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Document 52012AE1294

Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux fonds d'entrepreneuriat social européens» COM(2011) 862 final – 2011/0418 (COD)

JO C 229 du 31.7.2012, p. 55–59 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

31.7.2012   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 229/55


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux fonds d'entrepreneuriat social européens»

COM(2011) 862 final – 2011/0418 (COD)

2012/C 229/10

Rapporteure: Ariane RODERT

Le Conseil, en date du 20 janvier 2012, et le Parlement européen, en date du 17 janvier 2012, ont décidé, conformément à l'article 114 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux fonds d'entrepreneuriat social européens»

COM(2011) 862 final — 2011/0418 (COD).

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 17 avril 2012.

Lors de sa 481e session plénière des 23 et 24 (séance du 23 mai 2012), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 194 voix pour, 1 voix contre et 9 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Le CESE accueille favorablement la proposition de règlement relatif aux fonds d'entrepreneuriat social européens présentée par la Commission européenne, qui vise à encadrer le développement de ce type de fonds en apportant clarté et certitude à l'ensemble des partenaires tout en facilitant la levée des fonds au niveau transnational.

1.2   L'entrepreneuriat social est un secteur en plein essor qui contribue largement à la réalisation de la stratégie Europe 2020. Le CESE se réjouit de l'attention portée à ce secteur par la Commission et du soutien qu'elle entend apporter à son développement et à sa croissance.

1.3   Un meilleur accès à un capital adapté pour l'entrepreneuriat social constitue une priorité. Le CESE souhaite toutefois souligner que cette initiative ne doit être considérée que comme l'un des nombreux instruments financiers hautement nécessaires qui doivent encore être développés.

1.4   Le CESE invite la Commission à recourir à la définition de l'entrepreneuriat social déjà utilisée dans le cadre de l'initiative pour l'entrepreneuriat social, plutôt que d'en forger une nouvelle. Il convient en particulier d'ajuster et de clarifier l'approche différente du règlement s'agissant de l'autorisation de distribuer les bénéfices aux propriétaires. Cela permettra d'indiquer clairement la position spécifique de l'entrepreneuriat social par rapport aux entreprises à visées strictement lucratives, mais aussi l'orientation du fonds par rapport à d'autres types de fonds de capital-risque, plus traditionnels.

1.5   Selon le CESE, certains des instruments de capitaux propres proposés risquent d'avoir une incidence limitée sur les investissements dans l'entrepreneuriat social, étant donné que la structure des instruments d'investissement proposés suppose un type de propriété de l'entreprise qui, dans la plupart des cas, est en contradiction avec les formes juridiques sous lesquelles de nombreuses entreprises sociales exercent leurs activités. Pour ces formes juridiques, les instruments les plus intéressants à développer ultérieurement sont plutôt le prêt à long terme ou la marge de manœuvre prévue pour «tout autre type de participation».

1.6   Il convient également de tenir compte d'autres particularités de l'entrepreneuriat social. Par exemple, la cession des avoirs dans le cas d'activités concernant des groupes vulnérables, l'influence sur la manière dont les entreprises sociales évaluent leur indépendance, leur mode de gestion particulier, le besoin en investissements à long plutôt qu'à court terme et les taux de rentabilité moindres doivent être pris en considération.

1.7   Afin d'accroître l'impact de ce type de fonds sur l'entrepreneuriat social, il y a lieu de l'envisager comme l'un des éléments d'une solution de capital hybride, qui est la forme la plus appropriée de financement de l'entrepreneuriat social. Le capital hybride combine subventions, prêts «patients» de longue durée et d'autres instruments dont la durabilité et la viabilité sont assurées par une participation ou une garantie publiques. Il convient également de prendre en considération la collaboration avec d'autres formes de capital privé comme les subventions et les donations, ainsi que des formes plus appropriées pour la propriété des «entreprises de portefeuille» (terme utilisé par le règlement pour désigner les objets d'investissement, à savoir les entreprises sociales), notamment la propriété sans droit de vote.

1.8   Le règlement propose que ces nouveaux fonds s'adressent dans un premier temps aux investisseurs professionnels et aux particuliers fortunés, qui s'engagent à investir au moins 100 000 euros. Le CESE insiste toutefois sur la nécessité que ces types de fonds, sous certaines formes, soient à terme ouverts à des investissements plus modestes et accessibles au public.

