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Document 62011CJ0578

    Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 12 juin 2014.
    Deltafina SpA contre Commission européenne.
    Pourvoi – Ententes – Marché italien de l’achat et de la première transformation de tabac brut – Décision constatant une infraction à l’article 81 CE – Immunité d’amendes – Obligation de coopération – Droits de la défense – Limites du contrôle juridictionnel – Droit à un procès équitable – Audition de témoins ou de parties – Délai raisonnable – Principe d’égalité de traitement.
    Affaire C-578/11 P.

    Recueil – Recueil général

    Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2014:1742

    ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

    12 juin 2014 ( *1 )

    «Pourvoi — Ententes — Marché italien de l’achat et de la première transformation de tabac brut — Décision constatant une infraction à l’article 81 CE — Immunité d’amendes — Obligation de coopération — Droits de la défense — Limites du contrôle juridictionnel — Droit à un procès équitable — Audition de témoins ou de parties — Délai raisonnable — Principe d’égalité de traitement»

    Dans l’affaire C‑578/11 P,

    ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 18 novembre 2011,

    Deltafina SpA, établie à Orvieto (Italie), représentée par Mes J.‑F. Bellis, F. Di Gianni et G. Coppo, avvocati,

    partie requérante,

    l’autre partie à la procédure étant:

    Commission européenne, représentée par MM. É. Gippini Fournier et L. Malferrari, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

    partie défenderesse en première instance,

    LA COUR (deuxième chambre),

    composée de Mme R. Silva de Lapuerta, président de chambre, MM. J. L. da Cruz Vilaça, G. Arestis, J.‑C. Bonichot et A. Arabadjiev (rapporteur), juges,

    avocat général: Mme E. Sharpston,

    greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

    vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 novembre 2012,

    ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 27 mars 2014,

    rend le présent

    Arrêt

    1

    Par son pourvoi, Deltafina SpA (ci-après «Deltafina») demande à titre principal, d’une part, l’annulation, de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne Deltafina/Commission (T‑12/06, EU:T:2011:441, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation et, subsidiairement, à la réduction de l’amende qui lui a été infligée par la décision C(2005) 4012 final de la Commission, du 20 octobre 2005, relative à une procédure d’application de l’article [81, paragraphe 1, CE] (Affaire COMP/C.38.281/B.2 – Tabac brut – Italie) (ci-après la «décision litigieuse»), et, d’autre part, l’annulation de cette décision, en tant qu’elle la concerne, ainsi que l’annulation ou la réduction de l’amende qui lui a été infligée par ladite décision et, à titre subsidiaire, le renvoi de l’affaire devant le Tribunal.

    Les antécédents du litige

    2

    Deltafina est une société italienne qui a pour activités principales la première transformation de tabac brut et la commercialisation de tabac transformé. Elle est détenue à 100 % par Universal Corp. (ci-après «Universal»), une société ayant son siège à Richmond (États-Unis).

    3

    Du 3 au 5 octobre 2001, la Commission européenne a effectué des vérifications, au titre de l’article 14 du règlement no 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204), notamment aux sièges de la Fédération européenne des transformateurs de tabac à Bruxelles (Belgique) et des trois principaux transformateurs espagnols de tabac brut. Cette Fédération a immédiatement informé de ces vérifications ses membres, parmi lesquels figurait l’Associazione professionale trasformatori tabacchi italiani (APTI).

    4

    Le 19 février 2002, Deltafina a présenté à la Commission une demande d’immunité d’amendes en vertu du titre A de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci-après la «communication sur la coopération de 2002»). Cette demande concernait une entente présumée entre les transformateurs de tabac brut sur le marché italien.

    5

    Le 6 mars 2002, la Commission a informé Deltafina que sa demande satisfaisait aux conditions fixées par la communication sur la coopération de 2002 et qu’elle lui accorderait, au terme de la procédure administrative, l’immunité d’amendes demandée, sous réserve qu’elle remplisse toutes les conditions énoncées au point 11 de cette communication.

    6

    Le 14 mars 2002, une réunion a eu lieu entre les services de la Commission et les représentants de Deltafina et d’Universal pour discuter des modalités de la coopération de Deltafina avec la Commission (ci-après la «réunion du 14 mars 2002»).

    7

    Lors de cette réunion, les services de la Commission ont précisé qu’ils envisageaient d’effectuer des vérifications à l’improviste en ce qui concerne l’entente révélée par Deltafina, que ces vérifications ne pouvaient pas avoir lieu avant le 18 avril 2002 et que, par conséquent, il était nécessaire de préserver la confidentialité de celles-ci jusqu’à cette date, afin de ne pas en compromettre l’efficacité (point 412 des motifs de la décision litigieuse).

