EUR-Lex Access to European Union law

Back to EUR-Lex homepage

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 52007AE1237

Avis du Comité économique et social européen sur le Livre vert sur l'amélioration de l'exécution des décisions de justice au sein de l'Union européenne: la saisie des avoirs bancaires COM(2006) 618 final

JO C 10 du 15.1.2008, p. 2–8 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

15.1.2008   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 10/2


Avis du Comité économique et social européen sur le «Livre vert sur l'amélioration de l'exécution des décisions de justice au sein de l'Union européenne: la saisie des avoirs bancaires»

COM(2006) 618 final

(2008/C 10/02)

Le 24 octobre 2006, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 262 du Traité CE, de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 18 juillet 2007 (rapporteur: J. PEGADO LIZ).

Lors de la 438e session plénière des 26 et 27 septembre 2007 (séance du 26 septembre 2007), le Comité économique et social européen a adopté l'avis suivant par 131 voix pour, 1 voix contre et 6 abstentions.

1.   Synthèse

1.1

Avec le Livre vert à l'examen et à la suite d'une série d'initiatives visant la création d'un espace judiciaire européen, la Commission lance une consultation relative à la création d'un instrument législatif communautaire qui rende plus efficace l'exécution du recouvrement des créances pécuniaires en assurant le gel préalable de sommes d'argent déposées sur des comptes bancaires que possèdent le débiteur, et ce dans tout État membre.

1.2

Il ressort du Livre vert précité, qui ne peut être considéré indépendamment de la lecture et de l'analyse du document de travail qui lui est annexé (1), de même que de l'étude qui lui a servi de base, malgré un certain manque de cohérence conceptuelle pour ce qui est de la définition du champ d'application objectif et subjectif même de la mesure et d'une traduction particulièrement déficiente dans plusieurs versions linguistiques, que l'objectif annoncé par la Commission sera d'avancer une proposition de règlement. Ce règlement aurait un caractère facultatif et définirait le régime juridique d'une mesure conservatoire européenne qui aurait la nature d'une saisie conservatoire de comptes bancaires, indépendamment de la nature de la dette et de la qualité des sujets.

1.3

En l'absence d'une quelconque étude d'impact d'une telle mesure, et compte tenu du fait que les études de droit comparé qui lui ont servi de base n'ont pris en considération que 15 des 27 États membres de l'UE, le Comité, tout en partageant les préoccupations de la Commission, ne considère pas que la nécessité d'une telle mesure, en termes de subsidiarité et de proportionnalité, a été dûment démontrée ni qu'un même résultat ne peut être atteint de manière satisfaisante à travers une simple modification ponctuelle de deux dispositions du règlement de Bruxelles I.

1.4

Le Comité ne trouve pas non plus justifié de limiter l'objet d'une telle initiative, si elle devait être adoptée, à la seule saisie conservatoire de sommes d'argent déposées sur des comptes bancaires, et suggère d'en élargir le champ d'application à d'autres biens meubles du débiteur et de l'étendre, moyennant les adaptations nécessaires, à la saisie postérieure à l'obtention d'un titre exécutoire. En outre, il estime qu'il est indispensable de l'assortir, simultanément, d'une initiative relative à la transparence des comptes bancaires, aux obligations d'information et aux règles du secret et de la protection des données, qui sont des préalables.

1.5

Toujours dans le cas où serait prouvée l'absolue nécessité d'introduire une telle mesure, le Comité partage le point de vue de la Commission selon lequel l'instrument approprié serait le règlement à caractère facultatif pour le gel des comptes bancaires que le débiteur possède dans les États membres qui ne sont pas ceux du lieu de résidence ou du siège du créancier.

1.6

Si ce devait être le cas, le Comité formule une série détaillée de recommandations de nature technique et juridique relatives à la définition de ce qui lui paraît être le régime le plus adéquat pour l'initiative. Ces recommandations portent notamment sur la compétence des tribunaux, les conditions pour décréter la mesure, les limites aux montants à saisir et les exemptions, les garanties de défense du débiteur et des tiers titulaires de comptes joints ou solidaires, les recours et les délais, le régime des frais de justice, les obligations et les responsabilités des banques où seraient ouverts les comptes en question et les règles de droit national et international privé applicables de manière supplétive, afin de répondre pleinement à la demande d'avis de la Commission.

