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Document 52003AE1406

Avis du Comité économique et social européen sur le "Bilan des expériences recueillies par le CESE pour évaluer l'impact économique, social et sur l'emploi des réformes structurelles menées dans l'Union"

JO C 32 du 5.2.2004, p. 103–113 (ES, DA, DE, EL, EN, FR, IT, NL, PT, FI, SV)

52003AE1406

Avis du Comité économique et social européen sur le "Bilan des expériences recueillies par le CESE pour évaluer l'impact économique, social et sur l'emploi des réformes structurelles menées dans l'Union"

Journal officiel n° C 032 du 05/02/2004 p. 0103 - 0113


Avis du Comité économique et social européen sur le "Bilan des expériences recueillies par le CESE pour évaluer l'impact économique, social et sur l'emploi des réformes structurelles menées dans l'Union"

(2004/C 32/23)

Le Parlement européen, en date du 27 mars 2003, a décidé, conformément à l'article 262 du Traité instituant la Communauté européenne, de saisir le Comité économique et social européen d'une demande d'avis sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée "Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale", chargée de préparer les travaux en la matière, a adopté son avis le 16 octobre 2003 (rapporteur: M. Vever).

Lors de sa 403e session plénière des 29 et 30 octobre 2003 (séance du 30 octobre), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 74 voix pour, 27 voix contre et 26 abstentions.

Le Comité économique et social européen a été saisi par le Parlement européen, le 27 mars 2003, d'une demande d'évaluation de l'impact économique, social et sur l'emploi des réformes structurelles menées dans l'Union européenne. Le Comité a convié ses homologues et correspondants socioprofessionnels des différents pays de l'Union européenne à contribuer à cette évaluation. Cette participation a notamment inclus l'organisation par le Comité - en vue de cet avis et d'un autre demandé par la Commission sur la stratégie de Lisbonne - d'une conférence à Bruxelles les 8 et 10 octobre 2003 ("La contribution de la société civile organisée au processus de Lisbonne: pour une Union plus participative"). Ces réflexions conduisent le CESE à présenter les observations suivantes.

1. Résumé

1.1. Le Comité réaffirme son appui aux réformes structurelles engagées dans les pays de l'Union, notamment suite au mandat de Lisbonne, pour renforcer la compétitivité de l'Europe et assurer la durabilité de son modèle de développement économique et social. Il rappelle aussi que l'enjeu est exigeant: il ne s'agit pas seulement de faire mieux qu'avant, mais surtout mieux qu'ailleurs. Or, le Comité est préoccupé par un décalage croissant entre les objectifs fixés à ces réformes, les retards de mise en oeuvre de beaucoup d'entre elles, et la détérioration persistante de la croissance et de l'emploi en Europe. Sans redressement, le risque existe de voir cette stratégie des réformes dégénérer dans une "bulle", avec une inflation d'objectifs, de concepts et d'États participants, mais autant de déficits de coresponsabilité, de mise en oeuvre et d'impact.

1.2. Le Comité souligne en premier lieu la nécessité de mieux ancrer la crédibilité du mandat de Lisbonne auprès des Européens, et de désarmer aussi les appréhensions sur sa signification réelle et sur son coût social: il conviendrait de préciser plus clairement que nous pouvons à bon droit ambitionner ensemble d'être les premiers bénéficiaires du premier marché du monde, et que les réformes programmées conditionnent l'avenir de notre mode européen de développement dans une économie ouverte.

1.3. Le Comité s'inquiète fortement de l'absence actuelle d'une vraie perspective de croissance pour les Européens, qui complique beaucoup la mise en oeuvre des réformes, en alimentant les inquiétudes et en fragilisant la cohésion sociale: il appuie la nécessité d'une initiative européenne de croissance, qui a fait l'objet de plusieurs propositions convergentes (cf. présidence italienne du Conseil, Commission, rapport Sapir, déclaration franco-allemande) et qui vient d'être appuyée par le Conseil européen des 16 et 17 octobre 2003. Le Comité recommande ainsi de promouvoir, notamment par des emprunts et des partenariats public/privé à l'échelle européenne, les investissements transnationaux de recherche et d'infrastructures qui conditionnent notre avenir, sans relâcher pour autant les disciplines que le pacte de stabilité impose aux budgets nationaux.

1.4. Le Comité déplore notamment l'absence d'une politique économique commune correspondant à la création de l'euro: il conviendrait d'y remédier sans plus tarder, y compris en engageant un rapprochement et une simplification des dispositions fiscales à l'échelle européenne. L'intégration des lignes directrices d'emploi et des grandes orientations de politique économique, dans le cadre d'un "policy mix" plus efficace, constituerait aussi un pas utile vers une meilleure gouvernance économique et sociale à l'échelle de l'Union.

1.5. Le Comité constate que le marché unique reste encore loin d'être achevé alors même qu'il s'élargit: il conviendrait de renforcer son identité, sa cohésion et sa sécurité, notamment en envisageant des inspections communautaires transnationales, une gestion commune des douanes extérieures, un statut européen ouvert aux PME voire même l'émergence, dans les domaines qui le justifieraient, de services d'intérêt général à l'échelle européenne. De nouvelles initiatives demeurent nécessaires pour assurer une meilleure qualité et une véritable simplification de la réglementation en Europe (renforcement des analyses d'impact, auxquelles le Comité est prêt à apporter sa contribution, davantage d'autorégulations socioprofessionnelles).

1.6. Le Comité est également préoccupé par les retards de l'Union dans le domaine de la recherche, alors même que l'objectif de compétitivité de Lisbonne se fonde sur les atouts d'une économie de la connaissance. Il conviendrait notamment de revaloriser la dotation budgétaire du programme cadre de recherche pour lui permettre d'atteindre un réel seuil d'efficacité, tout en le concentrant davantage sur des programmes technologiques authentiquement européens. Une meilleure convergence des politiques de défense dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune, incluant une ouverture réciproque plus effective des marchés publics correspondants, contribuerait largement à appuyer l'innovation technologique européenne.

