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Document 52004AE1649

Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, intitulée: Accroître l'emploi des travailleurs âgés et différer la sortie du marché du travail»(COM(2004) 146 final)

JO C 157 du 28.6.2005, p. 120–129 (ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, NL, PL, PT, SK, SL, FI, SV)

28.6.2005   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 157/120


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, intitulée: Accroître l'emploi des travailleurs âgés et différer la sortie du marché du travail»

(COM(2004) 146 final)

(2005/C 157/22)

Procédure

Le 3 mars 2004, la Commission a décidé, conformément à l'article 262 du Traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social sur la communication susmentionnée.

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a élaboré son avis le 24 novembre 2004 (rapporteur: M. DANTIN).

Lors de sa 413ème session plénière des 15 et 16 décembre 2004 (séance du 15 décembre 2004), le Comité économique et social européen a adopté par 125 voix pour, 1 voix contre et 5 abstentions l'avis suivant.

Préambule

I.

Dès le mois d'octobre 2000 dans un avis d'initiative le CESE indiquait: «Le Comité a estimé que le dossier des travailleurs âgés était d'une importance telle, qu'il appelait de sa part un avis d'initiative prenant en compte les différents aspects de cette question. Par cet avis d'initiative, le Comité à également voulu souligner la nécessité d'une approche positive à l'égard des travailleurs âgés, dans la mesure ou le traitement souvent réservé à ceux-ci relève non seulement d'une conception de la société peu solidaire et discriminatoire, mais entraîne dans de nombreux cas la perte d'un personnel hautement qualifié et, partant, la baisse du niveau global de la compétitivité. Il considère, par ailleurs, que si les progrès scientifiques permettent aujourd'hui de donner “du temps à la vie” il convient que, de façon corrélative, l'organisation de notre société s'efforce de donner “de la vie au temps”  (1) .»

II.

Le contenu de cet avis d'initiative, adopté à la quasi-unanimité en séance plénière, représente un acquis du Comité. Il reflète l'état de ses réflexions et de ses positions sur le sujet à traiter.

III.

La communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions intitulée «Accroître l'emploi des travailleurs âgés et différer la sortie du marché du travail», sujet du présent avis, sera donc examinée à la lumière des attendus, des analyses, des recommandations et des conclusions de l'avis d'initiative précité. Il intégrera ce qui pourrait être considéré comme des éléments nouveaux.

1.   Introduction

1.1

Le Conseil européen de Lisbonne a assigné à l'Union européenne un objectif ambitieux en matière de taux d'emploi. Celui-ci devrait être porté à un «niveau aussi proche que possible de 70 % d'ici 2010» et de 60 % pour les femmes. Cet objectif se justifie autant pour des raisons sociales que pour des motifs économiques. L'emploi reste en effet le meilleur rempart contre l'exclusion sociale. S'agissant des entreprises, de l'économie dans son ensemble, l'accroissement du taux d'emploi des travailleurs âgés est crucial afin d'éviter ou de réduire la pénurie de main-d'œuvre en utilisant son plein potentiel. Il s'agit par là, également, de soutenir la croissance économique, les recettes fiscales et les systèmes de protection sociale, au regard des réductions attendues de la population en âge de travailler.

1.2

La réalisation progressive de cet objectif confronte la plupart des États membres à l'incontournable défi de devoir relever, avant tout, le taux d'emploi des travailleurs âgés.

1.2.1

C'est pour cette raison, notamment, que la promotion du vieillissement actif figure dans deux objectifs complémentaires que l'Union européenne s'est assignés. En effet le Conseil européen de Stockholm de 2001 a établi que la moitié de la population européenne se situant dans le groupe d'âge de 55 à 64 ans devrait être employée d'ici 2010. Le Conseil européen de Barcelone de 2002 à conclu quant à lui qu'il faudrait chercher à réaliser, d'ici 2010, une augmentation progressive d'environ 5 ans de l'âge effectif moyen auquel les gens arrêtent de travailler dans l'Union européenne.

1.3

Dans son rapport de synthèse au Conseil européen de printemps 2004 (2) la Commission a identifié le vieillissement actif comme l'un des trois domaines d'actions prioritaires qui appellent des actions rapides pour réaliser la stratégie de Lisbonne.

1.4

La communication sous examen vise donc à alimenter le débat sur les progrès réalisés dans la poursuite des objectifs de Stockholm et de Barcelone et à mettre en lumière le rôle des gouvernements et des partenaires sociaux dans la promotion du vieillissement actif. Elle répond également à la demande du Conseil européen de Barcelone d'analyser les progrès dans ce domaine sur une base annuelle, avant chaque Conseil de printemps.

1.5

Le contenu du présent avis est la contribution du Comité économique et social européen au débat concernant le «taux d'emploi des travailleurs âgés», débat nourri par la Communication sous examen et devant trouver un aboutissement provisoire au mois de décembre à venir.

2.   La communication

2.1

La communication affirme qu'avec le vieillissement et la diminution attendue de la population active, les travailleurs âgés doivent être reconnus pour ce qu'ils sont: une composante essentielle de l'offre de main d'œuvre et un facteur clé pour le développement durable de l'Union européenne.

2.2

Il est donc essentiel, selon elle, de mettre en œuvre des stratégies visant à maintenir l'offre de main d'œuvre et à garantir l'employabilité de cette tranche d'âge, même durant les périodes de stagnation de la croissance de l'emploi.

2.3

Pour ce faire elle indique qu'une approche préventive basée sur la mobilisation du plein potentiel de la population de tous âges, dans une perspective de cycle de vie, doit constituer la principale direction des politiques à mener.

2.3.1

Dans ce cadre elle propose, en substance, que les États membres élaborent et mettent en œuvre des stratégies globales de vieillissement actif qui pourraient comprendre:

des incitations financières pour décourager les retraites anticipées et rendre le travail plus attractif financièrement;

l'accès à des stratégies de formation et d'éducation tout au long de la vie;

des politiques actives du marché du travail efficaces;

de bonnes conditions de travail favorables au maintien dans l'emploi notamment en terme de santé et de sécurité et des formules souples de travail.

2.3.2

Elle indique également qu'une participation et un engagement plus fort des partenaires sociaux sont nécessaires pour concevoir et mettre en œuvre des stratégies globales de vieillissement actif. Elle précise que ces derniers ont un rôle particulièrement important à jouer au travers des conventions collectives.

2.4

On pourra observer — afin d'y revenir dans le développement du présent avis — que la communication ne se livre pas à l'analyse des causes qui conduisent aux situations et à leurs évolutions, lesquelles sont décrites par ailleurs de façon détaillée et précise, et qu'elle est peu diserte sur les décisions du Conseil de Barcelone.

