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Document 52009IE1206

    Avis du Comité économique et social européen sur le thème Espaces urbains et violence des jeunes

    JO C 317 du 23.12.2009, p. 37–42 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

    23.12.2009   

    FR

    Journal officiel de l’Union européenne

    C 317/37


    Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Espaces urbains et violence des jeunes»

    (2009/C 317/06)

    Rapporteur: M. ZUFIAUR NARVAIZA

    Le 10 juillet 2008, conformément à l'article 29, paragraphe 2 de son règlement intérieur, le Comité économique et social européen a décidé d'élaborer un avis d'initiative sur le thème:

    «Espaces urbains et violence des jeunes».

    La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 25 juin 2009 (rapporteur: M. Zufiaur Narvaiza).

    Lors de sa 455e session plénière des 15 et 16 juillet 2009 (séance du 15 juillet 2009), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 174 voix pour, 3 voix contre et 7 abstentions.

    1.   Résumé et recommandations

    1.1.   La société européenne est actuellement préoccupée par le phénomène de la violence et de la délinquance des mineurs et des jeunes adultes. Toutefois, elle veut promouvoir le développement intégral des jeunes et encourager leur insertion sociale et professionnelle. Si les phénomènes de violence des jeunes sont largement repris par les media nationaux, il importe de préciser qu’en règle générale les statistiques (1) relatives à la délinquance des mineurs ne présentent pas, en Europe, d’augmentation significative voire restent sensiblement stable. Cet avis d’initiative a pour but d’apporter un éclaircissement ainsi que des recommandations concernant la violence des jeunes sans pour autant tenter d’incriminer la jeunesse ni de la réduire à l’expression de certaines déviances.

    1.2.   Au cours de l'histoire, chaque ordre juridique de l'espace européen a développé son propre modèle de justice juvénile, ce qui explique la disparité des modèles normatifs et des réponses apportées à la violence des mineurs et des jeunes. En effet, les systèmes de justice juvénile en vigueur au sein des États membres de l'UE présentent des différences considérables sur des aspects tels que les politiques de protection sociale, de prévention, l'âge de la responsabilité pénale, les procédures utilisées, les mesures ou les sanctions applicables, les ressources disponibles … Cette diversité se produit toutefois dans des sociétés présentant une volonté de construction européenne, mais durement frappées par la crise et dont les moyens relatifs aux politiques d'insertion des jeunes, déjà faibles, se réduisent encore plus.

    1.3.   Les recommandations de cet avis reposent sur deux lignes conductrices, la première étant l'approche préventive du phénomène. En effet, les comportements violents ou antisociaux trouvent souvent leur cause dans des questions telles que la configuration et la structuration urbaine ainsi que la paupérisation et la marginalisation des populations. En outre, si des jeunes sont protagonistes d'actes violents dans ces contextes, ils sont également victimes du monde qui les entoure. Aussi, la réflexion sur la violence collective des mineurs et des jeunes et sur sa prévention, ne peut pas trouver pour seule réponse la répression et la sanction des faits commis. La deuxième ligne conductrice de cet avis est qu'il ne convient pas d'aborder ce phénomène exclusivement dans une perspective nationale, étant donné l'imbrication de l'espace européen, sur le plan économique, des valeurs, des comportements sociaux et de la communication.

    1.4.   Il est un fait que les phénomènes de violence et de délinquance des mineurs existent depuis de nombreuses années dans les pays européens, sous des formes récurrentes. D'une manière générale, ces phénomènes ont été perçus comme une pathologie sociale. Actuellement, en revanche, on les définit plutôt comme des éléments d'insécurité, comme précisé dans le rapport Peyrefitte (2) qui établissait une différence entre le crime et la crainte du crime.

    1.5.   Dans un contexte européen où la question de la violence des mineurs suscite un intérêt particulier, le Comité économique et social européen a approuvé, le 15 mars 2006, un avis intitulé: «La prévention de la délinquance juvénile, les modes de traitement de la délinquance juvénile et le rôle de la justice des mineurs dans l'Union européenne» (3). Cet avis, qui soulignait l'importance de l'approche préventive, a été repris par les institutions européennes (4), servant aussi de référence à différents niveaux européens et internationaux sur les aspects légaux, pénaux et sociaux de la délinquance juvénile.