1.9   Le plus grand défi posé par cette proposition est la nécessité de mesurer et de communiquer les effets produits par les entreprises de portefeuille et leur incidence sur la société. Le CESE recommande qu'une étude et un travail communs au niveau de l'UE servent de point de départ, tandis que l'échelon national se chargerait des critères et des indicateurs en fonction de la forme, de l'orientation et des objectifs des activités, en collaboration avec l'ensemble des acteurs concernés.

1.10   La délégation de pouvoir accordée à la Commission pour adopter des actes délégués, en vue de définir des notions essentielles, doit entrer en vigueur dans les plus brefs délais et prendre la forme d'une vaste consultation ouverte avec des représentants des acteurs concernés, c'est-à-dire les fonds de placement, les investisseurs et les entreprises sociales.

1.11   Il y a lieu de lancer un programme pour soutenir la propension à l'investissement et d'autres formes de renforcement des capacités pour l'ensemble des partenaires, de manière à construire la confiance et des structures conjointes particulièrement adaptées à ce type de fonds destinés à l'entrepreneuriat social.

2.   Introduction

2.1   Dans l’Acte pour le marché unique (1), la Commission s'est engagée à prendre plusieurs mesures pour soutenir le développement et la croissance de l'entrepreneuriat social en Europe. La proposition relative à un cadre réglementaire européen pour les fonds d'entrepreneuriat social est l'une de ces mesures qui a également été soulignée comme action clé dans l'initiative pour l'entrepreneuriat social (2).

2.2   Les entreprises sociales constituent un secteur en plein essor dans l'UE et selon les estimations, ce marché de l'investissement solidaire croîtra très rapidement et dépassera largement les 100 milliards d’euros (3), ce qui confirme le potentiel de ce secteur émergent. Le fait de donner à ce secteur les moyens de continuer de croître permet d'obtenir de précieuses avancées dans la réalisation des objectifs de la stratégie Europe 2020. Cependant, la réglementation, que ce soit au niveau de l'UE ou des États membres, n'est pas conçue pour faciliter la levée de capitaux par ces types d'entreprises. Ce point avait déjà été clairement souligné par le CESE dans son avis exploratoire sur l'entrepreneuriat social et l'entreprise sociale (INT/589) (4).

2.3   La proposition de règlement relatif aux fonds d'entrepreneuriat social européens (ci-après «le règlement») vise à établir des règles et des exigences uniformes applicables aux organismes de placement collectif souhaitant utiliser la dénomination «fonds d'entrepreneuriat social européen» (FESE). Le règlement définit des règles applicables à ces fonds afin d'instaurer un climat de confiance, de certitude et de fiabilité pour les investisseurs tout en soutenant la croissance de l'entrepreneuriat social par l'amélioration de l'efficacité de la collecte de fonds auprès des investisseurs privés. La proposition a été précédée d'une consultation publique et d'une analyse d'impact effectuées en 2011.

2.4   Le présent avis établit des priorités et formule des recommandations sur les éléments à clarifier afin que la proposition relative aux fonds européens d'entrepreneuriat social produise le résultat escompté.

3.   Observations du CESE sur la proposition de règlement

3.1   Chapitre IObjet, champ d'application et définitions

3.1.1   Le CESE se réjouit de voir que la Commission entend rendre plus visible et soutenir l'entrepreneuriat social en Europe et accorder la priorité à l'accès au capital pour son développement et sa croissance. Le CESE estime que la proposition de règlement peut faciliter la levée de fonds privés pour certaines entreprises sociales ou certains types d'entrepreneuriat social, et qu'elle est indispensable au même titre que les autres propositions figurant dans l'initiative pour l'entrepreneuriat social, laquelle mentionne également la nécessité d'autres modes de financement.

3.1.2   Le capital est fondamental pour le développement d'un entrepreneuriat social renforcé, mais il est particulièrement difficile, en raison de la forme de certaines parties du capital décrit dans le règlement, de rendre celui-ci accessible à l'entrepreneuriat social, surtout s'il fait partie de l'économie sociale. Ce règlement doit donc être considéré comme une mesure parmi de nombreuses autres, nécessaires pour améliorer l'accès de l'entrepreneuriat social au capital de développement.

