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Document 52018AE2438

Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur les pratiques commerciales déloyales dans les relations interentreprises au sein de la chaîne d’approvisionnement alimentaire» [COM(2018) 173 final]

EESC 2018/02438

JO C 440 du 6.12.2018, p. 165–170 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

6.12.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 440/165


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur les pratiques commerciales déloyales dans les relations interentreprises au sein de la chaîne d’approvisionnement alimentaire»

[COM(2018) 173 final]

(2018/C 440/28)

Rapporteur:

Peter SCHMIDT

Consultation

Conseil de l’Union européenne, 30.4.2018

Parlement européen, 2.5.2018

Base juridique

Article 43, paragraphe 2, et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Décision du Bureau

22.5.2018

Compétence

Section spécialisée «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section spécialisée

5.9.2018

Adoption en session plénière

19.9.2018

Session plénière no

537

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

172/1/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Les pratiques commerciales déloyales (PCD) dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire résultent d’une asymétrie des pouvoirs entre les opérateurs présents le long de la chaîne et entraînent des effets négatifs sur le plan économique, social et environnemental. Le CESE accueille favorablement la proposition de la Commission visant à réduire la fréquence des PCD, en ce qu’elle représente une première étape nécessaire pour protéger les opérateurs plus faibles, en particulier les agriculteurs, les travailleurs et certains opérateurs, et améliorer la gouvernance au sein de la chaîne d’approvisionnement alimentaire. Une approche réglementaire et un cadre législatif assortis de mécanismes d’application des règles solides et efficaces constituent la solution pour remédier efficacement aux PCD au niveau de l’Union européenne.

1.2.

Le CESE regrette toutefois que la Commission se soit contentée d’instaurer une norme commune de protection minimale dans toute l’Union européenne, en interdisant uniquement un nombre limité de PCD. Il est nécessaire d’interdire toutes les pratiques abusives.

1.3.

S’agissant de la limitation de la protection contre les PCD aux seuls fournisseurs constitués en PME en ce qui concerne leurs ventes à des acheteurs qui n’appartiennent pas à cette catégorie, le CESE estime que cette disposition n’est pas suffisante pour résoudre efficacement le problème de l’asymétrie des pouvoirs et qu’elle n’aura pas d’effet significatif. La protection devrait être étendue à tous les opérateurs, qu’ils soient petits ou grands et qu’ils exercent leur activité au sein ou en dehors de l’Union. Même lorsque des opérateurs à grande échelle sont victimes de PCD, l’effet économique est souvent répercuté sur les acteurs les plus faibles de la chaîne.

1.4.

Concernant les dispositifs d’application des règles, le CESE se félicite de la proposition de la Commission visant à créer un cadre harmonisé à l’échelle de l’Union européenne pour les autorités d’application. Néanmoins, les mécanismes d’application devraient eux aussi être renforcés, au moyen par exemple d’une procédure de médiation spécifique, de recours collectifs et d’un contrôle du respect de la législation par les autorités, afin de protéger l’anonymat des plaignants. De tels mécanismes devraient aussi s’accompagner de la possibilité d’infliger des sanctions. Afin de faciliter la procédure de plainte, les contrats devraient être obligatoirement dressés par écrit, ce qui rendrait les négociations plus équitables.

1.5.

Au-delà de la lutte contre les PCD, le CESE recommande à la Commission d’encourager et de soutenir les modèles d’entreprise qui jouent un rôle s’agissant de rendre la chaîne d’approvisionnement plus durable (par exemple en la raccourcissant, en améliorant la transparence, etc.), de la rééquilibrer et d’en améliorer l’efficacité, afin de renforcer l’équilibre des pouvoirs.

1.6.

Enfin, le CESE tient à rappeler que la promotion de pratiques commerciales plus équitables devrait s’inscrire dans le cadre d’une politique alimentaire globale de l’Union, qui rende la chaîne d’approvisionnement alimentaire plus durable sur le plan économique, social et environnemental, en vue de mettre en œuvre les objectifs de développement durable des Nations unies.