    1.6.   L'on y invitait à approfondir l'analyse du phénomène de la délinquance juvénile. Dans ce sens, la violence des mineurs et des jeunes (comprenons les adolescents 13-18 ans et les jeunes adultes 18-21 voire 25 selon les pays, parfois encore soumis au système de responsabilité pénale pour mineurs) est un phénomène qui retient de plus en plus l'attention des sociétés européennes. Cependant, les phénomènes de violence revêtent différentes formes: ils se produisent dans les espaces urbains, dans le cadre de l'école notamment à travers des cas de harcèlement (bullying), mais aussi dans le cadre familial, en bandes ou gangs, lors de manifestations sportives, ou bien par le biais des nouvelles technologies de communication tel qu’Internet etc. Toutes ces expressions de la violence méritent certes une analyse, mais nous avons voulu circonscrire cet avis d'initiative aux violences collectives des jeunes dans les espaces urbains.

    1.7.   En effet, depuis une vingtaine d’années la question des violences collectives occupe le devant de la scène et les quartiers les plus marginalisés sont observés, étudiés par les chercheurs (sociologues, ethnologues, géographes, juristes, politologues, etc.). Si les facteurs à l’origine de ces désordres urbains sont bien connus: chômage, précarité, déstructuration familiale, déscolarisation, échec scolaire, discrimination …, la situation et les réponses employées se sont durcies au cours de ces dernières années. En effet les crises ont accentué les problèmes économiques et sociaux et fait apparaître un déclassement des jeunes générations par rapport à celles de leurs parents, avec arrêt de «l’ascenseur social» et la montée de l’individualisme. Cela conduit à des phénomènes et un sentiment d’injustice et de repli sur soi dont l’expression collective devient la manifestation la plus visible d'opposition aux autorités.

    1.8.   Sans définition officielle et légale, le terme de violence collective a souvent été retenu pour qualifier des événements multiformes et violents, qui se déroulent dans les espaces publics et se traduisent soit par des attaques relatives aux questions de discriminations ethniques et raciales entre communautés donnant aussi lieu aux conflits entre bandes rivales, soit dans le rapport des populations aux institutions dont les rapports entre jeunes et forces de l’ordre sont emblématiques.

    1.9.   Si ces phénomènes se sont développés au cours des dernières années sur le continent européen en se produisant en France, Grande-Bretagne, Espagne, Pays-Bas, Danemark, Belgique, en Grèce, etc. ils n’ont jamais été considérés ni pris en compte comme un problème global par les gouvernements nationaux et par les institutions européennes mais plutôt comme des épiphénomènes ponctuels et isolés.

    1.10.   C'est la raison pour laquelle cet avis recommande la coordination d’actions au niveau local, national et européen exigeant, dès lors, des réponses communautaires par le biais de programmes spécifiques dans le cadre des politiques de la famille, de la jeunesse, de l’éducation et de la formation, de l'emploi, de la prévention de la délinquance et de la coordination judiciaire. Ces réponses concrètes doivent s’attacher à s’inscrire dans des stratégies de rénovation urbaine, d’adaptation des services publics, de lutte contre toutes formes de discrimination ainsi que dans la revalorisation des rapports entre l’Etat et ses citoyens via notamment les forces de l’ordre, via l’enseignement du civisme, des valeurs éthiques et sociales, de l’usage des médias, et la fourniture aux parents d’aide à l’éducation.