3.1.3   Parmi les instruments d'investissement mentionnés dans le règlement (article 3, paragraphe 1, lettre (c)), il convient de mettre l'accent sur les instruments de prêt tels que les prêts à faible taux d'intérêts, appelés «crédits patients», car il peut être plus difficile, pour certains acteurs, de tirer parti des instruments de capitaux propres. La plupart des entreprises sociales européennes appartiennent à leurs membres, à leurs partenaires, à des fondations ou à des associations sans but lucratif, ce qui, dans de nombreux cas, complique toute participation extérieure. D'autres types de propriété plus adaptés, que l'on trouve déjà dans certains États membres, notamment les parts ou actions spécifiques sans droit de vote librement cessibles et d'autres formes de résolution de la dette, devraient être considérés comme des titres et d'autres actifs financiers de l'entreprise sociale. Il convient également d'examiner de plus près les avantages fiscaux en tant qu'éléments du modèle de rentabilité.

3.1.4   S'agissant des instruments d'investissement évoqués dans le règlement (article 3, paragraphe 1, lettre (c) v)), il conviendrait d'insister davantage sur les instruments couramment utilisés par les entreprises sociales, qui sont plus adaptés à leurs caractéristiques, tels que les titres de capital, les initiatives spécifiques du secteur de la finance (banques coopératives (5), banques éthiques et sociales (6), banques commerciales proposant un programme social (7)), des instruments innovants tels que les «Social Impact Bonds» (8) (obligations à effet social) ainsi que des solutions préférentielles financées par la fiscalité. Ces instruments et d'autres actifs financiers peuvent faire partie du «capital hybride», plus généralement utilisé par les entreprises sociales.

3.1.5   Il convient d'encourager la participation publique à ces fonds, dans le cadre notamment de solutions de type «fonds de fonds» ou fonds de pension, comme garantie de durabilité des investissements. Cependant, le CESE insiste sur la nécessité de ne pas mélanger cet engagement public avec les ressources des Fonds structurels, dont les objectifs politiques sont tout autres.

3.1.6   La définition des «entreprises de portefeuille éligibles» – terme utilisé par le règlement pour désigner les entreprises sociales – limite le chiffre d'affaires de ces dernières à 50 millions d'euros (article 3, paragraphe 1, lettre (d)). Il convient d'envisager la suppression de ce plafond, qui bride plutôt les ambitions de croissance. En outre, un plafond fixé à ce niveau exclurait certains secteurs de l'entrepreneuriat social tels que les soins de santé et l'action sociale, ainsi que les logements sociaux.

3.1.7   Le CESE estime crucial que la définition de l'entrepreneuriat social et des entreprises sociales soit conforme à celle figurant dans l'initiative pour l'entrepreneuriat social. Le règlement propose une définition légèrement adaptée des «entreprises de portefeuille éligibles» (article 3, paragraphe 1, lettre (d)). La différence réside notamment dans la description des activités de l'entreprise de portefeuille (article 3, paragraphe 1, lettre (d) i)). À cet égard, le CESE considère que la meilleure définition est celle faisant référence à la mission de l'organisation, étant donné que l'entrepreneuriat social est un secteur complexe aux activités diverses.

3.1.8   S'agissant de la situation des bénéfices (article 3, paragraphe 1, lettre (d) ii)), le CESE renvoie à son avis INT/589, qui soulignait déjà clairement que l'entreprise sociale devait «être principalement à but non lucratif, avec des bénéfices qui, pour l'essentiel, soient réinvestis et non distribués aux actionnaires ou propriétaires privés». La disposition du règlement autorisant l'entreprise à réaliser des bénéfices et à les distribuer aux actionnaires et aux propriétaires doit être clarifiée et sa formulation élargie, de manière à préciser que les bénéfices utilisés pour réaliser les principaux objectifs sociaux de l'entreprise ainsi que les très rares cas dans lesquels une exception peut être accordée en la matière sont soumis à des règles claires, afin de ne pas nuire à l'objectif social. Le règlement devrait clarifier cette approche ainsi que les règles correspondantes afin de bien faire la distinction avec règlement sur les fonds de capital-risque, qui est examiné parallèlement, et qui vise les petites et moyennes entreprises (9).

