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Document 62016CJ0545

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 22 février 2018.
Kubota (UK) Ltd et EP Barrus Ltd contre Commissioners for Her Majesty's Revenue & Customs.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le First-tier Tribunal (Tax Chamber).
Renvoi préjudiciel – Tarif douanier commun – Positions tarifaires – Véhicules automobiles pour le transport de marchandises – Sous‑positions 8704 10 10 et 8704 21 91 – Règlement (UE) 2015/221 – Validité.
Affaire C-545/16.

Recueil – Recueil général – Partie «Informations sur les décisions non publiées»

Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2018:101

ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

22 février 2018 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Tarif douanier commun – Positions tarifaires – Véhicules automobiles pour le transport de marchandises – Sous‑positions 8704 10 10 et 8704 21 91 – Règlement (UE) 2015/221 – Validité »

Dans l’affaire C‑545/16,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le First-tier Tribunal (Tax Chamber) [tribunal de première instance (chambre de la fiscalité), Royaume-Uni], par décision du 26 octobre 2016, parvenue à la Cour le 28 octobre 2016, dans la procédure

Kubota (UK) Ltd,

EP Barrus Ltd

contre

Commissioners for Her Majesty’s Revenue & Customs,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. J.‑C. Bonichot, faisant fonction de président de chambre, MM. S. Rodin (rapporteur) et E. Regan, juges,

avocat général : M. N. Wahl,

greffier : Mme L. Hewlett, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 27 septembre 2017,

considérant les observations présentées :

pour Kubota (UK) Ltd et EP Barrus Ltd, par Mme V. Sloane, barrister, et par M. S. Cock,

pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme C. Crane et M. M. Fell, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par MM. A. Caeiros et J. Hradil, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des positions 8704 10 10 et 8704 21 91 de la nomenclature combinée figurant à l’annexe I du règlement (CEE) no 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO 1987, L 256, p. 1), dans sa version résultant du règlement d’exécution (UE) no 927/2012 de la Commission, du 9 octobre 2012 (JO 2012, L 304, p. 1) (ci-après la « NC »), ainsi que sur la validité du règlement d’exécution (UE) 2015/221 de la Commission, du 10 février 2015, relatif au classement de certaines marchandises dans la nomenclature combinée (JO 2015, L 37, p. 1).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Kubota (UK) Ltd et EP Barrus Ltd aux Commissioners for Her Majesty’s Revenue & Customs (administration fiscale et douanière, Royaume‑Uni), au sujet du classement tarifaire de certains véhicules automobiles pour le transport de marchandises, importés par ces sociétés dans l’Union européenne.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

L’article 2 du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO 1992, L 302, p. 1), prévoit :

« 1.   Sauf dispositions contraires résultant, soit de conventions internationales ou de pratiques coutumières d’une portée géographique et économique limitée, soit de mesures communautaires autonomes, la réglementation douanière communautaire s’applique de façon uniforme dans l’ensemble du territoire de la Communauté.

2.   Certaines dispositions de la réglementation douanière peuvent également s’appliquer hors du territoire douanier de la Communauté dans le cadre soit de réglementations spécifiques, soit de conventions internationales. »

4

L’article 12, paragraphe 6, premier alinéa, de ce règlement dispose :

« Le titulaire d’un renseignement tarifaire contraignant qui cesse d’être valable conformément au paragraphe 5 points a) ii) ou iii) ou b) ii) ou iii) peut continuer à s’en prévaloir pendant une période de six mois après cette publication ou cette notification, dès lors qu’il a conclu, sur la base du renseignement contraignant et avant l’adoption de la mesure tarifaire en question, des contrats fermes et définitifs relatifs à l’achat ou à la vente des marchandises en cause. Toutefois, lorsqu’il s’agit de produits pour lesquels un certificat d’importation, d’exportation ou de préfixation est présenté lors de l’accomplissement des formalités douanières, la période pour laquelle le certificat en question reste valable, se substitue à la période de six mois. »

5

La NC, instaurée par le règlement no 2658/87, est fondée sur le système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (ci-après le « SH »), élaboré par le Conseil de coopération douanière, devenu l’Organisation mondiale des douanes (OMD), et institué par la convention internationale sur le système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, conclue à Bruxelles le 14 juin 1983. Cette convention a été approuvée, avec son protocole d’amendement du 24 juin 1986, au nom de la Communauté économique européenne, par la décision 87/369/CEE du Conseil, du 7 avril 1987 (JO 1987, L 198, p. 1).

