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Document 52004AE0108

Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Conseil portant création d'une Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures» (COM(2003) 687 final - 2003/0273 CNS)

JO C 108 du 30.4.2004, p. 97–100 (ES, DA, DE, EL, EN, FR, IT, NL, PT, FI, SV)

30.4.2004   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 108/97


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Conseil portant création d'une Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures»

(COM(2003) 687 final - 2003/0273 CNS)

(2004/C 108/20)

Le 8 décembre 2003, le Conseil a décidé, conformément à l'article 262 du Traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

Le Comité économique et social européen a décidé de nommer M. PARIZA CASTAÑOS rapporteur général pour l'élaboration de cet avis.

Lors de sa 405ème session plénière des 28 et 29 janvier 2004 (séance du 29 janvier 2004), le Comité économique et social européen a adopté l'avis suivant par 75 voix pour, 1 voix contre et 3 abstentions.

1.   Résumé du contenu de la proposition de règlement

1.1

Le plan pour la gestion des frontières extérieures des États membres de l'Union européenne approuvé par le Conseil, le 13 juin 2002, a entériné la création d'une instance commune de praticiens des frontières extérieures dans le cadre du comité stratégique sur l'immigration, les frontières et l'asile (CSIFA) aux fins de la gestion intégrée des frontières extérieures.

1.2

Dans ses conclusions concernant la gestion efficace des frontières extérieures des États membres de l'UE du 5 juin 2003, le Conseil a appelé au renforcement de l'instance commune comme groupe de travail du Conseil par des experts détachés par les États membres auprès du secrétariat général du Conseil.

1.3

Lors de sa réunion des 19 et 20 juin 2003, le Conseil européen de Thessalonique a entériné les conclusions susmentionnées du Conseil du 5 juin 2003 et a invité la Commission à examiner la nécessité de créer de nouveaux mécanismes institutionnels, y compris la création éventuelle d'une structure opérationnelle communautaire, afin de renforcer la coopération opérationnelle en matière de gestion des frontières extérieures.

1.4

Dans les conclusions du Conseil européen des 16 et 17 octobre 2003, le Conseil européen s'est félicité que la Commission envisage de présenter une proposition en vue de la création d'une Agence pour la gestion des frontières extérieures. La proposition de règlement du Conseil à l'examen, portant création d'une Agence européenne de gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures, répond à l'invitation du Conseil européen. Elle tient compte des expériences de coopération entre États membres dans le cadre de l'instance commune à la place de laquelle l'Agence coordonnera la coopération opérationnelle.

1.5

Depuis l'intégration de l'acquis de Schengen dans le cadre de l'Union européenne, il existe déjà des règles communes en matière de contrôle et de surveillance des frontières extérieures au niveau communautaire. Ces règles communes sont appliquées à un niveau opérationnel par les autorités nationales compétentes des États membres qui appartiennent à l'espace sans frontières intérieures. L'objectif du présent règlement consiste donc à optimiser la mise en oeuvre de la politique communautaire en matière de gestion des frontières extérieures en améliorant la coordination de la coopération opérationnelle entre les États membres par la création d'une Agence.

1.6

Les tâches principales de l'Agence consistent notamment à:

coordonner des opérations conjointes et des projets pilotes entre États membres, ainsi qu'entre eux et l'UE, afin d'améliorer le contrôle et la surveillance des frontières extérieures de l'UE;

fournir une formation au niveau européen pour les formateurs nationaux de gardes-frontières des États membres, et une formation complémentaire destinée aux agents des administrations nationales compétentes;

effectuer des évaluations des risques générales ou spécifiques;

suivre de près l'évolution de la recherche en matière de contrôle et de surveillance des frontières extérieures de l'UE et mettre ses connaissances techniques à disposition de la Commission et des États membres;

se charger de la coordination entre États membres en matière d'éloignement de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier dans les États membres;

assister les États membres confrontés à une situation exigeant une assistance opérationnelle et technique renforcée pour le contrôle et la surveillance des frontières extérieures de l'UE;

gérer l'équipement technique des États membres (listes communes des équipements et acquisition de nouveaux équipements mis à disposition des États membres).

