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Document 62014CJ0144

Arrêt de la Cour (septième chambre) du 9 juillet 2015.
Cabinet Medical Veterinar Dr. Tomoiagă Andrei contre Direcția Generală Regională a Finanțelor Publice Cluj Napoca prin Administrația Județeană a Finanțelor Publice Maramureș.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Tribunalul Maramureș.
Renvoi préjudiciel – Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Articles 273 et 287 – Obligation d’identification d’office d’un assujetti à la TVA – Caractère imposable des services de médecine vétérinaire – Principe de sécurité juridique – Principe de protection de la confiance légitime.
Affaire C-144/14.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2015:452

ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

9 juillet 2015 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) — Directive 2006/112/CE — Articles 273 et 287 — Obligation d’identification d’office d’un assujetti à la TVA — Caractère imposable des services de médecine vétérinaire — Principe de sécurité juridique — Principe de protection de la confiance légitime»

Dans l’affaire C‑144/14,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunalul Maramureș (Roumanie), par décision du 17 octobre 2013, parvenue à la Cour le 26 mars 2014, dans la procédure

Cabinet Medical Veterinar Dr. Tomoiagă Andrei

contre

Direcția Generală Regională a Finanțelor Publice Cluj Napoca prin Administrația Județeană a Finanțelor Publice Maramureș,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. J.‑C. Bonichot (rapporteur), président de chambre, MM. J. L. da Cruz Vilaça et C. Lycourgos, juges,

avocat général: M. M. Wathelet,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

pour le Cabinet Medical Veterinar Dr. Tomoiagă Andrei, par Me R. D. Apan, avocat,

pour le gouvernement roumain, par M. R.‑H Radu ainsi que par Mmes D. M. Bulancea et A. G. Vacaru, en qualité d’agents,

pour le gouvernement hellénique, par Mmes K. Nasopoulou et I. Kotsoni, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par M. R. Lyal et Mme L. Nicolae, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime ainsi que des articles 273 et 287, point 18, de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO L 347, p. 1), telle que modifiée par la directive 2009/162/UE du Conseil, du 22 décembre 2009 (JO 2010, L 10, p. 14, ci‑après la «directive 2006/112»).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Cabinet Medical Veterinar Dr. Tomoiagă Andrei (cabinet de médecine vétérinaire du Dr. Andrei Tomoiagă, ci‑après le «cabinet vétérinaire») à la Direcția Generală Regională a Finanțelor Publice Cluj Napoca prin Administrația Județeană a Finanțelor Publice Maramureș (direction générale régionale des finances publiques de Cluj Napoca, représentée par l’administration départementale des finances publiques de Maramureș, ci‑après l’«administration fiscale»), au sujet du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) afférente à des soins vétérinaires prodigués entre le 1er octobre 2007 et le 31 décembre 2010.

Le cadre juridique

La directive 2006/112

3

L’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/112 prévoit:

«Sont soumises à la TVA les opérations suivantes:

[...]

c)

les prestations de services, effectuées à titre onéreux sur le territoire d’un État membre par un assujetti agissant en tant que tel».

4

L’article 132, paragraphe 1, de cette directive dispose:

«Les États membres exonèrent les opérations suivantes:

[...]

b)

l’hospitalisation et les soins médicaux ainsi que les opérations qui leur sont étroitement liées, [...]

c)

les prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre de l’exercice des professions médicales et paramédicales telles qu’elles sont définies par l’État membre concerné;

[...]»

5

Aux termes de l’article 213, paragraphe 1, de ladite directive:

«Tout assujetti déclare le commencement, le changement et la cessation de son activité en qualité d’assujetti.

[...]»

6

L’article 214, paragraphe 1, sous a), de la même directive se lit comme suit:

«Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que soient identifiées par un numéro individuel les personnes suivantes:

a)

tout assujetti [...] qui effectue sur leur territoire respectif des livraisons de biens ou des prestations de services lui ouvrant droit à déduction, [...]»

