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Document 52003AE1400

    Avis du Comite économique et social européen sur la "Proposition de décision du Conseil modifiant la décision 2002/834/CE arrêtant un programme spécifique de recherche, de développement technologique et de démonstration: Intégrer et renforcer l'espace européen de la recherche (2002-2006)" (COM(2003) 390 final — 2003/0151 (CNS))

    JO C 32 du 5.2.2004, p. 81–87 (ES, DA, DE, EL, EN, FR, IT, NL, PT, FI, SV)

    52003AE1400

    Avis du Comite économique et social européen sur la "Proposition de décision du Conseil modifiant la décision 2002/834/CE arrêtant un programme spécifique de recherche, de développement technologique et de démonstration: Intégrer et renforcer l'espace européen de la recherche (2002-2006)" (COM(2003) 390 final — 2003/0151 (CNS))

    Journal officiel n° C 032 du 05/02/2004 p. 0081 - 0087


    Avis du Comite économique et social européen sur la "Proposition de décision du Conseil modifiant la décision 2002/834/CE arrêtant un programme spécifique de recherche, de développement technologique et de démonstration: 'Intégrer et renforcer l'espace européen de la recherche' (2002-2006)"

    (COM(2003) 390 final - 2003/0151 (CNS))

    (2004/C 32/17)

    Le 25 juillet 2003, le Conseil, conformément à l'article 166 du traité, a décidé de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

    Le Bureau du Comité économique et social européen a décidé de charger la section spécialiste "Marché intérieur, production et consommation" de préparer les travaux du Comité en la matière.

    Compte tenu de l'urgence des travaux, le Comité, lors de sa 403e session plénière des 29 et 30 octobre 2003 (séance du 29 octobre), a désigné comme rapporteur général M. Wolf et a adopté l'avis suivant par 71 voix pour, 26 voix contre et 8 abstentions.

    1. Introduction et situation de départ

    La proposition de décision à l'examen a pour objet les règles strictes qui sont appelées à régir - dans le cadre du VIe programme-cadre de l'Union européenne en matière de recherche et de développement - l'étude du potentiel médical et biologique des cellules-souches prélevées sur des embryons humains "surnuméraires" (congelés).

    1.1. Les biosciences et la médecine constituent un aspect important du sixième programme-cadre de recherche, développement technologique et démonstration de la Communauté européenne. La priorité thématique du programme spécifique en question aborde d'entrée la question de l'utilisation des "Sciences de la vie, génomique et biotechnologie pour la santé"; l'on y trouve également des sujets tels que la "génomique avancée et ses applications pour la santé, les thérapies géniques somatiques, les thérapies cellulaires (en particulier avec des cellules-souches) et les immunothérapies". Le sixième programme-cadre décidé par le Conseil et le Parlement européen constitue la base juridique de la proposition de la Commission.

    1.2. Un financement communautaire de la recherche sur les cellules-souches utilisant les cellules-souches somatiques humaines et les cellules-souches embryonnaires (CSE) prélevées sur des embryons humains surnuméraires est prévu au point i) "Génomique avancée et ses applications pour la santé", paragraphe "Applications des connaissances et des technologies en génomique et biotechnologie pour la santé". L'on y lit notamment ce qui suit: "La recherche sera centrée sur: (...) la mise au point et l'expérimentation de nouveaux outils de prévention et de thérapie, tels que les thérapies géniques somatiques, les thérapies cellulaires (en particulier avec des cellules-souches, par exemple les thérapies concernant les troubles neurologiques et neuromusculaires) et les immunothérapies"(1).

    1.3. Le programme spécifique publié par le Conseil le 30 septembre 2002 permet le financement des activités de recherche utilisant les embryons humains et les cellules-souches embryonnaires prélevées sur des embryons humains, à l'exception des trois domaines suivants:

    - les activités de recherche ayant pour but le clonage humain à des fins reproductives (clonage reproductif);

    - les activités de recherche visant à modifier le patrimoine génétique d'êtres humains, qui pourraient rendre cette altération héréditaire (thérapie génique germinale)(2);

    - les activités de recherche destinées à concevoir des embryons humains uniquement à des fins de recherche ou en vue du prélèvement de cellules-souches, notamment par transfert de noyaux de cellules-souches somatiques (souvent dénommé clonage thérapeutique).

