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Document C:2023:349:FULL
Official Journal of the European Union, C 349, 29 September 2023
Journal officiel de l'Union européenne, C 349, 29 septembre 2023
Journal officiel de l'Union européenne, C 349, 29 septembre 2023
ISSN 1977-0936 |
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Journal officiel de l'Union européenne |
C 349 |
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![]() |
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Édition de langue française |
Communications et informations |
66e année |
Sommaire |
page |
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I Résolutions, recommandations et avis |
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AVIS |
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Comité économique et social européen |
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580e session plénière du Comité économique et social européen, 12.7.2023-13.7.2023 |
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2023/C 349/01 |
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2023/C 349/02 |
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2023/C 349/03 |
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2023/C 349/04 |
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2023/C 349/05 |
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2023/C 349/06 |
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2023/C 349/07 |
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2023/C 349/08 |
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2023/C 349/09 |
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2023/C 349/10 |
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2023/C 349/11 |
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2023/C 349/12 |
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2023/C 349/13 |
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2023/C 349/14 |
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2023/C 349/15 |
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2023/C 349/16 |
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2023/C 349/17 |
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III Actes préparatoires |
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Comité économique et social européen |
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580e session plénière du Comité économique et social européen, 12.7.2023-13.7.2023 |
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2023/C 349/18 |
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2023/C 349/19 |
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2023/C 349/20 |
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2023/C 349/21 |
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2023/C 349/22 |
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2023/C 349/23 |
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2023/C 349/24 |
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2023/C 349/25 |
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2023/C 349/26 |
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2023/C 349/27 |
FR |
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I Résolutions, recommandations et avis
AVIS
Comité économique et social européen
580e session plénière du Comité économique et social européen, 12.7.2023-13.7.2023
29.9.2023 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 349/1 |
Avis du Comité économique et social européen sur une révision de la politique fiscale en vue de protéger les ménages à faibles revenus et les groupes vulnérables des effets négatifs de la transition écologique
(avis d’initiative)
(2023/C 349/01)
Rapporteur: |
Philip VON BROCKDORFF |
Décision de l’assemblée plénière |
25.1.2023 |
Base juridique |
Article 52, paragraphe 2, du règlement intérieur |
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Avis d’initiative |
Compétence |
Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale» |
Adoption en section |
27.6.2023 |
Adoption en session plénière |
12.7.2023 |
Session plénière no |
580 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
195/7/10 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Le CESE relève que les effets de la transition écologique ne seront pas uniformes dans toute l’Union européenne et qu’ils sont appelés à varier sensiblement d’un pays à l’autre ainsi que, au sein même des États membres, entre leurs différentes régions. Aussi les États membres doivent-ils être attentifs aux défis sociaux posés par la transition afin de renforcer sa légitimité, de maintenir la stabilité et d’éviter une opposition populiste. |
1.2. |
Le Comité estime que les analyses d’impact que la Commission a réalisées à l’appui de plusieurs actes législatifs concernant la transition écologique s’inscrivent principalement dans une perspective européenne globale qui manque souvent de profondeur par rapport à l’approche détaillée, par pays et par région, qui serait nécessaire afin de se focaliser sur les conséquences attendues pour les économies et les populations locales (à l’exception de la proposition de directive sur la taxation de l’énergie). |
1.3. |
Le Comité est également d’avis qu’une analyse plus ciblée devrait faire ressortir des données très instructives sur les ménages touchés par la transition écologique, permettant ainsi aux pouvoirs publics de prendre des mesures plus aptes à atténuer l’impact de ce processus en cours sur les ménages plus pauvres et vulnérables. |
1.4. |
Le Comité adresse une mise en garde contre deux risques en particulier, en lien avec la transition écologique, au regard de leurs conséquences dommageables sur le plan social et économique: i) les disparités croissantes de revenu et ii) la délocalisation de secteurs industriels et des emplois correspondants. |
1.5. |
Le Comité souligne par conséquent la nécessité d’ambitionner une transition juste, qui puisse apporter une réponse à la fois à la question de l’emploi et aux effets distributifs de la transition vers la neutralité climatique. Dans ce contexte, le Comité préconise des mesures redistributives aptes à orienter les ressources financières au profit des ménages à bas revenu et des catégories vulnérables, afin de réduire autant que possible l’exclusion sociale en évitant que les inégalités de revenu ne s’aggravent encore en cours de route. |
1.6. |
Sachant que les aspects fiscaux relatifs à la transition écologique relèvent de la compétence des États membres, le Comité souligne à quel point il est important que des mesures budgétaires viennent, au niveau national, viabiliser la transition écologique et en réduire l’impact sur les couches les plus vulnérables de la population. |
1.7. |
Par conséquent, lors de la transition, la politique budgétaire devrait comprendre trois éléments: le principe du pollueur-payeur avec des mesures redistributives complémentaires en faveur des ménages à faibles revenus; une aide ciblée au revenu; et des crédits d’impôt sur les produits domestiques économes en énergie. Cette approche permettrait: i) de soutenir l’achat de véhicules électriques; ii) d’encourager l’adoption de technologies vertes dans les foyers; et iii) d’améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments (certes, la nouvelle mouture de la directive sur la taxation de l’énergie (1) vise également à améliorer l’efficacité énergétique tout en protégeant les groupes vulnérables). Pour les ménages dont les revenus sont les plus faibles, qui risquent de ne pas être suffisamment assujettis à l’impôt et donc ne pas bénéficier de crédits d’impôt, la mesure optimale recommandée est l’aide au revenu. |
1.8. |
Le Comité estime également que la distribution de bons par l’État permettant des achats et des investissements dans les technologies et produits verts pourrait contribuer à soutenir les groupes vulnérables pendant la transition. |
1.9. |
Aux Pays-Bas, l’exemple des crédits d’impôt offerts aux particuliers à l’achat d’un véhicule électrique est un bon exemple d’incitation à l’acquisition de véhicules respectueux de l’environnement, qui minimise les éventuelles distorsions causées par des subventions, lesquelles bénéficient souvent aux fournisseurs, au détriment des consommateurs (2). |
1.10. |
Le Comité considère également que l’on pourrait analyser les expériences menées dans des États membres tels que l’Allemagne, la France et l’Italie, qui ont appliqué des taux de TVA réduits aux produits et technologies à haute performance énergétique ainsi qu’à la rénovation des logements pour augmenter l’efficacité énergétique des bâtiments. Toutefois, la TVA n’est, par définition, pas progressive. Pour adapter une telle approche aux ménages à faibles revenus, des mesures d’accompagnement comme une compensation forfaitaire peuvent être nécessaires pour favoriser l’adhésion de ces ménages. De plus, le Comité fait valoir que les communautés énergétiques [directive (UE) 2019/944 (3)] et les communautés d’énergie renouvelable [directive (UE) 2018/2001 (4)] pourraient devenir des outils décisifs afin d’aider les citoyens et les catégories vulnérables à faire face à la transition écologique. |
1.11. |
Le CESE met en avant le rôle stratégique du Fonds pour une transition juste (FTJ). Cet instrument financier devrait être efficacement dirigé afin d’amortir l’impact socio-économique de la transition sur les économies de l’Union qui, à l’heure actuelle, restent fortement tributaires des combustibles fossiles ou d’activités très émettrices de gaz à effet de serre, et surtout afin de faciliter la transition pour les travailleurs et les ménages touchés par les mutations en cours. |
1.12. |
Comme il a déjà eu l’occasion de le signaler dans des avis antérieurs, le CESE fait observer que le Fonds pour une transition juste, malgré son caractère stratégique, ne sera peut-être pas suffisant pour accompagner la transition économique en cours et qu’il conviendrait donc de lui adjoindre un Fonds social pour le climat doté d’un financement suffisant. |
2. Introduction et contexte
2.1. |
La transition écologique représente un défi immense pour l’Union européenne et pour les générations à venir, surtout avec la guerre en Ukraine qui se prolonge, suscitant de l’incertitude sur le plan économique en général et dans le secteur de l’énergie en particulier. Le Comité considère qu’il faut un consensus social pour réussir la transition, et l’on n’atteindra cet objectif qu’en mettant effectivement en œuvre des mesures de soutien dans l’ensemble de l’Union et en faisant barrage à l’opposition populiste. |
2.2. |
Le Comité rappelle que le pacte vert a porté l’objectif fixé par l’Union en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 de 40 % à au moins 55 % par rapport aux niveaux de 1990, en même temps qu’il a décrété l’ambition de la neutralité climatique d’ici 2050. |
2.3. |
Le train de mesures «Ajustement à l’objectif 55» contient une série de propositions pour atteindre cet objectif à l’horizon 2030, au sujet desquelles le CESE entend soumettre sa contribution afin de défendre l’idée d’une transition écologique qui, d’une part, soit pleinement comprise de tous les acteurs et à laquelle ils adhèrent sans réserve, et qui, d’autre part, ne porte pas de préjudice excessif aux ménages et aux catégories vulnérables. |
2.4. |
Tenant pour acquis que la transition écologique procurera dans toute l’Union des avantages substantiels et très attendus, le Comité s’attache dans le présent avis à mettre en lumière les effets dommageables probables de ce processus en cours à brève échéance, en insistant particulièrement sur l’exclusion sociale et les inégalités de revenu, et il préconise une transition juste qui puisse être proportionnée aux ménages à bas revenu et aux catégories vulnérables. |
3. Observations générales et particulières
3.1. |
Le CESE relève que les implications de la transition écologique ne seront pas uniformes dans toute l’Union européenne et que, bien au contraire, ils sont en réalité appelés à varier sensiblement d’un pays à l’autre, voire entre les régions et territoires au sein des États membres, en fonction de plusieurs variables d’ordre économique et social. |
3.2. |
À cet égard, le CESE note que les régions fortement dépendantes des combustibles fossiles sont et seront particulièrement exposées à l’impact de la transition et à de possibles destructions d’emploi. Par conséquent, les réponses qu’il conviendra d’apporter pour soutenir la cohésion sociale devront être sensiblement différenciées d’un État membre à l’autre, ou même entre régions, en fonction des différents contextes locaux et dans le respect du principe de subsidiarité. Le Comité reconnaît toutefois que la directive révisée sur la taxation de l’énergie propose une période «transitoire» et la possibilité pour les États membres d’exonérer les ménages vulnérables de la taxation du chauffage pendant dix ans après la mise en œuvre de la taxe révisée. |
3.3. |
Du point de vue de la méthodologie, le Comité estime que les analyses d’impact que la Commission a réalisées jusqu’à présent s’inscrivent dans une perspective générale européenne qui manque de profondeur par rapport à l’approche détaillée, par pays et par région, qui serait nécessaire afin de pouvoir se focaliser sur les conséquences attendues de la transition pour les économies et les populations locales. La proposition de directive sur la taxation de l’énergie fait figure d’exception à cet égard puisqu’elle a été anticipée par une microanalyse ciblée, démarche à laquelle il conviendrait de se rallier plus largement dans la mise en œuvre du pacte vert. |
3.4. |
Le CESE considère qu’une analyse plus ciblée, permettant de tenir pleinement compte des spécificités locales, serait très utile pour faire ressortir des données précieuses, notamment sur les ménages touchés par la transition écologique, donnant ainsi aux pouvoirs publics la possibilité de prendre des mesures aptes à atténuer l’impact de ce processus en cours sur les ménages plus pauvres et vulnérables, ceux-là mêmes qui seront confrontés à ses conséquences les plus critiques. |
3.5. |
Le CESE est d’avis qu’il existe deux grands risques en lien avec la transition écologique, au regard de leurs conséquences dommageables sur le plan social et économique: i) les disparités croissantes de revenu et ii) la délocalisation de secteurs industriels et des emplois correspondants. |
3.6. |
Le CESE fait observer que la transition vers une économie résiliente face au changement climatique et sobre en carbone est particulièrement difficile à opérer dans le cas des ménages et des collectivités à faibles revenus, notamment dans les régions où le niveau de développement accuse un retard par rapport aux pôles urbains. Il est donc primordial qu’une série de mesures budgétaires appropriées vienne accompagner cette transition, y compris par un soutien financier, afin d’apporter une réponse aux craintes exposées plus haut. |
3.7. |
Par ailleurs, le CESE tient à signaler que la transition pourrait encore imposer d’autres contraintes aux couches les plus vulnérables de la population, en ce qui concerne notamment le prix des matières premières, qui est susceptible d’augmenter significativement au cours du processus. En effet, avec la prise en compte d’un coût du carbone plus élevé, la transition pourrait tirer les prix de l’énergie et du carburant vers le haut pour ceux qui sont précisément le moins en mesure de se le permettre. Un tel scénario est particulièrement inquiétant dans le contexte macroéconomique actuel, où nous avons déjà observé des taux d’inflation élevés dans divers États membres (5). |
3.8. |
Le Comité fait par conséquent valoir la nécessité d’ambitionner une transition juste, qui apporte une réponse à la fois à la question de l’emploi et aux effets distributifs de la transition vers la neutralité climatique. Il y aurait lieu d’envisager une telle approche comme faisant partie intégrante du cadre de la transition écologique, et non comme de simples mesures correctives prises à titre accessoire. |
3.9. |
Le CESE souligne qu’il est nécessaire de prendre des mesures redistributives aptes à orienter les ressources financières au profit des ménages à bas revenu et des catégories vulnérables, dans l’objectif d’éviter l’exclusion sociale et le creusement des inégalités de revenu. Ces mesures pourraient prendre la forme, par exemple, d’une fiscalité environnementale reposant sur le principe du «pollueur-payeur», où ceux dont les revenus dépassent un certain seul s’acquittent de tarifs plus élevés pour consommer une énergie très émettrice de carbone. |
3.10. |
Sachant que, conformément au principe de subsidiarité, les aspects fiscaux relatifs à la transition écologique relèvent de la compétence des États membres, le CESE souligne à quel point il est important que des mesures budgétaires soient adoptées, au niveau national, pour viabiliser la transition écologique et en réduire l’impact sur les catégories vulnérables, et peut-être éviter les effets régressifs souvent associés aux taxes environnementales. |
3.11. |
Le CESE estime que, lors de la transition, la politique budgétaire devrait comprendre trois éléments: le principe du pollueur-payeur avec des mesures redistributives complémentaires en faveur des ménages à faibles revenus; une aide ciblée au revenu; et des crédits d’impôt sur les produits domestiques économes en énergie. Cette approche permettrait: i) de soutenir l’achat de véhicules électriques; ii) d’encourager l’adoption de technologies vertes dans les foyers; et iii) d’améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments. Le Comité reconnaît toutefois que la directive révisée sur la taxation de l’énergie vise également à améliorer l’efficacité énergétique tout en protégeant les groupes vulnérables. Pour les ménages dont les revenus sont les plus faibles, qui risquent de ne pas être suffisamment assujettis à l’impôt et donc ne pas bénéficier de crédits d’impôt, la mesure optimale recommandée est l’aide au revenu. |
3.12. |
Le Comité estime également que la distribution de bons par l’État à des fins d’investissements dans les technologies vertes et d’achats de produits verts pourrait contribuer à soutenir les groupes vulnérables pendant la transition. |
3.13. |
Aux Pays-Bas, l’offre de mesures fiscales aux particuliers à l’achat d’un véhicule électrique est un bon exemple d’incitation à l’acquisition de véhicules de nouvelle génération, respectueux de l’environnement, qui réduit les possibles distorsions liées à un plus large recours aux subventions. La fiscalité allégée des véhicules électriques aux Pays-Bas s’étend également aux taxes d’immatriculation et de circulation, parachevant ainsi un cadre juridique favorable. À cet égard, des crédits d’impôt pourraient cibler spécifiquement les ménages dont les revenus sont faibles par rapport à l’ensemble de la population et dont on s’attend à ce qu’ils rencontrent le plus de difficultés dans le cadre de la transition vers des technologies écologiques. |
3.14. |
Le Comité considère également que l’on pourrait encore perfectionner et analyser les expériences menées dans des États membres tels que l’Allemagne, la France et l’Italie, qui ont appliqué des taux de TVA réduits aux produits et technologies à haute performance énergétique ainsi qu’à la rénovation des logements pour augmenter l’efficacité énergétique des bâtiments. Toutefois, la TVA n’est, par définition, pas progressive. Pour adapter une telle approche aux ménages à faibles revenus, des mesures d’accompagnement comme une compensation forfaitaire peuvent donc être nécessaires pour favoriser l’adhésion de ces ménages. |
3.15. |
Le CESE souligne l’importance du Fonds pour une transition juste (FTJ), sur laquelle on ne saurait trop insister. Cet instrument financier devrait être efficacement dirigé afin d’amortir l’impact socio-économique de la transition sur les économies de l’Union qui, à l’heure actuelle, restent fortement tributaires des combustibles fossiles ou d’activités industrielles très émettrices de gaz à effet de serre, et surtout afin de faciliter la transition pour les travailleurs et les ménages touchés par les mutations en cours. |
3.16. |
Comme il a déjà eu l’occasion de le signaler dans un avis antérieur intitulé «Facilité de prêt au secteur public et modification du Fonds pour une transition juste» (6), le CESE fait observer que le Fonds pour une transition juste, aussi important soit-il, ne sera peut-être pas suffisant, sur le plan de ses ressources comme de sa portée, pour accompagner la transformation économique en cours. Le Fonds pour une transition juste devrait donc être complété par un Fonds social pour le climat doté d’un financement adéquat, comme le recommande l’avis du CESE sur «Le financement d’un fonds d’ajustement climatique à l’aide du Fonds de cohésion et de l’instrument de l’Union européenne pour la relance» (7). |
3.17. |
Le CESE fait observer que l’objectif d’un fonds supplémentaire de cette nature devrait être de protéger les catégories vulnérables et celles à bas revenu contre les effets dommageables de la transition, à condition que ce Fonds social pour le climat aille de pair avec de bonnes pratiques visant à prévenir en premier lieu toute aggravation des inégalités de revenu. Le CESE adresse cependant une mise en garde sachant que, dans le cadre de son organisation et de ses capacités financières actuelles (sans même parler du fait que sa mise en œuvre ait été retardée d’un an), il est peu probable que le Fonds social pour le climat suffise à soutenir efficacement les couches les plus vulnérables de la population, comme l’ont déjà fait valoir plusieurs parties prenantes. Pour donner un exemple, la transition des véhicules traditionnels à des véhicules électriques pourrait, dans le cas des ménages vulnérables et de ceux à faible revenu, s’avérer trop coûteuse et, partant, trop difficile à opérer en l’absence d’incitations fiscales ou d’aide financière (8). |
3.18. |
Par conséquent, le CESE suggère aux autorités compétentes aux niveaux européen et local de mettre en place des politiques budgétaires appropriées afin d’atténuer les conséquences dommageables de la transition, sans pour autant affaiblir les incitations à opérer les changements requis par le processus de transition en matière de consommation et d’investissements écologiques. Il importe de souligner que ces mécanismes devraient s’accompagner de mesures visant à assurer une gouvernance inclusive et la participation active des personnes les plus touchées par la transition écologique. Le CESE reconnaît toutefois que la directive révisée sur la taxation de l’énergie prévoit des périodes transitoires pour la taxation de certains produits ou des investissements visant à réduire la consommation d’énergie. |
3.19. |
Il tient à rappeler à l’ensemble des institutions ayant part à la transition écologique l’importance du dialogue social et de la participation utile de la société civile aux niveaux européen, national, sectoriel et régional. Le dialogue social remplit une fonction cruciale pour gérer et faciliter la transformation écologique, en garantissant une participation étendue de l’ensemble des parties intéressées tout en protégeant les catégories vulnérables et l’emploi dans toute l’Union. |
3.20. |
Le CESE note qu’il existe déjà, dans plusieurs pays d’Europe, une fiscalité progressive, des systèmes de protection sociale ciblés et des mécanismes appropriés de dialogue social, et que l’on pourrait donc s’appuyer sur les bonnes pratiques en usage pour adopter des politiques de cette nature ou les renforcer, celles-ci pouvant offrir un levier très utile afin d’éviter l’aggravation des inégalités et l’exclusion sociale. |
3.21. |
Le CESE a la ferme conviction que la démarche consistant à faire œuvre, auprès d’un large public, de pédagogie au sujet des politiques climatiques et à susciter son adhésion en leur faveur au sein des États membres sera propice à une transition écologique plus puissante et efficace, faute de quoi l’on s’exposerait au risque qu’elle perde à la fois en force et en légitimité, si la charge qu’elle implique et ses conséquences dommageables étaient supportées de manière disproportionnée par les ménages les plus pauvres. |
3.22. |
À cet égard, le CESE souligne que les pouvoirs publics devraient s’efforcer, en concertation avec la société civile, de réduire l’impact de la transition écologique sur l’emploi dans les zones les plus touchées de l’Union, y compris au moyen de politiques du marché du travail ciblées et innovantes, et notamment sous la forme de programmes d’éducation et de formation destinés aux travailleurs des industries très carbonées. |
3.23. |
Le CESE pointe le risque que le processus de transition écologique vienne aggraver les disparités régionales entre les économies les plus avancées de l’Union et celles qui restent fortement tributaires d’industries à forte intensité de carbone. Dans le même ordre d’idées, on pourrait aussi assister à un creusement des disparités et des écarts de compétitivité d’un pays à l’autre et entre les zones urbaines d’une part et les zones périphériques, rurales et reculées de l’autre. |
3.24. |
Le CESE est d’avis que la transition écologique impose de s’employer simultanément à réaliser les objectifs climatiques du pacte vert pour l’Europe et à appliquer le programme de justice sociale du socle européen des droits sociaux. La transition écologique implique une mutation structurelle (avec des changements attendus aux niveaux tant économique que social). Pour être menée à bien, elle doit s’accompagner de mesures sociales, y compris des investissements sociaux visant à faciliter la neutralité climatique et à réaliser une transition propice à des entreprises européennes dynamiques et compétitives susceptibles de générer, par exemple, des emplois verts et de la croissance économique. |
3.25. |
Par conséquent, le CESE met en avant l’importance d’une collaboration renforcée dans toute l’Union, que l’on devrait développer sur la base d’un véritable dialogue politique et social, avec pour objectif de concevoir des politiques d’accompagnement sur le plan économique et social à l’appui de la transition en cours, ledit dialogue devant être dûment adapté aux circonstances sociales et économiques des territoires concernés. |
3.26. |
Il y aurait lieu d’adopter une telle approche collaborative à l’égard d’États européens non membres de l’Union également, afin d’éviter la délocalisation des entreprises et des emplois vers des pays qui n’aspirent pas un développement économique plus écologique et plus durable comme l’Union. L’effet pourrait en être préjudiciable pour le marché intérieur, mais aussi pour la transition écologique elle-même, sous la forme à la fois d’une efficacité réduite et d’une aggravation des effets dommageables pour les couches les plus vulnérables de la population. |
3.27. |
Le Comité demande également que les États membres prennent de nouvelles mesures pour lutter contre la fraude et l’évasion fiscales et pour éviter les détournements de fonds publics, car cela apporterait des ressources supplémentaires pour financer les mesures de répartition soutenant la transition. |
3.28. |
Enfin, le CESE fait valoir que les communautés énergétiques [directive (UE) 2019/944] et les communautés d’énergie renouvelable [directive (UE) 2018/2001] pourraient devenir des outils décisifs afin d’aider les citoyens et les catégories vulnérables à faire face à la transition écologique. Ces communautés peuvent prendre les formes juridiques les plus variées (associations, coopératives, partenariats, organisations à but non lucratif ou petites/moyennes entreprises), permettant aux citoyens, ainsi qu’à d’autres acteurs du marché, de se regrouper plus facilement pour investir conjointement dans des actifs énergétiques. Cette évolution pourrait contribuer à un système énergétique plus décarboné et flexible, car les communautés énergétiques peuvent donner aux citoyens la possibilité d’accéder à tous les marchés énergétiques pertinents à des conditions de concurrence égales à celles d’autres acteurs, ce qui réduit pour eux le coût de l’énergie et peut même leur permettre éventuellement de générer des revenus. |
Bruxelles, le 12 juillet 2023.
Le président du Comité économique et social européen
Oliver RÖPKE
(1) Directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité (JO L 283 du 31.10.2003, p. 51).
(2) Les Pays-Bas encouragent l’achat de véhicules respectueux de l’environnement. Selon un rapport du groupe «Climat», des subventions allant jusqu’à 4 000 EUR sont disponibles pour l’achat ou la location de nouvelles voitures particulières électriques à batterie, et jusqu’à 5 000 EUR pour des camionnettes. Il existe également des incitations fiscales concurrentielles, telles qu’une faible taxe de circulation, l’absence de taxe sur les achats et l’absence de taxe pour utilisation ou avantages privés. Voir Netherlands: Taking action on zero emission vehicles.
(3) Directive (UE) 2019/944 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et modifiant la directive 2012/27/UE (JO L 158 du 14.6.2019, p. 125).
(4) Directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables (JO L 328 du 21.12.2018, p. 82).
(5) Le taux d’inflation a ralenti sa progression ces dernières semaines.
(6) Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la facilité de prêt au secteur public dans le cadre du mécanisme pour une transition juste» [COM(2020) 453 final — 2020/0100(COD)] et sur la «Proposition modifiée de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le Fonds pour une transition juste»[COM(2020) 460 final — 2020/0006(COD)] (JO C 429 du 11.12.2020, p. 240).
(7) Avis du Comité économique et social européen sur le financement d’un fonds d’ajustement climatique à l’aide du Fonds de cohésion et de l’instrument de l’Union européenne pour la relance (avis d’initiative) (JO C 486 du 21.12.2022, p. 23).
(8) Joanna Gill, «Can Europe’s new Social Climate Fund protect poor from rising carbon cost?», Reuters, décembre 2022.
