Choose the experimental features you want to try

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 52003IE1171

    Avis du Comité économique et social européen à l'intention de la "Conférence intergouvernementale 2003"

    JO C 10 du 14.1.2004, p. 43–48 (ES, DA, DE, EL, EN, FR, IT, NL, PT, FI, SV)

    52003IE1171

    Avis du Comité économique et social européen à l'intention de la "Conférence intergouvernementale 2003"

    Journal officiel n° C 010 du 14/01/2004 p. 0043 - 0048


    Avis du Comité économique et social européen à l'intention de la "Conférence intergouvernementale 2003"

    (2004/C 10/12)

    Lors de sa session plénière du 21 février 2002, le Comité économique et social a décidé, conformément aux dispositions de l'article 29, paragraphe 2, de son Règlement intérieur, d'élaborer un avis à l'intention de la "Conférence intergouvernementale 2003" et, conformément aux dispositions de l'article 19, paragraphe 1, de son Règlement intérieur, de constituer un sous-comité pour préparer les travaux en la matière.

    Le sous-comité a adopté son projet d'avis le 15 septembre 2003 (rapporteur: M. Malosse).

    Lors de sa 402e session plénière des 24 et 25 septembre 2003 (séance du 24 septembre), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 118 voix pour, 7 voix contre et 9 abstentions.

    1. Recommandations principales du Comité économique et social européen à la CIG

    1.1. Le Projet de Traité constitutionnel est le résultat d'un processus démocratique, transparent et ouvert qui marquera son histoire. Il établit que toute modification se fera désormais dans le cadre d'une Convention ou, à tout le moins et pour des modifications moins fondamentales, après consultation du Parlement européen. Cette méthode a prouvé son efficacité: le projet apporte en effet une valeur ajoutée réelle aux citoyens en terme de lisibilité, de simplification, de visibilité et de démocratisation.

    1.1.1. L'enjeu à venir est d'établir, d'une manière permanente mais aussi en vue d'une révision du Traité constitutionnel, des procédures garantissant une meilleure implication des citoyens et un dialogue plus structuré avec les organisations de la société civile. C'est le seul moyen de donner une plus grande légitimité à l'Union et de faire vivre le dialogue civil fondé sur le principe de démocratie participative.

    1.2. Le CESE demande que la CIG ne remette pas en cause les équilibres et les grands principes obtenus par consensus dans le Projet de Traité constitutionnel qui a été présenté le 18 juillet 2003 à la Présidence de l'Union.

    1.3. Cependant, dans la perspective des débats qui vont s'engager au niveau européen et national, le CESE recommande aux représentants à la Conférence intergouvernementale d'apporter des compléments, précisions et clarifications qui devraient renforcer la confiance et l'engagement des citoyens et des organisations de la société civile:

    - En renforçant les modalités de mise en oeuvre des politiques économiques et sociales de l'Union et en améliorant la gouvernance de la zone Euro;

    - En accroissant la légitimité démocratique des politiques économiques, sociales et monétaires par une implication accrue du Parlement européen et du CESE;

    - En rénovant les priorités et en simplifiant les instruments des politiques de cohésion économique, sociale et territoriale;

    - En démocratisant la politique étrangère et de sécurité commune et en améliorant sa cohérence et son efficacité;

    - En définissant mieux le champ de compétences et les modalités de mise en oeuvre du principe de la démocratie participative, afin de concrétiser le dialogue civil, et les fonctions du Comité économique et social européen dans ce contexte;

    - En élargissant le champ de consultation obligatoire du CESE à la politique commune en matière d'asile et d'immigration, à l'application du principe de non-discrimination et à la culture;

    - En reconnaissant le rôle de la société civile organisée dans la mise en oeuvre du principe de subsidiarité et de proportionnalité et en conférant un droit de recours au CESE auprès de la Cour de justice.