    8

    Deltafina a expliqué qu’il lui serait impossible de ne pas divulguer sa demande d’immunité jusqu’à la date prévue pour ces vérifications, en raison de la tenue imminente de réunions de l’APTI, au cours desquelles il serait difficile d’en préserver la confidentialité, et de la nécessité d’en informer ses cadres moyens ainsi que de divulguer cette demande d’immunité dans le cadre d’opérations de financement impliquant Universal aux États-Unis (point 413 des motifs de la décision litigieuse).

    9

    La Commission a pris note de ces difficultés et a demandé à Deltafina, étant donné que la communication de ces informations aux autres membres de l’entente risquait d’entraver les vérifications projetées, de lui fournir, dans un délai encore plus bref, des éléments de preuve et une série d’informations, afin de lui permettre de procéder à ces vérifications (points 413 à 417 des motifs de la décision litigieuse).

    10

    Le 22 mars 2002, une conversation téléphonique (ci-après la «conversation téléphonique du 22 mars 2002») a eu lieu entre les représentants de Deltafina et le fonctionnaire de la Commission chargé du dossier en cause, au sujet de plusieurs questions relatives à la coopération de Deltafina avec la Commission (points 418 à 420 des motifs de la décision litigieuse ainsi que points 10, 157 et 158 de l’arrêt attaqué).

    11

    Le 4 avril 2002, lors d’une réunion du bureau de l’APTI, le président de Deltafina a révélé aux personnes présentes que cette société coopérait avec la Commission (ci-après la «révélation du 4 avril 2002»). Le même jour, Dimon Italia Srl (ci-après «Dimon Italia») et Transcatab SpA (ci-après «Transcatab»), dont des représentants étaient présents à cette réunion, ont présenté une demande au titre de la communication sur la coopération de 2002, sans faire mention des déclarations faites par le président de Deltafina lors de la réunion de l’APTI (points 421 à 426, 454 et 455 des motifs de la décision litigieuse).

    12

    Les 18 et 19 avril 2002, la Commission a effectué des vérifications au titre de l’article 14 du règlement no 17, dans les locaux de Dimon Italia et de Transcatab ainsi que dans ceux de Trestina Azienda Tabacchi SpA et de Romana Tabacchi SpA (point 428 des motifs de la décision litigieuse).

    13

    Les 29 mai et 11 juillet 2002, deux autres réunions ont eu lieu entre les représentants de Deltafina et les services de la Commission, dans le cadre desquelles ni Deltafina ni la Commission n’ont soulevé la question de la confidentialité de la demande d’immunité de cette société et Deltafina n’a pas non plus fait état de ce qu’elle avait révélé cette demande d’immunité à Dimon Italia et à Transcatab lors de la réunion du bureau de l’APTI du 4 avril 2002 (points 420 et 429 des motifs de la décision litigieuse).

    14

    Le 25 février 2004, la Commission a adressé une communication des griefs à plusieurs entreprises ou associations d’entreprises, au nombre desquelles figuraient Deltafina, Universal, Dimon Italia et Transcatab.

    15

    Une audition, à laquelle Deltafina a participé, a eu lieu le 22 juin 2004. Lors de cette audition, un représentant de Dimon Italia a attiré l’attention de la Commission sur deux documents versés au dossier à l’occasion des vérifications effectuées dans les locaux de Dimon Italia et consistant en des notes manuscrites qui résumaient les déclarations du président de Deltafina faites lors de la réunion du bureau de l’APTI du 4 avril 2002.

    16

    Le 21 décembre 2004, la Commission a adopté un addendum à la communication des griefs du 25 février 2004, par lequel elle a informé Deltafina et les autres entreprises concernées de son intention de ne pas accorder à cette société l’immunité d’amendes demandée, en raison de la violation, par celle-ci, de l’obligation de coopération prévue au point 11, sous a), de la communication sur la coopération de 2002.

    17

    Le 20 octobre 2005, la Commission a adopté la décision litigieuse, dans laquelle elle a constaté, à l’article 1er de celle-ci, notamment que Deltafina et Universal avaient enfreint l’article 81, paragraphe 1, CE, du 29 septembre 1995 au 19 février 2002, en participant à des accords et/ou à des pratiques concertées dans le secteur du tabac brut en Italie. Aux termes de l’article 2 de cette décision, une amende de 30 millions d’euros a été infligée solidairement à Deltafina et à Universal pour les infractions visées audit article 1er.

    18

    La Commission a pris en compte la coopération effective de Deltafina à titre de circonstance atténuante, en réduisant de 50 % l’amende à infliger à cette société. En particulier, la Commission a reconnu que Deltafina avait, dès l’origine, contribué de façon substantielle à son enquête et n’avait jamais contesté les faits.