29.9.2023 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 349/7 |
Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Renforcer le pouvoir de négociation collective dans l’ensemble de l’Union européenne»
(avis d’initiative)
(2023/C 349/02)
Rapporteur: Philip VON BROCKDORFF
Décision de l’assemblée plénière |
25.1.2023 |
Base juridique |
Article 52, paragraphe 2, du règlement intérieur |
|
Avis d’initiative |
Compétence |
Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté» |
Adoption en section |
21.6.2023 |
Adoption en session plénière |
12.7.2023 |
Session plénière no |
580 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
152/4/9 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Le CESE note que la négociation collective est un instrument essentiel dans les relations professionnelles (en supposant bien entendu que les employeurs et les syndicats soient des négociateurs volontaires), et renvoie à des recherches récentes suggérant que l’appartenance syndicale au-delà d’un certain niveau contribue à réduire les inégalités de revenus dans chaque pays, atténuant ainsi les disparités qui s’enracinent à travers les différentes strates de la société. |
1.2. |
Le CESE souligne l’importance des conclusions d’un rapport de l’OCDE qui établit que la coordination salariale joue un rôle clé pour aider les partenaires sociaux à prendre en compte les effets macroéconomiques des accords salariaux sur la compétitivité. Le CESE constate aussi que ce même rapport de l’OCDE insiste sur le rôle d’une négociation collective dynamique et forte dans la promotion de la productivité, de la compétitivité et de la croissance économique. |
1.3. |
Le CESE pense que les syndicats, tout comme les organisations d’employeurs, continuent de jouer un rôle important dans la définition des politiques économiques, sociales et de l’emploi. Toutefois, le nombre de travailleurs couverts par des accords, qu’ils soient conclus au niveau sectoriel ou de l’entreprise, continue de baisser, ce qui affaiblit le pouvoir de négociation des syndicats. |
1.4. |
Il est donc nécessaire de trouver des moyens pour que les syndicats, les employeurs et les pouvoirs publics assument un rôle plus important dans un marché du travail dynamique et recensent les possibilités de garantir la viabilité de structures saines et solides pour le dialogue social, y compris le pouvoir de négociation collective, tout en respectant l’autonomie des partenaires sociaux ainsi que les relations professionnelles nationales. |
1.5. |
Le CESE est d’avis qu’il appartient aux partenaires sociaux de définir des structures appropriées pour encadrer les négociations collectives et, le cas échéant, le dialogue social tripartite et bipartite. Le CESE reconnaît aussi que les pouvoirs publics jouent un rôle essentiel dans la prise en compte de l’importance de la négociation collective en créant les conditions propices pour la mettre en œuvre, assurer une protection contre les pratiques discriminatoires et prévenir toute tentative visant à restreindre l’exercice par les travailleurs de leur droit légal à la participation syndicale. |
1.6. |
Le CESE observe que le socle européen des droits sociaux encourage les partenaires sociaux à négocier des conventions collectives sur les questions qui les concernent, tout en respectant leur autonomie et leur droit à l’action collective (1). |
1.7. |
Le CESE note également que de nouvelles formes de travail telles que l’économie des plateformes engendrent de nouvelles difficultés pour les relations professionnelles. Cette nouvelle réalité a mis à mal le rôle «traditionnel» des syndicats en tant qu’institutions représentant le travail organisé, ainsi que celui des organisations patronales en tant qu’acteurs clés sur le marché du travail. |
1.8. |
Le CESE note que l’innovation sur le lieu de travail est essentielle au succès de toute activité économique, et recommande dès lors que, dans le cadre du processus de négociation collective, les processus d’innovation sur le lieu de travail soient traités comme partie intégrante des négociations collectives et du dialogue social en général. |
1.9. |
Le CESE est d’avis que, face à une concurrence mondiale intense ainsi qu’à la hausse des coûts de l’énergie, il pourrait être nécessaire de trouver un équilibre qui tienne compte d’intérêts mutuels tels que l’augmentation du coût de la vie pour les travailleurs, tout en reconnaissant que le dialogue social, y compris la négociation collective, peut contribuer à stimuler la productivité sur le lieu de travail. |
1.10. |
Le CESE estime aussi que la négociation collective et le dialogue social peuvent soutenir une stratégie industrielle dans le contexte de la transformation des conditions économiques, fondée sur les relations professionnelles nationales. Si une certaine flexibilité peut être nécessaire, celle-ci devrait faire l’objet d’un accord entre les partenaires sociaux et ne porter atteinte ni aux droits collectifs ni aux conditions de travail. |
1.11. |
Le CESE note que, en Europe, c’est dans les pays qui ont recours à la négociation multiemployeurs et où les négociations se déroulent principalement au niveau sectoriel voire, dans certains cas comme en Belgique, au niveau transsectoriel, que la couverture des négociations collectives est à la fois la plus large et la plus stable. |
1.12. |
Enfin, le CESE invite les gouvernements à recourir, le cas échéant, aux marchés publics en tant que moyens complémentaires de promouvoir et de reconnaître la négociation collective. |
2. Observations générales
2.1. |
La négociation collective est un processus clé dans les relations professionnelles qui établit des salaires et des conditions de travail équitables dans chaque secteur économique. Elle associe les employeurs, d’une part, et les syndicats, d’autre part. Alors que les négociations collectives sont en place depuis de nombreuses années, l’affiliation syndicale n’a cessé de diminuer au fil du temps. Des recherches montrent qu’à mesure que la syndicalisation s’érode, le pouvoir de négociation des syndicats s’affaiblit, ce qui a des répercussions sur les droits acquis des travailleurs et la négociation collective (2). De même, il est important que les entreprises participent aux associations d’employeurs concernées afin de renforcer le processus de négociation collective, les recherches faisant apparaître que ces organisations jouent un rôle essentiel dans la promotion du respect des lois, des normes de santé et de sécurité au travail, en particulier au sein de l’économie informelle (3). |
2.2. |
Une autre étude met en lumière la pertinence des syndicats pour parvenir à un équilibre des forces qui soutienne la justice sociale et la prospérité économique. Les résultats empiriques indiquent que les inégalités de revenus suivent, comme le taux de syndicalisation, une trajectoire en forme de U inversé. Dans un premier temps, ces inégalités augmentent à mesure que de plus en plus de personnes actives se syndiquent. Elles atteignent le pic de la trajectoire en forme de U inversé lorsque le taux de syndicalisation est compris entre 35 et 39 %, avant de diminuer simultanément à l’augmentation de ce taux. Par conséquent, cette étude suggère qu’à mesure que l’adhésion augmente au-delà d’une certaine fourchette, elle contribue à réduire les inégalités de revenus au sein du pays concerné (4). |
2.3. |
Alors que l’innovation au sein des entreprises, la compétitivité et la productivité sont reconnues comme des moteurs essentiels de la croissance économique dans un environnement mondial hautement concurrentiel, elles dépendent toutes les trois fortement de la main-d’œuvre et de la valeur ajoutée que les travailleurs apportent pour parvenir à leur réalisation, soit autant de facteurs qui reposent sur la participation et la contribution actives des partenaires sociaux. |
2.4. |
Comme le CESE l’a déjà indiqué dans son avis précédent (5), la création de valeur à long terme par la poursuite d’intérêts à long terme reste la prérogative des administrateurs exécutifs et, par conséquent, il convient d’encourager le renforcement de la responsabilité de ces derniers vis-à-vis de la viabilité des entreprises. En effet, cet aspect a été explicitement reconnu par le Groupe consultatif pour l’information financière en Europe (EFRAG) dans le cadre des obligations de déclarations ESG qu’il propose en vertu de la directive sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD), les entreprises admissibles étant tenues de publier le taux de couverture par des négociations collectives et un dialogue social au sein de leur main-d’œuvre, sachant que disposer d’une main-d’œuvre autonome, motivée et valorisée est considéré comme l’un des principes fondamentaux de la viabilité à long terme d’une entreprise (6). |
2.5. |
La résilience et la durabilité économiques soutiennent indirectement la cohésion sociale, puisque la résilience et la durabilité ne peuvent être atteintes qu’en donnant la priorité à la valeur ajoutée que le travail apporte à l’économie. Cette priorité prévaut dans les économies où la négociation collective, et le dialogue social en particulier, s’épanouissent et créent un équilibre des forces économiques qui favorise l’innovation au sein des entreprises, la compétitivité et la productivité, en se fondant sur la technologie et la main-d’œuvre. |
2.6. |
Malgré la baisse du taux de syndicalisation dans l’ensemble de l’Union européenne, le CESE est convaincu que les syndicats continuent de jouer un rôle important, même si dans certains États membres, son rôle dans la définition des politiques économiques, sociales et de l’emploi décline. Cependant, le nombre de travailleurs couverts par les conventions collectives est en baisse. Dans certains États membres, la représentativité des organisations d’employeurs est également source de préoccupation. Il est donc important que les partenaires sociaux trouvent, avec l’aide d’un cadre propice à leur action, des moyens de veiller à ce que la négociation collective et le dialogue social puissent servir leur objectif en tant qu’instruments pertinents et utiles, en fonction des circonstances et des pratiques nationales. Le CESE note que la négociation collective est un droit fondamental ancré dans la Constitution de l’OIT (7). La négociation collective est également un moyen par lequel les employeurs, leurs organisations et les syndicats peuvent fixer des salaires et des conditions de travail équitables, tout en tenant compte des intérêts économiques et sociaux nationaux. Dans ce contexte, le CESE fait référence à la convention no 87 de l’OIT sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, qui constitue aussi un droit fondamental, tant pour les travailleurs que pour les employeurs, à l’instar du droit même de non-affiliation. De bonnes relations de travail supposent aussi que les employeurs et les syndicats soient des négociateurs volontaires. Un certain nombre de faits concrets ont montré que ce n’était pas toujours le cas (8). |
2.7. |
L’objectif du présent avis consiste donc à explorer les justifications et les implications des différentes manières d’enrayer ce déclin, à souligner les rôles des syndicats, des employeurs et des pouvoirs publics dans un marché du travail dynamique et à recenser les possibilités de garantir la viabilité de structures saines et solides pour la négociation collective, tout en respectant l’autonomie des partenaires sociaux ainsi que les relations professionnelles nationales. |
3. Observations particulières
3.1. |
Comme indiqué dans l’avis SOC/764 «Renforcer le dialogue social» (9), le niveau d’engagement et d’efficacité du dialogue social (et implicitement de la négociation collective) varie d’un pays à l’autre. Toutefois, le Comité est d’avis qu’il appartient aux partenaires sociaux nationaux de se mettre d’accord sur une conception de la négociation collective qui soit la plus adaptée possible au contexte national. |
3.2. |
Le CESE reconnaît que les pouvoirs publics jouent un rôle essentiel dans la prise en compte de l’importance de la négociation collective en créant les conditions propices pour la mettre en œuvre, assurer une protection contre les pratiques discriminatoires et prévenir toute tentative visant à restreindre l’exercice par les travailleurs de leur droit légal à la participation syndicale. Ce cadre tripartite devrait refléter les points saillants qui ressortent de la recommandation de la Commission relative au renforcement du dialogue social, en accordant la priorité à la garantie de l’équité sociale tout en stimulant la prospérité et la résilience de l’Europe. |
3.3. |
Le CESE observe que le socle européen des droits sociaux (10) encourage les partenaires sociaux à négocier des conventions collectives, tout en respectant leur autonomie et leur droit à l’action collective. Le CESE demande de surcroît que les partenaires sociaux soient consultés pour ce qui concerne la conception et la mise en œuvre des politiques économiques, sociales et de l’emploi. Il regrette cependant que les consultations ne soient pas mises sur pied avec la même conviction et le même engagement dans l’ensemble de l’Union. Le CESE précise également que, dans le droit fil du socle européen des droits sociaux et chaque fois que nécessaire, les conventions conclues entre les partenaires sociaux seront mises en œuvre au niveau de l’Union et de ses États membres. Ce principe suppose qu’un niveau minimal de protection soit assuré. |
3.4. |
Le monde du travail continue de changer, les nouvelles pratiques de travail déterminant la vie professionnelle de millions d’européens. Les nouvelles formes de travail dans le cadre de l’économie des plateformes engendrent des difficultés considérables dans le domaine des relations de travail. Le CESE est d’avis que cette nouvelle réalité a affecté les syndicats tout comme les organisations patronales, et qu’il est nécessaire de s’y adapter rapidement tout en préservant les droits fondamentaux des travailleurs, dans l’esprit de la proposition de directive de la Commission sur les travailleurs de plateformes. |
3.5. |
La négociation collective est essentielle pour l’existence et la pertinence mêmes des syndicats et aussi pour garantir un équilibre des pouvoirs entre employeurs et travailleurs. Le CESE estime que la négociation collective, y compris le dialogue social en général, devraient aussi inclure l’innovation sur le lieu de travail en vue de stimuler la productivité et de faire face aux changements potentiels des pratiques de travail qui ont une incidence sur le bien-être et la vie professionnelle des travailleurs. Le Comité reconnaît que cette situation constitue un défi supplémentaire pour les syndicats. Les employeurs devraient bien entendu continuer d’assumer la responsabilité des décisions prises au niveau de l’entreprise. Le Comité recommande que, dans le respect des systèmes nationaux de relations professionnelles, le rôle des syndicats dans les processus d’innovation sur le lieu de travail soit reconnu comme partie intégrante du rôle dévolu au dialogue social et à la négociation collective. |
3.6. |
Il est important de souligner que les conclusions d’un rapport de l’OCDE (11) réaffirment que la négociation collective est un droit du travail essentiel qui a aussi la capacité d’améliorer les performances sur le lieu de travail. Le même rapport conclut, avec une certaine inquiétude, que ce droit est soumis à la pression exercée par l’affaiblissement général des relations de travail ainsi que par l’essor de nouvelles formes d’emploi souvent précaires. Il confirme la pression qui s’exerce partout en Europe sur les négociations collectives, ainsi que le caractère impérieux d’une action politique. Il fournit en outre tous les éléments nécessaires pour renforcer la négociation collective de sorte que celle-ci soit plus flexible et plus réactive face à l’évolution du monde du travail. Dans ce contexte, le CESE est d’avis qu’il convient de trouver un équilibre qui tienne compte des intérêts mutuels tels que l’augmentation du coût de la vie pour les travailleurs et une concurrence mondiale accrue, tout en reconnaissant que les négociations collectives et le dialogue social peuvent stimuler la productivité grâce à l’innovation sur le lieu de travail et favoriser le développement des compétences. En outre, la négociation collective et le dialogue social pourraient soutenir une stratégie industrielle dans le contexte de la transformation des conditions économiques, fondée sur les relations professionnelles nationales. Bien que la flexibilité, telle que l’ont adoptée les partenaires sociaux, devrait permettre de s’adapter à l’évolution de la situation et de trouver un équilibre entre les besoins des entreprises et des travailleurs, celle-ci ne devrait pas risquer de porter atteinte aux droits collectifs, ni s’imposer au détriment des conditions de travail. En outre, toute flexibilité du travail dûment encadrée par la législation ou la négociation collective implique des avantages pour les travailleurs comme pour les employeurs. |
3.7. |
En ce qui concerne les accords au niveau de l’entreprise et les conventions sectorielles dans le processus de négociation collective, il n’existe pas de formule permettant de déterminer si l’un est plus applicable que l’autre. Par ailleurs, comme indiqué dans la directive relative à des salaires minimaux adéquats (12), il incombe aux partenaires sociaux des différents États membres de procéder à une analyse des forces et faiblesses des deux formes de convention, et d’établir si les versions sectorielles ou à l’échelle de l’entreprise, voire une combinaison des deux, constituent la meilleure voie à suivre pour accroître la couverture des négociations collectives. Par exemple, les études montrent qu’en Europe, c’est dans les pays qui ont recours à la négociation multiemployeurs et où les négociations se déroulent principalement au niveau sectoriel voire, dans certains cas comme en Belgique, au niveau transsectoriel, que la couverture des négociations collectives est à la fois la plus élevée et la plus stable (13). Il va de soi que les efforts visant à accroître cette couverture doivent tenir compte de la situation qui prévaut dans chaque pays. |
3.8. |
Le CESE reconnaît qu’augmenter l’adhésion à des syndicats et à d’autres organisations d’employeurs reste un formidable défi et, alors que le dialogue social et la négociation collective sont — et sont appelés à rester — de nature volontaire, il recommande aux partenaires sociaux des différents États membres de relever ledit défi en explorant des méthodes appropriées pour garantir une adhésion viable à leurs organisations. |
3.9. |
Le CESE observe qu’il existe une multitude de mécanismes nationaux de concertation sociale reflétant les différentes situations économiques et politiques des États membres. Selon une note de la Commission (14), la négociation collective est caractérisée par une transition vers une décentralisation des négociations au niveau des entreprises. Les données disponibles montrent que la couverture des négociations collectives tend à être plus importante lorsque les négociations sont centralisées et que les conventions sont étendues à des parties non signataires. |
3.10. |
Le CESE souligne aussi l’importance de la conclusion du rapport susmentionné de l’OCDE qui établit que la coordination salariale joue un rôle clé pour aider les partenaires sociaux à prendre en compte la situation conjoncturelle ainsi que les effets macroéconomiques des accords salariaux sur la compétitivité (15). Par ailleurs, le Comité est d’avis que le processus de négociation dépendra des circonstances prévalant au niveau des entreprises, qu’elles soient petites ou grandes. |
3.11. |
Le CESE exhorte les partenaires sociaux à renforcer la pertinence des systèmes de négociation collective en évaluant comment cette dernière, à tous les niveaux, pourrait de manière équilibrée apporter une valeur ajoutée aux travailleurs comme aux employeurs dans tous les secteurs de l’économie et de la société. Dans ce contexte, il convient de noter que le dernier rapport de l’OCDE sur les perspectives de l’emploi insiste sur le rôle d’une négociation collective dynamique et forte dans la promotion de la productivité, de la compétitivité et de la croissance économique. |
3.12. |
Le CESE note le rôle important que les pouvoirs publics jouent ou pourraient jouer dans le dialogue avec les employeurs et les syndicats en vue d’une coopération plus étroite, ainsi que dans le soutien aux politiques macroéconomiques. Lesdits pouvoirs publics eux-mêmes sont bien évidemment des employeurs de premier plan. Ils négocient ainsi régulièrement avec des syndicats qui représentent les travailleurs et peuvent établir, dans certains États membres, le modèle qui servira pour l’ensemble de l’économie. Ils jouent en outre un rôle clé dans la mise en place de conditions propices à la paix sociale, à la stabilité des prix, à l’augmentation de la productivité et à des modèles d’emploi non discriminatoires. Pour atteindre ces objectifs, et dans le respect de l’autonomie des partenaires sociaux, le Comité plaide en faveur d’un renforcement de la négociation collective pour le plus grand profit tant des entreprises que des travailleurs. Au titre de ces mesures, nous recommandons que les gouvernements utilisent les marchés publics lorsque cela s’avère pertinent, en tant que moyens complémentaires de soutenir et de promouvoir la négociation collective, comme indiqué dans deux avis antérieurs du CESE (16). |
3.13. |
Comme indiqué précédemment, une flexibilité convenue dans la négociation collective peut s’avérer nécessaire. Toutefois, le CESE est d’avis que toute modification convenue des conventions collectives doit garantir un équilibre entre les intérêts et les avantages des deux parties. S’il convient de promouvoir les accords à l’échelle nationale et sectorielle, le Comité reconnaît qu’en ce qui concerne les négociations au niveau de l’entreprise, la flexibilité du travail, correctement réglementée par la législation ou la négociation collective, peut s’avérer profitable tant pour les employeurs que pour les travailleurs. Il convient de faire en sorte que ces négociations reposent sur une confiance mutuelle et des structures de négociation efficaces, tout en veillant à ne pas permettre une détérioration des conditions de travail. Cela étant dit, il convient de trouver, dans la mesure du possible, une position intermédiaire pour mieux organiser les systèmes décentralisés et permettre aux conventions sectorielles de fixer des conditions-cadres générales, laissant les négociations au niveau des entreprises définir des dispositions plus détaillées. En effet, les études suggèrent que les systèmes hybrides de négociation collective, impliquant des systèmes sectoriels et à plusieurs niveaux coordonnés, permettent d’améliorer les résultats, tant pour les travailleurs que pour les entreprises (17). |
Bruxelles, le 12 juillet 2023.
Le président du Comité économique et social européen
Oliver RÖPKE
(1) Principe 8.
(2) Schnabel, C. (2020). «Union membership and collective bargaining: trends and determinants» («Affiliation syndicale et négociation collective: tendances et déterminants», disponible en anglais uniquement), Springer International Publishing, 2020, p. 1-37.
(3) OIT (2013). «The informal economy and decent work: A policy resource guide supporting transitions to formality» (Économie informelle et travail décent: guide de ressources sur les politiques — soutenir les transitions vers la formalité). Organisation internationale du travail (OIT).
(4) Montebello, R., Spiteri, J., & Von Brockdorff, P. (2022). «Trade unions and income inequality: Evidence from a panel of European countries» («Syndicats et inégalités de revenus: données d’un panel de pays européens», disponible en anglais uniquement), International Labour Review, 2022.
(5) Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Pas de pacte vert sans pacte social» (avis d’initiative) (JO C 341 du 24.8.2021, p. 23).
(6) https://www.efrag.org/?AspxAutoDetectCookieSupport=1.
(7) Ce qui a été également réaffirmé dans la déclaration de l’OIT sur les principes et droits fondamentaux au travail de 1998.
(8) Pisarczyk, Ł. (2023). «Towards rebuilding collective bargaining? Poland in the face of contemporary challenges and changing European social policy». (Vers la reconstruction de la négociation collective? La Pologne face aux défis actuels et à l’évolution de la politique sociale européenne). Industrial Relations Journal.
(9) Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Renforcer le dialogue social dans l’Union européenne: exploiter tout son potentiel au service de transitions justes [COM(2023) 40 final] (JO C 228 du 29.6.2023, p. 87).
(10) Principe 8.
(11) https://www.oecd.org/fr/emploi/negotiating-our-way-up-1fd2da34-en.htm.
(12) Directive (UE) 2022/2041 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relative à des salaires minimaux adéquats dans l’Union européenne (JO L 275 du 25.10.2022, p. 33).
(13) https://www.etui.org/services/facts-figures/benchmarks/what-s-happening-to-collective-bargaining-in-europe.
(14) https://commission.europa.eu/system/files/2016-03/social-dialogue-involvement-of-workers_en.pdf.
(15) https://www.oecd.org/fr/emploi/negotiating-our-way-up-1fd2da34-en.htm.
(16) Avis du Comité économique et social européen sur «Des salaires minimum décents dans toute l’Europe» (avis exploratoire à la demande du Parlement européen et du Conseil) (JO C 429, 11.12.2020, p. 159); et avis du Comité économique et social européen sur «la passation de marchés publics comme instrument pour créer de la valeur et de la dignité dans le travail dans les services de nettoyage et d’entretien» (avis d’initiative) (JO C 429, 11.12.2020, p. 30).
(17) Braakmann, N., Brandl, B. (2016). «The efficacy of hybrid collective bargaining systems: An analysis of the impact of collective bargaining on company performance in Europe» (L’efficacité des systèmes hybrides de négociation collective: une analyse de l’impact de la négociation collective sur les performances des entreprises en Europe).
29.9.2023 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 349/12 |
Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Suivi des mesures prises en matière d’inflation et d’énergie et résilience énergétique de l’Union européenne dans les secteurs économiques essentiels»
(avis d’initiative)
(2023/C 349/03)
Rapporteur: |
Felipe MEDINA MARTÍN |
Décision de l’assemblée plénière |
25.1.2023 |
Base juridique |
Article 52, paragraphe 2, du règlement intérieur |
|
Avis d’initiative |
Compétence |
Section «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information» |
Adoption en section |
26.6.2023 |
Adoption en session plénière |
12.7.2023 |
Session plénière no |
580 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
151/1/2 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Le présent avis du Comité économique et social européen (CESE) a pour objectif d’évaluer les répercussions que la crise énergétique, survenue après la pandémie de COVID-19 et la guerre d’agression russe contre l’Ukraine, a entraînées sur les entreprises européennes, leurs travailleurs et l’ensemble des citoyens européens. Le CESE constate que des problèmes de grande ampleur sont apparus dans l’ensemble de l’économie, tels que des hausses disproportionnées des coûts de production, la réorganisation des chaînes d’approvisionnement, des difficultés d’approvisionnement en denrées alimentaires et autres marchandises, le renchérissement des investissements ou encore la perte de pouvoir d’achat des ménages européens. |
1.2. |
Le CESE se montre préoccupé par les niveaux élevés qu’a atteint l’inflation en Europe en raison des coûts de l’énergie et de ceux des matières premières, suivis des prix des services et des biens industriels. L’inflation en Europe connaît un pic jamais atteint depuis la création de l’euro. Le CESE demande instamment aux institutions européennes de mettre en place des mécanismes de contrôle, à l’instar de ceux figurant dans le document élaboré par le Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC). Il conviendrait notamment, par exemple, d’appliquer intégralement les mesures énoncées dans le projet de règlement du Conseil, lequel prévoit une réforme majeure et un ajustement de l’organisation du marché de l’électricité. Le CESE invite les États membres de l’Union à mettre en œuvre les actes qu’elle a déjà adoptés, tels que le train de mesures sur l’énergie propre, qui contribue à accélérer la transition écologique et à approfondir le marché intérieur. |
1.3. |
Le CESE estime qu’il est urgent de réformer l’encadrement temporaire de crise révisé de l’Union européenne (UE) face aux augmentations vertigineuses des coûts résultant de la guerre en Ukraine et de la crise énergétique. Il recommande en outre d’appliquer l’encadrement temporaire des aides d’État de manière que l’ensemble des secteurs touchés par la crise énergétique, et tout particulièrement les secteurs essentiels, puissent percevoir les aides prévues par le règlement sur une intervention d’urgence pour faire face aux prix élevés de l’énergie et par la facilité pour la reprise et la résilience, afin de ne pas compromettre la capacité de survie de nombreuses entreprises, d’éviter les effets négatifs sur le coût de la vie des consommateurs et de ne pas restreindre leurs possibilités d’accéder aux produits de base au quotidien. De plus, le CESE réclame une nouvelle fois l’introduction d’une «règle d’or» permettant de réaliser les investissements publics nécessaires. |
1.4. |
Le CESE estime que les ménages et les secteurs essentiels devraient bénéficier des plans visant à atténuer l’incidence des prix élevés de l’énergie. Si certains secteurs ont enregistré des bénéfices très élevés, les déclarations de faillite au sein de l’UE ont connu une augmentation substantielle de 26,8 % en glissement trimestriel, atteignant une valeur sans précédent de 113,1, selon un indice utilisé par Eurostat pour mesurer le niveau des faillites dans l’UE par rapport à une valeur de référence de 100, correspondant à l’année 2015. Le CESE invite la Commission et les États membres à s’efforcer de veiller à ce que les ménages et les secteurs essentiels puissent s’approvisionner en énergie de manière constante lorsque seront mises en œuvre des mesures de réduction de la demande aux heures de pointe. Dans le même temps, certaines entreprises, principalement dans le secteur de l’énergie, ont accru leurs bénéfices dans le contexte de l’inflation existante, comme le fait valoir la Banque centrale européenne (BCE) (1). Il faut s’emparer de la question des bénéfices dans ce secteur, qui ont continué de stimuler l’inflation au sein de l’Union. |
1.5. |
Les répercussions de la crise énergétique sur l’économie ont pris la forme d’une inflation élevée, d’une croissance économique anémique, d’une forte pression sur les finances publiques et le pouvoir d’achat des ménages et des entreprises, ainsi que d’une baisse de la compétitivité économique extérieure. Le CESE suggère d’instaurer, sur le modèle des recommandations de la BCE, le critère du «triple T écologique» afin que les interventions futures soient adaptées aux besoins, ciblées et à l’épreuve des transitions (tailored, targeted and transition-proof). Dans une perspective à plus long terme, les mesures non ciblées concernant les prix, telles que le plafonnement des prix de certaines denrées alimentaires, ne feraient que prolonger la période d’inflation élevée. |
1.6. |
La persistance de l’inflation à un niveau élevé, due notamment aux prix de l’énergie, provoque une perte générale de pouvoir d’achat des travailleurs, des consommateurs et des entreprises en Europe, affectant ainsi les conditions de vie de nombreuses familles, la demande intérieure et la croissance. Cette situation, conjuguée à la poursuite de la politique monétaire consistant à relever les taux d’intérêt, a aussi des effets négatifs sur bon nombre d’entreprises. Le CESE est convaincu de l’importance que revêt le dialogue social dans le secteur de l’énergie pour prendre les décisions appropriées au niveau national. |
1.7. |
Le CESE invite instamment les gouvernements à encourager la mise en place de mesures d’économie et d’efficacité énergétique dans les entreprises et les ménages en vue de réduire durablement la demande d’énergie. Dans cette perspective, il convient de favoriser, en établissant les conditions juridiques et fiscales nécessaires, y compris l’introduction d’une «règle d’or en matière d’investissements», l’essor des énergies renouvelables afin de réduire notre dépendance à l’égard des combustibles fossiles. La situation actuelle doit servir de levier pour accélérer la décarbonation de l’économie de l’Union. Ces mesures doivent s’accompagner de garanties de non-délocalisation couplées à des aides financières. Le moment est venu de réaliser les investissements nécessaires dans la transformation énergétique de l’Europe et de mettre en place les conditions-cadres budgétaires requises à cet effet pour réduire la dépendance à l’égard des combustibles fossiles. Le CESE estime en outre qu’il faut aller de l’avant dans les changements proposés par le plan REPowerEU afin de rationaliser et d’accélérer l’octroi de permis pour l’installation d’infrastructures destinées aux énergies renouvelables. Dans ce contexte, il invite instamment l’Union et les États membres à examiner comment faire en sorte que le prix payé pour l’énergie excédentaire injectée dans le réseau permette d’effectuer des investissements viables afin de maximiser la capacité de production d’énergie renouvelable et de partager cette énergie lorsque son volume dépasse les besoins propres. La Commission européenne devrait inscrire dans son programme à long terme la refonte de l’organisation du marché de l’énergie afin d’éviter à l’avenir des perturbations de l’approvisionnement énergétique et des prix exorbitants. |
2. Observations générales
2.1. |
La vague d’inflation qui déferle sur l’Europe est générale et comporte deux phases que l’on peut distinguer clairement. La première trouve son origine dans la période de reprise qui a succédé au confinement de la population dû à la pandémie de COVID-19. Le fait de remettre en route tous les secteurs d’un seul coup a généré des goulets d’étranglement dans les chaînes d’approvisionnement, lesquels ont entraîné une hausse des coûts des matières premières et des frais de transport. Entre janvier 2020 et mars 2022, les prix des matières premières ont augmenté de 101 % (2) et ceux du fret de 545 % (3). |
2.2. |
La guerre d’agression russe contre l’Ukraine et la guerre qui s’en est suivie à partir de février 2022 ont déclenché une deuxième phase inflationniste, qui a frappé principalement l’énergie et certains produits dont la Russie comme l’Ukraine étaient de grands fournisseurs pour l’Union européenne, à savoir le gaz naturel, le blé, l’huile de tournesol et les engrais. Entre février et avril 2022, les prix de ces marchandises ont connu une hausse respective de 18,6 %, 16,8 %, 38,6 % et 16,7 % (4). Ces coûts ont par la suite été maîtrisés, même si, en mars 2023, l’indice des prix des matières premières du FMI et celui des prix du fret dépassaient encore, respectivement, de 40,9 % et de 3,6 % leurs niveaux de janvier 2020. |
2.3. |
Les répercussions de ces événements sur l’économie mondiale et européenne ont pris la forme d’une inflation. D’après Eurostat, le taux de variation annuel de l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) (5) au sein de la zone euro a atteint 11,5 % au mois d’octobre — un pourcentage jamais égalé depuis le siècle dernier et qui s’avère très difficile à atténuer, malgré la baisse enregistrée au cours des derniers mois (ce taux est retombé à 8,3 % en mars 2023). La tendance à la hausse que poursuit l’inflation sous-jacente (excluant l’énergie) dans la majeure partie de l’Europe est bien la preuve que le choc des prix n’a rien de passager, comme on le pensait initialement. Cela peut être le signe que la politique monétaire mise en place par la BCE ne produit pas les résultats escomptés. |
3. L’incidence de l’inflation sur l’économie européenne
3.1. |
Le CESE constate que les perspectives économiques se sont détériorées à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022. Le scénario économique qui se profile (6) pour les années à venir est celui d’un ralentissement par rapport à 2022, même si ces prévisions tendent à s’améliorer au fil des mois. Si la Commission européenne estimait cet hiver que la croissance du PIB pour l’ensemble de l’Union atteindrait 0,8 % en 2023 et s’élèverait modestement à 1,6 % en 2024, les récentes prévisions de printemps font passer ces pourcentages respectivement à 1,0 % et 1,7 %. En parallèle, l’inflation devrait diminuer progressivement, quoiqu’à un rythme plus lent que prévu initialement, passant ainsi de 9,2 % en 2022 à 6,7 % en 2023 puis 3,1 % en 2024. Le marché du travail sera sous tension en raison de la faible croissance, et l’actuelle hausse de la dette publique, due notamment au relèvement rapide des taux d’intérêt par la BCE, exercera une pression sur le budget de la plupart des États membres. |
3.2. |
Les 96,5 millions d’européens exposés au risque de pauvreté ou d’exclusion sociale sont ceux qui souffrent le plus de l’inflation élevée. Dans un sondage Eurobaromètre, 41 % des répondants indiquent que l’un des principaux problèmes auxquels leur pays est confronté réside dans les prix, l’inflation et le coût de la vie, devant la santé (32 %) et la situation économique (19 %). |
3.3. |
L’Union a subi une coupure quasi totale de l’approvisionnement en gaz en provenance de Russie, en conséquence des décisions politiques qui ont été prises, et près de la moitié des États membres ont été touchés, à des degrés divers, par la réduction des livraisons. La hausse de l’inflation et des prix des produits de base, les pénuries de main-d’œuvre et les ruptures dans les chaînes d’approvisionnement mondiales ont des répercussions négatives sur les chaînes d’approvisionnement en Europe, qu’il s’agisse de produits alimentaires ou non alimentaires. Selon les perspectives économiques de l’OCDE, la croissance mondiale devrait brusquement ralentir pour s’établir à environ 2,2 % en 2023. |
3.4. |
Selon la BCE, l’augmentation des prix de l’énergie est responsable à concurrence des deux tiers de l’écart d’inflation dans la zone euro. D’après la Commission, entre 2019 et 2022, le secteur de l’énergie a enregistré une hausse des marges bénéficiaires de 54 %, tandis que la revalorisation des salaires n’y a été que de 6 %. La perte générale de pouvoir d’achat des travailleurs, des consommateurs et des entreprises en Europe affecte non seulement les conditions de vie de nombreuses familles, mais pourrait également, à défaut de mesures pour y remédier, avoir des répercussions sur la demande intérieure et la croissance et, partant, sur d’autres secteurs d’activité. Dans l’ensemble, cette situation découle aussi de la poursuite de la politique monétaire consistant à relever les taux d’intérêt. Le CESE est convaincu de l’importance que revêt le dialogue social dans le secteur de l’énergie pour prendre les décisions appropriées au niveau national. |
3.5. |
Alors que les prix à la consommation ont globalement augmenté en Europe, les salaires se sont comportés de manière moins volatile, ce qui a affaibli le pouvoir d’achat des citoyens européens, en particulier les catégories les plus vulnérables, auxquelles il manque des outils pour se prémunir contre l’inflation. De fait, on observe d’ores et déjà des changements de comportement des consommateurs dus à la perte de pouvoir d’achat des ménages, lesquels sont confrontés à une crise majeure du coût de la vie liée à la hausse vertigineuse des factures énergétiques et aux répercussions de l’inflation. Les instruments auxquels ont eu recours les États membres pour protéger les ménages vulnérables sont très divers et peuvent, dans certains cas, présenter une efficacité limitée. La Commission européenne devrait étudier la possibilité d’élaborer des normes minimales que les régulateurs et les décideurs politiques devraient appliquer afin de protéger et de soutenir les ménages vulnérables. |
3.6. |
L’un des secteurs qui pâtissent le plus de l’effet combiné de la pandémie et de la guerre est celui de la production de denrées alimentaires — qui recouvre l’agriculture, l’élevage et l’industrie alimentaire — et de leur distribution jusqu’au consommateur final. La proximité de la guerre et ses répercussions sur les marchés de l’énergie et des matières premières font naître un écart entre l’Europe et les marchés internationaux pour ce qui est des prix des produits agricoles, dont l’augmentation a été plus forte sur le continent européen. Ainsi, d’après le tableau de bord des prix des matières premières d’avril 2023, les prix de la plupart des produits agricoles européens enregistrent un taux de croissance plus élevé que le taux mondial, en particulier s’agissant des produits à base de viande. Cette évolution produit trois effets importants: premièrement, la population européenne subit plus fortement l’inflation pour l’ensemble des produits de première nécessité; deuxièmement, les produits alimentaires européens deviennent de moins en moins compétitifs à l’échelle internationale; et troisièmement, les prix payés aux agriculteurs ont augmenté en raison de la hausse des coûts de production. |
3.7. |
La guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine a provoqué des problèmes considérables dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire, qui vont au-delà de la spirale des coûts de l’énergie: des intrants essentiels, tels que les aliments pour animaux et les engrais, ont vu leurs prix augmenter et certains produits de base comme les huiles végétales ou le blé, nécessaires pour maintenir le bon fonctionnement d’une chaîne d’approvisionnement, sont en pénurie. L’effet domino de l’augmentation des coûts pousse les acteurs concernés à réduire la production d’engrais, ce qui favorisera encore davantage la flambée des prix. Les sécheresses qui ont sévi partout en Europe durant l’été 2022 et depuis le début de l’année 2023 exercent quant à elles de nouvelles pressions sur les prix en réduisant l’offre disponible. |
3.8. |
Certains secteurs essentiels, y compris les entreprises et les travailleurs, qui, quelle que soit la situation, ne peuvent stopper leur activité, doivent par conséquent supporter une double charge: un nombre moindre de consommateurs disposés à payer et des coûts croissants, notamment des factures d’énergie astronomiques. Les entreprises du secteur alimentaire se sont efforcées de circonscrire la hausse des coûts afin de garantir aux consommateurs des prix compétitifs, mais elles craignent à présent une crise de la consommation [Hidalgo, M., 2023 (7); EuroCommerce, 2023]. Récemment, le gouvernement espagnol a publié (8) son premier rapport de l’Observatoire des marges commerciales, dans lequel il indique que les marges dans la chaîne alimentaire ont diminué de 25 % depuis 2021, faisant ainsi ressortir clairement la forte hétérogénéité de l’évolution des marges bénéficiaires. |
Dans le même temps, certaines entreprises, principalement dans le secteur de l’énergie, ont accru leurs bénéfices dans le contexte de l’inflation existante, comme le fait valoir la Banque centrale européenne (BCE) (9). Il faut s’emparer de la question des bénéfices dans ce secteur, qui ont continué de stimuler l’inflation au sein de l’Union.
