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Document 62014CJ0508
Judgment of the Court (Fifth Chamber) of 6 October 2015.#Český telekomunikační úřad v T-Mobile Czech Republic a.s. and Vodafone Czech Republic a.s.#Request for a preliminary ruling from the Nejvyšší správní soud.#Reference for a preliminary ruling — Directive 2002/22/EC (Universal Service Directive) — Costing of universal service obligations — Taking account of the rate of return on equity capital — Direct effect — Scope ratione temporis.#Case C-508/14.
Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 6 octobre 2015.
Český telekomunikační úřad contre T-Mobile Czech Republic a.s. et Vodafone Czech Republic a.s.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Nejvyšší správní soud.
Renvoi préjudiciel – Directive 2002/22/CE (directive ‘service universel’) – Calcul du coût des obligations de service universel – Prise en considération du taux de rendement des fonds propres – Effet direct – Application ratione temporis.
Affaire C-508/14.
Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 6 octobre 2015.
Český telekomunikační úřad contre T-Mobile Czech Republic a.s. et Vodafone Czech Republic a.s.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Nejvyšší správní soud.
Renvoi préjudiciel – Directive 2002/22/CE (directive ‘service universel’) – Calcul du coût des obligations de service universel – Prise en considération du taux de rendement des fonds propres – Effet direct – Application ratione temporis.
Affaire C-508/14.
Recueil – Recueil général
Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2015:657
ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)
6 octobre 2015 ( * )
«Renvoi préjudiciel — Directive 2002/22/CE (directive ‘service universel’) — Calcul du coût des obligations de service universel — Prise en considération du taux de rendement des fonds propres — Effet direct — Application ratione temporis»
Dans l’affaire C‑508/14,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Cour administrative suprême (Nejvyšší správní soud, République tchèque), par décision du 23 octobre 2014, parvenue à la Cour le 13 novembre 2014, dans la procédure
Český telekomunikační úřad
contre
T‑Mobile Czech Republic a.s.,
Vodafone Czech Republic a.s.,
en présence de:
O2 Czech Republic a.s., anciennement Telefónica Czech Republic a.s.,
UPC Česká republika s.r.o.,
LA COUR (cinquième chambre),
composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, MM. C. Vajda, A. Rosas (rapporteur), E. Juhász et D. Šváby, juges,
avocat général: M. P. Mengozzi,
greffier: M. A. Calot Escobar,
considérant les observations présentées:
– pour Český telekomunikační úřad, par Me J. Novák, advokát,
– pour T‑Mobile Czech Republic a.s., par Mes P. Hromek et D. Schmied, advokáti,
– pour O2 Czech Republic a.s., anciennement Telefónica Czech Republic a.s., par M. M. Krejčík,
– pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek, J. Vláčil et T. Müller, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement lituanien, par MM. D. Kriaučiūnas et R. Dzikovič, en qualité d’agents,
– pour la Commission européenne, par Mmes P. Němečková et L. Nicolae, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
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1 |
La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 12 et 13 de la directive 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive «service universel») (JO L 108, p. 51). |
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2 |
Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Český telekomunikační úřad (autorité tchèque de régulation des télécommunications) à T‑Mobile Czech Republic a.s. (ci‑après «T‑Mobile Czech Republic») et à Vodafone Czech Republic a.s. au sujet de la décision de l’autorité tchèque de régulation des télécommunications du 23 février 2011 par laquelle cette autorité a fixé le montant de la perte liée à la fourniture du service universel pour l’année 2004 subie par Telefónica Czech Republic a.s. (ci‑après «Telefónica Czech Republic»), devenue O2 Czech Republic a.s. (ci‑après «O2 Czech Republic»). |
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
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3 |
L’article 2 de l’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République tchèque, de la République d’Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque, et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (JO 2003, L 236, p. 33, ci‑après l’«acte d’adhésion») prévoit que, dès l’adhésion, les dispositions des traités originaires et les actes pris, avant l’adhésion, par les institutions et la Banque centrale européenne lient les nouveaux États membres et sont applicables dans ces États dans les conditions prévues par ces traités et par l’acte d’adhésion. |
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4 |
Le considérant 4 de la directive 2002/22 énonce que le fait de «[g]arantir un service universel (c’est‑à‑dire fournir un ensemble minimal de services déterminés à tous les utilisateurs finals à un prix abordable) peut entraîner la fourniture de certains services à certains utilisateurs finals à des prix qui s’écartent de ceux découlant de conditions normales du marché. Toutefois, l’indemnisation des entreprises désignées pour fournir ces services dans ces circonstances ne saurait entraîner une quelconque distorsion de la concurrence, à condition que ces entreprises désignées soient indemnisées pour le coût net spécifique encouru et que ce coût net soit recouvré par un moyen neutre du point de vue de la concurrence». |
