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Document 62015CC0632

    Conclusions de l'avocat général M. H. Saugmandsgaard Øe, présentées le 24 novembre 2016.
    Costin Popescu contre Guvernul României e.a.
    Demande de décision préjudicielle, introduite par l'Înalta Curte de Casație şi Justiție.
    Renvoi préjudiciel – Transports – Transports par route – Permis de conduire – Directive 2006/126/CE – Article 13, paragraphe 2 – Notion de “droit de conduire délivré avant le 19 janvier 2013” – Réglementation nationale transposant cette directive – Obligation d’obtenir un permis de conduire imposée aux personnes ayant eu l’autorisation de conduire des cyclomoteurs sans permis avant l’entrée en vigueur de cette réglementation.
    Affaire C-632/15.

    Court reports – general

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2016:894

    CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

    M. HENRIK SAUGMANDSGAARD ØE

    présentées le 24 novembre 2016 ( 1 )

    Affaire C‑632/15

    Costin Popescu

    contre

    Guvernul României,

    Ministerul Afacerilor Interne,

    Direcția Regim Permise de Conducere si înmatriculare a Vehiculelor,

    Direcția Rutieră,

    Serviciul Public Comunitar Regim Permise de Conducere și înmatriculare a Vehiculelor

    [demande de décision préjudicielle formée par l’Înalta Curte de Casaţie şi Justiţie (Haute Cour de cassation et de justice, Roumanie)]

    «Renvoi préjudiciel — Transports — Transports par route — Permis de conduire — Directive 2006/126/CE — Article 13, paragraphe 2 — Notion de “droit de conduire délivré avant le 19 janvier 2013” — Réglementation nationale transposant cette directive — Obligation d’obtenir un permis de conduire imposée aux personnes ayant eu l’autorisation de conduire des cyclomoteurs sans permis avant l’entrée en vigueur de cette réglementation — Admissibilité»

    I – Introduction

    1.

    La demande de décision préjudicielle formée par l’Înalta Curte de Casaţie şi Justiţie (Haute Cour de cassation et de justice, Roumanie) porte sur l’interprétation de la directive 2006/126/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 décembre 2006, relative au permis de conduire ( 2 ), et plus spécialement, en substance, sur l’interprétation de son article 13, paragraphe 2, lu en combinaison avec son considérant 5.

    2.

    Cette demande est présentée dans le cadre d’un recours ayant été introduit par un particulier en vue d’obtenir que son habilitation à conduire un véhicule de type cyclomoteur sur la voie publique, attestée par un document certifiant qu’il a validé un cours de code de la route, soit reconnue après le 19 janvier 2013, date d’application des dispositions de la directive 2006/126 qui sont pertinentes en l’espèce ( 3 ) et date d’entrée en vigueur de la réglementation roumaine transposant cette directive en droit national.

    3.

    L’intéressé prétend qu’il serait titulaire, en vertu du document susmentionné, d’un « droit de conduire délivré avant le 19 janvier 2013 », au sens de l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2006/126, et que cela le dispenserait de se soumettre aux épreuves de nature théorique et pratique à passer pour obtenir le permis de conduire qui est exigé depuis cette date pour circuler avec des cyclomoteurs en Roumanie.

    4.

    Au vu des considérations que j’exposerai ci‑dessous, je suis d’avis que les dispositions de cette directive ne s’opposent pas à une réglementation de transposition telle que celle en cause, par laquelle un État membre impose l’obtention d’un permis de conduire aux personnes qui avaient préalablement l’autorisation de conduire des cyclomoteurs sur la voie publique sans être titulaires d’un tel permis.

    II – Le cadre juridique

    A – Le droit de l’Union

    5.

    Aux termes du considérant 5 de la directive 2006/126, celle‑ci « ne devrait pas porter atteinte aux droits de conduire existants ou obtenus avant sa date d’application ».

    6.

    Selon le considérant 13 de cette directive, « [l]’introduction d’une catégorie de permis de conduire pour les cyclomoteurs renforcera, en particulier, la sécurité routière en ce qui concerne les plus jeunes conducteurs qui, d’après les statistiques, sont les plus touchés par les accidents de la route ».

    7.

    Son considérant 16 énonce que « [l]e modèle de permis de conduire tel que défini par la directive 91/439/CEE [ ( 4 )] devrait être remplacé par un modèle unique ayant la forme d’une carte plastique. En même temps, ce modèle de permis de conduire nécessite une adaptation en raison de l’introduction d’une nouvelle catégorie de permis de conduire pour les cyclomoteurs et d’une nouvelle catégorie de permis de conduire pour les motocycles ».

    8.

    Aux termes des paragraphes 1 et 2 de son article 4, intitulé « Catégories, définitions et âges minimums » :

    « 1.   Le permis de conduire prévu à l’article 1er autorise la conduite des véhicules à moteur des catégories définies ci‑après. Il peut être délivré à partir de l’âge minimum indiqué pour chaque catégorie. Le terme “véhicule à moteur” désigne tout véhicule pourvu d’un moteur de propulsion et circulant sur route par ses moyens propres [...].

    2.   Cyclomoteurs :

    (catégorie AM)

    véhicules à deux roues ou à trois roues ayant une vitesse maximale par construction ne dépassant pas 45 km/h, tels que définis à l’article 1er, paragraphe 2, point a), de la directive 2002/24/CE [ ( 5 )] (à l’exclusion de ceux ayant une vitesse maximale par construction inférieure ou égale à 25 km/h), et quadricycles légers tels que définis à l’article 1er, paragraphe 3, point a), de la directive 2002/24/CE ;

    l’âge minimum pour la catégorie AM est fixé à 16 ans. »

    9.

    L’article 7 de la directive 2006/126, intitulé « Délivrance, validité et renouvellement », dispose, à son paragraphe 1, sous a) et b) :

    « Le permis de conduire est uniquement délivré aux demandeurs qui :

    a)

    ont réussi une épreuve de contrôle des aptitudes et des comportements et une épreuve de contrôle des connaissances et qui répondent à des normes médicales, conformément aux dispositions des annexes II et III ;

    b)

    ont réussi seulement une épreuve théorique en ce qui concerne la catégorie AM ; les États membres peuvent imposer aux demandeurs la réussite d’une épreuve de contrôle des aptitudes et des comportements et un examen médical pour cette catégorie.

    Pour les tricycles et les quadricycles qui relèvent de cette catégorie, les États membres peuvent imposer une épreuve spécifique de contrôle des aptitudes et des comportements. Afin de distinguer entre les véhicules de la catégorie AM, un code national peut être inscrit sur le permis de conduire ».

    10.

    L’article 13 de cette directive, intitulé « Équivalences entre permis de modèle non communautaire », est libellé comme suit :

    « 1.   Après accord de la Commission, les États membres établissent les équivalences entre les droits acquis avant la mise en œuvre de la présente directive et les catégories définies à l’article 4.