2.   Résumé du Livre vert

2.1

La Commission lance avec le Livre vert à l'examen une consultation des parties concernées sur la manière d'améliorer l'exécution du recouvrement des créances pécuniaires et suggère de créer éventuellement un système européen de «saisie de comptes bancaires».

2.2

La Commission commence par inventorier les difficultés existant en matière d'exécution dans le cadre d'une procédure civile dans «L'espace judiciaire européen» dues aux disparités des réglementations nationales dans ce domaine, reconnaissant que le règlement (CE) no 44/2001 (Bruxelles) (2) «ne garantit pas la reconnaissance et l'exécution d'une mesure conservatoire, telle qu'une saisie bancaire, obtenue d'une manière non contradictoire dans un État membre autre que celui où elle a été ordonnée».

2.3

La Commission considère que cette lacune est susceptible de fausser la concurrence entre les entreprises selon le degré d'efficacité des systèmes judiciaires des pays dans lesquels elles exercent leur activité et constitue ainsi une entrave au bon fonctionnement du marché intérieur qui requiert une harmonisation en termes d'efficacité et de rapidité dans le recouvrement des créances, notamment de nature pécuniaire.

2.4

La Commission avance par conséquent l'hypothèse de la création d'une «ordonnance européenne de saisie de comptes bancaires qui permettrait au créancier de mettre en sûreté une somme d'argent qui lui est due ou qu'il réclame, en empêchant le retrait ou le transfert de fonds détenus par son débiteur sur un ou plusieurs compte(s) bancaire(s) ouverts sur le territoire de l'Union européenne» et examine dans le détail les contours de son éventuel régime juridique dont elle énonce les paramètres en 23 questions.

3.   Contexte de l'initiative

3.1

Cette initiative s'inscrit, à bon escient, dans un ensemble plus vaste de mesures que la Commission est en train de prendre dans l'objectif louable de créer un espace judiciaire européen qui puisse servir de support, pour ce qui est des aspects judiciaires, à la réalisation du marché unique (3), en particulier à la suite de la transformation de la Convention de Bruxelles en un règlement communautaire (4) et du règlement relatif au titre exécutoire européen (5).

3.2

Les observations empiriques de la Commission quant aux difficultés d'exécution des décisions judiciaires dans les différents pays européens étant pertinentes et les différences de régime auxquelles celles-ci sont soumises en raison d'un manque d'harmonisation de la procédure d'exécution au niveau de l'Union, avec les conséquences en résultant qu'elle a bien soulignées (6) et qui n'ont pu que s'aggraver avec l'adhésion récente de douze nouveaux pays, étant avérées, force est de constater que dans le Livre vert à l'examen, la Commission n'assortit pas son initiative d'une prise en considération, pourtant indispensable, des principes de subsidiarité et de proportionnalité.

3.3

Il n'est notamment pas démontré que le même résultat ou un résultat similaire ne puisse pas être obtenu à travers une simple modification d'une ou de deux dispositions du règlement de Bruxelles I, plus particulièrement des articles 31 et 47 (7), en élargissant son champ d'application et en maintenant tout le système institué, avec des gains évidents en termes de simplification.

3.4

Par ailleurs, l'évaluation d'impact préliminaire, à laquelle la Commission n'a également pas encore procédé et qui devra prendre en compte non seulement les quinze États membres dont la situation a été analysée dans l'étude qui a servi de base au Livre vert à l'examen (8), mais tous les États qui composent aujourd'hui l'Union européenne, doit s'accompagner d'un examen approprié des mesures relatives à une transparence accrue du patrimoine des débiteurs et à l'indispensable accès à l'information relative à leur compte bancaire, sans préjudice de la nécessaire protection du secret bancaire. Ce n'est en effet qu'à l'issue d'une appréciation d'ensemble que l'on pourra procéder à une évaluation correcte (a) de la nécessité, (b) de la portée et (c) du bien-fondé de la mesure.