    2. Évaluation globale du Projet de Traité constitutionnel

    2.1. Observations générales

    2.1.1. Le Projet de Traité instituant une Constitution pour l'Europe, remis le 18 juillet 2003 à la Présidence du Conseil européen, marque une étape décisive dans la construction européenne. Il est le résultat d'un processus démocratique, transparent et ouvert, inspiré par l'expérience positive d'une première Convention qui a rédigé la Charte des droits fondamentaux de l'Union.

    2.1.2. La Convention européenne qui a préparé le Projet de Traité constitutionnel a été une instance légitime, composée très majoritairement (près des 2/3) de parlementaires (européens, des États membres et des pays candidats). À leur côté, les participations des représentants des gouvernements des États membres et de la Commission européenne, gardienne des traités, étaient tout autant légitimes, respectant ainsi la nature unique de l'UE: à la fois union d'États et union de peuples. La présence, en tant qu'observateurs, des partenaires sociaux, du Comité économique et social européen, des régions au travers du Comité des régions et du Médiateur a conforté le caractère représentatif de la Convention même si leur participation pleine et entière lui aurait conféré une légitimité encore plus grande.

    2.1.3. La Convention a fonctionné, d'une manière générale, dans la transparence et l'accès aux travaux et aux documents a été garanti autant que possible à l'ensemble des citoyens intéressés, même si la méthode conventionnelle est encore perfectible. Les travaux de la Convention ont débuté par une phase "d'écoute" au cours de laquelle des représentants de la société civile et de la jeunesse ont été appelés à s'exprimer. Les modalités d'organisation de ces consultations n'ont pas vraiment permis l'expression de tous ainsi que des débats en profondeur mais cette amorce de dialogue pourrait préfigurer une véritable démocratie participative qui permettrait effectivement, comme le préconise la Déclaration de Laeken, de rapprocher les citoyens du projet européen et des institutions européennes. Les efforts d'écoute et de transparence ont été complétés et développés par le CESE, notamment au travers de rencontres régulières d'information et de dialogue avec les organisations et réseaux européens de la société civile, organisées en coopération avec le Présidium de la Convention, de travaux en commun menés avec les CES nationaux et institutions similaires et aussi par des initiatives visant à associer les organisations de la société civile des pays candidats.

    2.1.4. La Convention a été aussi efficace puisque, fonctionnant par consensus, elle a réussi à remettre en temps voulu un projet complet, équilibré, répondant aux demandes exprimées par le Conseil européen de Laeken des 14 et 15 décembre 2001. Elle a su créer sa propre dynamique ce qui lui a également permis d'interpréter d'une manière large les termes de la Déclaration de Laeken.

    2.1.5. La Convention a eu un effet intégrateur vis-à-vis des parlements nationaux, auparavant largement écartés, en amont, des grands débats européens. Elle a aussi permis d'impliquer les pays candidats qui ont, de fait, participé aux travaux à égalité de droit avec les États membres: ils ont été seulement privés d'un droit de vote que la Convention n'a, en fait, jamais exercé.

    2.1.6. La Conférence intergouvernementale (CIG) se trouve devant un projet légitime et crédible. Il commence à circuler largement et à être diffusé auprès des citoyens. C'est une situation unique dans laquelle le processus démocratique précède le processus diplomatique. Et cette CIG n'est en soi qu'une étape avant la phase ultime, mais fondamentale, que sera la ratification, référendaire ou parlementaire, du Traité instituant une Constitution pour l'Europe, dans chacun des États membres. Il s'agit en effet, et pour la première fois, d'un texte constitutionnel engageant clairement les citoyens de l'UE dans un avenir commun.

    2.1.7. L'un des enjeux du Projet de Traité constitutionnel est ainsi une vision plus compréhensible du rôle et des objectifs de l'Union qui puisse être soutenue par les peuples d'Europe. Cela ne sera toutefois réalisable que si les institutions européennes, y compris le CESE, réussissent à obtenir et à conserver la confiance des citoyens.