3.   Les faits

3.1

D'ici 2030, l'Union européenne à 25 comptera 110 millions de personnes âgées de plus de 65 ans, alors que leur nombre n'était que de 71 millions en 2000, et la population active sera constituée de 280 millions de personnes, contre 303 millions aujourd'hui faisant passer le rapport de 4,27 à 2,55.

3.2

Parallèlement à cette évolution la distribution du travail sur le cycle d'une vie a connu, lors des vingt dernières années, des bouleversements majeurs.

3.2.1

Les jeunes font une entrée plus tardive sur le marché du travail en raison de l'allongement de la scolarité, de la formation et des difficultés qu'ils ont à trouver un emploi approprié (3).

3.2.2

Le taux d'emploi de la population totale après 55 ans s'est considérablement réduit en Europe lors des trois dernières décennies mais aussi, dans une moindre mesure, outre atlantique: celui-ci, dans la tranche des 55-64 ans, était de 37 % en 1999 dans l'Union européenne et de 55 % aux États-Unis (4). En 2002, en Europe, on note une forte différence entre les hommes (50,1 %) et les femmes (30,25 %) pour arriver à un total de 40,1 %.

3.2.3

Le taux d'emploi n'a cessé de décroître depuis les années 70 et jusqu'à une période récente, ceci de façon importante et continue, avec une accentuation marquée entre 1980 et 1985 (5). C'est ainsi qu'il a chuté entre 1971 et 1999 de 47,4 % en France, 45,8 % aux Pays-Bas, 39 % en Espagne, 38,7 % en Allemagne, 30 % en Irlande, 29 % au Portugal et au Royaume-Uni. Il était en 2002, pour la tranche des 55-64 ans de 40,1 % dans l'UE des 15 et de 38,7 % dans l'UE à 25. On verra en annexe les évolutions globales, État membre par État membre, de 1997 à 2002 (6). Il serait sans doute possible de parler d'une individualisation du parcours des âges. Mais celle-ci ne reflète pas toujours l'élargissement de la capacité de choix individuel. La sortie précoce est, en général, dans certains États membres, plus souvent imposée que choisie. La flexibilité de la fin du cycle de vie au travail traduit plutôt la pesée de la situation du marché du travail, des stratégies de politiques de main-d'œuvre des entreprises, et des pouvoirs publics qui lui sont corrélatives (7) ainsi que souvent la conception des régimes de retraite.

3.3

La vie au travail a donc tendu à se raccourcir aux deux extrémités et concerne aujourd'hui, principalement les groupes d'âges médians.

3.4

La tranche d'âge des 50-64 ans revêt une importance particulière pour la politique de l'emploi. Au niveau de l'Union européenne à 15 sa part passera de 25 % en 1995 à 34,40 % en 2025 de la population totale. Cette croissance sera nettement plus rapide dans les pays scandinaves (8).

3.5

Cette évolution est particulièrement préoccupante dans la perspective du vieillissement démographique accentué que va connaître l'Union européenne (9). La fin de la première décennie du siècle devrait être marquée par un événement dont la symbolique ne saurait cacher une réalité préoccupante: le nombre de personne de moins de 20 ans passera en dessous de celui des plus de 60 ans. Ce n'est qu'une étape dans une évolution qui pourrait voir, dans les cinquante prochaines années, le rapport doubler entre la population sortie du marché du travail et celle en âge de travailler (de 4 pour 10 à 8 pour 10) (10).

3.6

Toutefois, la communication sous examen relève que des progrès ont récemment été accomplis dans la réalisation des objectifs de Stockholm et de Barcelone. En effet, en 2002 l'emploi des travailleurs âgés a progressé de 5,4 % ce qui a fait progresser le taux d'emploi de 1,3 point pour atteindre 40,1 %. L'accroissement de l'âge moyen de sortie du travail est passé de 60,4 ans en 2001 à 60,8 en 2002.

3.6.1

Cependant, précise la Communication, il serait prématuré d'interpréter l'accroissement de l'âge de sortie comme le signe fort d'une tendance positive car les données ne concernent que deux années.

3.6.2

Malgré les difficultés liées à la mise en œuvre récente de certaines réformes, il serait cependant utile, mieux que ne le fait la Communication, de procéder à une analyse aussi fine que possible des raisons qui ont présidé à ce redressement afin d'en dégager d'éventuelles pratiques.

3.6.3

Il serait également nécessaire, dans ce cadre, d'observer quelle est la part du redressement qui est liée à la mise en place de dispositifs dont l'objectif premier, sinon unique, est bien de relever le taux d'emploi des travailleurs âgés et quelle est la part qui relève des conséquences, résultantes indirectes, de modifications apportées à des systèmes sociaux dont l'objectif était d'abord d'assurer leur viabilité économique déstabilisée par la situation et les prévisions démographiques.

3.7

Il n'en demeure pas moins que dans la tranche des 55-64 ans, et en moyenne pour la période 1995-2002, seulement 35 % des salariés quittent le marché du travail à l'âge légal de la retraite; 22 % partent en préretraite; 17 % en maladie invalidité; 13 % pour licenciement individuel et collectif et 13 % également pour des raisons variées (11).

3.7.1

Même si ces chiffres se sont améliorés lors de ces dernières années, ils demeurent édifiants. Alors qu'on avait pu penser dans les années 80 que l'importance en nombre des préretraites — et des départs en maladie-invalidité que l'on peut parfois considérer comme des substituts aux préretraites — était liée aux fortes restructurations industrielles de cette époque, il semble aujourd'hui que cette explication soit insuffisante face à la persistance de cette situation puisque seulement 35 % des salariés quittent le marché du travail à l'âge légal de la retraite.

4.   Approches de solutions, les propositions de la Communication

4.1

Le rééquilibrage du rapport entre actifs et inactifs, l'évolution de l'âge moyen de la sortie du marché du travail, le maintien d'un volume de main d'œuvre optimal au regard des prévisions démographiques de l'Union européenne, passent d'abord par le relèvement du taux d'activité des salariés de plus de 55 ans. Bien entendu celui-ci doit se situer dans le cadre des équilibres souhaitables entre travail et retraite, loisir et travail qui représentent des valeurs du modèle social européen.

4.2

Une telle conversion doit se programmer sur le moyen terme en mettant en place une politique d'entretien de l'employabilité tout au long de la vie de travail et de requalification des salariés de plus de 40 ans aussi bien pour les femmes que pour les hommes. En effet il est difficile de croire, en la matière, en un scénario d'harmonie spontanée dans lequel le renversement de tendance du marché du travail suffirait pour que les entreprises conservent leurs salariés âgés.