7

L’article 250, paragraphe 1, de la directive 2006/112 prévoit:

«Tout assujetti doit déposer une déclaration de TVA dans laquelle figurent toutes les données nécessaires pour constater le montant de la taxe exigible et celui des déductions à opérer, y compris, et dans la mesure où cela est nécessaire pour la constatation de l’assiette, le montant global des opérations relatives à cette taxe et à ces déductions ainsi que le montant des opérations exonérées.»

8

L’article 273, premier alinéa, de cette directive est rédigé dans les termes suivants:

«Les États membres peuvent prévoir d’autres obligations qu’ils jugeraient nécessaires pour assurer l’exacte perception de la TVA et pour éviter la fraude, sous réserve du respect de l’égalité de traitement des opérations intérieures et des opérations effectuées entre États membres par des assujettis, et à condition que ces obligations ne donnent pas lieu dans les échanges entre les États membres à des formalités liées au passage d’une frontière.»

9

L’article 287 de ladite directive dispose:

«Les États membres ayant adhéré après le 1er janvier 1978 peuvent octroyer une franchise de taxe aux assujettis dont le chiffre d’affaires annuel est au maximum égal à la contre‑valeur en monnaie nationale des montants suivants au taux du jour de leur adhésion:

[...]

18)

la Roumanie: 35000 [euros].»

Le droit roumain

10

L’article 141 de la loi no 571/2003 établissant le code des impôts (Legea nr. 571/2003 privind Codul fiscal, Monitorul Oficial al României, partie I, no 927 du 23 décembre 2003, ci‑après le «code des impôts»), relatif aux exonérations pour les opérations effectuées à l’intérieur du pays, prévoyait:

«(1)   Les opérations suivantes, d’intérêt général, sont exonérées de la [TVA]:

a)

l’hospitalisation, les soins médicaux, y compris vétérinaires, et les opérations étroitement liées à ceux‑ci [...]»

11

L’article 141 du code des impôts, tel que modifié par la loi no 343/2006 (Monitorul Oficial al României, partie I, no 662 du 1er août 2006), entrée en vigueur le 1er janvier 2007, dispose:

«(1)   Les opérations suivantes, d’intérêt général, sont exonérées de la taxe:

a)

l’hospitalisation, les soins médicaux et les opérations étroitement liées à ceux‑ci [...]»

12

Aux termes de l’article 152 du code des impôts, tel que modifié par la loi no 343/2006:

«(1)   Un contribuable établi en Roumanie, dont le chiffre d’affaires annuel, déclaré ou réalisé, est inférieur au plafond de 35000 euros [...] peut demander l’exonération de la taxe, appelée ci‑après le ‘régime spécial d’exonération’, pour les opérations prévues à l’article 126, paragraphe 1 [...]

[...]

(6)   Un contribuable qui bénéficie du régime spécial d’exonération et dont le chiffre d’affaires, tel que prévu au paragraphe 2, est supérieur ou égal au plafond d’exonération au cours d’une année civile doit s’identifier à la TVA, conformément à l’article 153, dans un délai de dix jours à partir de la date à laquelle ledit plafond est atteint ou dépassé. [...] Le régime spécial d’exonération s’applique jusqu’à la date d’identification à la TVA, conformément à l’article 153. Si le contribuable en question ne s’identifie pas ou s’identifie tardivement à la TVA, les autorités fiscales compétentes ont le droit de mettre à sa charge des obligations de paiement de la taxe et des accessoires de celle‑ci, à partir de la date à laquelle il aurait dû être identifié à la TVA, conformément à l’article 153.

[...]»

13

L’article 153 du code des impôts, tel que modifié par la loi no 343/2006, est rédigé comme suit:

«(1)   L’assujetti établi en Roumanie, [...] et qui exerce ou a l’intention d’exercer une activité économique qui implique des opérations imposables et/ou exonérées de TVA avec droit à déduction doit demander son identification à la TVA auprès de l’autorité fiscale compétente, comme suit:

a)

avant d’effectuer de telles opérations, dans les cas suivants:

1.

s’il déclare qu’il réalisera un chiffre d’affaires égal ou supérieur au plafond d’exonération prévu à l’article 152, paragraphe 1, relatif au régime spécifique d’exonération des petites entreprises;

2.

s’il déclare qu’il réalisera un chiffre d’affaires inférieur au plafond d’exonération prévu à l’article 152, paragraphe 1, mais opte pour l’application du régime normal de TVA;

[...]

