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Document 52002IE0362

Avis du Comité économique et social sur "Le futur de la PAC"

JO C 125 du 27.5.2002, p. 87–99 (ES, DA, DE, EL, EN, FR, IT, NL, PT, FI, SV)

52002IE0362

Avis du Comité économique et social sur "Le futur de la PAC"

Journal officiel n° C 125 du 27/05/2002 p. 0087 - 0099


Avis du Comité économique et social sur "Le futur de la PAC"

(2002/C 125/18)

Le 31 mai 2001, le Comité économique et social a décidé, conformément aux dispositions de l'article 23, paragraphe 3, de son règlement intérieur, d'élaborer un avis sur "Le futur de la PAC". Le 4 septembre 2001, le Parlement européen a décidé de consulter le Comité économique et social, conformément à l'article 262 dernier paragraphe du Traité instituant la Communauté européenne, sur le bilan intermédiaire de la PAC dans le cadre de l'Agenda 2000.

C'est sur la base de ces deux décisions que la section "Agriculture, développement rural, environnement", chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 4 mars 2002 (rapporteur: M. Ribbe, corapporteur: M. Geraads).

Lors de sa 389e session plénière des 20 et 21 mars 2002 (séance du 21 mars), le Comité économique et social a adopté le présent avis par 91 voix pour et 6 abstentions.

1. Observations préliminaires

1.1. La "Déclaration de Laeken" du Conseil européen du 15 décembre 2001 indique explicitement que l'Union européenne, qui a commencé par instaurer une communauté du charbon et de l'acier, à laquelle s'est ajoutée par la suite la Politique agricole commune (PAC), est une réussite. Le Comité souligne que la Politique agricole commune est la seule politique qui est menée et gérée au niveau communautaire. Elle occupe ainsi une place prépondérante dans la construction européenne. La déclaration de Laeken précise tout aussi clairement que l'Europe d'aujourd'hui est confrontée à de nouveaux défis, qui requièrent une autre approche que celle qui a été suivie dans les premières années.

1.2. Les dispositions de l'Agenda 2000 adopté en mars 1999 lors du Sommet de Berlin sont d'application jusqu'à fin 2006. La révision dite intermédiaire prévue pour 2002 et 2003 devrait simplement permettre d'adapter légèrement les règlements existants. Cela signifie que l'agriculture peut prétendre à un cadre réglementaire stable jusqu'à fin 2006.

1.3. Mais après 2006, la Politique agricole commune (PAC) devrait être remaniée. Le besoin d'apporter un certain nombre de modifications se fait toutefois sentir dès à présent, notamment au vu:

- du prochain élargissement de l'Union,

- des prochaines négociations à mener dans le cadre de l'OMC (sous une pression croissante en faveur de la libéralisation),

- des problèmes économiques, sociaux, écologiques et régionaux qui n'ont toujours pas trouvé de solution,

- de la discussion sur le développement durable et la mise en oeuvre du modèle agricole européen,

- du respect des exigences changeantes auxquelles est soumise l'agriculture.

1.4. Les événements survenus en 2000 et 2001 (tels que la crise de l'ESB, le scandale de la dioxine ou les images tragiques que l'on a pu voir à propos de la lutte contre l'épizootie de fièvre aphteuse) ont contribué à ouvrir un débat critique d'une ampleur et d'une intensité que la société n'avait encore jamais connues sur la manière dont sont pratiquées l'agriculture et la politique agricole.

1.5. Tant les enquêtes "Eurobaromètre" du printemps 2001 que les rapides sondages effectués en novembre 2000 à la demande de la Commission européenne montrent bien que la confiance des citoyens européens dans la politique agricole commune a été largement entamée. Il est vrai que l'origine de cette "crise de confiance" des consommateurs européens ne doit pas être d'abord recherchée auprès des agriculteurs mais plutôt dans les secteurs en amont par exemple, notamment le secteur des aliments pour animaux. Cependant, ce sont bien les agriculteurs qui sont les premières victimes de cette atmosphère de défiance qui gagne du terrain. Les agriculteurs risquent de plus en plus d'être mis en marge de la société.

1.6. Il faut rapidement remédier à cette situation. En effet, la clé du maintien d'une production de denrées alimentaires en quantité suffisante, de grande qualité et régionalement différenciée, pour la préservation des paysages culturaux divers et variés de l'Europe et le développement des zones rurales, réside dans le maintien et la poursuite du développement dans l'Union d'une agriculture paysanne(1) multifonctionnelle, basée sur les principes de la durabilité (le "modèle agricole européen"(2).

1.7. Le CES estime donc qu'il serait particulièrement judicieux de tirer parti du besoin de réforme qui se dégage du débat lancé au sein de la société mais aussi des nécessités politiques citées précédemment afin d'élaborer une politique porteuse d'avenir, c'est-à-dire une politique qui offre des perspectives aux agriculteurs et à toutes les parties concernées ou intéressées par l'agriculture. Il faut réussir à mobiliser l'intérêt croissant dont font preuve de nombreux citoyens et organisations envers le mode de production agricole pour ancrer solidement le "modèle agricole européen" dans les politiques communautaires et en faire une condition préliminaire à toute multifonctionnalité.

1.8. Cela signifie qu'il faut établir le plus rapidement possible un lien entre les diverses exigences qui se posent à l'agriculture pour éviter d'ouvrir à relativement court terme de nouvelles discussions sur le besoin de réforme de l'agriculture européenne. Les sempiternels débats "réformateurs" sont néfastes car ils entraînent inévitablement irritations, accès de mauvaise humeur et incertitudes au sein de la profession mais aussi de la société.

1.9. Le CES, en tant que représentant de la société civile organisée, est confronté comme nul autre organe aux diverses exigences posées à l'agriculture et aux débats que cela soulève. Il a donc décidé d'apporter dès à présent une contribution objective, dans la perspective de l'ouverture du débat sur la réforme, en élaborant un avis d'initiative. Cette contribution doit être approfondie par d'autres avis (par exemple sur l'OMC, l'élargissement ou des organisations spécifiques de marché). Le présent avis concerne essentiellement la réforme après l'expiration de l'Agenda 2000 et pas le prochain processus de révision intermédiaire.

1.10. Par le présent avis, le CES désire également répondre au souhait du Parlement européen, qui l'a invité à présenter sa position sur la PAC en général et sur le fonctionnement de l'Agenda 2000 en particulier.

2. 45 ans de PAC au fil du temps

2.1. Les fondements de la PAC dans le Traité

2.1.1. Le Traité instituant la Communauté européenne a fixé en 1957, dans l'ex-article 39, les objectifs qui étaient ceux de la politique agricole commune à l'époque, à savoir:

- accroître la productivité de l'agriculture,

- assurer ainsi un niveau de vie équitable à la population agricole,

- stabiliser les marchés,

- garantir la sécurité des approvisionnements,

- assurer des prix raisonnables dans les livraisons aux consommateurs.

2.1.2. Au fil des années, la nécessité d'adapter la PAC s'est fait sentir avec de plus en plus d'acuité, essentiellement pour des raisons financières et de politique du marché. Le monde politique a toujours réagi en conséquence.

2.1.3. Depuis, certains articles du Traité instituant la Communauté européenne ont pris une importance particulière pour la PAC, notamment:

- l'article 6 (intégrer les exigences de la protection de l'environnement dans les politiques communautaires, en particulier afin de promouvoir le développement durable),

- l'article 152 (assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine dans la définition et la mise en oeuvre de toutes les politiques de la Communauté),

- l'article 153 (assurer un niveau élevé de protection des consommateurs),

- l'article 158 (réduire l'écart entre les niveaux de développement au sein de la Communauté),

- l'article 174 (la politique de la Communauté dans le domaine de l'environnement, qui poursuit notamment les objectifs de la préservation, la protection et l'amélioration de la qualité de l'environnement, est fondée notamment sur les principes de précaution et d'action préventive ainsi que sur le principe du pollueur-payeur).