    1.4. Lors de la session du Conseil du 30 septembre 2002, le Conseil et la Commission sont convenus que "des dispositions d'application précises concernant les activités de recherche comportant l'utilisation d'embryons humains et de cellules-souches embryonnaires humaines seront définies d'ici le 31 décembre 2003". Dans l'intervalle, la Commission ne proposera pas de financer de telles recherches, à l'exception de projets prévoyant déjà l'utilisation de cellules-souches embryonnaires humaines mises en réserve dans des banques ou isolées en culture. Dans l'intervalle, la Commission ne devait pas proposer de financer de telles recherches, à l'exception de propositions de projets comportant l'utilisation de cellules-souches embryonnaires humaines mises en réserve dans des banques ou isolées en culture.

    1.5. Dès lors, afin de parvenir aux objectifs mentionnés au paragraphe 1.4, la Commission a élaboré la proposition à l'examen, intitulée "Proposition de décision du Conseil modifiant la décision 2002/834/CE arrêtant un programme spécifique de recherche, de développement technologique et de démonstration: 'Intégrer et renforcer l'espace européen de la recherche' (2002-2006)".

    1.6. La proposition de la Commission a été élaborée sur la base d'un séminaire interinstitutionnel de bioéthique qui a eu lieu le 24 avril 2003. Ce séminaire a été l'occasion d'une discussion et d'un échange de vues entre experts (des domaines scientifique, juridique et éthique) et représentants du Parlement européen, du Conseil, de la Commission, des États membres ainsi que des pays en voie d'adhésion et des pays candidats à l'adhésion. Les orientations proposées reposent toutefois également sur les principes définis par le Groupe européen d'éthique, en particulier les principes fondamentaux préconisés dans l'avis n° 15 intitulé "Aspects éthiques de la recherche sur les cellules-souches humaines et leur utilisation"(3).

    1.6.1. Les principes éthiques fondamentaux préconisés par le Groupe d'éthique sont les suivants:

    - le principe du respect de la dignité humaine;

    - le principe de l'autonomie individuelle (qui suppose l'obtention d'un consentement éclairé et la protection des données personnelles;

    - le principe de justice et de bienfaisance (notamment sous l'angle de l'amélioration et de la protection de la santé);

    - le principe de la liberté de la recherche (qui doit être conciliable avec les autres principes fondamentaux);

    - et le principe de proportionnalité (absence de méthodes de substitution adéquates compte tenu des objectifs scientifiques à atteindre).

    1.7. La proposition de la Commission porte dès lors sur un domaine de recherche qui suscite à la fois des espoirs considérables en termes d'applications médicales, mais soulève dans le même temps de profondes questions éthiques. La question du prélèvement de nouvelles lignées de cellules-souches sur des embryons humains surnuméraires est au centre de ce débat. La Commission, soucieuse de prendre en compte tant les attentes de la communauté scientifique que les réserves d'ordre éthique, propose de financer les activités de recherche correspondantes seulement sous certaines conditions strictes et restrictives.

    2. Contenu essentiel de la proposition de la Commission

    Le contenu essentiel de la proposition de la Commission figure à l'annexe I du document:

    "Pour pouvoir bénéficier d'un financement communautaire, les projets de recherche qui nécessitent le prélèvement de cellules-souches sur des embryons humains doivent également respecter les conditions suivantes:

    a) avant que les activités de recherche ne débutent, les participants doivent obtenir un avis éthique d'une instance locale ou nationale dans les pays où la recherche doit être menée;

    b) les embryons humains utilisés pour le prélèvement des cellules-souches doivent avoir été conçus avant le 27 juin 2002 par fécondation in vitro dans le cadre d'une procréation médicalement assistée, et ne plus être utilisés à cette fin;

    c) le projet doit servir des objectifs de recherche particulièrement importants, notamment faire progresser la recherche fondamentale ou améliorer les connaissances médicales pour mettre au point de nouvelles méthodes diagnostiques, préventives ou thérapeutiques utilisables chez l'homme;

    d) toutes les autres méthodes alternatives (incluant l'utilisation de lignées existantes ou de lignées de cellules-souches adultes) doivent avoir été examinées et démontrées être insuffisantes pour les objectifs de la recherche en question;

    e) le consentement exprès, libre et éclairé du ou des donneurs doit être obtenu par écrit conformément à la législation nationale, avant le commencement des activités de recherche;

    f) aucune compensation monétaire ou autre avantage en nature ne doit être accordé ou promis pour le don;

    g) la protection des données personnelles, y compris des données relatives au patrimoine génétique, du ou des donneurs doit être garantie;

    h) le cas échéant, les participants aux projets de recherche doivent appliquer les normes de qualité et de sécurité en ce qui concerne le don, le prélèvement et le stockage, conformément à l'état de la technique dans ces domaines, afin de garantir en particulier la traçabilité des cellules-souches.

