COMMISSION EUROPÉENNE
Bruxelles, le 16.11.2022
COM(2022) 636 final
COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL
Renforcer Schengen par la participation intégrale de la Bulgarie, de la Roumanie et de la Croatie à l'espace sans contrôles aux frontières intérieures
I.Introduction
L’espace Schengen sans contrôles aux frontières intérieures (ci-après l’«espace Schengen») est l’une des réalisations les plus emblématiques de l’intégration européenne et l’une des manifestations les plus tangibles du mode de vie européen, moteur de l’économie et trait d’union entre les Européens par-delà les frontières intérieures.
Ce qui a commencé en 1985 en tant que projet intergouvernemental entre cinq États membres – la France, l’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg – s’est progressivement développé au cours de sept phases d’élargissement pour devenir aujourd’hui le plus grand espace de libre circulation au monde. Les avantages de la suppression des frontières intérieures restent aussi remarquables aujourd’hui qu’ils l’étaient en 1985. Schengen est une réalité pour des millions de personnes: chaque jour, environ 3,5 millions de personnes franchissent les frontières intérieures pour travailler, étudier ou rendre visite à leur famille ou à des amis. Schengen a renforcé notre sécurité collective, en permettant aux autorités des États membres de coopérer étroitement. En outre, l’espace Schengen est conçu pour être le socle de l’Union européenne et de son marché unique dans son ensemble. Dans le contexte géopolitique et économique difficile qui prévaut actuellement, un espace Schengen pleinement opérationnel et achevé est essentiel à la stabilité, à la résilience et à la reprise.
À ce jour, l’espace Schengen comprend 26 pays, s’étend sur plus de 4 millions de kilomètres carrés et compte près de 420 millions d’habitants. 22 États membres de l’UE participent à l’espace Schengen. Tous les autres États membres, sauf un, sont tenus d’adhérer à l’espace Schengen une fois qu’ils remplissent les conditions et devraient donc être alors autorisés à le faire. Quatre de ces cinq États membres, à savoir la Bulgarie, la Croatie, Chypre et la Roumanie, sont déjà partiellement liés par l’acquis de Schengen, mais les contrôles aux frontières intérieures avec ces États membres n’ont pas encore été levés. L’Irlande participe à certaines parties importantes de l’architecture de Schengen, à l’exception de l’acquis relatif aux frontières extérieures et de la suppression des contrôles aux frontières intérieures. Quatre États non membres de l’UE, à savoir l’Islande, le Liechtenstein, la Norvège et la Suisse, ont chacun signé des accords avec l’Union sur l’association à l’application de l’acquis de Schengen et font donc également partie de l’espace Schengen. Lorsque la Bulgarie, la Roumanie et la Croatie appliqueront intégralement l’acquis de Schengen, l’espace Schengen passera à 4,5 millions de kilomètres carrés, avec une population de 450 millions d’habitants.
L’acquis de Schengen fait partie intégrante du cadre juridique de l’UE et comporte des obligations et des responsabilités importantes que chaque nouvel État membre doit accepter intégralement en tant que candidat à l’adhésion. En particulier, les nouveaux États membres doivent se préparer et être aptes à gérer efficacement les frontières extérieures au nom de tous les autres États de l’espace Schengen, ainsi qu’à délivrer des visas Schengen uniformes. Ils doivent être en mesure de coopérer efficacement avec les services répressifs d’autres États et être à même de se connecter aux systèmes d’information pertinents, tels que le système d’information Schengen, et de les utiliser, afin de maintenir un niveau élevé de sécurité après la suppression des contrôles aux frontières intérieures. Enfin, ils doivent veiller à ce que les droits fondamentaux et les exigences en matière de protection des données soient respectés dans le cadre de ces activités.
Au-delà du respect de ces exigences, l’application intégrale de l’acquis de Schengen dépend de l’approbation unanime de tous les autres États membres qui appliquent l’acquis de Schengen dans son intégralité. À cet égard, des progrès significatifs ont été accomplis et des mesures politiques importantes ont récemment été prises en faveur de l’application intégrale de l’acquis de Schengen en Bulgarie, en Roumanie et en Croatie. Le Parlement européen s’est fermement prononcé en ce sens et il s’agit d’une priorité essentielle pour la présidence tchèque du Conseil de l’Union européenne.