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5 |
Aux termes du considérant 18 de ladite directive: «Les États membres devraient, lorsqu’il y a lieu, établir des mécanismes de financement du coût net afférent aux obligations de service universel dans les cas où il est démontré que ces obligations ne peuvent être assumées qu’à perte ou à un coût net qui dépasse les conditions normales d’exploitation commerciale. Il importe de veiller à ce que le coût net découlant des obligations de service universel soit correctement calculé et que les financements éventuels entraînent un minimum de distorsions pour le marché et les entreprises, et sont compatibles avec les dispositions des articles 87 et 88 du traité.» |
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6 |
L’article 3, paragraphe 2, de la directive 2002/22 prévoit: «Les États membres déterminent l’approche la plus efficace et la plus adaptée pour assurer la mise [en] œuvre du service universel, dans le respect des principes d’objectivité, de transparence, de non‑discrimination et de proportionnalité. Ils s’efforcent de réduire au minimum les distorsions sur le marché, en particulier lorsqu’elles prennent la forme de fournitures de services à des tarifs ou des conditions qui diffèrent des conditions normales d’exploitation commerciale, tout en sauvegardant l’intérêt public.» |
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7 |
L’article 12 de la même directive, intitulé «Calcul du coût des obligations de service universel», énonce, à son paragraphe 1: «Lorsque les autorités réglementaires nationales estiment que la fourniture du service universel, telle qu’elle est énoncée dans les articles 3 à 10, peut représenter une charge injustifiée pour les entreprises désignées comme fournisseurs de service universel, elles calculent le coût net de cette fourniture. À cette fin, les autorités réglementaires nationales:
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8 |
L’article 13 de la directive 2002/22, intitulé «Financement des obligations de service universel», dispose, à son paragraphe 1: «Lorsque, sur la base du calcul du coût net visé à l’article 12, les autorités réglementaires nationales constatent qu’une entreprise est soumise à une charge injustifiée, les États membres décident, à la demande d’une entreprise désignée:
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9 |
L’annexe IV, partie A, deuxième alinéa, de ladite directive décrit la façon dont le coût net des obligations de service universel doit être calculé dans les termes suivants: «Les autorités nationales envisagent tous les moyens possibles pour inciter les opérateurs (désignés ou non) à remplir leurs obligations de service universel de manière rentable. Le coût net correspond à la différence entre le coût net supporté par une entreprise désignée lorsqu’elle fournit un service universel et lorsqu’elle n’en fournit pas. Cette règle s’applique, que le réseau soit complètement achevé dans un État membre ou qu’il soit encore en train de se développer et de s’étendre. Il convient de veiller à évaluer correctement les coûts que l’entreprise désignée aurait évités si elle avait eu le choix de ne pas remplir d’obligations de service universel. Le calcul du coût net doit évaluer les bénéfices, y compris les bénéfices immatériels, pour l’opérateur de service universel.» |
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10 |
L’article 5, paragraphe 5, de la décision 2012/21/UE de la Commission, du 20 décembre 2011, relative à l’application de l’article 106, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides d’État sous forme de compensations de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général (JO 2012, L 7, p. 3), prévoit: «Aux fins de la présente décision, on entend par ‘bénéfice raisonnable’ le taux de rendement du capital qu’exigerait une entreprise moyenne s’interrogeant sur l’opportunité de fournir le service d’intérêt économique général pendant toute la durée du mandat, en tenant compte du niveau de risque. Le taux de rendement du capital est défini comme le taux de rendement interne que l’entreprise obtient sur son capital investi pendant la durée du mandat. Le niveau de risque dépend du secteur concerné, du type de service et des caractéristiques de la compensation.» |
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11 |