    19

    S’agissant de la demande d’immunité d’amendes de Deltafina, la Commission a estimé que l’obligation de coopérer, fixée au point 11, sous a), de la communication sur la coopération de 2002, comporte celle de s’abstenir de prendre toute mesure susceptible de compromettre sa capacité à enquêter et/ou à constater l’infraction. La Commission a ajouté que cette obligation s’oppose à toute divulgation d’une demande d’immunité à un moment où la Commission n’a pas encore effectué de vérifications et où le secteur n’a pas connaissance de vérifications imminentes. En effet, une telle divulgation risquerait de compromettre irrévocablement la capacité de cette institution à procéder à des vérifications efficaces et, ainsi, à établir l’infraction (points 432 et 433 des motifs de la décision litigieuse).

    20

    La Commission a précisé que la «tension intrinsèque» entre cette dernière obligation et celle fixée au point 11, sous b), de la communication sur la coopération de 2002, au titre de laquelle le demandeur doit mettre fin à sa participation à l’infraction au plus tard à la date de sa demande d’immunité, n’autorise pas un demandeur à informer volontairement les autres membres de l’entente qu’il a présenté une demande d’immunité (point 434 des motifs de la décision litigieuse).

    21

    La Commission a conclu que Deltafina n’avait pas respecté cette obligation, dès lors que, bien qu’elle ait eu connaissance du fait que la Commission avait l’intention de procéder à des vérifications pendant la période du 18 au 20 avril 2002, son président avait volontairement informé ses principaux concurrents de la présentation de sa demande d’immunité avant la réalisation de ces vérifications (points 441 à 444 et 460 des motifs de la décision litigieuse).

    22

    La Commission a ajouté que ni les discussions qui ont eu lieu lors de la réunion du 14 mars 2002 ni son comportement subséquent ne laissaient subsister aucun doute quant au fait qu’elle n’avait jamais admis que Deltafina doive inévitablement divulguer sa demande d’immunité à ses concurrents et que les vérifications ne pouvaient donc plus avoir lieu. Elle soutient avoir bien précisé qu’il était nécessaire de maintenir la confidentialité pendant une période supplémentaire d’un mois, afin de préparer lesdites vérifications (points 445 à 448 des motifs de la décision litigieuse).

    23

    La Commission a affirmé avoir reconnu tant les difficultés pratiques de Deltafina pour préserver la confidentialité de la demande d’immunité que le fait que les vérifications projetées seraient devenues très improbables, si Deltafina était obligée de divulguer sa demande à ses concurrents. Or, elle a souligné que, le président de Deltafina n’ayant pas agi sous l’effet d’une quelconque menace contraignante, la révélation du 4 avril 2002 avait été volontaire et spontanée (points 450 à 453 et 459 des motifs de la décision litigieuse).

    24

    Cette institution a considéré que ce comportement ne pouvait aucunement être justifié (points 454 à 459 des motifs de la décision litigieuse).

    25

    La Commission a également précisé que le fait que Deltafina ne l’ait pas informée, notamment, de la révélation du 4 avril 2002 laissait supposer que Deltafina ne s’attendait pas à ce que cette institution approuve son comportement (point 449 des motifs de la décision litigieuse).

    26

    Ainsi, la Commission a conclu que, pour «toutes les raisons exposées ci-dessus, [...] Deltafina, en divulguant volontairement sa demande d’immunité lors de la réunion de l’APTI du 4 avril 2002, a[vait] manqué à l’obligation de coopération à laquelle elle était tenue en vertu du point 11, sous a), de la communication sur la coopération de 2002» (point 460 des motifs de la décision litigieuse).

    La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

    27

    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 janvier 2006, Deltafina a introduit un recours tendant, à titre principal, à l’annulation de l’amende qui lui a été infligée par la décision litigieuse et, à titre subsidiaire, à la réduction de celle-ci.

    28

    À l’appui de son recours, Deltafina a soulevé sept moyens, dont quatre à titre principal, au soutien de ses conclusions tendant à l’annulation de la décision litigieuse en tant qu’elle la condamne à payer une amende, ainsi que trois moyens, à titre subsidiaire, au soutien de sa demande de réduction du montant de cette amende.

    29

    Le Tribunal a rejeté l’ensemble des moyens soulevés par Deltafina, à l’exception du sixième, auquel Deltafina avait renoncé.

    Les conclusions des parties

    30

    Deltafina demande à la Cour:

    à titre principal, d’annuler, en tout ou en partie, l’arrêt attaqué et, en tant qu’elle la concerne, la décision litigieuse ainsi que d’annuler ou de réduire le montant de l’amende qui lui a été infligée;

    à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal, et

    de condamner la Commission aux dépens.

    31

    La Commission demande à ce que la Cour:

    rejette le pourvoi et

    condamne Deltafina aux dépens.

    Sur le pourvoi

    32

    À l’appui de son pourvoi, Deltafina soulève quatre moyens. Il convient d’examiner, tout d’abord, les premier et deuxième moyens ensemble, ensuite, le quatrième moyen et, enfin, le troisième moyen.