1.7. Le Comité, tout en soulignant l'interaction des différentes réformes structurelles, relève la grande diversité de leur état de mise en oeuvre d'un pays à l'autre, dans les différents domaines: ouverture des marchés, accès aux financements, équilibre des dépenses publiques, stimulation de l'innovation, adaptation du marché du travail, modernisation de la protection sociale, renforcement de l'éducation et de la formation, simplification de la réglementation, consolidation du développement durable. Le Comité constate aussi que les réformes ont généralement mieux progressé dans les États qui ont respecté les disciplines du pacte de stabilité que dans les autres. Le Comité souligne la nécessité d'informations plus précises sur les situations nationales et propose d'intégrer au site internet Europa une base de données mettant en valeur les meilleures pratiques intéressant les réformes de la stratégie de Lisbonne.

1.8. Le Comité insiste sur le rôle central que les acteurs de la société civile organisée ont à jouer pour assurer la réussite des réformes, et regrette que cette évidence, explicitement mentionnée par le mandat de Lisbonne, ne soit pas encore assez soulignée dans tous les États membres. La préparation des Sommets de Printemps devrait faire l'objet de débats nationaux systématiques avec les milieux économiques, les partenaires sociaux et les autres acteurs de la société civile. Leurs initiatives devraient être davantage encouragées et mises en valeur dans les rapports annuels des États et de la Commission, comme dans la base de données recommandée par le Comité concernant les meilleures pratiques de mise en oeuvre des réformes de Lisbonne. Le Comité entend pour sa part contribuer directement à cette meilleure information.

1.9. Le Comité conclut sur la nécessité d'assurer que les réformes structurelles soient d'une part appuyées par une relance de la croissance économique, à travers l'achèvement du marché unique et le développement des investissements trans-européens, et d'autre part mieux débattues, mieux comprises et mieux réparties entre tous ceux qui doivent en partager les responsabilités: elles ne doivent pas seulement être tirées "à l'avant" par les dirigeants politiques, mais aussi relayées "sur le terrain" par les acteurs économiques et sociaux. Le Comité est convaincu que cette meilleure synergie entre décideurs politiques et acteurs de la société civile conditionnera la réussite ou l'échec des réformes structurelles aujourd'hui engagées dans l'Union.

2. Les processus de réformes structurelles engagés dans l'UE

2.1. Les différents processus de réformes structurelles

2.1.1. La vie économique et sociale donne lieu en permanence à des adaptations et à des réformes. Sous la pression de l'évolution de la société, des échanges commerciaux et culturels, des mutations technologiques, de la construction européenne et de la globalisation économique, ces réformes se sont toutefois amplifiées dans la période récente. De nombreux "processus" de réformes structurelles économiques, sociales et pour l'emploi ont été ainsi engagés dans l'UE au cours de la dernière décennie, en vue de restaurer sa compétitivité, de renforcer sa croissance économique, de redresser l'emploi, et d'assurer la durabilité de son développement et de son environnement. Certaines de ces réformes (cf. poursuite des ouvertures du marché unique, mise en place de l'euro, etc.) ont été engagées essentiellement sur le plan européen, avec un rôle moteur des institutions européennes. D'autres réformes ont par contre été initiées par tel ou tel État sur un plan strictement national, en fonction d'orientations politiques autonomes, à l'initiative de ses pouvoirs publics (cf. la libéralisation économique développée au Royaume-Uni), ou dans le cadre d'une concertation étroite avec les partenaires sociaux (cf. le processus économique et social contractuel de Wassenaar engagé aux Pays-Bas). Au cours des dernières années, les réformes structurelles se sont amplifiées dans tous les États membres en fonction d'orientations arrêtées en commun entre les 15 et mises en oeuvre dans chacun d'entre eux. Tout en s'inscrivant dans le cadre d'objectifs partagés, avec un même encadrement comprenant des évaluations périodiques et comparatives, ces réformes laissent à chacun des États membres une large liberté d'initiative et d'application, en fonction de la diversité des situations et des contextes nationaux. Des interactions multiples se sont ainsi développées, autour de ces réformes, entre les différents niveaux de compétences et entre les États membres.

2.1.2. Sur le plan européen, un processus central de réforme économique a été, avec le traité de Maastricht de 1993 et l'avènement de la monnaie unique, le dispositif du pacte de stabilité, accompagné par l'adoption annuelle des grandes orientations de politique économique. Les 15 ont également convenu en juin 1998 à Cardiff d'activer les réformes structurelles d'adaptation à l'ouverture des marchés de biens, de services et de capitaux.

2.1.3. Concernant l'emploi, le traité d'Amsterdam de 1997, tout en précisant que le pacte de stabilité incluait aussi un objectif de croissance - d'où la dénomination officielle de "pacte de stabilité et de croissance" - a complété l'adoption des grandes orientations économiques par l'élaboration de lignes directrices d'emploi, qui ont été ensuite précisées par le processus de Luxembourg en novembre 1997. Le Sommet de Cologne a également établi en juin 1999 des recommandations dans le cadre d'un pacte européen pour l'emploi.

2.1.4. Une vaste synthèse des différents processus de réformes structurelles a ensuite été engagée par la stratégie de Lisbonne convenue par les 15 en mars 2000. Tout en se fixant l'objectif ambitieux d'être au premier rang de la compétitivité mondiale à l'horizon 2010, en s'appuyant sur les nouveaux atouts de l'économie de la connaissance, cette stratégie organise une relance du marché unique (notamment pour les services financiers, la propriété intellectuelle, l'ouverture de l'énergie et des infrastructures) et une série de réformes économiques, sociales et administratives dans les États membres (notamment pour la formation, la recherche, le marché du travail, la protection sociale, la simplification administrative). Cette stratégie de Lisbonne se situe elle-même, quinze ans après, dans le prolongement logique d'une part du programme "1992", que la Commission "Delors I" avait lancé en 1985, en vue d'achever à cette date le marché unique européen, et d'autre part du Livre blanc sur la croissance, l'emploi et la compétitivité, que la Commission "Delors II" avait présenté en 1993, pour intensifier l'impact du programme pour le marché unique.

2.1.5. Les 15 ont complété ce dispositif de réformes à Göteborg, en juin 2001, en décidant d'une approche globale pour prendre en compte les exigences d'un développement durable dans l'ensemble des politiques de l'UE.

2.1.6. Enfin, depuis 2003, un cycle intégré, décidé par le Conseil européen de Barcelone de mars 2002 a été mis en place par la Commission pour améliorer l'interaction de ces différents processus de réformes économiques, sociales et pour l'emploi, avec un rôle central confirmé pour le Sommet de printemps, mais aussi d'autres rendez-vous pour les autres Sommets européens trimestriels et pour les différentes formations du Conseil tout au long de l'année, avec une perspective élargie à trois ans dans l'ajustement de ces réformes.