4.2.1

Au-delà des actions concrètes à entreprendre, il paraît fondamental que sur le plan de la perception tout soit fait pour conduire à un changement de mentalité et à une prise de conscience tant des entreprises que des salariés. Il faut que travailler après 55 ans soit considéré comme valorisant par les salariés et que les entreprises ou les services publics soient conscients des avantages que peuvent leur procurer les travailleurs âgés (expérience acquise, savoir-faire, faire savoir, etc.). À défaut de cette prise de conscience collective les mesures concrètes qui seraient adoptées ne sauraient trouver leur pleine efficacité.

4.2.2

À cet effet, le Comité avait suggéré, dans son avis d'initiative d'octobre 2002 (12) sur ce sujet, à la Commission de promouvoir, en interaction avec les États membres, une large campagne d'information et d'explication afin de contribuer à une perception positive du rôle que peuvent jouer les travailleurs vieillissants tant dans les entreprises que dans les services publics.

4.2.2.1.

Le CESE se réjouit de constater que «Le rapport du Groupe de haut niveau sur l'avenir de la politique sociale dans une UE élargie» paru à la fin du premier semestre 2004, reprend la proposition du Comité.

4.2.3

En outre, il est nécessaire de reconnaître bien davantage le rôle joué par les personnes vieillissantes dans l'économie sociale, tant par le rôle qu'elles assument au sein de la famille que par leur travail de bénévolat dans la société civile, les institutions démocratiques, les ONG et plus généralement dans la vie associative. Ce faisant, à l'aune de ces observations, on peut concrètement mesurer les ressources de dynamisme, d'innovation et d'efficacité qui les habitent.

4.3

Dans la Communication la Commission présente les «Conditions clés de la promotion de l'emploi des travailleurs âgés».

4.3.1   Préretraites et incitants financiers

Après avoir constaté que plus de 20 % des salariés quittent leur dernier emploi par le biais des préretraites, soit environ 3 millions de salariés, la Communication suggère d'en réexaminer les «incitants financiers» pour faire du maintien sur le marché du travail un solution payante.

4.3.1.1

Selon le Comité cette proposition, qui est à rapprocher de la Communication «Moderniser la protection sociale: rendre le travail rémunérateur» (13) est à considérer de façon positive en fonction de la qualité et de la nature des éléments de mise en œuvre. Cependant, ce concept pour autant qu'il puisse être utile, ne saurait effacer le poids déterminant des éléments objectifs de la situation des salariés que sont le niveau de leur employabilité, la gestion des ressources humaines au long de la carrière et plus particulièrement de sa deuxième partie, et plus généralement la situation qui leur est faite dans le cadre de la politique conduite dans l'entreprise. Sur un autre plan, on peut également retenir les projets individuels du salarié relatif à sa vie privée.

4.3.1.2

En effet, face à l'évolution constante et exponentielle de l'appareil de production et des processus de fabrication, dans une économie en perpétuel mouvement et face à un marché sans cesse évolutif, les entreprises doivent s'adapter, évoluer, se restructurer afin de progresser dans un environnement mondialisé, en même temps qu'elles doivent trouver un équilibre entre le social et l'économique, seul à même d'assurer leur dynamisme et leur croissance. Elles recherchent en conséquence des marges de manœuvre, des possibilités de respiration.

4.3.1.3

Elles trouvent souvent ces marges de manœuvres en terme de quantité et de qualité d'emploi auprès des salariés âgés. C'est particulièrement le cas lors de «plans sociaux» consécutifs à des restructurations.

4.3.1.4

En dehors des «plans sociaux» la mise en place de départs en préretraites permet aux entreprises de remplacer les salariés âgés qu'elles jugent peu productifs et aux compétences obsolètes par des salariés plus jeunes mais en nombre souvent plus réduit. Elles estiment ainsi pouvoir améliorer leur compétitivité, en même temps qu'elles allègent leur masse salariale et rééquilibrent leur pyramide des âges. Même si cela est difficile, cette situation relève parfois d'un management insuffisant des ressources humaines et d'une prise en compte insuffisante de la gestion prévisionnelle des emplois et des qualifications. L'ensemble de ces situations, d'une façon générale, ont été rendues possibles, suivant les États membres, par des dispositifs établis par les pouvoirs publics et/ou par les systèmes de sécurité sociale.

4.3.1.5.

Mais ceci ne saurait occulter le choix des salariés. Parmi ceux qui ont été mis en préretraite, seuls 4 sur 10 auraient souhaité poursuivre leur activité professionnelle (14). En effet, au delà des travailleurs atteints d'invalidité réelle, il ne faut pas ignorer ce souhait, souvent présent, de participer par ce procédé, à une nouvelle forme attractive du partage des fruits de la croissance, cette lassitude d'exercer un emploi où l'insuffisance, voire l'absence de diversifications des fonctions, de valorisations des postes de travail ou de rotations des postes a été le plus souvent la règle, parfois depuis plus de quarante ans, qui les conduit à aspirer à un autre mode de vie. Et c'est souvent avec le sentiment d'avoir déjà «beaucoup donné» qu'ils font acte de volontariat, parfois par défaut d'une proposition d'un nouvel emploi mieux adapté.

4.3.1.6

Dans les conditions actuelles, on peut dire qu'il y a souvent concordance d'intérêt entre le salarié et son entreprise ou autrement dit qu'il existe une alliance objective, celle-ci se traduisant généralement dans des accords collectifs conclus par les partenaires sociaux aux différents niveaux de négociation, y compris celui de l'entreprise.

4.3.1.7

C'est l'ensemble du constat et de la problématique énoncée ci-avant qui est au centre de la «justification» des préretraites. C'est à l'ensemble de cette situation complétée par celle exposée à l'article 4.3.2 qu'il convient de s'intéresser si on veut modifier la donne.

4.3.2   Réformer les préretraites

La Communication évoque également, de façon générale, la nécessité de réformer les systèmes de préretraites. Le CESE peut examiner favorablement cette orientation générale si elle doit conduire exclusivement les salariés âgés à conserver leur emploi et non pas à les conduire au chômage car l'objectif est bien d'accroître le taux d'emploi.. En effet, il est juste de souligner comme le fait la Commission «Qu'à l'évidence tous les incitants au maintien des travailleurs âgés dans l'emploi doivent se refléter dans de réelles perspectives d'emploi» car jusqu'à présent, pour l'essentiel, les préretraites ne sont qu'un moyen mis à la disposition du marché du travail pour en aplanir les coûts sociaux en terme de chômage de longue durée et d'exclusion. En d'autres termes on a utilisé les préretraites comme l'instrument d'une «politique d'emploi» ou plus exactement comme l'instrument d'une politique anti-chômage. On peut observer que dans nombre d'États membres elles sont souvent devenues et considérées, par les entreprises, comme un outil de gestion des effectifs et par les salariés comme un avantage social et un droit acquis.