1.7

L'Agence coordonne les propositions d'opérations conjointes et de projets pilotes faites par les États membres. L'Agence peut elle-même prendre ses propres initiatives en collaboration avec les États membres. Pour l'organisation des opérations conjointes, l'Agence peut créer des bureaux spécialisés dans les États membres.

1.8

S'agissant de l'organisation et de la coordination des opérations de retour conjointes, l'Agence fournira aux États membres l'assistance technique nécessaire, par exemple en mettant en place un réseau de points de contact à cet effet, en gérant un inventaire actualisé des ressources et installations existantes et disponibles ou en établissant des lignes directrices et des recommandations spécifiques relatives aux opérations de retour conjointes.

1.9

L'Agence peut aider les États membres confrontés à une situation exigeant une assistance opérationnelle et technique renforcée à leurs frontières extérieures en matière de coordination.

1.10

L'Agence peut cofinancer des opérations conjointes et des projets pilotes aux frontières extérieures par des fonds alloués sur son budget conformément à son règlement financier.

1.11

L'Agence est un organisme de la Communauté. Elle est dotée de la personnalité juridique; elle est indépendante en ce qui concerne les questions techniques. Elle est représentée par son directeur exécutif, nommé par le conseil d'administration.

1.12

Le conseil d'administration est composé de douze membres et de deux représentants de la Commission. Le Conseil nomme les membres ainsi que les suppléants qui les représenteront en leur absence. La Commission nomme ses représentants et leurs suppléants. La durée du mandat est de quatre ans. Ce mandat est renouvelable une fois. Le conseil d'administration arrête ses décisions à la majorité absolue de ses membres. Pour la nomination du directeur exécutif, la majorité des deux tiers des membres est requise.

1.13

L'Agence sera opérationnelle à partir du 1er janvier 2005; 27 postes de travail devraient être créés et elle disposera d'une dotation budgétaire de 15 millions d'euros pour 2005 et 2006.

1.14

L'article 66 du traité instituant la Communauté européenne, qui fait partie de l'acquis de Schengen, constitue la base juridique de la création de l'Agence. Le Royaume-Uni et l'Irlande, qui ne sont pas liés par l'acquis de Schengen, ne participent pas à l'adoption du présent règlement, qui ne les lie pas et ne leur est pas applicable. Le Danemark, conformément à son propre statut, décidera, dans un délai de 6 mois, s'il transpose cette décision dans son droit national.

2.   Observations générales

2.1

Le contrôle des frontières extérieures manque souvent d'efficacité. Les autorités compétentes des États membres ne sont pas en mesure de garantir que la totalité des ressortissants de pays tiers qui accèdent au territoire de l'espace Schengen respectent les procédures établies par les législations communautaire et nationale.

2.2

Dans divers avis, le CESE a demandé au Conseil d'accélérer ses travaux législatifs pour doter l'UE d'une législation et d'une politique communes en matière d'immigration et d'asile. Le Conseil ne tient cependant pas suffisamment compte de l'avis du Parlement et du Comité et la législation adoptée n'est pas adéquate pour que l'immigration dans l'UE se fasse en toute légalité et transparence. Dans divers avis (1), le CESE a signalé que l'une des principales causes d'immigration clandestine est l'absence d'une politique commune pour la gestion des flux migratoires par des voies légales, flexibles et transparentes. Dans son avis sur la «Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen concernant une politique commune en matière d'immigration clandestine» (2), le Comité affirme que le retard pris dans l'adoption de la législation communautaire rend difficile la gestion des flux migratoires au travers de voies légales.

2.3

Les personnes en situation irrégulière sont très vulnérables à l'exploitation dans le cadre du travail et à la marginalisation sociale car, bien qu'elles ne soient pas des personnes sans droits (3), elles subissent de manière particulièrement difficile de nombreux problèmes liés à leur situation. Dans son avis sur le thème «Immigration, intégration et emploi» (4), le CESE a déjà signalé que le travail au noir et l'immigration clandestine sont étroitement liés et qu'il convient donc d'agir en vue de la régularisation de la situation de ces personnes et de l'élimination du travail au noir.

