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Document 52007IE1256

Avis du Comité économique et social européen sur Les droits du patient

JO C 10 du 15.1.2008, p. 67–71 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

15.1.2008   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 10/67


Avis du Comité économique et social européen sur «Les droits du patient»

(2008/C 10/18)

Le 14 juillet 2005, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2 de son règlement intérieur, d'élaborer un avis sur: «Les droits du patient».

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 17 juillet 2007 (rapporteur: M. BOUIS).

Lors de sa 438e session plénière des 26 et 27 septembre 2007 (séance du 26 septembre 2007), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 108 voix pour, aucune voix contre et 2 abstentions.

1.   Motivation et recommandation

1.1

Depuis de nombreuses années, les pays européens et la communauté européenne se sont penchés sur la question des droits des personnes ayant recours aux services de santé, se dotant de chartes ou de véritable arsenal législatif permettant d'affirmer ces droits (1). Ceux-ci sont évidemment dépendants de la qualité du système de santé et de l'organisation des soins. Toutefois leur respect est également dépendant du comportement et de la coopération des professionnels de santé et des patients eux-mêmes: des améliorations peuvent donc être rapidement envisagées.

1.1.1

Une charte européenne des droits des patients a été proposée en 2002 par «Active Citizenship Network». Ces droits fondés sur la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (article 35) sont importants dans les rapports que les citoyens européens entretiennent avec leur système de santé. Malgré cela, une recherche effectuée par des organisations de citoyens dans 14 pays de l'Union européenne démontre que le niveau de protection de ces droits est très différent d'un pays à l'autre. Cet état de fait met en cause l'engagement de la Commission européenne, à garantir à tous les citoyens européens, un accès effectif aux services de santé sur la base du principe de solidarité.

1.1.2

On assiste aujourd'hui à une évolution des politiques publiques qui tend à prôner de plus en plus la participation des citoyens avec le développement de méthodes de participation dans différents pays d'Europe: les conférences de consensus danoises, les jurys citoyens mis en œuvre dans plusieurs états européens, les états généraux, … Le conseil de l'Europe et le parlement promeuvent de telles démarches participatives.

1.1.3

Compte tenu de la charte européenne des droits fondamentaux, de la communication de la Commission intitulée «Consultation concernant une action communautaire dans le domaine des services de santé», de la déclaration du conseil santé du 1er juin 2006 sur «les valeurs et principes communs des systèmes de santé de l'Union européenne», de la jurisprudence de la cour européenne de justice relative à la mobilité des patients, du rapport du parlement européen sur la mobilité des patients et l'évolution des soins de santé dans l'Union européenne, de la résolution du parlement du 15 mars 2007, le CESE invite la Commission européenne à prendre des initiatives permettant la mise en œuvre d'une politique de santé respectant les droits des patients qui nécessite:

le recueil sous forme comparative des obligations réglementaires et déontologiques appliquées dans chaque pays de l'Union européenne et leur analyse,

la formulation sous la forme la plus appropriée de ligne de conduite communautaire transposable,

l'évaluation programmée de l'application des textes promulgués et des politiques décidées,

la diffusion des résultats de ces travaux auprès des responsables nationaux et des représentants des diverses catégories socioprofessionnelles et d'usagers concernés,

l'institutionnalisation d'une journée européenne des droits du patient.

1.1.4

Le Comité économique et social européen se saisit donc de la question des droits des patients pour attirer l'attention des instances européennes sur leur nécessaire respect, compte tenu en particulier du droit à la mobilité des citoyens entre les 27 pays de l'Union et de l'égalité de leur chance à bénéficier de prestations de qualité dans leur pays d'origine et dans le pays d'accueil et surtout pour inciter à leur mise en œuvre concrète dans l'ensemble des États de la communauté européenne. Par ailleurs, la réaffirmation de ces droits implique des changements dans les relations entre l'ensemble des professionnels et des structures de santé avec les patients au quotidien.

1.1.5

Les questions abordées nécessitent souvent une réflexion éthique et empruntent dans leur réponse au système politique et social du pays concerné. Pourtant, malgré les disparités liées à l'organisation des systèmes de santé et malgré la diversité des débats, on constate une évolution proche des problématiques de santé dans tous les pays d'Europe et une tendance générale et inéluctable vers l'affirmation des droits de la personne en recours de soins.