4.   Observations générales

4.1

Dans ses observations sur l'initiative proposée, le CESE fait la distinction entre:

a)

celles à caractère général, à savoir portant sur les questions de fond relatives à la nature et au champ d'application de la mesure, et

b)

celles à caractère particulier, c'est-à-dire concernant les questions relatives aux modalités procédurales.

4.2   Questions préalables: les termes et les concepts

4.2.1

S'agissant d'un Livre vert, qui précède l'adoption éventuelle d'un instrument juridique, très probablement un règlement communautaire, les termes utilisés pour la définition des concepts qui à leur tour serviront à définir la nature de la mesure procédurale à mettre en place, doivent obéir à des critères d'une extrême rigueur et à une précision technique et juridique dans toutes les langues communautaires quelles qu'elles soient.

4.2.2

Or il s'avère que, tout du moins dans cinq versions linguistiques (9), les termes utilisés par la Commission pour désigner la mesure conservatoire éventuellement souhaitable ne sont pas univoques ni équivalents et peuvent entraîner une certaine confusion au plan juridique et technique pour ce qui est de la nature juridique de la mesure. Compte tenu de la nature juridique de la mesure, il faut veiller, déjà au niveau de la Commission, à la correction des traductions pour éviter des incertitudes qui découleraient uniquement de l'utilisation d'une terminologie inappropriée (10).

4.2.3

L'on peut, semble-t-il, à juste titre conclure de l'analyse du régime juridique qu'elle entend suggérer, la nécessité du «fumus boni iuris» et du «periculum in mora» et de leur finalité — geler ou bloquer les montants déposés sur les comptes bancaires jusqu'à la décision finale et son exécution dans le cadre d'une procédure civile pour le recouvrement de créances pécuniaires, de nature évidemment commerciale et pas de celles résultant de procédures pénales, qu'il s'agit d'une mesure à caractère conservatoire ayant une nature de saisie conservatoire.

4.3   Champ d'application de la mesure (11)

4.3.1

Par ailleurs, le Comité s'interroge sur la limitation du champ d'application de la mesure conservatoire aux «comptes bancaires».

4.3.2

Dans le cadre du recouvrement de créances pécuniaires, de nature forcément universelle, tous les biens du débiteur doivent être considérés à hauteur du montant exigible. Dans le cadre d'une mesure conservatoire comme celle qui est annoncée, d'autres biens du débiteur susceptibles d'être saisis, y compris les titres de crédits, actions, obligations et «autres droits et crédits sur tiers», et pas uniquement l'argent déposé sur certains comptes bancaires ou dans d'autres institutions financières pourraient être couverts, l'élargissement du champ d'application de la mesure, tout du moins à des biens meubles non soumis à enregistrement et aux droits de crédit du débiteur (y compris les actions, obligations, loyers, crédits sur tiers, etc.) ou des biens meubles directement liés à un compte bancaire ne paraissant pas être trop complexe.

4.3.3

Le Comité ajoute que la limitation du champ d'application de l'instrument communautaire à la seule saisie conservatoire de comptes bancaires ne lui paraît pas justifiée, car il pourrait être étendu, ce qui présenterait des avantages, moyennant les adaptations nécessaires, à la saisie des mêmes avoirs qui interviendrait postérieurement à l'obtention d'un titre exécutoire, compte tenu du fait que le même type de difficultés en termes d'appréhension et de disparition des biens, qui justifient la mesure proposée, peuvent dans ce cas également survenir.

4.3.4

La Commission devra ainsi dûment évaluer et justifier l'utilité et le coût d'une mesure de ce type, exclusivement limitée à la saisie conservatoire d'argent déposé sur les comptes bancaires.

4.4   Étape à laquelle la mesure peut être sollicitée

4.4.1

En raison de sa nature précédemment définie, la question de l'étape à laquelle la mesure conservatoire en cause peut être demandée est d'emblée réglée. En accord avec la meilleure technique juridique, une mesure conservatoire de ce type doit pouvoir être demandée à n'importe quelle étape de la procédure judiciaire dont elle relève, notamment avant le début de l'action judiciaire principale, en tant que procédure préparatoire et conservatoire, et plus exactement quand elle a le plus d'utilité pratique.