2.2. Les objectifs des réformes structurelles

2.2.1. Le principal objectif qui a été fixé aux réformes est de renforcer la compétitivité économique d'une Europe largement ouverte sur le monde, tout en consolidant et en adaptant aussi son modèle social, fondé sur le dialogue mutuel et sur un socle de droits sociaux fondamentaux. C'est bien la durabilité du développement économique et social européen, dans un monde en changement accéléré, qui impose ces réformes structurelles, conditionnant l'avenir.

2.2.2. Le site économique Europe est aujourd'hui concurrencé tant par nos grands partenaires industriels de haut niveau technologique, notamment les États-Unis et le Japon, que par les nouvelles économies émergentes à bas coût de production. Les principaux changements structurels concernant la compétitivité de l'économie européenne sont ainsi liés:

2.2.2.1. à l'accélération des mutations technologiques, dont la diffusion est globale et qui va de pair avec une obsolescence accrue des produits et des techniques, une concurrence intensifiée et élargie à l'échelle mondiale, d'importantes délocalisations en direction des pays à moindre coût de revient, dont beaucoup font par ailleurs des progrès constants d'éducation, de formation et de qualification professionnelle et technologique;

2.2.2.2. aux négociations commerciales de l'OMC, qui sont appelées à se poursuivre, malgré le récent échec de la Conférence ministérielle de Cancun en septembre 2003, pour mettre progressivement en oeuvre l'agenda de Doha, qui concerne un vaste programme d'appui au développement international et d'ouverture économique à l'échelle mondiale, intéressant tant les produits industriels, que les services et l'agriculture, avec de nouvelles règles pour les encadrer sur les plans de la concurrence, de la propriété intellectuelle, de la santé publique, et de l'environnement;

2.2.2.3. aux évolutions des comportements dans la société, concernant notamment l'emploi et le marché du travail, avec une poursuite au cours de la période récente de la réduction du temps annuel de travail, dont la gestion est souvent plus flexible et individualisée;

2.2.2.4. au vieillissement démographique qui affecte l'ensemble des pays européens et qui pose une série de questions, concernant tant une meilleure gestion des différentes classes d'âge sur le marché du travail que la question du financement de la protection sociale.

2.2.3. Un objectif important des réformes est aussi de renforcer la cohésion de l'UE autour de son marché unique, enjeu qui acquiert une importance encore accrue avec l'élargissement de l'UE à 25 en 2004.

2.2.4. Il s'agit aussi d'accompagner la mise en place de l'euro par une politique économique convergente des États membres, conforme aux critères du pacte de stabilité et de croissance.

2.2.5. On mentionnera enfin le besoin d'assurer la durabilité du développement économique et social en Europe, en ce qui concerne tant l'équilibre des finances publiques que la viabilité de l'emploi - compétitivité, formation, mobilité -, la solvabilité de la protection sociale - notamment les retraites et la santé -, le renforcement de la cohésion sociale et la protection de l'environnement.

2.3. La perception des réformes dans l'opinion

2.3.1. Par rapport à ces différents objectifs, certaines interrogations se sont également fait jour concernant le sens, l'efficacité sinon la faisabilité même des réformes, suite au fort ralentissement de la croissance économique, aux perturbations financières et boursières des deux dernières années, à la remontée du chômage. En particulier, l'objectif très ambitieux fixé à Lisbonne de faire de l'Europe, à l'horizon 2010, l'économie la plus compétitive du monde apparaît à beaucoup comme trop optimiste. En particulier, cet objectif a été fixé en mars 2000, à une époque où la croissance européenne, poussée par l'émergence de la "nouvelle économie", paraissait enfin sortie d'une crise de langueur d'un quart de siècle et renouer, certains l'espérant pour une période aussi longue, avec de forts taux annuels d'expansion, dépassant même deux chiffres dans le cas de l'Irlande. Mais cette situation conjoncturelle s'est rapidement renversée avec l'éclatement de la bulle technologique et boursière et le regain des tensions internationales. Par ailleurs, l'objectif de compétitivité maximale fixé à Lisbonne est aussi susceptible de créer des craintes, dans la mesure où l'opinion peut s'interroger sur le prix qu'il conviendra de payer pour s'en rapprocher, face aux concurrents des pays en voie de développement où le coût salarial et la protection sociale sont incomparablement inférieurs, les économies les plus émergentes d'entre eux, telles que la Chine, alliant ces caractéristiques avec une productivité, une industrialisation, des investissements et des technologies de premier niveau. De telles mises en doute ne doivent pas être sous-estimées, et pourraient même, si elles étaient laissées sans réponse, contribuer très directement à mettre en péril la réussite des processus engagés.

2.3.2. Pour sa part, le Comité conserve sa confiance dans les objectifs fixés pour les réformes, y compris l'objectif de compétitivité mondiale arrêté à Lisbonne, à condition que ces objectifs soient "lus" comme il convient. Le Comité voit essentiellement dans l'objectif de Lisbonne la volonté politique clairement affichée par les 15 de se donner les moyens d'assurer leur croissance, leurs emplois et la durabilité de leur modèle de développement économique et social par des réformes assurant leur compatibilité avec les contraintes croissantes d'une économie ouverte à la compétition internationale, en s'appuyant sur nos meilleurs atouts réels ou potentiels, notamment l'éducation et la formation, l'esprit et la capacité d'innovation, la mise en commun de nos principales ressources. En particulier, il est parfaitement légitime et réalisable pour l'Europe, pour ses entreprises et pour ses citoyens d'ambitionner d'être les premiers bénéficiaires du premier marché du monde - un demi-milliard de producteurs et de consommateurs à pouvoir d'achat diversifié mais globalement et comparativement élevé - suite à l'achèvement et à l'amélioration de leur grand marché unifié et élargi. Un tel constat ne peut que conforter la crédibilité de l'objectif de Lisbonne, même si les exigences pour atteindre cet objectif comprennent nombre de défis en tous genres.

2.3.3. Le Comité ne sous-estime pas la détermination et la constance qui sont aujourd'hui requises pour assurer la mise en oeuvre effective de ces réformes. Des progrès notables ont déjà été réalisés, mais les efforts les plus importants restent encore à engager pour espérer atteindre les objectifs qui ont été fixés. Ceci implique notamment une amélioration des méthodes pour les mettre en oeuvre.