6

La première partie de la NC comporte un ensemble de dispositions préliminaires. Sous le titre Ier de cette partie, consacré aux règles générales, le sous-titre A, intitulé « Règles générales pour l’interprétation de la [NC] », dispose :

« Le classement des marchandises dans la [NC] est effectué conformément aux principes ci-après.

[...]

3.

Lorsque des marchandises paraissent devoir être classées sous deux ou plusieurs positions par application de la règle 2 b) ou dans tout autre cas, le classement s’opère comme suit.

a)

La position la plus spécifique doit avoir la priorité sur les positions d’une portée plus générale. Toutefois, lorsque deux ou plusieurs positions se rapportent chacune a une partie seulement des matières constituant un produit mélangé ou un article composite ou à une partie seulement des articles dans le cas de marchandises présentées en assortiments conditionnés pour la vente au détail, ces positions sont à considérer, au regard de ce produit ou de cet article, comme également spécifiques, même si l’une d’elles en donne par ailleurs une description plus précise ou plus complète ;

[...] »

7

La position 8704 de la NC est ainsi structurée :

« 8704

Véhicules automobiles pour le transport de marchandises :

8704 10

– Tombereaux automoteurs conçus pour être utilisés en dehors du réseau routier :

8704 10 10

– – à moteur à piston à allumage par compression (diesel ou semi-diesel) ou par étincelles

8704 10 90

– – autres

 

– autres, à moteur à piston à allumage par compression (diesel ou semi-diesel) :

8704 21

– – d’un poids en charge maximal n’excédant pas 5 t ;

[...]

[...]

 

– – – – à moteur d’une cylindrée n’excédant pas 2 500 cm3 ;

8704 21 91

– – – – – neufs

[...]

[...] »

8

L’annexe du règlement 2015/221, adopté en vertu de l’article 9, paragraphe 1, sous a), du règlement no 2658/87, classe les marchandises désignées dans la colonne 1 du tableau figurant à l’annexe de ce règlement sous le code NC correspondant mentionné dans la colonne 2, conformément aux motivations indiquées dans la colonne 3 dudit tableau. Cette annexe est ainsi libellée :

« Désignation des marchandises

Classement (code NC)

Motivations

(1)

(2)

(3)

Véhicule utilitaire neuf, à quatre roues motrices, équipé d’un moteur à piston, à combustion interne, à allumage par compression (diesel), d’une cylindrée de 720 cm3, d’un poids net (y compris les fluides) d’environ 630 kg, d’une capacité de traction non freinée de 750 kg et mesurant environ 300 × 160 cm.Le véhicule dispose d’une cabine ouverte comportant deux sièges (y compris celui du conducteur), équipée d’un cadre complet de protection contre le retournement, d’une benne basculante renforcée avec une plate-forme de chargement constituée d’un cadre en acier robuste, d’un mécanisme de basculement manuel et présentant une capacité de 0,4 m3 ou environ 400 kg. Il présente une garde au sol élevée (27 cm) et un empattement de 198 cm.Il est équipé de pneus terre tout-terrain, de freins à disques humides, d’un dispositif d’attelage et d’un attelage avant. Le véhicule a une vitesse limitée à 25 km/h et une capacité de freinage élevée.Il est conçu pour un usage tout-terrain, et plus particulièrement sur les terrains très difficiles. Le véhicule est présenté en vue d’être utilisé pour toute une série de fonctions, telles que pousser ou tirer des remorques, déplacer des animaux, transporter des plantes, des boîtes, de l’eau et du matériel, transporter des munitions ou des aliments pour animaux.