4.4.2

Il faudra bien évidemment prendre en considération les spécificités évidentes liées au régime, selon que la mesure conservatoire intervient avant que le recours principal n'ait été décidé ou après obtention de la décision établissant le droit, avant ou au cours d'une procédure d'exécution ou selon qu'il y ait eu ou non recours devant une juridiction de degré supérieur contre la sentence en première instance, ou enfin lorsque le titre exécutoire n'a pas nature de jugement (traite, mandat, chèque ou autre titre ayant force exécutoire).

4.5   La compétence du tribunal

4.5.1

D'une certaine manière, la question de savoir quel est le tribunal compétent pour apprécier le bien-fondé de la mesure conservatoire et la décréter est également résolue du fait de ce qui a été dit précédemment. Le tribunal compétent en la matière sera évidemment celui qui est compétent pour connaître du fond à partir du moment où l'action est déjà introduite et l'exécution déjà lancée.

4.5.2

Mais le tribunal de l'endroit où se trouvent les comptes bancaires doit également être compétent si la mesure a été sollicitée avant l'introduction de l'action en justice et le lancement de l'exécution. Dans ce cas, il faudra néanmoins prévoir que dès l'introduction de l'action et le lancement de l'exécution dans le cadre de la procédure judiciaire principale, la mesure conservatoire déjà décrétée relèvera du tribunal compétent quant au fond, lequel, même s'il appartient à une autre juridiction nationale, devra l'accepter en tant que telle sans procédure de reconnaissance (12).

4.6   Conditions pour décréter la mesure

4.6.1

Il s'avère nécessaire, en raison de sa nature, de garantir les conditions que la Commission définit très justement au paragraphe 3.2 du Livre vert, le «fumus boni iuris» et le «periculum in mora». Toutefois, s'il existe déjà une décision judiciaire ou un autre titre ayant force exécutoire, il suffira d'apporter la preuve du «periculum in mora», autrement dit de la nécessité urgente de faire exécuter la mesure de saisie.

4.6.2

Il apparaît conseillé de prévoir, en tant que condition de recevabilité de la demande pour décréter la mesure, d'apporter la preuve que le créancier à fourni des efforts raisonnables en vue d'un recouvrement amiable de la créance, même par des voies extrajudiciaires.

4.6.3

L'inutilité de l'audition préalable du débiteur est la condition fondamentale de l'efficacité de la mesure, laquelle peut toutefois être assortie de la constitution d'une garantie, dont le montant est laissé à l'appréciation du juge, mais qui doit suffire à compenser les pertes et dommages résultant d'une éventuelle annulation de la mesure dans le cadre de la procédure judiciaire principale ou de l'action en recours, dans le cas où elle n'aurait pas d'effet suspensif, toutes les fois que la mesure est décrétée avant l'existence ou l'obtention d'un jugement définitif.

4.7   Montant à garantir et exemptions

4.7.1

Le montant à garantir en vertu de la mesure doit être limité à celui de la créance à recouvrer et impayée et des intérêts de retard (contractuels ou légaux) échus au moment de la présentation de la demande d'application de la mesure.

4.7.2

Il n'apparaît pas légitime, dans le cadre d'une procédure conservatoire, à caractère nécessairement provisoire, et compte tenu des conséquences très dommageables que peut avoir le gel des montants déposés sur les comptes bancaires, d'inclure d'autres sommes, notamment pour faire face aux intérêts qui courent, des honoraires d'avocats, les frais de justice, frais bancaires ou autres.

4.7.3

Le CESE a conscience du fait que la mise en place d'un système comme celui-ci peut entraîner des frais pour les banques. Cependant, il ne semble pas légitime d'imputer ces derniers sur les montants à geler déposés sur les éventuels comptes bancaires du prétendu débiteur. Il reviendra aux législations nationales de définir le régime des frais bancaires et de leur perception auprès des créanciers qui ont recours à une telle procédure, lesquels entreront dans le cadre du régime applicable au frais de justice, à définir in fine.