Le point 61de la communication de la Commission relative à l’application des règles de l’Union européenne en matière d’aides d’État aux compensations octroyées pour la prestation de services d’intérêt économique général (JO 2012, C 8, p. 4) prévoit notamment: «Par ‘bénéfice raisonnable’, il y a lieu d’entendre le taux de rendement du capital [...] qu’exigerait une entreprise moyenne considérant l’opportunité de fournir le service d’intérêt économique général pendant toute la durée du mandat, en tenant compte du niveau de risque. Ce dernier dépend du secteur concerné, du type de service et des caractéristiques du mécanisme de compensation. Le taux doit être déterminé, si possible, en prenant comme référence le taux de rendement du capital obtenu pour des contrats de service public similaires exécutés dans des conditions de concurrence (des contrats attribués par appel d’offres, par exemple). Dans les secteurs où il n’existe aucune entreprise comparable à celle qui s’est vu confier la gestion du service d’intérêt économique général, il peut être fait référence à des entreprises comparables établies dans d’autres États membres ou, au besoin, appartenant à d’autres secteurs, pour autant que les caractéristiques propres à chaque secteur soient prises en considération.» |
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12 |
Aux termes de la note en bas de page afférente audit point 61, «[l]e taux de rendement du capital est défini ici comme le taux de rendement interne (TRI) que l’entreprise obtient sur la durée de vie du projet, c’est‑à‑dire le ratio TRI/flux de trésorerie liés au contrat». |
Le droit tchèque
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13 |
Au titre de l’année 2004, la fourniture du service universel et sa couverture étaient réglementées par la loi no 151/2000 Sb. sur les télécommunications et modifiant d’autres lois, dans sa version en vigueur en 2004 (ci‑après la «loi sur les télécommunications»). L’article 31 de cette loi, intitulé «Perte justifiable», est rédigé comme suit: «(1) Le fournisseur d’un service universel a droit au remboursement de la perte justifiable. (2) Par perte justifiable on entend la différence entre les coûts économiquement justifiés, y compris le bénéfice raisonnable, exposés par le titulaire de la licence de télécommunications pour s’acquitter de son obligation de fourniture du service universel et qui n’existeraient pas en l’absence de cette obligation, et les recettes et les produits tirés par le titulaire de la licence de télécommunications du respect de son obligation de fourniture du service universel. (3) Si le titulaire de la licence de télécommunications fournit, outre le service universel, également d’autres services de télécommunication ou exerce d’autres activités, il est tenu de tenir une comptabilité distincte des coûts et des produits liés aux services fournis dans le cadre du service universel. (4) Le mode de calcul de la perte justifiable, les documents étayant les calculs de la perte justifiable, et la délimitation du bénéfice raisonnable sont fixés par une disposition d’exécution.» |
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14 |
La loi sur les télécommunications a été suivie de l’arrêté du ministère des Transports et des Communications no 235/2001 Sb. fixant les détails du calcul et du remboursement de la perte justifiable liée à la fourniture du service universel par le titulaire d’une licence de télécommunications. L’article 2 de cet arrêté, intitulé «Mode de calcul de la perte justifiable», prévoit: «(1) Le fournisseur du service universel calcule la perte justifiable en déduisant de la somme des recettes et des produits liés à la fourniture des services déficitaires, la somme des coûts économiquement justifiés pour la fourniture de ces services et du bénéfice raisonnable. Le fournisseur du service universel soumet le calcul de la perte justifiable sur le formulaire émis par l’autorité tchèque de régulation des télécommunications. (2) Pour apprécier le caractère économiquement justifié des coûts, le fournisseur du service universel est tenu de soumettre à l’autorité tchèque de régulation des télécommunications une comptabilité distincte des coûts et des produits liés aux services fournis dans le cadre du service universel conformément à l’article 34, paragraphe 2, sous a), de la loi [sur les télécommunications], et ce avant le 31 mai de chaque année civile.» |
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15 |
L’article 3 dudit arrêté, intitulé «Documents étayant les calculs de la perte justifiable», dispose: «(1) Le fournisseur du service universel soumet à l’autorité tchèque de régulation des télécommunications, avec le calcul de la perte justifiable pour l’année correspondant,
(2) Le fournisseur du service universel permet à l’autorité tchèque de régulation des télécommunications, sur demande, de vérifier les données relatives au calcul de la perte justifiable, y compris du bénéfice raisonnable, sur la base notamment de la documentation technique, de statistiques et de documents comptables originaux. (3) La comptabilisation de la perte justifiable, les documents transmis par le fournisseur du service universel et les documents utilisés pour vérifier le calcul de la perte justifiable sont conservés par l’autorité tchèque de régulation des télécommunications pendant une durée de cinq ans suivant la fin de l’année correspondante.» |
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16 |