    Sur les premier et deuxième moyens

    Argumentation des parties

    33

    Par son premier moyen, Deltafina, tout d’abord, reproche au Tribunal d’avoir omis de se prononcer sur le moyen tiré de ce que, à la suite de la réunion du 14 mars 2002, elle pouvait conclure que la Commission l’avait dispensée de l’obligation de confidentialité et que, en conséquence, elle n’avait pas, par la révélation du 4 avril 2002, manqué à son obligation de coopération.

    34

    Ensuite, Deltafina souligne que, dans la décision litigieuse, la seule violation de l’obligation de coopération qui lui est imputée est constituée par la révélation du 4 avril 2002. Par conséquent, en retenant une violation de l’obligation de coopération en raison de l’omission, par Deltafina, d’informer la Commission de cette révélation, le Tribunal aurait violé les droits de la défense et outrepassé ses compétences, lesquelles étaient limitées à l’appréciation de la légalité de cette décision.

    35

    Enfin, Deltafina estime que, au point 149 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a substitué sa propre analyse des obligations de coopération pesant sur cette société à ce qui avait été convenu entre elle et la Commission, lors de la réunion du 14 mars 2002. Or, pour déterminer le contenu précis de cette obligation de coopération, le Tribunal aurait dû prendre en compte les modalités de la collaboration convenues.

    36

    En effet, le Tribunal se serait fondé sur la prémisse erronée, selon laquelle l’omission, par Deltafina, d’informer la Commission de la révélation de sa demande d’immunité constituait, en toute hypothèse, une violation de l’obligation de collaboration, la qualification de ces faits dépendant des modalités convenues. Or, la Commission aurait pu, ainsi que le confirmerait le point 12, sous a), de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2006, C 298, p. 17), autoriser la révélation de ladite demande d’immunité.

    37

    En l’espèce, cette autorisation se serait dégagée lors de la réunion du 14 mars 2002. En effet, sur la base des procès-verbaux contemporains de ladite réunion et du comportement subséquent des parties concernées, le Tribunal aurait dû constater que Deltafina et la Commission étaient parvenues à un accord sur le caractère inévitable de cette révélation et sur l’exigence, plus lourde, incombant en conséquence à cette société, de fournir rapidement d’autres éléments de preuve.

    38

    Deltafina précise qu’il ressort des procès-verbaux de la réunion du 14 mars 2002 que la question de savoir si cette révélation devait être «volontaire et spontanée» ou «non volontaire et requise» n’a pas été abordée et elle estime que, dès lors, l’appréciation du Tribunal prenant en compte la forme de ladite révélation est fondée sur une reconstitution ex post des faits qui ne saurait être admise. En tout état de cause, tout doute sur le contenu du prétendu accord concernant les modalités de sa collaboration doit, selon Deltafina, lui profiter.

    39

    Par son deuxième moyen, Deltafina soutient que le Tribunal a violé les articles 65 et 68 de son règlement de procédure en ayant recueilli, lors de l’audience, les témoignages oraux de son avocat, Me R., et de M. V. E., le fonctionnaire de la Commission chargé de l’affaire, en leur qualité de participants à la réunion du 14 mars 2002 et, par conséquent, en tant que témoins, sans qu’une ordonnance ait été adoptée pour préciser les faits à établir, sans que ces témoins aient prêté serment et sans qu’un procès-verbal reproduisant ces dépositions ait été établi.

    40

    Or, selon Deltafina, le Tribunal s’est fondé, au point 159 de l’arrêt attaqué, sur le témoignage de M. V. E. pour établir que celui-ci n’avait pas compris que Deltafina avait l’intention d’effectuer la révélation du 4 avril 2002 et que, en tout état de cause, il n’aurait pas donné son accord à celle-ci. En n’ayant pas comparé ce témoignage avec celui de Me J., à qui il n’aurait pas été demandé de témoigner, le Tribunal aurait violé le droit de Deltafina à un procès équitable.

    41

    La Commission conteste l’argumentation de Deltafina.

    Appréciation de la Cour

    42

    S’agissant de la recevabilité de l’argumentation résumée au point 33 du présent arrêt, que la Commission conteste, il doit être constaté que Deltafina demande à la Cour non pas de procéder à une nouvelle appréciation des faits, mais de constater un défaut de motivation de l’arrêt attaqué. Cette argumentation est, dès lors, recevable.

    43

    En ce qui concerne la recevabilité de l’argumentation résumée aux points 35 et 36 du présent arrêt, il convient de relever que Deltafina reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit lors de la détermination des obligations de coopération lui incombant. Partant, cette argumentation est également recevable.

    44

    En revanche, ainsi que le fait valoir à bon droit la Commission, par l’argumentation résumée aux points 37 et 38 du présent arrêt, Deltafina remet en cause une appréciation factuelle effectuée par le Tribunal, sans invoquer une dénaturation d’éléments de preuve. Or, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, un tel examen échappe à la compétence de cette dernière, de sorte que cette argumentation doit être écartée comme étant irrecevable.