4.3.2.1

Cependant, deux cas de préretraite méritent la réflexion, l'attention et surtout la prudence:

les mises à la retraite anticipée lors de restructurations lourdes, tant il est vrai qu'au regard de la cohésion sociale 'il vaut mieux un «jeune» retraité qu'un «vieux» chômeur de longue durée sans perspective de réemploi. Il faut avoir à l'idée que toutes les mutations industrielles ne sont pas derrière nous en particulier dans le cadre de l'élargissement;

les mises à la retraite anticipée, totale ou partielle, contre des embauches équivalentes de demandeurs d'emploi, tant il est vrai là aussi, qu'il vaut mieux un retraité qu'un chômeur auquel aucune perspective d'insertion dans la vie active n'est offerte.

4.3.2.2

Par ailleurs les préretraites peuvent être un élément de réponse pour les salariés âgés qui ont eu des conditions de travail particulièrement difficiles. En effet même si d'une manière globale, on vit vieux plus longtemps, tout le monde n'est pas concerné à l'identique. De fortes disparités apparaissent selon les groupes sociaux notamment entre le groupe des «cadres» et le groupe des «ouvriers» Ainsi en 1999 l'espérance de vie d'un cadre est de 44,5 ans à 35 ans et de 38 ans pour un ouvrier (15). Toute réflexion sur la durée de vie au travail et hors travail doit intégrer ces données. Réduire ces inégalités est un enjeu majeur.

4.3.3   De bonnes conditions de santé et sécurité au travail

La Communication souligne, à juste titre, que la deuxième raison qui conduit les salariés à quitter le marché du travail est la maladie de longue durée ou l'invalidité. En effet, cela concerne plus de 15 % de la population concernée.

4.3.3.1

Il convient certainement de relativiser cette situation dans la mesure ou certains États membres ont dévié vers l'invalidité nombre de chômeurs ou l'ont utilisée comme substitut aux préretraites (16).

4.3.3.2

En tout état de cause, il est évident que des conditions de travail améliorées, préservant au mieux la santé et l'intégrité physique tout au long de la vie au travail sont des éléments qui contribuent au maintien des salariés dans l'emploi. De même l'ergonomie, l'étude des postes et leur pénibilité, la définition des tâches, leur modification et leur amélioration, bref un emploi de qualité tout au long de la vie au travail, sont au centre de la problématique du maintien dans l'emploi des travailleurs âgés dans la dernière partie de leur carrière.

4.3.3.3

Cependant, et ceci d'une façon générale, l'invalidité ne saurait être considérée comme une situation qui conduirait de façon systématique à la sortie du marché du travail. En effet, les salariés qui deviennent travailleurs handicapés au cours de leur vie professionnelle représentent un capital humain de grande valeur potentielle. Avec les ajustements nécessaires, la réadaptation, des formations complémentaires, ils peuvent acquérir de grandes capacités pour la réalisation de travaux autres que ceux que leur handicap leur empêche de réaliser normalement. De ce point de vue, et pour une plus grande efficacité, il pourrait être utile de considérer quel serait l'impact du cumul des revenus provenant de la pension d'invalidité et des revenus salariaux.

4.3.4   Des formes flexibles d'organisation du travail

4.3.4.1

Les formes flexibles d'organisation de travail, en amont de l'âge légal de la retraite, sont une autre composante des conditions de travail qui peuvent favoriser le maintien dans l'emploi des travailleurs âgés. Les observations nationales démontrent souvent qu'une proportion significative de travailleurs âgés préférerait une retraite progressive, notamment en raison des problèmes de santé liés au vieillissement mais aussi pour lisser le passage de la vie au travail à la vie sans travail. Plus qu'une «date butée» la retraite anticipée devrait devenir un processus choisi par lequel les travailleurs concernés pourraient décider de réduire leurs heures de travail progressivement dans le temps.

4.3.4.2

Or en jouant, pour l'essentiel, quasi uniquement sur le cursus de l'âge de départ à la retraite, les conditions d'emploi des salariés âgés ne sont pas prises en compte. Les mesures positives d'aménagement des fins de carrière comme les préretraites progressives ont été, le plus souvent, «cannibalisées» par le maintien de préretraites totales et n'ont donc pas connu le développement souhaitable. Cette situation doit être modifiée. En effet, plus qu'un événement qu'on essaie d'avancer le plus possible, la retraite devrait devenir un processus «choisi et progressif» par lequel les salariés peuvent, dans le cadre d'un ensemble de garanties collectives, réduire progressivement leur temps de travail.

4.3.5   L'accès permanent à la formation

Il convient de mettre en avant le concept suivant: «Le potentiel de productivité des travailleurs âgés n'est pas dégradé par l'âge mais par l'obsolescence des qualifications, ce à quoi il est possible de remédier par la formation.» (17)

Fort de ce qui précède, il est utile de préciser qu'il ne suffit pas de mener une politique pour les catégories d'âges à partir de 40-50 ans. Car, ainsi que le notait à juste titre le Conseil supérieur de l'emploi en Belgique «Une politique visant à modifier la problématique des travailleurs âgés arrive trop tard si elle ne couvre que cette catégorie de salariés. D'où la nécessité d'une gestion du personnel tenant compte de l'âge dès le moment où les travailleurs entrent dans le processus de travail  (18) ».

4.3.5.1

Alors que «l'éducation et la formation tout au long de la vie» sont devenues une antienne, un élément central de la politique européenne pour l'emploi il est très inquiétant de constater le pourcentage de la main-d'œuvre participant à l'éducation et à la formation. Ce pourcentage se situe simplement, en moyenne, à 14 % pour la tranche d'âge des 25-29 ans, pour décroître régulièrement au fur et à mesure que s'accentue le vieillissement et pour arriver autour de 5 % s'agissant de la tranche d'âge des 55-64 ans (19). Cette tendance n'a connu qu'une croissance extrêmement modeste, sinon nulle, au cours des dernières années.