    2.   Caractéristiques et causes de la violence collective des mineurs dans les espaces urbains

    2.1.   Proposition de définition. Il n’existe pas de définition partagée et consensuelle des violences collectives des mineurs et jeunes adultes dans les espaces urbains. Si dans la législation belge on développe le concept d'«émeute» urbaine, d’autres y voient une série de délits commis par des délinquants connus et identifiés. Afin de dégager les prémices d'une définition minimale et globale, nous ferons dans le reste du document correspondre ces violences à une concentration dans l’espace urbain de comportements violents et servant aussi de moyen d’expression pour certaines catégories de la population. Les motivations des participants sont diverses: discriminations sociales, conflits avec les forces de l’ordre, haine raciale, conflits religieuses, etc., ceci mettant en évidence, d’une certaine manière, les carences, et l’insuffisance des services sociaux qui a travers leurs activités de protection sociale ont pour objectif de prévenir ce type de violence. La définition que nous utilisons tend à décrire des violences collectives qui se déroulent dans les espaces publics et se traduisent par des attaques contre des habitants appartenant à un groupe ethnique ou bien contre les forces de police ainsi que des destructions assorties de pillages, comme par exemple les incendies de bâtiments publics ou de véhicules etc.

    2.2.   Il y a lieu de remarquer que l'augmentation des actes violents (actes de destruction et de vandalisme, coups et agressions, vols avec violence, viols, etc.) n'est pas exclusivement le fait de jeunes, notre époque étant marquée par un renforcement de la violence. Néanmoins, l’âge des individus commettant des violences urbaines est un facteur important dans la compréhension du phénomène et dans les solutions à apporter, la proportion des mineurs et des jeunes adultes est en effet conséquente. Ainsi, lors des événements de 2005 en France, les chiffres de la police montrent que sur près de 640 personnes incarcérées 100 étaient des mineurs. Dans un souci d’approche préventive, il importe d’apporter une attention toute particulière à des solutions pérennes dirigées vers les jeunes générations, moteur du changement et du développement.

    2.3.   Étude et caractérisation en cours. Chaque État a développé sa propre méthodologie pour comptabiliser et caractériser la violence collective dans les espaces urbains. Des systèmes complexes comme l'échelle de Bui-Trong (5), graduant les degrés d'intensité des différentes formes de violences collectives en fonction du nombre de personnes impliquées, de l'organisation et des l'objectifs etc. permettent de conceptualiser le phénomène. Depuis plusieurs années et plus fortement suite aux événements de 2005, la France développe des Indicateurs de Violence Urbaine (INVU) basés sur l’évaluation des niveaux de violence dans des quartiers sensibles, sur la base d’enquêtes quantitatives et qualitatives et d’étude de victimisation. Ces indicateurs ainsi que leurs équivalents dans les autres pays européens sont encore trop récents pour donner une indication précise concernant l’intensité des violences urbaines, de plus ils se heurtent toujours aux problèmes liés aux sources et à la collecte des données.

    2.4.   Comme déjà précisé dans la définition du phénomène, nous rappelons que si l’expression des violences collectives s’inscrit dans un contexte national particulier, elle présente néanmoins des traits communs en Europe. Ainsi au vu des faits qui se sont déroulés dans plusieurs pays européens au cours des dernières années, est-il possible d’établir une typologie du déroulement des événements:

    Affrontements sociaux et politiques: ces violences collectives surviennent en réaction à une discrimination et une exclusion sociale, économique et géographique, elles prennent forme de réaction violente face aux forces de l’ordre ou aux représentants de l’Etat jugés responsables de ces problèmes sociaux. La dimension de protestation contre le système et contre des situations perçues comme injustes déclenche l'affrontement avec les forces de sécurité, les institutions publiques représentant l'État et une société cataloguée de répressive. La France a été particulièrement touchée par les affrontements sociaux, à travers la crise dite des banlieues, où l’absence de mixité sociale et plusieurs décennies de politiques de la ville sans résultats ont conduit à la stigmatisation de ces zones urbaines. Ces révoltes de caractère politique (6) se composent d’un cycle en trois étapes comprenant le déclenchement lié à un événement souvent tragique et injuste, l’euphorie et l’effet de groupe, et finalement l’épuisement (7).