    45

    Quant au fond, il convient de relever que, par l’argumentation résumée aux points 33 et 34 du présent arrêt, Deltafina reproche au Tribunal, d’une part, d’avoir omis de se prononcer sur le moyen selon lequel la Commission l’avait dispensée de l’obligation de confidentialité ainsi que, d’autre part, d’avoir opéré une substitution de motifs illégale et d’avoir ainsi outrepassé ses compétences.

    46

    En ce qui concerne la première partie de l’argumentation de Deltafina, il convient de relever que le Tribunal a jugé, au point 160 de l’arrêt attaqué, que la Commission ne pouvait avoir autorisé préalablement Deltafina à faire de manière spontanée la révélation du 4 avril 2002, dès lors que cette société n’était pas parvenue à démontrer qu’elle avait, au préalable, dûment informé la Commission de ses intentions.

    47

    À la lumière, notamment, de cette considération, le Tribunal a confirmé, au point 173 dudit arrêt, l’appréciation de la Commission selon laquelle Deltafina avait violé son obligation de coopération.

    48

    À cet égard, il ressort des points 441, 450 et 460 des motifs de la décision litigieuse que la Commission a considéré que la révélation volontaire et spontanée, par une entreprise ayant participé à une entente, de sa coopération avec la Commission à d’autres entreprises ayant participé à la même entente, à un stade où des vérifications sur place auprès de ces mêmes entreprises étaient prévues, est d’une autre nature que la découverte, par ces entreprises, de cette coopération, en raison de difficultés pratiques pour ladite entreprise de préserver la confidentialité de sa coopération.

    49

    En effet, la Commission a estimé que cette révélation volontaire et spontanée démontre par elle-même la violation de l’obligation de coopération, à moins qu’il ne soit établi, sans équivoque, qu’une telle révélation avait été, au préalable, expressément autorisée par cette institution.

    50

    Or, le Tribunal a jugé que tel n’était pas le cas en l’espèce et il a, dès lors, confirmé, aux points 160 et 173 de l’arrêt attaqué, la violation, par Deltafina, de l’obligation de coopération, constatée par la Commission au point 460 des motifs de la décision litigieuse.

    51

    Contrairement à ce que prétend Deltafina, cette appréciation n’est entachée d’aucune erreur.

    52

    En particulier, la constatation factuelle, effectuée par le Tribunal, de l’absence d’autorisation préalable expresse, par la Commission, de la révélation spontanée du 4 avril 2002 n’était pas contestée par Deltafina. Or, dans ces conditions, le Tribunal n’était pas tenu de rejeter explicitement l’argumentation de Deltafina visant à établir l’existence d’un accord sur le caractère inévitable de la divulgation de sa coopération.

    53

    En effet, dès lors que la révélation du 4 avril 2002 était spontanée, elle n’était pas inévitable. Or, à supposer même que la Commission ait accepté une éventuelle divulgation non volontaire de la coopération de Deltafina, cette acceptation ne serait pas de nature à justifier la révélation spontanée effectuée par cette dernière et ne serait donc pas susceptible d’infirmer la constatation de la violation, par cette société, de son obligation de coopération. Il s’ensuit que cette argumentation était inopérante.

    54

    S’agissant de la seconde partie de l’argumentation avancée pour étayer le premier moyen, à savoir l’argument tiré d’une substitution de motifs illégale, il ressort des points 143 à 145 de l’arrêt attaqué que le Tribunal y a effectué une analyse globale de l’obligation de coopération qui incombe à l’entreprise demandant à pouvoir bénéficier, à la fin de la procédure administrative, de l’immunité définitive. Cette obligation de coopération totale, permanente et rapide, prévue au point 11, sous a), de la communication sur la coopération de 2002, comporte, notamment, une obligation d’information complète en ce qui concerne toutes les circonstances pertinentes pour l’enquête de la Commission.

    55

    Il résulte en outre des points 429, 449 et 459 des motifs de la décision litigieuse que la Commission a pris en compte l’absence de certains éléments d’information que l’entreprise devait fournir en ce qui concerne, en particulier, les circonstances ayant entouré la réunion du 4 avril 2002.

    56

    Ainsi, le Tribunal, aux points 152 à 162 de l’arrêt attaqué, s’est borné à répondre à l’argumentation invoquée par Deltafina devant lui, telle qu’elle résulte du point 151 de cet arrêt. Par conséquent, le Tribunal n’ayant nullement procédé à une substitution de motifs, la seconde partie de l’argumentation de Deltafina doit être écartée.