En outre, le processus d’évaluation de Schengen visant à évaluer l’état de préparation à l’adhésion à l’espace Schengen est en cours pour Chypre. Le système d’information Schengen sera bientôt mis en service à Chypre et ce processus sera vérifié dans le cadre d’une évaluation de Schengen spécifique en 2023.
La présente communication fait le point du solide bilan de la Bulgarie, de la Roumanie et de la Croatie, qui ont pris les mesures requises pour faire en sorte que les conditions nécessaires à l’application de toutes les parties pertinentes de l’acquis de Schengen soient remplies, comme le prévoient leurs actes d’adhésion respectifs de 2005 et de 2011. La Commission invite le Conseil à prendre sans plus tarder les décisions nécessaires, en permettant à ces trois pays, qui ne font pas encore pleinement partie de l’espace sans contrôles aux frontières intérieures, d’y adhérer.
Il ne fait aucun doute que l’Union est prête à une telle décision historique. Les efforts conjoints déployés ces dernières années ont rendu l’espace Schengen plus fort et plus résilient. Le cycle de gouvernance de Schengen, récemment mis en place, fournit tous les outils nécessaires pour évaluer régulièrement la situation dans l’espace Schengen, passant d’un cadre administratif à une gouvernance politique et à une responsabilité communes. Le Conseil Schengen et le forum Schengen facilitent un dialogue transparent et constructif entre les institutions de l’UE et les États membres. Le nouveau mécanisme renforcé d’évaluation et de contrôle de Schengen, auquel la Bulgarie, la Roumanie et la Croatie seront immédiatement soumises après que les décisions relatives à l’application intégrale de l’acquis de Schengen auront été prises, permettra de déterminer en temps utile tout manquement éventuel et toute mesure corrective éventuelle.
En tant que tel, ce huitième élargissement de l’espace Schengen devrait confirmer et renforcer la confiance mutuelle et l’unité entre les États membres sur lesquelles l’espace Schengen est fondé, et contribuer à l’adaptation et au développement continus de ce projet fondamental.
II.Solide bilan des réalisations de la Bulgarie, de la Roumanie et de la Croatie
Depuis 2011, la Commission a toujours estimé que la Bulgarie et la Roumanie étaient prêtes à faire partie de l’espace Schengen sans contrôles aux frontières intérieures. Il en va de même pour la Croatie depuis 2019. La Commission a demandé instamment au Conseil de prendre les décisions permettant à la Bulgarie, à la Roumanie et à la Croatie d’adhérer à la zone sans contrôles aux frontières intérieures. Le même engagement a été pris à plusieurs reprises par le Parlement européen
.
Depuis des années, ces États membres ont contribué de manière importante au bon fonctionnement de l’espace Schengen, y compris pendant les crises migratoires, lors de l’application des restrictions liées à la pandémie et, plus récemment, face aux conséquences sans précédent de la guerre en Ukraine. Après avoir mené à bien toutes les évaluations de Schengen, la Bulgarie, la Roumanie et la Croatie s’attendent légitimement à pouvoir participer intégralement à l’espace Schengen sans contrôles aux frontières intérieures. La récente mission d’information volontaire effectuée en Bulgarie et en Roumanie, ainsi que la dernière nouvelle inspection menée en Croatie, en particulier ses résultats en matière de contrôle des droits fondamentaux aux frontières extérieures, confirment de manière décisive que ces pays continuent à respecter effectivement les rigoureuses normes de Schengen et ont montré que leur mise en œuvre de ces normes est exemplaire. Alors que ces États membres appliquent activement la majeure partie de l’acquis de Schengen, ils ne bénéficient pas de tous les avantages découlant de la participation à l’espace Schengen sans contrôles aux frontières intérieures.
Compte tenu de leur situation géographique stratégique, la Bulgarie, la Roumanie et la Croatie jouent un rôle essentiel pour assurer la sécurité de notre frontière extérieure commune et contribuent efficacement à un niveau élevé de sécurité et de prospérité, comme l’ont montré les crises récentes. Tous les outils, structures et procédures nécessaires sont en place pour gérer efficacement le franchissement des frontières extérieures, ainsi que les menaces éventuelles qui pèsent sur la sécurité à ces frontières, contribuant ainsi à la lutte contre les formes graves de criminalité revêtant une dimension transfrontière. Ces pays ont également fait preuve d’un degré élevé d’engagement pour assurer une réaction efficace à la pression migratoire et aux défis qui y sont liés, en développant une coopération étroite avec leurs voisins proches. En outre, conformément au nouveau règlement relatif à l’évaluation de Schengen, les États membres pour lesquels a été adoptée une décision du Conseil prévoyant que les dispositions de l’acquis de Schengen doivent s’appliquer intégralement sont évalués au plus tard un an à compter de la date d’application intégrale de l’acquis de Schengen dans ces États membres
. Cette disposition s’applique à la Bulgarie, à la Roumanie et à la Croatie à la suite de l’adoption des décisions respectives.