    Phénomènes de perte de contrôle: il s'agit de manifestations de masse à caractère politique, sportif ou culturel qui dégénèrent et se soldent par une perte de contrôle, non seulement des organisateurs, mais aussi des forces de l'ordre public. La violence durant les matchs de football ou les «rave party», voire encore la perte de contrôle lors de manifestations publiques sont quelques exemples de ce phénomène. Au nombre et à la perte de contrôle général s’ajoute aussi la participation de «casseurs» regroupant des individus ayant pour objectif la multiplication de destructions matérielles. L’Union ne doit pas oublier que ces violences incontrôlables suscitent en retour dans certains cas des tentations de violences plus organisées, et plus menaçantes encore pour la démocratie.

    Conflits entre bandes violentes: Loin d’être par définition violentes, les bandes se constituent comme un substitut à la famille et à l’environnement proche du jeune, apportant un sentiment d’appartenance à un groupe, et d’une certaine façon une réponse concrète aux doutes de l'adolescence. Dans le cas précis des bandes violentes, ce type de déviance se caractérise par les activités d’ordre criminel liées au regroupement d’adolescents ou de jeunes adultes qui privilégient la force et l’intimidation et qui organisent, avec une certaine régularité, des confrontations ou des actes criminels violents. Ces bandes s'affrontent en milieu urbain, tant dans les rues que dans les centres commerciaux, pour contrôler un territoire ou un commerce illicite ou les autorités, à travers leur représentant: les policiers et les gardiens ou vigiles, comme dans le nord de Paris ou le sud de Londres où des affrontements réguliers opposent des groupes rivaux. En Espagne, les bandes latino-américaines (appelées «Maras» ou «Pandillas» comme les Latin kings et Ñetas) ont fait leur apparition sur la péninsule. Le phénomène de bande est un moyen pour les jeunes de se sécuriser mutuellement dans un monde hostile, et ce en opposition aux «autres» provenant de la rue, ou du quartier voisin. Aujourd’hui ces bandes se constituent parmi les plus déshérités de la société de certaines banlieues, et leur violence est liée à des phénomènes d’échecs, de précarité, etc. Une réponse adaptée aux bandes violentes est en outre primordial afin d’éviter toute récupération par le crime organisé.

    Affrontements ethniques et religieux: ce type de violence se caractérise, en premier lieu, par leur nature ethnique, les acteurs ou cibles principales des actes violents provenant d'une communauté ethnique, religieuse ou assimilée. De nombreux pays européens comme la Grande Bretagne, l’Espagne (émeutes d’Alcorcon en octobre 2007 entre jeunes espagnols et latino-américains), l’Italie, les Pays-Bas (octobre 2007 à Amsterdam), le Danemark (février 2008), la Belgique (Anderlecht en mai 2008), etc. ont vu se dérouler ces types d’affrontements où les dimensions migratoires et religieuses ainsi qu’une grande complexité de facteurs jouent un rôle important.

    2.5.   Les épisodes violents dans les espaces urbains sont le résultat de causes multiples, plus ou moins présentes conjointement selon le type d'événement:

    La pauvreté, la précarité, le chômage. Les expressions de violences collectives en Europe se sont déroulées, surtout, dans les quartiers les plus défavorisés, comme étant fruit de la marginalisation et de l'exclusion sociale. La déstructuration familiale, le chômage des jeunes, la précarité professionnelle, ainsi que le manque de formation et par conséquent d’insertion socioprofessionnelle rendent ces quartiers particulièrement sensibles aux évolutions de l’économie, notamment en cas de crise financière, comme actuellement.

    L’accès aux armes et aux substances illicites. Les trafics de drogues dures dans la grande majorité des capitales nationales et régionales européennes, généralement fait par des adultes et non des mineurs, favorisent l’apparition de phénomènes de violence liés à la commercialisation illicite de ces substances et à la propagation des armes à feu. Victime d’un monde qui les dépasse, les enfants et adolescents peuvent être la cible des dealers qui instrumentalisent certains jeunes.

    L’urbanisme. Les quartiers dits sensibles des villes européennes présentent des caractéristiques communes et sont souvent considérés comme étant des ghettos suburbains, ne répondant plus aux critères de mixité sociale et d’urbanisme actuel. Appartenant, soit au centre (Royaume-Uni, Belgique), ou à la périphérie (France, Allemagne, …) ces quartiers et immeubles ont peu été entretenus et se sont peu à peu détériorés au point de devenir insalubres et dangereux.