2.2. Les différentes phases de la PAC en fonction des différentes exigences

2.2.1. Au début de la PAC, l'augmentation de la productivité et des quantités produites par les exploitations agricoles fut au centre des préoccupations de la politique agricole et donc de ses instruments. Il s'agissait à l'époque en premier lieu d'assurer une production alimentaire suffisante, de favoriser la réforme structurelle qui s'imposait dans l'agriculture pour des raisons économiques, tout en libérant la main-d'oeuvre nécessaire au secteur industriel en pleine expansion et au secteur tertiaire. La PAC parvint à combler relativement vite l'insuffisance de l'approvisionnement dont la CEE de l'époque souffrait encore elle-aussi pour divers produits agricoles importants.

2.2.2. Les instruments essentiels auxquels l'UE fit appel portaient alors sur le soutien de certains prix internes à la production ainsi que la protection contre les importations à bas prix (sous la forme de prélèvements à l'importation)(3).

2.2.3. Après avoir atteint l'objectif, dans certains secteurs, d'assurer l'approvisionnement quantitatif à des prix raisonnables(4), il fallut dans ceux-ci se pencher sur le problème de la maîtrise des quantités toujours croissantes que l'on ne pouvait plus écouler sur le Marché commun. Les excédents de production qui commençaient à se dégager étaient dus d'une part à l'extension de la production européenne, et d'autre part aux pertes de parts de marché dues aux importations. Comme l'augmentation de la consommation au sein de l'UE n'était possible que dans certaines limites, on misa de plus en plus sur les exportations. Étant donné que les prix communautaires étaient la plupart du temps bien supérieurs à ceux pratiqués au niveau mondial, il n'a été possible d'exporter, dans la plupart des cas, que grâce à des aides. Les restitutions à l'exportation devinrent, avec les interventions prévues sous la forme de stockages, un instrument essentiel de la politique agricole.

2.2.4. Les nombreux effets négatifs enregistrés (notamment l'apparition de stocks internes trop importants et les coûts excessifs) exigèrent d'autres adaptations ainsi qu'un certain renouvellement des instruments. L'introduction du système des quotas (par exemple pour le lait ainsi que le sucre) permit par exemple de gérer l'offre dans certains secteurs.

2.2.5. Ce n'est qu'à partir du milieu des années 80 que le débat se concentre davantage sur des questions sociales et environnementales dans le cadre de la PAC. Celui-ci aboutit aussi à prendre des premières mesures politiques concrètes.

2.2.6. Malheureusement, les programmes de gel volontaire des terres lancés alors furent tout aussi inefficaces que les "mesures d'extensification" (telles que la promotion de l'agriculture biologique) adoptées également à cette époque pour résoudre les problèmes écologiques grandissants ou le problème des coûts des organisations de marché qui commençaient à prendre des proportions insoutenables. Cependant, on peut considérer qu'il s'agissait des prémisses des premières mesures visant à concilier les objectifs économiques et les objectifs écologiques. C'est en ce sens que la PAC a déjà tenté il y a quinze ans de résoudre par des approches différenciées certaines questions qui prennent aujourd'hui une place de plus en plus importante dans le débat sur la durabilité. L'augmentation de la productivité de l'agriculture européenne mais aussi l'évolution des marchés mondiaux et notamment la concurrence des producteurs américains qui bénéficient de subventions massives ainsi que l'émergence de nouveaux pays exportateurs mondiaux (comme le Brésil et l'Argentine) ont entraîné l'Union européenne vers une situation excédentaire dans certaines productions. Cela a contribué à limiter encore les résultats escomptés avec les mesures d'extensification.

2.2.7. On constatera également que les programmes relativement peu développés de l'époque ont enclenché une évolution importante. Après que l'UE eut pris par exemple des mesures financières pour développer l'agriculture biologique et en eut fixé les conditions cadres essentielles dans le règlement sur l'agriculture biologique, le secteur connut un énorme développement. Le nombre d'exploitations agricoles utilisant des modes de production biologique est passé de 9521 en 1988 à plus de 28868 en 1993, pour arriver à 124462 en 2000(5).

2.2.8. Le débat sur les conséquences sociales et écologiques de la PAC a été centré au moins sur deux questions, à savoir:

- si les restructurations en cours auraient des conséquences négatives sur la viabilité des régions et l'environnement; et le cas échéant, lesquelles;

- si les moyens financiers débloqués par Bruxelles parviendraient aux "bons" destinataires.

2.2.9. Il fallut bien admettre que le développement de la productivité, encouragé avec succès par les instruments traditionnels de la PAC, se heurtait non seulement à des limites économiques, mais aussi à des limites biologiques, écologiques, éthiques et sociales, affectait les régions et interpellait le consommateur. Chacun prit conscience que l'agriculture, qui est liée au sol et met en jeu des "facteurs de production" vivants, devait être soumise à d'autres critères de développement que le secteur industriel.

2.2.10. On constate:

- que bien des modifications apportées à la politique agricole ont largement permis d'atteindre les objectifs fixés; la PAC s'est parfois révélée être un moteur d'intégration pour l'Europe, particulièrement lors de l'élargissement au sud,

- que chacune des réformes entamées ont été à l'origine de débats politiques très animés sur la nouvelle orientation à donner à la PAC,

- qu'à chaque fois, de nouvelles "problématiques" sont apparues et apparaissent, relançant les discussions sur les réformes à entreprendre. C'est ainsi que l'on se penche désormais de plus en plus sur la question du développement durable et de l'élargissement à l'est. Il faut être conscient du fait que la reprise de la PAC par les pays candidats à l'adhésion pourrait dans certains secteurs susciter des difficultés que l'on aurait du mal à aplanir.

2.3. La réforme de 1992

2.3.1. La réforme de 1992, dont les décisions doivent être considérées dans le contexte du cycle de négociations du GATT qui se déroulait alors et qui se termina plus tard, marque un tournant dans la PAC.

2.3.2. Les mesures adoptées en 1992 concernaient principalement:

- la baisse des prix garantis au producteur(6),

- la compensation de ses effets par des paiements compensatoires,

- l'introduction du gel obligatoire des terres,

- la baisse des restitutions à l'exportation (volume et budget) et la réduction des barrières commerciales (en vertu du GATT).

2.3.3. La réforme de 1992 peut être considérée comme un succès sur les aspects sur lesquels a porté principalement la réforme:

- les excédents de beurre, de poudre de lait, de céréales mais aussi de fruits et légumes (y compris leur destruction par les agriculteurs) qui ne pouvaient être écoulés qu'à des coûts élevés appartiennent désormais bien au passé et les produits agricoles de l'UE sont de plus en plus exportés sur les marchés extracommunautaires sans restitutions à l'exportation(7),

- dans les années qui ont suivi, le coût élevé des interventions(8) ainsi que la part des restitutions à l'exportation(9) dans les dépenses totales(10) ont pu être massivement réduits. Le revenu des agriculteurs ne devait plus tant à l'avenir être assuré par les mécanismes traditionnels que par les versements compensatoires(11) nouvellement introduits.

2.3.4. Parallèlement, on introduisit ce que l'on appelle les "mesures d'accompagnement", parmi lesquelles on compte les programmes agroenvironnementaux. Mais cette partie de la réforme de 1992 consacrée spécifiquement à l'extensification de la production se limita à tout juste 5 % des dépenses du FEOGA, section "Garantie".

2.3.5. Un examen rétrospectif des discussions menées dans le cadre de la préparation de la réforme de 1992 montre cependant aussi que certains des thèmes qui ont alimenté le débat de l'époque ne trouvèrent pas leur concrétisation. Le membre de la Commission chargé alors de l'agriculture, M. MacSharry, présenta les nouveaux objectifs que la politique agricole devait désormais remplir, à savoir:

- maintenir un nombre suffisant d'agriculteurs pour préserver l'environnement, le paysage cultural et le modèle d'une agriculture paysanne,

- reconnaître les deux fonctions importantes des agriculteurs: produire et assurer des prestations en faveur de la protection de l'environnement dans le cadre du développement rural,

- développer les zones rurales dans ce sens, en favorisant également d'autres formes d'activités économiques et pas seulement celles du secteur agricole.

2.3.6. La Commission estimait alors que les organisations de marché devaient être réaménagées de telle sorte qu'elles favorisent l'extensification et les modes de production respectueux de l'environnement(12). Les aides directes aux revenus prévues devaient être modulées selon des critères sociaux et régionaux. Cette modulation devait aussi concerner tous les autres dispositifs quantitatifs tels que les quotas ou le gel des terres. Les subventions des productions végétales devaient dépendre essentiellement de l'utilisation de modes de production respectueux de l'environnement.