1.2

En effet, on constate une évolution des besoins de santé et des attentes des populations, et au-delà du système de santé, une évolution politique qui aspire à accorder de plus en plus de place à la parole de l'individu.

1.3

Les progrès de la médecine et la mise en place des systèmes de protection sociale ont globalement induit une transition épidémiologique qui s'est traduite par moins de prise en charge de courte durée et surtout davantage de maladies chroniques. Ce phénomène est accru par le vieillissement de la population. La prise en charge des personnes malades chroniques implique des prises en charge de longue durée; ces malades acquièrent alors des connaissances par leur expérience de recours au système de soins et par leur expérience de la maladie.

1.4

L'arrivée des nouvelles technologies de l'information, et notamment le développement d'Internet a renforcé ce mouvement de hausse des connaissances des patients, développant leur capacité d'échange et de questionnement des professionnels. Dans certaines pathologies, les personnes ont parfois une connaissance approfondie de leur maladie qui doit être prise en compte. Elle mérite d'être prise en considération par les professionnels du soin.

1.5

De manière générale, les attentes des patients vis-à-vis des professionnels ne se cantonnent pas uniquement aux dimensions techniques du soin mais concernent également les dimensions relationnelles et humaines.

1.6

Enfin, la vie avec une maladie de longue durée et/ou un handicap induit de nouveaux besoins et de nouvelles attentes de la part des personnes. L'enjeu de la prise en charge a changé: on est plus dans la guérison à tout prix, mais dans le «vivre avec», dans le souci permanent de lutte contre la douleur.

Au vu de ces considérations, ceci conduit les personnes malades à se positionner de plus en plus comme acteur de leur prise en charge avec des attentes et des besoins renouvelés.

1.7

Cette évolution des besoins et attentes des personnes vis-à-vis de leur prise en charge, s'inscrit dans une évolution plus profonde de la société qui tend à promouvoir le modèle de l'autonomie de la personne et l'affirmation de ses droits.

1.8

L'ensemble de ces facteurs permet de conclure à un épuisement du modèle paternaliste des interactions entre le médecin et son patient, ce qui nécessite de penser autrement la place du patient dans son interaction avec le système et implique l'affirmation et la mise en œuvre de nouveaux droits et devoirs.

1.9

Cet avis est centré sur les droits des patients, c'est-à-dire des personnes ayant recours au système de soins, qu'ils soient en bonne santé ou souffrants, pour reprendre la définition donnée par l'Organisation mondiale de la santé.

2.   Contexte

2.1

L'évolution de la médecine, l'évolution des besoins de santé et des attentes des personnes conduisent à envisager la personne prise dans son contexte de vie, ce qui implique non seulement de s'intéresser à l'individu lui-même, mais également à son entourage familial, voire professionnel ou amical. Le vivre avec signifie la prise en compte des dimensions de la qualité de vie, ce qui nécessite l'intervention d'une multiplicité de professionnels bien au-delà du seul corps médical.

2.2

Si le médecin conserve un rôle prépondérant dans la prise en charge des personnes, la notion de colloque singulier doit être intégrée au fonctionnement du système, c'est-à-dire en articulation avec l'ensemble des professionnels du champ sanitaire et médico-social.

2.2.1

Le patient fait confiance aux professionnels de santé, dès lors le médecin et les soignants doivent être attentifs à ses comportements, ce qui leur permet d'adapter leur discours, le traitement et son explication. L'échange passe tout à la fois par l'écoute, les paroles et les soins. Il permet de construire une relation solide qui est nécessaire pour mener le combat contre la maladie.

2.2.2

En ce sens, la médecine, dès lors qu'elle aborde ces questions, se doit d'élaborer une vraie pratique sociale, et au-delà de l'acte technique indispensable et rigoureux, de répondre à la demande de la population qui souhaite une prise en charge globale adaptée à chacun.