2.4

Le CESE souhaite que l'efficacité accrue en matière de contrôle des frontières n'influe en rien sur le droit d'asile. En effet, nombreuses sont les personnes nécessitant une protection internationale qui arrivent aux frontières extérieures par des voies clandestines. Les autorités compétentes doivent garantir que ces personnes peuvent présenter leur demande de protection et qu'elle sera étudiée conformément aux accords internationaux et aux législations communautaire et nationale. Tant que les procédures administratives et judiciaires des demandeurs d'asile sont en cours, ces personnes ne peuvent être expulsées et doivent disposer de la protection adéquate.

2.5

Le manque d'efficacité en matière de contrôle aux frontières extérieures est souvent mis à profit par les réseaux criminels pour le trafic d'être humains. Ces réseaux ne craignent pas de mettre en grand danger des vies humaines pour augmenter leurs revenus illégaux. Dans son avis relatif au titre de séjour de courte durée délivré aux victimes de l'aide à l'immigration clandestine ou de la traite des êtres humains (5), le CESE signalait qu'il convenait que les autorités compétentes consacrent autant d'énergie à la protection des victimes, notamment les plus vulnérables (mineurs et victimes de la traite et de l'exploitation sexuelle), qu'à la lutte contre les réseaux criminels de trafic et d'exploitation des êtres humains.

2.6

Le CESE a déjà fait savoir, dans des avis précédents, que, pour une bonne gestion des frontières extérieures, il est nécessaire de mettre en place une étroite coopération entre les autorités de contrôle des frontières des États membres et d'obtenir la collaboration des pouvoirs publics des pays d'origine et de transit via les fonctionnaires de liaison.

2.7

Dans l'avis précité sur l'immigration clandestine (6), le CESE indique qu'il «tient à marquer son soutien à la proposition de la Commission en vue de la constitution d'un corps de gardes-frontières européen, avec des programmes d'études et de formation communs et une norme commune». Il ajoute: «À moyen terme, il faut faire avancer la création d'une école de gardes-frontières. Les contrôles des frontières doivent être effectués par des fonctionnaires spécialisés dans le traitement des personnes et ayant des connaissances techniques étendues». Le CESE s'est également montré favorable à la création d'un observatoire européen de l'immigration et d'un système d'alerte concernant l'immigration clandestine.

2.8

Dans le présent avis, le CESE adopte une position favorable à la création d'une Agence européenne de gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures, agence qui sera créée par le biais du règlement en question. L'agence et ses fonctionnaires n'auront aucun pouvoir exécutif ni aucune compétence pour définir des orientations politiques ou présenter des propositions législatives mais l'Agence permettra d'améliorer la coordination entre les autorités compétentes des États membres et engendrera une amélioration de l'efficacité en matière de contrôle des frontières extérieures. L'article 41 du projet de constitution de l'UE reconnaît l'importance de la coopération opérationnelle entre les autorités compétentes des États membres.

3.   Observations spécifiques

3.1

Parmi les principales tâches de l'Agence (art. 2), il convient d'inclure l'amélioration du traitement humanitaire des personnes et le respect des conventions internationales sur les droits de l'homme. Il est particulièrement important que l'efficacité en matière de contrôle aux frontières ne s'oppose pas au droit d'asile. Le programme de formation (art. 5) des gardes-frontières (auquel l'Agence doit participer) doit comporter une formation en droit humanitaire.

3.2

Il convient également d'inclure parmi les tâches de l'Agence la coordination avec les services de secours (notamment maritime) afin d'agir préventivement et d'assister les personnes qui se retrouvent en danger du fait du recours à des moyens risqués pour l'immigration clandestine. Il arrive que des actions policières maritimes occasionnent le naufrage de petites embarcations et la perte de vies humaines, ce qui peut être évité. Le premier devoir des gardes-frontières doit être l'assistance aux personnes en danger.