4.3.5.2

Dans un système de production où les postes de travail requièrent de plus en plus de technicité et de savoir-faire cette situation ne laisse d'inquiéter, non seulement pour le taux d'emploi des salariés âgés mais plus largement pour la compétitivité européenne. Il est souhaitable, sinon indispensable, que cette situation soit dépassée:

par les entreprises qui doivent intégrer dans leur stratégie la formation comme étant un investissement à moyen et à long terme et non pas comme une action justifiant un retour sur investissement rapide si ce n'est immédiat;

par les salariés qui parfois éprouvent des difficultés à se former, soit par manque d'enthousiasme ce qui est souvent le cas des salariés peu ou pas qualifiés, soit parce qu'ils ne s'en sentent pas capables s'étant trouvé en situation d'échec scolaire, soit parce qu'ils n'en ressentent pas la nécessité en raison d'une fin de carrière proche.

4.3.5.3

Il est bien évident que, dans cette problématique, le rôle des partenaires sociaux à tous les niveaux de négociations peut être déterminant. À cet effet, le «Cadre d'action pour le développement des compétences et des qualifications tout au long de la vie» conclu par les partenaires sociaux européens constitue un effort majeur pour promouvoir l'apprentissage tout au long de la vie, dans toutes les classes d'âge. Dans le même temps, le rôle de la puissance publique qui doit garantir la création d'un cadre favorable au développement de la formation tout au long de la vie est également de première importance.

4.3.5.4

Cependant la formation professionnelle, la formation et l'éducation tout au long de la vie ne doivent pas être considérées isolément. Elles doivent être constitutives de la gestion de carrière des salariés. Il s'agit là d'assurer, au travers de la formation, les motivations à tout âge en valorisant les compétences et en dynamisant les parcours professionnels. De ce point de vue, les bilans de compétences, la validation des acquis sont autant d'outils qui doivent être développés dans le cadre de projets professionnels individuels s'articulant avec le projet de l'entreprise.

4.3.5.5

L'Union européenne est là face à un défi dont les enjeux sont considérables et dont dépend, pour partie, la réussite de la stratégie de Lisbonne. Il faut accroître, d'une façon générale, la participation des salariés à la formation professionnelle et ce faisant, améliorer le niveau général des connaissances et des compétences des travailleurs âgés.

4.3.6   Politiques actives efficaces du marché du travail

4.3.6.1

Le CESE partage le point de vue exprimé dans la Communication qui indique que: «pour que les travailleurs se maintiennent plus longtemps dans l'emploi, il est essentiel d'anticiper les changements et de gérer avec succès les restructurations économiques.» Cette analyse rejoint l'une des causes des situations analysées dans le présent avis au point 4.3.1.4 ou il est indiqué en substance que cette situation relève notamment: «en particulier d'une prise en compte insuffisante de la gestion prévisionnelle des emplois et des qualifications».

4.3.6.2

Le CESE partage également l'idée selon laquelle: «Il est particulièrement important de mettre en place des approches personnalisées qui répondent aux besoins individuels, notamment par des services d'orientation, une formation spécifique et des systèmes de reclassement externes». Pour ce faire il peut-être utile comme le fait la Communication, et comme cela se pratique dans certains États membre, d'envisager une activation des prestations de chômage en formant et en soutenant les qualifications afin de faciliter le recrutement des travailleurs âgés au chômage tout en maintenant le droit aux indemnités de chômage et en offrant une orientation qui encourage la transition vers un autre emploi ou un travail indépendant.

4.3.6.3

Mettre en place des «Politiques actives efficaces du marché du travail» concerne à la fois la demande et l'offre d'emploi. De ce point de vue l'ensemble des recommandations constituant le corps de la communication participe de ce principe ce dont le Comité se félicite, car cet équilibre est l'une des conditions pour aller vers des progrès tangibles.

4.3.7   Amélioration de la qualité de l'emploi

4.3.7.1

C'est à juste titre que la Communication souligne que la qualité de l'emploi est, d'une manière générale, cruciale pour faire revenir ou maintenir dans le marché de l'emploi des travailleurs âgés. Dans le même temps, le retrait du marché du travail des salariés âgés occupant des emplois de qualité médiocre est jusqu'à quatre fois supérieur à celui des travailleurs âgés occupant des emplois de qualité supérieure, mais aussi deux fois plus élevé que celui des jeunes travailleurs occupant des emplois de qualité médiocre (20). Cette partie de la Communication aurait gagné en précision et aurait suscité un débat si elle s'était essayée à définir le concept «la qualité de l'emploi» et si elle s'était attachée à esquisser l'amorce de solution de mise en œuvre. Pour le moins, une synthèse des approches de textes antérieurs (COM(2003) 728 du 26.11.2003; Rapport «Emploi en Europe 2002») aurait été utile.

4.4   D'autres propositions et réflexions

D'une façon générale, comme pour l'ensemble des orientations de Lisbonne, la réalisation de la «Stratégie/relever l'âge de sortie du marché du travail» s'établira avec une plus grande efficacité si elle est accompagnée d'un taux de croissance conséquent bénéfique à l'emploi.

La méthode ouverte de coordination est utilisée pour les différents aspects ayant trait aux retraites. Cependant pour ce qui est du «vieillissement actif» la communication évoque «un programme d'évaluation par les pairs» mis sur pied dans le cadre de la stratégie européenne pour l'emploi. Il est difficile d'appréhender les raisons qui conduiraient à avoir recours à deux processus différents. Par pragmatisme et par soucis d'efficacité il semble utile de rester centrer sur le concept de «l'âge de la sortie du marché du travail», donc globalement de la retraite, et de privilégier en conséquence la méthode ouverte de coordination.

Pour ce qui est des orientations du Conseil européen de Stockholm, et compte tenu des chapitres précédents, le CESE partage les pistes d'action retenues dans la Communication. S'agissant de la «Task-force pour l'emploi» on se reportera à l'avis du Comité concernant son contenu (21)

Cependant, d'autres propositions «et réflexions» peuvent être avancées ou mieux précisées.

4.4.1   Le recrutement

Le recrutement est un élément stratégique du taux d'emploi des salariés âgés (22). Cet aspect est cependant tombé en désuétude dans la réflexion générale. La Communication ne fait pas de cet aspect un élément central qui touche à la fois l'approche psychologique de la problématique, la discrimination et donc au respect de la Charte des Droits Fondamentaux de l'Union européenne.

4.4.1.1

Pourtant il est essentiel que soient combattues toutes les formes de discriminations en matière d'embauche et celles liées à l'âge s'agissant du sujet traité par la communication sous examen. Les méthodes de recrutements doivent s'interdire de faire de l'âge un critère de choix, elles doivent au contraire rechercher davantage à cerner et à valoriser les aptitudes issues de l'histoire de chacun à partir des acquis professionnels. Il importe, certainement, de prendre en compte les aspirations et les choix de ces salariés et notamment des demandes de travail différencié (durée, répartition, horaires, etc.).