L’article 4 du même arrêté, intitulé «Délimitation du bénéfice raisonnable», énonce: «Aux fins de la comptabilisation de la perte justifiable, le bénéfice raisonnable est déterminé eu égard à la valeur comptable du capital propre que le fournisseur du service universel a alloué à l’acquisition des immobilisations corporelles et incorporelles devant servir à la fourniture des services déficitaires. Le fournisseur du service universel calcule le bénéfice raisonnable selon la méthode indiquée à l’annexe no 3.» |
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17 |
L’annexe no 3 de l’arrêté du ministère des Transports et des Communications no 235/2001 Sb., intitulée «Calcul du bénéfice raisonnable», prévoit:
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Le litige au principal et les questions préjudicielles
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18 |
Le 27 septembre 2010, l’autorité tchèque de régulation des télécommunications a pris une décision confirmant le montant de la perte déclarée par Telefónica Czech Republic en conséquence de la fourniture du service universel pour l’année 2004. Pour le calcul de cette perte, le bénéfice raisonnable du fournisseur a été inclus dans la valeur du coût net du service universel, conformément au droit national en vigueur jusqu’au 30 avril 2005. Dans le cadre d’une procédure de réclamation administrative, l’autorité tchèque de régulation des télécommunications a confirmé cette décision par une décision du 23 février 2011. |
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19 |
T‑Mobile Czech Republic et Vodafone Czech Republic a.s. ont formé contre cette décision des recours contentieux administratifs devant la cour municipale de Prague (Městský soud v Praze), laquelle a annulé ladite décision, la jugeant illégale en raison de la violation de la directive 2002/22. |
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20 |
Selon la cour municipale de Prague, l’article 31 de la loi sur les télécommunications violait les articles 12 et 13 de cette directive, car le droit tchèque prévoyait une détermination du montant de la perte et une méthode de calcul et de détermination de la perte justifiable différentes de celles prévues par ladite directive. Ainsi, ce serait à tort que l’autorité tchèque de régulation des télécommunications, en application du droit national, a pris en considération toute perte, quelle qu’elle soit, alors que, aux termes de la directive 2002/22, seule la perte représentant une «charge injustifiée» aurait dû être prise en compte, ainsi que l’a précisé la Cour dans l’arrêt Commission/Belgique (C‑222/08, EU:C:2010:583, points 35, 37, 42 et 43). Par ailleurs, le droit national n’aurait pas permis de prendre en compte, dans la détermination du montant de la perte, les bénéfices immatériels de la fourniture du service universel. |
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21 |
La cour municipale de Prague a considéré que les conditions d’une applicabilité directe de la directive 2002/22 étaient réunies, car la règle fixée par cette directive est claire et inconditionnelle, même si le contenu de l’expression juridique vague de «charge injustifiée» doit être précisé par l’autorité administrative ou judiciaire. L’interprétation conforme du droit tchèque à la directive 2002/22 ne serait pas possible, dès lors que l’ordre juridique tchèque interdit à l’autorité tchèque de régulation des télécommunications de ne pas prendre en compte, dans sa décision, l’inclusion du bénéfice raisonnable dans le montant du coût net du service universel. |
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22 |
La cour municipale de Prague a reconnu que l’effet direct de cette directive ne saurait léser un particulier, mais il a qualifié Telefónica Czech Republic, dont l’État tchèque détenait 51,1 % des actions, d’«entité d’État» sous contrôle de l’État et donc soumise à l’effet direct de ladite directive, jugeant que, d’un point de vue temporel, la directive 2002/22 s’appliquait au service universel fourni sur l’ensemble de l’année civile 2004, et donc également pour la période antérieure à l’adhésion de la République tchèque à l’Union européenne, le 1er mai 2004. |
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23 |
L’autorité tchèque de régulation des télécommunications a formé un recours en cassation devant la Cour administrative suprême contre l’arrêt de la cour municipale de Prague. |
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24 |
S’agissant de la question de savoir s’il est possible, au sens de la directive 2002/22, d’inclure dans le coût net de l’obligation de service universel également le bénéfice raisonnable prévu par le droit national, la Cour administrative suprême estime, sur la base d’une interprétation littérale, que le bénéfice, qu’il soit raisonnable ou non, ne saurait être considéré comme un poste de coût relevant de la notion de «coût net» de l’obligation de service universel, comme le déclare et le prévoit cette directive. Toutefois, il conviendrait de ne pas ignorer la possibilité que le coût net au sens de ladite directive prenne aussi en compte les coûts partiels du «capital propre» exposés par le fournisseur pour la fourniture du service universel, coûts subordonnés de manière pas tout‑à‑fait pertinente par la réglementation nationale à l’expression de «bénéfice raisonnable». La Cour administrative suprême estime dès lors nécessaire de demander à la Cour si les articles 12 et 13 de la directive 2002/22 doivent être interprétés en ce sens que le mécanisme du «coût net» de la fourniture du service universel s’oppose à ce que le prix du coût net tel qu’il a été calculé comprenne aussi le «bénéfice raisonnable» du fournisseur de ce service, même exprimé sous la forme des coûts des investissements en capitaux à hauteur de 14,5 % de la valeur comptable du capital propre. |
