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Document 52004AE1646

Avis du Comité économique et social européen sur la «communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen: élaborer un modèle agricole durable pour l'Europe grâce à la nouvelle politique agricole commune (pac) — réforme du secteur du sucre»COM(2004) 499 final

JO C 157 du 28.6.2005, p. 102–107 (ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, NL, PL, PT, SK, SL, FI, SV)

28.6.2005   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 157/102


Avis du Comité économique et social européen sur la «communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen: élaborer un modèle agricole durable pour l'Europe grâce à la nouvelle politique agricole commune (pac) — réforme du secteur du sucre»

COM(2004) 499 final

(2005/C 157/19)

Le 15 juillet 2004, la Commission a décidé, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de saisir le Comité économique et social européen d'une demande d'avis sur la communication susmentionnée.

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement» chargée de préparer les travaux en la matière a élaboré son avis le 16 novembre 2004 (rapporteur: M. BASTIAN, corapporteur: M. STRASSER).

Lors de sa 413ème session plénière des 15 et 16 décembre 2004 (séance du 15 décembre 2004), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 137 voix pour, 21 voix contre et 11 abstentions.

1.   Introduction

1.1

Vingt et un pays de l'Union européenne produisent du sucre de betterave. Les départements d'outre-mer français et l'Espagne, dans une faible proportion, produisent du sucre de canne (280 000 tonnes). Au total, la production sucrière européenne fluctue selon les années entre 17 et 20 millions de tonnes pour une consommation européenne de sucre estimée à 16 millions de tonnes.

1.2

La betterave, qui intervient dans la rotation des cultures, est cultivée sur 2,2 millions d'hectares par 350 000 agriculteurs (un peu plus de 6 ha de betterave en moyenne par betteravier). La betterave est transformée dans environ 200 sucreries employant directement près de 60 000 salariés.

1.3

On compte également dans l'Union européenne une production de 500 000 tonnes d'isoglucose et de 250 000 tonnes de sirop d'inuline, ainsi qu'une industrie de raffinage de sucre brut de canne (dont la majeure partie — 1,5 millions de tonnes — est importée des pays ACP (1)).

1.4

Dans le secteur du sucre, de l'isoglucose et du sirop d'inuline, le régime des quotas de production résultant du règlement 1785/81 a été reconduit à plusieurs reprises. La dernière reconduction date de 2001. Elle porte sur les cinq campagnes 2001/2002 à 2005/2006. Ce règlement porte le numéro 1260/2001 et présente, par rapport au règlement précédent, quelques modifications importantes, comme la fixation des prix jusqu'au 30 juin 2006, l'abolition du régime de stockage, l'abolition du financement des frais de stockage du sucre reporté, une réduction des quotas de 115 000 tonnes et la prise en charge par les planteurs de betteraves et les fabricants de sucre de la totalité des restitutions à la production octroyées à l'industrie chimique.

1.5

La Commission a présenté le 14 juillet 2004 une communication sur la réforme du secteur du sucre visant à compléter son modèle d'agriculture européenne durable (COM(2004) 499 final).

1.6

La Commission, dans ce document, propose de modifier profondément le règlement sucrier, les prix et les quotas à partir du 1er juillet 2005 et envisage de faire, le cas échéant, de nouvelles propositions en matière de quotas et de prix en 2008. La Commission veut ainsi insérer le régime du sucre dans la logique de la réforme de la PAC, rendre le marché européen du sucre moins attractif aux importations, réduire sensiblement les exportations de sucre du quota avec restitution et supprimer les restitutions à la production pour les sucres vendus à l'industrie chimique.

1.7

La Commission propose la fusion des quotas A et B en un quota unique et la diminution des quotas de sucre de 1,3 million de tonnes puis de 500 000 tonnes supplémentaires par an au cours des trois campagnes suivantes (soit une baisse totale de 2,8 millions de tonnes ou de 16 %).

1.8

Parallèlement à cette baisse des quotas de sucre, la Commission propose l'augmentation des quotas d'isoglucose de 100 000 tonnes par an pendant trois ans (soit une hausse de 60 %) et le maintien des quotas d'inuline.

1.9

Afin d'assurer la restructuration du secteur du sucre qu'elle estime nécessaire, la Commission propose de rendre les quotas librement transférables au niveau européen. Elle prévoit également la possibilité de cofinancer avec les États membres l'octroi d'une aide de 250 € par tonne de quota sucre aux fabricants de sucre qui n'auraient pas réussi à céder leur quota et qui abandonneraient la production de sucre. Cette aide aurait pour but de faciliter le respect par les fabricants de sucre en cause de leurs obligations en matière sociale et de réhabilitation environnementale.