    2.1.8. Le CESE soutient le Projet de Traité constitutionnel élaboré par la Convention à laquelle il avait transmis ses priorités dans une résolution de septembre 2002(1) et a participé activement par l'intermédiaire de ses trois observateurs, Roger Briesch, Göke Frerichs et Anne-Marie Sigmund(2). Il souhaite que, au nom de l'efficacité et de la démocratie, la CIG ne remette pas en cause l'équilibre général du projet. Le CESE demande également que la CIG soit transparente en établissant un système d'information et de consultation de la société civile organisée au niveau européen et national.

    2.1.9. Néanmoins, le CESE estime légitime de soulever deux questions clés concernant le Projet de Traité constitutionnel:

    - Le Projet de Traité répond-il aux attentes des citoyens telles que la Déclaration de Laeken les a formulées et que le CESE a pu les identifier avec la sensibilité de ses membres (issus des principales organisations nationales de la société civile) ainsi qu'à l'occasion des nombreuses conférences, auditions et rencontres qu'il a organisées?

    - Le Projet de Traité constitutionnel peut-il être encore amélioré sans pour autant mettre en cause son équilibre général?

    2.2. La valeur ajoutée du nouveau Traité constitutionnel pour les citoyens

    En ce qui concerne les dispositions proprement constitutionnelles et la Charte des droits fondamentaux (Parties I et II)

    2.2.1. Avec ce Projet de Traité, l'Europe a, pour la première fois, une finalité clairement affichée: établir une Union politique au nom des citoyens et des États d'Europe. Il est essentiel et très positif que la Partie I (Articles 2, 3 et 4) comprenne une définition claire des objectifs et des valeurs de l'Union. Le CESE, qui y a contribué par des amendements, se félicite de la rédaction équilibrée de ces articles. Quant à l'objectif de protection sociale, mentionné à l'Article I-3, il conviendrait toutefois de garder la formulation originelle, à savoir "un niveau de protection sociale élevé". L'inclusion dans une Partie II de la Charte des droits fondamentaux constitue une victoire incontestable de la société civile. Elle pourra être invoquée par les citoyens européens devant toute juridiction nationale en ce qui concerne la mise en oeuvre des politiques européennes.

    2.2.2. Le Projet de Traité a non seulement le caractère d'une Constitution qui doit marquer la conscience collective, mais il est aussi plus compréhensible, plus lisible, plus simple que les traités existants. La fusion des trois anciens piliers et l'unité de nom, même si on peut regretter la disparition du terme fédérateur de communauté, sont destinés à faciliter l'identification de l'Union par les citoyens. Le Projet de Traité permet aux citoyens de connaître les compétences exclusives, partagées et de coordination de l'Union et, par voie de conséquence, les responsabilités qui continuent à s'exercer au niveau national, régional et local. Le nouveau Traité, en ce qui concerne tout au moins les Parties I et II, se lit facilement. Le jargon, bien qu'encore très présent, est remplacé par des termes qui parlent davantage aux citoyens, ainsi les règlements par des lois européennes ou les directives par des lois-cadres européennes. Des références plus claires ou nouvelles relatives à la suppression des droits d'appartenance à l'Union, la possibilité d'un retrait volontaire ou la clause de solidarité politique renforcent l'image d'un engagement commun de destin, partagé et accepté.

    2.2.3. Le Projet de Traité assure davantage de visibilité à l'Union. Ainsi le principe d'une Présidence stable du Conseil, sans remettre en cause l'équilibre institutionnel, et la création d'un poste de Ministre des affaires étrangères de l'Union peuvent contribuer à personnaliser les politiques européennes. L'introduction d'un article spécifique relatif aux symboles de l'Union dans la Partie IV du Projet de Traité répond également à ce souci d'une identification de l'Union et de ses valeurs par les citoyens. La création d'une autorité indépendante de contrôle sur la protection des données à caractère personnel (Article 50 de la Partie I) témoigne en outre d'un souci de transparence accrue vis-à-vis des citoyens.