    L'évaluation scientifique et l'examen éthique des propositions de projets, organisés par la Commission, comprennent une vérification de ces conditions. Les conditions énoncées aux points c) et d) sont vérifiées lors de l'évaluation scientifique.

    Les avis du Groupe européen d'éthique des sciences et des nouvelles technologies et en particulier ceux qui se rapportent à la recherche sur les cellules-souches embryonnaires humaines seront pris en considération.

    Les participants aux projets de recherche doivent faire tout leur possible pour mettre les lignées de cellules-souches embryonnaires humaines nouvellement obtenues à la disposition de la communauté scientifique à un coût excluant tout bénéfice à des fins de recherche.

    Une liste des projets de recherche impliquant l'utilisation de tous les types de cellules-souches embryonnaires humaines, qui sont financés au titre du sixième programme-cadre sera publiée annuellement par la Commission."

    3. Observations du Comité I: les aspects médicaux et scientifiques et le programme de recherche communautaire

    3.1. Le Comité a déjà eu l'occasion dans des avis antérieurs de se féliciter du succès de l'Espace européen de la recherche, lequel constitue un pas important vers la réalisation des objectifs de Lisbonne sur la voie de l'intégration et du déploiement du potentiel de la recherche européenne, et contribue à freiner l'émigration de la recherche et des chercheurs européens. Il est nécessaire à cet égard de donner à la recherche européenne toutes ses chances afin qu'elle puisse faire face à la concurrence internationale.

    3.2. Dans son avis sur le sixième programme-cadre, le Comité se félicitait expressément de toutes les actions thématiques proposées, y compris des priorités de recherche dont il est question dans le présent document. Un élément essentiel à cet égard est la recherche sur les cellules-souches.

    3.3. Les cellules-souches sont les précurseurs d'autres cellules, plus spécialisées; elles peuvent donner lieu à la formation de différents types de cellules spécialisées (multipotence). L'on connaît depuis longtemps les cellules-souches hématopoïétiques, que l'on utilise dans les traitements contre la leucémie et d'autres types de cancers.

    3.4. L'on connaît désormais également, pour de nombreux tissus, des cellules-souches tissulaires spécifiques. Dans le document de la Commission, elles sont désignées sous le nom de "cellules-souches somatiques" ou - le plus souvent - sous le nom de "cellules-souches adultes".

    3.5. Les cellules-souches possèdent - dans une mesure qui est encore inconnue - la capacité de produire différents types de cellules-souches en fonction des tissus environnants (plasticité). C'est ainsi que l'on a démontré que les cellules-souches hémopoïétiques se transformaient en cellules hépatiques, musculaires ou nerveuses. Ce potentiel de développement est l'une des raisons pour lesquelles les cellules-souches sont considérées comme prioritaires pour la thérapie cellulaire; des recherches sont menées dans ce domaine au niveau mondial.

    3.6. Le premier stade d'une cellule-souche dans le développement de l'organisme est la fécondation de l'ovule. Les divisions cellulaires ultérieures conduisent au cours des 4 ou 7 jours suivant la fécondation à ce que l'on appelle des blastocystes. Le blastocyste comporte deux groupes de cellules, une couche cellulaire extrêmement spécialisée (le trophoblaste) et une masse cellulaire interne (l'embryoblaste). Cet embryoblaste est composé de cellules-souches pluripotentes (cellules-souches embryonnaires, cellules ES) qui sont les précurseurs de toutes les cellules des stades ultérieurs de développement de l'organisme.

    3.7. Les cellules-souches embryonnaires prélevées sur des animaux - surtout celles de la souris - font depuis longtemps l'objet de recherches en biologie du développement et en biologie cellulaire. À la différence des cellules-souches spécialisées (les cellules "tissulaires"), elles ont la capacité de se multiplier à l'identique au cours de cycles de division cellulaire et peuvent être mises en culture (lignées cellulaires), ce qui n'est en général pas possible avec les cellules-souches tissulaires spécifiques (ou bien alors avec de grandes difficultés et pour une période extrêmement courte).