3.9. |
La Banque d’Espagne (10) fait état des retombées très positives de ce qu’elle appelle l’«exception ibérique» ou le «mécanisme ibérique» sur le système de tarification du marché de l’électricité. Elle évoque également l’impact positif, bien que plus limité, de la réduction de la TVA sur les prix des denrées alimentaires et des carburants, même si elle ajoute que cette mesure aurait eu un coût moindre si elle avait été concentrée sur les aides destinées aux familles à faibles revenus. La Banque d’Espagne mentionne en outre l’incidence positive des relèvements du salaire interprofessionnel minimal, des pensions et du revenu minimum vital que le gouvernement espagnol a décidés afin d’atténuer les effets de l’inflation sur les ménages à faibles revenus. |
4. L’incidence des hausses du coût de l’énergie sur la rentabilité des entreprises européennes
4.1. |
Les prix de gros de l’électricité et du gaz ont été multipliés par 15 depuis le début de l’année 2021, ce qui a eu de graves répercussions sur les consommateurs et les entreprises. Pour y répondre, les gouvernements européens ont commencé à appliquer un ensemble de politiques, dont certaines visent à atténuer l’impact de l’augmentation des coûts sur les consommateurs et les entreprises. Un autre type de mesure a pour but de stabiliser et faire baisser les prix de gros et de garantir la sécurité énergétique. Le CESE invite instamment la Commission européenne et les États membres à entreprendre une vaste réforme de l’organisation du marché de l’électricité et du système de calcul du prix de l’électricité, conformément à ce qu’il avait exposé dans son avis TEN/793 (11). |
4.2. |
Les prix de l’énergie se répercutent sur les coûts des entreprises de manières très diverses: premièrement, ils se reflètent dans le coût de l’approvisionnement en énergie électrique proprement dit; deuxièmement, ils affectent de manière indirecte le reste de la chaîne d’approvisionnement; et troisièmement, ils entraînent de potentielles conséquences financières. À titre d’exemple, dans une étude ex ante publiée au printemps 2022 (12), la Banque d’Espagne a estimé qu’une augmentation cumulée de 25 % du coût de l’énergie pour les entreprises se traduirait par une réduction de leur valeur ajoutée brute (VAB) de 1,6 % en 2023. Ce chiffre représente toutefois une moyenne. Selon le rapport, certains secteurs souffrent davantage que d’autres; le secteur qui en tire le plus grand profit est celui de l’extraction de pétrole et de gaz naturel, tandis que les branches d’activité qui seraient les plus affectées sont: la pêche et l’aquaculture, le transport terrestre, le transport par voie d’eau, le commerce et la réparation de véhicules à moteur, l’agriculture et l’élevage, l’éducation, le transport aérien, les activités immobilières, la cokéfaction et le raffinage de pétrole, les activités sanitaires et les services sociaux, ainsi que l’hôtellerie et la restauration. Certains de ces secteurs ont démontré leur importance pour le bon fonctionnement de l’économie de l’Union pendant la pandémie. Bon nombre des secteurs les plus touchés ne sont pas considérés comme des industries électro-intensives dans le cadre de leur activité de production, mais sont néanmoins de grands consommateurs d’électricité. |
4.3. |
Outre l’incidence directe et indirecte sur la VAB (les marges) des entreprises, il se produirait un autre effet prenant la forme d’une augmentation de la vulnérabilité financière. Le rapport de la Banque d’Espagne mentionne les secteurs les plus touchés. Un groupe de secteurs seraient particulièrement vulnérables, en ce qu’ils seraient confrontés non seulement à un endettement excessif, mais aussi à des rendements négatifs en 2023: le commerce et la réparation de véhicules à moteur; le transport par voie terrestre et par conduites; la pêche et l’aquaculture; l’agriculture et l’élevage; et l’industrie du textile, de l’habillement, du cuir et de la chaussure. |
4.4. |
Au fur et à mesure que les stocks de gaz naturel accumulés en Europe diminueront — en mai 2023, les installations de stockage de gaz étaient remplies à hauteur de 68 % (13) —, la gestion de notre politique énergétique nous posera des défis supplémentaires. L’écart entre les volumes précédemment livrés par la Russie et ceux des autres fournisseurs ne s’est pas encore résorbé, de sorte qu’il est peu probable que les prix diminuent à court terme. En revanche, une forte baisse de la demande a bel et bien été enregistrée. Les prix élevés de l’énergie ont pour conséquence une compétitivité amoindrie de notre industrie et de nos chaînes d’approvisionnement, favorisant l’externalisation d’activités en dehors du territoire de l’Union et affaiblissant ainsi l’indépendance stratégique du bloc. Les effets sur les ménages, notamment les plus vulnérables, sont particulièrement significatifs, puisqu’un nombre toujours plus grand de personnes se trouvent exposées au risque de pauvreté ou en situation de pauvreté. Ce scénario perdurera au moins jusqu’en 2024 (14). Pour lutter contre ces problèmes, le CESE recommande un certain nombre de mesures, notamment des garanties de localisation liées à un soutien financier, des mesures supplémentaires et indispensables en matière d’économies d’énergie et d’efficacité énergétique dans les entreprises pour faire baisser la demande, des investissements massifs et la mise en place des conditions-cadres budgétaires nécessaires à l’expansion de la production d’énergies renouvelables, dans l’optique de réduire la dépendance à l’égard des combustibles fossiles. |
4.5. |
Par conséquent, en raison de l’explosion des coûts énergétiques, nombre d’entreprises et de ménages s’enfoncent de plus en plus dans une situation susceptible de les menacer dans leur subsistance. Bien que l’hiver ait été relativement doux, il ne faut pas s’attendre à ce que les conditions environnementales soient toujours favorables. Il s’impose par conséquent d’agir en la matière pour protéger les ménages particulièrement vulnérables, en adoptant des mesures spécifiques à leur égard. |
4.6. |
Pour ce qui est des entreprises, les augmentations massives de leurs coûts, conjuguées à la réticence des consommateurs à dépenser, peuvent même déboucher, dans certains cas, sur la délocalisation impérative des activités. Il s’agit toutefois d’une démarche dans laquelle ne sauraient s’engager les entreprises qui fournissent un service essentiel pour leurs clients et le reste de la chaîne d’approvisionnement, et qui ne peuvent simplement cesser leurs activités en raison des hausses des prix de l’énergie. |
4.7. |
Si, pendant la pandémie de COVID-19, un grand nombre de secteurs et leurs travailleurs ont été considérés comme essentiels, cette reconnaissance fait cruellement défaut dans la crise énergétique actuelle. Jusqu’à présent, les États membres n’ont pas apporté de soutien spécifique à nombre de ces secteurs. Les entreprises y appartenant et leurs travailleurs se sont efforcés de protéger les consommateurs au détriment de leurs propres marges, et il leur est difficile de répercuter sur leurs clients le coût total de la hausse exorbitante des factures énergétiques. Cette situation ne saurait se maintenir sur le long terme. Le CESE considère par ailleurs que les gouvernements ne protègent pas les citoyens avec le même niveau d’intensité que pendant la pandémie. |
4.8. |
Un grand nombre d’entreprises réalisent actuellement des investissements massifs pour réduire leur consommation d’énergie et accroître leur capacité à améliorer l’accès à des énergies renouvelables. Le CESE estime que les entreprises peuvent également agir pour accélérer l’électrification du transport et remplacer le gaz destiné au chauffage, en jouant un rôle essentiel dans la transition énergétique et la réalisation des objectifs de l’Union en matière d’énergies renouvelables à l’horizon 2030. À cette fin, il faudra néanmoins un cadre réglementaire propice, prévoyant l’octroi de permis et des mesures de lutte contre la dissuasion par les prix à produire plus d’énergie. |
4.9. |
Le CESE souligne qu’il importe d’adapter les obligations prévues au titre du plan REPowerEU et celles en matière de performance énergétique des bâtiments en fonction des aides apportées aux opérateurs et de leur capacité à supporter le coût des investissements considérables qui en découlent. Si de telles mesures seront importantes pour réduire la dépendance à l’égard des combustibles fossiles, les obligations devraient néanmoins être liées à la disponibilité des ressources financières, tant publiques que privées. La Commission européenne devrait inscrire dans son programme à long terme la réorganisation du marché de l’énergie afin d’éviter à l’avenir des perturbations de l’approvisionnement énergétique et des prix exorbitants. Par ailleurs, il y a lieu d’envisager de former la main-d’œuvre à laquelle le secteur fera appel. |
Dans le même ordre d’idées, le CESE estime que les deux programmes devraient également refléter les aspects pratiques liés à la disponibilité d’équipements et de main-d’œuvre qualifiée en ce qui concerne les obligations d’installer des stations de recharge rapide des véhicules ou celles relatives aux infrastructures pour les carburants de substitution. Il est nécessaire de veiller à ce que les fonds déboursés au titre des nouvelles propositions puissent être utilisés pour garantir la mise en œuvre de cette transition dans les délais prévus.
Bruxelles, le 12 juillet 2023.
Le président du Comité économique et social européen
Oliver RÖPKE
(1) Étude de la BCE sur l’inflation, 2023.
(2) Indice des prix des matières premières, FMI. Disponible à l’adresse https://www.imf.org/en/Research/commodity-prices.
(3) Freightos Baltic Index (indice des taux de fret). Disponible à l’adresse https://fbx.freightos.com/.
(4) Indice des prix des matières premières, FMI. Disponible à l’adresse https://www.imf.org/en/Research/commodity-prices.
(5) Eurostat. Disponible à l’adresse https://ec.europa.eu/eurostat.
(6) https://economy-finance.ec.europa.eu/economic-forecast-and-surveys/economic-forecasts/spring-2023-economic-forecast-improved-outlook-amid-persistent-challenges_fr.
(7) «Marges et bénéfices des détaillants espagnols de produits alimentaires en 2022».
(8) Observatoire des marges commerciales (Observatorio de márgenes empresariales, OME), rapport trimestriel 2023/T3 (bde.es).
(9) Étude de la BCE sur l’inflation, 2023.
(10) https://www.bde.es/f/webbe/SES/Secciones/Publicaciones/PublicacionesAnuales/InformesAnuales/22/Files/InfAnual_2022_En.pdf.
(11) Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant les règlements (UE) 2019/943 et (UE) 2019/942 ainsi que les directives (UE) 2018/2001 et (UE) 2019/944 afin d’améliorer l’organisation du marché de l’électricité de l’Union [COM(2023) 148 final — 2023/0077 (COD)] (JO C 293 du 18.8.2023, p. 112).
(12) Disponible à l’adresse https://www.bde.es/f/webbde/Secciones/Publicaciones/InformesBoletinesRevistas/InformesEstabilidadFinancera/22/IEF_2022_1_Rec1_4.pdf.
(13) Information disponible à l’adresse https://agsi.gie.eu/data-overview/eu.
(14) EIU (2023), «Energy crisis will erode Europe’s competitiveness in 2023» («En 2023, la crise de l’énergie affaiblira la compétitivité de l’Europe»). Disponible à l’adresse https://www.eiu.com/n/energy-crisis-will-erode-europe-competitiveness-in-2023/.
29.9.2023 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 349/18 |
Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Consommation économe en eau et sensibilisation des consommateurs à leur empreinte hydrique»
(avis d’initiative)
(2023/C 349/04)
Rapporteure: |
Milena ANGELOVA |
Décision de l’assemblée plénière |
25.1.2023 |
Base juridique |
Article 52, paragraphe 2, du règlement intérieur |
|
Avis d’initiative |
Compétence |
Section «Marché unique, production et consommation» |
Adoption en section |
29.6.2023 |
Adoption en session plénière |
12.7.2023 |
Session plénière no |
580 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
190/2/6 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
L’eau est essentielle à la vie, à l’environnement et à l’économie et, à ce titre, il s’agit d’un bien commun qui doit non seulement être accessible et abordable pour tous, mais surtout être respecté et protégé. En raison de l’influence humaine et du changement climatique, la rareté de l’eau augmente au niveau mondial, ainsi qu’en Europe, où le stress hydrique touche environ 20 % du territoire et 30 % de la population (1). Le Comité économique et social européen (CESE) se félicite de la législation globale de l’Union qui a été introduite dans ce domaine (2) et demande qu’elle soit mise en œuvre rapidement et efficacement, de manière à garantir une consommation rationnelle de l’eau et à ce que chaque citoyen européen ait accès à cette ressource. |
1.2. |
Le CESE demande que des mesures spécifiques soient élaborées et mises en œuvre rapidement pour sensibiliser davantage à une consommation économe en eau et promouvoir les innovations technologiques visant à accroître l’efficacité de l’utilisation de l’eau dans les systèmes de production. Il appelle en outre de ses vœux la réduction au minimum du gaspillage et la mise en place de stratégies de recyclage. Conformément à l’application du principe du «pollueur-payeur», il invite instamment l’Union et les États membres à prendre des mesures décisives pour garantir que l’ensemble des parties prenantes respectent les règles en vigueur (3). |
1.3. |
Le CESE fait valoir qu’aux fins d’une consommation économe en eau, il importe au plus haut point d’informer, de sensibiliser, d’encourager et d’orienter les consommateurs. Les décideurs politiques, les partenaires sociaux, les organisations de la société civile et toutes les parties prenantes se partagent la responsabilité de communiquer en toute clarté sur la valeur de l’eau et sur l’empreinte hydrique, de favoriser l’emploi d’appareils économes en eau et d’inciter les consommateurs à adopter des comportements qui favorisent les économies d’eau et à s’employer sans relâche à y exceller. |
1.4. |
Le CESE demande à l’Union européenne, à ses États membres, aux autorités compétentes, aux exploitants du secteur de l’eau et à toutes les parties engagées dans cette démarche de s’attacher, autant que le permettent leurs compétences, à améliorer constamment la disponibilité, l’accessibilité et une consommation économe de l’eau. Cet effort recouvre des aspects essentiels, tels que mieux protéger les ressources en eau potable, passer à une utilisation circulaire de l’eau, assurer l’approvisionnement public en eau moyennant un prix équitable des services, et prévenir la précarité hydrique. |
1.5. |
Le CESE suggère que les mesures suivantes soient rapidement mises en œuvre afin de renforcer la consommation économe en eau et la sensibilisation des consommateurs à leur empreinte hydrique, ainsi que de contribuer à une «société intelligente dans ses usages de l’eau» (4): |
1.5.1. Mesures visant à promouvoir une consommation économe en eau et à orienter les consommateurs sur cette voie
1.5.1.1. |
Assurer une communication claire concernant la valeur de l’eau (mesure mise en œuvre par les autorités compétentes et les exploitants du secteur de l’eau). Des campagnes de communication visant à modifier les comportements à long terme devraient être menées pour sensibiliser les consommateurs à la valeur de l’eau et des services liés à son utilisation, ainsi que, plus spécifiquement, pour informer des mesures d’urgence à court terme en réponse aux situations de crise causées par le changement climatique, telles qu’une sécheresse ou des inondations. Les enfants constituent un groupe cible important. Pour certains usages, il devrait devenir normal de remplacer l’eau potable par une eau provenant d’autres sources moins habituelles, par exemple, autant que possible, l’eau de pluie pour arroser les jardins, laver les voitures, etc. |
1.5.1.2. |
Encourager l’utilisation d’appareils et dispositifs économes en eau (mesure mise en œuvre par l’UE et les États membres). À l’heure actuelle, les ménages utilisent de nombreux appareils et dispositifs qui consomment de l’eau. Grâce aux progrès de la technologie, ces dernières années, nombre d’entre eux ont considérablement réduit leur consommation d’eau, contribuant ainsi à la tendance générale à la baisse de l’utilisation d’eau par habitant. Des mesures d’incitation supplémentaires sont nécessaires afin d’encourager les producteurs à continuer d’innover pour que leurs appareils consomment l’eau de manière plus rationnelle, et d’amener les clients à les acheter et à les utiliser. Tous ces appareils et dispositifs devraient faire l’objet d’un étiquetage relatif à leur consommation d’eau. |
1.5.1.3. |
Informer les consommateurs sur leur empreinte hydrique (mesure mise en œuvre par l’UE et les États membres). La consommation réelle d’eau des ménages va bien au-delà de l’utilisation d’eau potable. Chaque produit et service consommé contient une certaine quantité d’eau (5) et, souvent, l’empreinte hydrique des consommateurs se retrouve en grande partie en dehors de leur région ou de leur pays d’origine, voire de l’Union européenne. Les choix des consommateurs ont donc une incidence sur l’utilisation de l’eau aux niveaux régional, national et mondial. L’empreinte hydrique constitue un paramètre efficace d’un point de vue éducatif et il a récemment été intégré dans les programmes que de nombreux services publics ont créés pour les écoles. Plusieurs calculateurs d’empreinte hydrique sont disponibles en ligne, permettant aux consommateurs d’entrer leurs données et d’obtenir les chiffres de leur empreinte. Il convient de les faire connaître des consommateurs grâce à des campagnes d’information. |
1.5.2. Mesures visant à améliorer la disponibilité, l’accessibilité et l’utilisation rationnelle de l’eau
1.5.2.1. |
Assurer l’approvisionnement public en eau (mesure mise en œuvre par les États membres et les exploitants du secteur de l’eau). Dans le cadre d’une approche globale, il convient de prendre des mesures pour améliorer l’efficacité et la résilience du système de fourniture et de distribution d’eau potable grâce à un meilleur contrôle des fuites, le cas échéant, à l’exploitation d’autres sources d’eau potable et à diverses actions appropriées. Cet ajustement nécessite également, en vue de protéger la santé publique et le bien-être, que les États membres envisagent de prendre des mesures pour garantir que l’approvisionnement public en eau soit prioritaire par rapport aux autres utilisations de l’eau en période de grave pénurie. |
1.5.2.2. |
Garantir un prix équitable pour les services liés à l’utilisation de l’eau sur la base d’une récupération intégrale des coûts, tout en garantissant un prix abordable pour les groupes vulnérables (mesure mise en œuvre par les autorités compétentes). La directive 2000/60/CE impose aux États membres de tenir compte du principe de récupération des coûts des services liés à l’utilisation de l’eau, au moins en ce qui concerne l’industrie, les ménages et l’agriculture. Selon les données de la Commission et de l’OCDE, la récupération intégrale de ces coûts n’est réalisée que dans neuf États membres (6). Dans la plupart des cas, elle concerne uniquement les ménages. Tandis que les États membres devraient prendre des mesures pour garantir l’accessibilité et le caractère abordable des services liés à l’utilisation de l’eau pour les groupes les plus vulnérables (7), il importe que les tarifs de l’eau reflètent le coût réel de ces services. Combinée à un relevé précis de la consommation, cette disposition permettrait aux consommateurs d’être mieux informés sur ce coût. Les États membres devraient examiner la possibilité d’une tarification fondée sur la «valeur de l’eau», ce qui garantirait que cette ressource rare soit également préservée pour les générations futures. Les tarifs de l’eau pourraient contenir des signaux de prix afin d’en assurer une utilisation plus rationnelle. Par exemple, ils pourraient augmenter lorsqu’un ménage dépasse un certain volume de consommation par habitant ou lorsqu’une pénurie temporaire menace l’approvisionnement en eau. |
1.5.2.3. |
Mesurer efficacement la consommation d’eau en augmentant la précision des relevés (mesure mise en œuvre par les États membres, les municipalités et les fournisseurs d’eau):
|
1.5.2.4. |
Mieux protéger les ressources en eau potable (mesure mise en œuvre par l’UE et les États membres). Les ressources en eau potable doivent être protégées contre les contaminations d’origine humaine. À cet effet, il convient de mettre rigoureusement en œuvre le plan d’action «zéro pollution» de l’Union en appliquant, conformément au principe du pollueur-payeur, les principes de précaution et de contrôle à la source à toutes les substances préoccupantes susceptibles de s’infiltrer dans les réserves d’eau potable. Les contaminants peuvent également provenir de sources industrielles [substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS), produits pharmaceutiques, désinfectants, etc.] ou agricoles (pesticides, nitrates). L’Union procède actuellement à la révision des actes législatifs pertinents susceptibles de prévenir la pollution à la source, notamment la directive 2010/75/UE (8), le règlement (CE) no 1907/2006 (9), la directive 2009/128/CE (10), le règlement (CE) no 726/2004 (11) et la directive 2001/83/CE (12). Il convient de veiller à ce que ces futures règles protègent efficacement nos ressources en eau. |
1.5.2.5. |
Passer à une utilisation circulaire de l’eau (mesure mise en œuvre par l’UE, les États membres et les exploitants du secteur de l’eau). La réutilisation de l’eau permet de consommer cette ressource de manière plus rationnelle. D’une part, les ménages devraient être encouragés à collecter autant que possible l’eau de pluie et à l’utiliser à des fins appropriées, y compris l’arrosage des jardins et le nettoyage. D’autre part, des mesures efficaces de contrôle à la source devraient être prises pour garantir que les eaux usées qu’ils produisent ne contiennent pas de contaminants susceptibles de compromettre la réutilisation des eaux résiduaires traitées à des fins d’irrigation ou pour d’autres usages. |
1.5.2.6. |
S’adapter au changement climatique (mesure mise en œuvre par les États membres, les municipalités et les responsables de l’assainissement des eaux usées). Toutes les régions ne sont pas touchées de la même manière par le changement climatique. Il est important d’adapter les mesures aux conditions locales. D’une manière générale, il conviendra de repenser la planification urbaine en transformant les villes en «éponges» (13). Cette adaptation permettra d’améliorer le climat urbain, d’évacuer les eaux de pluie et de réduire le nombre de débordements d’égouts combinés. |
1.5.2.7. |
Assurer la bonne gouvernance (mesure mise en œuvre par les États membres, les régions et les municipalités). Des structures de gouvernance claires et efficaces sont nécessaires pour susciter le changement. Elles devraient renforcer la coopération entre tous les acteurs et définir les responsabilités. Les actions devraient se fonder sur des prévisions précises des effets du changement climatique au niveau régional et sur l’évolution des schémas de demande en eau (agriculture, industrie, évolution démographique, etc.) pour les décennies à venir. |
1.5.2.8. |
Faire des pouvoirs publics des pionniers (mesure mise en œuvre par les États membres et les municipalités). Étant responsables de l’élaboration et de la mise en œuvre des mesures stratégiques et des modalités pratiques, les pouvoirs publics, notamment les institutions européennes, devraient jouer un rôle de premier plan dans la réduction de leur empreinte hydrique. |
2. Postulat
2.1. |
Dans le cadre de l’initiative phare du CESE pour 2023 visant à faire de l’eau une priorité importante aux niveaux européen et mondial, le présent avis d’initiative examine les mesures nécessaires pour que, dans l’Union, les consommateurs utilisent l’eau de manière plus rationnelle, en tenant compte des enjeux environnementaux, des lacunes en matière de connaissances et de l’état d’avancement des technologies connexes. Il présente des idées pour optimiser la façon dont les ménages consomment et rejettent l’eau, sur la base d’une vision globale du rôle des consommateurs et de leurs besoins en ce qui concerne la quantité et la qualité des ressources en eau, et il formule des propositions concrètes à cet effet. |
2.2. |
L’eau est essentielle à la vie, à l’environnement et à l’économie et il s’agit, à ce titre, d’un bien commun qui doit être respecté et protégé. Toutefois, les ressources hydriques de l’Europe sont menacées par le changement climatique, étant donné que de nombreux bassins hydrographiques, et en particulier la Méditerranée (14), connaissent une baisse générale des précipitations et des périodes de sécheresse plus longues, tandis que dans la plupart des régions, les pluies abondantes se multiplient et provoquent des inondations désastreuses. Par ailleurs, en raison de l’élévation du niveau de la mer, l’eau salée est susceptible de pénétrer dans les aquifères d’eau douce. |
2.3. |
Il existe un déséquilibre croissant entre la disponibilité des ressources locales et la demande en eau des utilisateurs finaux, ce qui représente une grave menace de pénuries d’eau à l’avenir. Alors que la disponibilité en eau est déterminée par des facteurs essentiels tels que les précipitations, la géographie, les tendances climatiques et la contamination, la consommation et la demande d’eau dépendent principalement du comportement humain. En outre, les activités humaines, y compris celles des ménages, ont une incidence sur la qualité des ressources en eau disponibles. La pollution anthropique du milieu aquatique réduit la disponibilité de ressources en eau utilisables et augmente le coût et les incidences environnementales du traitement nécessaire pour que l’eau atteigne les niveaux de qualité requis pour certaines activités (eau potable, utilisation industrielle, irrigation, etc.). Des études (15) mettent en évidence que l’absence d’une surveillance avancée de la qualité de l’eau dans les masses d’eau de l’Union européenne constitue l’une des principales causes des catastrophes environnementales dues à la pollution des eaux. |
2.4. |
Selon l’Agence européenne pour l’environnement (AEE), en Europe, le stress hydrique touche en moyenne chaque année environ 20 % du territoire et 30 % de la population totale (16). L’AEE déclare que «le stress hydrique se produit lorsqu’il n’y a pas suffisamment d’eau disponible pour répondre aux exigences de l’environnement, de notre société et de notre économie, en matière de quantité ou de qualité. Le stress hydrique est un terme général englobant sécheresse, pénurie quantitative, qualité de l’eau et accessibilité de l’eau» (17). |
2.5. |
L’eau destinée à être bue représente environ 10 % de l’ensemble des utilisations de l’eau, tandis que 58 % incombent à l’agriculture, la foresterie et la pêche, et 18 % à la distribution d’électricité, de gaz, de vapeur et d’air conditionné (18). |
2.6. |
Pour ce qui est des prélèvements d’eau, l’eau destinée à être bue représente environ 20 % de leur quantité totale. Le captage pour assurer le refroidissement dans la production d’électricité (19) (32 %) et celui pour l’agriculture (28 %) sont les principaux contributeurs au volume annuel total des prélèvements en eau (20). |
2.7. |
Étant donné que la contamination des ressources en eau par des nutriments, comme l’azote et le phosphore, et par de nombreuses substances dangereuses, telles que celles qui présentent un caractère cancérogène ou mutagène cumulatif, constitue un risque grave pour la santé et l’environnement, et que le traitement nécessaire pour purifier l’eau coûte cher et consomme force ressources, le CESE appelle de ses vœux une mise en œuvre rapide de la législation globale de l’UE actuellement en vigueur. Il réaffirme que les politiques industrielles et agricoles de l’Union doivent réduire les émissions de polluants tout en soutenant la croissance et la compétitivité. L’eau étant un bien commun, le CESE plaide pour que l’eau potable soit mise gratuitement à la disposition de tous les citoyens de l’UE par l’intermédiaire de fontaines et de sources d’eau accessibles conformément à la directive (UE) 2020/2184. Dans le cas des concessions d’eau minérale, il demande que l’on s’efforce de mettre une source à la disposition du public. |
2.8. |
Tandis que le présent avis porte essentiellement sur la consommation et la disponibilité des ressources hydriques, il vise également à résoudre les problèmes relatifs à leur qualité, dans la mesure où ils en influencent les possibilités d’utilisation. Par conséquent, l’objectif stratégique est d’éviter que les écosystèmes aquatiques ne se détériorent davantage, de les protéger et d’améliorer leur état, ainsi que de garantir la réduction progressive de la pollution des eaux souterraines et d’empêcher qu’elle ne se poursuive. |