4.7.4

Il conviendra d'établir, dans un instrument communautaire, les paramètres de délimitation de l'exemption des montants à saisir, afin que le débiteur puisse subvenir à ses besoins élémentaires ainsi qu'à ceux de sa famille, s'il s'agit d'une personne physique, lesquels risquent de ne plus pouvoir être couverts si la mesure est décrétée.

4.7.5

La banque devra informer le tribunal, après que la mesure a été exécutée, des limites applicables à l'exécution de l'ordonnance de saisie en fonction de la nature du compte du débiteur (compte courant sur lequel est versé son salaire, compte-épargne, compte crédit-logement), la nature des revenus ou gains qui l'alimentent (salaires, traitements, honoraires de professions libérales, revenus du travail pour le compte d'autrui, loyers, retraites, parts sociales, etc.) ou la nature des dépenses qui lui sont associées (crédit logement, leasing voiture, location, crédits à la consommation, dépenses alimentaires familiales, etc.), conformément à la loi du pays où se trouve le compte bancaire et dans la mesure où elle a connaissance de la nature de ces revenus et dépenses.

4.8   Comptes de tiers

4.8.1

De même, il ne semble pas légitime d'élargir le champ d'application de la mesure conservatoire aux comptes de tiers. Quand il n'est pas possible de déterminer rigoureusement la part revenant en propre au débiteur, l'on doit présumer que les parts des titulaires sont égales.

4.8.2

Il est également inacceptable de faire intervenir pour le même montant plusieurs comptes, même si l'on doit admettre la difficulté à résoudre la question lorsque, s'agissant de comptes ouverts dans différents pays, chacun des tribunaux compétents est sollicité pour décréter la mesure, sans avoir connaissance de l'existence d'une même demande ailleurs, jusqu'au moment où toutes les procédures sont centralisées au sein du tribunal compétent pour connaître le fond.

4.8.3

Il apparaît par conséquent tout à fait logique d'assortir cette initiative de l'établissement d'obligations d'information claires relativement au requérant et aux banques destinataires de la requête, ainsi que d'obligations de coopération et de collaboration entre les banques et les tribunaux dans les différents États membres, et ce toujours dans le respect de la vie privée, de la protection des données et du secret bancaire, comme cela est bien expliqué d'ailleurs dans l'étude précédemment mentionnée, sur laquelle est basée le Livre vert à l'examen.

4.8.4

L'on pourra ainsi établir la réduction «ex post» des montants saisis, tout de suite après l'obtention de l'information des différentes banques, dans le cas où il en existerait plus d'une, dans un bref délai à définir.

4.9   Garanties de défense du débiteur

4.9.1

Il est essentiel d'assurer la protection du débiteur en lui fournissant les moyens de contester la décision de mesure conservatoire, dans un délai raisonnable, qui ne devrait pas être inférieur à 20 jours calendrier, afin de démontrer:

a)

l'inexistence, totale ou partielle, de la dette;

b)

l'absence de risque de «periculum in mora»;

c)

que le montant saisi n'est pas juste;

d)

que les besoins vitaux du débiteur ou ceux de sa famille (s'agissant d'un débiteur personne physique) risquent de ne pas pouvoir être couverts à cause de la mesure.

4.9.2

À cet effet, il convient de prévoir que le débiteur sera informé par le tribunal compétent immédiatement après que l'on ait vérifié que des quantités suffisantes ont été bloquées à la suite d'une injonction à la banque de procéder à la saisie du compte, pour le montant allégué de la dette ou à concurrence de celui-ci. Une même information doit être fournie au débiteur par la banque en question, immédiatement après le gel du compte, dans les conditions définies par le tribunal.

4.9.3

L'instrument communautaire devra également prévoir les moyens de défense ainsi que les fondements ou motifs de l'opposition/du recours, en les harmonisant au niveau communautaire, pour garantir une égalité dans l'appréciation des situations dans toute juridiction compétente, de même que l'identité des moyens de défense. Question importante: la possibilité d'introduire un recours en justice contre la décision en vertu de laquelle ces deux présupposés sont réputés établis, de même que celle de l'effet de ce recours (suspensif ou non) et du tribunal compétent pour juger de son bien-fondé, lorsque ce n'est pas la même juridiction nationale qui est compétente pour décréter la mesure et se prononcer sur le fond de l'affaire.