2.3.7. Mais l'idée d'une modulation et de la conditionnalité qui en découlait pour les aides directes aux revenus qui venaient d'être créées ne réussit jamais à s'imposer.

2.4. L'Agenda 2000

2.4.1. Mais de nouvelles réformes durent être envisagées et mises en oeuvre plus rapidement que prévu après la réforme de 1992.

2.4.2. Les réflexions portaient principalement sur les aspects suivants:

- orienter davantage la production agricole en fonction du marché et renforcer la compétitivité sur les marchés internationaux en rapprochant les prix communautaires des prix pratiqués sur les marchés mondiaux,

- renforcer la position de l'UE en vue des nouvelles négociations avec l'OMC, notamment en réduisant les restitutions à l'exportation et en poursuivant la réorientation des mesures de soutien du marché vers les aides directes,

- se préparer à l'élargissement de l'UE,

- mieux intégrer les objectifs environnementaux dans la PAC,

- réunir les diverses mesures de politique structurelle agricole et lancer des programmes d'aides dans le cadre d'une politique de développement intégrée des régions rurales (2e pilier de la PAC).

2.4.3. La réforme de l'Agenda 2000 s'effectue dans le cadre du respect des accords de Marrakech. Elle vise plusieurs objectifs:

- maintenir la préférence communautaire des principaux produits agricoles malgré la baisse des droits de douanes,

- regagner des parts de marché sur notre marché intérieur, notamment pour les céréales dans l'alimentation animale,

- profiter d'opportunités sur des marchés mondiaux dont la tendance ne serait pas baissière entre 2000 et 2007,

- intégrer les objectifs environnementaux dans la PAC,

- articuler une politique de développement rural en l'identifiant par un second pilier.

2.4.4. Cela donna lieu également à une réflexion critique sur les modalités de répartition des fonds du FEOGA. "La Commission a reconnu ... que le système de soutien agricole ... était largement orienté vers une petite minorité d'exploitations ..."(13), ce qui relança au sein de la Commission les réflexions sur de nouvelles modalités de répartition des fonds en fonction des besoins des régions et des exploitations.

2.4.5. C'est ainsi que quelques-unes des réflexions générales sur la réforme de 1992 pour l'intégration des nouveaux aspects sociaux et écologiques, furent à nouveau mises sur la table, parfois sous une forme quelque peu modifiée. C'est le cas notamment de la proposition d'introduire des plafonds par exploitation pour les aides directes. La Commission entendait notamment contribuer à une répartition plus "équitable" des aides en les modulant en fonction de critères obligatoires, axés sur la prospérité de l'exploitation ou l'importance de sa main-d'oeuvre. De même, il s'agissait d'introduire une éco-conditionnalité ("cross compliance") entre les paiements directs et le respect de dispositions environnementales.

2.4.6. Les négociations autour de l'Agenda 2000 portèrent plus que jamais sur des questions relatives aux trois piliers de la "durabilité" en plaçant sur le même plan les questions économiques, écologiques et de responsabilité sociale. Si le Conseil a pu, après de nombreuses négociations, s'accorder finalement sur un train de mesures concernant une réorientation de nombreuses organisations de marché (pilier économique), les divergences subsistèrent sur les aspects sociaux et écologiques(14).

2.4.7. Par exemple, la Commission ne réussit pas à obtenir l'assentiment du Conseil sur sa proposition de modulation obligatoire ni le maintien du plafond de 90 têtes par exploitation pour l'octroi de la prime spéciale aux bovins mâles. Sa proposition de supprimer la prime au maïs à ensiler ne fut pas non plus acceptée(15). Les autres plantes fourragères comme la luzerne ou le trèfle, dont il conviendrait d'encourager la culture pour des raisons environnementales, continuent donc d'être désavantagées.

3. Évaluation des changements intervenus dans la politique agricole au cours de la dernière décennie

3.1. La réforme de 1992 et celle entamée dans le cadre de l'Agenda 2000 ont permis notamment d'améliorer la compétitivité internationale de l'agriculture européenne. Le problème des excédents fut en partie résolu d'une part en simplifiant l'accès au marché mondial et d'autre part du fait que les céréales européennes devinrent plus rentables dans l'alimentation animale. Grâce aux décisions prises dans le cadre de ce que l'on appelle le 1er pilier, les problèmes sur les marchés que l'on connaissait jusqu'à présent ont pu trouver un certain nombre de solutions.

3.2. La nouvelle baisse des prix institutionnels introduite par l'Agenda 2000 ne fut compensée que partiellement par l'augmentation des aides directes du 1er pilier ("versements compensatoires"). La pression économique qui s'exerce sur de nombreuses exploitations agricoles s'est accentuée. Le conflit entre les nouvelles exigences posées par la société (durabilité, multifonctionnalité) à la production agricole et les impératifs économiques auxquels sont soumis les exploitants agricoles du fait de l'augmentation croissante de la concurrence, n'a fait que s'aggraver.

3.3. Les aides directes aux exploitations agricoles revêtent désormais une énorme importance puisque leur volume financier dépasse maintenant celui des mécanismes traditionnels de la politique agricole comme les restitutions à l'exportation, les interventions et les stockages et qu'elles devraient de manière générale être mieux acceptées au sein de la société que les aides indirectes octroyées selon les anciens mécanismes. Globalement, il existe trois types d'aides directes aux agriculteurs, à savoir:

- les "versements compensatoires" (issus du 1er pilier),

- ce que l'on appelle les indemnités compensatoires, versées aux régions défavorisées (2e pilier),

- les aides directes que les agriculteurs perçoivent pour des prestations concrètes s'inscrivant dans le cadre de programmes agroenvironnementaux (également 2e pilier).

3.3.1. Le système des primes à l'hectare et des primes par tête du 1er pilier suit encore étroitement l'ancienne logique de soutien des prix. Il est destiné depuis sa création à compenser les pertes enregistrées par les exploitants agricoles du fait de la modification de l'ancien système des prix institutionnels.

3.3.2. On peut donc parfaitement comprendre que cette logique conduise à privilégier avant tout les exploitations agricoles et les régions qui bénéficiaient auparavant le plus de cet ancien système. Cela conduit souvent l'opinion publique à critiquer le fait qu'une grande part des aides directes bénéficie à un nombre relativement réduit d'exploitations voire a favorisé la concentration de certaines cultures arables(16). Il ne faut cependant pas oublier que les États membres auraient la possibilité, grâce à ce que l'on appelle la modulation ou à la fixation d'un plafond pour les bovins mâles, d'exercer une influence directe sur la répartition de ces aides directes.

3.3.3. Le CES estime qu'il convient d'examiner attentivement la question de savoir si le système existant est le mieux à même de répondre aux questions à long terme que se pose la société sur la durabilité, la multifonctionnalité et le maintien d'une agriculture répartie sur tout le territoire, et s'il sera durablement compatible avec les règles de l'OMC.

3.3.4. Il en va tout autrement des aides directes versées dans le cadre du 2e pilier. Il s'agit ici de compenser financièrement des handicaps naturels réels ou de rémunérer des prestations environnementales concrètes. Ces aides constituent donc un élément fondamental, bien que susceptible d'améliorations, de la protection de l'environnement dans la PAC.

3.3.4.1. On peut cependant considérer comme un inconvénient le fait qu'elles se bornent à compenser les handicaps ou les suppléments de charges sans véritablement inciter, dans bien des cas, à privilégier des méthodes plus extensives par rapport à des modes de production plus intensifs, ni à mettre l'accent sur des aspects importants de la protection des consommateurs dans le cadre du modèle agricole européen (tels que la promotion sur la sécurité alimentaire, la traçabilité et la garantie qualité).

3.3.4.2. Seuls quelques États membres, grâce à des programmes environnementaux, ont réussi à prendre des mesures suffisantes pour inciter un grand nombre d'agriculteurs à passer à des modes de production plus extensifs. Une étude de la Commission aboutit à la conclusion que de manière générale, les mesures agroenvironnementales influent davantage sur les régions "à problème" d'un point de vue productif et restent pratiquement sans effet dans les régions de production intensive car les incitations financières y sont trop faibles pour intéresser les agriculteurs.