    Après consultation de la Commission, les États membres peuvent apporter à leur législation nationale les aménagements nécessaires à la mise en œuvre des dispositions de l’article 11, paragraphes 4, 5 et 6 [ ( 6 )].

    2.   Aucun droit de conduire délivré avant le 19 janvier 2013 n’est supprimé ou assorti de restrictions quelconques aux termes des dispositions de la présente directive. »

    11.

    En vertu de l’article 16, paragraphes 1 et 2, de la directive 2006/126, intitulé « Transposition », les États membres, d’une part, devaient adopter et publier les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer aux dispositions de ladite directive qui y sont énumérées ( 7 ) au plus tard le 19 janvier 2011 et, d’autre part, devaient appliquer ces dispositions de transposition à partir du 19 janvier 2013.

    B – Le droit roumain

    12.

    La legea nr. 203/2012 (loi no 203/2012) ( 8 ), qui a transposé certaines dispositions de la directive 2006/126 en droit roumain, est applicable depuis le 19 janvier 2013. Elle a modifié l’Ordonanţa de urgenţă a Guvernului nr. 195/2002 privind circulaţia pe drumurile publice (ordonnance d’urgence du gouvernement no 195/2002 relative à la circulation sur la voie publique) ( 9 ) (ci‑après l’« OUG no 195/2002 »), ainsi que le règlement d’application de cette ordonnance d’urgence, tel qu’approuvé par la Hotărârea Guvernului nr. 1391/2006 (décision du gouvernement no 1391/2006) ( 10 ).

    13.

    Avant l’entrée en vigueur de la loi no 203/2012, le règlement d’application de l’OUG no 195/2002, prévoyait, à son article 160, paragraphe 2, que « [l]es personnes ne possédant pas de permis de conduire peuvent conduire des cyclomoteurs sur la voie publique seulement si elles prouvent avoir validé un cours de code de la route dans le cadre d’un établissement agréé de formation des conducteurs de véhicules à moteur ».

    14.

    L’article 161, paragraphe 2, de ce règlement d’application précisait que « [l]orsqu’ils circulent sur la voie publique, les cyclistes sont tenus de se munir de leur carte d’identité et les conducteurs de cyclomoteurs doivent en outre se munir de leur attestation de formation à la réglementation routière et du certificat d’enregistrement du véhicule ».

    15.

    Depuis l’entrée en vigueur de la loi no 203/2012, les dispositions des articles 160 et 161 dudit règlement d’application de l’OUG no 195/2002 qui étaient relatives aux cyclomoteurs ont été abrogées, tandis que les dispositions applicables aux bicyclettes sont restées valables.

    16.

    L’article 6, points 6 et 21, de l’OUG no 195/2002, telle que modifiée par la loi no 203/2012 (ci-après l’« OUG no 195/2002 modifiée »), définit les notions de « véhicule à moteur » et de « cyclomoteur » et énonce, d’une part, que « les cyclomoteurs [...] sont considérés comme des véhicules à moteur » et, d’autre part, que les quadricycles légers « [s]ont assimilés à des cyclomoteurs ».

    17.

    Son article 20, paragraphes 1 et 2, est libellé comme suit :

    « (1)   Pour conduire sur la voie publique des véhicules à moteur, [...] leurs conducteurs doivent posséder un permis de conduire approprié.

    (2)   Les permis de conduire sont délivrés pour les catégories suivantes de véhicules : AM [...]. »

    18.

    L’annexe 1 de l’OUG no 195/2002 modifiée est relative aux catégories de véhicules pour lesquels un permis de conduire est délivré, telles que prévues à l’article 20, paragraphe 2, de cette dernière. Le point a) de ladite annexe définit la « catégorie AM » comme visant les « cyclomoteurs ».

    19.

    Aux termes de l’article 23, paragraphes 1 et 9, de l’OUG no 195/2002 modifiée :

    « (1)   Le droit de conduire un véhicule à moteur [...] sur la voie publique est accordé exclusivement au titulaire d’un permis de conduire valable, correspondant à la catégorie à laquelle appartient le véhicule, ou à toute personne pouvant justifier, en remplacement, d’un document l’autorisant à circuler sur la voie publique.

    [...]

    (9)   L’examen d’obtention du permis de conduire consiste en une épreuve théorique de vérification des connaissances et en une épreuve pratique de vérification des aptitudes et du comportement, correspondant à la catégorie de permis demandé. L’épreuve pratique pour la catégorie AM consiste seulement en la vérification des aptitudes dans des polygones spécialement aménagés. Les conditions d’obtention du permis de conduire sont établies par règlement. »

    III – Le litige au principal, la question préjudicielle et la procédure devant la Cour

    20.

    M. Costin Popescu est titulaire d’un certificat d’enregistrement, lui ayant été délivré le 12 octobre 2010, pour un quadricycle léger de marque Aixam, classé véhicule de catégorie L6e ( 11 ), assimilé à un cyclomoteur. Il est aussi en possession d’une attestation, datée du 26 octobre 2010, qui certifie qu’il a validé un cours de code de la route pour la conduite de cyclomoteurs sur la voie publique. Lesdits documents étaient suffisants à cette époque pour pouvoir circuler avec un véhicule tel que le sien, conformément aux articles 160 et 161 du règlement d’application de l’OUG no 195/2002 dans sa version alors en vigueur.

    21.

    À partir du 19 janvier 2013, la conduite sur la voie publique de cyclomoteurs, ou de véhicules assimilés, a été subordonnée en Roumanie à l’obtention d’un permis de conduire, en vertu de la loi no 203/2012, qui a modifié l’OUG no 195/2002 pour transposer en droit national certaines dispositions de la directive 2006/126 ( 12 ).

    22.

    M. Popescu a formé un recours, dirigé contre plusieurs autorités nationales ( 13 ), devant la Curtea de Apel București (cour d’appel de Bucarest, Roumanie), aux fins d’obtenir que son droit à la conduite des cyclomoteurs sur la voie publique, tel qu’acquis avant le 19 janvier 2013, continue à être reconnu après cette date, sans devoir accomplir de formalités ou procédures supplémentaires ( 14 ), et qu’un document attestant de ce droit lui soit délivré par l’autorité compétente. À l’appui de son recours, il a allégué que la nouvelle réglementation, issue de la loi no 203/2012, irait à l’encontre des dispositions de la directive 2006/126.

    23.

    Le requérant au principal ayant aussi soulevé une exception d’inconstitutionnalité à l’égard des dispositions de l’OUG no 195/2002 modifiées par ladite loi, la Curtea de Apel București (cour d’appel de Bucarest) a saisi la Curtea Constituțională (Cour constitutionnelle, Roumanie).

    24.

    Par décision du 5 décembre 2013, cette dernière juridiction a rejeté l’exception d’inconstitutionnalité comme étant non fondée, aux motifs que l’interprétation des règles du droit de l’Union excédait sa compétence, cette prérogative appartenant exclusivement à la Cour de justice de l’Union européenne, et que les dispositions du droit national visées par M. Popescu étaient conformes à la Constitution roumaine.

    25.