    Les rapports avec les forces de l'ordre. Nombres de violences collectives sont attisées par un ressentiment à l’égard de ce qui a pu être perçu comme la prise pour cible des minorités visibles par la police ou un usage excessif de la force (8). Comme le précise le Centre d’analyse stratégique «L’hostilité des habitants contre la présence des forces de l’ordre dans leur quartier est palpable comme le manque de confiance en l’Etat et les institutions publiques (9)».

    Les média. Les média ont souvent tendance à effectuer une focalisation négative, susceptible de stigmatiser davantage les habitants des quartiers dit sensibles et d’alimenter l’expression de la violence en effectuant une sur-médiatisation des phénomènes. En France en 2005, les media ont couvert quotidiennement les événements alors qu’en Belgique et Allemagne le gouvernement s’est efforcé de limiter les comptes-rendus publics pour éviter de nouveaux délits inspirés des précédents.

    3.   Les types de réponse à un problème transnational

    3.1.   Dans le cadre européen, qu'ils soient sporadiques ou continuels, les actes violents dans l'espace urbain sont particulièrement graves, aussi bien du point de vue politique, dans la mesure où ils remettent en question la capacité de l'État à faire respecter le pacte social et à protéger les citoyens, que du point de vue social, car ils sont le reflet d'une fracture sociale et de problèmes d'intégration. Dans ce contexte, l'État doit apporter des réponses claires au problème de violences collectives dans les villes. Mais il est nécessaire de tenir compte du fait que ces réponses varient largement d'un pays à l'autre, plus répressives dans certains cas, plus préventives dans d'autres. Ainsi, il serait nécessaire de fournir un effort permanent d'évaluation, à l'échelle européenne, des politiques publiques visant à résoudre ce phénomène, et de tenter de rendre plus efficaces et comparables les statistiques en la matière (les données sur la délinquance ne peuvent pas uniquement être analysées en fonction du nombre de plaintes déposées, mais aussi du pourcentage de celles qui ont été résolues). Il est nécessaire de développer des indicateurs communs afin de favoriser au niveau national la mise à disposition des registres policiers et judiciaires, plutôt que des études de victimisation plus ou moins subjectives.

    3.2.   En règle générale, les réponses des États prennent les formes suivantes:

    Les initiatives de discrimination positive en faveur des quartiers sensibles, comme les zones d'éducation prioritaires et de préparation au premier emploi en France ou à Berlin, où des jeunes bénévoles et des agents de police effectuent ensemble des patrouilles régulières pour éviter et prévenir des situations risquant de déboucher sur des épisodes de violence urbaine. Depuis que ces patrouilles de police mixtes ont été créées (ce qui a nécessité de persuader les anciens chefs de bandes de collaborer), la criminalité s'est vue réduite de 20 % dans les zones où ils interviennent ensemble (10).

    Le renforcement de la présence policière et de la vidéosurveillance dans les zones sensibles, telles que les écoles ou les lieux de loisirs, mesures qui à elles seules ne répondent pas pleinement au problème. Ceci a pu provoquer un effet de stigmatisation des espaces considérés et un sentiment de contrôle permanent et d'action répressive perçu par les jeunes.

    Les politiques de rénovation urbaine, plus ou moins importantes selon les pays: en France, par le biais, notamment, de l'agence pour la rénovation urbaine (11); en Allemagne, par le biais des rénovations urbaines réalisées durant la réunification du pays.