3.4. Le système des aides directes dans le cadre du 1er pilier continue de privilégier les cultures qui bénéficiaient auparavant de prix institutionnels par rapport à de nombreuses cultures importantes du point de vue de l'environnement et de l'économie régionale, notamment les plantes fourragères ou les pâturages, étant donné qu'aucun versement direct n'est prévu pour ces dernières.

3.5. Il a bien fallu reconnaître ces dernières années que des conflits d'intérêt peuvent surgir entre l'augmentation de la productivité, dont la nécessité se fait sentir tant sur le plan de la rentabilité qu'en raison des conditions existantes, et les exigences que l'on peut poser en vertu de considérations sur l'économie régionale, l'environnement, l'éthique envers les animaux et la protection des animaux, mais aussi du point de vue du consommateur. Les interventions de la PAC ne sont pas encore conçues de telle sorte que l'on puisse considérer ces conflits comme potentiellement résolus. En d'autres termes, il n'a pas encore été possible de trouver un véritable équilibre entre les trois piliers de la durabilité.

3.6. Ce constat ne s'est pas modifié avec l'Agenda 2000, malgré le renforcement des "mesures d'accompagnement" (programmes de boisement, mesures de préretraite, programmes agroenvironnementaux) et leur regroupement avec des mesures d'aide structurelle, dont certaines étaient déjà connues, en faveur de la politique de développement rural, ce que l'on appelle le "deuxième pilier de la politique agricole". Si l'Agenda 2000 a ouvert une nouvelle ère dans la PAC, on ne peut que se demander si les mesures du 1er pilier actuel sont conçues de telle sorte qu'elles viennent compléter de façon optimale les objectifs de politique régionale ainsi que les objectifs écologiques et sociaux sur lesquels sont axées spécifiquement les mesures du 2e pilier.

Le CES s'est de manière générale toujours félicité que la politique s'attache à valoriser le "développement rural" même si le deuxième pilier ne représente pour l'instant que 10 % de l'ensemble du budget agricole et que sa dotation actuelle ne dépasse pas le montant total consacré à la fin des années 90 aux anciennes "mesures d'accompagnement" et aux aides structurelles au titre des objectifs 5a et 5b. Les mesures prises dans le cadre d'une politique de développement intégrée en faveur des zones rurales doivent être largement renforcées et venir compléter judicieusement certains instruments indispensables, bien que nécessitant quelques améliorations, du 1er pilier, parce qu'elles deviennent de plus en plus importantes pour garantir la multifonctionnalité de l'agriculture. Le Comité souligne que tant les mesures du 1er pilier que les instruments de développement rural doivent contribuer à maintenir et à renforcer la multifonctionnalité et concorder avec les trois piliers de la durabilité (économique, sociale et écologique); ni le 1er pilier ni le 2e pilier ne doivent se concentrer sur un seul aspect de la durabilité.

3.7. La prochaine révision intermédiaire de l'Agenda 2000 ne devra pas se borner à déterminer si les objectifs fixés pour les diverses organisations de marché en ce qui concerne la stabilisation du marché et du budget ont effectivement été atteints. Pour sa part, le CES considère qu'il conviendra plutôt de s'efforcer de répondre à un certain nombre d'autres questions afin de définir comment tenir compte des nouvelles exigences posées à la PAC. Il s'agit de questions qui revêtent une importance fondamentale pour l'évolution future de la PAC au-delà de 2006. Pour le CES, il convient notamment de se demander:

- A-t-il été possible d'améliorer le revenu de la majorité des agriculteurs?

- A-t-il été possible, et dans quelle mesure, de limiter les suppressions d'emplois(17) dans l'agriculture et dans les zones rurales? Est-ce là le véritable objectif de la PAC?

- Les réformes ont-elles permis, et si oui comment, de modifier la répartition des aides aux agriculteurs?

- Dans quelle mesure les États membres ont-il eu recours à l'article 3 "Exigences en matière de protection de l'environnement" (éco-conditionnalité) et à l'article 4 "Modulation" du règlement (CE) n° 1259/1999 et avec quel résultat?

- Dans quelle mesure a-t-il été tenu compte des nouvelles exigences posées à la production agricole? Les critères qui régissent la répartition des dépenses répondent-ils aux impératifs qui découlent du "modèle agricole européen" et du débat sur la durabilité?

- Qu'a-t-on pu obtenir en tentant de résoudre les problèmes de protection de la nature et de l'environnement existant ainsi qu'en réduisant les écarts existants entre les régions?

- La répartition des dépenses est-elle suffisamment équilibrée entre les 1er et 2e piliers ainsi qu'entre les divers secteurs du 1er pilier(18)?

- Existe-t-il un équilibre suffisant entre les régions et entre les producteurs?

- Pourrait-on envisager d'autres mesures qui permettraient de mettre en valeur la spécificité, la qualité, l'aspect environnemental, de protection des animaux et l'aspect régional de nombreux produits agricoles(19)?

- Les fonds du 2e pilier sont-ils vraiment consacrés au développement rural? Chacun des volets du programme a-t-il prouvé son efficacité? Les programmes d'aide à la préretraite par exemple contribuent-ils véritablement au "développement rural"? Les mesures de reboisement ne sont-elles pas, au moins en partie, en contradiction avec le souci de dégagement du paysage?

- Dans quel sens le mécanisme des indemnités compensatoires pour les régions défavorisées, qui se révèle extrêmement important pourrait-il être développé?

- Pour quelles raisons constate-t-on de telles différences entre les États membres, mais aussi entre les régions de chaque État membre, lorsqu'il s'agit d'avoir recours par exemple aux fonds du 2e pilier ou aux mesures agroenvironnementales(20)?

4. Les exigences présentes et à venir posées à l'agriculture

4.1. Bien que la PAC fasse l'objet d'une évolution constante et qu'elle ait pu faire face à de nombreux défis par le passé, il est indubitable qu'il reste encore beaucoup à faire, tant dans le domaine politique qu'en ce qui concerne le consommateur, dont le comportement individuel est souvent en contradiction avec les exigences qu'il formule par exemple en faveur d'une production plus régionale ou plus respectueuse de l'environnement.

4.2. Les attentes et exigences de la société vis-à-vis de l'agriculture ont changé.

4.3. Le monde politique et la société jettent aujourd'hui un autre regard sur la production agricole. Il est apparu clairement ces 15 dernières années que l'on exige de plus en plus que la dimension écologique qui résulte du débat sur la durabilité ainsi que les questions relatives au développement régional, à l'emploi, à la qualité du lieu de travail ou à la protection des animaux et des consommateurs soient intégrées dans la PAC. La qualité du paysage et des processus de production revêt désormais une plus grande importance à l'échelle européenne. L'agriculture européenne ne se voit pas conférer un simple rôle productif mais un "rôle multifonctionnel" dans les zones rurales.

4.4. Les agriculteurs doivent aujourd'hui remplir des tâches supplémentaires, qui commencent par leur coûter de l'argent sans rien leur rapporter, parce que les prix des produits agricoles, orientés en fonction du marché, ne tiennent pas compte de leurs prestations dans le domaine de la multifonctionnalité.

4.5. Si l'on examine aujourd'hui les revenus des agriculteurs, il faut bien reconnaître que les prix au producteur et les prix au consommateur ont évolué différemment et que l'écart ne cesse de se creuser. Mais à l'intérieur même du monde agricole on observe également d'énormes écarts de revenus que les seules différences de qualification, de travail ou d'esprit d'entreprise ne suffisent pas à expliquer. Certaines chaînes de commercialisation du secteur agroalimentaire ont encouragé, par des pratiques de dumping, une évolution malsaine des prix. Les prix du marché, qui sont parfois inférieurs aux prix de revient, réduisent à un minimum la marge de manoeuvre et de décision des agriculteurs dans le sens d'une plus grande durabilité et multifonctionnalité. Dans de nombreuses régions et secteurs agricoles, les revenus des agriculteurs n'ont aucune commune mesure avec le travail fourni.

4.6. Les exploitants agricoles se voient dans l'obligation, du fait de conditions économiques difficiles, d'envisager toutes les manières (légales) de développer leur productivité afin de compenser la baisse réelle ou effective des prix (au producteur) et l'augmentation concomitante des coûts d'exploitation.