    Sur la base de ladite décision, la Curtea de Apel București (cour d’appel de Bucarest) a déclaré le recours irrecevable, par arrêt du 8 avril 2014.

    26.

    M. Popescu a formé un pourvoi contre cet arrêt devant l’Înalta Curte de Casaţie şi Justiţie (Haute Cour de cassation et de justice), en soutenant que les dispositions de la loi no 203/2012 ne seraient pas conformes au considérant 5 et à l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2006/126, lequel prévoit qu’« [a]ucun droit de conduire délivré avant le 19 janvier 2013 n’est supprimé ou assorti de restrictions quelconques aux termes des dispositions de [cette] directive ».

    27.

    En défense, l’Inspectoratul General al Poliției Române (inspection générale de la police roumaine) a invoqué que les changements apportés à l’OUG no 195/2002 par la loi no 203/2012, consistant à subordonner la conduite d’un cyclomoteur à l’obtention d’un permis, étaient motivés par l’objectif d’améliorer la sécurité routière, en réduisant le nombre et les conséquences des accidents de la route impliquant des cyclomoteurs grâce à l’exigence que les conducteurs acquièrent les connaissances théoriques et les compétences pratiques nécessaires au cours d’une formation appropriée.

    28.

    Dans ce contexte, par ordonnance du 12 novembre 2015, parvenue à la Cour le 30 novembre 2015, l’Înalta Curte de Casaţie şi Justiţie (Haute Cour de cassation et de justice) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

    « Les dispositions de la directive 2006/126 [...] permettent‑elles à la Roumanie d’obliger les conducteurs de cyclomoteurs, détenteurs d’un document officiel qui leur donnait le droit de conduire sur la voie publique avant le 19 janvier 2013, à obtenir un permis de conduire en passant des épreuves ou des examens similaires à ceux pour les autres véhicules à moteur pour continuer à conduire des cyclomoteurs après le 19 janvier 2013 ? »

    29.

    Des observations écrites ont été déposées par M. Popescu, par les gouvernements roumain et slovaque ainsi que par la Commission européenne. Il n’a pas été tenu d’audience de plaidoiries.

    IV – Analyse

    A – Sur la teneur de la question préjudicielle

    30.

    La question qui est posée par la juridiction de renvoi nécessite à mes yeux la présentation d’observations liminaires, tant sous l’angle de la formulation de cette question que sous l’angle du traitement qu’il est proposé de lui réserver.

    1. Sur la qualification juridique des faits du litige au principal

    31.

    Il peut être observé que le libellé de la question qui est soumise à la Cour a suscité des précisions, voire des réserves, de la part du gouvernement roumain.

    32.

    Aux termes de la question qu’elle pose, la juridiction de renvoi semble partir de la prémisse selon laquelle le requérant au principal aurait été « détenteu[r] d’un document officiel qui [lui] donnait le droit de conduire sur la voie publique avant le 19 janvier 2013 », en application de la réglementation roumaine en vigueur avant cette date. Cependant, le gouvernement roumain conteste que l’un ou l’autre des deux documents dont l’intéressé se prévaut ( 15 ) puisse être considéré comme ayant la valeur d’un document officiel qui lui aurait véritablement octroyé le droit en question à cette époque.

    33.

    S’agissant du certificat d’enregistrement ayant été délivré à M. Popescu par l’autorité administrative compétente ( 16 ), ce gouvernement estime que ledit certificat « constituait seulement la preuve de l’immatriculation du véhicule [concerné] » et permettait que celui‑ci soit répertorié, conformément aux dispositions nationales applicables en la matière ( 17 ). S’agissant de l’attestation de validation d’un cours de code de la route lui ayant été remise par une auto‑école, ce même gouvernement soutient qu’une telle attestation de formation à la réglementation routière répondait aux exigences des règles qui étaient alors en vigueur ( 18 ), sans néanmoins être la source d’un réel droit de conduire un véhicule à moteur sur la voie publique. Selon lui, ce dernier droit, que l’article 23, paragraphe 1, de l’OUG no 195/2002 aurait reconnu exclusivement aux personnes titulaires d’un permis de conduire valable, ne devrait pas être confondu avec le simple droit d’utiliser des cyclomoteurs sur la voie publique qui était accordé par les autres règles précédemment évoquées ( 19 ).

    34.

    À cet égard, je rappelle que, dans le cadre d’un renvoi préjudiciel au titre de l’article 267 TFUE, la définition de la teneur du droit interne d’un État membre et la qualification juridique du litige dont est saisie la juridiction de renvoi appartiennent uniquement à cette dernière ( 20 ). La Cour ne pouvant procéder elle‑même à une appréciation des éléments factuels de la cause en relation avec les dispositions de droit national pertinentes, il lui incombe de statuer au vu des considérations de fait et de droit qui sont exposées dans la décision de renvoi ( 21 ). Néanmoins, dans un esprit de coopération avec les juges nationaux, la Cour peut leur fournir toutes les indications qu’elle juge nécessaires ( 22 ).

    35.

    En l’occurrence, je précise qu’il m’apparaît qu’aucun des deux documents invoqués par le requérant au principal ne saurait être considéré comme un acte constitutif d’un véritable « permis de conduire », octroyé par les autorités d’un État membre, au sens de la directive 2006/126. La question qui demeure est de savoir si l’intéressé a été titulaire d’un « droit de conduire délivré avant le 19 janvier 2013 », en vertu de la réglementation roumaine en vigueur avant cette date, droit qui pourrait, voire devrait, être préservé en application de l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2006/126.

    2. Sur l’objet de la question préjudicielle et les thèses en présence

    36.

    En substance, la juridiction de renvoi demande à la Cour de déterminer si les dispositions de la directive 2006/126, et en particulier son article 13, paragraphe 2, s’opposent ou non à ce qu’une réglementation d’un État membre contraigne les personnes ayant eu l’autorisation de conduire des cyclomoteurs sur la voie publique sans néanmoins être titulaires d’un permis de conduire avant le 19 janvier 2013 – date d’entrée en vigueur des dispositions transposant ladite directive en droit interne – à obtenir un tel permis afin de pouvoir continuer à conduire ces véhicules au‑delà de cette date.

    37.

    Je rappelle que la Cour a déjà procédé à l’interprétation de diverses dispositions de la directive 2006/126, en particulier dans une série d’arrêts concernant le principe de la reconnaissance mutuelle des permis de conduire au sens de cette directive ( 23 ). La question ici posée revêt un caractère inédit en ce que l’interprétation de la notion de « droit de conduire délivré avant le 19 janvier 2013 » qui figure à l’article 13, paragraphe 2, de ladite directive n’a pas fait l’objet en soi d’une question préjudicielle. Néanmoins, je souligne que la Cour s’est prononcée au sujet de la fonction remplie par cette disposition, dans le cadre d’observations liminaires formulées dans l’arrêt Hofmann ( 24 ). Je reviendrai sur les enseignements pouvant être tirés de ce précédent jurisprudentiel ( 25 ).

    38.