Conformément à l’article 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion de 2005
, la Bulgarie et la Roumanie ont mené à bien leurs processus d’évaluation de Schengen respectifs en 2011. Le processus a commencé en 2009 et toutes les parties pertinentes de l’acquis ont fait l’objet d’une évaluation approfondie conformément aux procédures applicables. Le Conseil a pris acte de l’achèvement du processus d’évaluation dans deux documents distincts de conclusions du Conseil du 9 juin 2011
. Le projet de décision du Conseil relative à l’application de la totalité des dispositions de l’acquis de Schengen dans la République de Bulgarie et la Roumanie a fait l’objet d’un avis favorable du Parlement européen le 8 juin 2011
. Malgré les résultats positifs et l’achèvement du processus d’évaluation de Schengen, aucune décision n’a été prise par le Conseil depuis plus de onze ans en ce qui concerne l’application intégrale de l’acquis de Schengen en Bulgarie et en Roumanie et la levée des contrôles à leurs frontières intérieures.
Étant donné que les processus d’évaluation pour la Bulgarie et la Roumanie se sont achevés en 2011 et que le règlement relatif au mécanisme d’évaluation et de contrôle de Schengen ne permet pas de lancer de nouveau une évaluation formelle de la Bulgarie et de la Roumanie, ces deux pays ont publié, le 2 mars 2022, en vue de renforcer la confiance mutuelle et en considération du développement de l’acquis de Schengen dans l’intervalle, une déclaration commune invitant, sur une base volontaire, une équipe d’experts placée sous la coordination de la Commission à «veiller à l’application, notamment, des derniers développements de l’acquis de Schengen depuis l’évaluation, en mettant l’accent sur la gestion des frontières extérieures et la coopération policière».
En accord avec la Bulgarie et la Roumanie, qui ont toutes deux fait preuve de flexibilité et d’engagement, et à la demande des États membres, le champ d’application de la mission a été considérablement élargi pour couvrir tous les éléments pertinents de l’acquis de Schengen, y compris les derniers développements intervenus depuis 2011, l’accent étant mis sur les frontières extérieures et la coopération policière. Le retour, le système d’information Schengen, le système d’information sur les visas ainsi que l’évolution de la politique en matière de visas ont également été examinés. La mission a pris en considération le respect des droits fondamentaux, notamment la protection des données, et le fonctionnement des autorités qui appliquent les parties pertinentes de l’acquis de Schengen. Les inspections ont eu lieu en Roumanie (du 9 au 11 octobre) et en Bulgarie (du 12 au 14 octobre 2022). La majorité des États membres ont contribué à la mission et l’équipe était composée de 17 experts des États membres. Outre les cinq experts de la Commission, des observateurs de l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes («Frontex»), d’Europol et de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne ont participé à la mission d’information.
La mission d’information volontaire a confirmé les conclusions des processus d’évaluation achevés en 2011 et fait apparaître que la Bulgarie et la Roumanie ont non seulement continué de mettre en œuvre le nouvel acquis et les nouveaux outils, mais qu’elles ont également considérablement renforcé l’application globale de l’acquis de Schengen dans toutes ses dimensions et de manière exhaustive.