3. Observations du Comité sur les méthodes des réformes structurelles

3.1. Les principaux progrès dans les méthodes des réformes

3.1.1. La stratégie de Lisbonne a d'abord permis de donner aux 15 la "feuille de route" qui leur manquait jusqu'alors. En énonçant d'ici à 2010 une série d'objectifs à atteindre et d'échéances dans la mise en oeuvre des réformes, elle établit un calendrier pluriannuel opérationnel pour unir nos forces et construire ensemble un Site Europe attractif, ouvert et compétitif. La révision chaque année de l'état d'avancement de cette stratégie, lors d'un sommet de printemps, permet de tracer des bilans, d'établir des comparaisons et d'actualiser en conséquence les priorités.

3.1.2. La méthode de coordination ouverte qui a été largement choisie pour engager ces réformes dans les différents États membres développe une nouvelle lecture du concept de subsidiarité, qui n'est plus prétexte à un cloisonnement entre compétences européennes et compétences nationales. Le bon usage de la subsidiarité doit au contraire permettre d'établir des liaisons et des "ponts" utiles entre les niveaux européen et national - et le cas échéant régional ou local - tout en justifiant également une évaluation mutuelle "par les pairs" des politiques de pays à pays, encourageant la diffusion entre eux des meilleures pratiques.

3.1.3. Par ailleurs, les pouvoirs publics, qu'ils soient européens ou nationaux - ou même régionaux - ne sont pas seuls concernés par les réformes: le secteur privé, les partenaires sociaux et l'ensemble de la société civile organisée ont également un rôle moteur à y jouer, comme l'indique très explicitement le mandat de Lisbonne. On soulignera notamment que l'UNICE et la CES ont joué un rôle actif dans la préparation des Sommets de Printemps en présentant leurs contributions avant chacun d'entre eux, et en participant, avec la Commission, à des Sommets préparatoires des partenaires sociaux à l'invitation de la présidence du Conseil. En s'accordant par ailleurs récemment sur un agenda pluriannuel pour l'organisation de leur dialogue social, l'UNICE, le CEEP, l'UEAPME et la CES ont affirmé leur volonté de jouer pleinement leur rôle autonome et contractuel dans la définition et la mise en oeuvre des réformes structurelles sur le plan européen. Ceci illustre la montée en puissance d'une dimension "horizontale" du concept de subsidiarité (avec une répartition des responsabilités entre pouvoirs publics, associations de la société civile et secteur privé), en plus de sa traditionnelle dimension "verticale" (Europe, États, régions).

3.1.4. Plusieurs organisations professionnelles nationales ont également pris l'initiative de présenter directement au Sommet de printemps leur propre évaluation critique et argumentée sur l'état d'avancement de ces réformes, incluant leurs initiatives autonomes ou contractuelles pour y contribuer. En témoignent les rapports nationaux détaillés des fédérations membres de l'UNICE, qui concernent chacun des quinze pays membres de l'UE - avec l'adjonction de la Norvège et de la Turquie - élaborés pour le dernier Sommet de printemps en mars 2003 à Bruxelles(1).

3.1.5. Les interactions entre les processus d'orientations économiques, de lignes directrices d'emploi, d'achèvement du marché intérieur et de réformes structurelles sont également claires et ont été mises en évidence depuis le début 2003, suite à la présentation simultanée par la Commission de ses rapports annuels dans ces différents domaines, dans le cadre d'un rapport global "mise en oeuvre".

3.2. Les principales faiblesses dans les méthodes des réformes

3.2.1. La coordination entre les différents processus économiques, sociaux et environnementaux, engagée par la Commission depuis 2003, demeure embryonnaire, dans la mesure où elle reste à ce jour trop formelle et manquant d'impact décisif dans les choix politiques nationaux. Elle n'a pas encore été suivie d'une coopération suffisamment permanente des différentes formations du Conseil et des États entre eux, ce qui nécessitera en toute hypothèse une période de "rodage" dans les procédures et les comportements, notamment tout au long du premier cycle triennal de cette coordination (2003-2006).

3.2.2. On peut notamment déplorer un manque certain d'information concrète de la part des États concernant l'état réel des réformes nationales lors de chaque sommet de printemps. Les États ont paru à ce jour privilégier de nouveaux débats sur les objectifs déjà fixés à Lisbonne, quitte à rajouter de nouvelles prescriptions - sans les justifier clairement pour autant - au lieu de contribuer à une évaluation comparative des réformes nationales, que la Commission peine à décrire avec précision en l'absence d'une telle collaboration des États.

3.2.3. Ce manque d'information des États va le plus souvent de pair avec des retards de mise en oeuvre et des défauts de discipline de leur part. Citons ici les difficultés croissantes de beaucoup d'entre eux à assumer les exigences du pacte de stabilité sur l'équilibre des finances publiques, les défauts persistants de transposition des directives, et les infractions en nombre croissant à la réglementation du marché unique.

3.2.4. On soulignera aussi l'insuffisance préoccupante, dans plusieurs États membres, d'association des partenaires sociaux et de la société civile tant dans la définition et la mise en oeuvre des réformes, que dans l'élaboration des rapports sur leur état d'avancement. Cette situation a d'ailleurs largement motivé les fédérations membres de l'UNICE à présenter au dernier Sommet de printemps leurs propres rapports nationaux.

4. Observations du Comité sur les résultats des réformes structurelles

4.1. Les réformes structurelles engagées dans l'UE, notamment à travers la stratégie de Lisbonne, ont principalement concerné les domaines suivants, tout en étant appelées à se renforcer mutuellement:

- la poursuite de l'ouverture des marchés,

- l'amélioration d'accès aux financements,

- l'équilibre des dépenses publiques sans alourdir la pression fiscale,

- la stimulation de l'innovation,

- l'adaptation du marché du travail,

- la modernisation de la protection sociale,

- le renforcement de l'éducation et de la formation,

- la simplification de l'excès de réglementation,

- la consolidation du développement durable.