(7)   Lorsqu’une personne tenue de s’identifier, conformément aux paragraphes 1, 2, 4 ou 5, n’en fait pas la demande, les autorités fiscales compétentes procèdent d’office à l’identification à la TVA de cette personne.

[...]»

14

Le règlement no 44/2004, du 22 janvier 2004, approuvant les modalités d’application de la loi no 571/2003 établissant le code des impôts (Monitorul Oficial al României, partie I, no 112 du 6 février 2004), dans sa version en vigueur du 1er juillet 2007 au 31 décembre 2009, disposait dans son annexe:

«Modalités d’application:

[...]

24.

L’exonération prévue à l’article 141, paragraphe 1, sous a), du code des impôts:

a)

est applicable aux opérations étroitement liées à l’hospitalisation, ainsi qu’aux soins médicaux, y compris la livraison de médicaments, pansements, prothèses et accessoires de ceux‑ci, la livraison de produits orthopédiques et d’autres produits similaires aux patients pendant la durée du traitement, ainsi que la fourniture d’aliments et de logement aux patients au cours de leur hospitalisation et des soins médicaux;

b)

n’est pas applicable aux fournitures de médicaments, pansements, prothèses médicales et accessoires de ceux‑ci, de produits orthopédiques et d’autres produits, qui ne sont pas effectuées dans le cadre des soins médicaux ou de l’hospitalisation, telles que celles effectuées par des pharmacies, même lorsque celles‑ci sont situées dans les locaux d’un hôpital ou d’une clinique et/ou sont gérées par ledit établissement.

[...]»

15

Le règlement no 1620/2009, du 29 décembre 2009 (Monitorul Oficial al României, partie I, no 927 du 31 décembre 2009), a complété et modifié les modalités d’application du code des impôts établies par le règlement no 44/2004. À compter du 1er janvier 2010, ces modalités prévoient:

«Modalités d’application:

24.

(1)

L’exonération prévue à l’article 141, paragraphe 1, sous a), du code des impôts:

[...]

c)

n’est pas applicable aux services médicaux vétérinaires, en vertu de l’arrêt [Commission/Italie (122/87, EU:C:1988:256) rendu par la Cour de justice de l’Union européenne].

[...]»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

16

À la suite d’un contrôle fiscal, l’administration fiscale a réclamé, au mois de mai 2011, au cabinet vétérinaire le paiement de la TVA, assortie de majorations et d’intérêts, afférente à des services de médecine vétérinaire qu’il avait fournis entre le 1er octobre 2007 et le 31 décembre 2010.

17

Le cabinet vétérinaire a contesté cette décision devant le Tribunalul Maramureș (tribunal de grande instance de Maramureș) au motif que, jusqu’au 1er janvier 2010, la législation roumaine exonérait ces activités de la TVA ou, à tout le moins, qu’il existait un doute à cet égard que seul le règlement no 1620/2009, entré en vigueur le 1er janvier 2010, a permis de lever.

18

L’administration fiscale fait valoir, en revanche, que cette exonération ne s’appliquait plus dès le 1er janvier 2007, date de l’entrée en vigueur de la loi no 343/2006 qui a supprimé la mention des activités médicales vétérinaires de la liste des services exonérés de la TVA. En outre, cette administration soutient que le règlement no 1620/2009 ne pouvait, en tout état de cause, modifier une norme juridique nationale d’un niveau supérieur, à savoir un texte de niveau législatif, et que ce règlement a uniquement clarifié le régime juridique applicable.

19

La juridiction de renvoi s’interroge sur les obligations qui s’imposent aux autorités fiscales, dans le contexte de l’affaire au principal, en vertu de l’article 273 de la directive 2006/112 et en particulier sur la question de savoir si cet article impose à l’administration fiscale d’identifier d’office à la TVA un assujetti, dès l’instant où l’intéressé a transmis des déclarations fiscales qui révéleraient que ses revenus sont supérieurs au plafond d’exonération à la TVA.