4.7. Le fait que les agriculteurs en Europe ne soient pas seulement en concurrence les uns avec les autres sur des marchés parfois saturés mais que l'OMC poursuive inexorablement une politique de libéralisation du commerce mondial des produits agricoles constitue un facteur aggravant. Les conditions et contraintes de production diffèrent entre l'UE et d'autres régions. En dehors de l'Europe, les produits agricoles sont souvent produits à moindres coûts, notamment:

- en raison de conditions climatiques plus favorables ou de modes d'exploitation plus avantageux sur le plan structurel,

- grâce à des modes de production souvent contraires aux valeurs européennes (normes moins strictes sur le plan de la protection de l'environnement, des animaux, des consommateurs ou sur le plan social, utilisation de moyens interdits en Europe pour accroître la production),

- par l'influence extrême qu'exercent souvent sur les prix mondiaux les crédits à l'exportation et les garanties de crédits à l'exportation, qui tirent les prix à la baisse.

4.8. C'est ainsi que le conflit entre l'augmentation de la productivité, indispensable pour des raisons de rentabilité, d'une part, et la protection de l'environnement, des animaux et des intérêts des consommateurs, c'est-à-dire la multifonctionnalité, d'autre part, se fait sentir de plus en plus ouvertement.

4.9. Les conflits aigus survenus lors des diverses négociations sur la réforme mais aussi le débat permanent sur les autres mesures nécessaires montrent bien que l'UE se trouve en réalité confrontée à la contradiction perpétuelle des objectifs qu'elle poursuit. C'est la quadrature du cercle dans la mesure où elle ne peut ni ne pourra à l'avenir mettre en place une agriculture qui soit en mesure:

- de produire (sans aide financière si possible) à des conditions correspondant à celles des marchés mondiaux (comportant souvent des distorsions),

- de répondre en même temps à toutes les exigences en termes de production (qualité, sécurité, préservation des ressources naturelles, respect du bien-être des animaux, etc.), tout en gardant la maîtrise des coûts européens(21);

- de constituer en même temps un marché du travail moderne et attrayant, qui contribue à la protection de la main-d'oeuvre dépendante et se caractérise par un niveau d'emploi et de sécurité élevé ainsi qu'un niveau élevé de formation et de qualifications professionnelles.

4.10. Ce conflit d'objectifs, qui n'a toujours pas reçu de solution réelle, doit rester présent à l'esprit de toutes les parties concernées au moment de l'évaluation des réformes que la PAC a subies jusqu'ici et du lancement de la réflexion sur une réorientation de la PAC. Les responsables politiques ne sont eux mêmes pas toujours conscients de la complexité de ces relations.

4.11. La tâche la plus importante qui nous incombera à l'avenir sera ainsi de chercher comment parvenir à imposer l'idée de la durabilité et de la multifonctionnalité de l'agriculture. Le modèle agricole européen ne pourra fonctionner que si l'on parvient à trouver un nouvel équilibre entre les piliers économique, social et écologique de la durabilité.

4.12. Les solutions envisagées devront offrir des perspectives attrayantes et économiquement stables aux agriculteurs eux-mêmes mais tout particulièrement à la future génération d'agriculteurs, à savoir les jeunes agriculteurs. À cet égard, le Comité se réfère aux orientations qu'il a préconisées dans l'avis qu'il a récemment adopté(22) et réitère son soutien à la déclaration commune du Parlement européen, du Comité des régions et du Comité économique et social du 6 décembre 2001 sur les jeunes agriculteurs.

4.13. Le CES insiste sur l'importance du maintien de ces diverses fonctions au sein de l'agriculture européenne. Théoriquement, on pourrait imaginer d'imposer le modèle libéral, suivant lequel les denrées alimentaires indispensables pourraient provenir de sites de production extracommunautaires, parce que cela serait apparemment plus "rentable" bien que, naturellement, contraire au principe de sécurité des approvisionnements. Mais les cultures agricoles, les paysages, les emplois, tout ce que l'on peut imaginer sous le terme de multifonctionnalité, ne s'importent pas!

4.14. Le maintien du modèle agricole européen et son extension aux nouveaux États membres seront coûteux et les sommes en jeu dépasseront vraisemblablement la ligne directrice agricole actuelle. Étant donné la réduction croissante des budgets publics et les efforts de nombreux ministres des finances pour diminuer encore les dépenses publiques, la question de la justification des transferts de deniers publics vers et pour le secteur agricole se posera avec de plus en plus d'acuité. La question à long terme de la durabilité pourrait être le moyen de faire accepter à la société un transfert financier à long terme en faveur de l'agriculture.

5. Réflexions sur le développement futur de la PAC

5.1. Quelques réflexions d'ordre général

5.1.1. L'Europe s'est engagée à favoriser une "agriculture multifonctionnelle". Les agriculteurs européens doivent fournir à cette fin notamment les prestations suivantes:

- produire en quantité suffisante(23) des denrées alimentaires sûres et de grande qualité,

- produire au sein d'une structure agricole qui soit adaptée à la zone rurale et respecte les contingences régionales,

- produire en fonction d'exigences environnementales (protection de l'environnement),

- enrayer l'exode rural,

- préserver les emplois,

- élever les animaux sans avoir recours aux hormones ni aux antibiotiques,

- respecter les exigences de bien-être des animaux,

- préserver la ruralité et le patrimoine cultural des zones rurales,

- mettre en valeur des paysages culturaux de grande qualité,

- préserver la biodiversité.

5.1.2. Ces prestations vont bien au-delà de la simple production de denrées alimentaires. C'est en ce sens que le secteur agricole n'est pas directement comparable à d'autres secteurs économiques.

5.1.3. Il n'existe que deux manières de parvenir à une telle production de qualité en assurant les prestations nécessaires, c'est-à-dire couvrir les frais qu'encourent les agriculteurs pour respecter les exigences fixées:

- soit en agissant sur le prix au producteur;

- soit par des aides directes d'État (ou une combinaison des deux).

5.1.4. Tant que le prix au consommateur ne couvrira pas les coûts (externes) liées au respect de la multifonctionnalité, les aides aux revenus resteront indispensables aux agriculteurs respectant les critères de "multifonctionnalité", qui restent à déterminer.

5.1.5. Il faut bien voir ce faisant que le volume des aides aux revenus augmenterait encore:

- si l'on fixait des exigences supplémentaires à respecter par l'agriculture;

- si les prix au producteur continuaient à baisser, notamment sous la pression d'un marché mondial subissant des distorsions ou sous la pression des distributeurs.

5.1.6. La rémunération, sous forme d'aides directes, des prestations concrètes supplémentaires que l'on attend de l'agriculture pourrait être à la base d'un mécanisme d'aides aux revenus en faveur de l'agriculture européenne qui soit accepté par la société. Il ne s'agirait pas de continuer à subventionner les agriculteurs européens simplement pour assurer la production durable de denrées alimentaires à des prix raisonnables (aides à la production) mais parce qu'ils peuvent retirer du souhait de la société de disposer d'une production durable et multifonctionnelle dans les zones rurales des avantages concurrentiels sur le marché mondial libéralisé et qu'ils fournissent des prestations sociales et territoriales importantes (maintien d'emplois, exploitation de régions périphériques moins productives) (rémunération pour l'application du modèle de production souhaité). L'objectif devrait être de maintenir sur l'ensemble du territoire une production respectueuse de l'environnement et axée sur la qualité, ce qui exige des efforts et des mesures particulières dans certains secteurs de production.

5.1.7. Ainsi, la société européenne reconnaîtrait la position unique qu'occupe l'agriculteur en tant que producteur de denrées alimentaires saines et sûres, en tant que "jardinier" du paysage, en tant que défenseur du patrimoine cultural et de par son engagement en faveur de la diversité naturelle et régionale.

5.1.8. Cela signifie bien entendu que dans le cadre du débat ouvert sur "le futur de la PAC", tous les instruments de politique agricole utilisés jusqu'ici doivent être examinés sous l'angle de cette nouvelle philosophie et donc de leur compatibilité avec le "modèle agricole européen". Il convient également d'envisager de nouveaux mécanismes et modèles.

5.1.9. De manière générale, il faudra continuer à utiliser les mécanismes de la PAC qui ont prouvé leur efficacité, en les améliorant bien sûr et en les adaptant aux nouvelles conditions.