    57

    Par ailleurs, pour autant que Deltafina soutient, par son deuxième moyen, que le Tribunal a violé le droit de cette société à un procès équitable, dans la mesure où, d’une part, il a recueilli, lors de l’audience, en violation des articles 65 et 68 de son règlement de procédure, les témoignages oraux de l’avocat de Deltafina ainsi que du fonctionnaire de la Commission chargé de l’affaire et, d’autre part, il s’est fondé, au point 159 de l’arrêt attaqué, sur l’un de ces témoignages, sans l’avoir comparé avec celui de Me J., à qui il n’a pas été demandé de témoigner, il convient de relever ce qui suit.

    58

    Tout d’abord, il est constant que le Tribunal a entendu, lors de l’audience, Me R. et M. V. E. en tant que participants à la réunion du 14 mars 2002 et M. V. E. en tant que participant à la conversation téléphonique du 22 mars 2002. Il est également constant que les intéressés ont été interrogés par le Tribunal sur leur perception du contenu desdites réunion et conversation, que cette interrogation a été faite en dehors du cadre procédural prévu à l’article 68 du règlement de procédure du Tribunal et que Deltafina n’a soulevé aucune objection à ce sujet lors de cette audience.

    59

    À cet égard, d’une part, contrairement à ce que prétend la Commission, le fait que Deltafina n’a soulevé aucune objection lors de ladite audience n’a pas pour effet de rendre le deuxième moyen irrecevable (voir, en ce sens, arrêt Corus UK/Commission, C‑199/99 P, EU:C:2003:531, points 32 et 35).

    60

    D’autre part, comme la Commission le relève à juste titre, il existe, certes, une pratique courante et légitime du Tribunal consistant à interroger, sur des questions techniques ou des faits complexes, des personnes représentant les parties, qui ont connaissance de détails pertinents.

    61

    Toutefois, en l’espèce, ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général aux points 116 et 117 des conclusions, les questions adressées par le Tribunal à Me R. et à M. V. E. portaient notamment sur des faits contestés et litigieux entre les parties. En outre, ces sujets ne font apparaître aucune technicité ou complexité et il n’apparaît d’ailleurs pas que Me R. et M. V. E. aient été interrogés en raison de connaissances techniques particulières dont ils disposaient.

    62

    Dans ces conditions, il doit être constaté que c’est à bon droit que Deltafina soutient que, en interrogeant, lors de l’audience, son avocat et le fonctionnaire de la Commission chargé de l’affaire sur leur perception de ce qui avait été convenu lors de la réunion du 14 mars 2002 ainsi que lors de la conversation téléphonique du 22 mars 2002, le Tribunal est allé au-delà de ce qui peut être effectué au moyen de cette pratique, l’interrogation effectuée par le Tribunal ayant porté sur des faits qui devaient être établis, le cas échéant, par des témoignages, en application de la procédure prévue à l’article 68 du règlement de procédure du Tribunal.

    63

    Toutefois, contrairement à ce que prétend Deltafina, cette irrégularité procédurale n’est pas constitutive d’une violation de son droit à un procès équitable.

    64

    En effet, ainsi que le relève à juste titre la Commission et contrairement à ce que prétend Deltafina, le Tribunal n’a pris en compte, au point 159 de l’arrêt attaqué, les déclarations du fonctionnaire de la Commission chargé de l’affaire que dans le cadre d’un raisonnement développé à titre surabondant, son raisonnement étant fondé essentiellement sur les preuves écrites examinées aux points 153 à 158 de l’arrêt attaqué, à savoir, notamment, les comptes rendus de la réunion du 14 mars 2002 et de la conversation téléphonique du 22 mars 2002.

    65

    Ainsi que l’a également relevé Mme l’avocat général au point 120 de ses conclusions, le Tribunal pouvait fonder sa conclusion sur ces seules preuves documentaires.

    66

    En particulier, eu égard, d’une part, au silence desdites preuves écrites tant en ce qui concerne une information expresse, par Deltafina, de son intention de révéler volontairement sa coopération avec la Commission, que s’agissant d’une autorisation expresse par la Commission de cette révélation et, d’autre part, à l’importance d’une telle autorisation expresse tant pour Deltafina que pour l’utilité des vérifications envisagées, il convient de considérer que le Tribunal a pu estimer, sans commettre d’erreur, que l’absence d’information et d’autorisation expresses était établie à suffisance de droit par lesdites preuves documentaires.

    67

    En effet, il est de jurisprudence constante que le Tribunal est seul juge de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d’information dont il dispose sur les affaires dont il est saisi. Le caractère probant ou non des pièces de la procédure relève de son appréciation souveraine des faits, laquelle échappe au contrôle de la Cour dans le cadre du pourvoi, sauf en cas de dénaturation des éléments de preuve présentés au Tribunal ou lorsque l’inexactitude matérielle des constatations effectuées par ce dernier ressort des documents versés au dossier (arrêt Der Grüne Punkt – Duales System Deutschland/Commission, C‑385/07 P, EU:C:2009:456, point 163 et jurisprudence citée)

    68

    Or, dans les circonstances de l’espèce, étant donné que Deltafina n’avait présenté aucune demande d’audition de témoins et qu’elle n’invoque aucune dénaturation des éléments de preuve pris en compte par le Tribunal, ce dernier a pu considérer qu’une audition de Mes R. et J. ou de M. V. E., en tant que témoins, ne s’imposait pas.