20

Cette juridiction se demande également si le principe de sécurité juridique s’oppose à ce que le paiement de la TVA soit réclamé dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, où l’administration fiscale n’aurait pas respecté cette obligation d’identification d’office de l’assujetti à la TVA ni n’aurait, en pratique, appliqué cette taxe aux services de médecine vétérinaire pendant la période située entre le 1er octobre 2007 et le 31 décembre 2010. La juridiction de renvoi s’interroge également sur les conséquences à tirer de l’absence de publication en langue roumaine de l’arrêt Commission/Italie (122/87, EU:C:1988:256) pendant cette même période.

21

Dans ces conditions, le Tribunalul Maramureș a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)

Les articles 273 et 287, point 18, de la directive [2006/112] doivent‑ils être interprétés en ce sens qu’il appartenait à l’autorité fiscale nationale d’identifier l’assujetti à la TVA et de mettre à sa charge des obligations relatives à la taxe due et aux accessoires de celle‑ci, lors du dépassement du plafond d’exonération, à compter de la date à laquelle l’assujetti a déposé auprès de l’autorité fiscale compétente des déclarations fiscales faisant apparaître le dépassement du plafond d’exonération de la TVA?

2)

Dans le cas où la réponse à la première question est positive, le principe de sécurité juridique s’oppose‑t‑il à une pratique nationale en vertu de laquelle l’autorité fiscale a mis rétroactivement à la charge de l’assujetti une obligation de paiement de la TVA en raison du fait que les services de médecine vétérinaire ne sont pas exonérés du paiement de la TVA et que le plafond d’exonération a été dépassé, compte tenu de ce que:

l’autorité fiscale n’a pas identifié d’office l’assujetti à la TVA et n’a pas mis à la charge de celui‑ci une obligation de paiement de la TVA dès le dépôt par l’assujetti des déclarations fiscales faisant apparaître le dépassement du plafond d’exonération, mais elle ne l’a fait qu’ultérieurement, après la modification des modalités d’application du code des impôts par le règlement no 1620/2009, en ce sens que l’exonération prévue à l’article 141, paragraphe 1, sous a), du code des impôts n’est pas applicable aux services de médecine vétérinaire, comme il résulte de l’arrêt [Commission/Italie (122/87, EU:C:1988:256)], et pour une période antérieure à ladite modification;

l’autorité fiscale a pris connaissance du dépassement du plafond d’exonération avant la modification des modalités d’application du code des impôts par le règlement no 1620/2009, dans le sens susmentionné, au moyen des déclarations fiscales déposées par l’assujetti;

avant l’adoption du règlement no 1620/2009, l’autorité fiscale n’a pas émis dans sa circonscription – dont relève l’assujetti dans l’affaire au principal – des actes administratifs fiscaux constatant que les assujettis ayant qualité de cabinets de médecine vétérinaire ne se sont pas identifiés à la TVA après avoir dépassé le plafond d’exonération et, par conséquent, mettant des obligations de paiement à la charge de ceux‑ci, et

antérieurement à l’adoption et à l’entrée en vigueur du règlement no 1620/2009, l’arrêt Commission/Italie [(122/87, EU:C:1988:256)] n’a été publié en langue roumaine d’aucune façon que ce soit?»

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

22

Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 273, premier alinéa, de la directive 2006/112 impose aux États membres l’identification d’office d’un assujetti en vue de la perception de la TVA sur la seule base de déclarations fiscales, autres que celles relatives à cette taxe, alors qu’elles auraient permis de constater le dépassement, par cet assujetti, du plafond d’exonération de ladite taxe.

23

Il convient de rappeler, d’une part, que, en vertu de l’article 287, point 18, de la directive 2006/112, auquel la juridiction de renvoi se réfère dans sa première question, la Roumanie est autorisée à octroyer une franchise de TVA aux assujettis dont le chiffre d’affaires annuel est au maximum égal à 35000 euros.