5.2. Les aides directes

5.2.1. Les aides directes seront appelées à prendre de plus en plus d'importance tant que les coûts "externes" liés à la multifonctionnalité ne seront pas pris en compte dans la formation des prix mais devront être compensés par la société.

5.2.2. Le Comité soutient expressément le principe d'aides directes conditionnées par la fonction et de la garantie durable de cet instrument de la PAC, qui prend de plus en plus d'importance. Ce principe n'est en aucune manière contraire à l'exigence selon laquelle toute aide directe doit suffisamment se justifier si l'on veut qu'elle soit acceptée par tous.

5.2.3. On peut par conséquent se demander s'il ne faudrait pas modifier un peu les aides directes versées jusqu'ici. Les groupes sociaux importants seront certainement appelés à poser de plus en plus la question de l'orientation et de la justification des aides directes du 1er pilier et à demander qu'elles soient conditionnées à des exigences de multifonctionnalité. Le monde politique ne pourra pas fuir le débat.

5.2.4. À l'avenir, l'introduction d'une conditionnalité entre l'octroi d'aides directes et des prestations dans le domaine de la multifonctionnalité pourrait également être au centre des discussions. Par principe, le respect des règles existantes ne peut constituer en soi un droit à une aide publique. Il conviendrait cependant d'examiner si, étant donné les différences de normes et conditions de production qui existent au niveau mondial, il ne convient pas de déroger à ce principe pour garantir la multifonctionnalité de l'agriculture européenne.

5.2.5. Le CES souligne que le terme "multifonctionnalité" n'implique pas seulement le respect d'exigences écologiques et d'obligations de protection de l'environnement. Il inclut notamment la notion de durabilité, d'entretien du paysage, l'aménagement des zones défavorisées, ou encore de renoncer ou de passer à certaines techniques de production, de respecter les exigences de bien-être des animaux ou encore les exigences de qualité et de sécurité.

5.2.6. Le CES invite la Commission à envisager:

a) l'éventualité d'un futur système d'aides directes à plusieurs niveaux, qui s'adresserait sous des formes différentes aux agriculteurs:

- dont la production respecterait des normes en matière de protection de l'environnement et des animaux qui seraient fixées et harmonisées au niveau européen et plus strictes que les pratiques en vigueur en dehors des frontières européennes, ce qui permettrait précisément de compenser la perte de compétitivité découlant de ces normes européennes plus strictes,

- qui, à un deuxième niveau, s'adresserait aux agriculteurs dont la production respecte d'autres critères contraignants en matière de multifonctionnalité qui iraient plus loin que les bonnes pratiques professionnelles(24) et tiendraient compte de certains éléments comme la surface d'élevage par animal ou le maintien d'éléments du paysage,

- dans lequel non seulement il serait possible, comme c'est le cas avec les programmes agroenvironnementaux actuels, de rémunérer des prestations concrètes mais qui encouragerait véritablement le passage à des modes de production multifonctionnels,

et si

b) le premier pilier de la PAC pourrait être enrichi de nouvelles formes d'aides qui permettraient à chaque État membre (dans une perspective de subsidiarité et dans des limites évitant les distorsions de concurrence) de renforcer les aides accordées aux exploitations agricoles qui accepteraient davantage d'obligations en vue de favoriser la recherche de la qualité, la protection de l'environnement et le maintien de l'emploi.

5.2.7. Le CES est conscient qu'une éventuelle conditionnalité de toutes les aides directes avec certaines prestations (sur le plan écologique, social et territorial) constitue un changement radical pour la profession, puisque cela devrait aboutir à modifier considérablement la distribution entre les exploitations, les régions voire les États membres. Dans le même temps, le CES considère qu'une telle conditionnalité constitue la manière de justifier le maintien durable des aides financières aux yeux de l'opinion publique.

5.2.8. On pourrait déterminer après examen s'il serait utile qu'à l'avenir ce ne soit pas seulement les exploitations dont les produits étaient ou sont soumis à une organisation de marché qui puissent prétendre à des aides mais que le bénéfice de cette rémunération par la société soit accordé de façon générale en fonction de modes de production multifonctionnelles et concerne donc tous les secteurs agricoles(25).

5.2.9. Un examen plus attentif, que le Comité invite la Commission à réaliser, permettrait de déterminer si l'on pourrait y parvenir par exemple en accordant des aides directes sous la forme d'une prime unique à la surface à tous les agriculteurs qui pratiquent une agriculture multifonctionnelle(26) selon des critères qui restent à déterminer, indépendamment du type de culture, comme il en est question de la part de divers interlocuteurs. Les enseignements que la Commission a tirés de l'application du règlement (CE) n° 1244/2001 (régime simplifié de versement des aides directes aux petits producteurs) pourraient à cet égard se révéler très utiles. Parallèlement, il conviendrait de tenir compte des spécificités de certaines cultures (par exemple huile d'olive).

5.2.10. Indépendamment de la réponse aux questions posées aux paragraphes 3.7 et 5.2.6, il conviendrait d'évaluer dans quelle mesure la répartition des aides directes en fonction d'une prime à la surface unique changerait par rapport au système actuel et quelles en seraient les incidences sur les divers secteurs, régions et exploitations.

5.2.11. Il conviendrait également d'évaluer:

- si l'on peut véritablement en espérer une meilleure acceptation sur le plan politique et social dans la société,

- s'il est possible de cette manière de mieux assurer la multifonctionnalité de l'agriculture européenne dans l'ensemble des régions,

- s'il est possible de simplifier l'administration elle-même.

5.2.12. Pour résoudre le conflit qui existe actuellement entre les exigences liées à la protection de la nature et celles de l'agriculture, la Commission devrait, au cours de ses travaux, se demander s'il ne conviendrait pas d'octroyer aussi une éventuelle prime de base pour des surfaces non productives ou d'une productivité limitée du point de vue de la rentabilité (par exemple les zones classées par la directive FFH mais aussi les haies, les lisières de champs, etc.).

5.2.13. Les aides directes sont versées aujourd'hui tant au titre du 1er que du 2e pilier. Les États membres doivent assurer un cofinancement des mesures prises dans le cadre du 2e pilier. Le CES recommande, dans le cadre des discussions à venir sur la réforme, d'examiner s'il serait possible de mieux faire accepter ces mesures et d'augmenter leur cohérence en passant à un mode de financement un peu plus uniforme, ou quelles autres possibilités s'offrent à nous pour résoudre les problèmes qui se dessinent dans le cofinancement du 2e pilier.

5.3. L'avenir du développement rural (2e pilier de la PAC)

5.3.1. Les zones rurales ne doivent pas seulement remplir des fonctions importantes liées au sol mais surtout, elles jouent un rôle capital du point de vue économique, social et culturel auprès de la population.

5.3.2. Les zones rurales tirent leur caractère unique et leur originalité de la diversité des ressources régionales. Parce que nous sommes responsables devant les générations futures, nous devons impérativement miser sur la durabilité, qui trouve obligatoirement son complément dans la subsidiarité affirmée des échanges commerciaux. Les zones rurales et l'agriculture sont étroitement liées de par leur fonction. Pour mener une politique en faveur des zones rurales, il faut convenir de faire converger diverses politiques. Les instruments du 2e pilier doivent donc s'accompagner désormais de mesures qui ne concernent pas seulement le secteur agricole. Elles doivent porter aussi sur les infrastructures techniques et sociales, qui revêtent une importance fondamentale et constituent la condition sine qua non du respect des multiples fonctions des zones rurales.

5.3.3. Avec la poursuite de la libéralisation des marchés, les concentrations se multiplient et ont non seulement des effets négatifs pour les régions en difficulté mais remettent en question des aspects importants du modèle agricole européen (par exemple les circuits régionaux). La Commission européenne, dans son Livre blanc sur le commerce(27), indique bien qu'"à long terme, le risque existe d'une concentration extrême de la distribution, produisant une configuration où il n'existerait en Europe qu'une poignée de grandes chaînes qui domineraient totalement le marché du détail [...]. Dans le secteur de la distribution une telle concentration pourrait entraîner à terme une diminution de l'étendue du choix de produits, de la variété des systèmes de vente, du nombre de magasins - notamment en centre ville et dans les zones rurales. Elle modifierait les relations entre les petits producteurs et les détaillants [...]." Ces dernières années, les grandes chaînes de distribution sont devenues très puissantes sur le marché ce qui a entraîné une large concentration de l'industrie de transformation, qui absorbe une part croissante de produits agricoles bruts, quelle que soit leur origine. Les exigences de celles-ci en ce qui concerne le potentiel de transformation des produits entraînent souvent une normalisation qui va à l'encontre de la diversité qui a caractérisé l'agriculture et même les régions par le passé.