La Bulgarie, voisine de la Turquie, joue un rôle essentiel dans la protection des frontières extérieures de l’UE et dans le maintien d’un niveau élevé de sécurité intérieure. À cette fin, la Bulgarie a mis en place une gestion rigoureuse des frontières, qui garantit une surveillance des frontières de qualité et des vérifications systématiques aux frontières. Comme il est indiqué dans le rapport de la mission d’information, la Bulgarie est encouragée à améliorer encore le tableau de situation national en mettant pleinement en œuvre le modèle d’analyse commune et intégrée des risques. Malgré les difficultés externes existantes, la Bulgarie adopte une approche cohérente en ce qui concerne le retour des ressortissants de pays tiers sans droit de séjour et la prévention des mouvements secondaires non autorisés. Un degré de priorité élevé est accordé à la lutte contre la criminalité transfrontière grâce à la mise en place d’outils efficaces de coopération policière internationale, y compris par l’intermédiaire d’Europol et en collaboration avec cette agence, ainsi qu’au moyen d’accords opérationnels conclus par la Bulgarie avec les pays voisins afin de permettre l’observation et la poursuite transfrontalières. Le système d’information Schengen est bien établi. En ce qui concerne le fonctionnement des autorités, la stratégie nationale bulgare de prévention de la corruption et de lutte contre celle-ci est mise en œuvre à tous les niveaux et renforcée par des mesures de prévention et des procédures disciplinaires solides. La Bulgarie a également démontré qu’elle disposait des structures nécessaires pour assurer le respect des droits fondamentaux, garantir l’accès à la protection internationale et respecter le principe de non-refoulement ainsi que les exigences en matière de protection des données en vue de l’application du système d’information Schengen et de la coopération policière.
La Roumanie, limitrophe de la Serbie, de l’Ukraine et de la Moldavie, joue un rôle très important dans le bon fonctionnement de l’espace Schengen. Elle dispose d’une gestion rigoureuse et de qualité des frontières, y compris la surveillance des frontières et des vérifications systématiques aux frontières, et la coopération policière internationale avec les pays voisins fonctionne bien, tout comme la coopération avec Frontex, qui est très active. Une approche globale de la gestion des migrations est garantie, des actions étant également menées dans les pays tiers. Le retour est mis en œuvre en tant que mesure prioritaire visant à lutter contre la migration irrégulière et les mouvements secondaires non autorisés, ce qui se traduit par une approche cohérente en matière de retour et de réadmission. La Roumanie dispose d’un plan national opérationnel d’urgence pour les situations extraordinaires, qu’elle a déclenché avec succès en réaction à la crise ukrainienne. En outre, la Roumanie prend part à une coopération policière internationale efficace et active, en particulier avec Europol. La lutte contre la migration illégale et la lutte contre la traite des êtres humains sont deux priorités pour lesquelles la Roumanie est particulièrement active. Le système d’information Schengen a été bien établi et des efforts continus sont désormais nécessaires pour assurer l’automatisation nécessaire des flux SIRENE. La Roumanie dispose d’une stratégie nationale de lutte contre la corruption et des mesures ont été adoptées à cet effet à tous les niveaux au sein des services répressifs roumains. En ce qui concerne le respect des droits fondamentaux, la Roumanie dispose de structures efficaces pour garantir l’accès à la protection internationale et le respect du principe de non-refoulement, ainsi que des structures nécessaires pour assurer le respect des exigences en matière de protection des données en vue de l’application du système d’information Schengen et de la coopération policière.
L’équipe d’experts sur place a présenté le rapport de la mission
au groupe «Affaires Schengen» du Conseil le 26 octobre 2022 et a conclu qu’elle n’avait relevé aucun problème concernant l’application par la Bulgarie et la Roumanie des derniers développements de l’acquis de Schengen et que les deux États membres continuaient de remplir les conditions nécessaires pour appliquer intégralement toutes les parties pertinentes de l’acquis de Schengen. La Bulgarie et la Roumanie sont toutes deux prêtes à appliquer intégralement le code des visas et à délivrer des visas Schengen dès leur adhésion. La Commission se félicite de la décision de la Bulgarie et de la Roumanie de déplacer le personnel nécessaire du secteur de la police des frontières se trouvant aux frontières intérieures vers les frontières extérieures une fois que les contrôles aux frontières intérieures auront été levés, afin de contrer l’augmentation potentielle de la migration irrégulière.
La Croatie, limitrophe de la Serbie, de la Bosnie-Herzégovine et du Monténégro, joue un rôle tout aussi essentiel dans la protection des frontières extérieures de l’UE et le bon fonctionnement de l’espace Schengen. À la suite de la déclaration de la Croatie indiquant qu’elle était prête à entamer le processus d’évaluation de Schengen en vue d’une décision du Conseil relative à l’application intégrale de l’acquis de Schengen, le processus d’évaluation a eu lieu au cours de la période 2016-2020.