    3.8. Les cellules-souches embryonnaires ne peuvent être produites qu'à partir de blastocystes, c'est-à-dire à partir d'embryons précoces, entre le quatrième et le septième jour de leur développement.

    3.8.1. La production de blastocystes est une procédure de routine de la médecine reproductive: fécondation in vitro (FIV). Elle est utilisée depuis longtemps, notamment dans l'élevage d'animaux de rapport pour l'agriculture.

    3.8.2. En médecine humaine, la première naissance à l'aide de la fécondation in vitro (FIV) remonte à 1978. Cette procédure a certes donné lieu à ses débuts à de vives controverses, mais elle a été depuis introduite dans tous les pays développés.

    3.8.3. Dans la plupart des pays, la fécondation in vitro est réglementée par des dispositions et des restrictions de droit général ou de droit de l'état civil. Elle peut, dans certains cas, aider des couples qui autrement seraient stériles à avoir une descendance, et constitue une bénédiction pour les intéressés.

    3.8.4. Cette procédure donne lieu tout d'abord à la production de plusieurs embryons (six par exemple) dont - par exemple - trois sont implantés dans l'utérus lors de la première tentative, alors que les autres embryons, dits "surnuméraires"(4) sont congelés pendant quelques années en vue d'une éventuelle utilisation ultérieure; l'on arrive ainsi à en conserver une grande partie au cours de cette période pour une implantation éventuelle.

    3.8.5. En fonction des projets parentaux et des possibilités médicales, il arrive inévitablement que soient produits des embryons "surnuméraires" pour lesquels n'existe aucune possibilité d'implantation/nidation (condition requise pour le développement de la vie humaine).

    3.9. Depuis 1998, l'on produit et l'on cultive en lignée cellulaire des cellules-souches embryonnaires humaines (CSEH). Depuis lors, de nombreuses équipes de chercheurs ont réussi à produire des CSEH.

    3.10. L'intensité de la recherche sur et avec les CSEH s'est considérablement accélérée depuis cette date, principalement pour trois raisons.

    3.10.1. En médecine humaine, une intervention thérapeutique à l'aide de cellules-souches, qui n'est pratiquée à ce jour qu'en hématologie et en oncologie (et uniquement avec certaines cellules-souches tissulaires), est possible pour un grand nombre de maladies graves largement répandues. Les bénéfices, en cas de succès (que ce soit du point de vue thérapeutique, humain ou économique) seraient extraordinaires.

    3.10.2. Une telle perspective suppose toutefois de clarifier un certain nombre de questions dans le domaine de la biologie des cellules-souches.

    3.10.3. Un grand nombre des questions fondamentales qui se posent actuellement dans le domaine de la biologie des cellules-souches pourraient être résolues à l'aide de cellules-souches embryonnaires (CSE) animales.

    3.10.4. Il existe toutefois des questions décisives relatives à l'utilisation thérapeutique pour le traitement de maladies humaines, auxquelles seule l'utilisation de cellules-souches humaines permettra d'apporter une réponse.

    3.10.5. En ce qui concerne l'utilisation thérapeutique en vue de la guérison de maladies humaines, de nombreuses questions pourraient également être clarifiées à l'aide de cellules-souches tissulaires (cellules-souches adultes).

    3.10.6. Dans l'état actuel des connaissances, il existe toutefois certaines questions décisives qui ne peuvent être résolues qu'en recourant à l'utilisation de CSEH.

    4. Observations du Comité II: aspects éthiques et juridiques

    4.1. Les blastocystes sont des embryons âgés de 4 à 7 jours, composés d'environ 200 cellules, ayant atteint un stade de différenciation (en trophoblaste et embryoblaste). Il ne survivent généralement pas au prélèvement des CSE. La production de CSE cause par conséquent la destruction d'embryons humains vieux de quelques jours.

    4.2. Ces embryons ne sont pas encore des foetus(5) mais de petites boules comportant quelque 200 cellules. Les lignées CSEH décrites dans les ouvrages scientifiques sont générées à partir des embryons produits dans le cadre d'une fécondation in vitro et dont l'utilisation à des fins de procréation médicalement assistée a été définitivement écartée (les embryons dits "surnuméraires").