2.2.2.1

L'équipe médico-sociale doit être un conseiller pour son patient sans se démettre de sa responsabilité. Elle est donc là pour le soigner, l'informer et le soutenir. Elle élabore une stratégie thérapeutique par l'analyse que les symptômes et la relation avec le patient lui ont suggérée. On demande ainsi légitimement aux professionnels de santé une écoute individualisée du patient qui doit permettre de proposer le traitement le mieux adapté à la fois sur le plan technique et sur le plan psychologique.

2.2.3

L'issue de la bataille contre la maladie et pour le meilleur traitement dépend pour beaucoup des liens tissés entre le patient et les professionnels de santé, elle représente un enjeu aussi important pour les soignants que pour les malades. Cela implique également des espaces de médiations, de manière à prendre en compte les contraintes sociales (vie professionnelle, contrainte financière, reconnaissance des droits, …) et les enjeux de la vie affective et familiale. Dans ce contexte, la place des proches et des associations de patients est fondamentale.

2.3

On peut alors aller jusqu'à considérer tout l'intérêt de la rencontre entre un collectif patient et un collectif de professionnels.

2.3.1

D'aucuns dénoncent la perte de confiance avec la fin du colloque singulier envisagé dans son acception traditionnelle. Or, cette évolution marque davantage le passage d'une confiance aveugle à une confiance construite, dans un processus de rencontre et d'échange entre la personne, son entourage et les professionnels.

3.   Des droits imprescriptibles

3.1

L'affirmation des droits des patients s'inscrit dans les droits de l'homme et a pour objectif de promouvoir à terme leur autonomie. Ces droits se trouvent donc souvent imbriqués les uns dans les autres. La charte européenne de droits du patient, rédigée en 2002 par Active Citizenship Network, proclame 14 droits, que le CESE apprécie et reconnaît. Le CESE considère que trois droits présentent un aspect transversal ou préalable à d'autres droits.

3.2   Droit à l'information

3.2.1

L'information concerne en premier lieu le patient en traitement. L'information doit concerner la maladie, son évolution possible, les traitements possibles avec leurs intérêts et leurs risques, les caractéristiques des structures ou des professionnels dispensant ces soins, les impacts de la maladie et des traitements sur la vie du malade. Cela est d'autant plus essentiel dans les situations de maladie chronique, de dépendance, de handicap et de traitement de longue durée qui vont entraîner une réorganisation de la vie quotidienne de la personne et de son entourage.

3.2.1.1

Dans un souci de meilleur état sanitaire des populations, la prévention est un élément de première nécessité. Dès lors des campagnes d'information/sensibilisation sont à développer parallèlement à la mise en place de structures en capacité de faire les examens et de structure de soins adaptées.

3.2.2

L'information n'est pas une fin en soi mais un moyen de permettre à la personne de faire des choix libres et éclairés. C'est pourquoi, les modalités de transmission de l'information sont aussi importantes que l'information elle-même. Elles s'inscrivent dans un processus qui va mobiliser différentes sources d'information dont Internet et les accueils téléphoniques associatifs et dans lesquels le patient va interagir avec une multitude de professionnels qui ont tous un rôle propre à jouer. La transmission orale de l'information est fondamentale. Régulièrement, le médecin doit s'assurer de la compréhension et de la satisfaction du patient.

3.2.3

Par ailleurs, indépendamment de la personne intéressée, l'entourage doit également être pris en compte dans le processus d'information, d'autant plus que le patient sera un enfant, une personne âgée dépendante, … Il va de soi que le niveau d'information de l'entourage dépend de l'état sanitaire et des capacités du patient de décider pour lui-même.

3.2.3.1

Tout patient doit être informé dans sa propre langue et les incapacités spécifiques sont prises en compte.

3.2.4

Il n'est d'assentiment qu'éclairé et d'acceptation d'encourir des risques que fondée. L'information reste l'aboutissement du colloque singulier médecin/patient dans lequel les seules considérations du mieux et du bien être doivent être prises en compte.

3.2.5

Cet accès à l'information individualisée est l'étape indispensable pour progresser vers la réduction des inégalités devant les troubles, la maladie, la prise en charge et l'amélioration de l'accès au système de santé pour tous les citoyens.