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25 |
Dans ces conditions, la Cour administrative suprême a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
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Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
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26 |
Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 12 et 13 de la directive 2002/22 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce que le coût net de l’obligation de service universel comprenne le «bénéfice raisonnable» du fournisseur de ce service. |
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27 |
Estimant que les questions posées par la juridiction de renvoi ne portent pas sur la partie essentielle du litige au principal, T‑Mobile Czech Republic et O2 Czech Republic proposent à la Cour plusieurs nouvelles questions portant notamment sur la détermination des postes qui peuvent être inclus dans le coût net de l’obligation de service universel ainsi que sur la détermination de la «charge injustifiée» supportée par une entreprise désignée pour fournir un service universel. |
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28 |
Aux termes de l’article 267 TFUE, il appartient au juge national et non aux parties au litige au principal de saisir la Cour. La faculté de déterminer les questions à soumettre à la Cour est donc dévolue au seul juge national et les parties ne sauraient en changer la teneur (voir, notamment, arrêt Singer, 44/65, EU:C:1965:122, p. 1198, et, en ce sens, arrêt Santesteban Goicoechea, C‑296/08 PPU, EU:C:2008:457, point 46). |
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29 |
Par ailleurs, répondre à des demandes de modification des questions formulées par les parties au principal serait incompatible avec le rôle dévolu à la Cour par l’article 267 TFUE ainsi qu’avec l’obligation de la Cour d’assurer la possibilité aux gouvernements des États membres et aux parties intéressées de présenter des observations conformément à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, compte tenu du fait que, en vertu de cette disposition, seules les décisions de renvoi sont notifiées aux parties intéressées (voir, notamment, arrêt Phytheron International, C‑352/95, EU:C:1997:170, point 14, et, en ce sens, arrêt Santesteban Goicoechea, C‑296/08 PPU, EU:C:2008:457, point 47). |
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30 |
En l’occurrence, il ressort du texte même de la décision de renvoi, notifiée à l’ensemble des intéressés visés à l’article 23 du statut de la Cour de justice, que la Cour administrative suprême interroge la Cour sur le principe de la prise en considération d’un rendement des capitaux propres investis par l’entreprise désignée pour fournir un service universel afin de déterminer le montant du coût net de l’obligation de service universel, car elle souhaite disposer d’éléments lui permettant de juger si ce rendement des capitaux propres peut être pris en considération lorsqu’il est défini à hauteur de 14,5 % de la valeur comptable des capitaux propres investis par cette entreprise. |
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31 |
En revanche, la juridiction de renvoi n’a pas fait état de la nécessité de répondre à d’autres questions relatives à la détermination des postes qui peuvent être inclus dans le coût net de l’obligation de service universel ou à la «charge injustifiée» supportée par l’entreprise désignée pour fournir un service universel. |
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32 |
Dès lors, il convient de répondre à la première question posée par la juridiction de renvoi sans qu’il y ait lieu de répondre également aux nouvelles questions proposées par T‑Mobile Czech Republic et O2 Czech Republic. |
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33 |
Selon les articles 12 et 13 de la directive 2002/22, afin de déterminer le montant de l’indemnisation éventuellement due à une entreprise désignée pour la fourniture d’un service universel, il importe, dans une première étape, de calculer le coût net de l’obligation de service universel pour l’entreprise désignée comme fournisseur et ensuite, lorsque les autorités réglementaires nationales constatent qu’une entreprise est soumise à une charge injustifiée, ces autorités décident d’instaurer un mécanisme pour indemniser ladite entreprise pour les coûts nets tels qu’ils ont été calculés et/ou de répartir le coût net des obligations de service universel entre les fournisseurs de réseaux et de services de communications électroniques. |
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34 |