1.10

La Commission propose de remplacer par le stockage (2) privé et le report obligatoire de sucre du quota le régime d'intervention et le mécanisme de déclassement qui servent à garantir les prix par l'équilibre du marché et à respecter les engagements à l'OMC.

1.11

En matière de prix, la Commission propose de remplacer le prix d'intervention du sucre par un prix de référence servant au calcul du prix minimum à respecter pour les importations ACP et PMA (pays les moins avancés), ainsi que pour le déclenchement des mesures de stockage privé et de report des quantités excédentaires sur l'année suivante. Les prix de soutien institutionnels seraient réduits en deux étapes. Pour cela, la Commission propose un prix de référence de 506 € par tonne de sucre blanc en 2005/2006 et 2006/2007 et de 421 € par tonne en 2007/2008 contre un prix d'intervention actuel de 631,9 € par tonne et un prix de marché pondéré A+B qu'elle évalue à 655 €.

1.11.1

Parallèlement, le prix minimum pondéré de la betterave sucrière du quota A+B passerait de 43,6 € par tonne actuellement à 32,8 € par tonne en 2005/2006 et 2006/2007 (-25 %) et 27,4 € par tonne en 2007/2008 (-37 %). Le prix de base de la betterave est actuellement de 47,67 € par tonne. Le Comité est conscient que la baisse des prix sera plus importante dans certains des États membres eu égard aux proportions différentes des quotas A et B.

1.11.2

La perte de revenu résultant de la baisse du prix pondéré de la betterave du quota devrait, selon la Commission, être compensée à hauteur de 60 % par une aide directe au revenu, découplée de la production (conformément aux règles de la réforme de la PAC de 2003).

1.11.3

La Commission évalue le coût budgétaire des aides directes au revenu, découplées à 895 millions d'€ en 2005/2006 et 2006/2007 et à 1,340 milliard d'€ par an à partir de 2007/2008.

1.12

La Commission propose de supprimer le régime de restitution à la production pour l'industrie chimique et pharmaceutique (3) et de permettre à ces industries de s'approvisionner en sucre C, comme le secteur de l'alcool et de la levure.

1.13

En ce qui concerne les relations avec les fournisseurs de sucre préférentiel ACP, la Commission propose la poursuite du «protocole sucre» ACP caractérisé par des quotas d'importation mais avec une baisse du prix garanti parallèle à la baisse du prix de la betterave. Pour les aider à s'adapter aux nouvelles conditions, elle propose l'établissement d'un dialogue avec les ACP sur la base d'un plan d'action qui serait présenté avant fin 2004.

1.13.1

Elle propose de supprimer l'aide au raffinage de sucre ACP et DOM (départements d'outre-mer) et d'éliminer à terme la notion de «besoins maximaux d'approvisionnement».

1.14

Pour les pays les moins avancés (PMA), la Commission ne fait aucune proposition de gestion quantitative des importations. En matière de prix d'importation du sucre PMA, elle demande le respect du prix minimum ACP. Pour les Balkans, la Commission prévoit la négociation d'un quota d'importation. Au titre de l'initiative TSA («Tout sauf les armes»), le sucre en provenance de 49 pays parmi les moins avancés pourra, à partir de 2009, pénétrer sur le marché européen en exemption de droit et sans quotas.

2.   Remarques générales

2.1

Le Comité économique et social européen (CESE) note qu'en raison:

de l'initiative «Tout sauf les armes» de 2001 destinée aux pays les moins avancés (PMA) dont les conséquences pour le sucre n'ont pas été convenablement mesurées à l'époque par la Commission,

de la tendance générale à l'ouverture plus grande des marchés agricoles européens en raison des négociations à l'Organisation mondiale du commerce,

des menaces qui pèsent sur les exportations européennes de sucre du fait du groupe spécial (panel) «Sucre» de l'OMC et des négociations commerciales du cycle de Doha,

de la réforme de la politique agricole commune,

des modifications et adaptations de l'organisation commune de marché (OCM) du sucre sont devenues nécessaires. Il ne s'agit donc pas d'évaluer si une réforme est nécessaire, mais d'examiner quelle réforme est nécessaire, son étendue et sa date d'application.