4.9.4

Il importera également de définir un délai de caducité à compter du jour où l'application de la mesure est portée à la connaissance du créancier, pour l'engagement de la procédure principale ou la demande d'exequatur, un délai de 60 jours calendrier étant jugé raisonnable, indépendamment de la décision relative à la mesure conservatoire.

4.10   L'instrument communautaire et sa nature

4.10.1

Dans son Livre vert, la Commission n'est pas claire quant à l'instrument juridique qu'elle envisage pour mener à bien son initiative. Compte tenu des objectifs visés et pour garantir une identité de traitement dans les différents États membres et, à l'instar de ce qui se produit pour d'autres instruments de même nature dans le cadre de l'espace juridique européen, le CESE est d'avis que l'instrument choisi devra se présenter sous la forme d'un règlement.

4.10.2

Autre question mais intimement liée à celle-ci: son champ d'application. La mesure étant jugée nécessaire, l'on estime que la Commission ferait bien de décider, comme pour d'autres instruments identiques, que la procédure en cause s'applique exclusivement aux affaires transfrontalières et qu'elle est facultative («28e régime»), laissant aux créanciers la possibilité de choisir un instrument communautaire harmonisé ou de recourir à la voie existante et possible des dispositions de DIP applicables.

4.11   Frais de justice

Le CESE suggère que le régime des frais de justice applicable à cette procédure suive les règles déjà consacrées dans l'article 7 du règlement (CE) no 805/2004, avec les adaptations éventuellement nécessaires (13).

5.   Observations particulières

5.1

Concernant les questions purement formelles, le CESE estime que la procédure d'«exequatur» doit être supprimée pour ce qui est de la décision en vertu de laquelle est décrétée la mesure conservatoire, quel que soit le tribunal compétent.

5.2

Il est également d'avis que le système de notification du tribunal à la banque et au supposé débiteur ne doit pas être encombré de formalités inutiles, dès lors qu'il garantit l'authenticité de l'acte et l'identité du débiteur, car le régime qui existe déjà dans le règlement (CE) no 1348/2000 lui paraît être adapté dans ce cas (14). L'identification des comptes à saisir devra être la plus complète possible de manière à éviter un ordre générique de saisie.

5.3

Il considère aussi que l'ordonnance du tribunal compétent devra être exécutée par la banque dans les termes dans lesquels elle a été formulée, tout en sauvegardant néanmoins les opérations légitimes déjà en cours, notamment les engagements antérieurement garantis par des lettres de change et des billets à ordre ou des chèques ainsi que les obligations à l'égard de créanciers privilégiés comme l'État, la sécurité sociale et les salariés. Quoi qu'il en soit, la banque doit répondre du solde existant à la date de la réception de l'ordonnance de saisie, et doit pour cela s'organiser de manière à ce que quand l'ordonnance arrive, même en dehors des heures ouvrables, par voie électronique, le gel intervienne «ipso facto», sous peine d'être tenue responsable, en cas de négligence, de la disparition des quantités qui feraient ultérieurement l'objet de mouvements bancaires.

5.4

Le CESE estime également que les banques doivent informer immédiatement le tribunal par n'importe quel moyen de communication, y compris électronique, de la manière dont la décision a été exécutée.

5.5

La norme communautaire ne devra pas définir des règles spécifiques pour le cas où plusieurs créanciers entreraient en concurrence pour un même compte bancaire, le CESE penchant pour l'application des lois nationales.

5.6

En ce qui a trait à la conversion de la mesure conservatoire en mesure exécutoire, le CESE considère que cette question devrait être régie par le droit du pays compétent pour l'exécution, conformément aux règles générales applicables en matière de conflits de normes.

5.7

Enfin, le CESE attire plus particulièrement l'attention de la Commission sur la nécessité de prévoir un mécanisme de traduction des documents inhérents au fonctionnement de la mesure en question, semblable à celui qui est prévu à l'article 21, paragraphe 2, alinéa b, du règlement (CE) no 1896/2006 du 12 décembre 2006.