Selon l’annexe IV, partie A, deuxième alinéa, de la directive 2002/22, le coût net correspond à la différence entre le coût net supporté par une entreprise désignée lorsqu’elle fournit un service universel et lorsqu’elle n’en fournit pas. Aux fins de ce calcul, et ainsi que l’ont admis l’ensemble des intéressés ayant soumis des observations à la Cour, le coût d’emprunts ou de fonds propres doit être pris en considération lorsque l’entreprise désignée a dû faire appel à des capitaux pour réaliser des investissements nécessaires à la fourniture du service universel. |
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35 |
Il importe peu à cet égard que ce poste du coût net soit présenté dans la législation nationale en cause sous l’appellation de «bénéfice raisonnable», dès lors qu’il représente effectivement un coût supporté par le fournisseur du service universel. |
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36 |
Si la directive 2002/22 ne contient aucune référence explicite à la possibilité d’inclure le coût de fonds propres ou le «bénéfice raisonnable» dans le calcul du coût net supporté par l’entreprise fournissant un service universel, une lecture téléologique de cette directive permet néanmoins de conclure en ce sens. |
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37 |
L’article 3, paragraphe 2, de la directive 2002/22 met l’accent sur la nécessité d’assurer la mise en œuvre du service universel suivant l’approche la plus efficace et réduisant au minimum les distorsions sur le marché. Comme l’énonce le considérant 4 de cette directive, le fait de garantir un service universel peut entraîner la fourniture de certains services à certains utilisateurs finals à des prix qui s’écartent de ceux découlant des conditions normales de marché. C’est pourquoi le législateur de l’union a prévu, ainsi qu’il ressort du considérant 18 de la même directive, que les États membres devraient, lorsqu’il y a lieu, établir des mécanismes de financement du coût net afférant aux obligations de service universel dans le cas où il est démontré que ces obligations ne peuvent être assumées qu’à perte ou à un coût net qui dépasse les conditions normales d’exploitation commerciale (voir arrêt Base e.a., C‑389/08, EU:C:2010:584, point 34). |
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38 |
Le coût du capital investi fait partie de l’ensemble des coûts exposés par une entreprise opérant dans des conditions normales d’exploitation commerciale. Il doit donc également être inclus dans le calcul du coût net afférant aux obligations de service universel, afin de permettre à l’entreprise désignée pour fournir un service universel de recouvrer le coût net spécifique encouru sans que celle‑ci s’écarte des conditions normales d’exploitation commerciale ou subisse une perte. |
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39 |
Par ailleurs, ainsi qu’il ressort du considérant 18 de la directive 2002/22, les financements éventuels accordés en vue de compenser le coût net découlant des obligations de service universel doivent être compatibles avec les dispositions des articles 107 TFUE et 108 TFUE. Comme le relève la Commission européenne, l’interprétation de la notion de «coût net», au sens de cette directive, doit donc tenir compte des règles relatives à l’appréciation des compensations de services d’intérêt économique général sur la base de l’article 107 TFUE. |
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40 |
À cet égard, la Cour a déjà jugé que la compensation représentant la contrepartie des prestations effectuées par les entreprises bénéficiaires pour exécuter des obligations de service public ne saurait dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l’exécution de ces obligations, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations (voir, par analogie, arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, C‑280/00, EU:C:2003:415, point 92). |
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41 |
Quant à la méthode d’évaluation du rendement des fonds propres à prendre en considération, il ressort du considérant 18 de la directive 2002/22 que le coût net découlant des obligations de service universel doit être correctement calculé et que les financements éventuels doivent entraîner un minimum de distorsions pour le marché et les entreprises. Par conséquent, la rémunération du capital devrait être nécessaire et raisonnable, directement imputable à l’investissement réalisé pour la fourniture du service universel et ne devrait pas conduire à une surcompensation au profit du fournisseur concerné. |
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42 |
Ainsi que l’autorité tchèque de régulation des télécommunications et la Commission l’ont relevé, le point 61de la communication de la Commission relative à l’application des règles de l’Union européenne en matière d’aides d’État aux compensations octroyées pour la prestation de services d’intérêt économique général et l’article 5, paragraphe 5, de la décision 2012/21 donnent des indications quant à la manière d’évaluer le «bénéfice raisonnable» correspondant au taux de rendement d’un capital. Si cette communication ne constitue pas une règle de droit contraignante, ladite communication peut toutefois servir de source d’inspiration aux fins de l’interprétation de la notion de «coût net», au sens de la directive 2002/22. |