3.1.9   Les types de biens et de services, les méthodes de production de biens ou de services ainsi que les groupes-cibles des activités matérialisant un objectif social (article 3, paragraphe 1, lettre (d) i) et article 3, paragraphe 2) doivent être définis conjointement avec un groupe de travail représentant l'entrepreneuriat social. Il importe que ce groupe de travail soit également le reflet de la diversité qui caractérise les entreprises sociales en Europe.

3.1.10   Une quatrième exigence devrait être appliquée aux «entreprises de portefeuille éligibles». En cas de dissolution de l'entreprise sociale, la majorité de ses fonds propres (par exemple un minimum de 60-70 %) ne peut être répartie entre les partenaires, actionnaires, propriétaires ou employés mais doit être utilisée à des fins sociales.

3.1.11   Le règlement s'adressera dans un premier temps aux investisseurs professionnels et aux «particuliers fortunés». Il convient d'inclure également dans ce groupe les investisseurs spécialisés des secteurs public et à but non lucratif, par exemple les banques coopératives et les institutions financières à orientation sociale. Le CESE recommande toutefois à la Commission d'élaborer dans les plus brefs délais un calendrier pour l'ouverture de ces fonds au grand public, étant donné que des avoirs de ce type revêtent également un intérêt majeur pour ce dernier.

3.2   Chapitre II – Conditions d'utilisation de la dénomination «Fonds d'entrepreneuriat social européen»

3.2.1   Le CESE juge appropriée, dans un premier temps, la proportion d'entreprises de portefeuille éligibles dans les fonds – celles-ci doivent représenter au moins 70 % des actifs des fonds. Il convient toutefois de prévoir ce que sont les actifs non éligibles qui constituent les 30 % restants afin d'insister davantage sur l'orientation du fonds en faveur de l'entrepreneuriat social. En ce qui concerne l'acquisition d'actifs autres que des investissements éligibles, une évaluation de leur pertinence doit toujours être exigée (article 5, paragraphe 1). Il convient d'encourager les investissements stables et durables tels que les obligations d'État, afin de stabiliser le fonds. Dans le même esprit, il convient de clarifier la définition des «équivalents de trésorerie».

3.2.2   Il existe de nombreuses similitudes entre la proposition de règlement relatif aux fonds d'entrepreneuriat social européens et la directive OPCVM (10). Il convient de clarifier les similitudes et les différences entre ces documents. Cela vaut notamment pour la définition des clients professionnels (article 6), les actes des gestionnaires (article 7) ainsi que l'application du fonds (article 8). Étant donné que dans de nombreux cas, les entreprises sociales sont de petites entreprises locales, il importe de permettre aux fonds de moindre importance de travailler sur ce marché. Par conséquent, il convient de revoir, à terme, le seuil minimal d'investissement de 100 000 euros (article 6 a)).

3.2.3   Il importe de détecter, de prévenir, de gérer, de suivre et de déclarer rapidement les éventuels conflits d'intérêts. Des mesures pour éviter les conflits d'intérêt doivent être prises avant l'entrée en vigueur du règlement. Il est primordial que la Commission clarifie dès maintenant ses intentions par rapport à ces mesures (article 8, paragraphe 5). Il est également important de préciser quelles sont les règles qui s'appliquent lorsque des conflits d'intérêts surviennent entre des investisseurs et/ou des gestionnaires de fonds (article 8, paragraphe 2).

3.2.4   Le règlement relatif aux fonds d'entrepreneuriat social dépend largement de la capacité à mesurer les effets sociaux et l'incidence sur la société, ce qui est loin d'être aisé. Il n'existe aujourd'hui aucune méthode claire et unique pouvant être simplement adaptée au milieu dans lequel travaillent les fonds d'entrepreneuriat social. Il est essentiel de mesurer (tant qualitativement que quantitativement) l'incidence sociale des activités plutôt que celle des entreprises de portefeuille. Plutôt que de rechercher une méthode commune pour le suivi et l'évaluation de l'incidence sociale, il est plus avantageux de créer un cadre européen qui servirait de base à la définition de critères et d'indicateurs mesurables au niveau national. La Commission doit préciser dès maintenant comment elle entend mesurer les effets sociaux et l'incidence sur la société, en lançant une étude sur les différentes méthodes de mesure et les diverses expériences en la matière, en collaboration avec les entreprises sociales, les chercheurs et les fournisseurs de capitaux.