2.2

La Commission se prononce pour une «réorganisation radicale du règlement sucre» et justifie sa proposition, en soulignant qu'il est reproché au régime actuel «de ne pas favoriser la concurrence, de provoquer des distorsions de marché, de maintenir des prix à un niveau élevé pour les consommateurs et les utilisateurs et d'influer sur le marché mondial, en particulier sur les pays en développement». Le Comité économique et social européen regrette que la Commission s'appuie sur ce type de critiques générales sans chercher à les vérifier par des études sérieuses. Le Comité rappelle à cet égard son avis du 30 novembre 2000 (4).

2.3

Le CESE constate que la proposition de la Commission anticipe largement les échéances internationales et mine le mandat de négociation à l'OMC, ce qui est imprudent et dommageable pour la défense des intérêts légitimes de l'économie sucrière de l'Union européenne et de ses fournisseurs préférentiels. Cette anticipation ne permet pas non plus à la Commission de traiter la question des sucres hors quota.

2.4

Le CESE s'inquiète de l'effet des baisses de prix et de quotas proposées sur le niveau de la production betteravière et sucrière de l'Union européenne, sur le revenu de nombreuses exploitations familiales agricoles, sur la durabilité des activités industrielles et commerciales du secteur sucre, sur l'emploi dans l'industrie sucrière et en milieu rural et sur la multifonctionnalité, notamment dans les régions défavorisées ou périphériques ainsi que dans les nouveaux États membres où des investissements importants de restructuration sont nécessaires. Il doute que les propositions de réforme de la Commission respectent le modèle agricole européen, la multifonctionnalité et le principe de durabilité, comme cela a été défini unanimement par le Conseil européen de Luxembourg, en décembre 1997 (5). Il considère également que les propositions de réforme sont en contradiction avec la stratégie de Lisbonne qui, entre autres, vise explicitement à la création d'emplois.

2.5

Le CESE demande à la Commission d'étudier, de façon approfondie et vérifiable, dans quelles régions la production de betteraves et l'industrie sucrière seront en danger et combien d'emplois directs et indirects aux niveaux agricole et industriel seront menacés au total. L'estimation d'impact présentée l'année dernière par la Commission ne donne pas en effet les informations nécessaires.

2.6

Le CESE ne croit pas que l'option de réforme choisie par la Commission qui consiste à rechercher l'équilibre du marché par la baisse des prix puisse atteindre son but. De plus, cette option n'assure pas le maintien à long terme d'une culture betteravière et d'une industrie sucrière européennes solides et ne respecte pas les engagements européens à l'égard des pays en développement fournisseurs de sucres préférentiels. En effet, ces baisses élimineront de nombreux producteurs des pays européens et des pays en développement et affaibliront considérablement les producteurs qui subsisteront. Dans le même temps, de nouvelles parts de marché mondial seront offertes au Brésil qui pourra également exporter indirectement à partir des années 2008/2009 des tonnages sans cesse croissants de sucre vers l'Europe par le moyen de «Swap» (6) (commerce triangulaire) avec les pays les moins avancés, sans aucun profit pour le développement agricole et social de ces derniers.

2.7

Le CESE estime que seuls quelques pays, et essentiellement le Brésil, seront les bénéficiaires d'une telle réforme de l'OCM du sucre. Dans ce contexte, il souligne que la production de sucre au Brésil, largement soutenue par la politique du bio éthanol et la politique monétaire, se réalise dans des conditions sociales, environnementales et de propriété foncière qui ne sont pas acceptables mais qui expliquent les coûts de production brésiliens extrêmement bas et donc la faiblesse des prix sur le marché mondial.

2.8

Le CESE ne comprend donc pas que la Commission n'ait pas retenu l'idée de négocier des quotas d'importation préférentielle avec les PMA comme ceux-ci le demandent d'ailleurs. Ceci permettrait de satisfaire, d'une façon plus ciblée, les intérêts des pays en développement les plus pauvres, et de parvenir à un approvisionnement équilibré du marché et à un niveau de prix soutenable en Europe. Le CESE attire l'attention sur la contradiction fondamentale dans laquelle se trouve la Commission qui, d'un côté justifie la réforme radicale de l'OCM du sucre par l'initiative «Tout sauf les armes» et d'un autre côté refuse de donner suite au souhait explicitement exprimé par les PMA d'obtenir un système de quotas préférentiels. Le CESE estime urgent la fixation des quotas d'importation des Balkans.