5.3.4. La PAC et la politique régionale doivent avoir pour tâche d'intervenir activement dans ce processus afin d'éviter que les zones rurales en difficulté ne soient littéralement vidées de leur substance. Il faut notamment que les politiques de l'emploi aient des effets durables pour la population des zones rurales. L'exploitation durable des ressources naturelles basée sur des stratégies de développement endogènes doit s'accompagner, dans les régions en difficulté, de mesures de compensation solidaires dans le cadre de la politique régionale.

5.3.5. Le deuxième pilier de la PAC doit, par un ensemble coordonné de versements compensatoires, rémunérer les multiples prestations des agriculteurs dans le cadre de la multifonctionnalité, venir soutenir la diversification des activités agricoles pour élargir la base des revenus et, grâce aux aides aux investissements, renforcer la compétitivité des régions. Étant donné les fonctions spécifiques que les divers instruments du développement rural (2e pilier) sont appelés à remplir, ils ne peuvent remplacer les instruments de la PAC mais il est indispensable qu'ils viennent compléter substantiellement ceux-ci. Les normes auxquelles l'on est parvenu dans l'UE, essentiellement à l'issue de la dernière réforme de la politique agricole, dans les domaines de l'environnement, de l'hygiène et de la protection des animaux exigent de dégager et d'établir à l'échelle communautaire un consensus et une certaine cohérence, pour garantir que tous seront soumis aux mêmes conditions et à la même concurrence. Mais il convient également d'examiner si toutes les mesures prises sont indispensables, certaines s'étant révélées plutôt néfastes dans certains secteurs.

5.3.6. Le programme de développement rural dans le cadre du FEOGA remplit indiscutablement une fonction clé. Le CES souligne cependant que si l'on veut voir les zones rurales se développer dans l'ensemble, il est indispensable que des mesures structurelles soient prévues en conséquence. Toute stratégie d'avenir en faveur des zones rurales doit se baser sur une innovation d'ensemble. Il est donc indispensable de renforcer les initiatives communautaires telles que les programmes Leader+ et Interreg et de tenir compte des expériences réalisées dans ce cadre pour la politique des zones rurales.

5.4. Gestion de la demande/organisations de marché

5.4.1. Les opinions sur la gestion de la demande sont parfois contradictoires comme le prouve notamment la discussion sur le régime des quotas laitiers. Dans le contexte de la mondialisation, mais surtout dans la perspective de l'élargissement de l'UE, les mécanismes de régulation quantitatifs sont considérés comme des handicaps et remis en cause non seulement par les économistes de l'entreprise agricole, certains gouvernements et des États membres mais aussi par une partie des agriculteurs eux-mêmes.

5.4.2. Des conditions de marché plus ou moins stables sont la condition sine qua non pour que les exploitations agricoles puissent respecter de façon satisfaisante les exigences de production. Une agriculture qui ne serait axée que sur la compétitivité ne répondrait certainement pas aux exigences liées à la multifonctionnalité.

5.4.3. Étant donné que les marchés agricoles sont par nature instables et largement soumis à des variations de prix et que les agriculteurs ont très peu de marge pour adapter les quantités en fonction du marché, les mécanismes de régulation quantitatifs peuvent revêtir une fonction importante en limitant ou favorisant l'offre, afin de stabiliser une production agricole durable.

5.4.4. Le lait en est un exemple flagrant. La suppression pure et simple du régime des quotas laitiers, comme le réclament les gouvernements de certains États membres, conduirait certainement à une concentration de la production laitière dans les sites favorables, avec les conséquences que cela implique non seulement pour l'environnement mais également pour le pouvoir économique des régions défavorisées. Les surfaces d'herbage notamment, qui ont une valeur particulière pour des raisons environnementales, dépendent de leur utilisation durable par des ruminants.

5.4.5. La suppression pure et simple du régime des quotas pourrait en tout cas se montrer parfaitement contraire à toutes les déclarations faites en ce qui concerne la multifonctionnalité, le modèle agricole européen et l'exploitation répartie sur tout le territoire.

5.4.6. Si l'on veut mener une discussion pertinente au cours de la révision intermédiaire, il est indispensable, de l'avis du CES, de réaliser des études sur les effets d'une suppression des quotas laitiers et d'autres régimes de quotas sur les économies régionales, les mesures de compensation que l'on pourrait prendre (et leur justification en vue de leur acceptation sociale), leurs coûts et en général sur le mode de préservation durable de l'exploitation des herbages sur l'ensemble du territoire.

5.5. Protection extérieure/Exportations

5.5.1. À l'échelle mondiale, l'UE est le plus gros importateur de produits agricoles. La population de l'UE représente 6 % de la population mondiale tandis que les importations communautaires représentent environ 20 % des importations totales (commerce intracommunautaire exclu).

5.5.2. Le CES est conscient que l'UE devra faire face lors des prochaines négociations de l'OMC aux exigences de certains États et groupes d'États qui souhaitent un démantèlement important, voire total des droits de douane et l'ouverture complète de ses frontières.

5.5.3. Il n'est pas possible, étant donné les conditions qui régissent le marché mondial aujourd'hui, de garantir le maintien d'une agriculture paysanne de type familial avec un cahier des charges multifonctionnel qui aurait été approuvé par toutes les catégories de la population.

5.5.4. Par principe, le CES attend de la politique commerciale mondiale qu'elle permette aux sociétés et espaces économiques, à leurs producteurs et à leurs consommateurs de se protéger contre des produits qui n'auraient pas été produits selon les règles de production durable acceptées et appliquées dans cet espace ou ne respecteraient pas des normes fixées (par exemple viande aux hormones, oeufs de poules élevées en batterie, produits génétiquement modifiés, somatotropine bovine dans la production laitière).

5.5.5. Le CES tient à rappeler que des règles équivalentes dans d'autres secteurs économiques sont acceptées tout naturellement. Il ne viendrait à l'esprit de personne d'autoriser par exemple l'importation sur le marché européen de véhicules à moteur dépourvus de pot catalytique.

5.5.6. Une protection extérieure de cette nature, qui protégerait aussi ce que l'on appelle la préférence communautaire pour les produits sensibles de l'agriculture européenne, est un des fondements indispensables de la PAC. Sa suppression, soit par un engagement pris au sein de l'OMC ou de facto par la mise en place de règlements sur des zones franches remettraient en question certains éléments fondamentaux de la PAC et finalement la multifonctionnalité de l'agriculture européenne.

5.5.7. Le CES se déclare favorable à ce que:

- les négociations ne portent pas simplement sur la suppression d'autres barrières commerciales mais soient menées aussi dans le but de créer des conditions de concurrence équitables en obligeant tous les États membres de l'OMC à respecter des normes minimales en matière de protection de l'environnement et de protection sociale;

- la libéralisation se poursuive en établissant des distinctions en fonction des situations et des exigences des divers secteurs de production;

- les secteurs dits non commerciaux fassent l'objet de négociations au sein de l'OMC comme l'UE l'a déjà demandé pour garantir la multifonctionnalité de l'agriculture;

- les règles de l'OMC ne forcent pas certains marchés à s'ouvrir à des produits dont on met en doute à juste titre la sécurité (il est donc nécessaire de préciser en conséquence l'accord SPS);

- l'on négocie des réglementations qui empêchent que des dispositions communautaires rigoureuses, par exemple dans le domaine de la nouvelle technologie verte (génie génétique) ou de la protection des animaux, ne soient contournées par des importations en provenance de pays tiers plus laxistes. Il convient d'éviter, grâce à des définitions et des dispositions claires en matière d'étiquetage, les confusions et une éventuelle tromperie des consommateurs.