8704 21 91

Le classement est déterminé par les règles générales 1 et 6 pour l’interprétation de la nomenclature combinée et par le libellé des codes NC 8704, 8704 21 et 8704 21 91.Le véhicule est conçu comme un véhicule multiusage qui peut être utilisé pour toute une série de fonctions dans des environnements différents. Il présente les caractéristiques objectives des véhicules automobiles pour le transport de marchandises de la position 8704 (voir également les avis de classement 8704 31/3 et 8704 90/1 du système harmonisé).Le véhicule n’est pas un tombereau automoteur conçu pour être utilisé en dehors du réseau routier. Ce n’est pas un véhicule de construction robuste, à benne basculante ou à fond ouvrant, conçu pour le transport de déblais ou de matériaux divers [voir également les notes explicatives du système harmonisé relatives à la position 8704, sixième alinéa, point 1)]. Un classement sous le code NC 8704 10 est donc exclu.Il convient dès lors de classer le produit sous le code NC 8704 21 91 en tant que véhicule automobile neuf pour le transport de marchandises.

9

Les notes explicatives de la nomenclature combinée de l’Union européenne, du 6 mai 2011 (JO 2011, C 137, p. 1, ci-après les « notes explicatives de la NC »), prévoient, en ce qui concerne le code 8704 :

« 8704

Véhicules automobiles pour le transport de marchandisesLes notes explicatives du no 8703 sont applicables mutatis mutandis.Pour ce qui concerne la définition de la cylindrée, voir la note explicative de sous-positions du SH, sous‑positions 8407 31, 8407 32, 8407 33 et 8407 34.Relèvent notamment de cette position les véhicules tout terrain à quatre roues motrices et châssis articulé, dans lesquels la partie antérieure est équipée d’un moteur diesel et d’une cabine dans laquelle se trouvent les organes de commande. Sa partie postérieure se compose d’un châssis avec deux roues, sans équipement, mais conçu pour recevoir divers équipements.Ne relèvent toutefois pas de la présente position de tels véhicules lorsqu’ils sont munis d’un équipement pour l’agriculture ou d’un équipement à usages spéciaux (no 8705).

8704 10 10

et

8704 10 90

Tombereaux automoteurs conçus pour être utilisés en dehors du réseau routier

1.

Relèvent principalement de ces sous-positions les véhicules équipés d’une benne basculante avant ou arrière ou à fond ouvrant, spécialement conçus pour transporter du sable, du gravier, de la terre, des pierres, etc., et destinés aux carrières, aux mines ou aux chantiers de construction, à l’aménagement de routes, d’aéroports et de ports. Des exemples illustrant divers modèles de tombereaux automoteurs sont énoncés à la fin de la présente note.

2.

Relèvent également des présentes sous-positions les véhicules de plus petites dimensions, du type utilisé sur les chantiers pour transporter de la terre, des moellons, des ciments et bétons frais, etc. Ils présentent un châssis fixe ou articulé et deux ou quatre roues motrices, la benne basculante étant située au-dessus d’un essieu et le siège du conducteur au-dessus de l’autre. Le siège du conducteur n’est généralement pas couvert par une cabine. »

Les notes explicatives du SH

10

En vertu de l’article 6, paragraphe 1, de la convention internationale mentionnée au point 5 du présent arrêt, un comité dénommé « comité du système harmonisé », composé des représentants de chaque partie contractante, a été institué au sein du conseil de coopération douanière. Sa tâche consiste, notamment, à proposer des amendements à ladite convention et à rédiger des notes explicatives (ci-après les « notes explicatives du SH »), des avis de classement et d’autres avis pour l’interprétation du SH.

11

Les notes explicatives du SH sont ainsi libellées, s’agissant de la sous‑position 8704 10 :

« Les tombereaux automoteurs de la présente sous-position se distinguent généralement des autres véhicules destinés au transport des marchandises (en particulier les camions à benne) du fait qu’ils présentent les caractéristiques suivantes :

une benne en tôle d’acier extrêmement forte dont la paroi avant se prolonge au‑dessus de la cabine du conducteur pour en assurer la protection et dont le fond s’élève entièrement ou en partie vers l’arrière ;

dans certains cas, une semi-cabine pour le conducteur ;

absence de suspension des essieux ;

un dispositif de freinage renforcé ;

une vitesse maximale et un rayon d’action limités ;

des pneus spéciaux pour sols meubles ;

le rapport poids à vide/charge utile n’est pas supérieur à 1 :1,6 en raison de la robustesse du véhicule ;

une benne éventuellement chauffée par les gaz d’échappement, afin d’éviter que les matériaux n’adhèrent ou ne gèlent.