Le 22 octobre 2019, la Commission a adopté une communication concluant que la Croatie avait pris les mesures nécessaires pour faire en sorte que les conditions d’application de toutes les parties pertinentes de l’acquis de Schengen soient réunies et confirmant que la Croatie continuait de remplir les engagements liés à l’acquis de Schengen qu’elle avait pris dans le cadre des négociations d’adhésion
. Il était également fait mention de la nécessité pour la Croatie de continuer à travailler sans relâche à la réalisation de toutes les actions en cours, en particulier en matière de gestion des frontières extérieures, pour que ces conditions continuent d’être remplies.
Afin de contrôler et de vérifier la mise en œuvre de ces actions dans le domaine de la gestion des frontières extérieures, la Commission a organisé une inspection de vérification ciblée en Croatie, du 23 au 27 novembre 2020. L’inspection a permis de conclure que la Croatie avait mis en œuvre la majorité des actions. Sur la base des résultats de l’inspection et du dernier rapport d’avancement de la Croatie sur la mise en œuvre du plan d’action relatif aux frontières extérieures, la Commission a clôturé le plan d’action le 2 février 2021.
Le Conseil «Justice et affaires intérieures» de décembre 2021 a confirmé la conclusion de la Commission, énoncée dans la communication du 22 octobre 2019, selon laquelle la Croatie remplissait les conditions nécessaires à l’application de toutes les parties de l’acquis de Schengen
. En outre, le Conseil a invité la Croatie à continuer à œuvrer avec constance à la mise en œuvre de l’acquis de Schengen, ainsi que des engagements qui y sont liés. Le 29 juin 2022, le Conseil a consulté le Parlement européen sur le projet de décision relative à l’application intégrale de l’acquis de Schengen en République de Croatie. Le projet de décision du Conseil a fait l’objet d’un avis favorable du Parlement européen le 10 novembre 2022.
La Croatie a déployé des efforts considérables pour garantir que les contrôles aux frontières extérieures respectent les obligations en matière de droits fondamentaux et s’est engagée à appliquer une «tolérance zéro» à l’égard de toute forme de violence. La Commission note avec satisfaction que la Croatie a été le premier État membre à mettre en place, en juin 2021, un mécanisme de contrôle indépendant, comme le proposait le pacte sur la migration et l’asile. Il s’agit d’un forum unique permettant d’observer de manière indépendante les pratiques des gardes-frontières et de la police, de traiter toute allégation de violation des droits fondamentaux aux frontières, de mieux faire connaître les lois applicables et les garanties en matière de droits fondamentaux, notamment par la formation des garde-frontières et des policiers, et de veiller à l’amélioration des procédures internes. Le mécanisme associe directement les parties prenantes croates concernées et est guidé par un comité consultatif indépendant composé, entre autres, de deux médiateurs, dont un pour les enfants, et de représentants de la Commission européenne, de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne et d’organisations intergouvernementales.
Un an après la mise en service du mécanisme de contrôle indépendant, le rapport final de son comité de coordination a été adopté en juillet 2022. Le 27 octobre 2022, sur la base de ce rapport, le comité consultatif a salué les activités du mécanisme de contrôle indépendant, en particulier l’établissement d’un dialogue d’experts fructueux avec les autorités croates pour donner suite aux conclusions du mécanisme, et la conduite de vingt missions d’observation sur place. Il a également adopté des recommandations quant aux améliorations possibles concernant un élargissement du mandat pour y inclure des missions d'observation inopinées, en particulier à la frontière verte, l’accès aux informations du ministère de l’intérieur et la nécessité de poursuivre la mise en œuvre du mécanisme de contrôle indépendant.
La Commission se félicite de l’engagement pris par le gouvernement croate de maintenir le mécanisme de contrôle indépendant et de poursuivre sa mise en œuvre, et note avec satisfaction que les recommandations du comité consultatif ont été pleinement prises en compte dans le nouvel accord prorogeant le mécanisme de contrôle indépendant, qui a été signé le 4 novembre 2022. En particulier, ce nouvel accord dispose que le mécanisme est établi pour une période de 18 mois automatiquement renouvelable, permettant ainsi que les objectifs qu'il vise soient atteints de manière durable et viable, et il prévoit la possibilité d’effectuer à tout moment et en tout lieu des missions d’observation inopinées, y compris à la frontière verte. Cet accord prévoit également qu’en cas de détection d’irrégularités et d’éventuelles violations des droits fondamentaux, le mécanisme pourra exiger des organismes publics concernés qu’ils ouvrent une enquête officielle. En outre, l’accord prévoit des mécanismes spécifiques pour améliorer l’efficience et la transparence, notamment pour faciliter la communication avec le public intéressé. Enfin, l’accord met davantage l’accent sur le caractère continu du contrôle du respect des droits fondamentaux, puisqu’il précise que le mécanisme contrôle le respect des droits fondamentaux en toutes circonstances, une attention particulière étant réservée au droit à un accès effectif à la procédure d’asile et à la protection internationale, au respect du principe de non-refoulement, à l’interdiction des expulsions collectives ainsi qu’à l’interdiction de la torture et des autres formes de mauvais traitements.