2.9. |
Pour garantir une eau de qualité et de quantité suffisantes pour les générations actuelles et futures, il est nécessaire de prendre conscience de tous les problèmes et de leurs causes profondes. Chaque citoyen ou consommateur doit connaître l’importance de l’eau et sa valeur en tant que ressource limitée. Il convient en outre d’entretenir une large sensibilisation aux questions relatives aux ressources hydriques, en adoptant des mesures en conséquence, et ce, dès le niveau de la sphère privée. C’est précisément à cet effet que la récente directive (UE) 2020/2184 recommande aux États membres de prendre des mesures pour mieux faire connaître l’importance de la qualité et de la consommation de l’eau potable. |
2.10. |
Il y a lieu de prendre en considération de nombreux facteurs et aspects qui ont des incidences directes et indirectes sur l’importance et les effets de la consommation d’eau des ménages, notamment:
|
3. Indicateurs de l’utilisation de l’eau
3.1. |
Si l’approche globale d’optimisation de la consommation d’eau doit être complète, les indicateurs utilisés devraient être aussi peu nombreux et aussi simples que possible. La valeur ajoutée qu’apporte l’augmentation du nombre d’indicateurs ou l’utilisation d’indicateurs agrégés complexes, tels que des empreintes et des indices, risque de ne pas être élevée par rapport aux ressources nécessaires pour leur suivi, leur analyse et leur traitement. Il est donc essentiel de trouver les indicateurs les plus pertinents et les plus influents, en tenant compte de l’utilité des informations requises. Il convient d’établir une distinction entre, d’une part, les indicateurs utilisés par les économistes, les scientifiques ou les décideurs politiques pour définir des problèmes, élaborer des stratégies et mesurer les progrès accomplis dans la réalisation d’objectifs déterminés, et, d’autre part, ceux employés dans le cadre de la communication à l’intention des consommateurs. À des fins stratégiques, il est important d’évaluer une série d’indicateurs directement ou indirectement liés à la consommation d’eau qui permettront d’estimer l’efficacité des politiques, en accordant une attention particulière à la cohérence et à la continuité du suivi des paramètres. Les indicateurs utilisés par l’AEE servent ici de références. |
3.2. |
Leur élaboration a été guidée par la nécessité de recenser un petit nombre d’indicateurs utiles pour l’action stratégique, qui sont stables dans le temps, sans être statiques, et qui peuvent apporter des réponses à certaines questions prioritaires, notamment sur le plan environnemental, social et économique. |
3.3. |
La consommation d’eau exprimée en litres par personne et par jour (l/pers./j) constitue l’indicateur le plus pertinent pour mesurer la consommation d’eau des ménages. Les données disponibles montrent d’importantes variations allant de 77 à 220 l/pers./j (21). |
3.4. |
Les mesures visant à encourager une consommation économe en eau doivent tenir compte de l’ensemble du cycle de l’eau et couvrir à la fois les aspects qualitatifs et quantitatifs. Elles devraient non seulement examiner le captage et la consommation d’eau potable, mais également prendre en considération les avantages de l’utilisation circulaire de l’eau, à savoir sa réutilisation, et faire comprendre que l’eau est également incorporée dans les produits et services consommés. Elles permettraient ainsi aux ménages de mieux comprendre l’incidence de leurs choix de consommation sur la qualité et la quantité des ressources hydriques disponibles dans leur région, leur pays et le monde entier. Elles aideraient également les citoyens à prendre plus systématiquement conscience de tous les aspects de leurs modes de consommation d’eau à titre individuel, qu’ils soient domestiques ou non, et à savoir comment rendre leur consommation plus rationnelle. Le rôle des organisations de la société civile est essentiel pour les aider à choisir et à mettre en œuvre des stratégies visant à accroître l’efficacité et l’efficience de leur consommation. |
3.5. |
S’il est nécessaire d’assurer une consommation économe en eau dans toutes les régions d’Europe, l’urgence est plus grande dans les zones qui connaissent des pénuries d’eau ou des épisodes de sécheresse plus fréquents. L’efficacité du système d’approvisionnement en eau devrait être incluse dans la stratégie générale afin de garantir une approche globale. Il convient en outre que les fournisseurs d’eau adoptent des stratégies davantage tournées vers l’avenir afin de dégager des solutions, y compris l’évaluation et la gestion des risques liés au système d’approvisionnement, la gestion des fuites ou d’autres sources d’eau. |
3.6. |
Bien que la théorie suggère d’utiliser une pléthore d’autres paramètres indicateurs, le thème de l’eau s’y prêtant particulièrement, il y a lieu de tenir compte du fait que la recherche de données supplémentaires, ainsi que leur validation et leur diffusion représentent un travail considérable. Ces activités relèvent de la compétence des structures centrales européennes, mais aussi des États membres et de leurs agences ou sociétés d’exploitation respectives qui recherchent et produisent de telles données. Toutefois, la multiplication des opérations ne permet pas nécessairement d’en améliorer la qualité des résultats. Par conséquent, au lieu d’ajouter de nouveaux indicateurs, il est préférable d’utiliser au mieux ceux qui existent déjà. |
Bruxelles, le 12 juillet 2023.
Le président du Comité économique et social européen
Oliver RÖPKE
(1) Agence européenne pour l’environnement (AEE), «Water resources across Europe — confronting water stress: an updated assessment» («Ressources en eau en Europe — faire face au stress hydrique: évaluation actualisée»), rapport no 12/2021, 2021 (en anglais uniquement).
(2) Paquet «Ajustement à l’objectif 55», directive-cadre sur l’eau, directive relative à l’eau potable, règlement sur la réutilisation de l’eau, etc.
(3) Voir par exemple https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/IP_14_1151 et https://www.politico.eu/article/italy-biggest-steel-mill-mockery-eu-environmental-rules/.
(4) Site internet de Water Europe, déclaration de programme: «The Value of Water — Towards a Water-smart Society» («La valeur de l’eau — Vers une société intelligente dans ses usages de l’eau»), 2023.
(5) Water Footprint Network, «Water Footprint Assessment» («Évaluation de l’empreinte hydrique», disponible en anglais uniquement), consulté le 22 mai 2023.
(6) OCDE, «Background note: Cost recovery» («Note d’information: récupération des coûts», disponible en anglais uniquement), avril 2022.
(7) Directive (UE) 2020/2184 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2020 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine (JO L 435 du 23.12.2020, p. 1).
(8) Directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles (prévention et réduction intégrées de la pollution) (JO L 334 du 17.12.2010, p. 17).
(9) Règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006 concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) no 793/93 du Conseil et le règlement (CE) no 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO L 396 du 30.12.2006, p. 1).
(10) Directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d’action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable (JO L 309 du 24.11.2009, p. 71).
(11) Règlement (CE) no 726/2004 du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments (JO L 136 du 30.4.2004, p. 1).
(12) Directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain (JO L 311 du 28.11.2001, p. 67).
(13) «Les “villes éponges” sont des zones urbaines disposant d’abondants espaces naturels sous la forme par exemple d’arbres, de lacs et de parcs ou d’autres dispositifs adéquats destinés à absorber les eaux pluviales et à prévenir les inondations», article publié (en anglais) sur le site internet des champions de l’action climatique de la CCNUCC, 11 avril 2022, https://climatechampions.unfccc.int/what-are-sponge-cities-and-how-can-they-prevent-floods/, consulté le 7 juin 2023.
(14) Un rapport du GIEC [«Cross-Chapter Paper 4: Mediterranean Region» («Document transversal 4: région méditerranéenne»), figurant dans la publication «Climate Change 2022: Impacts, Adaptation and Vulnerability» («Changement climatique 2022: conséquences, adaptation et vulnérabilité»), disponible en anglais uniquement] indique que «la région méditerranéenne est un point névralgique de risques climatiques étroitement interconnectés».
(15) Agence européenne pour l’environnement, «Pollution in Europe’s rivers» («La pollution des rivières en Europe»).
(16) Voir note no 1.
(17) Voir note no 1.
(18) Cour des comptes européenne, Rapport spécial 12/2021, «Principe du pollueur-payeur: une application incohérente dans les différentes politiques et actions environnementales de l’UE» (reprenant des données chiffrées de l’AEE).
(19) Les effets que produit l’utilisation de l’eau pour refroidir les usines sur la disponibilité des ressources hydriques ne sont toutefois pas particulièrement clairs. Généralement, l’eau est prélevée dans des masses d’eau de surface ou dans la mer puis renvoyée, habituellement, en totalité ou quasi-totalité dans ces masses d’eau.
(20) AEE, «Water abstraction by source and economic sector in Europe» («Captage d’eau par source et secteur économique en Europe», disponible en anglais uniquement), 1er juin 2022.
(21) EurEau (Association européenne des professionnels du secteur de l’approvisionnement en eau), The governance of water services in Europe («La gouvernance des services liés à l’eau en Europe»), 2020 (en anglais).
29.9.2023 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 349/24 |
Avis du Comité économique et social européen sur la révision du règlement sur l’étiquetage des produits textiles
(avis exploratoire)
(2023/C 349/05)
Rapporteure: |
Antje Sabine GERSTEIN |
Consultation |
Commission européenne, 20.1.2023 |
Base juridique |
Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
Compétence |
Section «Marché unique, production et consommation» |
Adoption en section |
29.6.2023 |
Adoption en session plénière |
12.7.2023 |
Session plénière no |
580 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
196/1/4 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Le Comité économique et social européen (CESE) soutient l’approche de la Commission européenne, qui, pour la révision du règlement sur l’étiquetage des produits textiles, part principalement du potentiel des nouvelles technologies en matière d’étiquetage numérique, de fibres et de leur classification ainsi que de recyclage, et reconnaît ainsi l’ampleur du nouveau contexte réglementaire global de l’Union pour les textiles. |
1.2. |
Les attentes concernant le niveau de détail des informations fournies par les étiquettes des textiles varient d’un consommateur à l’autre. La révision du règlement sur l’étiquetage des produits textiles doit répondre à ces différentes attentes en offrant dans un premier temps des informations de base faciles à comprendre, tout en donnant accès à des données plus détaillées. |
1.3. |
Étant donné que le secteur textile est l’un des plus mondialisés, le CESE estime qu’il est de la plus haute importance que la Commission européenne vise à harmoniser les exigences en matière d’étiquetage en ce qui concerne l’origine, les instructions d’entretien, la taille et la composition en fibres, tant au niveau européen qu’international. |
1.4. |
Le CESE invite la Commission européenne à tenir compte des besoins particuliers des PME dans ce secteur. Pour faire en sorte que les emplois et les compétences de ce secteur économique soient non seulement préservés, mais puissent également évoluer, le nouveau règlement sur l’étiquetage des produits textiles doit offrir une flexibilité suffisante pour répondre aux besoins et aux capacités des PME, de sorte à prévenir toute délocalisation supplémentaire, étant donné que le secteur emploie 1,3 million de personnes à travers l’Union. |
2. Observations générales
2.1. |
La stratégie de l’Union européenne pour des textiles durables et circulaires a annoncé la révision du règlement sur l’étiquetage des produits textiles [règlement (UE) no 1007/2011 (1)] qui exige que, lorsqu’ils sont vendus sur le marché de l’Union, ces articles portent une étiquette indiquant clairement leur composition en fibres et toute partie non textile d’origine animale. Dans le cadre de ce réexamen, la stratégie mentionne la possibilité d’introduire une obligation de divulguer d’autres types d’informations, telles que les paramètres de durabilité et de circularité, la taille du produit et, le cas échéant, son pays de fabrication, c’est-à-dire la mention «fabriqué en». |
2.2. |
Dans son avis, le CESE envisage d’étendre la portée du règlement actuel en passant en revue certains éléments déjà énumérés à l’article 24 du texte ainsi que d’autres paramètres relatifs à la durabilité et à la circularité, de sorte à maintenir une cohérence avec les propositions législatives actuelles, telles que le règlement établissant un cadre pour la fixation d’exigences en matière d’écoconception applicables aux produits durables. L’avis tiendra compte de la perspective de l’industrie, et notamment des coûts et de l’amélioration de l’échange d’informations tout au long de la chaîne de valeur, mais aussi du point de vue des consommateurs, afin de garantir qu’ils disposent d’informations correctes, précises et claires. |
2.3. |
Le CESE soutient l’approche de la Commission européenne, qui part principalement du potentiel des nouvelles technologies en matière d’étiquetage numérique, de fibres et de leur classification ainsi que de recyclage, et reconnaît ainsi l’ampleur du nouveau contexte réglementaire global de l’Union pour les textiles, y compris l’initiative sur les allégations écologiques de la Commission européenne (2). |
2.4. |
Dans ce cadre, le Comité souligne que de nombreux aspects liés au secteur textile sont déjà abordés dans des propositions législatives horizontales extrêmement complexes; pour la plupart d’entre elles, le processus législatif est déjà en cours. La responsabilité sociale des entreprises et les questions liées au travail sont traitées dans la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité et dans le règlement sur le travail forcé. La directive pour donner aux consommateurs les moyens d’agir et la directive relative aux allégations écologiques réguleront bientôt la communication des allégations écologiques, alors que la directive-cadre relative aux déchets abordera les concepts de base liés à la gestion de la fin de vie. |
2.5. |
Les attentes concernant le niveau de détail des informations fournies par les étiquettes des textiles varient d’un consommateur à l’autre. La révision du règlement sur l’étiquetage des produits textiles doit répondre à ces différentes attentes en offrant dans un premier temps des informations de base faciles à comprendre, tout en donnant accès à des données plus détaillées, par exemple en fournissant volontairement des renseignements normalisés sur le processus de production. |
2.6. |
Le CESE précise que la révision du règlement sur l’étiquetage des produits textiles est une initiative REFIT, qui vise clairement à simplifier la législation de l’Union, à l’adapter à sa finalité et à la rendre moins coûteuse pour l’industrie et les consommateurs. Pour les entreprises, cette démarche doit inclure la réduction des coûts de mise en conformité, mais aussi la clarté et la cohérence de la réglementation. Les consommateurs ont quant à eux besoin d’informations correctes, complètes et comparables sur les produits textiles. Le CESE souligne l’importance d’une harmonisation maximale, afin d’aider le secteur à réussir sa transition vers une circularité globale. |
2.7. |
Le CESE demande que des mesures soient prises d’urgence en ce qui concerne le système de classification des fibres: dans sa version actuelle, il n’est pas assez flexible pour aborder le développement de fibres innovantes, dont l’incidence environnementale est souvent plus faible que celle de leurs équivalents traditionnels. Pour de nombreux producteurs de nouvelles fibres, cette paralysie est frustrante, car elle les empêche d’étiqueter correctement leurs produits. En outre, puisque ces nouveaux composants ne peuvent pas encore figurer sur les étiquettes textiles, leur identification reste très compliquée pour les recycleurs, ce qui entrave actuellement la circularité dans le secteur. Le CESE remarque également que cette lacune réglementaire a aussi une incidence négative sur la perception des consommateurs, puisque certains produits pourraient en réalité être bien plus durables que ce qui est indiqué sur les étiquettes actuelles. |
2.8. |
Le CESE estime qu’il est de la plus haute importance que la Commission européenne vise à harmoniser les exigences en matière d’étiquetage en ce qui concerne l’origine, les instructions d’entretien, la taille et la composition en fibres, tant au niveau européen qu’international. Le secteur textile est l’un des plus mondialisés. Quel que soit leur lieu de fabrication, les vêtements sont destinés à de multiples zones géographiques (Union européenne, États-Unis, etc.), qui ont de nombreuses exigences différentes en matière d’étiquetage (3). Il convient d’envisager des règles d’étiquetage internationales et des normes harmonisées à l’échelon mondial, lorsque c’est possible. |
2.9. |
L’exigence d’une harmonisation maximale est liée à une demande politique claire du CESE visant à éviter de porter davantage atteinte au marché intérieur, alors que des règles d’étiquetage de plus en plus disparates semblent émerger dans les différents États membres. Le Comité estime donc qu’il est vital et urgent que la Commission européenne propose la révision du règlement sur l’étiquetage des produits textiles en 2023, année qui marque justement le trentième anniversaire du marché unique. |
2.10. |
Le CESE invite la Commission européenne à tenir compte des besoins particuliers des PME dans ce secteur. Pour faire en sorte que les emplois et les compétences de ce secteur économique soient non seulement préservés, mais puissent également évoluer, le nouveau règlement sur l’étiquetage des produits textiles doit offrir une flexibilité suffisante pour répondre aux besoins et aux capacités des PME, de sorte à prévenir toute délocalisation supplémentaire, étant donné que le secteur emploie 1,3 million de personnes à travers l’Union (4). Par exemple, les PME ne sont pas en mesure de faire réaliser un contrôle généralisé de la conformité par un organisme de certification, alors qu’elles sont l’épine dorsale de la production industrielle de textiles au sein de l’Union. Une approche raisonnable consisterait à envisager des procédures d’«autocertification», telles que le contrôle interne de la fabrication prévu à l’annexe II de la décision no 768/2008/CE (5), par lesquelles les PME informent les consommateurs et leur offrent des garanties. |
3. Observations particulières
3.1. Classification des fibres
3.1.1. |
Ces dernières années, l’industrie textile a développé différentes nouvelles fibres présentant une empreinte environnementale plus faible que leurs équivalents plus traditionnels. Si ces matériaux peuvent être fabriqués au moyen de matières premières similaires, leur technique de production et leurs propriétés diffèrent souvent sensiblement de celles des fibres conventionnelles. Les nouvelles fibres ne sont pas reconnues par les classifications générales qui existent aujourd’hui à l’annexe I. Elles sont donc renseignées sous un nom différent, ou sous l’appellation «autres». Au vu de la transition écologique et circulaire, la révision du règlement sur l’étiquetage des produits textiles devrait permettre que des fibres présentant des caractéristiques claires soient reconnues comme telles à l’annexe I. La révision anticipée devrait être mieux adaptée, de sorte à refléter les progrès dynamiques accomplis dans le domaine des fibres innovantes. |
3.1.2. |
Une large gamme de nouvelles fibres possédant des caractéristiques distinctives est déjà sur le point d’être commercialisée, ou le sera à l’avenir. Le processus actuel de mise à jour de l’annexe I est toutefois opaque et incertain pour les demandeurs. Le CESE recommande donc aux autorités de l’Union de déterminer comment ce processus pourrait être plus transparent et plus précis sur le plan technique, et de l’adapter en conséquence. |
3.2. Marge de tolérance pour la composition des fibres
3.2.1. |
Compte tenu de la transition vers l’économie circulaire, l’industrie textile utilise de plus en plus de fibres et de matériaux recyclés pour produire des vêtements. La réglementation actuelle n’est pas parfaitement adaptée à l’étiquetage de compositions de fibres contenant une partie recyclée, ce qui entrave la transition vers une économie circulaire. L’article 20, paragraphe 3, permet un écart maximal de 3 % entre la teneur en fibres indiquée sur l’étiquette et la composition en fibres déterminée sur la base des essais des autorités. L’état actuel du développement technique des technologies de tri et de recyclage des textiles entraîne toutefois des différences dans la composition fibreuse, qui dépassent parfois le seuil de tolérance de 3 %. Ce phénomène est dû au fait que, tout particulièrement dans le cas du recyclage mécanique, il est impossible de garantir avec certitude que la matière première est libre d’impuretés ou d’autres matières textiles. Il conviendrait donc d’envisager une marge de tolérance plus importante pour la composition dans la révision du règlement sur l’étiquetage des produits textiles. Sur la base de la contribution des experts, le CESE recommande qu’elle soit comprise entre 3 % et 5 %. Le seuil de tolérance plus élevé devrait uniquement permettre de tenir compte des limites rencontrées dans le cadre de la technologie de recyclage, sans pour autant justifier de mauvaises pratiques de fabrication. Une légère augmentation des niveaux de tolérance est une étape bienvenue dans la suppression des obstacles à l’utilisation de matériaux recyclés pour la production de vêtements. |
3.3. Harmonisation avec les normes et procédés mondiaux
3.3.1.
3.3.1.1. |
L’industrie textile est très mondialisée; les normes internationales y sont souvent appliquées. La révision du règlement sur l’étiquetage des produits textiles est l’occasion d’aligner les méthodes d’essai relatives à la composition des fibres sur les normes internationales. À l’heure actuelle, l’article 19 ne permet que d’utiliser les normes de l’Union (EN) pour tester la composition des fibres. Dans la plupart des cas, les normes EN sont très similaires aux normes internationales ISO, mais des différences mineures dans les paramètres de test entraînent des divergences entre les résultats des essais ISO et EN. Les normes ISO sont largement appliquées et privilégiées dans le secteur, en raison des chaînes de valeur mondiales de l’industrie. En conséquence, les entreprises doivent tester davantage les produits destinés au marché européen, ce qui fait fortement grimper les coûts. Le CESE recommande donc que la révision du règlement sur l’étiquetage des produits textiles autorise le recours aux normes d’essai ISO. Il reconnaît en outre les grandes avancées de l’innovation accomplies dans le domaine des nouvelles méthodes de détection de la composition des fibres. La Commission européenne devrait en tenir compte lors de la révision du règlement sur l’étiquetage des produits textiles. |
3.3.2.
3.3.2.1. |
Le CESE soutient l’idée de transformer le règlement sur l’étiquetage des produits textiles en corpus réglementaire reprenant des normes harmonisées pour différentes exigences (classification des nouvelles fibres, analyse de la composition des fibres, taille, consignes d’entretien). Dans la mesure du possible, ces normes devraient avoir une portée mondiale. Cela permettrait de mieux harmoniser les exigences en matière d’étiquetage, tant au sein du marché unique qu’avec le reste du monde. |
3.3.2.2. |
Au vu de l’ampleur mondiale du secteur textile, il est essentiel d’envisager l’harmonisation et la collaboration dans le cadre de la révision du règlement sur l’étiquetage des produits textiles. La Commission européenne se doit de garantir la cohérence avec l’Organisation mondiale des douanes, la révision actuelle des codes du système harmonisé (SH) et les engagements pris au sujet de l’utilisation des normes internationales dans le cadre de l’accord de l’Organisation mondiale du commerce sur les entraves techniques aux échanges. |
3.4. Étiquetage numérique
3.4.1. |
Le CESE se félicite vivement de l’intention de la Commission européenne de numériser l’étiquetage de la composition dans le cadre de la révision du règlement sur l’étiquetage des produits textiles. En outre, dans le contexte du règlement sur l’écoconception pour des produits durables, le CESE accueille favorablement les initiatives sur l’étiquetage numérique et la communication grand public, telles que le passeport numérique des produits. Il est toutefois crucial que la Commission européenne harmonise ces initiatives numériques, de sorte à créer un cadre politique cohérent et efficace. |
3.4.2. |
Pour de multiples raisons, les étiquettes physiques utilisées aujourd’hui ne présentent pas l’efficacité souhaitée. Elles sont souvent coupées après l’achat du produit. Le texte qui y figure peut devenir illisible après plusieurs lavages. En outre, la fabrication de grandes étiquettes dans différentes langues est onéreuse et génère des déchets plastiques. Le texte est écrit en petits caractères et comprend en outre plusieurs traductions, ce qui ne facilite pas sa compréhension par les consommateurs. |
3.4.3. |
Les étiquettes numériques simplifieraient la tâche des entreprises, tout en améliorant les informations fournies aux consommateurs en leur proposant un texte clair, dans la langue appropriée. Il est toujours nécessaire de donner des renseignements aux personnes moins avancées sur le plan technologique, mais des options existent, notamment via les points de vente qui pourraient fournir des données sur demande. À des fins de durabilité, un «support de données» sous forme de marquage indélébile sur le produit peut garantir un accès aisé à des informations numériques. |
3.4.4. |
Même si la Commission décide de laisser certaines informations sur les étiquettes physiques, cette approche devrait néanmoins conduire à une réduction globale significative de la taille des étiquettes. Le CESE se range à l’avis de la Commission: les étiquettes physiques, ou les supports physiques d’informations numériques, devraient être plus difficiles à couper. Des méthodes d’étiquetage non abrasives sont déjà disponibles. Les moyens de rendre les étiquettes plus difficiles à couper devraient garantir la durabilité des informations (celles qui sont imprimées directement sur le produit pourraient partir au lavage), sans réduire la fonctionnalité du produit (coudre tous les bords d’une étiquette sur un vêtement pourrait limiter sa praticité). |
3.4.5. |
La Commission européenne devrait évaluer la manière dont le passeport numérique des produits pourrait être utilisé en lien avec une étiquette numérique dans le cadre de la révision du règlement sur l’étiquetage des produits textiles. L’étiquette numérique prévue par la révision de ce texte pourrait aussi être placée sur le même support de données que le passeport numérique des produits, pour assurer la cohérence et faciliter la mise en œuvre. |
3.5. Exemption d’étiquetage pour certains types de produits
3.5.1. |
L’annexe V au règlement sur l’étiquetage des produits textiles actuellement en vigueur prévoit des exemptions de l’obligation d’étiquetage pour 42 types de produits textiles. Il s’agit de petits articles, comme des bracelets de montre, dont la fonctionnalité serait limitée par l’ajout d’une étiquette. Cette approche sous forme de liste ne donne toutefois pas d’indication claire sur la façon dont les opérateurs devraient étiqueter les produits qui ne sont pas énumérés à l’annexe V, mais dont la fonctionnalité est également limitée par l’ajout d’une étiquette. Le CESE recommande que le règlement révisé clarifie la façon d’étiqueter correctement les produits, tels que les bas et les chaussettes, dont la fonctionnalité est limitée par l’étiquetage obligatoire. La liste qui est actuellement en vigueur pourrait par exemple être remplacée par une définition des produits exemptés de l’obligation d’étiquetage. |
Bruxelles, le 12 juillet 2023.