4.4.1.2

De ce point de vue il est édifiant de constater, par exemple, que nombre de concours ouvrant droit, dans certains États membre, à un emploi dans la fonction publique relève souvent d'un critère d'âge se situant la plupart du temps autour de 40 ans. Ceci signifie qu'un demandeur d'emploi ayant dépassé 40 ans, issu du secteur privé, ne peut prétendre à un emploi dans la fonction publique. Cette ségrégation n'est pas admissible: elle interdit à un chômeur, fut-il qualifié ou très qualifié et répondant au profil du poste à pourvoir, d'accéder à un emploi existant, en même temps qu'elle prive la fonction publique de l'expérience d'un salarié issu du secteur concurrentiel. Sur ce point la responsabilité des États membres est entièrement engagée. S'agissant de l'Union européenne soulignons que ce n'est qu'en avril 2002 que la Commission a accepté de supprimer les limites d'âge dans ses procédures de recrutement à la suite d'observations du Médiateur européen. Plus récemment, en juillet 2004, le Médiateur a demandé à la Commission, à la suite d'une plainte, de supprimer la limite d'âge pour le recrutement des stagiaires. Il a estimé que celle-ci constitue une discrimination injustifiée, le plaignant indiquant quant à lui que cette pratique est contraire à la Charte des droits fondamentaux de l'UE.

4.4.1.3

Par ailleurs il faut relever que la multiplication des départs anticipés a accentué la dépréciation des travailleurs vieillissants sur le marché de l'emploi et donc sur leur embauche. L'abaissement des seuils d'âge en vue de faciliter les départs anticipés a eu des conséquences majeures sur ces travailleurs car il a modifié, dans l'esprit des employeurs, l'âge auquel les travailleurs peuvent être considérés comme «trop vieux».

4.4.1.4

En même temps, d'un point de vue psychologique, imprégné du comportement des entreprises, le salarié âgé ou vieillissant ressent implicitement qu'il n'est plus celui qui est décrit prioritairement comme approchant de l'âge du droit à la retraite et au repos. Il est devenu celui qui est défini comme «incapable» de travail ou «inemployable». Lorsque près de la moitié de ceux qui liquident leur retraite sont sortis de l'activité en amont par le biais de «l'invalidité», comme ce fut le cas dans certains pays de l'U.E, le temps de l'inactivité tend à se concevoir, non plus comme le temps du droit au repos, mais bien comme celui de l'incapacité de travail. Une telle perception de l'âge, par ces effets d'étiquetage, n'est pas sans induire des modifications de comportement dans la mesure ou elle n'est pas sans encourager le développement, dans l'esprit du salarié mais surtout dans les faits, d'un sentiment de marginalisation dans le marché du travail et donc de l'embauche mais aussi dans l'entreprise et in fine dans la société elle-même.

4.4.1.5

Dans le même esprit que la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, la directive 2000/78/CE a créé un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail. Elle interdit, sous certaines conditions, les discriminations fondées notamment, sur l'âge. Cette directive devait être transposée au plus tard pour décembre 2003. Il sera utile dans un avenir proche de faire le bilan de son application et ce faisant de mesurer la portée de son efficacité.

4.4.2   La flexibilité

On a examiné le concept de flexibilité de l'âge des départs ainsi que la mise en œuvre de forme flexible d'organisation du travail pour ce qui est des retraites anticipées (cf. 4.3.2). Le même raisonnement vaut pour les départs en retraite à l'âge légal. En effet, quatre salariés sur dix auraient souhaité poursuivre leur activité (23) pour des raisons professionnelles, familiales ou d'intérêt personnel (24). Il convient donc de mettre en place des modes de prises de la retraite plus flexible pour répondre à ces attentes.

4.4.2.1

Il faut permettre aux salariés de quitter progressivement leur emploi, et non pas comme cela est majoritairement le cas aujourd'hui, à l'âge légal, d'une manière abrupte, avec ce qu'on peut appeler la «retraite couperet». Des dispositions devraient être prises permettant à la fin de vie au travail, aux salariés de travailler 3/4, 1/3 ou 1/2 temps. Afin de dynamiser ce principe, il conviendrait d'examiner l'impact que pourrait avoir la mise en place d'un salaire proportionnellement supérieur au pourcentage des heures travaillées.

4.4.2.2

Ce temps de présence pourrait être mis à profit, par exemple, pour partager avec les plus jeunes, l'expérience acquise en particulier par la mise en place de tutorat, de soutien et de coopération à l'apprentissage (25) et à l'ensemble des formations en alternance. Tout le monde y gagnerait: le salarié volontaire qui pourrait poursuivre une activité valorisante, l'entreprise qui conserverait et pourrait dispenser un savoir-faire à l'aide d'un faire savoir, et l'intérêt général par l'accroissement du taux d'occupation.

4.4.3   Les femmes et l'égalité des chances

La communication souligne la différence du taux d'emploi des femmes et des hommes âgés. Celle-ci est importante: les taux d'emploi sont respectivement de 30,5 % de 50,1 %. Pour ce qui est de l'âge moyen de sortie du marché du travail la différence est faible. (26) (cf.: tableau Annexe 3).

4.4.3.1

La différence des taux d'emploi de cette catégorie d'âge correspond à un effet de cohorte qui reflète la composition du marché du travail d'une façon générale. Il est notable d'observer que cette différence n'a pas d'incidence et ne se reflète pas dans l'âge moyen de sortie du marché du travail.

4.4.3.2

Augmenter le taux d'emploi des femmes est une condition essentielle de la réalisation des objectifs de Stockholm. Le taux d'emploi de cette catégorie d'âge résulte, pour l'essentiel, du taux d'emploi des tranches d'âge antérieures. C'est donc le taux d'emploi des femmes de façon générale qui est au centre de la problématique, et pas seulement leur âge de sortie du marché du travail.

4.4.3.3

Cette question, au delà des résultantes économiques qu'elle génère, relève aussi de raisons d'équité maintes fois mises en avant par le Comité, qu'il s'agisse d'orientation scolaire, de niveau de formation, d'égalité salariale ou de responsabilité exercée à qualification identique.