Il convient toutefois de noter que certains tombereaux automoteurs sont spécialement conçus pour être utilisés dans les mines ou les tunnels, comme par exemple ceux comportant une benne à fond ouvrant. Ils présentent certaines des caractéristiques énoncées ci-dessus, mais ne comportent pas de cabine et la benne ne se prolonge pas par une sorte de toit de protection. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

12

À la suite d’une décision de l’Upper Tribunal (Tax and Chancery Chamber) [tribunal supérieur (chambre de la fiscalité et de la Chancery), Royaume-Uni], l’administration fiscale et douanière a, à la demande des requérantes au principal, délivré à celles-ci des renseignements tarifaires contraignants (ci-après les « RTC ») classant certains des véhicules automobiles pour le transport de marchandises qu’elles importaient parmi les tombereaux automoteurs relevant de la sous-position 8704 10.

13

Au cours de l’année 2014, le comité du code des douanes a procédé à l’examen du classement de certains véhicules utilitaires, examen motivé, selon la juridiction de renvoi, par la décision de l’Upper Tribunal (Tax and Chancery Chamber) [tribunal supérieur (chambre de la fiscalité et de la Chancery)]. À la suite de cet examen, la Commission européenne a adopté le règlement 2015/221, lequel classe les véhicules d’un type similaire aux véhicules en cause au principal dans la sous‑position 8704 21 91. Ce comité a mis en œuvre ledit règlement et l’administration fiscale et douanière a informé les requérantes au principal de la révocation des RTC.

14

Les requérantes au principal ont contesté cette révocation devant la juridiction de renvoi en invoquant deux moyens. Par le premier moyen, elles ont fait valoir que le règlement 2015/221 n’est pas applicable aux véhicules qu’elles importent et, par le second, que ce règlement est invalide en ce qu’il classe le véhicule visé à son annexe dans la sous‑position 8704 21 91.

15

Après avoir constaté que le règlement 2015/221 s’applique aux véhicules en cause au principal, la juridiction de renvoi considère que les arguments des requérantes au principal mettant en doute la validité de ce règlement ne sont pas dépourvus de tout fondement.

16

Dans ces conditions, le First-tier Tribunal (Tax Chamber) [tribunal de première instance (chambre de la fiscalité), Royaume-Uni] a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Le règlement [2015/221] est-il invalide dans la mesure où il classe les véhicules qu’il vise à la position NC 8704 21 91 plutôt qu’à la position NC 8704 10 ?

2)

Plus particulièrement, le règlement [2015/221] est-il invalide dans la mesure où il restreint indûment le champ d’application de la sous-position 8704 10 ; il prend en considération des critères dont il n’est pas permis de tenir compte, il manque de cohérence interne, il ne tient pas dûment compte des notes explicatives, des titres de la NC et des règles générales pour l’interprétation de la NC et/ou il ne tient pas compte des exigences posées par la jurisprudence de la [Cour] à propos de la position NC 8704 10 ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la recevabilité

17

À titre liminaire, la Commission s’interroge sur la recevabilité des questions préjudicielles, dès lors que le problème de la validité du règlement 2015/221 serait de nature seulement hypothétique. En effet, les raisons pour lesquelles les RTC en cause au principal ont été révoqués par l’administration fiscale et douanière ne seraient pas claires, dès lors que les requérantes au principal pouvaient, en vertu des dispositions combinées de l’article 2 de ce règlement et de l’article 12, paragraphe 6, du règlement no 2913/92, continuer de les invoquer jusqu’au 5 juin 2015.

18

À cet égard, il convient d’emblée de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante de la Cour, dans le cadre de la procédure visée à l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer (arrêt du 26 janvier 2017, Banco Primus, C‑421/14, EU:C:2017:60, point 29 et jurisprudence citée).

19

En effet, dans le cadre de la procédure de coopération entre la Cour et les juridictions nationales instituée à l’article 267 TFUE, les questions portant sur le droit de l’Union bénéficient d’une présomption de pertinence. Il n’est possible pour la Cour de refuser de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale, au sens de l’article 267 TFUE, que lorsque, notamment, les exigences concernant le contenu de la demande de décision préjudicielle figurant à l’article 94 du règlement de procédure de la Cour ne sont pas respectées ou lorsqu’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation ou l’appréciation de la validité d’une règle de l’Union, demandées par la juridiction nationale, n’ont aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal ou lorsque le problème est de nature hypothétique (arrêt du 28 mars 2017, Rosneft, C‑72/15, EU:C:2017:236, point 50 et jurisprudence citée).