2.   Introduction

2.1.

Les pratiques commerciales déloyales (PCD) sont définies comme «des pratiques [interentreprises] qui s’écartent […] de la bonne conduite commerciale, sont contraires à la bonne foi et à la loyauté et sont imposées de manière unilatérale par un partenaire commercial à un autre» (1). La chaîne d’approvisionnement alimentaire est particulièrement vulnérable aux PCD, en raison de forts déséquilibres entre les petits et les grands opérateurs. Des PCD peuvent avoir cours à tous les étages de la chaîne d’approvisionnement, et celles qui apparaissent sur l’un des maillons de la chaîne peuvent avoir des effets sur d’autres de ses segments, en fonction du pouvoir de marché des acteurs concernés (2).

2.2.

Comme décrit en détail dans l’avis du CESE sur «Des chaînes d’approvisionnement alimentaire plus équitables», adopté en octobre 2016 (3), la concentration du pouvoir de négociation a abouti à des abus de position dominante, qui ont accru la vulnérabilité des opérateurs les plus faibles face aux PCD. Cette évolution a eu pour effet de transférer le risque économique de marché vers l’amont de la chaîne d’approvisionnement et a eu des répercussions particulièrement négatives sur les consommateurs et certains opérateurs tels que les agriculteurs, les travailleurs et les PME. Le problème des PCD a été reconnu par l’ensemble des acteurs de la chaîne d’approvisionnement alimentaire, et il a été rapporté qu’une majorité d’opérateurs ont eu à subir des PCD (4).

2.3.

Il convient de signaler tout particulièrement l’impact sur les consommateurs. La pression sur les prix force les entreprises de transformation alimentaire à produire au coût le plus bas possible, et cette évolution est susceptible de détériorer la qualité ainsi que la sécurité des aliments proposés aux consommateurs. Pour faire baisser leurs prix de revient, ces entreprises recourent dans certains cas à des matières premières moins chères, au détriment de la qualité et de la valeur des produits alimentaires concernés — par exemple, les acides gras trans remplacent, dans de nombreux produits, des huiles et des graisses plus saines provenant d’Europe (5).

2.4.

La pression qui s’exerce sur les opérateurs les plus faibles de la chaîne d’approvisionnement alimentaire est de plus en plus forte. D’après des données récentes d’Eurostat, la part de la valeur ajoutée brute revenant aux distributeurs continue d’augmenter. Cette situation résulte de la plus forte concentration du secteur de la distribution et de la transformation dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire, elle-même imputable à une conception imparfaite du droit des ententes. Le fonctionnement de la chaîne d’approvisionnement alimentaire doit en conséquence être amélioré afin de garantir une répartition équitable des revenus tout au long de celle-ci. Cependant, l’importance des distributeurs ne doit pas être sous-estimée compte tenu du rôle qu’ils jouent dans l’approvisionnement en produits de grande consommation.

2.5.

La lutte contre les PCD est l’une des composantes essentielles de l’action visant à assurer un meilleur fonctionnement de la chaîne d’approvisionnement alimentaire, à côté de la réduction de la volatilité des prix sur les marchés et d’un renforcement du rôle joué par les organisations de producteurs. Dans une résolution de juin 2016 (6), le Parlement européen a invité la Commission à proposer un cadre juridique concernant les PCD, invitation à laquelle le CESE a fait écho en octobre 2016, tout comme le groupe de travail sur les marchés agricoles en novembre 2016.

2.6.

