cour dans le cadre de la directive 97/7/CE (aujourd’hui abrogée) du Parlement européen et du Conseil, du 20 mai 1997, concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance (JO 1997, L 144, p. 19) : voir arrêt du 3 septembre 2009, Messner (C‑489/07, EU:C:2009:502, point 26).

( 32 ) Telle était l’explication du terme « équitable » dans la première proposition de la Commission relative à la directive sur le crédit à la consommation, dans laquelle il est expressément question d’une indemnisation pour le prêteur : proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l’harmonisation des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de crédit aux consommateurs [COM(2002) 443 final, point 3 (Examen du dispositif, article 16).

( 33 ) Considérant 82.

( 34 ) Considérants 3, 66, 67 et 75, entre autres.

( 35 ) « La possibilité pour les consommateurs de rembourser leur crédit avant l’échéance du contrat de crédit peut jouer un rôle important dans le marché unique, en y renforçant la concurrence et en y favorisant la libre circulation des personnes ainsi qu’en contribuant à apporter pendant la durée du contrat de crédit la souplesse requise pour promouvoir la stabilité financière conformément aux recommandations du Conseil de stabilité financière. [...] » Comme je l’ai expliqué dans mes conclusions dans l’affaire UniCredit Bank Austria (C‑555/21, EU:C:2022:742, point 67), le droit à l’amortissement anticipé du crédit ne tend pas à corriger les asymétries typiques de la relation contractuelle entre le prêteur et le consommateur.

( 36 ) Observations du gouvernement allemand, point 45, et, de manière plus détaillée, observations de VR Bank, points 44 et suiv.. L’annexe III au document de travail de la Commission joint au Livre blanc sur l’intégration du marché européen du crédit hypothécaire [SEC(2007) 1683], faisait référence, en ses pages 60 et 61, à ces stratégies liées à la réglementation de l’indemnisation dans différents États membres et exposait leurs effets négatifs sur des marchés spécifiques. Voir Schäfer, H. B., et Wulf, A. J., « Premature repayment of fixed interest Mortgage loans without compensation, a case of misguided consumer protection in the EU », European Journal of Law and Economics, 2022, p. 175 à 208.

( 37 ) Ce qui, en fin de compte, restreindrait les possibilités des consommateurs de rechercher les produits les mieux adaptés à leurs besoins, soit avant de conclure tout contrat de crédit pour des biens à usage résidentiel, soit ultérieurement, en vue d’exercer le droit au remboursement anticipé. L’instauration ou non d’un droit à une indemnisation et le plafonnement ou non de son montant sont liés à la plus ou moins grande inclination des prêteurs à proposer des prêts à taux fixe à long terme.

( 38 ) Considérants 19 et 20. Voir également, arrêt UniCredit Bank Austria, point 28, selon lequel « il ressort des considérants 19 et 20 de la directive 2014/17, qu’il y a lieu, pour des raisons de sécurité juridique, d’assurer la cohérence et la complémentarité de cette directive avec d’autres actes adoptés dans le domaine de la protection des consommateurs ».

( 39 ) Considérant 22. Avant l’adoption de la directive 2014/17, certains États membres avaient étendu l’article 16 de la directive 2008/48 aux contrats de crédit adossés à une hypothèque ou à une sûreté comparable.

( 40 ) En admettant que la différence peut jouer en faveur de l’une ou l’autre partie : en faveur du prêteur, s’il prouve un préjudice réel supérieur au montant de l’indemnité calculé sur une base forfaitaire, ou en faveur du consommateur, qui peut exiger une réduction de ce montant lorsqu’il dépasse le préjudice effectivement subi par le prêteur.

( 41 ) Étant entendu, en ce qui concerne le crédit hypothécaire, que d’autres méthodes de calcul de l’indemnité sont théoriquement possibles, pour autant qu’elles remplissent les conditions de l’article 25, paragraphe 3, de la directive 2014/17. Je rappelle que le niveau d’harmonisation de cette directive est inférieur à celui de la directive 2008/48.

( 42 ) Les travaux préparatoires de cette directive ne détaillent pas davantage d’éventuelles méthodes de calcul.