4.2. Concernant l'ouverture des marchés, les progrès les plus significatifs concernent le secteur des télécommunications et, à moindre degré et moyennant certains retards, ceux de l'énergie - gaz, électricité - où les prix sont encore souvent trop élevés. Le secteur de la poste, qui relève le plus souvent du secteur public, demeure encore largement cloisonné, malgré de premières ouvertures européennes limitées. Des retards d'interconnexion, d'équipement et de modernisation subsistent encore dans les infrastructures de transports, suite notamment aux trop fréquents reports concernant la réalisation effective des projets de réseaux transeuropéens.

4.3. Concernant l'accès aux financements, on doit largement à la mise en place de l'euro les progrès réalisés et en cours d'intégration du marché financier européen. Diverses mesures ont également été prises dans plusieurs pays pour faciliter l'accès au financement des start-up et des PME. Mais l'accès au capital à risque demeure encore très insuffisant en Europe, notamment comparé aux États-Unis, ce qui nuit à la vitalité des PME et des entreprises innovantes sur le marché européen. Par ailleurs, l'unification du marché financier européen est resté trop dépendante de réglementations qui ont pris du retard, alors que les initiatives d'autorégulation professionnelle auraient pu être davantage encouragées.

4.4. Concernant les déficits publics, chacun peut constater que les situations sont très différentes selon les pays: les rapports de la Commission et du Conseil ont bien souligné que si certains États membres peuvent se féliciter de s'être assuré un solde positif de leurs finances publiques (cf. Danemark, Finlande, Irlande, Luxembourg, Suède), d'autres États ont vu leur déficit se creuser dangereusement (cf. Allemagne, France, Italie, et jusqu'à récemment Portugal), atteignant ou dépassant les limites fixées par le pacte de stabilité. Ces pays qui connaissent aujourd'hui de forts déficits sont aussi ceux qui ont pris comparativement plus de retards dans la mise en oeuvre des réformes structurelles. Les pays qui bénéficient de finances publiques mieux équilibrées ont généralement mieux engagé leurs réformes structurelles, même si certains d'entre eux, notamment dans l'Europe du Nord, ont également une pression fiscale élevée.

4.5. Concernant la stimulation de l'innovation, la généralisation de l'usage d'Internet et le large accès des entreprises aux nouvelles technologies ont permis d'améliorer grandement la qualité des produits et des services, avec beaucoup de progrès de productivité. Cette évolution s'accompagne souvent d'un recours à des divisions internationales du travail tenant compte des avantages comparatifs, y compris salariaux, avec un accroissement des sous-traitances et des délocalisations de la fabrication des produits (cf. textile, électronique, jouets, etc.), voire de prestation de services (cf. comptabilité de sociétés) en direction d'économies extérieures émergentes. Par contre, les dépenses de recherche, bien que significatives dans beaucoup de pays (cf. Finlande, Suède, France) demeurent dans plusieurs pays insuffisantes et loin de l'objectif de 3 % du PNB fixé par la stratégie de Lisbonne. Elles sont également trop peu en phase entre elles et avec le PCRD européen. Enfin, le manque d'un rapprochement réel des moyens économiques et technologiques de défense au titre de la politique étrangère et de sécurité affecte lourdement la situation de l'Europe en ce domaine et dans ses aspects dérivés (cf. matériaux nouveaux, électronique, etc.). Concernant l'octroi de brevets, certains pays préservent un bon niveau national (cf. Finlande, Suède) mais l'Europe reste en moyenne très en retard par rapport aux États-Unis ou au Japon. L'absence de brevet communautaire, dans l'attente de la traduction dans les faits de l'accord politique récemment atteint, pèse sur cette situation.

4.6. Concernant l'amélioration du marché du travail, les situations sont très diverses selon les pays, comme l'illustrent les tableaux en annexe. Même si aucun n'est exempt de problèmes, certains connaissent un niveau d'emploi globalement élevé tandis que d'autres font face à un sous-emploi structurel et à un chômage préoccupant. D'importantes réformes sont en cours pour améliorer le fonctionnement du marché du travail, assurer notamment une meilleure flexibilité et adéquation entre offres et demandes d'emplois, tout en tenant compte du vieillissement démographique. Les consultations des partenaires sociaux, et les négociations avec eux et entre eux, visent notamment à assurer que les nouveaux aménagements permettent effectivement une amélioration de l'emploi et des conditions d'emploi face aux enjeux de la compétitivité internationale. Des initiatives intéressantes sont notamment prises, par exemple en France, pour encourager des demandeurs d'emploi à créer leur propre entreprise en facilitant les procédures administratives et en évitant qu'ils ne perdent, au moins dans un premier temps, le bénéfice de la protection sociale dont ils bénéficiaient jusqu'alors comme demandeur d'emploi.

4.7. Concernant la modernisation de la protection sociale, de nombreuses réformes sont en cours pour restaurer son équilibre financier, face au vieillissement démographique qui affecte tous les pays membres de l'UE. Il s'agit notamment d'adapter la durée de cotisation à l'allongement de l'espérance de vie, de réformer les régimes de pension aussi bien du secteur public que du secteur privé, de manière a y intégrer les meilleures pratiques des deux secteurs, et d'assurer que les "seniors" ne soient pas incités voire contraints à quitter prématurément le marché du travail(2). Le recours aux régimes complémentaires d'assurances et aux fonds de pension est encouragé. Tout en se développant, ces réformes rencontrent aussi des problèmes de mise en oeuvre et d'efficacité, avec notamment une pratique persistante de départs trop précoces du marché du travail (cf. Belgique, France, Grèce).

4.8. Concernant l'éducation et la formation, les pays européens bénéficient pour la plupart de systèmes d'enseignement très performants et développés (tout particulièrement dans les pays du Nord de l'Europe), mais parfois encore trop cloisonnés des réalités et des besoins économiques. Des initiatives ont été prises récemment, notamment par des lois, des accords interprofessionnels, et des programmes d'échanges pour intensifier ces rapports et développer les formules d'apprentissage (cf. France, Luxembourg, Espagne, Italie, Portugal). La généralisation de l'accès à l'Internet contribue aussi à intensifier les formations.