    3.3.   D'autre part, une politique de cohésion territoriale efficace peut contribuer à éviter la concentration dans des zones urbaines de facteurs d'incubation d'attitudes violentes des jeunes. D'où les efforts consentis pour rénover et renforcer le caractère résidentiel de l'espace urbain. La requalification implique une réflexion à long terme sur les opérations de rénovation urbaine dans le cadre d'un plan stratégique d'aménagement global du territoire, en concertation avec toutes les parties concernées, y compris les jeunes. L'objectif est de réintégrer les quartiers dans la ville et de les réhabiliter pour favoriser le développement de la population locale et promouvoir la fonction sociale, économique et culturelle de ces espaces publics. Le concept de résidentialisation qui se définit comme une méthode spécifique de requalification de l’urbain, a pour objectif de réglementer les problèmes particuliers des zones habitables en faisant de la ville un lieu d'intégration et de prévention, et ce afin de combattre les problèmes urbains actuels: trafic de drogues, mouvements d'occupation, de violence et dégradation de l'environnement. Le principal objectif est d'éviter l'exclusion par rapport au reste de la population en favorisant les circulations afin que ces quartiers puissent s'ouvrir à la ville, renforçant ainsi la visibilité et l'intégration de la population urbaine dans son ensemble. Ces rénovations urbaines doivent néanmoins s’accompagner de stratégies fortes en termes d’éducation, de formation professionnelle et d’accès à l’emploi, sans lesquelles aucune amélioration durable ne verrait le jour.

    3.4.   La violence des jeunes plonge ses racines dans un certain manque de cohésion sociale, lié à une crise de la citoyenneté de la ville. L'espace public, dont la principale caractéristique est d'amener des citoyens très différents à vivre ensemble, nécessite le respect de règles communes visant la protection des libertés individuelles. Or, les métropoles sont confrontées à la fragile cohabitation de populations ayant des codes et des cultures multiples et, donc, étrangères les unes aux autres, ce qui peut mener à une fragilisation des liens sociaux et de certaines solidarités (12). Une réponse interinstitutionnelle et multifactorielle s’impose afin de mettre en œuvre des mesures de prévention efficaces et utiles pour tous les acteurs directs ou indirects: police, justice, services sociaux, logement, emploi ou éducation. Les autorités locales revêtent toutefois une importance particulière à cet égard, leurs compétences s'exprimant, notamment, dans la définition des espaces urbains et des services fournis aux citoyens.

    3.5.   En Europe, la violence urbaine des mineurs se manifeste certes dans différents contextes et à divers degrés d'intensité, mais son analyse ainsi que l'étude des réponses s'inscrit dans un contexte juridique et légal plus vaste, à l'échelle de l'Union européenne. Actuellement, les études et évaluations sur la prévention de la délinquance juvénile nécessitent une coopération multidisciplinaire et interinstitutionnelle des agences gouvernementales et, à un niveau plus pratique, des professionnels de l'intervention directe, (agents sociaux, police, tribunaux, contexte professionnel, etc.) Les pays, régions et villes d'Europe qui ont connu des épisodes de violences collectives rencontrent des difficultés pour retrouver une situation normale, une cohabitation sociale et le respect des institutions, à l'échelle de toute la population. En outre, la violence urbaine a un coût très élevé d'un point de vue matériel mais également, et surtout, social et politique (13).

    3.6.   Dans un contexte où la délinquance des mineurs en Europe reste sensiblement stable, mais où la violence des actes commis est plus significative certains programmes locaux menés dans différents pays de l'Union européenne montrent l'importance de la prévention et des stratégies sociales et intégrales pour les jeunes en zone urbaine (14). Dans le cas du programme des quartiers sécurisés de Birmingham (prix européen pour la prévention de la délinquance en 2004), les objectifs fondamentaux étaient de réduire les diverses formes de violence et de délinquance, d'améliorer la qualité de vie des citoyens et d'encourager les communautés à participer activement à leur propre intégration sociale (15).

    3.7.   Le renforcement d'une société européenne organisée et solidaire grâce au soutien de l'Union européenne à des projets innovateurs ayant une dimension sociale et d'intégration, garantit le renforcement de la sécurité et du développement urbain durable. À titre d'exemple, les programmes Urban sont une initiative communautaire du Fonds européen de développement régional (FEDER) en faveur du développement durable des villes et des quartiers en crise favorisant une nette amélioration de la prévention de la violence des mineurs et de la délinquance en général.