    Aux termes de sa décision, la juridiction de renvoi ne prend pas position sur la réponse qui pourrait être donnée à la question soumise. Dans ses observations écrites, M. Popescu défend la thèse selon laquelle il serait contraire aux exigences de la directive 2006/126, et plus particulièrement au texte de son article 13, paragraphe 2, de retirer aux personnes se trouvant dans sa situation le droit de conduire des cyclomoteurs sur la voie publique qui aurait été acquis sous l’empire de la réglementation antérieure à la réforme litigieuse.

    39.

    En revanche, tant les gouvernements roumain et slovaque que la Commission considèrent que les dispositions de cette directive ne s’opposent pas à des mesures nationales de transposition telles que celles en cause, lesquelles durcissent les conditions d’habilitation à la conduite de cyclomoteurs en imposant l’obtention d’un permis de conduire, et donc le passage d’épreuves et/ou examens analogues à ceux requis pour la conduite d’autres véhicules à moteur ( 26 ). Je partage ce dernier avis, pour les raisons développées ci‑après.

    B – Sur la réponse à la question préjudicielle

    40.

    Au vu des disparités existant entre les différentes versions linguistiques de l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2006/126, lu en combinaison avec le considérant 5 de celle‑ci, il est possible de s’interroger sur l’incidence que doivent avoir ces dispositions à l’égard du règlement d’un litige tel que celui au principal. Cependant, il m’apparaît clair que non seulement les objectifs visés par cette directive, mais aussi le contexte dans lequel s’inscrit plus spécifiquement son article 13, plaident en faveur d’une interprétation contraire à celle proposée par M. Popescu.

    1. Sur les interrogations soulevées par le libellé de l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2006/126

    41.

    Je rappelle que l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2006/126, qui est visé par M. Popescu pour soutenir qu’il ne saurait être contraint à obtenir un permis pour pouvoir continuer à conduire sur la voie publique son véhicule assimilé à un cyclomoteur, est libellé comme suit, dans sa version en langue française : « [a]ucun droit de conduire délivré avant le 19 janvier 2013 n’est supprimé ou assorti de restrictions quelconques aux termes des dispositions de la présente directive» ( 27 ).

    42.

    Une interprétation littérale de l’expression « droit de conduire délivré » figurant dans cette version, en particulier au regard de l’acception usuelle du terme « délivré» ( 28 ), pourrait permettre de considérer que la formulation dudit article 13, paragraphe 2, implique que seules les habilitations expresses à la conduite qui résultent d’un acte ayant été remis d’une façon formelle, généralement sous la forme d’un acte administratif individuel, avant le 19 janvier 2013 ne seraient pas affectées, en vertu de cette disposition, par les exigences contenues dans la directive 2006/126. Il me semble qu’une approche équivalente pourrait ressortir d’autres versions linguistiques de cette disposition ( 29 ).

    43.

    À cet égard, je note que les termes « délivré » ou « délivrance » figurent aussi, notamment, dans la version en langue française des articles 4, 6 et 7 de la directive 2006/126 ( 30 ), lesquels portent sur les conditions minimales d’octroi du modèle unique de permis de conduire européen prévu à son article 1er, ce qui conforte l’idée que ces deux termes renvoient généralement à la remise, par les autorités nationales compétentes, d’un acte qui accorde à son détenteur un droit de conduire d’une nature équivalente à celui ouvert par un permis de conduire stricto sensu.

    44.

    En outre, j’observe que la notion de « droit de conduire » était employée en lien avec les permis de conduire, notamment dans sa version française, à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 91/439 ( 31 ), qui a été remplacée par la directive 2006/126, et que ledit droit a habituellement été présenté comme « résultant d’un permis de conduire » dans la jurisprudence de la Cour relative à l’interprétation de cette première directive ( 32 ).

    45.

    Cependant, la terminologie utilisée dans d’autres versions linguistiques de l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2006/126 est susceptible d’engendrer une interprétation différente.

    46.

    En particulier, dans la version en langue roumaine, qui est invoquée par M. Popescu, figure l’expression « drept de conducere acordat », étant précisé que le terme « drept » évoque normalement le droit en soi, et non pas le document formel attestant d’un droit accordé, et que, à la différence du terme « délivré », qui en langue française se rapporte ordinairement à un acte, le mot roumain « acordat » correspond littéralement aux mots français « accordé » ou « octroyé », ce qui peut viser tant un droit qu’un document.

    47.

    Il en va de même d’autres versions linguistiques de cette disposition, où figurent des vocables qui semblent porteurs d’une signification plus neutre, et donc d’une portée plus générale, que l’expression « droit de conduire délivré » présente dans la version française ( 33 ). Il pourrait s’ensuivre que toute habilitation ou faculté de conduire ayant été reconnue par un État membre, même sans le support d’un acte formel, serait susceptible de relever de la réserve des droits antérieurs qui est énoncée audit article 13, paragraphe 2.

    48.

    Qui plus est, le considérant 5 de la directive 2006/126, à tout le moins dans sa version en langue française, ne permet pas de dissiper avec certitude le doute émis dans la présente affaire, puisqu’il y est indiqué que ladite directive « ne devrait pas porter atteinte aux droits de conduire existants ou obtenus avant sa date d’application ». Les deux adjectifs utilisés dans cette formule peuvent donner à penser qu’il y aurait lieu de préserver non seulement les droits de conduire « obtenus » de façon formelle, mais aussi ceux « existants » de fait avant cette date, ce qui constitue une approche plus large que celle que le terme « délivré », employé dans la version française de l’article 13, paragraphe 2, laisse entendre.

    49.

    Conformément à une jurisprudence constante de la Cour, la formulation utilisée dans l’une des versions linguistiques d’une disposition du droit de l’Union ne saurait servir de base unique à l’interprétation de cette disposition ou se voir attribuer un caractère prioritaire par rapport aux autres versions linguistiques. Les dispositions du droit de l’Union doivent, en effet, être interprétées et appliquées de manière uniforme, à la lumière des versions établies dans toutes les langues de l’Union européenne. En cas de disparité entre les diverses versions linguistiques d’un texte du droit de l’Union, comme cela se présente en l’espèce, la disposition en cause doit être interprétée en fonction de l’économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément ( 34 ).

    50.

    Or, à la lumière du contexte et des finalités de cette disposition, que j’entends à présent décrire, j’estime que la notion de « droit de conduire délivré » au sens de l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2006/126 doit revêtir une signification stricte, et non faire l’objet d’une interprétation extensive consistant à interdire aux États membres d’exiger qu’une personne ayant bénéficié d’une habilitation à conduire non formelle avant le 19 janvier 2013 soit tenue d’obtenir un permis de conduire à partir de cette date.

    2. Sur l’interprétation préconisée au regard des objectifs de la directive 2006/126 et du contexte propre de son article 13

    51.