3.2.5   L'un des fondements des entreprises sociales est leur indépendance. Par conséquent, les procédures mises en œuvre par les gestionnaires de fonds, conformément au règlement, afin «d'établir et de suivre […] les effets sociaux» doivent être décrites plus clairement, tout comme l'obligation des gestionnaires de fonds de présenter un rapport sur les effets sociaux à l'intention des investisseurs pour garantir que le fonds investit réellement dans des activités sociales (article 9, paragraphes 1 et 2). Les imprécisions à cet égard dans le règlement sont source de malentendus quant au rôle du gestionnaire de fonds, et qu'il convient d'y remédier. Il est à la fois inapproprié et irréaliste que l'incidence sociale doive être mesurée et suivie par le gestionnaire de fonds, car d'une part, cela compromet l'indépendance des entreprises sociales et d'autre part, l'on ne dispose pas de méthodes adéquates pour effectuer des mesures et un suivi efficaces.

3.2.6   La problématique de la mesure se reflète également dans les règles relatives au rapport technique et à la méthode utilisée pour mesurer les effets sociaux (article 12, paragraphe 2, lettre (a)). Il y a lieu de préciser comment ce rapport s'articulera avec les spécifications métrologiques que la Commission entend développer.

3.2.7   Le rapport technique prévoit même la possibilité pour le gestionnaire du fonds de céder une entreprise de portefeuille (article 12, paragraphe 2, lettre (b)). Le règlement doit être clair quant aux règles qui s'appliquent à la cession d'entreprises de portefeuille. Une entreprise sociale travaillant avec des groupes défavorisés ne peut pas être cédée de la même façon qu'un avoir dans une société commerciale, en raison du caractère délicat de ses activités. Les investisseurs et les gestionnaires de fonds doivent être sensibilisés à la particularité – et à la vulnérabilité – de ces activités, et adapter leur comportement en conséquence. La Commission doit également indiquer ce qu'il convient de faire du marché de seconde main engendré par de telles cessions. De nombreuses entreprises sociales dépendent d'investissements à long terme et durable pour pouvoir développer leurs activités.

3.2.8   Il importe de préciser comment la méthode de mesure des effets sociaux que la Commission entend développer s'articulera avec la méthode qui devra être appliquée par le gestionnaire de fonds pour son rapport et pour tout ce qui servira de base aux informations transmises aux investisseurs (article 13, paragraphe 1, lettres (c) et (d)). Il est également essentiel de fournir une description des actifs autres que les entreprises de portefeuille éligibles ainsi que des informations sur les critères à appliquer pour les sélectionner. Le règlement doit prévoir des règles concernant les actifs et les investissements non éligibles, même pour cette partie du fonds (article 13, paragraphe 1, lettre (e)). S'agissant de la procédure d'évaluation et de la méthode de fixation des prix dans le fonds (article 13, paragraphe 1, lettre (g)), le CESE est d'avis qu'il convient d'élaborer un modèle spécifiquement adapté aux formes et aux activités de l'entreprise sociale.

3.3   Chapitre III – Surveillance et coopération administrative

3.3.1   Les règles relatives aux mesures et sanctions administratives à appliquer en cas d'infraction aux dispositions du règlement doivent être harmonisées dans toute l'UE. Par conséquent, ces règles doivent être définies au niveau de l'UE plutôt qu'à celui des États membres (article 20, paragraphe 2). Ces règles doivent être effectives, proportionnées et dissuasives. Il convient de définir des mesures autres que la simple interdiction d'utiliser la dénomination «fonds d'entrepreneuriat social européen», étant donné que l'initiative a également pour but de créer un climat de confiance et de réduire autant que possible les abus. Des mécanismes de protection doivent être mis en place pour les entreprises de portefeuille se trouvant dans le fonds, de manière à ce qu'elles puissent poursuivre leurs activités au cas où des sanctions seraient prises à l'encontre du gestionnaire du fonds.