    69

    Il s’ensuit, d’une part, que le deuxième moyen n’est pas fondé et, d’autre part, que le raisonnement du Tribunal, figurant aux points 153 à 160 de l’arrêt attaqué, n’est aucunement entaché d’une violation des droits de la défense.

    70

    Dans ces conditions, les premier et deuxième moyens doivent être écartés.

    Sur le quatrième moyen

    Argumentation des parties

    71

    Deltafina demande à la Cour de réduire l’amende qui lui a été infligée, pour pallier la violation du principe d’égalité de traitement qu’aurait commise la Commission en lui octroyant la même réduction d’amende que celle accordée à Dimon Italia.

    72

    Selon Deltafina, le Tribunal a commis une erreur de droit en ayant déclaré que cette demande, qui avait été présentée lors de l’audience de première instance, constituait un moyen nouveau, non fondé sur des éléments de droit et de fait qui se seraient révélés au cours de la procédure, et, dès lors, irrecevable. En effet, les arguments de Deltafina reposeraient sur une jurisprudence, résultant de l’arrêt du Tribunal Nintendo et Nintendo of Europe/Commission (T‑13/03, EU:T:2009:131), qui ne serait intervenue que postérieurement à la fin de la phase écrite de la procédure.

    73

    La Commission conteste cette argumentation de Deltafina.

    Appréciation de la Cour

    74

    Ainsi qu’il ressort de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal et de l’article 127, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite, à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure (ordonnance Arbos/Commission, C‑615/12 P, EU:C:2013:742, point 35).

    75

    Or, devant le Tribunal, Deltafina n’a fourni aucun élément susceptible de démontrer que le moyen en cause se fonde sur un élément de droit qui s’est révélé pendant la procédure. En effet, ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 127 de ses conclusions, le principe d’égalité de traitement, invoqué par Deltafina, est un principe général du droit de l’Union, dont la Cour et le Tribunal assurent, selon une jurisprudence constante, le respect, notamment en matière d’amendes pour infractions au droit de la concurrence.

    76

    Dès lors, un arrêt précisant les obligations incombant à la Commission en vertu du principe d’égalité de traitement, tel que celui invoqué par Deltafina, ne saurait être considéré comme étant un élément de droit nouveau justifiant la présentation tardive d’un nouveau moyen.

    77

    Par conséquent, le quatrième moyen doit être écarté.

    Sur le troisième moyen

    Argumentation des parties

    78

    Deltafina relève que la procédure devant le Tribunal a duré cinq ans et huit mois et précise que quarante-trois mois se sont écoulés entre la fin de la procédure écrite et la décision d’ouvrir la procédure orale. Elle estime que cette procédure a été excessivement longue et elle demande à la Cour d’annuler ou de réduire substantiellement, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, l’amende qui lui a été infligée, pour pallier la violation du droit fondamental de Deltafina d’obtenir une décision dans un délai raisonnable, garanti par les articles 41, paragraphe 1, et 47, deuxième alinéa, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte»).

    79

    La Commission conteste l’argumentation de Deltafina.

    Appréciation de la Cour

    80

    Il convient de rappeler que le dépassement d’un délai de jugement raisonnable, en tant qu’irrégularité de procédure constitutive de la violation d’un droit fondamental, doit ouvrir à la partie concernée un recours effectif lui offrant un redressement approprié (arrêt Gascogne Sack Deutschland/Commission, C‑40/12 P, EU:C:2013:768, point 80).

    81

    Dans la mesure où Deltafina demande l’annulation de l’arrêt attaqué et, subsidiairement, une réduction du montant de l’amende qui lui a été infligée, il y a lieu de relever que la Cour a déjà jugé que, en l’absence de tout indice selon lequel la durée excessive de la procédure devant le Tribunal aurait eu une incidence sur la solution du litige, le non-respect d’un délai de jugement raisonnable ne saurait conduire à l’annulation de l’arrêt attaqué (arrêt Gascogne Sack Deutschland/Commission, EU:C:2013:768, point 81 et jurisprudence citée).

    82

    Cette jurisprudence est fondée notamment sur la considération selon laquelle, en l’absence d’incidence sur la solution du litige du non-respect d’un délai de jugement raisonnable, l’annulation de l’arrêt attaqué ne remédierait pas à la violation, par le Tribunal, du principe de protection juridictionnelle effective (arrêt Gascogne Sack Deutschland/Commission, EU:C:2013:768, point 82 et jurisprudence citée).