4.9. Concernant la simplification de la réglementation, il s'agit d'un besoin commun à l'ensemble des pays européens, même si certains pays (cf. Danemark, Finlande, Royaume-Uni, Suède) ont engagé plus tôt que d'autres des programmes et des méthodes pour y remédier. Une priorité est généralement donnée à la simplification des procédures pour les créations d'entreprises et les petites entreprises, en raison de leur impact sur l'activité économique et sur l'emploi. Cette nécessaire simplification des procédures et des charges administratives devrait aller de pair avec une lutte plus efficace contre l'économie souterraine, qui risque de prendre une dimension encore accrue avec l'élargissement de l'Union. Une autre priorité concerne la meilleure transposition des directives européennes, où, comme l'indiquent les tableaux d'affichage comparatifs publiés tous les semestres par la Commission, les situations sont très diverses selon les pays, mais où les plus forts retards nationaux (cf. France, Grèce, Italie) devraient néanmoins se réduire suite aux mesures gouvernementales engagées à cette fin.

4.10. Concernant le développement durable, les mesures nationales d'application des accords de Kyoto se développent avec des résultats variables. La protection de l'environnement est plus ancrée traditionnellement dans les législations, les programmes et les codes de conduite des pays du Nord, mais de nouvelles mesures sont prises dans les autres pays de l'Union, les échanges de bonnes pratiques permettant de s'inspirer des expériences réussies (cf. codes volontaires et gouvernance d'entreprise, chartes de protection de l'environnement, labels, contrôles et répartition des permis d'émission, etc.).

5. Conclusions du Comité sur l'impact des réformes structurelles

5.1. Le Comité constate en premier lieu que tous les pays de l'UE ont effectivement engagé des réformes structurelles, autour d'objectifs communs, pour revitaliser leur compétitivité, renforcer la croissance, redresser l'emploi et assurer la durabilité de leur développement économique et social.

5.2. Les principaux progrès qui ont été faits, et qui permettent de rester confiants dans la stratégie de Lisbonne malgré ses retards, concernent:

5.2.1. la prise de conscience de l'exigence des réformes face aux enjeux de compétitivité et aux changements démographiques et technologiques, et ce indépendamment des clivages politiques traditionnels;

5.2.2. le développement, même s'il reste à amplifier, des initiatives des milieux économiques et socioprofessionnels, notamment à l'échelle européenne, pour concourir à la réussite des réformes;

5.2.3. en particulier, l'implication des partenaires sociaux dans le développement des réformes intéressant la vie professionnelle et les enjeux de société (cf. formation, marché du travail, protection sociale);

5.2.4. l'accélération, avec l'ouverture des télécommunications, de la diffusion des technologies de l'information et de l'accès à Internet;

5.2.5. un meilleur souci de durabilité et de souci de l'avenir (cf. gestion des finances publiques, réforme de la protection sociale, sécurité du consommateur, protection de l'environnement).

5.3. Les principaux retards qui restent à rattraper, et qui permettraient notamment de redresser la croissance économique, concernent:

5.3.1. l'achèvement du marché unique, dans des domaines tels que l'énergie, les infrastructures de transports, et les services, y compris financiers, afin d'améliorer la fiabilité et de réduire les coûts: le Comité déplore ainsi que l'Europe persiste à ne pas s'appuyer prioritairement sur son marché unique pour assurer sa croissance;

5.3.2. un meilleur équilibre des finances publiques, dans des conditions propices aux investissements et à la croissance, avec un début d'harmonisation européenne des principales règles fiscales ayant un lien direct avec le fonctionnement du marché unique;

5.3.3. l'affirmation d'une véritable dynamique européenne dans la recherche technologique, aujourd'hui insuffisamment développée par rapport aux ambitions affichées à Lisbonne;

5.3.4. la simplification de la réglementation, jointe à une plus grande rigueur des transpositions des directives en droit national.

5.4. Le Comité souligne aussi que:

5.4.1. les situations nationales et l'état d'avancement des réformes restent très différents d'un pays à l'autre:

5.4.1.1. dans l'ensemble, les indicateurs sont souvent en meilleure position comparative dans les pays du Nord de l'UE (cf. ouverture des marchés, équilibre des finances publiques, productivité, éducation, recherche, emploi, environnement), bien que ces progrès coïncident avec les contraintes d'une fiscalité plus lourde;

5.4.1.2. les pays du Sud, qui connaissent pour la plupart davantage de retards comparatifs, ont engagé des mesures pour y remédier, mais il leur faudra d'autant plus de temps pour combler ces handicaps que beaucoup sont anciens et culturels;

5.4.1.3. la situation des finances publiques nationales est souvent révélatrice de celle des réformes, dans la mesure où le creusement des déficits est fréquemment un indice révélateur des retards à les mettre en oeuvre.

5.4.2. Actuellement même les pays les mieux placés dans l'UE demeurent moins performants que leurs plus grands concurrents internationaux (alors même qu'au-delà des progrès et des retards d'une année sur l'autre, l'enjeu n'est pas tant pour les pays européens de faire mieux qu'avant, mais de faire mieux qu'ailleurs).

5.4.3. La perception des réformes dans l'opinion est souvent mitigée sinon critique, en raison des craintes de perdre des avantages acquis sans contrepartie clairement visible concernant le redressement de l'emploi ou la durabilité de la protection sociale, ces effets positifs tardant à se manifester (cf. faiblesse de la croissance, remontée du chômage). Or, le Comité est préoccupé par un décalage croissant entre les objectifs fixés à ces réformes, les retards de mise en oeuvre de beaucoup d'entre elles, et la détérioration persistante de la croissance et de l'emploi en Europe. Il ne faudrait pas que la stratégie européenne des réformes dégénère en une "bulle", dont l'inflation des objectifs, des concepts et des États participants coïnciderait avec des déficits également croissants de coresponsabilité, de mise en oeuvre et d'impact réel.

6. Recommandations du Comité pour renforcer l'impact des réformes structurelles

6.1. Les insuffisances actuelles de l'impact économique, social et sur l'emploi des réformes structurelles, qui alimentent les interrogations dans l'opinion, amènent le Comité à présenter les recommandations suivantes.

6.2. Le Comité note en premier lieu que si l'UE a bien identifié, notamment lors du Sommet de Lisbonne, les principales réformes structurelles à mener sur les plans européen et national, la mise en pratique d'une "bonne gouvernance de la réforme" manque encore largement. Le Comité ne saurait donc trop insister sur l'importance de meilleures méthodes pour mener à bien les réformes structurelles. À ce titre, le Comité met l'accent sur les priorités suivantes:

6.2.1. Une première condition pour réussir les réformes est de développer l'effort d'explication sur les objectifs poursuivis: il faut notamment améliorer la perception et la compréhension des enjeux. La préparation des sommets de printemps devrait donner lieu, dans les différents pays membres, à de véritables débats associant étroitement les représentants de la société civile organisée.