    En premier lieu, il convient de noter que la directive 2006/126 a eu pour objet non pas de réaliser une harmonisation complète des règles nationales applicables aux permis de conduire, mais de fixer principalement les conditions minimales dans lesquelles ces derniers peuvent être délivrés ( 35 ), même si le champ d’application matériel des règles du droit de l’Union en la matière a été étendu par rapport à celles qui résultaient antérieurement de la directive 91/439 ( 36 ). Le modèle unique de permis de conduire prévu par ces directives visait à remplacer progressivement les différents types de permis de conduire existant dans les États membres et à permettre une reconnaissance mutuelle des permis sans formalités, afin de favoriser la libre circulation des citoyens qui se déplacent au sein de l’Union ( 37 ).

    52.

    L’harmonisation plus poussée qui a été instaurée par la directive 2006/126 a eu pour finalité, entre autres objectifs ( 38 ), de « contribuer à l’amélioration de la sécurité routière », impératif auquel la directive 91/439 tendait déjà à répondre ( 39 ). Dans cette optique, la directive 2006/126 a, parmi d’autres innovations, introduit l’exigence d’un permis de conduire pour les cyclomoteurs, lesquels n’entraient pas dans le champ d’application de la directive 91/439, afin de « renforce[r], en particulier, la sécurité routière en ce qui concerne les plus jeunes conducteurs qui, d’après les statistiques, sont les plus touchés par les accidents de la route» ( 40 ).

    53.

    Il découle des dispositions de la directive 2006/126 que, avec effet au 19 janvier 2013, les États membres ont dû instaurer une nouvelle catégorie de permis de conduire pour les cyclomoteurs, permis qui est octroyé aux candidats ayant réussi une épreuve théorique et le cas échéant, si le législateur national a décidé d’ajouter ces obligations, passé avec succès une épreuve pratique et/ou un examen médical ( 41 ).

    54.

    Il est indéniable que le fait d’exiger des conducteurs de cyclomoteurs qu’ils acquièrent des connaissances théoriques et, éventuellement, des compétences pratiques telles que requises par la directive 2006/126 permet d’assurer un niveau plus élevé de sécurité routière. En outre, le fait qu’un document délivré par une autorité administrative soit nécessaire permet de répertorier les titulaires du droit de conduire et éventuellement de retirer ce droit aux auteurs d’infractions graves au code de la route ( 42 ). Il ressort des éléments versés au présent dossier que c’est précisément dans le but de renforcer la sécurité routière que la réglementation en cause au principal a été adoptée et que cette réforme apparaît avoir effectivement eu un impact positif sur les accidents liés aux cyclomoteurs survenus sur le territoire national, au vu des données statistiques qui sont fournies par le gouvernement roumain ( 43 ).

    55.

    Comme le soulignent ce gouvernement et le gouvernement slovaque, si l’interprétation proposée par M. Popescu devait être retenue, cela irait directement à l’encontre de l’un des objectifs majeurs visés par la directive 2006/126, puisqu’une telle analyse reviendrait à considérer qu’il était interdit aux États membres de durcir les conditions d’habilitation à la conduite de cyclomoteurs sur la voie publique qui existaient avant le 19 janvier 2013, alors même qu’une amélioration de la sécurité routière peut à l’évidence résulter d’un tel renforcement des exigences légales.

    56.

    En second lieu, s’agissant plus spécifiquement de l’article 13 de la directive 2006/126, la Cour a déjà précisé, dans les observations liminaires figurant dans l’arrêt Hofmann, que cet article, « intitulé “Équivalences entre permis de modèle non communautaire”, vise uniquement à régler la question des équivalences entre les droits acquis avant la mise en œuvre de cette directive et les différentes catégories de permis de conduire définies par celle‑ci» ( 44 ).

    57.

    La Cour a fondé son interprétation sur la place que ledit article 13 occupe dans le corps de la directive 2006/126 ( 45 ) ainsi que sur les considérations suivantes : « [c]ette analyse est confirmée par l’examen des travaux préparatoires de la directive 2006/126, desquels il ressort, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 37 de ses conclusions [ ( 46 )], que l’article 13, paragraphe 2, de cette directive a été ajouté à l’initiative du Parlement européen, lequel a justifié cet ajout en précisant que l’échange des anciens permis de conduire ne devait en aucun cas se solder par une perte ou une restriction des droits acquis en ce qui concerne l’autorisation de conduire diverses catégories de véhicules» ( 47 ).

    58.

    Dans la présente affaire, le gouvernement roumain s’appuie sur cette justification donnée par le Parlement pour en déduire, à juste titre selon moi, que ledit article 13, paragraphe 2, fait référence exclusivement aux droits acquis avant le 19 janvier 2013 qui étaient matérialisés par un permis de conduire ou un document de nature équivalente, et non à la situation dans laquelle, avant cette date, un véhicule à moteur pouvait être utilisé sur la voie publique sans détention d’un permis de conduire, comme tel était le cas des cyclomoteurs ou des véhicules y assimilés en Roumanie avant l’entrée en vigueur de la loi no 203/2012. L’approche ainsi proposée est, à mon avis, confortée par d’autres éléments qui figurent dans les travaux préparatoires afférents à la directive 2006/126 ( 48 ).

    59.

    Outre la genèse de l’article 13 de ladite directive, celle de son considérant 5 fournit également des indications utiles et plaidant en faveur d’une telle interprétation. En effet, c’est aussi le Parlement qui a proposé l’insertion d’un considérant aux termes duquel « [l’]échange des permis de conduire existants ne restreint pas les droits acquis concernant l’autorisation de conduire différentes catégories de véhicules» ( 49 ), en renvoyant à la justification donnée pour l’ajout susmentionné de ce qui allait devenir le paragraphe 2 de cet article 13 ( 50 ). De surcroît, à la lumière du considérant qui le précède directement ( 51 ), il existe un lien clair entre le respect des droits acquis qui est évoqué dans ledit considérant 5 et les permis de conduire préexistants devant être échangés contre le modèle unique de permis de conduire européen ( 52 ).

    60.

    L’intitulé même dudit article 13, qui vise expressément les « permis [de conduire] de modèle non communautaire », ainsi que la teneur de son paragraphe 1 lue à la lumière de cet intitulé ( 53 ), confortent l’analyse du gouvernement roumain selon laquelle, en adoptant le paragraphe 2 de cet article, le but poursuivi par le législateur était que la modification de la réglementation communautaire, dans le sens d’une uniformisation des modèles de permis de conduire et des catégories de permis, n’ait pas pour effet d’affecter les droits acquis par les personnes qui avaient obtenu un permis de conduire avant le 19 janvier 2013, et uniquement par ces personnes.

    61.

    Cette analyse du cadre dans lequel s’inscrit ledit paragraphe 2 est confirmée par le contenu des décisions de la Commission qui sont relatives à l’équivalence entre, d’une part, les catégories de permis de conduire ayant été délivrés par les États membres avant la mise en œuvre de la directive 2006/126 et, d’autre part, les catégories harmonisées de permis définies à l’article 4 de celle‑ci ( 54 ).

    62.