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43 |
Selon le point 61de la même communication et l’article 5, paragraphe 5, de la décision 2012/21, par «bénéfice raisonnable», il y a lieu d’entendre le taux de rendement du capital qu’exigerait une entreprise moyenne considérant l’opportunité de fournir le service d’intérêt économique général pendant toute la durée du mandat, en tenant compte du niveau de risque. Ce dernier dépend du secteur concerné, du type de service et des caractéristiques du mécanisme de compensation. Ce taux est défini comme le taux de rendement interne que l’entreprise obtient sur son capital investi pendant la durée du mandat. Ce taux peut être déterminé en prenant pour référence des entreprises comparables. |
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44 |
C’est à la lumière de ces différents éléments qu’il appartient à la juridiction nationale de vérifier si le taux de rendement annuel retenu par la législation nationale répond aux indications contenues aux points 40 à 43 du présent arrêt lorsqu’il est défini de manière forfaitaire et à hauteur de 14,5 % de la valeur comptable des capitaux propres investis par l’entreprise désignée pour fournir un service universel. |
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45 |
Il y a dès lors lieu de répondre à la première question que les articles 12 et 13 de la directive 2002/22 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce que le coût net de l’obligation de service universel comprenne le «bénéfice raisonnable» du fournisseur de ce service constitué par le taux de rendement des fonds propres qu’exigerait une entreprise comparable au fournisseur du service universel considérant l’opportunité de fournir le service d’intérêt économique général pendant toute la durée du mandat, en tenant compte du niveau de risque. |
Sur les deuxième et troisième questions
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46 |
Pour autant que la juridiction de renvoi peut, à la suite de l’examen qui lui incombe conformément au point 44 du présent arrêt, constater que la législation nationale en cause ne correspond pas aux indications fournies dans le cadre de la réponse à la première question, il y a lieu de répondre aux deuxième et troisième questions, par lesquelles la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 12 et 13 de la directive 2002/22 doivent être interprétés en ce sens qu’ils produisent un effet direct et, dans l’affirmative, s’ils peuvent être invoqués à l’encontre d’une société commerciale dans laquelle un État membre détient 51 % des actions. |
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47 |
Selon une jurisprudence constante, une directive ne peut pas, par elle‑même, créer d’obligations pour les particuliers, mais peut seulement créer des droits. Par conséquent, un particulier ne peut invoquer une directive à l’encontre d’un État membre lorsqu’il s’agit d’une obligation étatique qui est directement liée à l’exécution d’une autre obligation incombant, en vertu de cette directive, à un tiers (voir arrêts Wells, C‑201/02, EU:C:2004:12, point 56 et jurisprudence citée, ainsi que Arcor e.a., C‑152/07 à C‑154/07, EU:C:2008:426, point 35). |
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48 |
En revanche, de simples répercussions négatives sur les droits de tiers, même si elles sont certaines, ne justifient pas de refuser à un particulier d’invoquer les dispositions d’une directive à l’encontre de l’État membre concerné (voir arrêts Wells, C‑201/02, EU:C:2004:12, point 57 et jurisprudence citée, ainsi que Arcor e.a., C‑152/07 à C‑154/07, EU:C:2008:426, point 36). |
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49 |
Dans l’affaire au principal, le litige soumis à la juridiction de renvoi oppose des personnes privées à l’État membre concerné, agissant par l’intermédiaire de l’autorité réglementaire nationale qui est l’auteur de la décision contestée. |
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50 |
Il convient, par suite, de constater qu’O2 Czech Republic est tiers par rapport au litige soumis à la juridiction de renvoi et n’est susceptible que de subir des répercussions négatives, qui ne sauraient être considérées comme des obligations imposées en vertu des directives invoquées devant la juridiction de renvoi. Il s’ensuit que la question de savoir si cette entreprise présente un caractère étatique n’est pas pertinente. |
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51 |
Eu égard à ce qui précède, il convient d’examiner si les articles 12 et 13 de la directive 2002/22 remplissent les conditions pour produire un effet direct. |
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52 |
À cet égard, il résulte d’une jurisprudence constante que, dans tous les cas où les dispositions d’une directive apparaissent, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises, les particuliers sont fondés à les invoquer devant les juridictions nationales à l’encontre de l’État membre lorsqu’il en a fait une transposition incorrecte (voir arrêts Pfeiffer e.a., C‑397/01 à C‑403/01, EU:C:2004:584, point 103 et jurisprudence citée, ainsi que Arcor e.a., C‑152/07 à C‑154/07, EU:C:2008:426, point 40). |