24

D’autre part, l’article 273, premier alinéa, de la directive 2006/112 précise que les États membres peuvent prévoir d’autres obligations qu’ils jugeraient nécessaires pour assurer l’exacte perception de la TVA et pour éviter la fraude, sous réserve du respect de l’égalité de traitement des opérations intérieures et des opérations effectuées entre États membres par des assujettis, à condition que ces obligations ne donnent pas lieu, dans les échanges entre les États membres, à des formalités liées au passage des frontières.

25

La Cour a précisé qu’il découle de cette disposition, ainsi que des articles 2 et 250, paragraphe 1, de la directive 2006/112 et de l’article 4, paragraphe 3, TUE, que chaque État membre a l’obligation de prendre toutes les mesures législatives et administratives propres à garantir la perception de l’intégralité de la TVA due sur son territoire et à lutter contre la fraude (voir, en ce sens, arrêts Commission/Italie, C‑132/06, EU:C:2008:412, points 37 et 46, ainsi que Åkerberg Fransson, C‑617/10, EU:C:2013:105, point 25).

26

Il en résulte notamment que les États membres sont tenus de vérifier les déclarations des assujettis, les comptes de ces derniers et les autres documents pertinents ainsi que de calculer et de prélever l’impôt dû (voir arrêts Commission/Italie, C‑132/06, EU:C:2008:412, point 37; Profaktor Kulesza, Frankowski, Jóźwiak, Orłowski, C‑188/09, EU:C:2010:454, point 21, et Enel Maritsa Iztok 3, C‑107/10, EU:C:2011:298, point 52).

27

Il ne saurait pour autant être déduit de ces considérations que les États membres sont tenus d’identifier d’office à la TVA un assujetti à compter de la transmission de déclarations fiscales autres que celles relatives à cette taxe mais permettant de constater le dépassement du plafond d’exonération de celle‑ci.

28

En premier lieu, si l’article 214, paragraphe 1, de la directive 2006/112 prévoit que les États membres prennent les mesures nécessaires pour l’identification des assujettis à la TVA, il n’en demeure pas moins que, en vertu de l’article 213, paragraphe 1, de cette directive, il incombe à l’intéressé de déclarer le commencement, le changement et la cessation de son activité en tant qu’assujetti. Par ailleurs, la Cour a également considéré qu’il résulte du libellé de l’article 214, paragraphe 1, de ladite directive que les États membres disposent d’une certaine marge d’appréciation lorsqu’ils adoptent des mesures pour assurer l’identification des assujettis aux fins de la TVA (voir arrêt Ablessio, C‑527/11, EU:C:2013:168, point 22).

29

En second lieu, les États membres sont tenus de garantir le respect des obligations auxquelles les assujettis sont soumis, tout en bénéficiant à cet égard d’une certaine latitude en ce qui concerne, notamment, la manière d’utiliser les moyens dont ils disposent (voir arrêts Commission/Italie, C‑132/06, EU:C:2008:412, point 38, et Profaktor Kulesza, Frankowski, Jóźwiak, Orłowski, C‑188/09,EU:C:2010:454, point 22), sous réserve de garantir un prélèvement efficace des ressources propres de l’Union européenne et de ne pas créer de différences significatives dans la manière dont sont traités les assujettis, que ce soit au sein de l’un des États membres ou dans l’ensemble de ceux‑ci (arrêt Commission/Italie, C‑132/06, EU:C:2008:412, point 39).

30

Il résulte de ce qui précède que si la directive 2006/112 exige des États membres qu’ils prennent toutes les mesures nécessaires pour identifier, le cas échéant d’office, un assujetti à la TVA, elle ne leur impose pas d’adopter des mesures législatives et administratives de nature à assurer que, dans la gestion des déclarations fiscales autres que celles relatives à la TVA, le respect des obligations du contribuable au titre de cette taxe soit simultanément vérifié, alors d’ailleurs que de telles déclarations ne contiennent pas nécessairement l’ensemble des données susceptibles d’être fournies dans le cadre d’une déclaration de TVA conformément à l’article 250, paragraphe 1, de la directive 2006/112 et nécessaires à l’établissement de cette taxe.