Dans 20 États membres, diverses initiatives législatives sont déjà en place pour remédier aux PCD. Combinées à la «Supply Chain Initiative» existante, ces démarches ont suscité une prise de conscience au sujet de l’inégalité des rapports de force dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire. Cependant, très rares sont les approches nationales ou volontaires existantes qui ont permis jusqu’à présent de résoudre le problème des PCD. La Commission a décidé de présenter une proposition législative spécifique en avril 2018, reconnaissant que l’ensemble hétéroclite de règles existant dans les États membres en matière de PCD ou l’absence de telles règles est de nature à compromettre l’objectif prévu par le traité consistant à assurer un niveau de vie équitable à la population agricole (7).

3.   Proposition de la Commission

3.1.

Dans sa proposition de directive, la Commission vise à réduire la fréquence des PCD dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire en introduisant une norme commune de protection minimale dans toute l’Union européenne, consistant en une liste de PCD spécifiques interdites, à savoir les paiements tardifs de produits alimentaires périssables, les annulations de commande de dernière minute, les modifications de contrats unilatérales ou rétroactives et le fait d’obliger le fournisseur à payer pour les denrées gaspillées. D’autres pratiques ne seront autorisées que si elles ont été convenues préalablement entre les parties en des termes clairs et dépourvus d’ambiguïté: le renvoi par un acheteur des denrées alimentaires invendues à un fournisseur, le fait pour un acheteur de subordonner la conclusion ou le maintien d’un accord de fourniture de produits alimentaires à un paiement de la part du fournisseur, ou encore le fait pour un fournisseur de payer pour la promotion ou la commercialisation des denrées alimentaires vendues par l’acheteur.

3.2.

La protection contre les PCD ne s’applique qu’aux seules ventes de denrées alimentaires par un fournisseur qui se trouve être une PME à un acheteur qui n’appartient pas à cette catégorie (8).

3.3.

En outre, la proposition de la Commission impose aux États membres de désigner une autorité publique chargée de faire appliquer les nouvelles règles. En cas d’infraction avérée, l’organe en question sera habilité à infliger une sanction proportionnée et dissuasive. Cette autorité d’application pourra ouvrir des enquêtes de sa propre initiative ou à la suite d’une plainte. Dans ce cas, les parties à l’origine de la plainte seront autorisées à demander que celle-ci soit traitée de manière confidentielle et dans le respect de leur anonymat, de façon à protéger leur position vis-à-vis de leur partenaire commercial. Un mécanisme de coordination entre les autorités d’application sera également mis en place avec le concours de la Commission pour permettre l’échange des bonnes pratiques.

4.   Observations générales

4.1.

Le CESE accueille favorablement la proposition de la Commission, en ce qu’elle représente une première étape cruciale pour entamer un processus législatif visant à réglementer les PCD dans toute l’Union, ainsi qu’il l’avait vivement recommandé dans son avis de 2016. Il s’agit là d’une évolution nécessaire pour protéger les opérateurs plus faibles de la chaîne d’approvisionnement alimentaire, en l’occurrence les agriculteurs et les travailleurs, et pour stabiliser leurs revenus et les protéger des fluctuations. La proposition contribue en particulier à pallier leur faible pouvoir de négociation, améliorant ainsi la gouvernance de la chaîne d’approvisionnement alimentaire.

4.2.

Dans son document, la Commission reconnaît qu’il est peu probable que la «Supply Chain Initiative» (SCI), menée à l’échelle de l’Union européenne, évolue vers un cadre de gouvernance complet qui rendrait les mesures législatives, y compris coercitives, superflues (9). Dans ce contexte, le CESE affirme une fois encore que la SCI et les autres dispositifs volontaires nationaux peuvent effectivement s’avérer utiles, mais uniquement à titre complémentaire, et qu’ils n’ont pas vocation à se substituer à des mécanismes juridiques d’application des règles qui soient solides et efficaces à l’échelle des États membres (10).

4.3.

Le CESE se félicite aussi du soutien apporté à l’idée d’un réseau, coordonné au niveau de l’Union européenne, qui rassemblerait les autorités chargées de faire appliquer les règles en la matière, ainsi qu’il l’avait recommandé dans son précédent avis. Il est crucial de garantir une coopération effective entres les autorités d’application pour remédier aux PCD transnationales qui pourraient, à défaut, se poursuivre dans l’impunité.