Le président du Comité économique et social européen
Oliver RÖPKE
(1) Règlement (UE) no 1007/2011 du Parlement européen et du Conseil du 27 septembre 2011 relatif aux dénominations des fibres textiles et à l’étiquetage et au marquage correspondants des produits textiles au regard de leur composition en fibres, et abrogeant la directive 73/44/CEE du Conseil et les directives 96/73/CE et 2008/121/CE du Parlement européen et du Conseil (JO L 272 du 18.10.2011, p. 1).
(2) COM(2023) 166 final — 2023/0085 (COD).
(3) Parmi les exemples de telles règles, on peut citer le règlement sur l’étiquetage et l’annonce des textiles (Canada) et le Textile Fiber Products Identification Act (États-Unis).
(4) Facts & Key Figures 2022 of the European Textile and Clothing Industry («Faits et chiffres clés de l’industrie européenne du textile et de l’habillement en 2022», en anglais).
(5) Décision no 768/2008/CE du Parlement européen et du Conseil du 9 juillet 2008 relative à un cadre commun pour la commercialisation des produits et abrogeant la décision 93/465/CEE du Conseil (JO L 218 du 13.8.2008, p. 82).
29.9.2023 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 349/28 |
Avis du Comité économique et social européen sur la stratégie européenne en faveur des personnes âgées
(avis exploratoire à la demande de la présidence espagnole)
(2023/C 349/06)
Rapporteur: |
Miguel Ángel CABRA DE LUNA |
Saisine du Comité par la présidence espagnole du Conseil |
Lettre, 8.12.2022 |
Base juridique |
Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne Avis exploratoire |
Compétence |
Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté» |
Adoption en section |
21.6.2023 |
Adoption en session plénière |
12.7.2023 |
Session plénière no |
580 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
189/01/02 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Le défi démographique auquel la société européenne est confrontée doit être abordé par des mesures politiques capables d’entraîner un changement de paradigme, consistant à rendre visibles les personnes âgées, à abandonner une vision centrée sur l’assistance pour se concentrer sur l’autonomisation et à en finir avec les attitudes empreintes de préjugés sur ces personnes («âgisme»). Pour le relever, il faudra surmonter les obstacles posés par le vieillissement de la population et tirer parti des possibilités qu’il offre par ailleurs. |
1.2. |
Les personnes âgées continuent de faire face à des taux de chômage élevés, à des risques accrus de discrimination et d’isolement et à des inégalités dans l’accès à un revenu décent, qui compliquent la prolongation de la vie active. Étant donné que le taux d’emploi des travailleurs âgés dans l’Union européenne reste inférieur à la moyenne, il est nécessaire de mettre en place des mesures d’adaptation du poste de travail, de formation et de promotion de l’emploi jusqu’à l’âge officiel de départ à la retraite. |
1.3. |
Les systèmes de santé, de prévention et d’éducation à la santé sont des facteurs essentiels pour prolonger la durée de vie en bonne santé physique et psychologique. À cet égard, l’accessibilité — surtout celle de son propre logement et de ses alentours — revêt une importance critique pour éviter les traumatismes et les blessures qui entraînent la dépendance et une dégradation de la condition physique et mentale, et font obstacle à une vie active et en bonne santé (1). |
1.4. |
Il est nécessaire d’investir dans la recherche, le développement et l’innovation pour soutenir un vieillissement actif et en bonne santé, et notamment dans la mise au point de technologies, produits et services qui soient accessibles à tous et répondent à la grande variété des besoins des personnes âgées. |
1.5. |
Le 27 janvier 2021, la Commission européenne a présenté son livre vert sur le vieillissement. L’une des carences principales du livre vert réside dans son approche tendant à envisager l’âge et les personnes âgées comme une dépense ou un coût pour la société, sans tenir compte des avantages sociaux et économiques qui résulteront d’une plus grande inclusion active des personnes âgées, ni de la dimension émotionnelle du vieillissement. |
1.6. |
Étant donné qu’à l’heure actuelle, aucune politique globale en matière de vieillissement ou exclusivement axée sur les personnes âgées n’a été proposée, l’Union doit adopter une nouvelle stratégie européenne en faveur des personnes âgées, dont les objectifs fondamentaux seront de protéger tous leurs droits et d’assurer leur pleine participation à la société et à l’économie. Une nouvelle stratégie européenne en faveur des personnes âgées contribuera au changement d’approche nécessaire s’agissant des politiques, actuelles et futures, relatives à l’âge et aux personnes âgées. |
1.7. |
Cette stratégie consistera à élaborer des propositions et des mesures dans les domaines de l’égalité et de la non-discrimination, de l’égalité hommes-femmes, des droits et de leur opposabilité, de la participation à la société, de l’emploi, de l’éducation et de la formation, d’un revenu décent et de l’inclusion sociale. Elle conduira également à l’élaboration, par les États membres, de plans nationaux assortis d’objectifs et d’indicateurs spécifiques. |
1.8. |
Le CESE exhorte la Commission européenne à présenter d’urgence la nouvelle stratégie, avant la fin du mandat actuel, et à lui adjoindre, à l’image de la garantie pour la jeunesse ou de la garantie pour l’enfance, une «garantie pour les personnes âgées» comme instrument de sa mise en œuvre. |
1.9. |
Le CESE invite les États membres à adopter une nouvelle garantie qui leur permettra d’utiliser différents cadres de financement de l’Union, tels que le Fonds social européen Plus, pour des programmes d’aide aux personnes âgées, et demande que la démographie soit intégrée en tant qu’élément déterminant dans le processus du semestre européen et dans la formulation des recommandations par pays. |
1.10. |
Le CESE appelle la Commission européenne et les États membres à d’urgence élaborer, développer, signer, mettre en œuvre et soumettre à un suivi une déclaration européenne sur les personnes âgées, afin de traduire leur engagement à élaborer une future stratégie européenne en faveur des personnes âgées au cours du mandat actuel (2019-2024). |
1.11. |
Comme il l’a fait dans son avis intitulé «Vers un nouveau modèle de soins et d’accompagnement pour les personnes âgées: tirer les enseignements de la pandémie de COVID-19» (2), le CESE demande à la Commission européenne, en reconnaissance des droits fondamentaux des personnes âgées et de leur opposabilité, et pour saluer les contributions des seniors à la société, d’instaurer une Année européenne des personnes âgées. |
1.12. |
Le CESE met en avant le rôle des partenaires sociaux et du dialogue social, conformément à l’accord-cadre autonome des partenaires sociaux européens sur le vieillissement actif et une approche intergénérationnelle (3). |
1.13. |
Le CESE encourage le lancement de consultations auprès d’organisations de la société civile, notamment celles représentant les personnes âgées, leurs proches et les organismes professionnels qui les soutiennent, mais aussi les organisations défendant l’égalité, les représentants des personnes handicapées, les prestataires de services, les organisations de l’économie sociale, etc. |
1.14. |
Le CESE prône la mise sur pied de partenariats public-privé en tant que formule complémentaire pour exploiter le potentiel offert par la participation active des personnes âgées dans des domaines tels que la culture, l’éducation, le sport ou le tourisme. |
1.15. |
Afin d’encourager l’échange de bonnes pratiques, le renforcement des capacités techniques et des mesures concrètes dans les domaines d’action de la stratégie, le CESE appelle à la création d’une Agence européenne pour les personnes âgées, le vieillissement et le défi démographique (4). |
1.16. |
Le CESE encourage la coordination, entre États membres et entre l’administration et le secteur privé, des médiateurs chargés des personnes âgées. Ces acteurs peuvent aider les personnes âgées dans leurs interactions avec les pouvoirs publics, recevoir des plaintes pour discrimination fondée sur l’âge, faciliter l’accès aux services de base ou encore garantir un revenu minimum pour les seniors (5). |
1.17. |
Sur le plan international, le CESE demande instamment que l’on adopte, à l’instar de la convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant ou de la convention relative aux droits des personnes handicapées (6), une convention des Nations unies sur les droits des personnes âgées qui consacrerait l’égale jouissance des droits humains y compris à un âge avancé, en garantissant la participation active des organisations de la société civile représentant les personnes âgées et des parties prenantes concernées. |
1.18. |
Le CESE accueille favorablement la création d’une unité de la DG Justice de la Commission européenne consacrée à l’égalité et à la non-discrimination fondée sur l’âge, et invite la Commission à instituer un service chargé des questions relatives au vieillissement et au défi démographique, afin de permettre la coordination des politiques menées en faveur des personnes âgées. |
1.19. |
À l’appui de toutes ces mesures et afin de refléter le soutien qu’il apporte à l’évolution des politiques en faveur des personnes âgées, le CESE reconnaît qu’il est pertinent d’envisager la création en son sein d’un groupe ad hoc chargé de mener des initiatives liées au vieillissement et aux défis et perspectives démographiques, en cohérence avec son avis intitulé «Vers un nouveau modèle de soins et d’accompagnement pour les personnes âgées: tirer les enseignements de la pandémie de COVID-19» (7). |
2. Observations générales
2.1. |
Avec le changement climatique et la révolution technologique liée à l’intelligence artificielle, le défi démographique — à savoir le phénomène, ces dernières décennies, d’allongement de la durée de vie conjugué à une baisse de la fécondité — est au cœur de la reconfiguration de l’avenir de la société. |
2.2. |
Il est estimé que la population de plus de 65 ans des pays de l’Union va passer de 90,5 millions de personnes au début de 2019 à 129,8 millions en 2050. Au cours de cette période, le nombre de personnes âgées de 75 à 84 ans dans l’Union augmentera de 56,1 %, tandis que celui des 65-74 ans croîtra de 16,6 %. En revanche, le nombre de personnes âgées de moins de 55 ans vivant dans l’Union diminuera de 13,5 % d’ici 2050. |
2.3. |
En tout état de cause, le taux d’emploi des travailleurs âgés dans l’Union reste inférieur à la moyenne. Seules 59,1 % des personnes âgées de 55 à 64 ans occupaient un emploi en 2019, contre 73,1 % de l’ensemble des personnes de 20 à 64 ans. Les personnes se situant dans la tranche précédant l’âge de départ à la retraite (soit les 55-64 ans) affichent l’un des taux de pauvreté et d’exclusion sociale les plus élevés de l’Union. |
2.4. |
L’âge moyen de la retraite dans l’Union se situe autour de 65 ans et l’espérance de vie moyenne est d’environ 84 ans, ce qui signifie qu’une majorité de personnes vivra environ vingt ans à la retraite. Il est par conséquent nécessaire de favoriser une longévité en bonne santé. |
2.5. |
Selon le rapport Eurobaromètre de 2019 sur la discrimination dans l’Union, la discrimination fondée sur l’âge est, avec celle fondée sur le sexe, la forme de discrimination la plus répandue dans l’Union. |
2.6. |
Les seniors constituent un groupe plus exposé au risque d’apparition d’un handicap, ce risque augmentant avec l’âge. En effet, 48,5 % des personnes handicapées ont plus de 65 ans. |
2.7. |
Si les taux de remplacement agrégés en ce qui concerne les pensions s’élèvent en moyenne à 58 % (8), on estime que dans de nombreux États membres, 40 % de la richesse et une partie significative du pouvoir d’achat sont entre les mains des personnes âgées, avec toutefois une répartition inégale entre les femmes et les hommes et entre les différents groupes de revenus. Les personnes âgées représentent donc un important vivier de grands consommateurs. |
2.8. |
Les consommateurs âgés représentent une part importante de l’économie et leur participation à la consommation continuera de croître. De fait, l’on estime que l’économie des seniors devrait progresser d’environ 5 % par an dans l’ensemble de l’Union pour atteindre 5,7 milliards d’EUR en 2025 (9). |
2.9. |
L’Union doit se doter de stratégies efficaces qui doivent tenir compte de la dynamique démographique et du développement économique de chaque région, y compris en s’attaquant aux possibilités qui peuvent découler de l’économie des seniors (10). |
3. Nouvelle politique de l’UE sur les droits des personnes âgées
3.1. |
En 2002, dans le cadre de la dernière Assemblée mondiale sur le vieillissement, l’ONU a présenté à Madrid le plan d’action international sur le vieillissement, premier accord international à considérer les personnes âgées comme contributrices au développement de la société, avant de créer le groupe de travail à composition non limitée sur le vieillissement. |
3.2. |
Le 27 janvier 2021, la Commission européenne a présenté son livre vert sur le vieillissement, «Promouvoir la solidarité et la responsabilité entre générations» (11), qui jette les bases des futures politiques de soutien aux personnes âgées. |
3.3. |
La conclusion du livre vert était que le vieillissement actif et en bonne santé a une incidence positive sur le marché du travail, les taux d’emploi et les systèmes de protection sociale, et donc sur la croissance et la productivité de l’économie. |
3.4. |
Le livre vert confirme la nécessité de prendre des mesures concrètes et décisives pour soutenir les personnes âgées dans tous les domaines d’action, mais en tant que tel, il ne formule pas de programme concret d’initiatives à développer par l’Union ou les États membres. |
3.5. |
Les nouvelles politiques de l’Union doivent entraîner un changement de paradigme, consistant à rendre visibles les personnes âgées, à abandonner une vision centrée sur l’assistance pour se concentrer sur l’autonomisation et à en finir avec les attitudes empreintes de préjugés sur ces personnes («âgisme»). |
4. Vers une stratégie européenne
4.1. |
Bien que le livre vert ait constitué une nouvelle étape dans la mise en œuvre des engagements pris dans le plan de Madrid il y a deux décennies, il comporte plusieurs failles qu’il convient de combler, étant donné qu’à ce jour, aucune politique globale sur le vieillissement ou exclusivement axée sur les personnes âgées n’a été proposée. |
4.2. |
L’une des carences principales du livre vert réside dans son approche tendant à envisager l’âge et les personnes âgées comme une dépense ou un coût pour la société, sans tenir compte des avantages sociaux et économiques qui résulteraient d’une plus grande inclusion active des personnes âgées. Ce document continue pour l’essentiel d’associer l’âge au déclin, à la passivité et à la vulnérabilité. Pour exploiter le potentiel que recèle le vieillissement, il est essentiel d’adopter une vision fondée sur les droits de l’homme, le bien-être, la contribution des personnes âgées à la société et à l’économie, et de disposer des outils permettant leur contribution. |
4.3. |
Plusieurs initiatives étroitement liées à l’âge ont été présentées et débattues au cours des dernières années, telles que la stratégie européenne en matière de soins, le plan d’action en faveur des droits de l’homme et de la démocratie pour la période 2020-2024, le plan d’action sur le socle européen des droits sociaux, les engagements pris par les États membres dans le cadre de l’initiative des Nations unies sur l’impact de la COVID-19 sur les personnes âgées et les conclusions du Conseil de l’Union européenne sur les droits de l’homme, la participation et le bien-être des personnes âgées à l’ère numérique (12), sur l’intégration du vieillissement dans les politiques publiques (13) ou sur une relance post-COVID-19 fondée sur les droits de l’homme (14). |
4.4. |
Une nouvelle stratégie européenne en faveur des personnes âgées contribuera au changement d’approche nécessaire s’agissant des politiques, actuelles et futures, relatives à l’âge et aux personnes âgées, en mettant l’accent sur les perspectives humaines, sociales et économiques et en améliorant celles relatives à la citoyenneté et à son caractère participatif, étant donné que les personnes âgées conservent un capital intellectuel, économique et social souvent inexploité. La stratégie soutiendra la solidarité intergénérationnelle et une approche fondée sur le cycle de vie afin de prévenir et de réduire les difficultés liées à l’âge, en corrigeant la tendance actuelle à voir le vieillissement comme un coût. |
4.5. |
En outre, elle permettra de consolider les principes fondamentaux des initiatives élaborées par l’Union et les organisations internationales depuis la signature du plan de Madrid de 2002, tout en proposant des actions et des plans concrets pour l’élaboration des politiques dans le domaine des personnes âgées. |
4.6. |
La stratégie européenne en faveur des personnes âgées constituera la cristallisation d’un pacte intergénérationnel fondé sur le respect et la solidarité entre les générations et ayant pour objectifs fondamentaux l’accès à une éducation de qualité tout au long de la vie, à des emplois décents et à des systèmes de protection sociale offrant une couverture globale (15). |
4.7. |
De plus, la stratégie sera utile non seulement aux seniors, mais aussi à l’ensemble de la population, y compris les aidants qui s’occupent de personnes âgées, prévoyant notamment la préparation des jeunes générations à leur propre vieillissement. |
5. Piliers de la nouvelle stratégie européenne en faveur des personnes âgées
5.1. |
La nouvelle stratégie européenne devra répondre aux défis auxquels toutes les personnes âgées se trouvent confrontées en tant que groupe, pour hétérogène qu’il soit, et susciter l’action politique nécessaire pour tirer parti de toutes les possibilités qu’offre un vieillissement actif et en bonne santé. |
5.2. |
La stratégie européenne devra s’appuyer sur des politiques de préparation et de prévention permettant aux personnes d’anticiper les conséquences du grand âge, ainsi que sur des politiques de participation et de citoyenneté active, par exemple en matière d’apprentissage tout au long de la vie, de vieillissement en bonne santé ou de participation active. Ces démarches constituent le meilleur investissement pour réduire au minimum les inégalités liées à l’âge et les charges sociales et économiques associées au vieillissement (16). La stratégie favorisera la responsabilité individuelle face aux conséquences du vieillissement. |
5.3. |
Dans le cadre de la stratégie, les États membres devront élaborer leurs propres plans nationaux en matière de vieillissement, assortis d’objectifs et d’indicateurs spécifiques pour mesurer l’efficacité des politiques en faveur des personnes âgées. Ils proposeront également des mesures concrètes à l’appui des objectifs et des piliers de la stratégie européenne. |
5.4. Égalité et non-discrimination
5.4.1. |
L’égalité et la non-discrimination fondées sur l’âge sont des principes fondamentaux ancrés dans les traités et dans la législation européenne. Néanmoins, l’«âgisme» persiste dans un trop grand nombre de domaines qui affectent nos vies, créant des obstacles à la pleine participation des personnes âgées à notre société. |
5.4.2. |
Ainsi, la future stratégie en faveur des personnes âgées devrait servir à: |
5.4.2.1. |
consolider l’égalité des personnes indépendamment de l’âge en tant que principe fondamental et en tant que dimension à inclure dans toutes les politiques de l’Union, et soutenir l’adoption de la directive du Conseil relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de religion ou de convictions, de handicap, d’âge ou d’orientation sexuelle (17); |
5.4.2.2. |
proposer des actions concrètes de sensibilisation à la discrimination fondée sur l’âge, aux personnes âgées et à leurs droits et aux possibilités offertes par leur inclusion, ainsi que promouvoir une image positive de l’âge; |
5.4.2.3. |
veiller à la mise en œuvre rigoureuse et impartiale de la directive sur l’égalité en matière d’emploi par les États membres et les juridictions nationales et européennes, et proposer des lignes directrices pour mieux définir le principe d’égalité dans l’emploi indépendamment de l’âge; |
5.4.2.4. |
porter une attention particulière aux femmes âgées, qui jouissent d’une espérance de vie plus longue que les hommes et peuvent dès lors rester actives plus longtemps, mais sont aussi plus exposées à la discrimination ou à la solitude; |
5.4.2.5. |
proposer des mesures pour lutter contre les formes multiples et intersectionnelles de discrimination envers les personnes âgées, notamment les problèmes auxquels sont confrontées les personnes âgées handicapées, LGBTIQ+, issues de minorités ethniques ou migrantes; |
5.4.2.6. |
cesser d’exclure les personnes âgées des données, statistiques et enquêtes d’opinion produites par les organismes publics, y compris Eurostat ou l’Eurobaromètre, en abordant les questions de la limitation d’âge dans les enquêtes, de la segmentation par tranches d’âge au sein de la catégorie des «personnes âgées» ou du manque d’informations sur les personnes âgées institutionnalisées; veiller à ce que les données soient collectées, désagrégées, analysées, utilisées et diffusées pour toutes les tranches d’âge et autres caractéristiques variées et que les États membres collectent des données adéquates, comparables et fiables; |
5.4.2.7. |
veiller à ce que l’Agence des droits fondamentaux intègre davantage dans son travail les aspects de la discrimination fondée sur l’âge et les droits fondamentaux des personnes âgées. |
5.5. Participation à la société
5.5.1. |
La promotion de la participation des personnes âgées, en particulier à la vie économique, sera essentielle pour tirer parti des possibilités offertes par leur meilleure inclusion sur le plan social et économique. |
5.5.2. |
S’agissant de la pleine participation active des personnes âgées, la nouvelle stratégie devrait proposer des initiatives spécifiques, au niveau de compétence adéquat, visant à: |
5.5.2.1. |
garantir l’accessibilité de l’environnement bâti — notamment celle du propre logement de ces personnes — et des biens et services numériques, en veillant à la mise en œuvre et au suivi d’instruments juridiques tels que l’acte législatif européen sur l’accessibilité, la directive sur l’accessibilité de l’internet, la législation sur l’accessibilité des transports ou les différentes obligations figurant dans la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées (CNUDPH) en matière d’accessibilité; |
5.5.2.2. |
promouvoir des initiatives et des politiques conformes à l’article 19 de la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, en garantissant l’autonomie de vie et l’inclusion dans la société à tous les âges; |
5.5.2.3. |
soutenir le concept des «villes pour tous» (Cities for All), les modèles d’urbanisme intelligent, écologique et inclusif, en réponse aux risques d’isolement et de solitude non désirée, aussi bien dans les zones urbaines qu’en milieu rural. La conception pour tous, la mobilité et les relations interpersonnelles sont essentielles à une vie sociale; |
5.5.2.4. |
supprimer, là où c’est nécessaire, les obstacles qui excluent les personnes âgées des processus démocratiques ou constitutifs, tels que les élections au Parlement européen, dans la pensée qu’elles constituent une force électorale significative dotée de pleins droits; |
5.5.2.5. |
combler la «fracture numérique» et remédier à la «précarité numérique» en dégageant des soutiens financiers et en lançant des initiatives pour améliorer les infrastructures, les équipements de soutien et la formation afin de contribuer à l’habileté numérique à tout âge, en créant parallèlement l’obligation de maintenir aussi l’accès aux biens et services essentiels sous une forme non numérique; |
5.5.2.6. |
assurer des services essentiels dans des domaines autres que les transports publics, comme les soins, la santé, le logement, la culture, les loisirs, la participation active à la vie sociale, etc.; |
5.5.2.7. |
soutenir les recommandations de la Commission européenne en faveur de la lutte contre la solitude non désirée, en veillant à ce que, dans le contexte des évolutions démographiques actuelles, les services de santé mentale, d’aide sociale et de prise en charge de longue durée soient accessibles, abordables et intégrés, qu’ils s’inscrivent dans une logique de proximité et qu’il soit facile d’y faire appel; soutenir également les États membres grâce à la collecte et au transfert de bonnes pratiques par l’intermédiaire de la nouvelle Agence européenne pour les personnes âgées, le vieillissement et le défi démographique (18); |
5.5.2.8. |
proposer des mesures visant à protéger les droits des consommateurs plus âgés, que l’acquis de l’Union considère comme des consommateurs vulnérables; |
5.5.2.9. |
proposer des mesures visant à promouvoir le volontariat à valeur ajoutée pour les personnes âgées en proposant des programmes de «mentoring» aux personnes âgées désireuses de transmettre leur expérience professionnelle aux jeunes générations; |
5.5.2.10. |
investir dans la R&D pour soutenir un vieillissement actif et en bonne santé, et notamment dans le développement de technologies, de produits et de services accessibles à tous, en associant directement les personnes âgées à ces démarches et afin de répondre à la grande diversité de leurs besoins, et miser également sur la promotion de l’innovation sociale; |
5.5.2.11. |
poursuivre la mise en œuvre du plan d’action sur l’éducation numérique pour aider les États membres à créer les conditions propices au développement de compétences numériques avancées et spécialisées, en lien non pas seulement avec la participation au marché du travail, mais dans le cadre d’un apprentissage tout au long de la vie (19), et jeter les bases de mesures spécifiques ciblant les personnes âgées et leur environnement. |
5.6. Emploi, éducation et formation
5.6.1. |
Le défi démographique actuel exige de lever les obstacles à l’inclusion sur le marché du travail des personnes âgées et de celles qui souhaitent continuer à travailler après l’âge de départ à la retraite, et de tirer parti des possibilités qui s’offrent à cet égard. La stratégie devrait encourager l’échange de bonnes pratiques entre les États membres afin d’améliorer l’emploi des personnes âgées. |
5.6.2. |
La stratégie devrait reposer sur un modèle flexible dans lequel les périodes de transition entre l’apprentissage, le travail, les responsabilités familiales, l’inactivité/la retraite ont lieu plusieurs fois et à différentes époques de la vie d’une personne, y compris après l’âge légal de la retraite. Les services d’accompagnement et de soins pour toutes les générations, y compris les structures de garde d’enfants et les soins de longue durée, doivent favoriser la possibilité de participer activement à la société pour les personnes de tous âges, tant les femmes que les hommes. Compte tenu du rôle fondamental que les aidants informels jouent auprès des personnes âgées qui reçoivent des soins, la stratégie devra comporter des mesures spécifiquement destinées à les soutenir. On pourrait envisager à cet égard de formuler des recommandations ciblées en ce qui concerne l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, les compensations salariales ou les aides financières, une offre diversifiée de services de répit ou de relève auprès des proches dépendants, l’accès à des services de conseil et de formation, etc. |
5.6.3. |
À cet égard, la stratégie européenne devra, dans le respect des compétences des États membres: |
5.6.3.1. |
évaluer l’incidence des dérogations fondées sur l’âge prévues par les directives sur l’emploi et sur les salaires minimaux, proposer des lignes directrices pour la mise en œuvre des principes d’égalité dans l’emploi indépendamment de l’âge, et définir, lorsque c’est nécessaire, d’autres modalités ou des modifications spécifiques pour améliorer la mise en œuvre des directives et prévenir la discrimination à l’égard des personnes âgées désireuses de rester sur le marché du travail; |
5.6.3.2. |
promouvoir le «mentoring» intergénérationnel au moyen de programmes spécifiques; |
5.6.3.3. |
combattre et prévenir, conformément aux politiques actuelles, les risques physiques et psychosociaux tels que le stress et l’épuisement professionnel dans le prochain cadre de l’UE en matière de santé et de sécurité au travail; |
5.6.3.4. |
promouvoir l’esprit d’entreprise chez les personnes âgées en évaluant les obstacles existants, tels que la perte de droits à pension, faciliter l’accès au financement et promouvoir les incubateurs de co-entrepreneuriat intergénérationnel ou les transferts d’établissement par des entrepreneurs ou chefs d’entreprise âgés à des successeurs plus jeunes (20), et encourager les initiatives relevant de l’économie sociale; |
5.6.3.5. |
promouvoir l’économie sociale en tant que secteur axé sur la personne et porteur d’avantages pour la société en raison des nouvelles possibilités d’emploi et d’entrepreneuriat qu’elle est susceptible d’offrir aux personnes âgées (21); |
5.6.3.6. |
promouvoir et améliorer l’accessibilité des programmes Erasmus+ et des technologies de l’éducation pour les personnes âgées, en tirant pleinement parti de leur approche intergénérationnelle qui offre aux personnes âgées des possibilités d’apprentissage et de mobilité universitaire, y compris dans les lieux où l’accès à l’éducation est difficile, comme ceux dévolus aux soins de longue durée. Il convient par ailleurs de tirer au maximum parti des possibilités offertes par les microcertifications et les outils d’apprentissage numérique, tels que les cours ouverts en ligne (MOOC); |
5.6.3.7. |
proposer des mesures visant à améliorer l’éducation financière des personnes âgées, qui pourraient permettre de mobiliser des ressources inactives et d’améliorer la compétitivité. Il convient de s’attacher en particulier à renforcer les capacités des personnes âgées pour leur permettre d’agir en investisseurs informés et leur éviter d’effectuer des investissements financiers ou des achats mal avisés; |
5.6.3.8. |
formuler des propositions pour éviter la «fuite des cerveaux» toutes générations confondues, que ce soit entre États membres ou en dehors de l’Union, en s’appuyant sur la stratégie européenne en matière de compétences en faveur de la compétitivité durable, de l’équité sociale et de la résilience (22). |
5.7. Revenu décent et inclusion sociale
5.7.1. |
En 2019, dans l’Union, la proportion de retraités âgés de plus de 65 ans exposés au risque de pauvreté était de 15,1 %. Toujours dans l’Union, entre 2010 et 2019, la proportion de femmes âgées de plus de 65 ans percevant une pension et exposées au risque de pauvreté était supérieure de 3 à 4 points de pourcentage à celle des hommes. |
5.7.2. |
Afin de remédier à cette situation et de réduire au minimum les risques de pauvreté et d’exclusion sociale des personnes âgées, dans le respect des compétences exclusives des États membres et compte tenu du rôle des partenaires sociaux, la stratégie devrait promouvoir un revenu décent pour les personnes âgées en proposant des initiatives visant à: |
5.7.2.1. |
développer des systèmes de retraite qui fournissent aux personnes retraitées une pension adéquate afin qu’elles ne soient pas obligées de recourir à une aide au revenu minimum, comme indiqué dans l’avis du CESE sur la recommandation du Conseil relative à un revenu minimum adéquat pour garantir une inclusion active (23); dans cette optique, évaluer de manière conjointe avec les États membres la possibilité de prendre des mesures convergentes afin d’assurer à toutes les personnes âgées un revenu minimum et de les aider à continuer de travailler si elles le souhaitent; |
5.7.2.2. |
élaborer une «garantie pour les personnes âgées» afin de les protéger contre la pauvreté et pour que l’on puisse mener une vie décente et participer à la société même après 65 ans, en y incluant des aides spécialement destinées aux septuagénaires ou octogénaires et en fonction des spécificités de chaque État membre; |
5.7.2.3. |
assurer l’adéquation des retraites au fil du temps, en veillant, le cas échéant, à l’indexation des pensions en fonction du coût de la vie, et en tenant compte des dépenses spécifiques des personnes âgées (par exemple et entre autres en matière de santé, ou de soins de longue durée); |
5.7.2.4. |
réduire l’écart de pension entre les hommes et les femmes et, là où c’est nécessaire, promouvoir l’introduction, dans les régimes de protection sociale ou d’imposition, de crédits liés aux responsabilités familiales; |
5.7.2.5. |
créer un cadre d’accès universel aux droits à pension, que ce soit notamment pour les hommes et les femmes, les indépendants et les personnes exerçant de nouvelles formes d’emploi, notamment dans l’économie sociale, les personnes handicapées (y compris celles qui occupent un emploi protégé) et les personnes exclues du marché du travail; |
5.7.2.6. |
proposer des actions de sensibilisation et de remédiation à la violence et à la maltraitance envers les personnes âgées, en particulier à l’égard des femmes âgées. |
Bruxelles, le 12 juillet 2023.