    2.2.4. Le Projet de Traité apporte des améliorations en terme de renforcement de la légitimité démocratique de l'Union et de l'efficacité du processus décisionnel. Les responsabilités accordées aux parlements nationaux ("early warning", droit de recours) peuvent être comprises comme autant de moyens de mieux faire respecter la subsidiarité que comme un moyen de faire participer les représentations nationales au processus européen. L'élection du Président de la Commission européenne par le Parlement européen et le renforcement de ses pouvoirs dans la composition du collège sont destinés à renforcer la légitimité d'une institution motrice de l'Union et gardienne de la méthode communautaire. L'accroissement des compétences du Parlement européen contribuera à renforcer la perception, par les citoyens, de l'importance de cette institution. L'extension du vote à la majorité qualifiée et, parallèlement, de la procédure de codécision devraient contribuer à conférer également une légitimité et une efficacité accrues aux décisions et à l'action de l'Union.

    2.2.5. Le futur Traité comprend un titre entier (Titre VI de la Partie I), totalement nouveau, relatif à la vie démocratique de l'Union. Il pose les principes de la démocratie représentative et de la démocratie participative, établit le rôle des partenaires sociaux et d'un dialogue social autonome, les attributs du médiateur européen, et le principe de transparence. Ce titre prévoit également l'instauration d'un droit de pétition d'au moins un million de citoyens, qui pourra être considéré comme une avancée notable pour la société civile, à condition que les modalités de mise en oeuvre permettent d'en assurer un suivi effectif (Article 46, alinéa 4). Le dialogue à établir avec les églises et les organisations philosophiques et non confessionnelles est un gage d'une Union qui se veut davantage à l'écoute de la société (Article 51).

    2.2.5.1. Le Comité se félicite tout particulièrement que le Projet de Traité reconnaisse la réalité de la démocratie participative en tant que partie intégrante du modèle européen de société. Pour que l'Union dispose d'une légitimité démocratique accrue, il est en effet non seulement nécessaire que les pouvoirs et les responsabilités des institutions soient clairement définis, mais également que la participation active de la société civile soit pleinement assurée. Le concours des citoyens actifs et engagés, ainsi que des organisations à travers lesquelles ils s'expriment et agissent, est en effet indispensable pour réaliser l'ambition assignée à l'Europe d'être un espace de liberté, de démocratie, de justice et de sécurité.

    En ce qui concerne les politiques et le fonctionnement de l'Union (Partie III)

    2.2.6. Dans la Partie III, qui porte sur les politiques et le fonctionnement de l'Union, on notera les progrès substantiels en terme de démocratisation (extension du vote à la majorité qualifiée, implication du Parlement européen et de la Cour de justice) de l'espace de liberté, de sécurité et de justice.

    2.2.6.1. Par contre, il est à regretter que malgré la fusion des trois piliers, des dispositions particulières soient maintenues pour la mise en oeuvre de la politique étrangère et de sécurité commune malgré certaines avancées et la perspective d'un service diplomatique commun. L'unanimité demeure la règle générale et il n'est fait aucune place à la participation des citoyens et des acteurs de la société civile au niveau européen. Il conviendrait par conséquent que les dispositions en matière de politique étrangère et de sécurité commune prévoient des règles de consultation des représentants de la société civile au niveau de l'Union européenne. Cela est d'autant plus important pour assurer l'efficacité et la légitimité de l'action de l'Union européenne dans ces domaines. Le CESE suggère que la question soit étudiée en profondeur et réexaminée dans le cadre de la Conférence intergouvernementale sans que soient remis en cause les grands équilibres du Projet de Traité constitutionnel.

    2.2.7. Le CESE se réjouit de l'affirmation de la cohésion économique, sociale et territoriale, à laquelle il est très attaché, et soutient les principes qui fondent les politiques de l'Union en la matière. Il souligne que cette politique doit essentiellement viser à valoriser les ressources humaines, culturelles et naturelles des pays et régions les moins développés et assurer ainsi l'égalité des chances. Dans la perspective de l'élargissement et d'une économie fondée sur la connaissance, une réforme des priorités et une simplification des modalités de mise en oeuvre s'imposent. Le Comité a proposé à cet égard un Fonds unique d'intervention pour la cohésion territoriale(3). Il se réjouit par conséquent que l'Article 119 de la Partie III prévoit la possibilité d'un regroupement des Fonds à finalité structurelle.