3.4   Chapitre IV – Dispositions transitoires et finales

3.4.1   Le règlement stipule à plusieurs reprises que des délégations de pouvoirs sont accordées à la Commission pour une période de quatre ans après son entrée en vigueur (en 2013). Bon nombre de ces pouvoirs sont essentiels en ce qui concerne la conception du fonds, par exemple son champ d'activité (biens, services et méthodes de production), l'éventuelle distribution des bénéfices et les conflits d'intérêts. L'ensemble des acteurs concernés – c'est-à-dire les fonds de placement, les investisseurs et les entreprises sociales – doivent participer aux processus d'élaboration de ces actes délégués. À cet égard, un rôle essentiel peut être joué par le «groupe consultatif multipartite» annoncé dans l'initiative pour l'entrepreneuriat social.

4.   Autres observations

4.1   Il est essentiel d'assurer un suivi permanent des résultats de ce règlement afin de s'assurer que les principaux groupes-cibles des entreprises sociales (qui appartiennent souvent à l'économie sociale) aient réellement bénéficié d'un meilleur accès à des capitaux adaptés. Le CESE entend insister chaque année sur ce point dans le cadre de ses travaux en cours sur l'entrepreneuriat social et l'économie sociale.

4.2   Étant donné que le concept plus large de fonds sociaux (privés ou publics) est peu connu et relativement limité dans la plupart des États membres, une stratégie doit être mise en place pour améliorer leur visibilité. De tels fonds font défaut dans plusieurs pays européens, et lorsqu'ils existent, ils sont peu connus du grand public. C'est ici que la Commission peut jouer un rôle essentiel de rassemblement et de diffusion de ces instruments innovants et efficaces pour créer et développer la croissance de l'entrepreneuriat social en Europe.

4.3   Il importe également au plus haut point d'assurer l'existence d'aides et de programmes en faveur de la propension à l'investissement et du renforcement des capacités (au niveau des structures et de la compréhension), pour l'ensemble des partenaires – investisseurs, gestionnaires de fonds et entreprises de portefeuille – tant à l'échelon de l'UE que des États membres. C'est ici que les «intermédiaires» déjà établis dans bon nombre d'États membres peuvent jouer un rôle essentiel, et leur existence doit être encouragée. À cet égard, il vaut la peine de remarquer que les investissements dans l'entrepreneuriat social ont été notés dans plusieurs contextes comme présentant un risque faible (11), ce qu'il convient de souligner dans ces programmes.

4.4   Le règlement utilise très souvent et de manière inappropriée l'expression «actionnaires» des entreprises sociales, ce qui implique que la société anonyme par actions est la forme d'entreprise sociale la plus courante. C'est faux et trompeur. Il convient d'utiliser les expressions «membres» ou «partenaires» des entreprises sociales, qui sont essentiellement des coopératives, associations, fondations et sociétés à responsabilité limitée (qui ne peuvent pas avoir d'actions mais des participations sociales et des membres).

Bruxelles, le 23 mai 2012.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  COM(2011) 206 final.

(2)  COM(2011) 682 final.

(3)  Voir J.P.Morgan, Impact Investments:An Emerging Asset Class, 2011.

(4)  JO C 24 du 28.1.2012, p. 1.

(5)  www.eurocoopbanks.coop.

(6)  www.triodos.be.

(7)  Par exemple, www.bancaprossima.com, https://www.unicredit.it/it/chisiamo/per-le-imprese/per-il-non-profit/universo-non-profit.html et www.ubibanca.com/page/ubi-comunita.

(8)  www.socialfinance.org.uk/sib.

(9)  COM(2011) 860/2 final.

(10)  Directive 2009/65/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009.

(11)  En 2011, la Banque d'Italie a noté un taux de défaut de 4,3 % pour les institutions à but non lucratif, bien au-dessous du taux de défaut moyen pour l'ensemble des secteurs (5,4 %), les sociétés non financières (7,9 %) et les microenterprises (10,3 %). En outre, les banques coopératives ont constaté un taux de défaut de seulement 0,6 % pour les institutions à but non lucratif (source: Federcasse, Association nationale italienne des banques coopératives).


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