    4.3. Ces embryons surnuméraires sont entreposés et congelés dans des institutions prévues à cet effet et situées dans toute l'Europe; ils sont ensuite détruits conformément aux dispositions en vigueur dans le pays concerné.

    4.4. La question se pose toutefois de l'autorisation de tuer ces embryons produits par FIV(6) - de toute façon sans potentialité de vie - afin de produire des lignées de cellules-souches.

    4.5. Les aspects éthiques de cette question sont dès lors indissociables de la question centrale: peut-on envisager - et si oui, selon quels critères - de soumettre une vie humaine potentielle à un objectif fixé de l'extérieur - même s'agissant d'embryons "surnuméraires" destinés à une mort certaine?(7)

    4.6. Ces questions font l'objet de vifs débats conduisant à des résultats extrêmement différents, que ce soit dans tous les pays où l'on produit des lignées de CSEH ou dans de nombreux autres, où cette activité n'est pas pratiquée. Les dispositions juridiques adoptées révèlent, s'agissant des principes essentiels, un niveau élevé de consensus mais également, sur des points de détails importants, de grandes divergences. Ces constatations valent pour le monde entier - et aussi, singulièrement, pour les États membres de l'Union européenne.

    4.7. L'hétérogénéité des positions des États membres reflètent en partie aussi des divergences d'approche entre les citoyens et les différents groupes sociaux au sein même des États membres; différentes dispositions juridiques ont été adoptées dans le cadre de processus démocratiques qui reflètent les opinions majoritaires dans les États membres.

    4.8. Ces dispositions révèlent aussi la diversité des opinions quant à la question de savoir à quel stade du développement d'un embryon humain la vie humaine commence à s'individualiser.

    4.8.1. Les avis sont partagés:

    - d'aucuns estiment que ce processus commence dès la fusion entre les ovules et le sperme (ou les noyaux cellulaires de ce dernier);

    - d'autres le situent au moment de la nidation/implantation(8) et(9) dans l'utérus;

    - pour d'aucuns, ce processus ne commence que lors de la phase de gastrulation(10) (constitution de la ligne primitive entre le 12e et le 15e jour de l'évolution de l'embryon);

    - pour d'autres encore, il s'agit d'un processus de longue durée que l'on ne peut apprécier de manière exacte et pour lequel il est dès lors nécessaire de fixer un seuil arbitraire, par exemple à partir de 12 semaines(11) après la nidation (s'agissant de déterminer le passage de l'état d'embryon à celui de foetus).

    5. Observations du Comité III: aspects de politique européenne et obligations internationales

    5.1. Compte tenu de la diversité des opinions dans la société civile et de la diversité des situations juridiques des États membres, la Commission estime qu'il est presque inévitable et donc politiquement raisonnable de tenter d'élaborer et de proposer une législation communautaire mesurée et plutôt restrictive sur cette question sensible mais importante, étant donné les enjeux.

    5.2. À cet égard, la proposition de la Commission ne comporte aucune disposition communautaire contraignante pour les États membres, mais un éventuel cadre de recherche, c'est-à-dire la fixation de limites dans lesquelles la Commission peut - dans le cadre du sixième programme-cadre - promouvoir les projets de recherche portant sur des cellules-souches issues d'embryons humains.

    5.3. Au niveau européen, et à l'invitation de la Commission, les aspects éthiques et juridiques de la recherche sur les cellules-souches ont fait l'objet de vives discussions - la dernière fois en février 2003; ces discussions ont débouché sur la proposition à l'examen.

    5.4. Le Comité respecte l'attitude des citoyens et de ceux de ses membres qui refusent, pour des raisons éthiques, toute production de lignées de cellules-souches d'embryons humains dans le cadre de la fécondation in vitro issus d'embryons humains surnuméraires, et qui rejettent dès lors la proposition de la Commission.

    5.5. Globalement, le Comité, ayant toutefois soigneusement examiné tant les principes éthiques que les chances éventuelles de guérison, juge la proposition de la Commission (voir citation reproduite dans le présent document au point 2) équilibrée et réfléchie, bien qu'elle limite inévitablement et - malheureusement - de manière considérable les possibilités et les perspectives pour la recherche.

    5.6. À cet égard, le Comité part du principe que la réglementation proposée est compatible avec la Charte des droits fondamentaux de l'Union. Il se fonde également sur le fait que les cas indiqués à l'article II - 3, paragraphe 2, alinéas b), c) et d) sont explicitement exclus de la proposition de la Commission et de la décision du Conseil.