Bruxelles, le 26 septembre 2007.

Le Président

du Comité économique et social européen

Dimitris DIMITRIADIS


(1)  SEC(2006) 1341.

(2)  Règlement (CE) no 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (Bruxelles I), JO L 12 du 16.1.2001. Le rapporteur de l'avis du CESE sur ce thème était M. MALOSSE (CES 233/2000 du 1er mars 2000, JO C 117 du 26.4.2000).

(3)  Parmi lesquelles l'on rappelle les suivantes:

Communication de la Commission sur le «Plan d'action sur l'accès des consommateurs à la justice et le règlement des litiges de consommation dans le marché intérieur» du 14 février 1996 (COM(96) 13 final).

Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen «Vers une efficacité accrue dans l'obtention et l'exécution des décisions au sein de l'Union européenne» (COM(97) 609 final, JO C 33 du 31.1.1998).

«Livre vert relatif à l'accès des consommateurs à la justice et au règlement des litiges de consommation dans le marché unique» (COM(93) 576 final).

«Livre vert sur les modes alternatifs de résolution des conflits relevant du droit civil et commercial» (COM(2002) 196 final du 19.4.2002).

Recommandation de la Commission du 12 mai 1995 concernant les délais de paiement dans les transactions commerciales et Communication de la Commission y relative respectivement (JO L 127 du 10.6.1995 et JO C 144 du 10.6.1995).

Directive 98/27/CE du 19 mai 1998 relative aux actions en cessation en matière de protection des intérêts des consommateurs (JO L 166 du 11.6.1998).

Directive 2000/35/CE du 29 juin 2000 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales (JO L 200 du 8.8.2000).

Règlement (CE) no 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (Bruxelles I) (JO L 12 du 16.1.2001). Le rapporteur de l'avis du CESE y relatif était M. MALOSSE (CES 233/2000 du 1er mars 2000, JO C 117 du 26.4.2000).

Règlement (CE) no 805/2004, du 21 avril 2004, portant création d'un titre exécutoire européen pour les créances incontestées (JO L 143 du 30.4.2004). Le rapporteur de l'avis du CESE y relatif était M. RAVOET (CESE 1348/2002 du 11 décembre 2002, JO C 85 du 8.4.2003).

Règlement (CE) no 1206/2001 du Conseil, du 28 mai 2001, relatif à la coopération entre les juridictions des États membres dans le domaine de l'obtention des preuves en matière civile ou commerciale (JO L 174 du 27.6.2001). Le rapporteur de l'avis du CESE y relatif était M. HERNÁNDEZ BATALLER (CES 228/2001 du 28 février 2001, JO C 139 du 11.5.2001).

Programme de mesures destinées à l'application du principe de reconnaissance mutuelle des décisions en matière civile et commerciale (JO C 12 du 15.1.2001).

Règlement (CE) no 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d'insolvabilité, JO L 160 du 30.6.2000. Le rapporteur de l'avis du CESE y relatif était M. RAVOET (CES 79/2001 du 26 janvier 2001, JO C 75 du 15.3.2000).

Règlement (CE) no 1347/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale des enfants communs; idem. Le rapporteur de l'avis du CESE y relatif était M. BRAGHIN (CES 940/1999 du 20 octobre 1999, JO C 368 du 20.12.1999).

Règlement (CE) no 1348/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif à la signification et à la notification dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale; idem. Le rapporteur de l'avis du CESE y relatif était M. HERNÁNDEZ BATALLER (CES 947/1999 du 21 octobre 1999, JO C 368 du 20.12.1999).

Décision du Conseil, du 28 mai 2001, relative à la création d'un réseau judiciaire européen en matière civile et commerciale, JO L 174 du 27.6.2001. Le rapporteur de l'avis du CESE y relatif était M. RETUREAU (CES 227/2001 du 28 février 2001, JO C 139 du 11.5.2001).

Règlement (CE) no1896/2006 du 12 décembre 2006 (JO L 399 du 30 décembre 2006) instituant une procédure européenne d'injonction de payer (COM(2004) 173 final du 19.3.2004). Le rapporteur de l'avis du CESE y relatif était M. PEGADO LIZ (CESE 133/2005 du 22 février 2005).