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53 |
Or, les articles 12 et 13 de la directive 2002/22 satisfont à ces critères, étant donné qu’ils exposent clairement qu’un financement éventuel des obligations de service universel doit s’effectuer sur la base du calcul du coût net qui doit être interprété comme incluant également le «bénéfice raisonnable» correspondant au taux de rendement d’un capital et que cette obligation n’est assortie d’aucune condition. Même si la directive 2002/22 laisse une certaine marge d’appréciation aux autorités réglementaires nationales dans la mise en œuvre de ces dispositions, cette circonstance n’affecte pas, cependant, le caractère précis et inconditionnel de l’obligation découlant desdites dispositions (voir, par analogie, arrêt GMAC UK, C‑589/12, EU:C:2014:2131, points 29, 30 et 32). |
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54 |
Il résulte de ce qui précède qu’il convient de répondre aux deuxième et troisième questions que les articles 12 et 13 de la directive 2002/22 doivent être interprétés en ce sens qu’ils produisent un effet direct et qu’ils peuvent être invoqués directement devant une juridiction nationale par des particuliers pour contester une décision d’une autorité réglementaire nationale. |
Sur la quatrième question
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55 |
Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive 2002/22 doit être interprétée en ce sens qu’elle est applicable aux fins de la détermination du montant du coût net des obligations de service universel fournis par l’entreprise désignée pendant la période précédant l’adhésion de la République tchèque à l’Union, à savoir, pour l’année 2004, entre le 1er janvier et le 30 avril 2004. |
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56 |
L’article 2 de l’acte d’adhésion prévoit que, dès l’adhésion, les dispositions des traités originaires et les actes pris, avant l’adhésion, par les institutions et la Banque centrale européenne lient les nouveaux États membres et sont applicables dans ces États dans les conditions prévues par ces traités et par l’acte d’adhésion. |
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57 |
Or, ainsi que la Commission l’a souligné, ledit acte ne contient pas de dispositions spéciales concernant l’application des articles de la directive 2002/22 avant l’adhésion des États membres concernés. |
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58 |
En l’absence de telles dispositions, la directive 2002/22 est devenue applicable à la République tchèque à partir de la date de son adhésion à l’Union, conformément aux articles 2, 53 et 54 de l’acte d’adhésion (voir, en ce sens, arrêt Saldanha et MTS, C‑122/96, EU:C:1997:458, point 14; ordonnance Pannon, C‑143/09, EU:C:2009:564, point 17; arrêt Elektrownia Pątnów II, C‑441/08, EU:C:2009:698, point 32, ainsi que ordonnance RANI Slovakia, C‑298/09, EU:C:2010:343, point 38). |
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59 |
Il s’ensuit que la directive 2002/22 doit être interprétée en ce sens qu’elle n’est pas applicable aux fins de la détermination du montant du coût net des obligations de service universel fournis par l’entreprise désignée pendant la période précédant l’adhésion de la République tchèque à l’Union, à savoir, pour l’année 2004, pendant la période allant du 1er janvier au 30 avril 2004. |
Sur les dépens
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60 |
La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle‑ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. |
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Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit: |
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1) Les articles 12 et 13 de la directive 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive «service universel»), doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce que le coût net de l’obligation de service universel comprenne le «bénéfice raisonnable» du fournisseur de ce service constitué par le taux de rendement des fonds propres qu’exigerait une entreprise comparable au fournisseur du service universel considérant l’opportunité de fournir le service d’intérêt économique général pendant toute la durée du mandat, en tenant compte du niveau de risque. |
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2) Les articles 12 et 13 de la directive 2002/22 doivent être interprétés en ce sens qu’ils produisent un effet direct et qu’ils peuvent être invoqués directement devant une juridiction nationale par des particuliers pour contester une décision d’une autorité réglementaire nationale. |
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3) La directive 2002/22 doit être interprétée en ce sens qu’elle n’est pas applicable aux fins de la détermination du montant du coût net des obligations de service universel fournis par l’entreprise désignée pendant la période précédant l’adhésion de la République tchèque à l’Union européenne, à savoir, pour l’année 2004, pendant la période allant du 1er janvier au 30 avril 2004. |
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Signatures |
( * ) Langue de procédure: le tchèque.