4.4.

Le CESE regrette toutefois que la Commission ait opté pour une approche d’harmonisation minimale, qui n’est pas suffisante pour parer à l’ensemble des pratiques abusives qui ont cours tout le long de la chaîne d’approvisionnement alimentaire. Plus particulièrement, le Comité déplore vivement que les acheteurs soient les seuls réputés se livrer à des pratiques abusives et que seul un nombre limité de PCD soient interdites dans ce cadre, comme expliqué plus en détail au chapitre 5.

4.5.

Le CESE s’interroge aussi sur la proposition de la Commission de limiter la protection contre les PCD aux seuls fournisseurs constitués en PME en ce qui concerne leurs ventes à des acheteurs qui ne relèvent pas de cette catégorie. Pour qu’elle soit efficace et fructueuse, la protection contre les PCD devrait être applicable à tous les acteurs de la chaîne d’approvisionnement, quelle que soit leur taille, afin d’avoir un effet sur l’ensemble des relations commerciales. Le CESE reconnaît toutefois la vulnérabilité des PME. La proposition ne résout pas non plus le problème des pouvoirs de négociation inégaux et de la dépendance économique, qui ne coïncide pas nécessairement avec la dimension économique des opérateurs.

4.6.

La portée de la proposition n’est pas assez large et celle-ci devrait également recouvrir les produits agricoles non alimentaires, tels que les produits horticoles, ainsi que les aliments pour animaux.

4.7.

La lutte contre les PCD est l’une des composantes essentielles, à côté de la réduction de la volatilité des marchés et d’un renforcement du rôle joué par les organisations de producteurs, de l’action visant à rendre la chaîne d’approvisionnement alimentaire plus viable sur le plan économique, social et environnemental. Le CESE réaffirme que la promotion de pratiques commerciales plus équitables devrait s’inscrire dans le cadre d’une politique alimentaire globale de l’Union, en vue de mettre en œuvre les objectifs de développement durable des Nations unies (ODD). Une politique globale de ce type devrait en particulier garantir des prix équitables pour les producteurs de façon que l’agriculture reste une activité viable (11).

4.8.

Bien que cette question dépasse le champ d’application de la proposition présentée par la Commission, le CESE insiste une fois de plus sur la nécessité de valoriser davantage les denrées alimentaires auprès de la société prise dans son ensemble, et il serait favorable au lancement d’une campagne européenne d’information et de sensibilisation sur la «valeur de la nourriture» (12) et la réduction du gaspillage alimentaire en collaboration avec les organisations concernées.

5.   Observations particulières

Liste des PCD interdites

5.1.

Les PCD se définissent d’une manière générale comme des pratiques qui s’écartent notablement de la bonne conduite commerciale et qui sont contraires à la bonne foi et à la loyauté (13). Cette définition inclut aussi l’ensemble des pratiques donnant lieu à un transfert de risque injustifié ou disproportionné à une partie contractante.

5.2.

La Commission a uniquement interdit un nombre limité de PCD. Le CESE réaffirme qu’il est nécessaire d’interdire toutes les pratiques déloyales, par exemple celles énumérées ci-après (mais pas seulement), conformément aux recommandations qu’il avait déjà formulées dans son précédent avis:

le transfert déloyal du risque commercial,

les clauses contractuelles peu claires ou non précisées,

les changements unilatéraux et rétroactifs dans les contrats, y compris pour ce qui concerne le prix,

les changements dans la qualité des produits ou dans l’information des consommateurs qui sont effectués sans communication, consultation ou accord avec les acheteurs,

les participations aux frais de promotion ou de commercialisation qui sont exigées,

les retards de paiement,

les primes pour référencement ou fidélisation,

les frais de placement de produits,

les réclamations concernant les produits gaspillés ou invendus,

l’invocation des caractéristiques esthétiques des produits afin de refuser des livraisons de produits alimentaires ou d’en réduire le prix payé,

les pressions exercées pour réduire les prix,

la facturation de services fictifs,

les annulations de commande en dernière minute et les réductions opérées dans les volumes qui avaient été prévus,

les menaces de déréférencement,

les redevances forfaitaires qu’une entreprise réclame à celles qui veulent figurer sur la liste de ses fournisseurs («payez pour rester»).