4.4.3.4

Accroître le taux d'emploi des femmes implique nécessairement d'améliorer leurs conditions d'accès au marché du travail. Pour ce faire, il faut mettre en œuvre des dispositifs qui permettent aux hommes et aux femmes de concilier leur vie privée et leur vie professionnelle sur un pied d'égalité, à travers le développement d'un réseau de services sociaux à même de répondre aux besoins d'attention et de soins existants dans la sphère privée: mineurs (notamment la mise en place de système de garde pour les jeunes enfants; cf. tableau Annexe 3), personnes dépendantes (personnes âgées, malades …) etc.

4.4.4   La négociation collective

La Communication indique: malgré «l'évolution récente de la situation, les partenaires sociaux devraient élargir et intensifier leurs efforts, tant au niveau national qu'à l'échelon de l'Union, pour créer une nouvelle culture en matière de vieillissement et de gestion du changement. Bien trop souvent, les employeurs continuent à privilégier les régimes de retraites anticipées».

4.4.4.1

Le CESE salue sur ce point l'approche du document qui attribue, en substance, au dialogue social un rôle indispensable pour tendre vers des progrès significatifs. Le Comité approuve et soutient la démarche et le souhait de la Commission tout en l'approfondissant. En effet, si le dialogue social et mieux la négociation collective doit être intensifiée au niveau national et de l'Union, celle-ci doit être étendue afin de pratiquer du «sur-mesure», car il y a de moins en moins de mesures «passe-partout» à valeur universelle. De ce point de vue les négociations collectives, pour tenir compte des spécificités professionnelles (pénibilité, conditions et organisation du travail, niveau de qualification …) doivent aussi toucher les branches professionnelles, européennes et nationales, et par répercussion les entreprises. Ce n'est qu'à ces conditions que des dispositions générales pourront trouver leur pleine efficacité.

5.   Relèvement de l'âge moyen de sortie du marché du travail

5.1

Le point 32 des conclusions de la Présidence du Conseil de Barcelone stipule qu'en ce qui concerne les politiques actuelles en matière d'emploi, il faudrait, entre autres

«chercher d'ici 2010 à augmenter progressivement d'environ 5 ans l'âge moyen effectif auquel cesse, dans l'Union européenne, l'activité professionnelle.»

5.2

L'ensemble des analyses et des dispositions qui ont été examinées dans les articles précédents — et qui concernent plus particulièrement les décisions du Conseil de Stockholm «amener à 50 % le taux d'emploi des travailleurs âgés de 55 à 64 ans» — contribuent à mettre en œuvre les orientations de Barcelone. En effet chaque travailleur, dont l'âge se situe entre 55 et 64 ans, qui diffère sa sortie du marché du travail participe à augmenter l'âge moyen effectif auquel cesse, dans l'UE, l'activité professionnelle.

5.3

La mise en œuvre des décisions de Stockholm est le moteur essentiel de l'évolution positive de l'orientation du Conseil de Barcelone. Ce faisant «l'augmentation progressive de l'âge moyen effectif auquel cesse l'activité professionnelle» ne saurait être ni examinée, ni appréciée séparément de «l'augmentation du taux d'emploi des travailleurs âgés de 55 à 64 ans».

5.4

En effet, compte tenu des difficultés observées pour accroître le taux d'activité des salariés de 55 à 64 ans, il ne serait pas raisonnable de prendre isolément le concept de Barcelone. Ceci pourrait conduire, pour accomplir sa réalisation, à suggérer le recul de l'âge légal de l'ouverture des droits à la retraite.

5.5

Il serait peu conséquent d'imaginer une telle hypothèse alors que, pour l'essentiel, il n'est pas toujours permis aujourd'hui aux salariés qui le souhaitent, d'aller jusqu'au terme de leur vie de travail dans le cadre actuel.

6.   Conclusions et recommandations

6.1

Le Comité confirme l'orientation générale de son avis d'initiative «Les travailleurs âgés» d'octobre 2000: «Il souligne la nécessité d'une approche positive à l'égard des travailleurs âgés, dans la mesure ou le traitement souvent réservé à ceux-ci relève non seulement d'une conception de la société peu solidaire et discriminatoire, mais entraîne dans de nombreux cas la perte d'un personnel hautement qualifié et, partant, la baisse du niveau global de la compétitivité.»

6.1.1

Dans le cadre de cette orientation le Comité se félicite que le Conseil européen de printemps 2004 ait identifié le vieillissement actif comme l'un des trois domaines d'actions prioritaires qui appellent des actions rapides pour réaliser la stratégie de Lisbonne. Pour ce faire le Comité apprécie que la Commission ait choisi, par le biais de la communication sous examen, d'alimenter le débat sur les progrès réalisés dans la poursuite des objectifs de Stockholm et de Barcelone et de mettre en lumière le rôle des gouvernements et des partenaires sociaux dans la promotion du vieillissement actif.

6.2

Le CESE, d'une façon générale et globalement, approuve le choix des grands thèmes d'action qui constituent le cœur de la Communication. Ces grands thèmes représentant l'approche de solutions, sont à considérer de façon positive sous réserve de la qualité et de la nature des éléments de mise en œuvre choisis ainsi que des observations contenues dans le présent avis. Qu'il s'agisse des préretraites et incitants financiers, de la réforme des préretraites, des formes flexibles d'organisation du travail, des conditions de santé et de sécurité au travail ou bien encore de l'amélioration de la qualité de l'emploi.

6.2.1

Cependant le Comité estime, qu'au delà des grands thèmes choisis, des actions concrètes à entreprendre, il est fondamental que sur la plan de la perception tout soit fait pour conduire à un changement de mentalité et à une prise de conscience tant des entreprises que des salariés. Il faut que travailler après 55 ans soit considéré comme valorisant par les salariés et que les entreprises ou les services publics soient conscients des avantages que peuvent leur procurer les travailleurs âgés. À défaut de cette prise de conscience collective les mesures concrètes qui seraient mises en œuvre ne sauraient trouver leur pleine efficacité.

6.2.2

À cet effet le Comité suggère à la Commission, comme il l'avait déjà fait dans son avis d'initiative d'octobre 2000, de promouvoir, en interaction avec les États membres, une large campagne de sensibilisation, d'information et d'explication en direction des principaux acteurs et de la société en général, afin de contribuer à la construction d'une perception positive du rôle que peuvent jouer les travailleurs vieillissants tant dans les entreprises que dans les services publics et au total pour l'ensemble de la société.