Le président du Comité économique et social européen
Oliver RÖPKE
(1) Voir par exemple le «Plan antichute des personnes âgées» en France.
(2) Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Vers un nouveau modèle de soins et d’accompagnement pour les personnes âgées: tirer les enseignements de la pandémie de COVID-19» (avis d’initiative) (JO C 194 du 12.5.2022, p. 19).
(3) Accord-cadre autonome des partenaires sociaux européens sur le vieillissement actif et une approche intergénérationnelle (2017).
(4) Voir Friends of Europe.
(5) Défis présents et futurs pour les institutions de médiation — Zoom sur le réseau 2019 (europa.eu).
(6) Comme évoqué dans le rapport de mars 2022 de la Haute-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme sur la promotion et la protection des droits de l’homme des personnes âgées.
(7) Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Vers un nouveau modèle de soins et d’accompagnement pour les personnes âgées: tirer les enseignements de la pandémie de COVID-19» (avis d’initiative) (JO C 194 du 12.5.2022, p. 19).
(8) Eurostat.
(9) Silver Economy Study: How to stimulate the economy by hundreds of millions of Euros per year | Shaping Europe’s digital future (europa.eu).
(10) European Commission Atlas of Demography.
(11) COM(2021) 50 final.
(12) Conclusions du Conseil sur les droits de l’homme, la participation et le bien-être des personnes âgées à l’ère numérique (2020).
(13) Conclusions du Conseil sur l’intégration du vieillissement dans les politiques publiques (2021).
(14) Conclusions du Conseil concernant une relance post-COVID-19 fondée sur les droits de l’homme (2021).
(15) Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Vers un nouveau modèle de soins et d’accompagnement pour les personnes âgées: tirer les enseignements de la pandémie de COVID-19» (avis d’initiative) (JO C 194 du 12.5.2022, p. 19)
(16) Rapport de l’OMS «Décennie pour le vieillissement en bonne santé», 2021-2030.
(17) Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Améliorer l’égalité dans l’UE» (avis d’initiative) (JO C 75 du 28.2.2023, p. 56), et avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Conseil relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de religion ou de convictions, de handicap, d’âge ou d’orientation sexuelle [COM(2008) 426 final] (supplément d'avis) (JO C 182 du 4.8.2009, p. 19).
(18) Communication de la Commission européenne sur une approche globale en matière de santé mentale, COM(2023) 298 final.
(19) Proposition de recommandation du Conseil sur l’amélioration de l’enseignement des compétences numériques dans le domaine de l’éducation et de la formation, COM(2023) 206 final.
(20) Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Les transmissions d’entreprises en tant que promoteurs d’une reprise et d’une croissance durables dans le secteur des PME» (avis d’initiative) (JO C 486 du 21.12.2022, p. 9).
(21) Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Vers un nouveau modèle de soins et d’accompagnement pour les personnes âgées: tirer les enseignements de la pandémie de COVID-19» (avis d’initiative) (JO C 194 du 12.5.2022, p. 19).
(22) COM(2020) 274 final.
(23) Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de recommandation du Conseil relative à un revenu minimum adéquat pour garantir une inclusion active [COM(2022) 490 final — 2022/0299 (NLE)] (JO C 184 du 25.5.2023, p. 64), et recommandation du Conseil relative à un revenu minimum adéquat pour garantir une inclusion active (JO C 41 du 3.2.2023, p. 1).
29.9.2023 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 349/36 |
Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Décarbonation de l’industrie européenne et rôle de l’innovation et de la numérisation en tant que moteurs à cette fin»
(avis exploratoire à la demande de la présidence espagnole du Conseil)
(2023/C 349/07)
Rapporteur: |
Andrés BARCELÓ DELGADO |
Corapporteure: |
Monika SITÁROVÁ |
Saisine du Comité par la présidence espagnole du Conseil |
Lettre du 8.12.2022 |
Base juridique |
Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne Avis exploratoire |
Décision du bureau |
13.12.2022 |
Compétence |
Commission consultative des mutations industrielles |
Adoption en commission |
22.6.2023 |
Adoption en session plénière |
12.7.2023 |
Session plénière no |
580 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
185/3/7 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Le CESE est fermement convaincu que la décarbonation de l’industrie de l’Union européenne doit aller de pair avec l’intensification de sa numérisation. |
1.2. |
Pour pouvoir décarboner complètement l’industrie, l’innovation est incontournable, sachant que nombre de technologies n’en sont encore qu’au stade de la conception. |
1.3. |
L’Union européenne ne pourra pas réussir à décarboner en l’absence d’une forte participation des travailleurs et de dialogue social; en effet, pour atteindre les objectifs correspondants, elle doit placer les programmes de reconversion et de perfectionnement professionnels au premier rang de ses priorités. Or, le dialogue social et la participation des représentants des travailleurs ont leur rôle à jouer dans ces programmes, qui constituent une condition préalable pour le succès des nouvelles technologies et méthodes de travail. |
1.4. |
L’Union européenne doit aussi bien recenser les technologies qui appellent un soutien spécifique afin de développer les activités de fabrication que proposer des mesures supplémentaires. |
1.5. |
Il convient de développer les techniques de captage, d’utilisation et de stockage du carbone pour réduire les émissions «difficiles à supprimer» dans des secteurs industriels tels que ceux du ciment ou du raffinage, sachant qu’il est possible d’employer ce même carbone à titre de matière première pour les carburants de synthèse. |
1.6. |
La loi des États-Unis d’Amérique sur la réduction de l’inflation constitue un défi redoutable pour l’Union européenne et son industrie. La proposition de la Commission en faveur d’une industrie à zéro émission nette pourrait conjurer efficacement le péril d’une fuite en masse des activités industrielles de l’Union vers des pays tiers. Dans ses propositions, l’Union doit se garder de négliger les conditions sociales que pose cette loi sur la réduction de l’inflation. |
1.7. |
Les entreprises industrielles ont besoin d’aides publiques au cours du processus de décarbonation, qu’il s’agisse par exemple de relever le seuil de minimis ou de réexaminer les politiques fiscales, mais elles doivent également respecter les principes du marché unique. |
1.8. |
Le CESE fait observer, comme il l’a déjà fait dans son avis CCMI/206, que les exemples actuels de «jumeaux numériques» dans l’industrie sont encourageants pour ce qui est d’améliorer les performances industrielles. |
1.9. |
Le CESE invite instamment les autorités européennes et les États membres à accélérer les procédures d’autorisation touchant aux énergies renouvelables et aux activités industrielles. À l’heure actuelle, tant la longueur des procédures d’obtention de permis que l’excès de bureaucratie découragent de nouveaux investissements. |
1.10. |
Le CESE accueille favorablement l’initiative de la banque de l’hydrogène, dont il escompte qu’elle favorisera le déploiement des technologies reposant sur cet élément, notamment dans les industries difficiles à décarboner. |
1.11. |
Il convient d’entretenir correctement les infrastructures existantes afin de développer de nouveaux processus industriels. Il convient en outre de concevoir des programmes d’infrastructures spécifiques pour accompagner la décarbonation de l’industrie. |
2. Observations générales
2.1. |
La future présidence espagnole du Conseil de l’Union européenne a demandé au CESE d’élaborer un avis exploratoire sur la décarbonation de l’industrie européenne et le rôle de la numérisation et de l’innovation dans ce processus. |
2.2. |
Le CESE avait déjà auparavant consacré un avis d’initiative aux technologies de décarbonation, en examinant tout spécialement la question des industries relevant du système d’échange de quotas d’émission de l’Union (1). |
2.3. |
La société européenne a pris la décision nécessaire et radicale de parvenir à une décarbonation complète d’ici à 2050. Cette mesure frappera le plus durement l’industrie, dont certains domaines d’activité peineront fortement à s’adapter. |
2.4. |
Certaines industries ont procédé ces dernières années à des investissements conséquents, mais se trouveront contraintes à se transformer encore plus radicalement pour atteindre l’objectif de zéro émission nette. Aussi la société européenne se doit-elle de les aider à se passer des combustibles fossiles pour produire d’une manière neutre pour le climat. |
2.5. |
Certaines activités industrielles qu’il est difficile de décarboner doivent se doter de technologies de captage et de stockage du carbone. À l’avenir, ces émissions de CO2 pourraient être exploitées afin de produire des biens à forte valeur ajoutée. |
2.6. |
L’ampleur de la dépendance de l’Union européenne à l’égard de pays tiers pour la fourniture de certaines technologies propres lui pose des problèmes extrêmes pour atteindre son objectif de 40 % d’énergies renouvelables d’ici à 2030. Pour ce qui est de ces technologies propres, l’Europe est largement tributaire des importations, alors qu’elle devra en accélérer puissamment le déploiement pour réaliser les objectifs du paquet «Ajustement à l’objectif 55». L’Union européenne doit recenser les technologies qui appellent un soutien spécifique dans le but de développer les activités de fabrication, et proposer des mesures supplémentaires. |
2.7. |
L’industrie européenne est soumise à une pression constante de la concurrence internationale, qui lui impose de réagir rapidement et de s’employer en permanence à évoluer et adapter son activité afin qu’il reste rentable de produire dans l’Union. Il s’agit déjà là d’un facteur important d’une production moderne, mais grâce aux nouvelles technologies numériques, les entreprises manufacturières peuvent améliorer considérablement leur efficacité et exploiter des perspectives entièrement nouvelles pour la mise au point de leurs produits, de leurs services et de leurs modèles économiques. |
2.8. |
La transition numérique esquissée dans le pacte vert pour l’Europe est une condition préalable pour atteindre l’objectif de la décarbonation. |
2.9. |
Rien ne sera possible sans les gens pour le faire. La main-d’œuvre européenne est hautement qualifiée au regard des technologies actuelles, mais elle devra encore se former pour se saisir des possibilités qu’offrent les nouvelles technologies appelées à être développées et déployées dès demain. |
2.10. |
Conformément au principe généralement admis qui consiste à ne laisser personne de côté, il conviendra d’accorder une attention particulière aux territoires d’implantation des installations industrielles au regard des transformations qui interviendront dans les années à venir et de l’impact qu’auront ces changements, à court terme, sur l’emploi dans les zones concernées. |
3. Un nouvel environnement dans l’Union européenne et au-delà
3.1. |
Dans le même temps, l’Union européenne doit faire face aux nouvelles difficultés que lui pose l’application de la nouvelle loi des États-Unis sur la réduction de l’inflation (2), laquelle pourrait encourager la délocalisation vers ce pays d’une grande partie de la chaîne de valeur industrielle européenne, et en particulier ses maillons liés aux énergies renouvelables et aux technologies à faibles émissions de carbone. Cette loi sur la réduction de l’inflation est une panoplie mêlant subventions, incitations fiscales et garanties de prêt, assorties de diverses conditions sociales et économiques. Les crédits d’impôt aux entreprises forment l’essentiel du dispositif, pour un total d’environ 216 milliards de dollars. |
3.2. |
Des crédits d’impôt à la production sont également disponibles pour les projets éoliens et solaires. Les entreprises qui souhaitent bénéficier de ces crédits à la production doivent se conformer à des exigences quant à la proportion d’éléments issus de la production nationale: le fer, l’acier et les produits manufacturés utilisés dans les installations de production d’électricité doivent être fabriqués aux États-Unis. Tous les processus de fabrication du fer et de l’acier doivent être conduits sur le sol américain, et les produits manufacturés sont considérés comme issus de la production nationale dès lors qu’un certain pourcentage de leur coût de fabrication total correspond à des procédés d’extraction, de production ou de fabrication basés aux États-Unis. Ce seuil est actuellement fixé à 40 % et sera relevé à 55 % en 2026. |
3.3. |
La Commission a proposé une nouvelle législation pour permettre à l’Union de faire face à la concurrence américaine et chinoise. Le CESE élabore actuellement un avis sur cette question. |
3.4. |
Si le CESE reconnaît que cette proposition va dans le bon sens, elle ne sera cependant guère de nature à réaliser l’objectif ambitieux qui a été fixé, et des améliorations devront y être apportées au fil du processus législatif. |
3.5. |
L’écart entre les prix du gaz en Europe et aux États-Unis est immense, même compte tenu de la récente baisse des prix en Europe. Certains fournisseurs qui font une même analyse de la situation ont choisi d’aborder l’approvisionnement en gaz naturel et son prix sous l’angle du «coût d’opportunité», et l’Union, maintenant qu’elle s’est presque entièrement affranchie de sa dépendance au gaz russe, se trouve aujourd’hui empêtrée dans un cadre des prix du gaz et de l’électricité encore plus coûteux qui nuit à la fois à la compétitivité des industries européennes et au déploiement de l’électrification. |
3.6. |
Le processus de décarbonation accroîtra la demande d’électricité; aussi le CESE plaide-t-il en faveur de technologies neutres pour le climat qui donnent la priorité à une fourniture d’électricité décarbonée et abordable et à la sécurité énergétique. |
3.7. |
Les entreprises européennes doivent acheter des certificats carbone dans le cadre du système d’échange de quotas d’émission. Ces certificats affichent actuellement un prix supérieur à 80 EUR, et du fait de leur coût croissant, le supplément sur le prix au comptant de l’électricité s’élève à quelque 40 EUR. À quelques rares exceptions près, les principaux partenaires commerciaux de l’Union n’appliquent pas ce type de tarification du carbone qui, à l’avenir, handicapera l’industrie européenne face à ses concurrents sur les marchés internationaux, même avec le bouclier du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières pour protéger le marché unique. |
3.8. |
L’offre d’énergies décarbonées et abordables sera déterminante pour développer de nouvelles activités industrielles en Europe. À court terme, le règlement «zéro émission nette» n’aura que des effets limités sur les prix de l’énergie, tandis que son incidence à long terme demeure incertaine. L’ambition de réduire la dépendance de l’Europe à l’égard des énergies importées et son exposition aux évolutions erratiques du marché mondial ne se concrétisera pas du jour au lendemain. C’est néanmoins de solutions immédiates dont l’industrie a besoin pour faire face à des prix de l’énergie qui demeurent plus élevés en Europe que dans nombre d’autres régions du monde. Le plan industriel du pacte vert de l’Union ne pourra réussir que si celle-ci réforme également sa politique de l’énergie, notamment par la voie d’une révision de la directive sur l’organisation du marché de l’électricité qui permette sans délai inutile d’assurer la fourniture d’une électricité abordable et sobre en carbone qui réponde au besoin croissant d’électrification. |
3.9. |
L’Union semble coincée entre deux approches, puisqu’elle s’efforce de converger vers les États-Unis et de maintenir une solide base industrielle en Europe, tout en respectant les règles de l’Organisation mondiale du commerce, qui sont parfois en totale contradiction avec le modèle américain. |
3.10. |
Un autre enjeu auquel l’Union doit faire face est celui consistant à préserver le fonctionnement de son marché unique. Comme l’a relevé la Commission, la flexibilité accordée en matière d’aides d’État s’est concentrée sur deux États membres, qui réunissent plus de 70 % de l’ensemble des autorisations accordées par la Commission à titre d’exception transitoire (dans le contexte de la COVID-19 et de l’agression russe contre l’Ukraine). |
3.11. |
Les institutions européennes et les États membres doivent se garder de fournir aux entreprises des aides d’État excessives afin de préserver le marché unique, qui constitue la pierre angulaire de l’Union européenne. Toutefois, afin de permettre la numérisation des PME et de favoriser l’innovation, il serait possible de relever le seuil de minimis puisqu’il n’entrave que marginalement la concurrence. Il s’impose de diffuser dans toute l’Union européenne les expériences engrangées dans le cadre du pôle d’innovation numérique (3). |
4. Le rôle de l’innovation
4.1. |
L’innovation est un facteur déterminant pour permettre à l’Union européenne d’atteindre les objectifs de zéro émission nette, et il s’impose de mettre sur le marché les technologies disponibles les plus mûres sur le plan commercial. Le rôle de l’innovation au sein des entreprises constitue l’instrument déterminant pour déployer de nouvelles technologies respectueuses de l’environnement qui soient viables sur le plan à la fois technique et économique. |
4.2. |
Une démarche centrale pour développer le recours aux nouvelles technologies vertes doit par ailleurs consister à encourager un marché équitable des «biens écologiques authentiques et fiables», en se servant de la commande publique comme du principal levier pour ce faire. |
4.3. |
L’Europe ne possède pas de matières premières, mais la législation proposée sur les matières premières critiques favorisera la production, sur son territoire, de matières premières recyclées à destination de l’industrie. Le principal avantage concurrentiel de l’industrie européenne réside dans ses capacités technologiques et dans sa main-d’œuvre hautement qualifiée, qui lui assurent un rôle au premier plan sur les marchés mondiaux. |
4.4. |
L’Union risque désormais de perdre cet avantage concurrentiel au profit de pays tiers, et le seul moyen de maintenir sa prééminence sera de préserver l’innovation en trouvant le juste équilibre entre cet impératif et celui de protéger l’environnement et les personnes, et en accélérant les autorisations réglementaires, pas seulement dans des «secteurs particuliers» comme le propose la Commission, mais aussi à d’autres niveaux. On constate des exemples flagrants de retards injustifiables s’agissant d’autoriser la mise en place de nouveaux sites industriels. |
4.5. |
Les PME sont la colonne vertébrale de la production manufacturière européenne; aussi convient-il, pour faire progresser la décarbonation, de leur accorder une attention toute particulière, au moyen de programmes spécifiques pour favoriser une innovation et une numérisation efficaces. |
4.6. |
Au regard des investissements considérables qu’exigera la décarbonation, le CESE propose que les institutions de l’Union recourent aussi bien au Fonds pour une transition juste qu’aux financements de NextGenerationEU pour prodiguer le soutien adéquat au processus de décarbonation. |
4.7. |
Les infrastructures en place se prêtent mal à la réalisation des changements nécessaires dans l’industrie et la société; aussi le CESE invite-t-il instamment les pouvoirs publics à lancer un programme visant non seulement à entretenir mais aussi à améliorer les infrastructures indispensables pour pouvoir déployer sans accroc les nouvelles technologies. |
4.8. |
Pour décarboner les industries qui peinent à le faire et qu’il n’est pas possible d’électrifier complètement, l’hydrogène semble constituer le meilleur choix. La récente initiative de l’Union européenne d’une banque de l’hydrogène aiderait à déployer correctement cette technologie du point de vue des volumes et du prix. Certaines expériences menées à l’échelon régional dans le domaine de l’hydrogène revêtent une grande utilité, sachant qu’elles rassemblent des grandes entreprises, des centres de recherche, des universités et des PME. |
5. Le rôle de la numérisation
5.1. |
La numérisation et l’innovation contribuent de manière significative à la décarbonation de l’industrie européenne. De fait, l’industrie, où convergent les technologies numériques et la production de biens physiques, peut être considérée comme un rouage central de la transformation numérique et de la décarbonation de l’industrie, puisque celles-ci encouragent la modernisation de ses procédés, de ses produits et de ses modèles économiques, ce qui a un effet positif sur la productivité. |
5.2. |
Des technologies comme celles des capteurs, de la communication de machine à machine, de l’analyse de données et de la robotique créent des débouchés pour les entreprises manufacturières. En optimisant la production et en l’automatisant, les nouvelles technologies permettent aux entreprises européennes de soutenir la concurrence de pays où les coûts de production sont traditionnellement inférieurs. |
5.3. |
Nombre de secteurs ont d’ores et déjà connu une forte automatisation et continuent de subir l’influence des technologies numériques, qu’il s’agisse de la robotique intelligente pour l’assemblage, des ordinateurs de commande des processus dans le secteur des produits chimiques ou de l’impression en trois dimensions pour la production de composants et de pièces détachées. La deuxième vague de transformation numérique impulsée par l’intelligence artificielle, l’internet industriel des objets et les mégadonnées provoquera probablement des ruptures plus importantes encore et pourrait créer des inégalités entre entreprises et entre régions de l’Union européenne. |
5.4. |
Par exemple, la technologie des capteurs permet de contrôler et d’optimiser la production en assurant un suivi continu de l’utilisation du matériel de production, de la consommation d’énergie, de matières premières et de pièces de rechange, ainsi que de la qualité des produits et des émissions générées. L’analyse des données ainsi collectées peut apporter à l’entreprise des éclairages sur les processus dont le fonctionnement est optimal, sur ceux qui peuvent être améliorés, ainsi que sur son empreinte climatique. |
5.5. |
La numérisation recèle un formidable potentiel pour réduire l’impact climatique de l’industrie, mais encore faut-il qu’elle soit conduite, au même titre que le traitement des données, de manière à prendre en compte la perspective climatique. |
6. Reconversion et perfectionnement
6.1. |
Il faut voir dans la double transition écologique et numérique l’occasion de créer et d’encourager des emplois de qualité, tout en attirant la diversité dans l’industrie, en particulier en cherchant des talents féminins, en favorisant l’ouverture aux travailleurs qualifiés originaires de pays tiers et en déployant d’intenses efforts pour accroître l’attrait de l’industrie auprès des jeunes. |
6.2. |
La Commission européenne a présenté un catalogue fourni d’initiatives conçues dans le cadre de la stratégie européenne en matière de compétences, dont notamment le pacte européen pour les compétences et l’Année européenne des compétences en 2023. Elle prévoit de susciter ou d’élargir des partenariats en matière de compétences, ainsi que de créer des académies des industries à zéro émission nette afin d’appuyer des programmes de perfectionnement et de reconversion professionnels dans des industries stratégiques pour la transition écologique. Les aides d’État et les projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC) devraient également mettre à disposition des ressources financières supplémentaires pour appuyer les objectifs fixés dans le domaine des compétences, tandis que le budget de l’Union et l’instrument NextGenerationEU fournissent d’ores et déjà 64,8 milliards d’euros au titre de la stratégie européenne en matière de compétences. Certains projets actuels, rassemblés dans le cadre d’Erasmus+, tels que le programme pour les compétences dans la sidérurgie européenne (4), sont très prometteurs. |
6.3. |
Le dialogue social joue un rôle déterminant pour déployer correctement les nouvelles technologies et faciliter l’acceptation par la société et par les travailleurs des mutations qui se produiront dans les processus de travail. |
6.4. |
Toutefois, pour pouvoir exploiter pleinement les technologies numériques dans la production, il est important de ne pas se concentrer uniquement sur la technologie et au contraire d’envisager l’entreprise et l’organisation comme un tout. Pour pouvoir conduire la numérisation, il convient de mettre en place une stratégie et des plans d’action. |
6.5. |
L’enjeu consiste à faire en sorte que la transformation numérique soit porteuse de progrès social et ne laisse personne de côté. Les travailleurs doivent pouvoir saisir à l’avance les conséquences de nouvelles évolutions technologiques et influer sur les décisions de leurs employeurs grâce à un droit accru à la participation. Il s’impose de débattre des conséquences des technologies numériques et d’aboutir à des solutions négociées à tous les échelons que sont l’entreprise, le secteur, l’État national et l’Europe. |
6.6. |
La main-d’œuvre de l’Union doit bénéficier d’une reconversion et d’un perfectionnement appropriés pour disposer des nouvelles compétences nécessaires afin de maîtriser les nouvelles exigences du travail. Il convient de recenser les compétences disponibles aujourd’hui, dans le cadre du dialogue social, afin de déterminer si elles présentent ou non un intérêt pour de futurs développements. |
6.7. |
Le maintien d’un dialogue social dynamique et efficace contribuera à l’évidence à améliorer le déploiement et l’acceptation des nouvelles technologies, en réduisant au minimum les coûts sociaux. |
Bruxelles, le 12 juillet 2023.
Le président du Comité économique et social européen
Oliver RÖPKE
(1) Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Le rôle des technologies d’élimination du carbone pour la décarbonation de l’industrie européenne» (avis d’initiative) (JO C 486 du 21.12.2022, p. 53).
(2) Inflation Reduction Act de 2022.
(3) Site de la Commission européenne, https://european-digital-innovation-hubs.ec.europa.eu/fr/home.
(4) Site internet de la Plateforme technologique européenne de l’acier, page consacrée au programme pour les compétences dans la sidérurgie européenne (ESSA), https://www.estep.eu/essa/ (en anglais).