20

En l’occurrence, s’il ne ressort pas du dossier à la disposition de la Cour que l’objet du litige au principal porte sur l’interprétation ou l’applicabilité de l’article 2 du règlement 2015/221, il n’en demeure pas moins que les requérantes au principal contestent, par le second moyen de leur recours, la validité de ce règlement, en ce qu’il classe les marchandises qu’il vise dans la sous-position 8704 21 91 de la NC. Or, la juridiction de renvoi, qui considère que les véhicules en cause au principal relèvent du champ d’application dudit règlement, est d’avis qu’une réponse de la Cour quant à la validité de celui-ci est nécessaire à la solution de ce litige.

21

Dans ces conditions, le problème soulevé par les questions préjudicielles n’étant pas de nature hypothétique, celles-ci sont recevables.

Sur le fond

22

Par ses première et seconde questions, qu’il convient d’examiner conjointement, la juridiction de renvoi s’interroge en substance sur la validité du règlement 2015/221.

23

Il convient, à titre liminaire, de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, le Conseil de l’Union européenne a conféré à la Commission, agissant en coopération avec les experts douaniers des États membres, un large pouvoir d’appréciation pour préciser le contenu des positions tarifaires entrant en ligne de compte pour le classement d’une marchandise déterminée. Toutefois, le pouvoir de la Commission d’arrêter des mesures visées à l’article 9 du règlement no 2658/87 ne l’autorise pas à modifier le contenu ni la portée des positions tarifaires (arrêt du 4 mars 2004, Krings, C‑130/02, EU:C:2004:122, point 26 et jurisprudence citée).

24

En l’occurrence, il y a lieu d’examiner si la Commission, en ayant procédé au classement tarifaire du véhicule désigné dans la colonne 1 du tableau figurant à l’annexe du règlement 2015/221 dans la sous‑position 8704 21 91 et non dans la sous-position 8704 10, a modifié le contenu de ces deux sous-positions tarifaires.

25

À cet égard, il résulte d’une jurisprudence constante de la Cour que, dans l’intérêt de la sécurité juridique et de la facilité des contrôles, le critère décisif pour la classification tarifaire des marchandises doit être recherché, d’une manière générale, dans leurs caractéristiques et propriétés objectives, telles que définies par le libellé de la position de la NC et des notes de section ou de chapitre (arrêts du 27 avril 2006, Kawasaki Motors Europe, C‑15/05, EU:C:2006:259, point 38 ; du 29 octobre 2009, Dinter et Europol Frost-Food, C‑522/07 et C‑65/08, EU:C:2009:663, point 29, ainsi que du 22 décembre 2010, Premis Medical, C‑273/09, EU:C:2010:809, point 42).

26

En outre, la destination du produit peut constituer un critère objectif de classification pour autant qu’elle soit inhérente audit produit, l’inhérence devant pouvoir s’apprécier en fonction des caractéristiques et propriétés objectives de celui-ci (arrêt du 22 mars 2017, GROFA e.a., C‑435/15 et C‑666/15, EU:C:2017:232, point 40).

27

En l’espèce, ainsi qu’il résulte du libellé même de la colonne 1 du tableau figurant à l’annexe du règlement 2015/221 concernant la sous‑position 8704 21 91, le véhicule visé par celui-ci est un véhicule utilitaire neuf, à quatre roues motrices, d’un poids net d’environ 630 kg, d’une capacité de traction non freinée de 750 kg et mesurant environ 300 × 160 cm. Ce véhicule dispose d’une cabine ouverte comportant deux sièges, équipée d’un cadre complet de protection contre le retournement, d’une benne basculante renforcée avec une plate-forme de chargement constituée d’un cadre en acier robuste, ainsi que d’un mécanisme de basculement manuel. Équipé de pneus terre tout-terrain, d’un dispositif d’attelage et d’un attelage avant, le véhicule a une vitesse limitée à 25 km/h et une capacité de freinage élevée. Il est conçu pour un usage tout-terrain, et plus particulièrement sur les terrains très difficiles. Le véhicule est présenté en vue d’être utilisé pour toute une série de fonctions, telles que pousser ou tirer des remorques, déplacer des animaux, transporter des plantes, des boîtes, de l’eau et du matériel, transporter des munitions ou des aliments pour animaux.