    Il résulte de ce qui précède que le principe de protection des droits acquis, qui est implicitement invoqué par M. Popescu, ne saurait s’appliquer en sa faveur, dès lors que les seuls droits qui se trouvent protégés par l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2006/126 sont ceux résultant des permis de conduire octroyés par les États membres avant le 19 janvier 2013 et que l’intéressé n’était pas titulaire d’un permis de conduire avant cette date butoir.

    63.

    Au demeurant, à supposer même qu’une situation telle que celle de M. Popescu soit considérée comme relevant dudit article 13, paragraphe 2, je suis d’avis, à l’instar du gouvernement slovaque et de la Commission, que cette disposition prévoit une simple possibilité pour les États membres de continuer à reconnaître des droits de conduire qu’ils avaient octroyés avant le 19 janvier 2013. Elle énonce seulement que la directive 2006/126 n’entend pas porter atteinte à ces droits, lesquels restent donc soumis aux réglementations internes qui étaient applicables avant cette date, jusqu’à une éventuelle réforme instaurée au niveau national.

    64.

    En effet, il serait contraire aux objectifs susmentionnés de la directive 2006/126 ( 55 ) de considérer que les législateurs nationaux auraient l’obligation de conserver indéfiniment en vigueur des habilitations à la conduite sur la voie publique qui seraient devenues obsolètes. À mes yeux, les droits de conduire acquis à une certaine époque ne sauraient être immuables, étant donné que leur limitation, voire leur abolition, peut être primordiale, en particulier pour des raisons tenant à la sécurité routière. Les États membres doivent, selon moi, pouvoir modifier leurs réglementations aux fins de les aligner sur les dispositions de ladite directive, y compris pour le passé si cela leur paraît nécessaire.

    65.

    Par conséquent, j’estime que les dispositions de la directive 2006/126, et en particulier son article 13, paragraphe 2, lu en combinaison avec son considérant 5, doivent être interprétées en ce sens qu’elles ne s’opposent pas à une réglementation nationale telle que celle en cause au principal.

    V – Conclusion

    66.

    Au vu des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre à la question préjudicielle posée par l’Înalta Curte de Casaţie şi Justiţie (Haute Cour de cassation et de justice, Roumanie) de la manière suivante :

    Les dispositions de la directive 2006/126/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 décembre 2006, relative au permis de conduire, et plus particulièrement son article 13, paragraphe 2, lu en combinaison avec son considérant 5, doivent être interprétées en ce sens qu’elles ne s’opposent pas à ce qu’une réglementation d’un État membre exige que les personnes détentrices d’un document qui les autorisait à conduire des cyclomoteurs sur la voie publique avant le 19 janvier 2013 soient tenues d’obtenir un permis de conduire, en passant des épreuves analogues à celles requises pour les autres véhicules à moteur, pour pouvoir continuer à conduire des cyclomoteurs au‑delà de cette date.


    ( 1 )   Langue originale : le français.

    ( 2 )   JO 2006, L 403, p. 18. Cette directive est entrée en vigueur le 19 janvier 2007.

    ( 3 )   En revanche, il résulte de l’article 18 de la directive 2006/126 que l’article 2, paragraphe 1, l’article 5, l’article 6, paragraphe 2, sous b), l’article 7, paragraphe 1, sous a), l’article 9, l’article 11, paragraphes 1 et 3 à 6, l’article 12 ainsi que les annexes I, II et III de celle‑ci ont été applicables dès le 19 janvier 2009. Sur le champ d’application ratione temporis des dispositions de cette directive, voir, notamment, arrêts du 1er mars 2012, Akyüz (C‑467/10, EU:C:2012:112, points 25 et suiv.), ainsi que du 26 avril 2012, Hofmann (C‑419/10, EU:C:2012:240, points 33 et 37).

    ( 4 )   Directive du Conseil, du 29 juillet 1991, relative au permis de conduire (JO 1991, L 237, p. 1).

    ( 5 )   Directive du Parlement européen et du Conseil, du 18 mars 2002, relative à la réception des véhicules à moteur à deux ou trois roues (JO 2002, L 124, p. 1).

    ( 6 )   Ledit article 11 est intitulé « Dispositions diverses relatives à l’échange, au retrait, au remplacement et à la reconnaissance des permis de conduire ».

    ( 7 )   À savoir, l’article 1er, paragraphe 1 ; l’article 3 ; l’article 4, paragraphes 1 à 3, et paragraphe 4, sous b) à k) ; l’article 6, paragraphe 1, et paragraphe 2, sous a) et c) à e) ; l’article 7, paragraphe 1, sous b) à d), et paragraphes 2, 3 et 5 ; l’article 8 ; l’article 10 ; les articles 13 à 15, ; l’annexe I, point 2 ; l’annexe II, point 5.2 en ce qui concerne les catégories A1, A2 et A, et les annexes IV à VI.

    ( 8 )   Loi du 9 novembre 2012 (Monitorul Oficial al României, no 760 du 12 novembre 2012).

    ( 9 )   Ordonnance d’urgence telle que modifiée et complétée ultérieurement (Monitorul Oficial al României, partie I, no 670 du 3 août 2006).

    ( 10 )   Décision du 4 octobre 2006 (Monitorul Oficial al României, partie I, no 876 du 26 octobre 2006).

    ( 11 )   Sur cette notion, voir article 1er, paragraphe 3, sous a), de la directive 2002/24.

    ( 12 )   Les autorités défenderesses au principal ont indiqué que cette modification tendait à transposer en droit national, plus précisément, les articles 4, 6, 7, 12 et 13 de la directive 2006/126.

    ( 13 )   À savoir le Guvernul României (gouvernement roumain), le Ministerul Afacerilor Interne (ministère des Affaires intérieures), la Direcția Regim Permise de Conducere și înmatriculare a Vehiculelor (Direction des permis de conduire et de l’immatriculation des véhicules), la Direcția Rutieră (direction routière) et le Serviciul Public Comunitar Regim Permise de Conducere și înmatriculare a Vehiculelor (service public des permis de conduire et de l’immatriculation des véhicules).

    ( 14 )   Dans ses observations, le gouvernement roumain précise que, en vertu de dispositions nationales transitoires, dès lors que M. Popescu détenait la preuve de la validation d’un cours de code de la route obtenue avant l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation, il aurait eu « la possibilité, entre le 19 janvier 2013 et le 19 janvier 2014, de passer l’examen de vérification des connaissances théoriques et des habiletés pratiques [...], sans suivre un cours de code de la route [dans le cadre d’un établissement autorisé de formation des conducteurs de véhicules à moteur], sous réserve du respect des autres conditions prévues par la directive 2006/126 ».

    ( 15 )   Voir point 20 des présentes conclusions.

    ( 16 )   À savoir le Serviciul Public Comunitar de Evidență a persoanelor Sector 4 București (service public d’état civil du quatrième arrondissement de Bucarest).