2.9

Le CESE estime que les baisses de prix proposées et la réduction des quotas vont bien au-delà du mandat pour l'OMC et sont un pas important en direction de la libéralisation complète du marché du sucre. Ceci ne peut offrir de perspectives durables aux planteurs de betteraves, salariés du secteur sucre et consommateurs des pays européens, contrairement à ce que la communication essaye de faire croire.

2.10

Le CESE ne peut pas partager l'opinion de la Commission selon laquelle la baisse significative des prix du sucre devrait essentiellement bénéficier aux consommateurs (7). Comme lors des réformes précédentes, ces baisses de prix de la matière première ne seront guère ou pas du tout transmises. Ceci vaut en particulier pour les produits transformés comme les limonades et les produits sucrés (75 % du sucre en Europe est consommé sous la forme de produits transformés). Le CESE considère que la Commission doit surveiller attentivement l'impact de la réforme sur le prix des produits contenant du sucre.

2.11

Le CESE partage le souci des pays ACP sur l'impact négatif des propositions de réforme sur le revenu et l'emploi dans les secteurs économiques directement concernés ainsi que sur leur équilibre social et leurs perspectives de développement.

2.12

Le CESE n'ignore pas les menaces qui pèsent sur les exportations européennes de sucre. Il ne peut donc comprendre que les baisses de quotas programmées entre 2005 et 2009 par la Commission conduisent à une baisse des exportations avec restitution plus importante que nécessaire dans l'hypothèse où l'Union européenne perdrait le groupe spécial qui l'oppose au Brésil, à l'Australie et à la Thaïlande. Il lui semble au contraire que l'Union européenne, par une réglementation adaptée, devrait s'efforcer de garder toutes les possibilités d'exportation qu'elle revendique et que lui reconnaissent les accords internationaux, et donc proposer une moindre réduction des quotas.

2.13

Il estime par ailleurs qu'en contrepartie de ses initiatives en matière d'exportations et d'importations qui conduisent à une réduction des débouchés pour les producteurs européens, il incombe à la Commission de proposer des mesures assurant le développement de débouchés alternatifs notamment dans le secteur des biocarburants.

2.14

Le CESE estime globalement que la Commission n'a pas bien mesuré l'impact de sa proposition qui conduit à un transfert massif de ressources du secteur rural (agricole et de première transformation) d'Europe et des pays en développement vers les grandes sociétés internationales de l'alimentation et de la distribution et qui, dans le même temps, démantèle une part considérable de l'industrie sucrière européenne et des pays ACP au profit presque exclusif des latifundia qui dominent la production sucrière brésilienne, le plus souvent sans respecter les droits fondamentaux de l'homme au travail (déclaration de la conférence de l'Organisation internationale du travail de 1998 (8)), ni la durabilité (défrichements de la forêt amazonienne). Il considère que l'accès au marché communautaire devrait être conditionné au respect de certaines normes sociales et environnementales.

3.   Remarques particulières

3.1

Le CESE souligne que le règlement 1260/2001, adopté à l'unanimité par le Conseil, est valable jusqu'au 1er juillet 2006 et a servi de base aux négociations d'adhésion des dix nouveaux États membres. Il ne peut donc comprendre que la Commission propose d'anticiper la réforme au 1er juillet 2005 alors que cela n'est pas nécessaire. Par ailleurs, les agriculteurs ont déjà organisé leurs assolements de 2005/2006 et réalisent actuellement dans certains pays européens les semis de betteraves d'automne. De plus, depuis 2001, de nombreux investissements ont été réalisés aux niveaux agricole et industriel sur la base du respect du règlement 1260/2001 jusqu'à son terme.

3.2

Le CESE demande donc que le nouveau règlement sur le sucre ne s'applique au plus tôt qu'à partir du 1er juillet 2006. Une autre façon de procéder serait, avec raison, considérée par les groupes professionnels concernés et les nouveaux États membres comme une rupture du principe de la confiance légitime.

3.3

Le CESE constate que la proposition de la Commission laisse finalement ouverte la question de la façon de continuer l'OCM au-delà de 2008 alors que le secteur betterave-sucre a besoin de prévisibilité pour les restructurations et investissements nécessaires. Il demande donc à la Commission de proposer un règlement allant du 1er juillet 2006 au 30 juin 2012, ce qui correspond à l'échéance de la PAC rénovée.