    5.7. Cette démarche s'applique donc à toutes les dispositions figurant dans la proposition de la Commission - de a) à h). La proposition se concentre sur le point - très controversé lors des délibérations du Conseil - de la production de nouvelles lignées de cellules-souches issues d'embryons humains et formule dès lors des critères (alinéas a) à h)) et des procédures (paragraphes 2 à 5), dont on trouvera ci-après le détail:

    a) le Comité se félicite de l'obligation d'obtenir un avis éthique d'une instance locale ou nationale(12); en effet, cette obligation est conforme à la pratique internationale en la matière. De même, il y a lieu de se féliciter de l'importance qui est ainsi accordée à la législation et aux dispositions juridiques en vigueur dans les États membres;

    b) la génération de nouvelles lignées de cellules-souches est limitée aux embryons humains conçus avant le début du sixième programme-cadre de R& D dans le cadre d'une fécondation in vitro en vue d'une procréation médicalement assistée (PMA) et qui ne sont plus destinés à cette fin - c'est-à-dire aux embryons "surnuméraires". Cette réglementation correspond au consensus juridique existant dans les pays où la production de lignées CSEH et/ou l'utilisation de lignées existantes est/sont réglementée(s) par la loi. Cette date empêche une éventualité invraisemblable, mais imaginable: la production d'embryons humains à des fins de recherche (une éventualité d'ores et déjà exclue par le sixième programme-cadre de R& D, et qui n'est autorisée qu'au Royaume-Uni sous certaines conditions);

    c) l'exigence selon laquelle le projet doit servir des objectifs de recherche particulièrement importants est conforme à la législation internationale en la matière;

    d) de même, l'exigence selon laquelle toutes les autres méthodes alternatives (incluant l'utilisation de lignées existantes ou de lignées de cellules-souches adultes) doivent avoir été examinées et démontrées être insuffisantes pour les objectifs de la recherche en question correspond aux normes internationales; cela n'est bien évidemment possible que lorsque l'état des connaissances scientifiques le permet et ne doit pas retarder de manière inadéquate la prise de décisions;

    e) l'exigence faisant mention de la nécessité d'un consentement exprès du ou des donneur(s) est relativement courante dans la pratique internationale; elle est de plus conforme à la pratique en matière de dons d'organes;

    f) le Comité se félicite de l'exclusion de toute compensation(13) monétaire ou avantage en nature, qui est également conforme à la pratique juridique internationale;

    g) de même, étant donné le contexte, la protection des données personnelles va bien entendu de soi;

    h) l'exigence relative à l'application des normes de qualité, de sécurité et de traçabilité se fonde sur l'état de la législation et des connaissances pour les travaux ayant recours à des matériaux biologiques provenant de patients et de sujets d'expérience. Elle est également importante dans la perspective de la création de banques de cellules-souches, mentionnée au point 5.4.3 du présent document.

    5.8. Les paragraphes qui font suite à l'alinéa h) (ci-après dénommés "paragraphes 2 à 5") réglementent la procédure visant à garantir les critères précités et touchent à certains aspects de l'exposé des motifs.

    5.8.1. Le paragraphe 2 comporte une répartition judicieuse des compétences pour l'examen et l'évaluation des critères mentionnés aux alinéas a) à h). Seule l'évaluation scientifique permettra de se prononcer sur l'importance des objectifs de la recherche et sur la question de savoir si ces objectifs peuvent être atteints uniquement en utilisant des lignées de CSEH. En revanche, les alinéas a) et b) et e) à h) ne traitent que de critères de forme, qu'il y a lieu d'examiner du point de vue administratif selon des dispositions harmonisées. Le non-respect de l'un de ces critères exclut tout financement du projet.

    5.8.2. Le paragraphe 3 fait référence aux avis du Groupe européen d'éthique des sciences et des nouvelles technologies. Cette disposition peut aider à la prise en compte de l'état des connaissances dans le domaine de la recherche sur les cellules-souches - un domaine qui connaît une évolution extrêmement rapide.

    5.8.3. Le paragraphe 4 formule le principe selon lequel les lignées de cellules-souches embryonnaires humaines nouvellement obtenues doivent être mises à la disposition de la communauté scientifique à un coût excluant tout bénéfice à des fins de recherche. De l'avis du Comité, il est très important à cet égard que la Commission manifeste son intention de contribuer "à la constitution de banques publiques de cellules-souches et à leur mise en réseau au niveau européen". Ce point de vue est étayé par des réflexions de la Fondation européenne pour la recherche.