31

Dans ces conditions, il convient de répondre à la première question que l’article 273, premier alinéa, de la directive 2006/112 n’impose pas aux États membres l’identification d’office d’un assujetti en vue de la perception de la TVA sur la seule base de déclarations fiscales, autres que celles relatives à cette taxe, alors même qu’elles auraient permis de constater le dépassement, par cet assujetti, du plafond d’exonération de ladite taxe.

Sur la seconde question

32

Par sa seconde question, la juridiction demande, en substance, si les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime s’opposent à ce qu’une administration fiscale nationale décide que des services de médecine vétérinaire sont soumis à la TVA dans des circonstances telles que celle au principal.

33

Selon une jurisprudence constante de la Cour, les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime doivent être respectés par les institutions de l’Union, mais également par les États membres dans l’exercice des pouvoirs que leur confèrent les directives de l’Union (voir en ce sens, notamment, arrêts Gemeente Leusden et Holin Groep, C‑487/01 et C‑7/02, EU:C:2004:263, point 57; «Goed Wonen», C‑376/02, EU:C:2005:251, point 32, ainsi que Elmeka NE, C‑181/04 à C‑183/04, EU:C:2006:563, point 31).

34

S’agissant, en premier lieu, du principe de sécurité juridique, ainsi que la Cour l’a jugé à maintes reprises, il en résulte notamment que la législation de l’Union doit être certaine et son application prévisible pour les justiciables, cet impératif de sécurité juridique s’imposant avec une rigueur particulière lorsqu’il s’agit d’une réglementation susceptible de comporter des conséquences financières, afin de permettre aux intéressés de connaître avec exactitude l’étendue des obligations qu’elle leur impose (arrêt Irlande/Commission, 325/85, EU:C:1987:546, point 18).

35

De même, dans les domaines couverts par le droit de l’Union, les règles du droit des États membres doivent être formulées d’une manière non équivoque qui permette aux personnes concernées de connaître leurs droits et obligations d’une manière claire et précise et aux juridictions nationales d’en assurer le respect (voir arrêt Commission/Italie, 257/86, EU:C:1988:324, point 12).

36

En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que le législateur roumain aurait supprimé la référence aux soins vétérinaires de la liste des opérations exonérées de la TVA à compter de la date d’adhésion de la Roumanie à l’Union, le 1er janvier 2007, en mentionnant à cet égard la nécessité d’assurer la conformité du droit national avec le droit de l’Union.

37

Dans ces conditions, indépendamment même de l’absence de publication en langue roumaine de l’arrêt Commission/Italie (122/87, EU:C:1988:256) mentionnant l’application de cette taxe aux services de soins vétérinaires, il y a lieu de considérer qu’un régime juridique tel que celui précédemment décrit paraît suffisamment clair et prévisible en ce qui concerne l’application de la TVA à ces services au cours de la période concernée par les faits au principal, ce qu’il revient néanmoins à la juridiction de renvoi de vérifier.

38

Il convient, à cet égard, de relever en particulier que la TVA est d’application générale et que ne tombent en dehors de son champ d’application que les opérations qui en sont expressément exonérées. Il en résulte que la seule suppression d’une opération de la liste de celles qui bénéficient d’une exonération suffit, du point de vue de l’exigence de sécurité juridique, pour qu’une telle opération figure au nombre des opérations taxables.

39

Il découle certes également du principe de sécurité juridique que la situation fiscale de l’assujetti ne peut pas être susceptible d’être indéfiniment remise en cause (voir, en ce sens, arrêt Fatorie, C‑424/12, EU:C:2014:50, point 46).

40

La Cour a cependant déjà jugé que le principe de sécurité juridique ne s’oppose pas à une pratique des autorités fiscales nationales consistant à révoquer, dans le délai de forclusion, une décision par laquelle elles ont reconnu à l’assujetti un droit à déduction de la TVA en lui réclamant, à la suite d’un nouveau contrôle, cette taxe et des majorations de retard (voir, en ce sens, arrêt Fatorie, C‑424/12, EU:C:2014:50, point 51).