Il est souhaitable que les données concernant l'état de santé de la personne et les démarches diagnostiques et thérapeutiques mises en œuvre et leurs résultats puissent être retracées dans un «dossier médical». L'accès à ce dossier directement par le patient ou par l'intermédiaire d'un médecin de son choix, suivant sa volonté, participe également au processus d'information et d'autonomie. L'ensemble des efforts visant à une meilleure information et à une plus grande transparence doivent toutefois être régis par un cadre juridique adapté qui garantisse que les données médicales recueillies ne sont pas utilisées à des fins autres que celles recherchées. Dans le cas des données qui sont stockées sur support électronique et, le cas échéant, communiquées à l'étranger, il importe tout particulièrement de veiller à exercer une extrême vigilance quant à leur utilisation.

3.2.6

Il est essentiel de développer l'information sur le système de santé afin de le rendre plus lisible et transparent. En effet, les patients confrontés à une multiplicité d'intervenants, peuvent se sentir renforcer dans leur autonomie ou au contraire devenir totalement dépendants de leur médecin, en fonction de leur niveau de connaissances et de compréhension qu'ils ont du système. Le risque est alors de voir émerger des revendications mal placées de la part des usagers.

3.3   Droit au consentement libre et éclairé

3.3.1

Il s'agit d'affirmer le droit à la participation des patients dans les décisions les concernant. Ceci ne signifie pas un transfert de la responsabilité du médecin sur le patient, mais d'envisager leur interaction dans une perspective d'alliance thérapeutique, chacun restant à sa place, avec ses droits et son périmètre de responsabilité.

3.3.1.1

L'adhésion du patient ne porte pas systématiquement sur tous les actes médicaux futurs. Dès lors, le consentement du patient doit être renouvelé avant tout acte médical ou chirurgical important.

L'accord du patient ainsi renseigné doit être explicite, c'est-à-dire exprimé objectivement. Après en avoir été informé le patient peut accepter ou refuser la procédure qui lui est proposée.

En ce qui concerne les dons d'organes lorsque le donneur est vivant, une vigilance accrue doit être portée sur l'information sur les risques.

3.3.1.2

En matière d'expérimentation d'une thérapeutique nouvelle, les principes qui sous-tendent la recherche de consentement des malades aux soins médicaux comme à la recherche elle-même sont les mêmes. Il s'agit de respecter la liberté du patient et des principes convergeant vers le même objectif: la responsabilité et la confiance partagées.

3.3.1.3

Quant aux essais cliniques, aussi bien pour les personnes valides que les autres, ils nécessitent une pédagogie particulière. Cette démarche doit répondre à des critères bien définis et ne peut s'envisager que s'il existe un désir affirmé de coopération et s'accompagner à l'évidence d'un consentement absolu.

3.3.1.4

En urgence, certaines dérogations à cette règle peuvent être envisagées, le consentement peut être présumé et confirmé lorsque le patient a retrouvé ses capacités de discernement.

3.3.1.5

Le patient doit avoir la possibilité de désigner une personne pour le représenter, au cas où il se retrouve, par la suite, dans l'incapacité de faire connaître ses préférences.

3.3.1.6

Un enfant ou un malade mineur dès qu'il est en mesure d'avoir une certaine autonomie personnelle ou une capacité correcte de discernement doit être consulté pour des actes médicaux bénins, une telle démarche participant de l'éducation sanitaire dès le plus jeune âge, elle tend à dédramatiser certaines situations et à améliorer la coopération du jeune patient.

3.4   Droit à la dignité

3.4.1

Sous cette appellation, doit être compris le droit à l'intimité, le droit à la prise en charge de la douleur, le droit à une fin de vie digne, la protection de l'intégrité du corps, le respect de sa vie privée et le principe de non-discrimination.

3.4.1.1

Chaque citoyen a droit à la confidentialité de l'information concernant son état de santé, le diagnostic formulé et les procédés de traitement, mais aussi au respect de son intimité pendant le déroulement des examens, consultations et traitements médicaux et chirurgicaux. Ce droit fondamental impose que le patient soit traité avec égards et ne doit pas souffrir de propos et d'attitudes méprisantes de la part du personnel de santé.