    5.8.4. La normalisation constitue une valeur ajoutée sur le plan communautaire. Elle est une condition préalable importante et une base sûre pour l'avenir de la recherche; elle est de l'intérêt de l'Europe et du monde en général et réduit le nombre des embryons nécessaires à la production des cellules-souches.

    5.8.5. Les nouvelles lignées CSEH produites avec le soutien du sixième programme-cadre seraient ainsi déposées dans une banque publique de cellules-souches.

    5.8.6. Cela permettrait de contourner les restrictions relatives à l'utilisation du fait du dépôt de brevet des lignées de cellules-souches existantes.

    5.8.7. Le paragraphe 5 recueille également l'approbation du Comité; la Commission s'engage à publier une liste des projets (mais non des personnes!) auxquels elle apporte son soutien et impliquant l'utilisation de cellules-souches humaines.

    6. Observations du Comité IV: cas des États membres ayant une position juridique particulière

    6.1. Les systèmes des États membres sont très hétérogènes. Tous ne légifèrent pas expressément sur la recherche sur les cellules-souches. Certains États membres ont une législation plus libérale que la proposition de la Commission, d'autres sont plus restrictifs. Le processus est encore en cours.

    6.2. C'est pourquoi, lorsque les projets de recherche en matière de cellules-souches excèdent la marge de manoeuvre prévue dans la proposition de la Commission (c'est-à-dire lorsqu'ils ne se limitent pas aux lignées de cellules-souches dont l'utilisation est autorisée dans tous les États membres), les institutions scientifiques des États membres dont la législation est plus restrictive sont exclues de toute participation aux programmes de recherche en question et ne peuvent dès lors prétendre à aucun financement.

    6.3. À contrario, les institutions scientifiques des pays dont la législation est plus libérale ne peuvent prétendre à une aide financière que si elles se soumettent, dans leurs activités de recherche, aux conditions fixées par la proposition de la Commission.

    6.4. Cette situation n'est certes pas satisfaisante: d'une part parce que tous les États membres contribuent au budget de la Communauté et donc aux moyens financiers utilisés pour financer la recherche, d'autre part parce de telles mesures limitent le potentiel de l'espace européen de recherche dans la mesure où elles excluent certains États membres (et par conséquent leurs institutions scientifiques) de la participation au réseau de programmes de recherche (et aux moyens de financement).

    6.5. De l'avis du Comité, ces mesures n'empêchent pas toutefois le Conseil, après avoir consulté le Parlement, de décider à la majorité qualifiée d'adopter la modification de la décision 2002/834/CE.

    6.6. Le fait que la Communauté ait son mot à dire en matière de financement ne lui permet toutefois pas de procéder à une harmonisation ou à un rapprochement des législations des États membres.

    6.7. Compte tenu de cette situation, le Comité formule les recommandations suivantes:

    6.7.1. La Commission devrait s'efforcer, lors de la mise en oeuvre du programme de recherche correspondant, de structurer les projets et les programmes de manière que les institutions exclues puissent néanmoins continuer à prendre part, dans la mesure du possible, à certaines parties ou sous-parties du programme lorsque la mise en oeuvre de leur contenu ne porte atteinte ni à la législation communautaire, ni à la législation de l'État membre en question.

    6.7.2. Les États membres concernés doivent s'efforcer, lorsqu'ils procéderont à la révision de leur législation nationale, de se rapprocher dans la mesure du possible des propositions de la Commission contenues dans le document à l'examen, cela dans le but d'arriver progressivement à une législation unifiée qui soit dans l'intérêt de la recherche et de la médecine européenne, compte tenu du degré élevé d'imbrication et de coopération au plan international. De l'avis du Comité, la proposition à l'examen constitue d'ores et déjà à cet égard un bon compromis.

    7. Résumé

    7.1. La proposition à l'examen remplit la mission fixée par le Conseil à la Commission au mois de septembre 2002. Elle permet de réglementer certains points des dispositions d'exécution du sixième programme-cadre de R& D, conformément aux voeux du Conseil.

    7.2. La proposition à l'examen porte sur une question difficile, mais très importante compte tenu des possibilités qu'elle recèle; elle adopte une approche modérée et plutôt restrictive, à mi-chemin entre les différentes législations des États membres; elle constitue dès lors un bon compromis entre les divers courants d'opinion.