III.Un solide bilan de réalisations qui renforcera et soutiendra Schengen
Le solide bilan des réalisations de la Bulgarie, de la Roumanie et de la Croatie équivaut à celui progressivement obtenu dans l’ensemble de l’espace Schengen. L’espace Schengen ne cesse de se développer et s'adapte aux nouveaux défis et priorités. Notre espace Schengen est aujourd’hui solide et prêt pour ce nouvel élargissement, qui lui permettra d’accroître encore sa résilience, notamment face aux nouveaux défis géopolitiques. Au cours des 37 dernières années, un cadre juridique complet et des outils opérationnels communs ont été progressivement mis au point afin de mieux protéger l’espace sans contrôles aux frontières intérieures.
Le système de gouvernance Schengen récemment mis en place renforce l’obligation de rendre des comptes et garantit une responsabilité commune, favorisant la mise en œuvre de réformes structurelles. Le cycle Schengen proposé par la Commission définit les structures nécessaires à une approche coordonnée des défis communs et à un dialogue politique renforcé.
L’architecture de Schengen s’est constamment renouvelée. Le cadre juridique n’a cessé d’être renforcé et offre déjà aujourd’hui une base solide permettant de gérer efficacement les frontières extérieures tout en garantissant que les contrôles aux frontières intérieures demeurent des mesures de dernier recours. La prochaine révision du code frontières Schengen
renforcera encore les règles, en garantissant une coopération accrue entre les États membres et une parfaite coordination au niveau de l’Union. En outre, les États membres sont de plus en plus conscients du problème de la prolongation des contrôles aux frontières intérieures et résolus à y remédier durablement.
Ces dernières années, l’UE s’est employée activement à mettre en place l’un des systèmes de gestion des frontières technologiquement les plus avancés au monde et dont les bénéfices sont déjà visibles aujourd’hui sur le terrain. La mise en service, début 2023, du système d’information Schengen modernisé et, en mai 2023, du système d’entrée/de sortie apportera une sécurité supplémentaire à notre gestion des frontières extérieures et à l’espace Schengen. La nouvelle architecture informatique complète, y compris le système européen d’information et d’autorisation concernant les voyages (ETIAS), devrait être en place d’ici la fin de 2023, et l’interopérabilité qui s’ensuivra permettra de connecter les systèmes d’information européens pour les frontières, la migration et la sécurité. Une fois que cette architecture sera en place, toutes les autorités nationales compétentes et concernées disposeront des informations complètes, fiables et exactes dont elles ont besoin, dans le plein respect des exigences en matière de protection des données.
Le code des visas, entré en vigueur en 2010-2011, a été révisé en 2020 et prévoit à présent des procédures plus rapides et plus claires pour les voyageurs, tout en en offrant davantage d’outils pour relever les défis posés par la migration irrégulière. La nouvelle possibilité d’utiliser les visas comme levier vis-à-vis des pays tiers avec lesquels la coopération en matière de réadmission est insuffisante a déjà donné des résultats positifs. Le système d’information sur les visas, qui a récemment fait l'objet d'une réforme pour y inclure de nouvelles fonctionnalités (par exemple, l’inclusion des visas de long séjour et des titres de séjour), a apporté un soutien effectif aux autorités des États membres et a permis d'effectuer des vérifications plus efficaces concernant les demandeurs de visa afin d’identifier ceux susceptibles de constituer une menace pour la sécurité ou de présenter un risque de détournement des règles en matière d’immigration. En outre, poursuivant ses efforts pour accroître l’attractivité de l’espace Schengen, l’Union a ajouté de nouveaux pays tiers à la liste des pays dont les ressortissants peuvent se rendre dans l’UE sans visa et elle a conclu avec des pays tiers des accords visant à faciliter la délivrance de visas. La numérisation prochaine des procédures de visa
transformera la procédure actuelle de demande de visa sur support papier en une procédure numérique, ce qui la rendra plus rapide et plus sûre. La plateforme en ligne unique donnera un visage européen à la procédure de visa et créera un point d’entrée unique pour les demandeurs de visa dans le monde entier, ce qui renforcera l’attractivité de l’UE en tant que destination de voyage.