    83

    En l’espèce, Deltafina n’a fourni à la Cour aucun indice de nature à laisser apparaître que le non-respect, par le Tribunal, d’un délai de jugement raisonnable ait pu avoir une incidence sur la solution du litige dont ce dernier était saisi.

    84

    En outre, compte tenu de la nécessité de faire respecter les règles de concurrence du droit de l’Union, la Cour ne saurait permettre, au seul motif de la méconnaissance d’un délai de jugement raisonnable, à la partie requérante de remettre en question le bien-fondé ou le montant d’une amende, alors que l’ensemble des moyens dirigés contre les constatations opérées par le Tribunal au sujet du montant de cette amende et des comportements qu’elle sanctionne ont été rejetés (arrêt Gascogne Sack Deutschland/Commission, EU:C:2013:768, point 84 et jurisprudence citée).

    85

    Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient Deltafina, le troisième moyen ne saurait aboutir à l’annulation, même partielle, de l’arrêt attaqué.

    86

    Pour autant que Deltafina demande l’annulation ou une réduction du montant de l’amende qui lui a été infligée, de façon à ce qu’il soit tenu compte des conséquences financières ayant résulté pour elle de la durée excessive de la procédure devant le Tribunal, la Cour a jugé que le non-respect, par le Tribunal, de son obligation, résultant de l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte, de juger les affaires qui lui sont soumises dans un délai raisonnable peut donner lieu à une demande en indemnité et que, dès lors, une telle violation doit trouver sa sanction dans un recours en indemnité porté devant le Tribunal, un tel recours constituant un remède effectif (arrêt Gascogne Sack Deutschland/Commission, EU:C:2013:768, points 87 et 89).

    87

    Il s’ensuit qu’il appartient au Tribunal, compétent en vertu de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, de se prononcer sur de telles demandes d’indemnité, en statuant dans une formation différente de celle qui a eu à connaître du litige ayant donné lieu à la procédure dont la durée est critiquée, et que ces demandes ne peuvent être soumises directement à la Cour dans le cadre d’un pourvoi (arrêt Gascogne Sack Deutschland/Commission, EU:C:2013:768, points 90 et 96).

    88

    À cet égard, il importe de rappeler que, dans le cadre d’un recours en indemnité fondé sur une violation, par le Tribunal, de l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte, en ce qu’il aurait méconnu les exigences liées au respect d’un délai de jugement raisonnable, cette méconnaissance constituant une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers (voir, notamment, arrêt Commission/CEVA et Pfizer, C‑198/03 P, EU:C:2005:445, point 63 et jurisprudence citée), il incombe au Tribunal, dans ses appréciations portant sur ladite méconnaissance, de tenir compte des circonstances propres à chaque affaire, telles que la complexité du litige et le comportement des parties, de l’exigence fondamentale de sécurité juridique dont doivent bénéficier les opérateurs économiques et de l’objectif d’assurer que la concurrence n’est pas faussée, ainsi qu’il découle des points 91 à 95 de l’arrêt Gasgogne Sack Deutschland/Commission (EU:C:2013:768).

    89

    Le Tribunal doit également apprécier la matérialité du dommage invoqué et le lien de causalité existant entre celui-ci et la durée excessive de la procédure juridictionnelle, ainsi que prendre en considération des principes généraux applicables dans les ordres juridiques des États membres pour traiter les recours fondés sur des violations similaires.

    90

    Cela étant, dès lors qu’il est manifeste en l’espèce, sans que soit nécessaire la production par les parties d’éléments à cet égard, que le Tribunal a violé de manière suffisamment caractérisée son obligation de juger l’affaire dans un délai raisonnable, la Cour peut le relever.

    91

    En effet, la durée de la procédure devant le Tribunal, à savoir près de 5 ans et 8 mois, à laquelle a contribué, en particulier, une période de 3 ans et 7 mois qui s’est écoulée entre la fin de la procédure écrite et l’audience, ne peut être justifiée ni par le degré certain de difficulté du litige, ni par le fait que six destinataires de la décision litigieuse ont introduit un recours en annulation à l’encontre de celle-ci, ni par la demande de Deltafina tendant à ce que soit produit, au cours de la procédure écrite devant le Tribunal, un document détenu par la Commission.

    92

    Il résulte toutefois des considérations exposées aux points 81 à 87 du présent arrêt que le troisième moyen doit être écarté.

    93

    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le pourvoi doit être rejeté.

    Sur les dépens

    94

    En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

    95

    Deltafina ayant succombé en ses moyens et la Commission ayant conclu à sa condamnation, il y a lieu de la condamner aux dépens.

     

    Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) déclare et arrête:

     

    1)

    Le pourvoi est rejeté.

     

    2)

    Deltafina SpA est condamnée aux dépens.

     

    Signatures


    ( *1 ) Langue de procédure: l’italien.

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