    7.3. La réglementation proposée répond bien aux nécessités. Elle permet le financement de projets de recherche particulièrement importants, servant des objectifs capitaux dans les domaines de la médecine et de la biologie; elle privilégie les comportements allant dans le sens de la coordination et de la coopération internationale. Elle formule des critères et des procédures clairs et prend en considération les aspects éthiques et juridiques.

    7.4. Le Comité respecte la position des citoyens et de ceux de ses membres qui s'opposent pour des raisons éthiques à toute production de cellules-souches humaines à partir d'embryons surnuméraires et rejettent dès lors également la proposition de la Commission.

    7.5. Compte tenu de la diversité des points de vue, le Comité préconise toutefois - sous réserve des observations formulées ci-dessus - l'adoption de la proposition de la Commission.

    7.6. Le Comité appelle à nouveau la Commission à éviter d'exclure, lors de la mise en oeuvre des programmes scientifiques, des institutions scientifiques de haut niveau de certains États membres en structurant de manière appropriée les éléments des programmes.

    7.7. Il demande à nouveau aux États membres de veiller, lorsqu'ils procéderont à la révision de leur législation, à poursuivre le même objectif et à rechercher, sur cette question considérée généralement comme très délicate, un consensus susceptible d'élargir à l'avenir l'accord déjà atteint sur les questions essentielles, afin de parvenir à une législation unique qui recueille l'assentiment de tous les États membres (voir paragraphe 1.3).

    7.8. Le Comité préconise que les nouvelles lignées CSEH générées grâce au soutien du sixième programme-cadre soient entreposées dans une banque publique de cellules-souches.

    Bruxelles, le 29 octobre 2003.

    Le Président

    du Comité économique et social

    Roger Briesch

    (1) JO L 294 du 29.10.2002, p. 10.

    (2) Les activités de recherche relatives au traitement du cancer des gonades peuvent être financées.

    (3) http://europa.eu.int/comm/eur/european_group_ethics/index_euen.htm.

    (4) En Allemagne, il n'existe qu'un nombre limité d'embryons surnuméraires "véritables". En règle générale, les ovules - résultant d'un traitement hormonal préalable de la femme/future mère - qui ne sont pas prévus pour la première implantation après la pénétration des spermatozoïdes sont congelés lors de ce que l'on appelle le stade "pronucléus", c'est-à-dire la constitution d'un noyau cellulaire unique. Selon la terminologie en usage en Allemagne, il ne s'agit pas encore d'embryons. En revanche, il arrive que dans certains cas particuliers, tout ou partie des embryons prévus pour une première implantation ne soient pas implantés et soient ensuite congelés.

    (5) L'on désigne sous le nom de foetus un embryon à partir de 12 semaines de développement dans l'utérus.

    (6) La proposition à l'examen concerne exclusivement la production de lignées de cellules-souches à l'aide d'embryons surnuméraires produits par FIV, et non pas par des clones (somatic cell nuclear transfer SCNT) ni - objet de débats récents - de division des ovules sans fécondation (parthénogenèse)

    (7) Dans le cas des dons d'organes de personnes décédées à la suite d'un accident, cette question a généralement reçu une réponse positive de la part de l'opinion publique.

    (8) Certains auteurs (voir par exemple le Jahrbuch für Wissenschaft und Ethik, volume 7, 2002, page 165, Éditions Walter de Gruyt), désignent aussi les embryons existants antérieurs à la nidation (voire dans certains cas antérieurs à la gastrulation) sous le nom de "préembryons".

    (9) C'est la raison pour laquelle l'utilisation de contraceptifs empêchant la nidation (tels que les stérilets intra-utérins) n'est pas interdite.

    (10) Ulrich Steinworth, Jahrbuch für Wissenschaft und Ethik, volume 7, 2002, Éditions Walter de Gruyt. L'argument principal est ici que l'on peut exclure une grossesse multiple avant ce stade.

    (11) Dans certains États membres, ce dernier point joue également un rôle essentiel dans la législation sur l'avortement.

    (12) Le Comité s'interroge: cette mesure est-elle véritablement utile lorsque la législation nationale de l'État membre concerné ne l'exige pas?

    (13) Il existe là aussi une analogie avec les dons d'organes.

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