Proposition de règlement instituant une procédure européenne pour les demandes de faible importance (COM(2005) 87 final du 15.3.2005). Le rapporteur de l'avis du CESE y relatif était M. PEGADO LIZ (CESE 243/2006 du 14 février 2006).

(4)  Règlement (CE) no 44/2001 du 22.12.2000. Le CESE s'est prononcé sur la proposition y relative dans un avis dont M. MALOSSE était rapporteur (JO C 117 du 26.4.2000).

(5)  Règlement (CE) no 805/2004 du 21.4.2004. Le CESE s'est prononcé sur la proposition y relative (COM(2002) 159 final du 27.8.2002) dans un avis (CESE 1348/2002 du 11.12.2002) dont M. RAVOET était rapporteur (JO C 85 de 8.4.2003).

(6)  Notamment dans sa communication «Vers une efficacité accrue dans l'obtention et l'exécution des décisions au sein de l'Union européenne» (JO C 33 du 31.1.1998).

(7)  Le texte des deux articles étant très vaste, il est nécessaire d'adopter l'interprétation découlant de la doctrine jurisprudentielle, concrètement l'affaire Denilauer (arrêt C-125/79 du 21.5.1980, Rec. p. 1553) portant sur l'article 31. Les questions relatives à la caducité, aux mécanismes d'exequatur, aux conditions de la procédure (la vérification du «fumus bonus iuris» et du «periculum in mora»), aux moyens/garanties de défense ainsi qu'aux montants/exemptions de saisie pourraient tomber sous le champ des deux articles précités. Cela étendrait le champ d'application de la mesure et répondrait aux objectifs de la proposition de la Commission.

(8)  Pour une élucidation complète de la teneur de ce Livre vert, il est essentiel de prendre en considération non seulement le document de travail de la Commission (SEC(2006) 1341) du 24.10.2006 mais également l'étude no JAI/A3/2002/02, dans sa version actualisée du 18.2.2004, du Prof. Burkhard HESS, Directeur de l'Institut de droit international privé comparé de l'Université de Heidelberg, dont le texte est disponible sur

http://ec.europa.eu/justice_home/doc_centre/civil/studies/doc_civil_studies_en.htm.

(9)  Celles que le rapporteur connaît le mieux, regrettant de ne pas avoir accès aux 22 autres.

(10)  En effet, le terme anglais «attachment», même dans son acception technico-juridique, est ambigu car il peut aussi bien désigner ce qui en portugais correspond à «penhora» (saisie) qu'à «arresto» (saisie-arrêt). Même en anglais, il aurait mieux valu utiliser pour la nature juridique de la mesure prévue le terme «arrestment» ou «freezing order», afin de bien faire la distinction avec «garnishment». Par ailleurs, seule la traduction italienne «sequestro conservativo» rend correctement compte du caractère préventif et conservatoire de la mesure, la «saisie» en français, accompagnée de l'explication suivante: «délivrée par un tribunal siégeant en référé», atteint cet objectif, le terme espagnol «embargo» paraissant quant à lui insuffisant pour caractériser le but de la mesure. Quoi qu'il en soit, en portugais, la traduction par «penhora» est tout à fait erronée et doit être remplacée par «arresto» .

(11)  Elle devra à notre sens être limitée aux dettes civiles et commerciales.

(12)  Cf. arrêt Van Uden Maritime B.V. de la Cour de justice du 17.11.1998, Affaire C-391/95 (Recueil de jurisprudence 1998 p. I-07091).

(13)  L'article 7 dispose ainsi que: «Lorsqu'une décision comprend une décision exécutoire sur le montant des frais de justice, y compris les taux d'intérêt, elle est certifiée en tant que titre exécutoire européen également en ce qui concerne les frais à moins que, durant la procédure en justice, le débiteur ne se soit spécifiquement opposé à son obligation d'assumer lesdits frais, conformément à la législation de l'État membre d'origine».

(14)  Règlement (CE) no 1348/2000 du 29.5.2000 (JO L 160 du 30.6.2000).


Top