28

Il convient de rappeler que les marchandises qui relèvent de la sous‑position 8704 10 sont, conformément au libellé même de celle-ci, les « tombereaux automoteurs conçus pour être utilisés en dehors du réseau routier ». Partant, ce libellé présuppose qu’un véhicule doit remplir deux conditions pour pouvoir y être classé, à savoir être un tombereau automoteur et être conçu pour être utilisé en dehors du réseau routier (arrêt du 16 septembre 2004, DFDS, C‑396/02, EU:C:2004:536, point 31).

29

Ainsi que la Commission le confirme elle-même, le véhicule visé par le règlement 2015/221 satisfait à la condition relative à l’utilisation en dehors du réseau routier, dès lors qu’il est équipé de pneus terre tout‑terrain et que sa vitesse est limitée à 25 km/h.

30

Il reste à déterminer si un tel véhicule remplit également la condition relative à la qualité de tombereau automoteur.

31

À cet égard, il y a lieu de rappeler que la sous-position 8704 10 de la NC est une position spécifique pour les véhicules spécialement conçus pour le transport et le déchargement de matériaux divers en dehors du réseau routier (voir, en ce sens, arrêt du 11 janvier 2007, B.A.S. Trucks, C‑400/05, EU:C:2007:22, point 36) et qu’une caractéristique essentielle des tombereaux automoteurs est d’avoir une benne basculante ou un fond ouvrant permettant le transport de ces matériaux (voir, en ce sens, arrêt du 16 septembre 2004, DFDS, C‑396/02, EU:C:2004:536, point 32).

32

En outre, selon les notes explicatives de la NC, relèvent des sous‑positions 8704 10 10 et 8704 10 90, notamment, les véhicules spécialement conçus pour transporter du sable, du gravier, de la terre et des pierres, c’est-à-dire des matériaux en vrac et destinés aux carrières, aux mines ou aux chantiers de construction, à l’aménagement de routes, d’aéroports ou de ports.

33

Il y a lieu, partant, d’examiner si le véhicule visé par le règlement 2015/221 est spécialement conçu pour un tel usage particulier.

34

À cet égard, il ressort du libellé même de ce règlement qu’un tel véhicule est équipé d’une cabine ouverte et d’une benne basculante présentant une capacité de 0,4 m3 ou d’environ 400 kg.

35

Ainsi, le véhicule visé par le règlement 2015/221, en raison de sa faible robustesse, de sa capacité de chargement limitée et de sa cabine ouverte sans protection du conducteur contre les matériaux en vrac, est présenté en vue d’être utilisé pour toute une série de fonctions de transport d’éléments divers, comme des plantes ou des animaux, du matériel, des boîtes ou des munitions.

36

De plus, ce véhicule, du fait de ses caractéristiques techniques et de ses propriétés objectives, ne peut être assimilé aux véhicules relevant de la sous-position 8704 10, dès lors qu’il ne présente pas la robustesse nécessaire à une utilisation sur des chantiers de construction, caractéristique inhérente aux tombereaux automoteurs (voir, en ce sens, arrêt du 11 janvier 2007, B.A.S. Trucks, C‑400/05, EU:C:2007:22, point 35).

37

Par conséquent, le fait qu’un tel véhicule dispose d’une benne basculante lui permettant, de manière accessoire, de transporter de petites quantités de matériaux en vrac ne remet pas en cause le bien‑fondé de sa classification dans la sous‑position 8704 21 91.

38

Enfin, comme il a été rappelé au point 23 du présent arrêt, la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour préciser le contenu des positions tarifaires.

39

L’analyse du dossier soumis à la Cour n’ayant fait apparaître aucun motif d’invalidité, c’est à bon droit que le règlement 2015/221 a classé le véhicule qu’il décrit dans la sous-position 8704 21 91 et non dans la sous-position 8704 10.

40

Par conséquent, il y a lieu de répondre aux questions posées que l’examen de celles-ci n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité du règlement.

Sur les dépens

41

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit :

 

L’examen des questions posées n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité du règlement d’exécution (UE) 2015/221 de la Commission, du 10 février 2015, relatif au classement de certaines marchandises dans la nomenclature combinée.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.

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