    2.2.8. Il se félicite également de l'introduction d'une disposition nouvelle sur l'importance du rôle des services d'intérêt général pour la promotion de la cohésion sociale et territoriale de l'Union. La promotion de services d'intérêt général d'un niveau élevé aurait dû toutefois figurer parmi les objectifs énumérés à l'Article I-3.

    2.2.9. Par contre, plusieurs sections du Projet de Traité constitutionnel mériteraient d'être renforcées. Ainsi, les domaines économiques, sociaux, de l'emploi et du développement durable ne font l'objet que d'avancées modestes. Le Comité se félicite toutefois que le plein emploi et une économie sociale de marché hautement compétitive soient explicitement mentionnés comme objectifs de l'Union mais fait remarquer que ces objectifs devraient également être formulés clairement dans les articles concernés de la Partie III; il demande en outre qu'il soit précisé plus clairement aux articles pertinents du Projet de Traité que la politique économique et monétaire doit contribuer à la réalisation de l'objectif de croissance et de plein emploi.

    2.2.10. En matière de coordination des politiques économiques et de l'emploi, les propositions faites innovent très peu par rapport aux dispositions et pratiques existantes, notamment en matière de gouvernance de la zone Euro. Les attentes des citoyens se focalisent pourtant largement sur le concept d'un projet global de société porteur de croissance et d'emploi durables. Cette attente forte, qui correspond aux ambitions affichées par l'Union lors du Sommet de Lisbonne en mars 2000, est largement partagée par les sociétés civiles des pays candidats comme le CESE a pu le mesurer au travers des enquêtes et rencontres qu'il a organisées. Le CESE a lui-même formulé des propositions concrètes en matière de gouvernance économique et sociale(4).

    2.2.11. L'existence de distorsions de concurrence trop criantes au sein du marché intérieur nuit à sa cohésion et à son dynamisme dans la perspective des objectifs de Lisbonne. C'est pourquoi l'extension du champ d'application de la règle du vote à la majorité qualifiée ouvrirait une perspective réelle de convergence dans l'Europe élargie. S'agissant de la politique fiscale et en ce qui concerne le problème de l'unanimité, l'on pourrait recourir à la procédure de coopération renforcée, ce qui permettrait à un groupe d'États membres d'aller de l'avant dans le respect des dispositions communautaires et sans que cela puisse créer des distorsions de concurrence.

    3. Améliorer le Projet de Traité constitutionnel pour mieux le faire partager par les citoyens européens: propositions du CESE

    3.1. Mieux définir le champ et les modalités de mise en oeuvre du principe de la démocratie participative (Article I-46 de la Partie I)

    3.1.1. Le principe de la démocratie participative revêt une importance fondamentale par rapport à la demande du Conseil européen de Laeken de rapprocher les citoyens du projet européen et des institutions européennes. Le Comité, au travers des rencontres, conférences et auditions qu'il a organisées tout au long des travaux de la Convention, a constaté, tant au niveau des États membres que des pays candidats, ainsi qu'avec les grands réseaux européens de la société civile, qu'il y avait une très forte attente et une certaine déception, au-delà des affirmations de principe, devant le peu de contenu du Projet de Traité dans ce domaine.

    3.1.2. Si l'article I-46 du Projet de Traité constitutionnel constitue un acquis fondamental, il ne va pas aussi loin que le CESE et les organisations de la société civile l'ont souhaité et demandé. En effet, le principe de la démocratie participative implique non seulement la consultation, mais également la participation active de tous les acteurs représentatifs de la société civile organisée: d'une part, et à un stade précoce, au processus de formation des politiques et à la préparation des décisions et, d'autre part, à leur mise en oeuvre et à leur suivi.