    3.8.   D'ailleurs, le développement de la participation citoyenne dans le processus de prise de décisions locales, d'échange d'expériences et de bonnes pratiques, permet de promouvoir le concept de «gouvernance urbaine» qui se définit par une série d'études de réorganisation et d'amélioration des services publics, la conception et la mise en œuvre de nouvelles structures de gestion urbaine; l'introduction d'indicateurs stables d'évaluation de la gestion locale; des campagnes d'information et d'amélioration de l'accès à l'information adressées aux citoyens, sans pour autant tomber dans la stigmatisation et le misérabilisme.

    3.9.   Il existe aussi d'autres initiatives comme le Pacte européen pour la jeunesse, qui a pour objectif d'améliorer la formation, la mobilité, l'insertion professionnelle et l'inclusion sociale des jeunes Européens, facilitant en même temps la conciliation de la vie familiale et professionnelle.

    3.10.   En règle générale, la participation citoyenne et active des jeunes est favorisée par l’immense travail mené à bien par les associations développant jour après jour leurs activités sur le terrain, s’inscrivant, ainsi, dans le cadre de stratégies européennes, nationales ou locale de développement et de lutte contre l’exclusion sociale.

    4.   Propositions pour une politique européenne face à la violence des jeunes dans les espaces urbains

    4.1.   Les lignes directrices ou orientations ci-après ressortent de ce qui a été exposé dans le présent avis d'initiative:

    Les réponses à la violence collective, aussi bien la délinquance que les actes asociaux et autres incivilités commis par des mineurs doivent être multiples. Elles doivent constamment faire l'objet d'évaluations afin d'être sans cesse améliorées, renforçant toujours la composante éducative et formative, ainsi que la participation des mineurs à leur propre développement et avenir.

    Les différentes stratégies préventives et d’alternatives doivent être promues par une politique européenne claire et durable, fondée sur des priorités définies au niveau de l'Union européenne pour contribuer à la résolution des problèmes de violence de mineurs dans les espaces urbains, en évitant, dans la mesure du possible, l'intervention judiciaire.

    Tant au niveau européen que national une reconnaissance toute particulière doit être accordée aux structures sociales pour jeunes. Nombres de ces institutions qu’elles soient associatives ou publiques jouent un rôle prépondérant dans la vie des jeunes, notamment en proposant des activités qui les occupent et par conséquent leur évite une possible entrée dans la délinquance. Dès lors, le rôle des écoles et des associations doit être particulièrement pris en compte et soutenu notamment en termes de financement public.

    Il faut harmoniser les principes européens et internationaux relatifs à la violence et à la délinquance des mineurs par le biais de normes minimales à respecter dans le cadre des législations nationales et utiliser ces principes comme indicateurs de la garantie des droits des mineurs. Compte tenu du caractère multidisciplinaire des départements et des organes gouvernementaux concernés par la gestion de l'espace urbain européen, il y a lieu de mettre en œuvre des initiatives et d'instaurer des normes de bonnes pratiques, qui pourront être évaluées et analysées par un observatoire européen de la justice juvénile, par exemple, afin de disposer de données statistiques fiables et comparables sur la violence des jeunes dans les espaces urbains.

    Les sanctions et les mesures imposées par les juridictions nationales doivent tenir compte de l'intérêt supérieur de l'adolescent en fonction de son âge, de sa maturité psychologique, de ses conditions physiques, de son développement et de ses capacités (16). Elles doivent toujours être adaptées aux circonstances personnelles (principe d'individualisation des mesures).

    Les stratégies de rénovation urbaine accompagnées de politiques sociales durables doivent être favorisées par les institutions européennes toujours dans la perspective d'une meilleure distribution et aménagement du territoire, afin d'éviter l'exclusion et de faciliter l'intégration urbaine de populations plus vulnérables.

    Les autorités doivent fournir aux institutions des ressources suffisantes pour leur permettre de protéger et de réinsérer les mineurs, en les dotant de moyens et de personnel adéquats, pour garantir que les interventions aient une influence significative dans la vie des mineurs.