6.2.2. Cette exigence va de pair avec une meilleure consultation des organisations socioprofessionnelles concernant les réformes à mener, leurs perspectives, leurs effets, leurs conditions et leur état de mise en oeuvre. À travers ces consultations, il convient aussi d'optimiser la répartition des contributions requises, avec une meilleure coresponsabilité dans la mise en oeuvre des réformes. Outre le législateur et les pouvoirs publics, les acteurs de la société civile ont également un rôle important à jouer (initiatives des milieux socio-économiques, accords des partenaires sociaux, etc.). Les États devraient donc encourager davantage les acteurs de la société civile à prendre toutes leurs responsabilités dans la mise en oeuvre des réformes, en leur déléguant le plus largement possible ce qui relève au premier chef de la propre implication de ceux-ci, plutôt que de celle des pouvoirs publics.

6.2.3. L'état de mise en oeuvre des réformes devrait être mieux précisé dans les rapports annuels des États et de la Commission au Sommet de Printemps, qui devraient mentionner non seulement les mesures prises par les pouvoirs publics mais aussi les initiatives des milieux socio-économiques et des partenaires sociaux concernant ces réformes.

6.2.4. Suite au recentrage du suivi et de l'évaluation des processus mise en place début 2003, avec la présentation annuelle d'un rapport de synthèse par la Commission, il faut veiller à ce que cette interaction mutuelle des processus devienne plus effective. On pourrait ainsi mieux intégrer les lignes directrices d'emploi et les grandes orientations de politique économique, et non seulement les synchroniser entre elles. Ceci contribuerait à simplifier utilement le processus annuel d'orientation économique et sociale de l'UE.

6.2.5. Il convient aussi d'améliorer l'efficacité de l'étalonnage comparatif ou "benchmarking" permettant de diffuser les meilleures pratiques. À cette fin, il serait utile de créer au sein du site internet Europa, au titre de la stratégie de Lisbonne, une base d'observation et de données sur les réformes structurelles dans l'UE, en incitant les États et les acteurs de la société civile à apporter tous les éléments d'information utiles pour la développer. Le Comité entend pour sa part contribuer directement à cette meilleure information sur les initiatives des acteurs de la société civile dans les réformes.

6.2.6. Une attention particulière doit être portée à l'inclusion optimale dans la stratégie de Lisbonne des dix nouveaux États membres d'Europe centrale et méditerranéenne - et à l'association des autres États candidats à l'adhésion - tout en tenant compte de leurs caractéristiques propres et notamment des retards de développement que la plupart d'entre eux connaissent vis-à-vis des 15 États membres actuels de l'UE, ceci n'excluant pas que de nouveaux États membres puissent aussi faire état de certains avantages comparatifs dans les réformes. Ces pays devraient être conviés à présenter leur programme de réformes et son état d'avancement au prochain Sommet de printemps en mars 2004.

6.3. Concernant le champ et le contenu des réformes, le Comité souligne tout particulièrement les priorités suivantes:

6.3.1. La mise en place de la monnaie unique exige de plus en plus clairement celle d'une gouvernance économique commune, à laquelle les États membres se sont aujourd'hui refusés, au-delà d'une coordination bruxelloise encore embryonnaire. Une telle gouvernance commune impliquera évidemment un rapprochement des fiscalités, notamment pour éliminer à travers un règlement unique toutes les doubles impositions en lieu et place de conventions bilatérales aussi inextricables que disparates, pour simplifier le régime fiscal des échanges intracommunautaires, et pour harmoniser les assiettes. Un avis du Comité est en préparation sur ces différentes questions fiscales.

6.3.2. Le pacte de stabilité à l'encontre des déficits publics constitue un garde-fou utile, tout en exprimant clairement la solidarité qui lie tous les États participant à l'euro. Il convient donc de le respecter. Il ne saurait pour autant faire oublier l'objectif de croissance également présent dans l'esprit et le libellé du pacte, domaine où les motifs d'insatisfaction sont au moins équivalents à ceux concernant les déficits: il serait illusoire de vouloir s'attaquer efficacement et durablement aux déficits publics nationaux sans convenir ensemble d'une politique européenne ouvrant de vraies perspectives de croissance. Il serait tout autant illusoire de prétendre mener à bien des réformes structurelles souvent rigoureuses sans offrir de telles perspectives positives et crédibles aux Européens.

6.3.3. Ceci implique d'utiliser avec plus d'allant et de détermination le marché unique comme facteur de croissance privilégié pour l'économie européenne, en accélérant les ouvertures mutuelles nécessaires à son achèvement et en imposant plus de rigueur dans les transpositions nationales. Cette gestion renforcée du marché unique est plus que jamais nécessaire, avec l'élargissement de 15 à 25 États membres en 2004. Il s'agit de mieux assurer sa cohésion, son identité, sa fluidité et sa sécurité. Ceci justifierait notamment d'envisager, tant en coopération qu'en complémentarité avec les administrations nationales:

6.3.3.1. de véritables inspections communautaires du marché unique;

6.3.3.2. une gestion commune des douanes européennes aux frontières extérieures;

6.3.3.3. une meilleure coordination transnationale des services publics, qui pourrait préparer, en certains domaines qui le justifieraient, l'émergence de services d'intérêt général à l'échelle européenne.

6.3.4. Il conviendrait aussi d'encourager un plus grand nombre d'entreprises, de toutes tailles, à utiliser réellement le grand marché européen comme leur véritable marché intérieur, et à se redéployer à cette échelle. Le Comité rappelle ses propositions en faveur d'un statut européen simplifié ouvert aux petites et aux moyennes entreprises, et réitère sa demande à la Commission de présenter un tel projet de statut(3).