29.9.2023 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 349/41 |
Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Décarbonation de la flotte de pêche»
(avis exploratoire à la demande de la présidence espagnole)
(2023/C 349/08)
Rapporteur: |
Javier GARAT PÉREZ |
Consultation |
Lettre de la présidence espagnole du Conseil, 30.1.2023 |
Base juridique |
Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
Compétence |
Section «Agriculture, développement rural et environnement» |
Adoption en section |
28.6.2023 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
38/6/1 |
Adoption en session plénière |
12.7.2023 |
Session plénière no |
580 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
155/0/0 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Le CESE accueille favorablement la stratégie relative à la transition énergétique du secteur de la pêche et de l’aquaculture de l’UE (1). Il reconnaît qu’il est nécessaire de diminuer les émissions de CO2 et souscrit pleinement à la recherche de solutions énergétiques de substitution qui soient durables, renouvelables et commercialement viables, ainsi qu’à la réduction de la dépendance énergétique à l’égard des pays tiers. Il appelle la société, les entreprises et plus particulièrement le secteur de la pêche à contribuer à parvenir à la neutralité climatique d’ici à 2050. |
1.2. |
Le CESE rappelle que le secteur de la pêche fait partie de la solution pour atténuer les effets du changement climatique: les pêcheurs fournissent l’une des protéines animales les plus saines, avec l’une des empreintes carbone les plus limitées. En effet, selon les données de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced), les émissions du secteur représenteraient en 2023 entre 0,1 et 0,5 % du total mondial. La flotte européenne en particulier a réduit ses émissions de 50 % depuis 1990 (2). Il s’agit donc d’un secteur stratégique clé pour notre société, qui se révèle indispensable pour approvisionner la population et favoriser une alimentation saine. Compte tenu de ce qui précède, le CESE appelle à poursuivre les efforts visant à accroître l’efficacité énergétique et à réduire les émissions. |
1.3. |
Le CESE plaide en faveur d’un calendrier de décarbonation approprié et réaliste, dans lequel il soit tenu compte simultanément des évolutions technologiques, logistiques et législatives. À défaut, il faut s’attendre à une augmentation disproportionnée des coûts (lesquels ne peuvent être répercutés sur les prix de vente du poisson, sauf à vouloir le transformer en produit de luxe), à des pertes d’entreprises et à de la précarité et du chômage. Le coût de la transition ne doit pas être insoutenable pour les employeurs et les travailleurs des différents secteurs maritimes et il convient que personne ne soit laissé de côté. |
1.4. |
Le CESE reconnaît que développer et rendre disponibles à l’échelle mondiale des technologies de substitution vertes et innovantes, de nouveaux carburants et des sources d’énergie neutres en carbone constitue le plus grand défi auquel le secteur de la pêche soit confronté. Pour faire de la décarbonation une réalité, il s’impose de mettre au point des carburants de ce type ainsi que les infrastructures nécessaires. Le CESE considère que le recours à des systèmes hybrides peut être une solution intermédiaire, même si elle ne signifie pas l’abandon immédiat des combustibles fossiles. |
1.5. |
Le CESE souligne que pour relever les défis climatiques, les administrations européennes et nationales peuvent recourir à tout un bouquet de solutions énergétiques. À l’heure actuelle, 100 % des navires de pêche se déplacent au diesel. Selon les spécialistes, les carburants renouvelables et bas carbone qui ne sont pas à base végétale se positionnent comme la solution de substitution la plus viable à court terme pour permettre au secteur de la pêche de sortir des combustibles fossiles, même si leurs prix sont actuellement presque deux fois plus élevés que ceux du diesel et que leur disponibilité est encore très faible. Alors que l’aviation suit une trajectoire distincte, avec le développement des carburants durables d’aviation (CDA), et que d’autres technologies, telles que l’hydrogène et l’électricité, sont plus adaptées à des secteurs comme le transport maritime et le transport routier qu’à celui des navires de pêche, le CESE demande que soit lancé un signal politique clair accordant à ce dernier la priorité dans l’accès à ces carburants de substitution par rapport aux premiers secteurs mentionnés. Il souligne que, tant que ces carburants de substitution ne seront pas disponibles, les objectifs ambitieux fixés dans le pacte vert pour l’Europe et dans le paquet «Ajustement à l’objectif 55» ne pourront pas être atteints (3). |
1.6. |
Le CESE estime que le coût colossal associé à la décarbonation d’un secteur comme celui de la pêche, pour lequel le passage à l’électrique est difficile, dépasse largement la portée des financements européens. La difficulté consistera à maintenir le secteur de la pêche en vie et à préserver sa contribution à la sécurité alimentaire. Il est essentiel que tous les États membres et leurs flottes bénéficient d’un soutien institutionnel et de mesures de financement et de crédit spécifiques. À cet égard, le CESE se dit préoccupé par les limites actuelles du Fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l’aquaculture (Feampa), auquel, comme le reconnaît la Commission elle-même, il ne peut pas être recouru pour réaliser cette transition. De plus, afin qu’il soit possible d’assumer de tels coûts, le CESE appelle à étudier d’autres sources de financement comme la Banque européenne d’investissement, le recours aux recettes des droits de douane pour l’ajustement carbone aux frontières, ou la mobilisation de ressources liées à la fiscalité de l’énergie en les réaffectant au secteur de la pêche. Rappelant que l’âge moyen des navires de la flotte européenne est de 31,5 ans (4), il demande à la Commission de proposer la création d’un fonds d’urgence destiné à accélérer la décarbonation. Il demande également de veiller à une plus grande complémentarité entre les politiques existantes et les fonds de cohésion et de développement régional afin de contribuer à canaliser les fonds et d’éviter la concurrence entre les régions. |
1.7. |
Le CESE fait observer que tout changement de source d’énergie nécessitera de nouveaux navires répondant à une conception inédite et disposant d’une plus grande capacité à bord (tonnage brut) pour accueillir les nouvelles machines. Toutefois, la définition et les limites de la capacité de pêche établies dans le cadre de la politique commune de la pêche entravent ces progrès. Le CESE invite dès lors la Commission à revoir la définition de la capacité de pêche afin qu’il soit possible de mettre en œuvre de nouvelles technologies liées à la transition énergétique. |
1.8. |
Le Comité demande que, dans l’attente que les nouvelles technologies de propulsion soient disponibles sur le marché et que le cadre législatif permette la modernisation, l’installation et l’utilisation de ces technologies, l’Union n’introduise pas de taxes sur le carburant (diesel) utilisé pour les opérations de pêche. |
1.9. |
Le CESE félicite la Commission pour sa proposition de créer un nouveau partenariat multipartite pour la transition énergétique. Il estime qu’il est essentiel, dans l’optique de trouver des solutions concrètes, pratiques et durables, de consulter non seulement le secteur de la pêche, mais aussi les syndicats de travailleurs, les spécialistes techniques, les chantiers navals, les ingénieurs et les ports. Il plaide en faveur d’un plan global visant à renforcer la capacité de l’Europe à construire des navires de pêche respectueux de l’environnement, dans le cadre duquel il conviendrait d’envisager un traitement fiscal particulièrement favorable pour les chantiers navals. |
1.10. |
En particulier, le CESE demande que l’on encourage les projets pilotes portant sur de nouvelles sources d’énergie, la création de chaînes de valeur mer-industrie innovantes, la sensibilisation des utilisateurs à de nouvelles technologies inconnues, la création d’emplois durables grâce au développement d’une nouvelle activité industrielle et le renforcement de l’économie circulaire. Il demande en outre que des ressources soient consacrées à la formation des équipages afin que les nouvelles technologies embarquées soient gérées de manière sûre et efficace. Le seul moyen de supporter équitablement les effets de la transition est d’éviter qu’ils ne pèsent de manière disproportionnée sur les travailleurs ou les entreprises. |
1.11. |
Le CESE souhaite saisir l’occasion du présent avis exploratoire pour intégrer le problème de la décarbonation dans un cadre stratégique plus large. Son chapitre final définit une vision pour l’avenir d’un secteur de la pêche durable de l’Union, qui devrait servir de guide pour les travaux futurs du Comité. |
2. Contexte
2.1. |
Le 21 février 2023, la Commission européenne a publié la stratégie relative à la transition énergétique du secteur de la pêche et de l’aquaculture de l’UE. Cette stratégie met en évidence la nécessité de réduire la dépendance à l’égard des combustibles fossiles et de passer dès que possible à des sources d’énergie renouvelables et à faibles émissions de carbone, conformément aux ambitions du pacte vert pour l’Europe de parvenir à la neutralité climatique dans l’Union d’ici à 2050. |
2.2. |
La Commission note que l’énergie est l’une des principales composantes des coûts d’exploitation du secteur de la pêche et de l’aquaculture de l’Union. En raison de la hausse des prix de l’énergie, les prix du diesel marin ont plus que doublé en 2022 par rapport aux prix moyens de 2021, ce qui a exercé une pression considérable sur la viabilité économique de la flotte et des activités aquacoles de l’Union. Dans ce contexte, environ 40 % de la flotte artisanale, 66 % de la flotte industrielle et 87 % de la flotte lointaine n’étaient pas rentables au niveau des prix de l’énergie de 2022. Par conséquent, pour poursuivre ses activités, une grande partie du secteur de la pêche et de l’aquaculture a dû recourir au soutien financier des États membres et des instruments financiers de l’Union disponibles. |
2.3. |
La Commission européenne souligne à cet égard la vulnérabilité structurelle du secteur de la pêche et de l’aquaculture de l’Union. Pour remédier à cette situation, la communication propose plusieurs lignes d’action:
|
3. Observations générales
Émissions
3.1. |
Le CESE souscrit à l’engagement de parvenir à une empreinte carbone neutre d’ici à 2050 et souligne la nécessité d’accélérer la transition énergétique et la décarbonation du secteur de la pêche. Cette transition doit être équilibrée afin que les charges liées à l’adaptation soient réparties entre tous les opérateurs d’une manière qui ne fausse pas l’exercice de leur activité. En outre, elle doit être supportable et tenir compte des spécificités de la flotte (notamment la taille et le mode d’exploitation des navires), afin que la structure de production puisse être en mesure d’adopter de nouvelles technologies pour déployer de nouvelles formules de propulsion. |
3.2. |
Alors que les émissions de GES du secteur du transport maritime ont augmenté au niveau mondial ces dernières années, celles de la flotte de pêche de l’Union ont diminué jusqu’à 50 % (5) grâce à l’amélioration de l’efficacité énergétique (voir les exemples cités aux paragraphes 4.11 et 4.12) et à la réduction de la taille de la flotte. Sur ce dernier point, l’Union comptait, malgré ses élargissements successifs, 73 716 navires de pêche en 2020 (6) contre 103 834 en 1996, soit 30 000 unités de moins en 25 ans, avec seulement 56 111 navires en activité (dont 75 % font moins de 12 mètres). Les chiffres européens sont encore plus réduits si on les rapporte à ceux de l’ensemble de la planète: selon les estimations, la flotte mondiale comptait en 2020 quelque 4,1 millions de navires de pêche (7). Il est estimé par ailleurs qu’avec 564 000 navires, c’est la Chine qui possède la plus grande flotte de pêche au monde. En ce qui concerne la production halieutique, la Chine représentait près de 15 % des captures mondiales en 2020, la part de l’Union étant de 4 %. Compte tenu de ce qui précède, il est essentiel de maintenir une flotte de pêche européenne moderne et compétitive. |
3.3. |
Le CESE estime qu’il est essentiel, pour évaluer les progrès accomplis en matière de réduction des émissions de CO2 de la flotte, de définir une année de référence qui ne pénalise pas le secteur, reconnaisse les efforts qu’il a consentis et continue à l’encourager à avancer sur la voie de la neutralité. De fait, le CESE reconnaît les progrès réalisés par la flotte de l’Union sur la voie de la neutralité climatique depuis 1990. Il estime dès lors que choisir 2005 ou 2008 comme année de référence pour la réduction des émissions dans le secteur de la pêche reviendrait purement et simplement à ne pas reconnaître ces progrès et à pénaliser le secteur, compte tenu des spécificités et des contraintes qui sont les siennes. |
Passer à des sources d’énergie renouvelables et à émissions de carbone faibles ou nulles
3.4. |
Le secteur de la pêche est totalement tributaire des combustibles fossiles, ce qui signifie que toute solution doit être envisagée à moyen et long terme. Toutefois, compte tenu de la nécessité de lutter contre le changement climatique et de tirer parti des progrès technologiques enregistrés dans d’autres secteurs, la recherche de telles solutions pour le secteur de la pêche doit être lancée dans les meilleurs délais, et être soutenue par un fonds d’urgence destiné à accélérer la décarbonation. |
3.5. |
Le CESE souligne que l’on pourrait adopter, en tant que mesures plus réalistes à court terme, des solutions mixtes telles que l’introduction de moteurs hybrides, le recours à des technologies renouvelables existantes à titre complémentaire ou auxiliaire (solaire, éolienne, électrique), ainsi que l’utilisation de carburants de substitution avancés qui ne sont pas produits à partir de cultures destinées à l’alimentation humaine ou animale. |
3.6. |
Le CESE attire l’attention sur les carburants renouvelables et bas carbone, en raison de leur compatibilité avec les moteurs à combustion classiques et avec les systèmes d’approvisionnement existants et du fait qu’on peut les produire. De plus, leur distribution peut être effectuée en utilisant des installations industrielles existantes, comme les raffineries. De même, ils sont propres à renforcer l’indépendance énergétique de l’Europe, car ils sont produits à partir de matières premières indigènes, contrairement au pétrole ou aux minéraux nécessaires à la fabrication de batteries. Ces carburants offrent également de vastes perspectives de création d’emplois et de richesse industrielle, et leur rôle peut être crucial pour la relance économique de l’Europe. Il faut toutefois garder à l’esprit que les carburants renouvelables et bas carbone sont aujourd’hui plus chers que le diesel et que leur disponibilité est encore très faible. |
3.7. |
Le CESE souligne que certaines des nouvelles sources de propulsion de substitution, telles que l’électricité, ont vu leur prix augmenter avant l’invasion non provoquée de l’Ukraine par la Russie. L’Union doit donc garder à l’esprit que le passage des combustibles fossiles à d’autres sources d’énergie renouvelables ne se traduira pas toujours par une baisse des coûts. |
Nécessité de renouveler la flotte et mécanismes de financement appropriés
3.8. |
Outre la nécessité de combler les lacunes en matière de connaissances technologiques et d’innovation, il existe un facteur qui limite intrinsèquement la flotte de pêche européenne actuelle: l’âge moyen des navires, qui est supérieur à 30 ans. Cela empêche les entreprises d’armement de navires de mer d’envisager la plupart des investissements de modernisation auxquels ils doivent éventuellement faire face. Le CESE estime que sur des bateaux aussi anciens, un simple changement de moteur n’est ni suffisant ni réalisable. Il est donc indispensable d’envisager un plan de renouvellement de la flotte de l’Union, qui permette d’achever le processus de parvenir à une pêche durable avec des navires modernes, c’est-à-dire du XXIe siècle. Cette stratégie contribuerait également à améliorer les perspectives socioéconomiques de la flotte. |
3.9. |
Le CESE se félicite de la proposition de la Commission d’élaborer un guide et une base de données spécifiques sur les fonds et les instruments de financement de l’Union en faveur de la transition énergétique. Toutefois, à l’heure actuelle, le programme Horizon Europe de l’Union ne prévoit pas d’appels à propositions spécifiques pour la pêche. En outre, il existe de fortes contraintes de financement dans le cadre du nouveau Feampa, étant donné qu’il ne prévoit que de faibles taux d’aide pour les investissements dans les flottes et que les subventions sont conditionnées à la taille des navires (par exemple, les mesures de financement du remplacement des moteurs sont limitées aux navires dont la longueur est inférieure à 24 m). Par ailleurs, le financement dépend aussi fortement de facteurs tels que l’équilibre de la flotte, l’absence d’infractions graves et la capacité de pêche, laquelle reste malheureusement mesurée de manière insatisfaisante. Compte tenu de ce qui précède, le CESE estime qu’il est essentiel de mettre en place un fonds spécifique et des lignes de crédit pour la modernisation et le renouvellement de la flotte. |
Obstacles à la transition énergétique
3.10. |
En règle générale, les sources d’énergie de substitution nécessitent plus d’espace et constituent un danger supplémentaire pour la sécurité à bord. Toutefois, contrairement au secteur du transport maritime, celui de la pêche doit faire face dans l’Union à des contraintes de capacité sur le plan du tonnage brut (espace), ce qui rend encore plus difficile d’installer de nouvelles technologies sur les navires ou de réaliser des investissements. À cet égard, il convient de noter qu’appliquer certaines technologies de décarbonation aux navires de pêche artisanale soulève encore plus de problèmes. |
3.11. |
Le CESE souligne que la définition inadéquate de la capacité de pêche dans la politique commune de la pêche (PCP) entrave non seulement, de manière générale, la modernisation de la flotte, en faisant obstacle à l’installation de nouvelles technologies, mais aussi les améliorations sociales et celles en matière de sécurité. À l’heure actuelle, l’espace à bord destiné à la cuisine, aux cabines, aux toilettes ou aux aires de loisirs, qui n’a rien à voir avec la capacité de capture ou de stockage du poisson, est néanmoins comptabilisé au titre de la capacité de pêche. La PCP est manifestement en contradiction avec les exigences de la législation sociale (8), telle que la convention C188 de l’OIT sur le travail dans la pêche. |
3.12. |
Le CESE est d’avis que la stratégie pour la transition énergétique devrait tenir compte de ces facteurs et proposer en conséquence une révision des mesures de capacité afin de permettre l’introduction de nouvelles technologies et la modernisation de la flotte. Les nouvelles mesures auxquelles on pourrait avoir recours sont le «tonnage net» ou les formules utilisées en Norvège et en Islande, qui excluent du calcul les aires destinées aux loisirs et au repos des travailleurs et sont fondées sur des facteurs tels que le quota attribué ou la taille du navire. Cette révision permettrait en outre d’inclure les améliorations de l’habitabilité nécessaires pour rendre le secteur plus attrayant pour la main-d’œuvre jeune, combler le fossé générationnel et faciliter l’intégration des femmes dans le secteur de la pêche. |
Taxation des carburants traditionnels
3.13. |
Étant donné qu’une nouvelle construction sera un exercice risqué sur le plan économique pour les armateurs de l’Union, le CESE demande l’adoption de politiques qui apportent une sécurité juridique aux sociétés d’armement de navires de mer. Il est donc important de geler l’introduction de nouvelles taxes sur le carburant traditionnel de la pêche (le diesel), tant que les nouvelles technologies en matière de propulsion et de carburant ne seront pas disponibles sur le marché et que les cadres législatifs régissant les rénovations nécessaires restent parfaitement établis. Le choix inverse ne ferait que pénaliser le secteur. |
Partenariat pour une transition énergétique dans le secteur de la pêche et de l’aquaculture de l’Union
3.14. |
Le secteur ne dispose, ni de la part des fournisseurs de technologies ni de celle des décideurs politiques, d’orientations quant à la direction qu’ils doivent prendre sur la voie de la décarbonation. Le CESE se félicite dès lors de l’initiative de la Commission de mettre en place un groupe d’experts chargé de fournir des conseils sur les différents choix disponibles, les évolutions futures, le marché, etc. Il serait particulièrement important de recenser les technologies qui fonctionnent le mieux pour chaque segment de flotte et chaque région, sachant qu’il pourrait s’avérer nécessaire de combiner différentes sources d’énergie. En outre, il sera utile d’organiser des campagnes d’information et de sensibilisation auprès de la chaîne mer-industrie pour encourager la décarbonation. |
Économie bleue
3.15. |
L’économie bleue recouvre toutes les activités économiques qui dépendent de la mer. Les différents secteurs qui la constituent sont interdépendants (pêche, biotechnologie, navigation, transport maritime, aquaculture, chantiers navals, chaîne d’approvisionnement, logistique et transport), car ils reposent sur des compétences communes et des infrastructures partagées (ports, réseaux de logistique et de distribution électrique) et sur l’utilisation durable des ressources marines. Le CESE souligne la nécessité de mettre en œuvre une stratégie globale de décarbonation et de rechercher des synergies entre les différents maillons de la chaîne. En outre, il appelle de ses vœux des ressources humaines et des compétences adéquates pour concevoir, construire et exploiter des navires modernes. Il est indispensable d’attirer une main-d’œuvre spécialisée. |
4. Observations particulières
Carburants avancés
4.1. |
Le CESE souligne le potentiel que recèlent les carburants avancés qui ne sont pas produits à partir de cultures destinées à l’alimentation humaine ou animale dans le domaine de l’économie circulaire, de la lutte contre le dépeuplement des zones rurales côtières et, bien entendu, du renforcement de l’indépendance énergétique de l’Union. En effet, conformément aux objectifs de neutralité en matière d’émissions de CO2 fixés par l’Union, les émissions nettes de ces types de carburant de substitution entrant en combustion au sein des moteurs peuvent devenir nulles s’ils sont produits à partir d’électricité renouvelable. |
4.2. |
Pour diverses raisons, la Commission européenne limite l’utilisation des biocarburants à base végétale, disposition que le CESE a saluée dans plusieurs avis. Toutefois, il n’existe pas de stratégie claire pour le développement et l’introduction de carburants de substitution, ce qui serait important non seulement pour le secteur de la pêche, mais aussi pour d’autres industries. Il n’existe pas non plus de hiérarchisation des priorités indiquant quels secteurs, parmi ceux qui sont difficiles à décarboner, dont la pêche fait partie, devraient avoir un accès prioritaire à ces carburants. Ces lacunes compliquent les efforts consentis par le secteur de la pêche pour faire progresser la décarbonation le plus rapidement possible. Le CESE fait observer que les carburants renouvelables et bas carbone constituent une option de bon sens dans cette voie vers la décarbonation de secteurs où il est difficile de passer à l’énergie électrique, comme celui de la pêche. Les carburants de substitution avancés qui ne sont pas produits à partir de cultures destinées à l’alimentation humaine ou animale seront plus chers, en raison de la rareté et du recours à des technologies plus exigeantes. Dans cette perspective, comme le CESE l’a déjà souligné par le passé (9), il s’impose de combler l’écart de prix entre les combustibles fossiles et les carburants de substitution, et de rendre les carburants propres plus abordables et plus largement disponibles. |
4.3. |
Le CESE souligne que les biodiesels utilisés actuellement sont issus de cultures (huile de palme, colza, soja et tournesol) ne permettant pas de parvenir à une décarbonation complète; de plus, la matière première n’est pas disponible en quantité suffisante. La solution (non encore disponible) consisterait à mélanger le gazole actuel avec des quantités croissantes d’électrodiesel, un carburant de synthèse fabriqué à partir d’hydrogène électrolytique vert et de CO2 capté. Ces carburants de synthèse sont produits à partir de dioxyde de carbone préalablement capté dans l’atmosphère ou via des procédés industriels produisant du CO2, avant qu’il ne soit rejeté. |
4.4. |
Dans un premier temps, les carburants avancés et durables ne seront pas produits en quantité suffisante pour répondre à la demande du secteur de la pêche. On estime que leur production s’élèvera à 50 millions de tonnes à l’échelle mondiale en 2050 (le transport maritime consomme aujourd’hui environ 300 millions de tonnes de carburant, et le transport routier lourd environ 900 millions de tonnes). Toutefois, d’ici là, les camions devraient être électrifiés, de sorte que l’on pourrait s’attendre à ce que la totalité de ces carburants soit destinée à un usage maritime. Le secteur de la pêche en Europe a consommé environ 1,9 milliard de litres de diesel marin en 2020. Des décisions politiques doivent être prises pour veiller à ce qu’une telle hiérarchisation des priorités soit mise en place. |
4.5. |
C’est pourquoi le CESE appelle à accélérer le développement et la production de carburants avancés qui ne sont pas produits à partir de cultures destinées à l’alimentation humaine ou animale (10) et à adopter une décision politique claire accordant aux navires de pêche un accès prioritaire à ces carburants avancés, à un prix abordable. |
Autres solutions pour la décarbonation: systèmes de propulsion de substitution
4.6. |
Différentes initiatives dans le domaine de l’énergie ont été développées dans le monde entier; toutefois, la plupart d’entre elles sont des projets pilotes qui s’accompagnent d’un certain nombre de difficultés concernant leur installation et leur utilisation dans le secteur de la pêche. Un autre défi à relever est la nécessité de développer des infrastructures en Europe et dans les ports de pêche des pays tiers pour recharger les navires de pêche, comme c’est le cas pour les véhicules terrestres. À cet égard, le CESE accueille favorablement les projets pilotes qui ont été lancés pour la recharge en haute mer au moyen de bouées ou de parcs éoliens offshore (11). De cette manière, un bateau électrique ou hybride pourra recharger ses batteries sans devoir entrer dans un port. |
4.7. |
Le gaz naturel liquéfié (GNL) utilisé en tant que carburant marin est déjà une réalité, puisqu’il est produit et doté d’infrastructures dédiées, en particulier en Europe. Toutefois, une étude récente (12) montre que, si les moteurs GNL émettent 25 % de CO2 de moins que le diesel par unité de puissance motrice, ce gaz est en grande partie constitué de méthane, dont l’effet de serre est nettement supérieur à celui du CO2. L’étude estime que, sur une période de 100 ans, les avantages de l’utilisation du GNL sur le plan des émissions de gaz à effet de serre ne seraient que de 15 %. C’est pourquoi le GNL, même s’il constitue une avancée importante, ne saurait être considéré comme une solution définitive à long terme. En outre, il devrait être mélangé avec du biométhane et du méthane de synthèse, des carburants rares et chers. Pour ce carburant, les réservoirs sont trois fois plus grands que la normale et sont installés sur le pont, ce qui entraîne des problèmes de capacité et de sécurité. |
4.8. |
Bien qu’il ne s’agisse pas non plus d’une alternative viable en tant que moyen de propulsion, le CESE reconnaît l’importance que revêt l’ammoniac dans le processus de décarbonation. La réfrigération à l’ammoniac est largement utilisée sur les grands navires de pêche, en particulier ceux qui congèlent ou transforment leurs captures à bord. Cette source d’énergie est respectueuse de l’environnement car elle n’a aucun effet connu sur la couche d’ozone. Toutefois, dès lors qu’il s’agit d’un gaz, il est essentiel de renforcer la sécurité des navires de pêche et la prévention des fuites. |
4.9. |
L’hydrogène (H2) ne semble pas non plus être une source d’énergie viable pour le secteur de la pêche et il est difficile d’y recourir même pour les navires marchands. La raison principale en est qu’il nécessiterait des réservoirs de stockage quatre fois plus grands que ceux utilisés pour les combustibles fossiles. Toutefois, les moteurs à pile à combustible à hydrogène méritent une attention particulière. Il s’agit d’un dispositif électrochimique qui transforme directement l’énergie chimique en énergie électrique. Le processus électrochimique qui a lieu est très efficace et a un impact environnemental très faible, en particulier si l’électrolyse — qui nécessite elle-même de l’énergie — est produite à partir de sources solaires ou éoliennes. Le CESE juge intéressant d’analyser les possibilités de développer cette technologie pour les navires de pêche, y compris en ce qui concerne son utilisation comme énergie auxiliaire à bord. |
4.10. |
Pour ce qui est des navires nouvellement construits, le CESE encourage à étudier et mettre en place des solutions technologiques applicables aux navires marchands. Par exemple, il semble qu’il s’avère possible de recourir au méthanol dans des moteurs à deux combustibles, l’espoir étant de pouvoir utiliser du diesel et lui ajouter un mélange de méthanol, le méthanol vert devenant de plus en plus disponible. Parmi les autres technologies et domaines d’amélioration susceptibles de fonctionner figurent les navires de pêche assistés à la voile, l’hydrodynamique améliorée, les systèmes énergétiques améliorés, tels que le passage de mécanismes mécaniques et hydrauliques à des mécanismes électriques, ainsi que la construction et l’utilisation de matériaux légers (par exemple, panneaux de chalut non métalliques). |
4.11. |
Il convient également de souligner que le secteur de la pêche collabore depuis des décennies avec la communauté scientifique pour améliorer la conception des engins de pêche et les rendre plus efficaces. De nombreuses techniques de pêche innovantes ont déjà fait l’objet de progrès technologiques considérables, qui ont eu pour résultats d’améliorer la sélectivité, de réduire le contact avec les fonds marins et/ou la résistance à la navigation, ainsi que de diminuer la consommation de carburant (13). On peut citer, à titre d’exemple d’engins innovants, les panneaux de chalut semi-pélagiques, qui, opérant de 2 à 5 mètres du fond, éliminent le problème du contact avec les fonds marins. Cette technique a une incidence nettement moindre sur les écosystèmes benthiques et réduit les captures accidentelles. Elle réduit également la consommation de carburant, et donc la pollution et les émissions de gaz à effet de serre. |
4.12. |
Le CESE rappelle que la réduction de l’empreinte écologique de la pêche ne dépendra pas seulement d’actions liées à la propulsion. À cet égard, l’Union devrait investir dans de nouveaux usages commerciaux des produits de la mer (par exemple pharmaceutiques, cosmétiques, etc.) afin d’utiliser au maximum le poisson capturé. Parallèlement, elle devrait encourager les entreprises à acheter des matériaux pouvant être recyclés, promouvoir des initiatives d’économie circulaire à bord des navires de sorte à réutiliser les déchets et financer des programmes de ramassage des ordures tels que Fishing for litter («Pêche aux déchets marins») (14). L’amélioration de l’état des stocks halieutiques a également entraîné une réduction de l’effort de pêche et, partant, du temps de pêche, ainsi que de la consommation de carburant. De même, une réduction des émissions peut être obtenue en optimisant la gestion de la flotte et sa logistique (5 à 50 % de réduction des émissions de GES) et en optimisant les déplacements (1 à 10 % de réduction des émissions de GES) (15). |
4.13. |
Le CESE fait observer que certaines nouvelles technologies offrent une autonomie limitée aux navires de pêche. Par exemple, les prototypes actuels de propulsion à l’énergie électrique offrent une autonomie de 5 à 6 heures, qui serait insuffisante pour une journée complète de pêche (dont la durée peut aller jusqu’à 12 voire 14 heures), sans mentionner les sorties de pêche de plusieurs semaines. Il est tout aussi important d’améliorer la conception et l’efficacité des navires. |
5. «Amis des poissons et des pêcheurs»: une vision pour l’avenir d’un secteur de la pêche durable dans l’Union
5.1. |
Ces dernières années, le Comité économique et social européen a élaboré des visions stratégiques dans plusieurs domaines: la politique alimentaire globale (16), le développement rural-urbain durable (17) et l’économie du bien-être (18). Le moment est venu pour lui d’élaborer également une vision globale à long terme pour un secteur de la pêche durable de l’Union, vision qui, conjuguée à tous les efforts déployés dans les domaines de la biodiversité, de la politique alimentaire durable, de la santé et du bien-être, de bonnes conditions de travail, du développement rural et urbain durable et de l’autonomie stratégique, devrait consister à engager l’Union à décarboner ce secteur afin de garantir la viabilité économique nécessaire à la mise en œuvre du pacte vert pour l’Europe et la concrétisation du programme à l’horizon 2030. Le CESE, conformément à l’initiative de transformation bleue du cadre stratégique de la FAO et dans le contexte plus large de son propre appel en faveur d’un pacte bleu de l’UE, souligne la nécessité de garantir et d’accroître, dans le respect de l’environnement, la contribution des systèmes alimentaires aquatiques à des régimes alimentaires sains, sûrs, nutritifs et abordables pour tous, l’objectif ultime étant de réduire la dépendance du marché de l’Union à l’égard des importations de poisson de pays tiers. |
5.2. |
Le CESE souhaite saisir l’occasion du présent avis exploratoire pour intégrer le problème de la décarbonation dans un cadre stratégique plus large. Une approche globale pour un secteur de la pêche durable devrait être mise en œuvre selon les six axes suivants: |
5.2.1.