Une gestion rigoureuse des frontières extérieures est essentielle pour compenser la suppression des contrôles aux frontières intérieures, et garantit la confiance mutuelle. L’Union et les États membres travaillent activement en vue de parvenir à ce que, dans la pratique, la gestion européenne des frontières soit pleinement efficace et intégrée, ce qui comprend des actions visant à rendre plus effectif le retour des ressortissants de pays tiers sans droit de séjour. En outre, la création du corps européen de garde-frontières et de garde-côtes et la mise en œuvre quotidienne de son mandat renforcé ont fait partie des décisions historiques prises par l’Union pour répondre pleinement aux impératifs de Schengen. La sécurité et le fonctionnement de l’espace Schengen sont également étayés par une mise en œuvre effective du code des douanes de l’Union, en étroite coopération avec les autorités européennes de garde-frontières et de garde-côtes. Cette coopération garantit que le contrôle des marchandises est bien intégré dans les mêmes processus de sécurité.
Un espace Schengen plus fort contribue également à mieux relever les défis en matière de sécurité intérieure. La suppression des contrôles aux frontières a permis aux États membres d’utiliser leurs ressources policières pour lutter de manière plus ciblée contre la criminalité et le terrorisme interne. Les services répressifs des États membres
sont en mesure d’échanger plus efficacement des informations grâce à l’utilisation accrue des outils et instruments de l’UE. Cela a conduit à une meilleure coordination des mesures d’enquête. Sur la base des propositions législatives présentées par la Commission en décembre 2021, le Parlement européen et le Conseil progressent dans les travaux législatifs visant à renforcer encore l’échange d’informations. La Commission appelle le Parlement européen et le Conseil à parvenir rapidement à un accord sur la proposition de directive relative à l’échange d’informations entre les services répressifs des États membres
. En outre, la Commission présentera d’ici la fin de l’année une proposition législative de règlement relatif à la collecte et au transfert d’informations préalables sur les passagers (API) en vue de lutter contre les formes graves de criminalité et le terrorisme, y compris sur certains vols intra-UE.
L’action au niveau national n’étant pas suffisante pour répondre aux problèmes de sécurité transnationaux, les services répressifs des États membres ont de plus en plus eu recours au soutien et à l’expertise offerts par Europol, l’agence de l’UE pour la coopération des services répressifs, afin de lutter contre les formes graves de criminalité et le terrorisme. L’entrée en vigueur récente du mandat renforcé d’Europol augmente encore les moyens dont dispose l’Agence pour soutenir les États membres dans leurs enquêtes sur les formes graves de criminalité transfrontière et le terrorisme, par exemple dans le domaine du traitement de mégadonnées, de la coopération avec des parties privées ou des travaux sur l’innovation et l’intelligence artificielle visant à soutenir les services répressifs
. Europol a également renforcé son soutien aux États membres dans la lutte contre le terrorisme par l’intermédiaire de son Centre européen de la lutte contre le terrorisme. Les États membres participent aussi activement à la plateforme pluridisciplinaire européenne contre les menaces criminelles (EMPACT), le cadre général de coopération pour lutter contre la grande criminalité organisée qui touche l’UE, avec un soutien financier accru de la part de l’Union.
Les États membres renforcent leur coopération opérationnelle en donnant effet à la recommandation du Conseil du 9 juin 2022 relative à la coopération opérationnelle des services répressifs, en ayant recours aux poursuites transfrontalières et à l’observation transfrontalière, aux opérations conjointes ou aux patrouilles communes pour lutter contre la criminalité transfrontalière
. La Commission aide les États membres à faire avancer les actions énoncées dans la recommandation, y compris par des financements au titre du Fonds pour la sécurité intérieure. Les États membres coopèrent également au moyen de contrôles de police communs qu’ils effectuent dans les zones frontalières, conformément à la recommandation de la Commission relative à des contrôles de police proportionnés et à la coopération policière dans l’espace Schengen.