6.2.2.1

Le CESE se réjouit de constater que le «Rapport du groupe de haut niveau sur l'avenir de la politique sociale dans une UE élargie» paru à la fin du 1er semestre 2004 a repris à son compte la suggestion du Comité

6.3

Par ailleurs le Comité économique et social européen estime que:

6.3.1

Toutes les actions entreprises pour avancer dans la réalisation des décisions de Stockholm ou de Barcelone doivent conduire exclusivement les salariés âgés à conserver leur emploi ou à les remettre dans l'emploi. L'objectif étant l'accroissement du taux d'emploi et le recul de l'âge de la sortie du marché du travail, il doit être exclu que des modifications de situations actuelles, en particulier s'agissant des préretraites, ne conduisent au chômage. D'une façon générale il est juste de souligner, comme le fait la Communication, «qu'à l'évidence tous les incitants au maintien des travailleurs âgés dans l'emploi doivent se refléter dans de réelles perspectives d'emploi».

6.3.2

Le CES estime qu'accroître le taux d'emploi global, ou celui concernant la tranche d'âge des 55/64 ans passe également par l'accroissement du taux d'emploi des catégories de salariés potentiels qui y sont insuffisamment présents. De ce point de vue, des mesures importantes doivent être prises pour mobiliser toutes les réserves de main d'œuvre qui existent dans l'Union, qu'il s'agisse, en particulier, des jeunes trop souvent maintenus dans un chômage démotivant, ce qui est préoccupant pour l'avenir du taux d'emploi global, ou bien encore des femmes et des handicapés.

6.3.3

La formation professionnelle, la formation et l'éducation tout au long de la vie ne peuvent être considérés isolément. Elles doivent être constitutives de la gestion de carrière des salariés. Il s'agit là d'assurer, au travers de la formation, la motivation à tout âge en valorisant les compétences et en dynamisant les parcours professionnels. Ce n'est qu'à cette condition qu'un niveau de compétence adéquat et donc d'employabilité des travailleurs âgés sera obtenu.

6.3.3.1

Soulignons, que de façon générale, au-delà de la formation, toutes les actions constituant une stratégie visant à accroître l'emploi des travailleurs âgés ne doivent pas être mises en œuvre, seulement, à partir de 40-50 ans. Un politique visant à modifier la problématique des travailleurs âgés arrive trop tard si elle ne couvre que cette catégorie de salariés. D'où la nécessité d'une gestion du personnel tenant compte de l'âge dès le moment ou les salariés entrent dans le processus de travail.

6.3.4

Le recrutement doit être mis au cœur de la problématique. Toutes formes de discrimination liées à l'âge doivent être combattues. De ce point de vue il convient de faire le bilan de l'application de la directive 2000/78/CE qui a créé un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi. Il interdit, sous certaines conditions, toutes discriminations fondées, notamment, sur l'âge. Ceci vaut pour toutes les tranches d'âge, qu'il s'agisse en particulier des travailleurs âgés ou des jeunes.

6.3.5

Qu'il s'agisse des préretraites ou des retraites il doit être possible de quitter progressivement l'emploi. En effet plus qu'une «date couperet», un événement qu'on essaie souvent d'avancer le plus possible, la fin d'activité devrait devenir un processus «choisi et progressif» par lequel les salariés pourraient, dans le cadre d'un ensemble de garanties contractuelles, réduire progressivement leur temps de travail. Ce thème pourrait être un sujet prioritaire de recherche et d'action dans le cadre des lignes directrices pour l'emploi 2005.

6.3.6

Le dialogue social et mieux la négociation collective doit être intensifiée tant au niveau de l'Union européenne qu'au niveau national. Celle-ci doit être étendue afin de pratiquer du «sur-mesure» car il y a de moins en moins de mesures «passe-partout» à valeur universelle. De ce point de vue les négociations collectives, pour tenir compte des spécificités professionnelles (pénibilité, conditions et organisation du travail, niveau de qualifications…) doivent aussi toucher les branches professionnelles, européennes et nationales, et par répercussion les entreprises.

6.3.6.1

Il serait utile d'accorder au vieillissement actif une place prioritaire dans le nouvel Agenda de la politique sociale après 2006.

6.3.7

Le Comité considère que la mise en œuvre des décisions de Stockholm est le moteur de l'évolution positive de l'orientation du Conseil de Barcelone. Ce faisant il estime que «l'augmentation de l'âge moyen effectif auquel cesse l'activité professionnelle» ne saurait être ni examinée, ni appréciée séparément de «l'augmentation du taux d'emploi des travailleurs âgés de 55 ans à 64 ans».

Bruxelles, le 15 décembre 2004.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Avis d'initiative «Les Travailleurs âgés», article 1.5, JO C 14 du 16.1.2001, rapporteur: M.DANTIN.

(2)  COM(2004) 29 «Réalisons Lisbonne - Réformes pour une Union élargie», rapport de la Commission au Conseil européen de printemps.

(3)  Avis du CESE «Chômage des jeunes», JO C 18 du 22 janvier 96, rapporteur M. RUPP.

(4)  Contribution de la Commission européenne au Conseil social de Lisbonne., source Eurostat.

(5)  Source Eurostat «Étude de la population active», 1999.

(6)  Voir annexe 1.

(7)  Guillemard 1986; Casey et Laczko, 1989.

(8)  Eurostat. Projections démographiques, 1997 (scénario de base).

(9)  «Situation et perspective démographique de l'UE», rapporteur M. BURNEL.

(10)  «Ages et emplois à l'horizon 2010» Conseil économique et social français, octobre 2001, rapporteur M. QUINTREAU.

(11)  Source: Eurostat «Enquête sur la force de travail», Résultat de Printemps 2003.

(12)  «Les travailleurs âgés» – Rapporteur: M. DANTIN – JO C 14 du 16.1.2001.

(13)  Cf. SOC/162 – Rapporteuse: Mme St-HILL.

(14)  Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail: «La lutte contre les barrières d'âge dans l'emploi», 1999.

(15)  Idem 9.

(16)  Idem 1 (article 3.3.3).

(17)  Enquête internationale sur l'alphabétisation des adultes de l'OCDE (International Adult Literacy Survey – IALS).

(18)  Idem 1 (4.3.2).

(19)  Idem 10.

(20)  COM(2003) 728 «Amélioration de la qualité de l'emploi: un examen des derniers progrès accomplis».

(21)  Avis du CESE «Les mesures de soutien à l'emploi» Rapporteur: Mme Hornung-Draus, Corapporteur: M. Greif – J.O. C 110 du30.04.2004.

(22)  Idem 11.

(23)  Idem 11.

«Age and Attitudes-Main Resultats from a Eurobaromètre Survey» - Commission of the EC, 1993.

(24)  Idem 1 (article 3.3.5).

(25)  Idem 1 (article 4.3.4).

(26)  Voir annexe 2.


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