    ( 17 )   À ce titre, le gouvernement roumain cite l’article 12, paragraphe 1, de l’OUG no 195/2002, en vertu duquel « [p]our pouvoir circuler sur la voie publique, les véhicules, à l’exception de ceux tirés ou poussés à la main et des bicyclettes, doivent être immatriculés ou enregistrés, selon le cas, et porter des plaques avec le numéro d’immatriculation ou d’enregistrement [...] », ainsi que l’article 14, paragraphe 1, de ladite ordonnance, dont il ressort que le véhicule de M. Popescu devait être enregistré, en l’occurrence, auprès de l’un des arrondissements de la municipalité de Bucarest, qui tiennent des registres de véhicules tels que les cyclomoteurs.

    ( 18 )   À savoir l’article 160, paragraphe 2, et l’article 161, paragraphe 2, du règlement d’application de l’OUG no 195/2002 dans leur version initiale.

    ( 19 )   Le gouvernement roumain fait valoir que, avant la modification de l’OUG no 195/2002 par la loi no 203/2012, un cyclomoteur n’était pas considéré comme un véhicule à moteur, que les conducteurs de cyclomoteurs étaient soumis aux mêmes règles de circulation sur la voie publique que les cyclistes (en ayant notamment l’obligation d’emprunter les pistes cyclables) et que l’attestation de validation d’un cours de code de la route requise pour un tel conducteur ne pouvait pas lui être retirée par les organes de police ou faire l’objet de restrictions pour infraction au code de la route (par exemple, en cas de conduite sous influence de l’alcool ou de non‑respect d’un feu rouge), contrairement aux possibilités existant pour un permis de conduire.

    ( 20 )   Voir, notamment, arrêts du 17 mars 2011, Naftiliaki Etaireia Thasou et Amaltheia I Naftiki Etaireia (C‑128/10 et C‑129/10, EU:C:2011:163, point 40) ; du 28 juillet 2011, Samba Diouf (C‑69/10, EU:C:2011:524, point 59), ainsi que du 13 décembre 2012, Caves Krier Frères (C‑379/11, EU:C:2012:798, points 35 et suiv.).

    ( 21 )   Voir, notamment, arrêts du 20 mai 2010, Harms (C‑434/08, EU:C:2010:285, point 33) ; du 3 mai 2012, Kastrati e.a. (C‑620/10, EU:C:2012:265, point 38), ainsi que du 11 septembre 2014, Essent Belgium (C‑204/12 à C‑208/12, EU:C:2014:2192, point 52).

    ( 22 )   Voir, notamment, arrêts du 1er juillet 2008, MOTOE (C‑49/07, EU:C:2008:376, point 30) ; du 29 octobre 2009, Pontin (C‑63/08, EU:C:2009:666, point 49), ainsi que du 18 juillet 2013, AES‑3C Maritza East 1 (C‑124/12, EU:C:2013:488, point 42).

    ( 23 )   Voir arrêts du 1er mars 2012, Akyüz (C‑467/10, EU:C:2012:112) ; du 26 avril 2012, Hofmann (C‑419/10, EU:C:2012:240) ; du 23 avril 2015, Aykul (C‑260/13, EU:C:2015:257) ; du 21 mai 2015, Wittmann (C‑339/14, EU:C:2015:333), ainsi que du 25 juin 2015, Nīmanis (C‑664/13, EU:C:2015:417).

    ( 24 )   Arrêt du 26 avril 2012 (C‑419/10, EU:C:2012:240, points 30 à 42). Je précise que la question posée dans cette affaire portait sur l’interprétation de l’article 2, paragraphe 1, et de l’article 11, paragraphe 4, deuxième alinéa, de la directive 2006/126, mais que la juridiction de renvoi s’interrogeait sur le point de savoir si l’article 13, paragraphe 2, de cette directive pouvait faire obstacle à l’application de ces dispositions, sachant que le requérant au principal soutenait que, en vertu de cette disposition, les permis de conduire délivrés avant le 19 janvier 2013 ne sauraient faire l’objet d’une mesure de restriction, de suspension ou de retrait (voir aussi conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire Hofmann, C‑419/10, EU:C:2011:723, points 28 à 39).

    ( 25 )   Voir points 56 et suiv. des présentes conclusions.

    ( 26 )   Conformément à l’article 23, paragraphes 1 et 9, de l’OUG no 195/2002 modifiée.

    ( 27 )   Souligné par mes soins.

    ( 28 )   La délivrance est définie, « au sens courant », comme « l’action de remettre à une personne une chose ou un acte [tel que] la copie exécutoire d’un jugement » (voir Cornu, G., Vocabulaire juridique, sous la direction de l’Association Henri Capitant, Presses universitaires de France, Paris, 2016, p. 322).

    ( 29 )   Voir, notamment, les versions de langues danoise, allemande, croate, portugaise et slovaque.

    ( 30 )   L’un et/ou l’autre de ces termes figurent aussi, notamment, dans la version française des considérants 2, 4, 6, 8 et 9 de cette directive ainsi que de ses articles 2, 3, 11 et 15.

    ( 31 )   Aux termes duquel « l’État membre de résidence normale peut appliquer au titulaire d’un permis de conduire délivré par un autre État membre ses dispositions nationales concernant la restriction, la suspension, le retrait ou l’annulation du droit de conduire et, si nécessaire, procéder à ces fins à l’échange de ce permis » (souligné par mes soins).

    ( 32 )   Voir, notamment, arrêts du 26 juin 2008, Wiedemann et Funk (C‑329/06 et C‑343/06, EU:C:2008:366, points 62, 64, 72 et suiv. ainsi que 81 et suiv.) ; du 20 novembre 2008, Weber (C‑1/07, EU:C:2008:640, point 41) ; du 19 février 2009, Schwarz (C‑321/07, EU:C:2009:104, points 91, 97 et 98), ainsi que du 13 octobre 2011, Apelt (C‑224/10, EU:C:2011:655, point 31).

    ( 33 )   Notamment, les versions en langues bulgare, estonienne, grecque, anglaise, italienne, lettone, hongroise, maltaise, polonaise, slovène et suédoise.

    ( 34 )   Voir, notamment, arrêts du 28 juillet 2016, Edilizia Mastrodonato (C‑147/15, EU:C:2016:606, point 29), ainsi que du 22 septembre 2016, Breitsamer und Ulrich (C‑113/15, EU:C:2016:718, point 58).

    ( 35 )   À ce sujet, voir Maiani, F., e.a., Droit européen des transports, Helbing & Lichtenhahn, Bâle, 2e édition, 2013, p. 87.

    ( 36 )   Voir, notamment, considérants 2, 3, 8, 9, 16 et 18 de la directive 2006/126.

    ( 37 )   Voir les premier et deuxième considérants de la directive 91/439, ce dernier rappelant qu’« une première étape dans ce sens a été accomplie par la première directive 80/1263/CEE du Conseil, du 4 décembre 1980, relative à l’instauration d’un permis de conduire communautaire ([JO 1980, L 375, p. 1]) ». Sur l’évolution suivie en ce domaine, voir, notamment, p. 56 et suiv. du rapport du Parlement européen, du 3 février 2005, sur la proposition de la Commission ayant abouti à l’adoption de la directive 2006/126 [(A6‑0016/2005), ci‑après le « rapport du Parlement du 3 février 2005 »].