Les États membres devraient avoir la possibilité d’étendre la liste conformément à la situation particulière rencontrée dans leur pays.

5.3.

Le CESE préconise une interdiction effective de la vente à perte par le secteur de la distribution alimentaire (14). Il recommande en particulier le paiement d’un prix juste et équitable aux fournisseurs, par exemple les agriculteurs, qui leur permette de percevoir des revenus adéquats pour investir, innover et produire durablement.

5.4.

Les PCD explicitement interdites dans la proposition de la Commission sont toutes en rapport avec des situations où un contrat a déjà été établi. Or il est bien plus fréquent, par exemple dans le cas de pressions exercées sur les opérateurs, que ces pratiques se manifestent avant la conclusion d’un contrat. Par conséquent, il conviendrait d’étendre la liste des exemples pour y inclure celui d’une entreprise (disposant d’un pouvoir de marché) qui exigerait d’une autre qu’elle lui octroie des avantages sans aucun motif objectivement justifié [voir aussi le paragraphe 19, alinéa 2, point 5, de la loi allemande contre les restrictions de la concurrence (GWB)]. Cette disposition de la législation allemande sur les ententes a prouvé qu’elle constituait un moyen approprié de lutter contre l’abus de puissance d’achat. La décision rendue par la Cour fédérale de justice allemande (BGH) dans l’affaire dite des «rabais après mariage» (Hochzeitsrabatte) en offre une illustration frappante dans le contexte de la relation entre un puissant distributeur de produits alimentaires en Allemagne et ses fournisseurs (15).

Définition des PME

5.5.

Une protection contre les PCD limitée aux seuls fournisseurs constitués en PME n’est pas suffisante pour résoudre efficacement le problème des déséquilibres le long de la chaîne d’approvisionnement alimentaire. Le CESE souligne la possibilité d’un «effet domino» lorsque des opérateurs à grande échelle sont victimes de PCD. Les PCD ont un effet clairement néfaste quel qu’en soit l’auteur. L’effet économique est inévitablement répercuté sur les acteurs les plus faibles de la chaîne d’approvisionnement alimentaire, en l’occurrence les agriculteurs, les travailleurs, certains opérateurs, mais aussi les consommateurs.

5.6.

Un autre argument en faveur d’une extension de la protection est que les opérateurs à grande échelle, en particulier, peuvent opérer une discrimination à l’encontre des PME et les exclure de la chaîne d’approvisionnement face au risque de faire l’objet de plaintes. Dans ce contexte, le CESE reconnaît une fois encore la vulnérabilité des PME.

Application des règles

5.7.

Afin de faire appliquer efficacement la législation, il convient de distinguer l’application de droit privé (pas encore prévue dans la proposition de la Commission) de celle assurée par les autorités. Il y a lieu de souligner dès le départ qu’il doit être tenu dûment compte du droit de la partie concernée à conserver l’anonymat, sachant que de nombreuses entreprises hésiteraient à intenter un recours en cas d’abus par peur des représailles, par exemple d’un déréférencement (le «facteur crainte»).

5.7.1.