3.4

Le CESE est d'avis que la Commission n'a pas donné de justification à la baisse massive des prix institutionnels (de 33 % pour le sucre et de 37 % pour les betteraves, en deux étapes). Or, il ressort de calculs vérifiables qu'une baisse de 20 % au maximum serait suffisante pour faire face aux nouvelles contraintes à attendre de l'OMC. Le CESE souhaite que la Commission s'en tienne à ce chiffre. Il demande par ailleurs à la Commission de tenir compte du souhait des PMA de négocier des quotas préférentiels car ceci allègerait considérablement, dans les années ultérieures, la pression sur le marché du sucre européen et offrirait aux PMA des conditions d'exportation satisfaisantes.

3.5

Le CESE dénonce la faiblesse des instruments de gestion du marché proposés par la Commission en remplacement de l'intervention. Il est en effet prévisible que le stockage privé et le report obligatoire ne permettront pas d'assurer que le prix de marché respecte le prix de référence.

3.6

Le CESE prend note de la proposition faite par la Commission de compenser une partie des pertes de revenus agricoles par une aide compensatoire. Il souligne cependant qu'une moindre baisse de prix ou la limitation de la baisse à la seule première étape permettrait de combiner économie budgétaire et augmentation du taux de compensation, tout en n'excédant pas les ressources financières disponibles. Il s'interroge sur la façon de répartir de manière juste et pratique les enveloppes nationales pour s'assurer que l'aide atteint bien les agriculteurs confrontés à la baisse ou à la perte de recettes betteravières. Sur le modèle des recommandations formulées pour le secteur laitier dans le cadre de la réforme de la PAC adoptée en 2003, il conviendrait de prendre en considération, pour la répartition des aides compensatoires, du volume de référence qui avait été octroyé à l'agriculteur pour les deux dernières années précédant l'entrée en vigueur du nouveau règlement. Il insiste sur la nécessité d'assurer la durabilité de telles aides et la préservation du budget sucre.

3.7

Le CESE estime que, si des baisses de quotas s'avéraient nécessaires, elles devraient être limitées au strict nécessaire et s'appliquer au sucre et à ses concurrents soumis au régime des quotas dans les mêmes proportions. L'augmentation du quota d'isoglucose proposée par la Commission est à cet égard injuste, car il conduit la Commission à augmenter sa proposition de baisse de quotas sucre au détriment des planteurs de betteraves et de l'industrie sucrière.

3.7.1

Le CESE pense qu'une décision sur l'étendue nécessaire de chaque baisse éventuelle de quota ne devrait être prise qu'après une étude détaillée de la Commission, prenant en compte les déficits structurels et arrêts éventuels de production de sucre du quota ainsi que les effets que les accords OMC en attente et le résultat que l'appel du groupe spécial de l'OMC auront sur les productions de sucre du quota et hors quota et sur les flux de commerce du sucre entre l'Union européenne et les pays tiers.

3.7.2

Le CESE est d'avis que les États membres doivent disposer d'une marge de manœuvre suffisante pour gérer en interne les réductions de quotas, aussi bien pour le sucre que pour les betteraves, en respectant les intérêts de toutes les parties concernées, en fonction de critères tels que l'équité et le bénéfice social. Il demande donc à la Commission de veiller à ce que cette possibilité soit spécifiée dans les propositions de réforme et dans les textes réglementaires.

3.8

L'abandon de la restitution à la production pour la fourniture du sucre du quota aux industries chimiques et pharmaceutiques aurait également un effet négatif sur le niveau des quotas sucre et introduirait un facteur de risque sur les conditions futures d'approvisionnement en sucre de ces industries. Le CESE demande donc que l'on s'en tienne aux règlements actuellement en vigueur.

3.9

Le CESE estime que les transferts de quotas, notamment transfrontaliers, pourraient conduire à empêcher la poursuite d'une culture betteravière rentable dans de nombreuses régions, avec des effets économiques dommageables pour les familles betteravières et les emplois concernés, des effets écologiques négatifs au niveau de la rotation des cultures ainsi que des effets négatifs sur les marchés agricoles des cultures de remplacement. Le CESE demande que la gestion des quotas reste soumise au contrôle des États membres et que toutes les décisions de restructuration fassent préalablement l'objet d'un accord interprofessionnel.

3.9.1

Plutôt qu'un commerce des quotas, le CESE estime que la Commission devrait étudier la mise en place d'un fonds européen de restructuration de l'industrie sucrière qui, tenant compte notamment des besoins de reconversion des agriculteurs et des salariés de l'industrie, indemniserait au début du règlement les quotas rendus disponibles, après accord interprofessionnel entre le fabricant de sucre et les planteurs de betteraves concernés, et réduirait d'autant le besoin de diminution des quotas.