    3.1.3. Le Comité regrette à cet égard l'insuffisance de dispositions opérationnelles mettant en oeuvre ce principe et permettant d'accroître la confiance de la société civile européenne envers la nature réellement participative du fonctionnement de l'Union. En permettant la participation de ceux qui sont directement concernés, le dialogue civil constitue un élément clé pour renforcer la légitimité démocratique de l'Union. Pour que ce dialogue civil soit effectif, il est cependant nécessaire d'en préciser le cadre et le lieu. Le CESE a vocation, par sa composition et ses fonctions, à jouer le rôle de "facilitateur" du dialogue civil et à en être l'enceinte institutionnelle. Ainsi et sans que cela remette en cause le Projet de Traité constitutionnel, le Comité demande de:

    - Faire figurer le Comité économique et social européen, qu'il conviendrait, de préférence de dénommer à l'avenir "Conseil économique et social européen", dans la liste des institutions et organes qui constituent le cadre institutionnel de l'Union (Article 18, alinéa 2, de la Partie I).

    Par sa nature et les fonctions qui lui sont assignées dans le cadre institutionnel communautaire, le CESE contribue en effet à part entière à la réalisation des objectifs assignés à l'Union et à l'accroissement de sa légitimité démocratique dans l'intérêt général de celle-ci et des États membres.

    En outre, une telle insertion rendra plus opérationnel l'alinéa 2 de l'Article 46 qui stipule que "les institutions entretiennent un dialogue ouvert, transparent et régulier avec les associations représentatives et la société civile".

    Ce processus de dialogue et de consultation lors de la formation des politiques européennes doit toutefois être étendu à tous les niveaux territoriaux.

    - Insérer un Article III-297 rédigé comme suit qui permettrait de définir avec clarté les missions du Comité économique et social européen:

    "Dans le cadre de la fonction consultative qui lui est impartie par l'Article I-31 de la Constitution, le Conseil économique et social européen:

    - Assiste les institutions législatives et exécutives de l'Union dans le processus de formation des politiques et des décisions, ainsi que dans leur mise en oeuvre;

    - Assiste l'Union européenne dans l'organisation du dialogue social, à la demande conjointe des partenaires sociaux et dans le respect de leur autonomie;

    - Facilite le dialogue entre l'Union et les organisations représentatives de la société civile conformément aux principes établis à l'Article I-46 (1 et 2);

    - Accompagne l'action extérieure de l'Union en entretenant le dialogue avec les organisations de la société civile des pays et ensembles géographiques tiers".

    3.1.4. En outre, le suivi effectif des avis du CESE (consultatifs, exploratoires ou de sa propre initiative) constitue une garantie fondamentale de son efficacité dans le cadre d'une démocratie véritablement participative. C'est pourquoi, le CESE propose de compléter comme suit l'Article III-298:

    "Les institutions communiquent au Comité un rapport régulier sur le suivi de ses avis".

    3.2. Élargir les champs de la démocratie représentative et participative

    3.2.1. Le CESE regrette que, dans un domaine aussi important que la coordination des politiques économiques et de l'emploi, n'aient pas été prévues de règles permettant d'associer et de consulter les citoyens, par l'intermédiaire du Parlement européen, et les organisations de la société civile, par celui du Comité économique et social européen. Cette anomalie devrait être corrigée par la CIG en prévoyant la consultation du Parlement européen et du CESE sur les grandes orientations des politiques économiques des États membres (GOPE) (Article III-71).

    3.2.2. Le champ d'application de la "méthode ouverte de coordination" a été étendu à de nouveaux domaines: la politique sociale, la compétitivité des entreprises, la recherche et la santé publique. Cependant on doit regretter l'absence de dispositions permettant une implication effective du Parlement européen et des parlements nationaux, du CESE, des partenaires sociaux et des autres acteurs de la société civile dans les domaines les concernant.

    3.2.3. En ce qui concerne le champ de consultation obligatoire du CESE, il serait opportun, du fait de la composition et de l'expertise de ses membres, de l'élargir à:

    - L'application du principe de non-discrimination (Article III-7);

    - La politique commune en matière d'asile et d'immigration (Articles III-167 et III-168);

    - La culture (Article III-181)(5).