Application des règles dans le cadre du droit privé

Concernant l’application des règles dans le cadre du droit privé, la partie concernée devrait avoir accès à des procédures d’injonction de cessation, d’instance en réparation et d’action en dommages et intérêts. Toutefois, en raison du «facteur crainte», des recours de ce type ne revêtent qu’une importance relativement mineure. En outre, toutes les associations concernées devraient être en mesure d’invoquer des procédures d’injonction de cessation et d’instance en réparation. Une telle disposition garantirait à la partie concernée la protection de son anonymat dans les cas où la pratique commerciale déloyale est dirigée contre plusieurs entreprises (par exemple, un opérateur alimentaire exigeant de tous ses fournisseurs/acheteurs qu’ils contribuent à couvrir d’éventuels coûts supplémentaires).

La possibilité devrait être donnée à la partie ou à l’association concernée d’introduire ces recours soit auprès d’une instance juridictionnelle, soit auprès d’un médiateur. La procédure de médiation aurait pour avantage qu’il ne serait pas nécessaire que le règlement du litige se déroule en public. Une procédure de médiation spécifique devrait être établie. Le médiateur devrait également être investi de pouvoirs décisionnels spécifiques. Dans de nombreux cas, des procédures volontaires ne seraient pas efficaces ou n’apporteraient pas de réel recours.

En outre, le CESE encourage les opérateurs à mettre en place des initiatives pour promouvoir un changement de culture et rendre la chaîne d’approvisionnement plus équitable.

5.7.2.

Application des règles par les autorités

En raison du «facteur crainte», l’application des règles par les autorités joue un rôle particulièrement important dans ce domaine, ce pourquoi il convient de la réglementer. Les instances telles que la Commission et les autorités nationales de la concurrence devraient dès lors se voir attribuer des pouvoirs étendus en matière d’enquêtes et d’exécution. Les règles concernant la concurrence établies par le règlement (CE) no 1/2003 du Conseil relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [désormais 101] et 82 [désormais 102] du traité pourraient servir d’exemple à ce titre (en comparaison, l’article 6 de la proposition de directive est d’une portée bien plus faible). L’article 17 de ce règlement prévoit en particulier des enquêtes par secteur économique et par type d’accords. Si les autorités avaient le pouvoir d’opérer des retenues sur les bénéfices, l’effet dissuasif serait encore plus fort.

Autres possibilités de chaînes d’approvisionnement alimentaire

5.8.

Le CESE réaffirme qu’il convient d’encourager et de soutenir les modèles économiques de substitution qui jouent un rôle pour raccourcir la chaîne de l’approvisionnement, du producteur de denrées à l’utilisateur final, y compris les plateformes numériques, et de renforcer le rôle et la position des coopératives et des organisations de producteurs pour rétablir l’équilibre des forces en présence (16). Ce point devrait faire l’objet d’un futur avis du CESE.

Bruxelles, le 19 septembre 2018.

Président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Commission européenne, 2014.

(2)  Rapport du groupe de travail sur les marchés agricoles, novembre 2016: https://ec.europa.eu/agriculture/sites/agriculture/files/agri-markets-task-force/improving-markets-outcomes_en.pdf

(3)  JO C 34 du 2.2.2017, p. 130.

(4)  Communication de la Commission européenne, 15 juillet 2014, «Lutter contre les pratiques commerciales déloyales dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire interentreprises».

(5)  JO C 34 du 2.2.2017, p. 130.

(6)  Résolution du Parlement européen du 7 juin 2016 sur les pratiques commerciales déloyales dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire [2015/2065(INI)].

(7)  COM(2018) 173 final.

(8)  Définition des PME conformément au règlement (UE) no 1308/2013.

(9)  COM(2018) 173 final.

(10)  JO C 34 du 2.2.2017, p. 130.

(11)  JO C 129 du 11.4.2018, p. 18.

(12)  JO C 34 du 2.2.2017, p. 130.

(13)  COM(2014) 472 final.

(14)  JO C 34 du 2.2.2017, p. 130.

(15)  Voir: Bundesgerichtshof (BGH), 23.1.2018, KVR 3/17, Wirtschaft und Wettbewerb (WuW) 2018, 209 — Hochzeitsrabatte.

(16)  JO C 34 du 2.2.2017, p. 130.


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