4.   Conclusions

4.1

Le CESE reconnaît la nécessité d'adapter l'OCM du sucre mais il estime que les propositions de réforme vont trop loin et que leur mise en œuvre se traduirait par des répercussions considérables sur le secteur sucrier européen, notamment sur l'emploi. Il est au regret de constater que les propositions ne sont pas suffisamment motivées et que leurs effets n'ont pas fait l'objet d'une évaluation suffisante comme cela s'imposait.

4.2

Il demande que la date d'entrée en vigueur du nouveau règlement soit repoussée au 1er juillet 2006 et que les agriculteurs en soient avertis rapidement pour pouvoir confirmer leurs assolements de 2005.

4.3

Il estime que le règlement doit couvrir une période de six ans au moins pour offrir une perspective suffisante au secteur.

4.4

Il demande que, comme le souhaitent les PMA, l'Union négocie des quotas d'importation de sucre PMA. Il convient en tout état de cause d'interdire la pratique du Swap et d'établir des critères de durabilité sociale et environnementale ainsi que de souveraineté alimentaire à respecter pour accéder au marché communautaire.

4.5

Il demande la fixation rapide des quotas d'importation des Balkans.

4.6

Il estime que l'ampleur des adaptations de prix et de quotas de production doit être strictement limitée aux engagements internationaux et s'appliquer de manière égale à tous les édulcorants (sucre et ses concurrents soumis au régime des quotas). Le sucre doit être traité en tant que produit sensible dans le cadre des négociations de l'Agenda de Doha pour le développement (ADD).

4.7

Il recommande le maintien du régime d'intervention comme instrument de garantie de prix.

4.8

Le CESE signale que le prix du produit (betterave) doit tenir compte des coûts de production supportés par les agriculteurs. Il prend note des propositions de compensation partielle des planteurs pour les pertes de revenu résultant de la baisse du prix de la betterave. Il demande que cette compensation soit augmentée dans la mesure du possible. Il insiste sur la nécessité d'assurer la durabilité des aides et de préserver le budget sucre.

4.9

Il demande la poursuite des dispositions en vigueur pour la fourniture de sucre du quota aux industries chimiques et pharmaceutiques.

4.10

Il estime que la Commission ne doit pas fuir ses responsabilités mais mettre sur pied un vrai plan de restructuration de l'industrie sucrière européenne respectant les intérêts des fabricants de sucre, des planteurs de betteraves et des salariés concernés.

4.11

Il interroge la Commission sur ses intentions à l'égard des productions de sucre hors quota.

Bruxelles, le 15 décembre 2004.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  ACP: pays en développement d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique signataires du protocole sucre de la Convention de Cotonou.

(2)  Le stockage privé permet de retirer temporairement du marché un certain tonnage de sucre sans diminution de quota. Le report obligatoire est le stockage et le transfert d'un certain tonnage de sucre du quota de la campagne n à la campagne n+1 avec réduction correspondante des quotas de la campagne n+1.

(3)  Le règlement 1265/2001 prévoit le versement d'une restitution à la production (aide visant à réduire l'écart entre le prix d'intervention du sucre et le prix mondial) pour les tonnages de sucre et d'isoglucose du quota utilisés dans les industries chimiques et pharmaceutiques (environ 400 000 tonnes/an).

(4)  JO C 116 du 20 avril 2001, pp. 113-115, Avis du Comité sur la proposition de règlement du Conseil portant organisation commune des marchés dans le secteur du sucre: «Le Comité demande par ailleurs à être associé aux études que la Commission veut engager pour analyser notamment les critiques faites à l'OCM Sucre, la concentration dans l'industrie agroalimentaire et la transmissibilité des changements de prix entre le producteur et le consommateur».

(5)  Conclusion de la présidence: SN 400/97, page 14 du 13 décembre 1997.

(6)  Dans le cas visé «vente de sucre brésilien à un pays moins avancé, consommation de ce sucre brésilien dans le PMA en cause en substitution de sucre indigène et vente à l'Union Européenne de la quantité de sucre de ce PMA ainsi substituée».

(7)  Voir la communication COM(2004) 499 final, début point 3.2 «Répercussions économiques».

(8)  «Déclaration de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail», Conférence internationale du travail, 86e session, Genève, juin 1998.


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