41

La seule circonstance que l’administration fiscale requalifie une opération donnée en activité économique soumise à la TVA, pendant le délai de prescription, ne saurait dès lors, à elle seule, à défaut d’autres circonstances, porter atteinte à ce principe.

42

Par conséquent, il ne saurait être valablement allégué que le principe de sécurité juridique s’oppose, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, à ce que l’administration fiscale procède, dans le délai de prescription, à un redressement de TVA portant sur des services de médecine vétérinaire déjà prestés, qui auraient dû être soumis à cette taxe.

43

En ce qui concerne, en second lieu, le principe de protection de la confiance légitime, le droit de se prévaloir de ce principe s’étend à tout justiciable à l’égard duquel une autorité administrative a fait naître des espérances fondées du fait d’assurances précises qu’elle lui aurait fournies (voir, en ce sens, arrêt Europäisch Iranische Handelsbank/Conseil, C‑585/13 P, EU:C:2015:145, point 95).

44

À cet égard, il convient de vérifier si les actes d’une autorité administrative ont créé, dans l’esprit d’un opérateur économique prudent et avisé, une confiance raisonnable et, si tel est le cas, d’établir le caractère légitime de cette confiance (voir, en ce sens, arrêt Elmeka, C‑181/04 à C‑183/04, EU:C:2006:563, point 32 et jurisprudence citée).

45

Cependant, il ressort du dossier soumis à la Cour que la pratique administrative des autorités fiscales nationales en ce qui concerne l’assujettissement des médecins vétérinaires à la TVA ne paraît pas de nature à démontrer que ces conditions seraient réunies dans l’affaire au principal.

46

En particulier, le fait que les autorités fiscales nationales n’auraient pas soumis, de manière systématique, les services de médecine vétérinaire à la TVA au cours de la période concernée par les faits au principal, outre qu’il est contesté par le gouvernement roumain, ne saurait a priori suffire, sauf circonstances tout‑à‑fait particulières, à créer, dans l’esprit d’un opérateur économique normalement prudent et avisé, une confiance raisonnable dans la non‑application de cette taxe à de tels services alors que, comme il a été dit plus haut, ladite taxe est d’application générale et les services de médecine vétérinaire avaient été retirés de la liste des opérations exonérées dès le 1er janvier 2007.

47

En effet, une telle pratique, pour regrettable qu’elle soit, ne saurait à elle seule être regardée comme étant de nature à donner aux contribuables concernés des assurances précises en ce sens.

48

Il résulte des considérations qui précèdent qu’il convient de répondre à la deuxième question que les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime ne s’opposent pas à ce qu’une administration fiscale nationale décide que des services de médecine vétérinaire soient soumis à la TVA dans des circonstances telles que celle au principal, dès lors que cette décision se fonde sur des règles claires et que la pratique de cette administration n’a pas été de nature à créer, dans l’esprit d’un opérateur économique prudent et avisé, une confiance raisonnable dans la non‑application de cette taxe à de tels services, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

Sur les dépens

49

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle‑ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit:

 

1)

L’article 273, premier alinéa, de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, telle que modifiée par la directive 2009/162/UE du Conseil, du 22 décembre 2009, n’impose pas aux États membres l’identification d’office d’un assujetti en vue de la perception de la taxe sur la valeur ajoutée sur la seule base de déclarations fiscales, autres que celles relatives à cette taxe, alors même qu’elles auraient permis de constater le dépassement, par cet assujetti, du plafond d’exonération de ladite taxe.

 

2)

Les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime ne s’opposent pas à ce qu’une administration fiscale décide que des services de médecine vétérinaire soient soumis à la taxe sur la valeur ajoutée dans des circonstances telles que celle au principal, dès lors que cette décision se fonde sur des règles claires et que la pratique de cette administration n’a pas été de nature à créer, dans l’esprit d’un opérateur économique prudent et avisé, une confiance raisonnable dans la non‑application de cette taxe à de tels services, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: le roumain.

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