5.5.8. La déclaration de la Secrétaire d'État américaine Ann Venemann, selon laquelle l'Accord de Doha a mis un terme aux mesures écologiques de l'Europe, qui sont des pratiques commerciales déloyales, et les Américains ont réussi à maîtriser l'application du principe de précaution, montre bien, d'une part, combien cet Accord de Doha est interprété de façon très divergente et, d'autre part, ce que certains en attendent vraiment, ce qui laisse craindre d'âpres négociations. Le CES espère cependant que la Commission restera conséquente dans la position de négociation qu'elle adoptera, car cultures et paysages, notamment, qui résultent du "modèle agricole européen", ne sont pas des marchandises mais font partie du patrimoine de la société que les politiques doivent s'efforcer de protéger. Il convient de défendre ce patrimoine avec au moins autant d'ardeur que les États-Unis mettent à défendre les intérêts à l'exportation de leurs grandes entreprises comme Microsoft.

5.6. Restitutions à l'exportation

5.6.1. Dans son avis sur une politique visant à consolider le modèle agricole européen, le CES avait déjà énoncé des principes fondamentaux en ce qui concerne les exportations agricoles. Ces principes sont bien sûr toujours valables.

5.6.2. Le CES a notamment souligné que l'objectif devait être de parvenir à réduire autant que possible tout soutien à l'exportation. Il a clairement établi par exemple que les crédits à l'exportation et les garanties de crédits à l'exportation qu'affectionnent particulièrement les États-Unis sont reconnus par les accords sur l'agriculture de l'OMC, à l'article 10 paragraphe 3, comme des subventions à l'exportation mais qu'aucune discipline n'a été fixée. Cela constitue un problème fondamental pour la compétitivité internationale de l'agriculture européenne et ce problème doit être résolu.

5.6.3. Les agriculteurs européens qui, à l'avenir, produiront encore davantage selon les principes d'une agriculture durable et multifonctionnelle, seront mis à rude épreuve par l'éventualité de l'importation de produits qui ne respectent pas ces critères mais rencontreront bien sûr des difficultés supplémentaires dans certains secteurs pour commercialiser sur les marchés mondiaux des produits impliquant des coûts plus élevés (et, partant, plus chers).

5.6.4. Dans le même temps, il faut bien reconnaître que les "produits de qualité" (par exemple le fromage, le vin, etc.) représentent une source de gains (importants) sur les marchés mondiaux même sans restitutions à l'exportation.

5.6.5. Il appartient et appartiendra à chaque agriculteur de décider du type de produit, de son mode de production et du marché auquel il s'adresse, dans le cadre de la législation/des exigences en vigueur. Les finances publiques en constante diminution mais aussi les futures règles de l'OMC auxquelles il faut s'attendre requièrent certainement une révision de la politique d'exportation agricole de l'UE. Il sera de plus en plus important de s'ouvrir des "marchés de qualité" (sans soutien à l'exportation) et non plus des marchés de masse (par exemple céréales à prix réduit pour la Chine grâce à un soutien à l'exportation), ce qui pourrait avoir des répercussions sur l'ensemble des aides et des réglementations de la politique agricole.

Bruxelles, le 21 mars 2002.

Le Président

du Comité économique et social

Göke Frerichs

(1) L'expression "agriculture paysanne" employée par le rapporteur (en allemand: baüerlich geprägt) ne définit pas la taille de l'exploitation mais plutôt le mode d'exploitation des agriculteurs et comment ceux-ci conçoivent leurs activités: dans le souci d'assurer la pérennité de l'exploitation agricole et d'un lieu de travail diversifié et qualifié, de penser aux générations futures, de s'intégrer dans le village et la région, de s'engager dans des circuits économiques interdépendants et complémentaires tout en restant le plus proche possible de l'exploitation agricole, d'assumer leurs responsabilités vis-à-vis de la nature et des animaux.

(2) Avis du Comité économique et social sur "Une politique visant à consolider le modèle agricole européen", JO C 368 du 20.12.1999, pp. 76 à 86.

(3) Au niveau national s'ajoutaient souvent des incitations à l'investissement des exploitations ainsi que des restructurations agricoles pour optimiser la production (par exemple remembrement rural).

(4) Le CES insiste sur le fait que "prix raisonnables" n'est pas synonyme de "à bas prix".

(5) Chiffres valables pour l'UE des 15. Dans certains États membres, l'augmentation est bien supérieure à la moyenne communautaire.

(6) Bien que les prix à la production aient diminué, cette baisse ne s'est pas fait sentir auprès du consommateur.

(7) 70 % au total en 2001.

(8) Dans le domaine des cultures arables, qui représentent aujourd'hui près de 40 % des dépenses totales du FEOGA, de 63,4 % (en 1991) à 5,1 % (en 1999) des dépenses totales.

(9) Dans le domaine des cultures arables de 38,9 % (en 1991) à 4,9 % (en 1999) des dépenses totales.

(10) En 1999, 91 % des dépenses du FEOGA-Garantie étaient encore consacrées aux restitutions et aux mesures de stockage, alors que les mesures traditionnelles de soutien du marché ne représentaient plus que 21 % en 2001.

(11) Dans le domaine des cultures arables, la part des versements compensatoires (y compris pour le gel des terres) est passé de 0,8 % en 1991 à 89,3 % en 1999.

(12) Les aides directes étaient calculées sur la base de la productivité historique de chaque pays.

(13) Rapport annuel 1996 de la Cour des comptes européenne, JO C 348 du 18.11.1997, par. 3.30.

(14) Et le fait que le développement agricole pu être renforcé par le 2e pilier, qui représente près de 10 % des dépenses agricoles, ne change rien à cette constatation.

(15) Une pratique en matière d'aide que la Cour des comptes européenne critique pour des raisons écologiques (cf. Rapport spécial n° 3/98 de la Cour des comptes européenne concernant la mise en oeuvre, par la Commission, de la politique et de l'action de l'Union européenne en matière de pollution des eaux, JO C 191 du 18.6.1998).

(16) Pour les cultures arables, près de 40 % des aides directes sont versées à seulement 3 % des exploitations agricoles.

(17) Actuellement dans l'UE des 15, un emploi est supprimé toutes les 2 minutes dans le secteur agricole.

(18) Le secteur des cultures arables perçoit par exemple 40 % des dépenses du FEOGA, section "Garantie", contre 4 % au secteur des fruits et légumes.

(19) Exemple: ne devrait-on pas à l'avenir récompenser les associations de producteurs régionaux lorsqu'elles s'efforcent de mettre en valeur certaines races régionales plus adaptées mais moins "productives"?

(20) Si en Autriche et en Finlande par exemple, plus de la moitié des aides à l'agriculture nationale versées par le budget agricole communautaire proviennent du 2e pilier, elles ne représentent qu'à peine 5 % en Belgique et aux Pays-Bas. En Allemagne, on constate entre le nord et le sud d'énormes différences dans la mise en oeuvre du programme de développement rural.

(21) Un ouvrier agricole brésilien reçoit peut-être 50 euros par mois.

(22) Avis du Comité économique et social sur le thème "Nouvelle économie, société de la connaissance et développement rural - Perspectives pour les jeunes agriculteurs", JO C 36 du 8.2.2002, p. 29

(23) Le Comité rappelle par exemple son avis sur "La relance d'un plan 'protéines végétales' au niveau communautaire" JO C 80 du 3.4.2002.

(24) L'élevage hors sol pratiqué dans certaines régions d'Europe rentre dans le cadre des bonnes pratiques professionnelles. Avec la prime au bovin mâle, qui est encore limitée à l'heure actuelle à 2,0 UGB/ha de surface fourragère, les aides octroyées à ce type d'exploitation sont déjà réduites à 2,0 UGB (à 1,9 en 2002 et même à 1,8 UGB ultérieurement), mais celles-ci n'en sont pas exclues de manière générale, alors que l'on ne peut certainement pas les décrire comme étant "multifonctionnelles".

(25) La discrimination générée par le système actuel à l'encontre par exemple des prairies ou pâturages ou de ce que l'on appelle les cultures "améliorantes" comme les légumineuses et le trèfle, doit disparaître.

(26) Par exemple élevage lié au sol (maximum 2 UGB/ha), respect d'une certaine rotation des cultures, maintien ou création de certains éléments de paysage ou certain pourcentage (à déterminer) de surfaces présentant des éléments constitutifs du paysage ou des modes de production régionaux définis comme "extensifs".

(27) JO C 279 du 1.10.1999, p. 74

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