    ( 38 )   La directive 2006/126 vise également à réaliser les deux autres principaux objectifs suivants : « réduire les possibilités de fraude [au permis de conduire] » et « garanti[r] la liberté de circulation des citoyens » [voir exposé des motifs de la proposition de la Commission, du 21 octobre 2003, ayant abouti à l’adoption de la directive 2006/126, COM(2003) 621 final, p. 6 et 7, ainsi que considérants 2 et 17 de cette directive].

    ( 39 )   Voir, notamment, premier, quatrième et sixième considérants de la directive 91/439. L’objectif de renforcer la « sécurité de la circulation routière » a itérativement été pris en compte par la Cour dans sa jurisprudence relative à l’interprétation de cette directive (voir, notamment, arrêts du 15 septembre 2005, Commission/Allemagne, C‑372/03, EU:C:2005:551, point 28, ainsi que du 19 février 2009, Schwarz, C‑321/07, EU:C:2009:104, points 79, 90 et 96).

    ( 40 )   Comme l’indique le considérant 13 de la directive 2006/126. Voir, également, le considérant 16 de cette directive et les explications détaillées figurant dans l’exposé des motifs de la proposition de directive [COM(2003) 621 final, p. 5 ainsi que p. 14, points 39 et 40].

    ( 41 )   Conformément aux exigences énoncées à l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/126, qui prévoit, en ce qui concerne les cyclomoteurs, que la réussite d’une épreuve théorique est obligatoire pour obtenir le permis de conduire, mais que les États membres ont la faculté d’imposer en outre une épreuve de contrôle des aptitudes et des comportements, laquelle peut être spécifique pour les tricycles et quadricycles, ainsi qu’un examen médical. Voir aussi exposé des motifs de la proposition de directive [COM(2003) 621 final, p. 16, point 52].

    ( 42 )   En ce sens, voir aussi note en bas de page 19 des présentes conclusions.

    ( 43 )   Voir les éléments de justification mentionnés au point 27 des présentes conclusions, ainsi que les observations écrites du gouvernement roumain, où il est précisé qu’« après la modification des règles relatives à la conduite des cyclomoteurs sur la voie publique, 316 accidents de la route impliquant des cyclomoteurs ont été enregistrés en 2013, par rapport à 1087 accidents en 2008, 1104 en 2009, 973 en 2010, 977 en 2011 et 906 en 2012 » et que « [l]e nombre des personnes décédées a également diminué en 2013, à savoir 41 personnes décédées par rapport à 168 en 2008, 143 en 2009, 126 en 2010, 97 en 2011 et 107 en 2012 ».

    ( 44 )   Arrêt du 26 avril 2012 (C‑419/10, EU:C:2012:240, point 41). Je rappelle que lesdites catégories sont tant fixées que définies à l’article 4 de ladite directive.

    ( 45 )   Arrêt du 26 avril 2012, Hofmann (C‑419/10, EU:C:2012:240, point 39), où il est précisé, en lien avec l’objet de ladite affaire, que cette place « démontre que le paragraphe 2 de cet article 13 fait référence non pas aux mesures de restriction, de suspension ou de retrait d’un permis de conduire mais uniquement aux droits acquis pour la conduite des véhicules des catégories particulières ».

    ( 46 )   Dans ses conclusions relatives à l’affaire Hofmann (C‑419/10, EU:C:2011:723), M. l’avocat général Bot s’est référé à l’amendement 13 proposé dans le rapport du Parlement du 3 février 2005. La justification de cet amendement qui y est citée concerne l’« article 3, paragraphe 2 ter (nouveau) » (voir p. 11 dudit rapport), dont le troisième alinéa correspond en substance à l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2006/126. L’exposé des motifs de ce rapport développe les raisons dudit amendement, portant sur « l’échange des anciens modèles déjà en circulation » dans les États membres, et indique que cette nouvelle disposition devait intervenir « sans préjudice du droit de conduire certaines catégories de véhicules » (p. 58).

    ( 47 )   Arrêt du 26 avril 2012, Hofmann (C‑419/10, EU:C:2012:240, point 42), souligné par mes soins.

    ( 48 )   Voir, en particulier, l’article 3, paragraphe 4, de la position du Parlement arrêtée en première lecture le 23 février 2005 [P6_TC1‑COD(2003)0252, JO 2005, C 304 E, p. 135], ainsi que la recommandation pour la deuxième lecture émanant de la commission des transports et du tourisme du Parlement datée du 27 novembre 2006 (A6‑0414/2006), dont l’exposé des motifs indique expressément, au point 2.4, que « [l]es droits acquis en matière de permis de conduire avant l’application de la [future directive 2006/126] ne sont en aucune manière affectés (article 13, paragraphe 2) » (souligné par mes soins).

    ( 49 )   Échange devant intervenir dans un délai précis en vertu de l’article 3, paragraphe 3, de la directive 2006/126, qui impose que « tous les permis de conduire délivrés ou en circulation remplissent toutes les exigences prévues par [cette] directive [...] au plus tard le 19 janvier 2033 ».

    ( 50 )   Voir amendement 3, p. 6 du rapport du Parlement du 3 février 2005, souligné par mes soins.

    ( 51 )   Aux termes du considérant 4 de la directive 2006/126, « [a]fin d’éviter que le modèle unique de permis de conduire européen ne vienne s’ajouter aux 110 modèles déjà en circulation, les États membres devraient prendre toutes les mesures nécessaires pour délivrer ce modèle unique à tous les détenteurs de permis ».

    ( 52 )   Voir, également, considérants 4 et 5 de la position du Parlement arrêtée en première lecture le 23 février 2005, lesquels indiquent que « [l]es anciens permis de conduire devraient être échangés dans tous les États membres, afin d’éviter que le modèle unique européen ne devienne un modèle européen de plus » et que cet « échange des permis de conduire existants ne devrait pas restreindre les droits acquis concernant l’autorisation de conduire différentes catégories de véhicules ».

    ( 53 )   Au vu de l’intitulé de cet article 13, il est, à mon avis, logique de considérer que l’expression « droits acquis avant la mise en œuvre de la présente directive », qui est contenue dans le premier alinéa du paragraphe 1 dudit article, fait référence aux droits résultant des « permis [de conduire] de modèle non communautaire », par opposition au « modèle communautaire de permis de conduire » visé à l’article 1er de la directive 2006/126 et figurant à l’annexe I de celle-ci.

    ( 54 )   Voir, notamment, considérants 1 à 3 des décisions de la Commission concernant les équivalences entre les catégories de permis de conduire no 2013/21/UE du 18 décembre 2012 (JO 2013, L 19, p. 1) et no 2014/209/UE du 20 mars 2014 (JO 2014, L 120, p. 1).

    ( 55 )   Voir point 52 des présentes conclusions.

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