3.4.1.2

La maladie, le handicap et la dépendance affaiblissent les individus. Plus ceux-ci se sentent diminués, moins ils se sentent en capacité d'exiger un respect minimum envers eux-mêmes. Il appartient donc aux professionnels d'être d'autant plus attentifs à respecter les personnes, qu'elles sont particulièrement fragilisées du fait de leur maladie et/ou de leur handicap.

3.4.1.3

Une reconnaissance du temps consacré à la consultation, à l'écoute de la personne, à l'explication du diagnostic et du traitement, tant en médecine de ville qu'à l'hôpital, participe au respect des personnes. Cet investissement en temps permet de renforcer l'alliance thérapeutique, de gagner du temps à d'autres moments. Prendre du temps, c'est prendre soin.

3.4.1.4

Cela est d'autant plus vrai quand il s'agit de public souffrant déjà d'un manque de reconnaissance sociale: les personnes âgées, les personnes en situation de précarité sociale, les personnes souffrant d'un handicap physique, psychique ou mental, …

3.4.1.5

Dans les situations de fin de vie ou de traitements particulièrement lourds, la vigilance est encore plus nécessaire. Le respect de la personne et son droit à mourir dignement passent par un accès pour tous aux soins palliatifs visant à diminuer la douleur et sauvegarder une certaine qualité de vie par la garantie du droit du patient à ce que soient respectées jusqu'au bout ses choix. Cela passe notamment par la mise en place de disposition, telle que la personne de confiance, qui garantisse l'expression d'une telle volonté.

3.4.1.6

La prise en charge de la douleur par la mise en place de moyens effectifs, d'accès aux structures spécialisées, information et formation des professionnels de santé, information des patients et de leur entourage est à développer car il s'agit là du respect du droit de tout un chacun à recevoir des soins visant à le soulager de la douleur.

3.4.1.7

Le respect dû à la personne ne cesse de s'imposer après la mort. Ceci implique que tout décès de patient hospitalisé fasse l'objet d'un accompagnement psychique de son entourage et des professionnels qui l'ont accompagné en fin de vie ainsi que du strict respect des volontés et des convictions du défunt.

3.5

Un certain nombre d'autres droits individuels sont à mettre en œuvre dans une démarche de santé publique, ils demandent une réponse du système tel qu'organisé.

3.5.1

Droit à l'accès aux soins pour tous, c'est-à-dire non seulement un accès aux droits et à la protection sociale, mais également un accès direct à l'ensemble des services et des professionnels de soins, sans discrimination du fait de la situation sociale ou économique de la personne. On ne s'inscrit pas dans une ouverture du marché de la santé mais dans une politique de santé publique volontariste, étant entendu que la concrétisation de ce droit diffère fortement d'un pays à l'autre en fonction des responsabilités assumées et des modes de financement développés dans chaque pays.

3.5.2

Droit à la qualité des soins, toute personne a compte tenu de son état de santé, le droit de recevoir les soins les plus appropriés et de bénéficier des meilleures thérapies et des médicaments offrant le meilleur rapport coût efficacité (promotion des génériques). Le droit à la qualité des soins implique également le droit au dépistage et à l'éducation thérapeutique, ce qui demande un investissement en moyens et en financement, elle sous-tend la mise à disposition de suffisamment de professionnels correctement formés.

3.5.3

Droit à la prévention et à la sécurité des soins: les citoyens veulent que le système de santé s'organise autour et au service de personnes. Ils veulent mieux comprendre les stratégies thérapeutiques qui leur sont proposées, participer à un effort à la fois personnel et collectif de prévention, veiller à ce que les choix de société, les comportements et les consommations ne nuisent pas à la santé.

4.   Préconisations pour une mise en œuvre des droits des patients

4.1

L'affirmation et la mise en œuvre de ces droits interrogent beaucoup de professionnels, de patients, de responsables des politiques de santé, des associations d'usagers. Il est urgent de sortir d'une opposition entre les droits des uns et les devoirs des autres. Le respect des droits des patients partage et rééquilibre également les devoirs des professionnels et leurs responsabilités.

4.1.1

Le corps médical ne prenant plus seul les décisions mettant en jeu l'avenir des personnes, il n'a donc plus à les assumer seul.