6.3.5. Une autre réforme essentielle pour l'économie européenne est, comme le précise à juste titre la stratégie de Lisbonne, la promotion de l'économie de la connaissance: les pays de l'Union européenne n'investissent pas assez dans les technologies du futur, et, quand ils le font, agissent de façon trop dispersée. Le programme cadre de recherche de l'UE, dont le montant très modeste (à peine 5 % des budgets nationaux de recherche) donne lieu à trop de saupoudrages entre États, devrait être d'une part clairement revalorisé pour atteindre un vrai seuil d'efficacité et d'autre part davantage concentré sur des programmes technologiques authentiquement européens, aptes à appuyer la croissance des pays de l'UE. La définition d'une approche plus convergente dans le domaine de la défense au titre de la politique étrangère et de sécurité commune, dans ses différentes incidences (présence spatiale, harmonisation des armements, nouvelles technologies à double usage civil et militaire, etc.), et incluant une ouverture réciproque plus effective des marchés publics correspondants, devrait jouer un rôle clé pour donner cette nouvelle dimension à l'innovation technologique européenne.

6.3.6. Le redressement de l'emploi découlera surtout d'un redressement de la croissance, activé par les réformes économiques (cf. approfondissement du marché intérieur, encouragement des initiatives des opérateurs, attraction des investissements, etc.). Les réformes sociales pour l'emploi (cf. éducation et formation, employabilité, meilleure fluidité du marché du travail), doivent être conçues pour aller de pair avec ces réformes économiques et optimiser leurs répercussions sur l'emploi. Les exemples positifs de redressement de l'emploi aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, en Irlande et au Danemark constituent de bonnes illustrations de ce constat.

6.3.7. Le Comité se prononce donc en faveur d'une initiative européenne de croissance, telle que la présidence italienne du Conseil, la Commission, et également le groupe à haut niveau présidé par André Sapir, l'ont proposé en juillet. La France et l'Allemagne ont aussi présenté en septembre des orientations communes allant dans le même sens. Le Conseil européen des 16 et 17 octobre 2003 vient lui-même d'appuyer la nécessité d'une telle initiative, dont les modalités devront faire l'objet de décisions concrètes lors du Conseil européen des 12 et 13 décembre 2003. Pour le Comité, il s'agit de définir et de mettre en oeuvre à l'échelle européenne de nouveaux incitatifs à la croissance, qui permettraient d'activer les investissements tant dans la recherche et les technologies nouvelles - ainsi qu'indiqué précédemment - que dans les infrastructures transnationales - transports, énergie, télécommunications, environnement - nécessaires au bon fonctionnement du marché unique élargi. En accroissant les emprunts et financements de la Banque européenne d'investissement en faveur de tels investissements, en y associant les investisseurs privés dans le cadre de nouveaux partenariats public/privé, et en contribuant ainsi, par ces mesures entre autres, à restaurer une meilleure confiance des différents acteurs de l'économie européenne, on compenserait les effets négatifs à court terme que les nécessaires rigueurs du pacte de stabilité à l'encontre des budgets nationaux peuvent susciter sur la croissance.

6.3.8. Les réformes de la protection sociale, qui doivent permettre d'assurer l'équilibre financier des différents régimes (chômage, santé, retraite), sont rendues particulièrement nécessaires par le vieillissement démographique, l'augmentation des coûts de prise en charge, et la rigueur accrue qui s'impose aux finances publiques. À l'instar des réformes sociales pour l'emploi, elles impliquent une consultation étroite des partenaires sociaux, qui peuvent être appelés, par la voie de la politique contractuelle, à jouer un rôle majeur dans les mesures à prendre.

6.3.9. Il convient aussi de renforcer la qualité et la simplification des règles législatives et administratives, où beaucoup de progrès restent encore à faire, au-delà de plusieurs initiatives positives de la Commission (cf. codifications, livre blanc sur la gouvernance, mesures annoncées par le programme européen de simplification, etc.). Ceci implique notamment:

6.3.9.1. une nouvelle culture de la simplification administrative, orientée en fonction des besoins de l'usager, tant sur le plan européen - avec un code de conduite en ce sens des institutions de l'Union - que dans les États membres - qui devraient prendre des engagements parallèles et les mettre en pratique sur le plan national - avec des résultats rapides, concrets et mesurables;

6.3.9.2. une amélioration des analyses d'impact des nouveaux projets de réglementation, assurant leur autonomie et leur qualité; le Comité attache une importance majeure à ces analyses d'impact et est prêt à apporter sa contribution à leur renforcement, dans le cadre de sa mission consultative.

6.3.10. Il faut enfin promouvoir les initiatives des acteurs socio-économiques, qui conditionnent l'adaptation de l'Europe à son nouvel environnement économique et social. Ces initiatives doivent accompagner plus systématiquement les réformes structurelles économiques et sociales et en accroître l'impact positif. Elles devraient être mieux appuyées par les pouvoirs publics tant européens que nationaux. Ceci implique notamment:

6.3.10.1. davantage d'espaces de libertés et de responsabilités notamment à l'échelle européenne, tout en assurant par ailleurs une application plus efficace de la réglementation recentrée;

6.3.10.2. un meilleur recours à des approches d'autorégulation et de corégulation dans le cadre d'un partenariat avec les pouvoirs publics, notamment dans les domaines concernant le dialogue social, les reconnaissances professionnelles, les services, la protection de l'environnement, le commerce et les consommateurs.

6.4. En conclusion, le Comité est convaincu de la nécessité d'assurer que les réformes structurelles nécessaires à la compétitivité de l'Union européenne soient, d'une part, appuyées par une relance de la croissance économique, à travers l'achèvement du marché unique et le développement des investissements trans-européens, et, d'autre part, mieux débattues, mieux comprises et mieux réparties entre les décideurs politiques et les acteurs de la société civile organisée. Il s'agit d'optimiser le site économique Europe en donnant plus de vigueur à sa capacité autonome de croissance et en assurant une meilleure démultiplication des efforts requis à cette fin. L'efficacité de l'impact de ces réformes dans un contexte économique et social difficile, et donc leur réussite ou leur échec, dépendront en définitive de ce qu'elles ne soient pas seulement décidées et tirées "à l'avant" par les dirigeants politiques, par des lois et des règlements, mais aussi et surtout relayées et appuyées "à l'arrière" par les acteurs économiques et sociaux, dans leur capacité spécifique de partenaires contractuels et de créateurs d'initiatives "sur le terrain".

Bruxelles, le 30 octobre 2003.

Le Président

du Comité économique et social européen

Roger Briesch

(1) www.unice.org/lisbon.

(2) "Travailleurs âgés", JO C 14 du 16.1.2001 (SOC/039).

(3) "L'accès des PME à un statut de droit européen", JO C 125 du 27.5.2002 (INT/109).

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