    La sélection appropriée et la formation spécifique, si possible au niveau de standards européens de référence, des acteurs sociaux, juridiques et des forces de police, doivent être garanties et constamment actualisées selon une coopération multi-institutionnelle et multidisciplinaire dans un contexte d'échanges transnationaux. Notamment afin d’établir le dialogue et des relations entre les forces de l'ordre et les jeunes.

    Les institutions européennes et les États membres doivent considérer l'année 2010, proclamée année européenne de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, comme une opportunité pour montrer leur détermination à considérer la protection des droits des jeunes en conflit avec la loi, de la prévention de la violence dans les espaces urbains, comme une priorité de la lutte contre l'exclusion sociale.

    Les institutions européennes devraient créer une ligne de financement pour protéger les mineurs contre l'exclusion sociale dans les espaces urbains plus marginalisés, afin de soutenir des projets innovateurs dans le cadre du renforcement de la cohésion sociale de la société civile, et par cela même favoriser l’esprit d’initiative et d’entreprise des jeunes.

    La mise en œuvre de critères communs et de bonnes pratiques doivent viser la prévention, le traitement et la réinsertion des mineurs en infraction.

    Bruxelles, le 15 juillet 2009.

    Le Président du Comité économique et social européen

    Mario SEPI


    (1)  Comme le démontre par exemple le rapport du ministère public en Espagne, pays où la délinquance a diminué de près de 2 % en 2007 par rapport aux chiffres de 2006.

    (2)  Rapport du Comité d’études sur la violence, la criminalité et la délinquance. Réponses a la violence, Paris, Presse Pocket 1977, p. 41.

    (3)  Avis du CESE du 15 mars 2006 sur «La prévention de la délinquance juvénile, les modes de traitement de la délinquance juvénile et le rôle de la justice des mineurs dans l'Union européenne»; rapporteur: M. Zufiaur Narvaiza (JO C 110 du 9.5.2006).

    (4)  Résolution du Parlement européen du 21 juin 2007 sur la délinquance juvénile: le rôle des femmes, de la famille et de la société.

    http://www.europarl.europa.eu/oeil/DownloadSP.do?id=13705&num_rep=6729&language=fr.

    (5)  Résurgence de la violence en France, BUI-TRONG Lucienne, Futuribles février 1996 p. 17-18.

    (6)  Le Goaziou(V.), Mucchielli (L.) 2006, Quand les banlieues brulent. Retour sur les émeutes de 2005, Paris, La Découverte.

    (7)  Bachmann(C.), Le guennec (N.), 1997, Autopsie d’une émeute. Histoire exemplaire du soulèvement d’un quartier, Paris, Albin Michel.

    (8)  The Politics of Protest. Extra-Parliamentary Politics in Britain since 1970. Peter JOYCE. Palgrave MACMILLAN, 2002.

    (9)  Centre d’analyse stratégique. Les violences urbaines: une exception française? Enseignements d’une comparaison internationale, note de veille no 31, 23 octobre 2006. (http://www.strategie.gouv.fr/IMG/pdf/NoteExterneDeVeille31.pdf)

    (10)  Jeunes et policiers font cause commune à Berlin http://www.oijj.org/news_ficha.php?cod=54117&home=SI&idioma=es.

    (11)  ANRU.fr.

    (12)  «La dynamique de la disqualification sociale» dans Sciences humaines no 28 mai 1993.

    (13)  Dans le cas de Clichy-sous-Bois, en France, les coûts matériels en 2005 s'élevaient à 150 millions d'euros.

    (14)  «Prévenir la délinquance en milieu urbain et auprès des jeunes. Recueil international de pratiques inspirantes». Centre international pour la prévention de la criminalité, 2005. (www.crime-prevention-intl.org/publications/pub_113_1.pdf).

    (15)  Les résultats obtenus furent une réduction de 29 % en moyenne des délits commis par les jeunes contre 12 % dans d'autres domaines comparables.

    (16)  Voir la déclaration commune de Valence de l’Observatoire international de justice juvénile.


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