3.3

Il est prévu que l'Agence coordonne ou organise les opérations de retour (art. 9). À cet effet, elle peut utiliser les ressources financières de la Communauté. Le CESE rappelle que, dans son avis sur le Livre vert relatif à une politique communautaire en matière de retour des personnes en séjour irrégulier (7), il a fait savoir que «si la politique de retour forcé n'est pas assortie de mesures de régularisation, la proportion de la population en situation irrégulière se maintiendra à son niveau actuel, avec tout ce que cela suppose: encouragement de l'économie souterraine, exploitation de main-d'œuvre et exclusion sociale».

3.4

Le CESE partage l'avis de la Commission lorsqu'elle affirme que le retour volontaire doit être la solution privilégiée et que le retour forcé doit être considéré comme un second choix. Le Comité estime que les expulsions forcées sont une mesure extrême et doivent rester exceptionnelles. Le Comité s'appuie sur l'article II-19 du projet de constitution de l'UE («protection en cas d'éloignement, d'expulsion et d'extradition», de la Charte des droits fondamentaux de l'Union) qui interdit les expulsions collectives et précise que nul ne peut être éloigné, expulsé ou extradé vers un Etat où il existe un risque sérieux qu'il soit soumis à la peine de mort, à la torture ou à d'autres peines ou traitements inhumains ou dégradants.

3.5

Lors des opérations de retour, l'Agence doit garantir que les principes du droit humanitaire, et notamment du droit d'asile, sont respectés. L'Agence doit garantir que le principe de «non-refoulement» est appliqué aux personnes encourant des risques de persécution, de mauvais traitements ou des risques sérieux pour leur vie, dans le pays d'origine ou de transit.

3.6

En outre, dans son avis relatif à la reconnaissance mutuelle des décisions d'éloignement (8), le CESE a signalé que ne devraient pas faire l'objet d'une décision d'éloignement les personnes qui se trouvent dans l'une des situations suivantes:

lorsque le retour suppose une séparation familiale, s'il implique une séparation des enfants ou des ascendants;

lorsque le retour peut porter préjudice aux mineurs à leur charge;

lorsque la personne est atteinte d'une grave infirmité physique ou psychique;

lorsque la sécurité, la vie et la liberté de la personne sont sérieusement menacées, dans son pays d'origine ou dans le pays de transit.

3.7

Les organisations internationales (OIM, HCR des Nations-Unies, Croix-Rouge, etc.) peuvent participer aux opérations de retour.

3.8

Le règlement (art. 17) prévoit que le conseil d'administration rédigera chaque année un rapport général qu'il transmettra au Parlement, à la Commission et au Comité économique et social européen. Le CESE demande à l'Agence de le tenir informé de ses activités. Le Comité se réserve le droit d'émettre des avis et d'inviter le directeur de l'Agence à des réunions lorsqu'il le juge nécessaire.

3.9

Les membres du conseil d'administration (art. 18) doivent disposer des connaissances et de l'expérience adéquates et agir en toute indépendance vis-à-vis des gouvernements.

3.10

Le CESE est d'avis que, dans les trois ans suivant l'entrée en fonction de l'Agence (art. 29), il conviendra de réaliser une évaluation extérieure indépendante de son fonctionnement. Sur cette base, le conseil d'administration transmettra à la Commission les modifications qu'il juge nécessaires pour améliorer le fonctionnement de l'Agence. Le CESE souhaite émettre un avis sur les éventuelles modifications qui pourraient être apportées au règlement. Il souhaite également que le Parlement européen émette son propre avis.

Bruxelles, le 29 janvier 2004.

Le Président

du Comité économique et social européen

Roger BRIESCH


(1)  Voir l'avis du CESE sur la «Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen concernant une politique commune en matière d'immigration clandestine» - JO C 149 du 21.06.2002 et l'avis sur le thème «Immigration, intégration et emploi», adopté en session plénière le 11.12.2003.

(2)  Voir premier avis de la note 1.

(3)  Voir le même avis.

(4)  Voir second avis de la note 1.

(5)  Voir JO C 221 du 17.09.2002.

(6)  Voir l'avis cité en note 1, paragraphe 3.6.4.

(7)  Voir paragraphe 2.4 de l'avis publié au JO C 61 du 14.03.2003.

(8)  Voir JO C 220 du 16.09.2003.


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