( 43 ) Au point 35 de ses observations, la Commission souligne les difficultés de cette méthode, qui impose de déterminer avec certitude, voire de prévoir, comment le montant remboursé sera investi entre le moment de sa récupération et la date de paiement initialement prévue.

( 44 ) Comme je l’ai déjà indiqué, l’indemnisation sera « équitable » si elle permet d’équilibrer les avantages que le remboursement procure au consommateur et les désavantages qu’il génère pour le prêteur. Voir point 46 des présentes conclusions.

( 45 ) Tel pourrait être le cas lorsque, du fait de l’amélioration des conditions du marché, le réinvestissement apporte au prêteur des avantages supérieurs à ceux qui auraient résulté de l’exécution du contrat pendant la durée convenue. La première proposition de directive sur le crédit aux consommateurs de la Commission, dans laquelle l’indemnisation du prêteur a été expressément introduite, pointait en ce sens. Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l’harmonisation des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de crédit aux consommateurs [COM(2002) 443 final, point 3 (Examen du dispositif, article 16)].

( 46 ) Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice), arrêt du 30 novembre 2004 – XI ZR 285/03.

( 47 ) Le rendement peut être déduit des statistiques de la Deutsche Bundesbank ou de la Banque centrale européenne relatives au marché des capitaux.

( 48 ) En vertu de l’article 16, paragraphe 4, in fine, de la directive 2008/48, le préjudice financier du prêteur, qui peut prétendre à une indemnisation si l’État membre a prévu un tel droit, consiste « dans la différence entre le taux d’intérêt de référence initialement convenu et le taux d’intérêt de référence auquel le prêteur peut à nouveau prêter sur le marché le montant remboursé par anticipation ». L’élément hypothétique ressort plus clairement des versions linguistiques de cette directive conjuguées au subjonctif.

( 49 ) Techniquement, l’article 490, paragraphe 2, du BGB confère au consommateur le droit de modifier la relation contractuelle (« Gestaltungsrecht ») sous des conditions de temps rigoureuses et en présence d’un intérêt légitime, interprété strictement. Selon la décision de renvoi, cet intérêt est lié à la protection de la liberté d’entreprise de l’emprunteur en ce qui concerne le bien immobilier. Il est notamment présent lorsque l’emprunteur a besoin de faire un autre usage du bien.

( 50 ) Gesetz zur Umsetzung der Wohnimmobilienkreditrichtlinie und zur Änderung handelsrechtlicher Vorschriften (loi portant transposition de la directive sur le crédit hypothécaire et portant modification des dispositions relatives au droit commercial), du 11 mars 2016 (BGBl I. 2016, no 12, 16 mars 2016, p. 296).

( 51 ) La notion d’« intérêt légitime » aux fins d’un remboursement à ce titre est plus souple que celle retenue dans le cadre de l’article 490, paragraphe 2, du BGB. Selon la décision de renvoi, un divorce ou une période de chômage sont réputés constituer un intérêt légitime.

( 52 ) Par exemple, en imposant des exigences différentes en ce qui concerne les « intérêts légitimes » ou en subordonnant l’exercice du droit à des délais d’attente, comme c’est actuellement le cas en Allemagne.

( 53 ) Voir point 75 des présentes conclusions.

( 54 ) La réponse ne préjuge évidemment pas de la question de savoir si les États membres peuvent instituer, au bénéfice des consommateurs, un droit extraordinaire de résiliation du contrat. Le considérant 21, in fine, de la directive 2014/17 précise que celle-ci « ne devrait pas avoir d’incidence sur les dispositions générales du droit des contrats prévues au niveau national, notamment les règles relatives à la validité, à la formation et aux effets des contrats, dans la mesure où les aspects généraux du droit des contrats ne sont pas régis par la présente directive ». Voir également, par analogie, arrêt du 9 septembre 2021, Volkswagen Bank e.a. (C‑33/20, C‑155/20 et C‑187/20, EU:C:2021:736, point 110), en ce qui concerne la directive 2008/48.

( 55 ) Observations de VR Bank, points 16 et 17. Selon VR Bank, lorsque le consommateur opte pour la résiliation extraordinaire du contrat, ce dernier prend fin ex nunc et le remboursement ultérieur n’intervient pas « avant l’expiration du contrat » visée à l’article 25, paragraphes 1 et 4, de la directive 2014/17.

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