    Cela concrétiserait le souci de l'Union de renforcer la légitimité démocratique des politiques communautaires dans des domaines qui revêtent une importance particulière pour les citoyens européens et les organisations de la société civile.

    3.3. La société civile organisée et le principe de subsidiarité

    3.3.1. La question de l'application du principe de subsidiarité a été une des questions les plus débattues lors de la Convention. Elle faisait partie des demandes du Conseil européen de Laeken. Le Projet de Traité constitutionnel reconnaît fort justement un rôle aux parlements nationaux dans le contrôle de la subsidiarité. Il y associe également le Comité des régions qui peut introduire des recours concernant des actes législatifs pour l'adoption desquels la Constitution prévoit sa consultation, sans pour autant avoir le statut d'institution.

    3.3.2. Dans le Protocole sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité, la nécessité de larges consultations avant de proposer et de décider d'un acte législatif est reconnue. Néanmoins, ce protocole, qui confère un droit d'alerte au profit des parlements nationaux et un droit de recours aux États membres (le cas échéant au nom de leurs parlements nationaux) ignore totalement le rôle de la société civile organisée, représentée notamment par le CESE, dans la mise en oeuvre du principe de subsidiarité, sans égard pour l'Article I-46 sur la démocratie participative.

    3.3.3. Les acteurs de la société civile sont tout aussi fondés que les autorités régionales ou locales à estimer que certaines propositions d'actes législatifs ou réglementaires peuvent empiéter sur leurs champs de compétence; ceci concerne tout autant les partenaires sociaux, dans le cadre de leurs relations conventionnelles, que les autres acteurs de la société civile, pour toutes les formes alternatives de réglementation (coréglementation, autoréglementation, codes de bonne conduite, etc.) qui peuvent compléter l'action législative ou s'y substituer. La Commission européenne a elle-même mis en exergue, dans son Livre blanc sur la gouvernance européenne(6), l'importance à l'avenir de ces nouvelles formes d'organisation de la société, qui s'inscrivent dans le cadre d'une subsidiarité fonctionnelle et constituent également la garantie d'une meilleure réponse aux préoccupations et demandes des citoyens et d'une plus grande efficacité de l'action de l'Union.

    3.3.4. C'est pourquoi, le CESE propose:

    - d'une part, de compléter en conséquence le Protocole sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité et,

    - d'autre part, et dans le but également de respecter le principe de parité avec le Comité des régions, d'octroyer au Comité économique et social européen un droit de recours auprès de la Cour de justice concernant des actes législatifs pour l'adoption desquels la Constitution prévoit sa consultation et de modifier à cet effet l'Article III-270, alinéa 3, Projet de Traité constitutionnel.

    En tout état de cause, ce droit de recours serait automatiquement conféré au CESE s'il était inclus dans le cadre institutionnel de l'Union.

    Bruxelles, le 24 septembre 2003.

    Le Président

    du Comité économique et social européen

    Roger Briesch

    (1) Résolution du CESE du 19 septembre 2002 à l'intention de la Convention européenne adoptée en session plénière des 18 et 19 septembre 2002 - JO C 61 du 14.3.2003.

    (2) Suppléants: Jan Olsson, Giacomo Regaldo (en remplacement de John M. Little à partir de septembre 2002) et Mario Sepi (en remplacement de Gianni Vinay à partir de septembre 2002).

    (3) Voir avis exploratoire du CESE du 25 septembre 2003 "Cohésion économique et sociale: compétitivité des régions, gouvernance et coopération" - CESE 1178/2003.

    (4) Voir avis d'initiative du CESE du 12 décembre 2002 "La gouvernance économique dans l'Union européenne" - JO C 85 du 8.4.2003.

    (5) Le Comité souligne que l'Article I-31 du Projet de Traité constitutionnel prévoit que le Comité économique et social européen est constitué d'acteurs représentatifs de la société civile notamment dans le domaine de la culture. Il est par conséquent logique de prévoir que le Comité est consulté dans ce domaine.

    (6) COM(2001) 428 final du 25.7.2001.

    Top