Enfin, un espace Schengen solide et performant nécessite non seulement une mise en œuvre correcte de l’acquis de Schengen, mais aussi une coopération étroite entre les États membres en ce qui concerne d’autres mesures complémentaires, y compris dans le domaine des migrations et de l’asile. Beaucoup de travail a été et continuera d’être accompli pour assurer une gestion efficace des défis migratoires. Dans le prolongement de la déclaration sur un mécanisme de solidarité volontaire adoptée en juin, la Commission facilite les travaux des États membres visant à trouver des solutions communes au problème des mouvements secondaires non autorisés. En particulier, à la suite des discussions menées lors de la réunion du comité de contact sur le règlement Dublin III, qui s’est tenue le 24 juin 2022, les États membres, la Commission et l’Agence de l’Union européenne pour l’asile (EUAA) sont convenus d’élaborer une feuille de route visant à améliorer et à garantir la mise en œuvre des transferts au titre dudit règlement dans tous les États membres. Le travail commun basé sur les actions définies collectivement dans cette feuille de route contribuera à apporter des améliorations tangibles au système de Dublin, ce qui est essentiel pour continuer à renforcer la confiance.
Dans le même temps, il est essentiel de réaliser des progrès décisifs dans l’adoption du Pacte, étant donné que celui-ci comprend des solutions nécessaires pour contribuer à une gestion efficace des migrations, à une coopération plus étroite et à un partage des responsabilités entre les États membres, renforçant ainsi la confiance mutuelle, ce qui permet de soutenir un espace Schengen fort.
IV.Réaliser tout le potentiel de l’espace Schengen
L’adhésion de la Bulgarie, de la Roumanie et de la Croatie à l’espace Schengen répond à la fois à une promesse européenne et à une attente légitime d’adhésion dès lors que toutes les conditions convenues sont vérifiées et remplies. L’espace Schengen bénéficie d’un soutien massif de la population européenne et il convient d’éviter de retarder encore l’exercice de leurs droits par les citoyens bulgares, roumains et croates. Le Parlement européen, la présidence du Conseil et la Commission européenne se sont montrés résolument attachés à cette nouvelle vague d’adhésions à un espace Schengen sans contrôles aux frontières intérieures et ont apporté un soutien politique et technique total et continu à ce processus.
La Bulgarie, la Roumanie et la Croatie sont prêtes à mettre en œuvre l’intégralité de l’acquis de Schengen et à rejoindre l’espace Schengen. Leur adhésion est essentielle au maintien et au renforcement de la confiance mutuelle dans l’espace Schengen. En outre, elle contribuera à éliminer des obstacles au sein du marché unique, notamment parce qu’elle facilitera les flux de transport, ainsi qu’à renforcer la compétitivité et le potentiel de croissance de l’UE. L’intégration du personnel hautement formé et spécialisé de la Bulgarie, de la Roumanie et de la Croatie, de leurs infrastructures de pointe et de leur savoir-faire à la boîte à outils collective pour la gestion de l’espace Schengen renforcera la gestion des frontières et la sécurité dans l’ensemble de l’UE. Ces nouveaux membres de l’espace Schengen seront pour leur part également en mesure d’exploiter pleinement tous les outils disponibles, tels que ceux liés au système d’information sur les visas et à l’interopérabilité des systèmes d’information à grande échelle. Une gestion plus forte et plus ordonnée des migrations sera également rendue possible, en particulier avec les pays tiers du voisinage européen, à nos frontières extérieures et entre les États membres.
Un espace Schengen élargi rendra l’UE plus forte en tant qu’Union, sur le plan interne et sur la scène mondiale. Il rendra l’Union plus forte, grâce à une protection renforcée de nos frontières extérieures communes et à une coopération policière efficace, plus prospère, en éliminant le temps perdu aux frontières et en facilitant les contacts entre les personnes et entre les entreprises, et plus attrayante, en élargissant de manière significative le plus grand espace commun au monde sans contrôles aux frontières intérieures.
Le Conseil Schengen a maintenant, en décembre, l’occasion de prendre une décision historique. La Commission invite tous les États membres à soutenir pleinement la présidence tchèque dans les dernières étapes nécessaires, en conformité avec l'acte d’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie de 2005 et l’acte d'adhésion de la Croatie de 2011.