4.2

Pour le bien de tous, il relève de la responsabilité collective d'aider les professionnels à répondre à ces attentes:

en intégrant dans leur formation les dimensions d'éthique, de respect de la personne et de ses droits, qu'ils en comprennent la dynamique, les tenants et les aboutissants afin de ne pas interpréter le respect des droits des patients comme une contrainte supplémentaire;

en construisant de lieux de débat et de rencontre entre les professionnels, et entre les professionnels et les usagers;

en construisant de nouvelles modalités d'informations des malades mobilisant l'ensemble des acteurs du système de santé;

en élaborant de nouvelles modalités pédagogiques du consentement conduisant à une alliance thérapeutique;

en mettant au point et en diffusant de nouvelles méthodes organisationnelles et pédagogiques destinées à réduire au minimum le stress que les enfants subissent du fait de leur traitement médical et notamment de leur séjour à l'hôpital;

en mettant en place des comités d'éthique clinique au sein des établissements de santé qui permettront de soutenir les professionnels et de respecter les droits des malades;

en incluant la protection et la promotion des droits des patients dans les codes éthiques et de conduite des professionnels;

en renforçant la lisibilité du système par les usagers, en valorisant la place et le rôle de l'ensemble des professionnels;

en imaginant de nouvelles formes collectives d'exercice impliquant les médecins et les autres professionnels de la santé:

exercice de groupe, Maison médicale de santé;

articulation entre les professionnels médicaux, médico-sociaux et sociaux;

en repensant la place des associations de malades, d'usagers, de consommateurs, de familles et de citoyens:

intégrer des représentants des usagers dans les instances de représentation;

reconnaître le rôle de certaines associations dans l'éducation thérapeutique, la prévention, l'information aux malades, …

construire l'articulation entre les dispositifs associatifs et les dispositifs professionnels, …

donner aux associations les moyens de leurs actions et de leur expression (formation, congé représentation…);

mettre en place dans les structures hospitalières des espaces neutres et conviviaux permettant aux patients d'exprimer leurs interrogations et de préparer, avec le soutien des associations d'usagers, leurs échanges avec les professionnels;

impliquer les associations au même titre que les professionnels dans l'analyse des plaintes et dans la définition des mesures d'amélioration de la qualité de la prise en charge.

5.   Conclusion: vers une affirmation des droits collectifs

5.1

L'effectivité des droits individuels va dépendre en grande partie des réponses collectives qui seront apportées pour soutenir cette démarche, c'est la raison pour laquelle il est nécessaire d'œuvrer pour la mise en œuvre de la démocratie sanitaire impliquant la mobilisation collective des usagers et leur représentation à différents endroits du système.

5.2

Les droits du patient sont une expression parmi d'autres des droits de la personne humaine, mais en aucun cas une catégorie à part, ils manifestent la volonté que tout patient ne veut pas être considéré comme un être à part et surtout pas un être à part de la société.

5.2.1

Force est d'admettre que les usagers du système de soins expriment de plus en plus vivement leurs sensibilités aux conditions de prises en charge à partir de leur propre expérience et aussi parce qu'ils reçoivent de plus en plus d'informations.

5.3

Il est donc question d'interroger la place du patient dans un système de décisions le concernant dans un souci de transparence des procédures et de respect des individualités.

5.4

Il ne s'agit pas de verser dans un comportement juridico-consumériste mais de reconnaître que le patient est suffisamment mature pour participer aux décisions le concernant sur la base du respect de ses droits.

5.5

Donner la parole aux usagers et à leurs représentants s'avère d'autant plus nécessaire que les problématiques de santé croisent d'autres champs: mode de production, mode de vie, conditions de travail, protection de l'environnement … Ceci implique donc des choix sociétaux, économiques, éthiques qui vont au-delà de la seule responsabilité des professionnels de santé.

Bruxelles, le 26 septembre 2007.

Le Président

du Comité économique et social européen

Dimitris DIMITRIADIS


(1)  Charte des droits fondamentaux de l'UE, textes adoptés par le Conseil de l'Europe, loi française no 2002-303 du 4 mars 2002.


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