Conformément à l’objectif de développement durable (ODD) 14 de l’ONU, «Vie aquatique», et en lien avec l’accord historique de la COP 15 sur la biodiversité (19), le CESE réaffirme son engagement sans faille à l’idée de maintenir des stocks halieutiques sains et productifs et à promouvoir d’autres aspects ayant trait à la biodiversité dans le secteur de la pêche. Toutes les espèces exploitées commercialement doivent atteindre des niveaux de rendement maximal durable (RMD) ou des niveaux plus élevés dans des délais aussi courts que possible, en toute compatibilité avec le maintien de la viabilité économique à long terme des différentes flottes de pêche. À cet égard, les scientifiques qui effectuent les évaluations du Conseil international pour l’exploration de la mer (CIEM) et du comité scientifique, technique et économique de la pêche (CSTEP) devraient être dotés des ressources nécessaires pour pouvoir compléter les données manquantes. En l’absence de données scientifiques suffisantes, le principe de précaution s’appliquera systématiquement à la gestion des stocks halieutiques, avec notamment une réduction des captures lorsque les scientifiques le recommandent. Le cas échéant, les programmes de démolition de navires, qui devront être dotés de ressources budgétaires suffisantes afin d’adapter la taille de la flotte aux possibilités de pêche disponibles, prévoiront des possibilités de reconversion professionnelle pour les membres d’équipage.
5.2.2.
Le secteur de la pêche de l’Union doit s’engager à parvenir à la neutralité carbone à l’horizon 2050 en réalisant les objectifs de la transition énergétique fixés par l’Union européenne et soutenus par le secteur de l’innovation et de la technologie. Une étude approfondie sur l’état des équipements et technologies disponibles constitue un premier pas vers la recherche d’une solution sur mesure pour chaque segment de flotte, préférable à une solution unique pour tous.
5.2.3.
Les pêcheurs recevront les instruments et les orientations nécessaires pour se concentrer sur la transition qui approche et doit advenir, mais ils devront être soutenus tant au cours des processus de décarbonation que pendant ceux de transformation structurelle plus larges. La priorité est de renouveler les navires de pêche afin d’améliorer leur habitabilité, les conditions de vie et la sécurité à bord, en rendant le secteur plus attrayant et en permettant ainsi le renouvellement des générations. Parmi les autres améliorations nécessaires liées à la décarbonation figurent le passage des systèmes de propulsion et des systèmes auxiliaires à des systèmes plus avancés et plus efficaces et à l’utilisation d’engins de pêche modernes, économes en énergie, sélectifs et n’ayant pas d’incidence négative (ou du moins une incidence négligeable) sur la santé et la biodiversité de l’écosystème en général. Suivre ce cap nécessite la réalisation d’une étude approfondie à l’échelle de l’Union sur les technologies disponibles pour la transition énergétique dans le secteur de la pêche et de l’aquaculture et sur leurs coûts et avantages respectifs pour chaque segment de flotte et compte tenu des spécificités nationales. La reconversion et le perfectionnement professionnels de la main-d’œuvre sont tout aussi importants pour que les travailleurs de l’industrie maritime soient formés et préparés à la transition énergétique (conformément à la stratégie européenne en matière de compétences en faveur de la compétitivité durable, de l’équité sociale et de la résilience). Compte tenu de la situation économique précaire du secteur de la pêche dans de nombreuses régions d’Europe et de la réduction continue de sa flotte, il convient d’élaborer des plans et des instruments stratégiques visant à améliorer la compétitivité du secteur, en soutenant son développement et son innovation afin de contribuer à un niveau de vie équitable pour ceux qui sont tributaires des activités de pêche.
5.2.4.
Même s’il est possible, lorsque l’aménagement du territoire le permet, de mettre en place une diversification et une transition partielle vers d’autres secteurs d’activité, tels que la pêche récréative ou d’autres segments du tourisme durable, il est indéniable que le secteur de la pêche reste la principale source d’emplois et de revenus dans de nombreuses localités et régions côtières, non seulement pour le personnel à bord mais aussi pour les travailleurs de tous les secteurs et services connexes. L’abandon de la pêche entraînerait non seulement le déclin et le dépeuplement progressif de ces régions, mais aussi une perte irréparable du patrimoine culturel qui définit et façonne l’essence même de nos sociétés européennes. Tous les acteurs concernés doivent travailler de sorte à susciter un discours plus positif sur le secteur de la pêche. Par ailleurs, l’aquaculture en eaux intérieures est à même d’offrir de nouvelles perspectives économiques aux zones rurales.
5.2.5.
La pêche durable fournit des protéines animales qui ont non seulement une empreinte carbone plus faible, mais aussi d’excellentes qualités nutritionnelles. Si les modes actuels de consommation de viande des européens tendent à privilégier la qualité par rapport à la quantité, ce n’est pas le cas pour la consommation de poisson, qui, dans la plupart des cas, est quantitativement inférieure aux recommandations nutritionnelles. Les pouvoirs publics devraient donner la priorité à la promotion de la consommation de poisson à des prix abordables pour la population dans son ensemble, par exemple en encourageant la mise en valeur d’espèces moins connues. En tant que pierre angulaire d’une alimentation saine et équilibrée (20), le poisson doit être soumis à une TVA réduite.
5.2.6.
L’Union européenne importe les trois quarts du poisson qu’elle consomme. Au-delà du déséquilibre commercial, cet état de fait pose le problème de l’inégalité des garanties présentées par ces importations sur le plan de la sécurité sanitaire, puisqu’elles ne sont pas soumises à une traçabilité «du filet à l’assiette». Pour remédier à cette lacune, l’Union devrait utiliser des instruments commerciaux bilatéraux et multilatéraux visant à n’importer que des produits de la mer durables produits dans des pays tiers dont les normes sont équivalentes aux siennes, ce qui garantirait dans le même temps une concurrence loyale sur un pied d’égalité. De même, le secteur de l’aquaculture revêt un potentiel indéniable pour répondre aux exigences du marché de la pêche de l’Union. Il est possible de parvenir à une croissance durable en laissant de l’espace à de nouvelles activités grâce à un aménagement approprié du territoire et en rationalisant la procédure d’octroi des autorisations nécessaires, qui dépend souvent de plusieurs services, voire de différents niveaux (national, régional, local) des administrations publiques. Si l’Union entend assurer sa souveraineté alimentaire, il convient qu’elle exploite toutes les possibilités d’accroître la production de poissons et de fruits de mer de manière durable.
Bruxelles, le 12 juillet 2023.
Le président du Comité économique et social européen
Oliver RÖPKE
(1) COM(2023) 100 final.
(2) Voir les données annuelles sur les émissions transmises chaque année par la Commission européenne à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (protocole de Kyoto) conformément aux lignes directrices définies par le GIEC, qui comptabilisent l’évolution des émissions entre 1990 et 2020 en tonnes de CO2, de CH4 et de N2O pour le secteur de la pêche de l’UE [voir tableaux 1.A(a)s4, 3s1 et 3s2, 1.A(a)s3, 1.D].
(3) Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l’utilisation de carburants renouvelables et bas carbone dans le transport maritime et modifiant la directive 2009/16/CE [COM(2021) 562 final — 2021/0210 (COD)] (JO C 152 du 6.4.2022, p. 145).
(4) https://oceans-and-fisheries.ec.europa.eu/facts-and-figures/facts-and-figures-common-fisheries-policy/fishing-fleet_fr.
(5) https://ebcd.org/wp-content/uploads/2021/11/Je%CC%81ro%CC%82me-UAPF.pptx.
(6) https://op.europa.eu/fr/publication-detail/-/publication/bba413d1-484c-11ed-92ed-01aa75ed71a1.
(7) https://www.fao.org/3/cc0461fr/online/sofia/2022/capture-fisheries-production.html.
(8) Étude intitulée Analysis on Gross Tonnage and Propulsion Power ceilings, portant sur l’impact social des limitations de tonnage brut et de la puissance propulsive et sur des alternatives possibles réalisées dans le cadre d’un projet de dialogue social.
(9) Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l’utilisation de carburants renouvelables et bas carbone dans le transport maritime et modifiant la directive 2009/16/CE [COM(2021) 562 final — 2021/0210 (COD)] (JO C 152 du 6.4.2022, p. 145).
(10) Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Vers un secteur des algues de l’UE fort et durable» [COM(2022) 592 final] (JO C 228 du 29.6.2023, p. 126).
(11) https://www.maersksupplyservice.com/2022/01/25/maersk-supply-service-launches-venture-company-stillstrom/.
(12) https://theicct.org/sites/default/files/publications/LNG%20as%20marine%20fuel%2C%20working%20paper-02_FINAL_20200416.pdf.
(13) https://www.ices.dk/news-and-events/news-archive/news/Pages/InnovativeFishingGear.aspx.
(14) https://fishingforlitter.org/.
(15) Avis du conseil consultatif pour la mer du Nord (NSAC) 17-2122 relatif à la décarbonation de la flotte de pêche.
(16) Avis du Comité économique et social européen sur «La contribution de la société civile au développement d’une politique alimentaire globale dans l’Union européenne» (avis d’initiative) (JO C 129 du 11.4.2018, p. 18).
(17) Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Vers une stratégie globale en matière de développement rural et urbain durable» (avis d’initiative) (JO C 105 du 4.3.2022, p. 49).
(18) Avis du Comité économique et social européen sur «L’économie durable dont nous avons besoin» (avis d’initiative) (JO C 106 du 31.3.2020, p. 1).
(19) Décision 15/4 du Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal.
29.9.2023 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 349/50 |
Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Aspects économiques d’un “pacte bleu pour l’Europe” — Les besoins d’investissement liés à l’eau dans l’UE»
(avis d’initiative)
(2023/C 349/09)
Rapporteur: |
Florian MARIN |
Décision de l’assemblée plénière |
25.1.2023 |
Base juridique |
Article 52, paragraphe 2, du règlement intérieur |
|
Avis d’initiative |
Compétence |
Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale» |
Adoption en section |
27.6.2023 |
Adoption en session plénière |
13.7.2023 |
Session plénière no |
580 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
181/6/5 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Le CESE considère l’accès à une eau sûre, propre et de qualité comme un droit fondamental et estime qu’il est totalement inacceptable qu’au sein de l’Union européenne, certaines personnes n’aient toujours pas accès à l’eau. |
1.2. |
L’établissement d’une économie de l’eau dans l’Union devrait être inclusif, bien réglementé, transparent, hautement numérisé, résilient, durable, prévisible et sûr, en donnant la priorité aux citoyens et en produisant de la valeur ajoutée. Il est primordial que toutes les industries assument de manière équitable le coût sociétal de leur consommation d’eau. |
1.3. |
Le CESE invite instamment les institutions de l’Union à accorder au pacte bleu pour l’Europe la même importance et la même priorité qu’au pacte vert pour l’Europe, les deux étant pleinement complémentaires. |
1.4. |
Le futur cadre réglementaire de l’économie bleue de l’UE doit:
|
1.5. |
Le CESE appelle de ses vœux:
|
1.6. |
Reconnaissant que pour progresser vers des industries neutres pour le climat, il y a également lieu de tenir compte des émissions industrielles dans l’eau, des incidences négatives sur la santé humaine et des coûts sociaux qui en résultent pour la société, le CESE demande l’élaboration de normes spécifiques sur l’utilisation de l’eau dans différents secteurs économiques, tels que l’agriculture ou l’industrie. Cet objectif peut être atteint par la mise en place d’un groupe d’experts chargé de concevoir des lignes directrices sectorielles pour encadrer l’utilisation de l’eau. |
1.7. |
Le CESE propose que:
|
1.8. |
Le CESE estime que les fonds de l’Union sont essentiels à la transition durable de l’eau et demande que:
|
1.9. |
Le CESE est d’avis qu’il est essentiel d’intégrer la résilience dans les critères d’évaluation des investissements liés à l’eau, car elle peut réduire les dépenses relatives à la reprise à la suite d’événements imprévisibles lorsqu’elle s’accompagne d’investissements optimaux dans des mesures de réduction des risques. |
1.10. |
Une coordination et une complémentarité efficaces devraient exister entre la Commission européenne, la Banque européenne d’investissement (BEI) et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) en ce qui concerne le financement des investissements dans le secteur de l’eau, en plus des indicateurs de performance clés communs dans le cadre stratégique de l’UE. |
2. Cadre d’action et stratégique
2.1. |
L’établissement d’une économie de l’eau devrait être inclusif, bien réglementé et transparent, tout en tenant compte des nombreuses différences entre les régions et les collectivités. Il devrait également être hautement numérisé, résilient, durable, prévisible et sûr, en garantissant la complémentarité entre les secteurs et les acteurs industriels, en donnant la priorité aux personnes, en protégeant la vie et en produisant une valeur ajoutée grâce à une approche sur mesure dans un écosystème durable et équitable. |
2.2. |
Le CESE souligne qu’il importe de disposer de nouveaux points de vue en ce qui concerne les cadres d’action, les dispositions institutionnelles et la planification des investissements, y compris une plus grande transparence à propos des initiatives en matière de durabilité et la création de lignes directrices et de classifications précises pour les investissements durables et innovants. Étant donné que l’utilisation durable et la protection des ressources hydriques et marines constituent l’un des six objectifs environnementaux établis dans le règlement sur la taxinomie (6), un acte délégué spécifique pour une utilisation durable de l’eau est nécessaire (labels verts, restauration des écosystèmes). Le CESE souligne les valeurs communes de l’Union concernant les services d’intérêt économique général telles que définies à l’article 14 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) et énoncées dans le protocole no 26 sur les services d’intérêt général, annexé au traité sur l’Union européenne (TUE) et au TFUE (7). |
2.3. |
La spécificité de l’eau exige que l’économie de l’eau soit réglementée dans le plein respect de la dignité humaine et des droits de l’homme, en intégrant de manière transversale des conditionnalités sociales, l’équité et les besoins fondamentaux de l’homme et de la société. Le CESE plaide en faveur d’un système judiciaire adapté au secteur de l’eau, bâti en coopération avec les organisations internationales et assorti de procédures rapides pour traiter les litiges en la matière. Des structures de surveillance et des organes de gouvernance supranationaux et multisectoriels spécifiques devraient être mis en place pour assurer un contrôle plus efficace et approprié des entreprises du secteur de l’eau et de l’utilisation de l’eau en général. Le rôle du secteur public dans la gestion de l’eau devrait être renforcé, lorsque le marché n’est pas en mesure de garantir un accès équitable à l’eau pour tous. |
2.4. |
Le CESE conclut que des institutions spécifiques devraient être mises en place dans tous les États membres afin de veiller à ce que des décisions éclairées soient prises en ce qui concerne l’utilisation de l’eau et à ce que l’eau soit consommée de manière responsable et rationnelle. Pour que les citoyens puissent exercer pleinement un contrôle démocratique en la matière, il est nécessaire de s’assurer qu’ils connaissent le cycle et le coût de l’eau. Le Comité demande que le pacte bleu pour l’Europe bénéficie du même niveau d’importance et d’attention que le pacte vert pour l’Europe. |
3. L’économie bleue
3.1. |
Le CESE est d’avis que l’avenir de l’économie de l’eau devrait reposer sur le principe d’une économie du bien-être et demande que des concepts économiques fondamentaux tels que les règles du marché, la viabilité économique ou la productivité tiennent compte des différentes valeurs de l’eau. La compétitivité devrait être redéfinie de manière à produire de la prospérité, en tenant compte des besoins humains et d’un accès équitable à l’eau pour les personnes, les collectivités et les industries. Les aspects sociaux devraient être intégrés de manière transversale dans l’économie de l’eau. |
3.2. |
Il est manifestement nécessaire de changer de paradigme en matière de gouvernance afin de consolider l’économie de l’eau, notamment en trouvant un équilibre entre les préoccupations environnementales, sociales et économiques. Des modèles de gouvernance transnationaux innovants qui encouragent le financement, réglementent la participation éthique du secteur privé, améliorent la gestion des ressources en eau et stimulent la compétitivité de l’Union sont nécessaires. |
3.3. |
La pression exercée sur les modèles économiques de l’économie de l’eau est alimentée par les effets du changement climatique, des émissions de gaz à effet de serre, de l’urbanisation rapide, des migrations, de la croissance démographique dans les zones urbaines industrialisées et dans les activités industrielles, mais aussi par des secteurs innovants tels que la bioéconomie bleue, la biotechnologie et le dessalement. Les entreprises devraient intégrer des modèles d’économie collaborative et des principes économiques partagés afin de mieux répondre aux actuels défis sociétaux et environnementaux dans le domaine de l’eau. Il importe d’intensifier les interactions et la coopération entre les institutions locales, régionales, nationales et internationales, et le dialogue intersectoriel, en tenant compte des nombreux types d’acteurs présents dans le secteur de l’eau. |
3.4. |
Le CESE invite instamment la Commission à mettre en place un cadre de concurrence qui soit équitable pour les entreprises établies dans l’Union vis-à-vis de leurs homologues internationales et à renforcer la mise en œuvre des accords internationaux sur la collaboration économique, les conditions de travail et la protection de l’environnement. |
4. Économie de l’eau
4.1. |
Le CESE estime que le modèle économique actuel, qui encourage la consommation d’eau au moyen de taxes et de mesures incitatives, devrait être inversé pour devenir plus durable et pleinement compatible avec les ODD. L’utilisation de l’eau devrait non seulement être durable, mais aussi contribuer à restaurer la nature à court et à long terme. Le CESE demande un accord budgétaire mondial pour financer les efforts en faveur du climat et les investissements dans le secteur de l’eau. |
4.2. |
Il y a lieu d’assurer une cohérence claire et efficace entre les différentes taxes imposées sur l’eau aux niveaux local, national et européen. Le CESE appelle de ses vœux:
|
4.3. |
L’Union est confrontée à une augmentation de la demande en eau, une situation qui s’intensifiera à l’avenir. Les différences entre l’offre et la demande d’eau peuvent résulter soit des pénuries d’eau, soit des inondations, ce qui peut avoir des conséquences dévastatrices. Les déséquilibres entre l’offre et la demande d’eau ont une incidence négative sur les industries, les consommateurs et les citoyens. Les progrès vers des industries neutres pour le climat devraient tenir compte des émissions industrielles dans l’eau (9), ainsi que des effets néfastes sur la santé humaine et des coûts sociaux qui en résultent pour la société. Il est primordial que toutes les industries assument de manière équitable le coût sociétal de leur consommation d’eau. |
4.4. |
Le CESE réclame une législation cohérente dans tous les États membres en ce qui concerne un mécanisme européen de stockage de l’eau pendant les périodes humides, notamment par la construction de réservoirs de stockage et de systèmes souterrains de réalimentation des nappes aquifères. Le Comité demande une stratégie à long terme pour accroître la résilience face à la raréfaction de l’eau, en tenant compte des spécificités climatiques régionales et des caractéristiques industrielles. |
4.5. |
La restructuration du prix de l’eau en Europe doit tenir compte du partage de la charge pesant sur les parties prenantes en matière de services écosystémiques et d’une approche différenciée dans la mise en œuvre du principe de tarification intégrale des coûts. Selon l’une des marches à suivre, l’eau destinée à l’usage domestique et aux services publics essentiels devrait avoir un prix nettement inférieur à celui de l’eau utilisée pour les activités productives. Les incitations tarifaires devraient tenir compte du lien entre la fixation du prix en fonction du coût marginal et l’efficacité économique, ainsi qu’entre l’équité et la durabilité, et faire partie d’un train de mesures plus vaste qui encourage une consommation d’eau durable. |
4.6. |
Le CESE exige une transparence totale des coûts et du prix de l’eau à l’égard de toutes les parties prenantes. Le Comité demande des prix administrés dans certaines situations bien définies et exige un suivi rigoureux afin de s’assurer que les ménages bénéficient des services qu’ils paient. Il convient d’éviter la spéculation commerciale sur l’eau. |
4.7. |
Le CESE note que l’effet de la pollution et de la surexploitation des nappes aquifères fait peser une charge disproportionnée sur les personnes pauvres et socialement vulnérables. Les tarifs de l’eau doivent être évalués avec une grande attention, car ils peuvent avoir des effets de distorsion, causer une précarité hydrique et entraîner une détresse sociale au sein de la population. Le Comité demande qu’une discussion constructive soit engagée au niveau de l’Union sur une tarification équitable de l’eau. La détermination du prix devrait comporter une exigence minimale en ce qui concerne l’eau gratuite afin de garantir le respect des droits de l’homme. La structure des prix devrait prendre en considération les défis sociétaux, climatiques et industriels actuels et futurs. Le CESE suggère que la fixation des prix tienne compte de manière transversale de la sécurité de l’approvisionnement en eau à long terme. |
4.8. |
Le CESE estime que la responsabilité élargie des producteurs devrait être étendue à la gestion des eaux résiduaires et soutient la révision en cours de la directive relative au traitement des eaux urbaines résiduaires (10) (11). Il convient de créer une synergie entre les systèmes de responsabilité élargie des producteurs, ainsi que des exigences en matière d’écoconception et d’information. Il y a lieu de concevoir des campagnes de sensibilisation spéciales, mettant en relation des parties prenantes diverses et variées, afin que les consommateurs saisissent et reconnaissent l’utilisation durable de l’eau. |
4.9. |
Afin d’assurer un entretien adéquat des systèmes d’alimentation en eau et d’encourager un approvisionnement accru en eau, il est essentiel de s’attaquer au problème de l’eau non facturée en donnant la priorité aux initiatives d’entretien continu visant à réduire considérablement les fuites d’eau. Pour financer correctement ces initiatives, il est nécessaire d’introduire une «règle d’or» pour les investissements publics. Le CESE souligne que la mauvaise gestion et le sous-financement de l’entretien, conjugués à une gestion inadéquate des actifs, entraînent d’importantes pertes économiques. De nouvelles technologies de détection des fuites doivent être mises au point immédiatement et bénéficier d’un soutien spécifique. |
4.10. |
Le CESE s’inquiète de l’insuffisance des évaluations de l’état des réseaux d’égouts souterrains dans de nombreux États membres et exige une évaluation approfondie et immédiate, y compris la centralisation des données au niveau de l’Union. Le coût d’une non-intervention est nettement supérieur à celui des réparations à opérer dans les réseaux d’égouts. |
5. Incidences régionales de l’eau
5.1. |
L’accès à une eau sûre, propre et de qualité constitue un droit fondamental et vital pour la santé, la dignité et la prospérité de tous. Le CESE juge totalement inacceptable que, dans l’Union, certaines personnes n’aient toujours pas accès à l’eau. |
5.2. |
Le CESE estime qu’il est essentiel que l’eau soit intégrée dans toutes les politiques connexes (énergie, commerce, industrie, agriculture, etc.) et que les États membres assurent des synergies entre les investissements dans différents secteurs adjacents, tels que le développement urbain, l’alimentation, l’agriculture et l’énergie. L’eau revêt une importance cruciale pour le développement urbain et rural. |
5.3. |
Le Comité propose que soient élaborés un pacte bleu pour l’Europe et un programme de l’Union au sujet de l’eau fondé sur un partenariat d’investissement dans le domaine de l’eau, en synergie étroite avec le programme urbain pour l’UE, ainsi qu’un partenariat thématique concernant l’eau, en conformité avec l’accord de Ljubljana et en pleine complémentarité avec la vision à long terme pour les zones rurales. Il est important d’assurer la solidarité territoriale, de mettre en place des structures de gouvernance multilatérale adaptées pour faire face aux différences entre les zones rurales et les zones urbaines, et de renforcer les compagnies régionales de distribution d’eau. |
5.4. |
Il convient d’accorder une attention particulière aux îles de la zone méditerranéenne et aux régions ultrapériphériques qui sont confrontées à des pénuries d’approvisionnement en eau pendant des périodes de sécheresse spécifiques en raison de leur situation géographique. Dans ces zones, l’approvisionnement en eau nécessaire doit être assuré par un système garantissant l’approvisionnement des foyers et des opérateurs économiques. |
5.5. |
Le CESE propose une planification publique exclusivement au niveau des bassins hydrographiques (y compris les eaux souterraines) de manière à protéger l’intérêt général de l’Union et à veiller à ce que le débit écologique requis soit maintenu dans la masse d’eau d’origine. Les mesures et les investissements dans le secteur de l’eau destinés à protéger les zones contre les inondations, à anticiper les sécheresses, à protéger la navigabilité ou à retenir davantage d’eau devraient, dans le même temps, viser à renforcer la biodiversité et à respecter les caractéristiques géomorphologiques du bassin hydrographique. |
5.6. |
Compte tenu du caractère public que revêt l’eau, le CESE suggère que le droit de l’utiliser soit bien défini, mesuré et contrôlé, en prenant en considération toutes les formes juridiques telles que les concessions, les permis, les licences, les droits contractuels et la propriété pure et simple, ainsi que le respect de l’eau en tant que bien commun. Les droits d’utilisation devraient être facilement mesurables, dans des termes bien définis. |
5.7. |
Le CESE recommande à l’Union européenne d’adopter, et de renforcer, des cadres réglementaires relatifs aux contrats de concession de l’eau afin de gérer celle-ci à titre de bien public plutôt que de marchandise susceptible de faire l’objet d’opérations commerciales. Les prix pour la population devraient également refléter le fait que l’eau est un bien public, dans le plein respect de l’article 14 du TFUE et du protocole no 26 annexé au TUE et au TFUE. Le Comité plaide en faveur de règles restrictives afin de protéger les ressources hydriques de l’Union contre leur utilisation dans l’intérêt des parties prenantes de pays tiers. |
6. Fonds de l’Union européenne
6.1. |
Le CESE demande davantage de synergies au niveau des appels à propositions et des programmes opérationnels afin de tenir compte des spécificités des investissements dans le secteur de l’eau et de maximiser la bonne absorption des fonds de l’Union consacrés à l’eau et à l’économie bleue. Il convient de prendre en considération les caractéristiques saisonnières et cycliques des activités liées à l’eau au niveau des appels à propositions et de la programmation. Le Comité invite les États membres à accorder une priorité élevée aux investissements dans le domaine de l’eau dans le cadre des réaffectations au sein des différents programmes et à adapter les règles en matière d’aides d’État aux caractéristiques des investissements dans le secteur de l’eau. |
6.2. |
Le CESE estime que le Fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l’aquaculture (12) est insuffisant pour soutenir le développement de l’économie bleue et la transition vers celle-ci. Il est urgent de diversifier les activités admissibles et d’accroître la complémentarité entre les Fonds ESI (13), la facilité pour la reprise et la résilience, InvestEU, Interreg Europe et d’autres fonds. En outre, le principe de concurrence des projets relevant des Fonds ESI dans le domaine de l’eau devrait tenir compte des besoins fondamentaux couverts par l’eau. |
6.3. |
Le CESE note que les projets de développement local participatif, les groupes d’action locale de la pêche et les investissements territoriaux intégrés (ITI) sont des instruments qui ne couvrent que partiellement les besoins d’investissement dans le secteur de l’eau. Le Comité plaide en faveur d’un programme opérationnel spécifique pour l’eau et d’un ITI pour l’économie bleue, d’une corrélation entre les différents appels à propositions et d’une analyse d’impact des investissements financés par des fonds de l’Union qui ciblent les infrastructures hydriques. Le CESE propose la création d’un Fonds pour une transition bleue, soit en procédant à une concentration thématique des fonds existants, soit en créant de nouveaux fonds. Ce fonds devrait être consacré aux régions pauvres en eau et couvrir la transition vers une gestion durable de celle-ci, en évitant les inégalités en matière d’accès à l’eau, et soutenir les objectifs de l’Union à l’horizon 2050 en pleine complémentarité avec le Fonds pour une transition juste. |
6.4. |
Le CESE conclut que les secteurs de l’eau devraient être reconnus comme stratégiques durant la période de programmation 2028-2034 du prochain CFP et que, compte tenu de son rôle reconnu en tant que porte-parole de la société civile organisée de l’Union, il devrait être associé à la plateforme de spécialisation intelligente pour une économie bleue durable (14). Le Comité propose d’ajouter une condition ex ante obligatoire pour la période de programmation 2028-2034. |
7. Financement de la transition vers de nouveaux modèles économiques durables
7.1. |
Le CESE recommande aux États membres d’examiner comment les budgets publics et les instruments d’atténuation des risques, tels que les garanties et les instruments de rehaussement de crédit, peuvent être utilisés de manière stratégique pour améliorer le profil de risque et de rendement des investissements et attirer des financements commerciaux, des financements participatifs et des investissements en fonds propres. Le Comité craint que l’allocation des fonds publics ne soit problématique dans certains États membres en raison du niveau actuel de la dette publique, de l’augmentation des taux d’intérêt et de la détérioration de la notation souveraine. Le CESE note que le financement d’investissements privés dans la construction de réseaux d’eau peut être découragé par le risque de corruption et le manque de clarté réglementaire ainsi que par le fait que ces investissements ont un horizon à moyen et long terme. |
7.2. |
Le CESE est d’avis qu’il convient de renforcer les investissements durables liés à l’eau en recourant à des instruments de financement durables tels que les obligations vertes, les obligations sociales et les prêts verts, assortis de définitions cohérentes de la durabilité dans différentes juridictions et d’un niveau accru de normalisation et de transparence des données. Le Comité propose de réglementer les obligations bleues pour les investissements dans le secteur de l’eau au niveau de l’Union, ainsi que des instruments d’investissement, adaptés à ce secteur, destinés aux PME (par exemple au moyen de crédits saisonniers). Le CESE demande également à Eurostat de prévoir un chapitre et des statistiques spécifiques pour les données relatives à l’économie de l’eau. |
7.3. |
L’intégration des facteurs ESG (15) dans le processus décisionnel en matière d’investissement offre un éventail plus large de possibilités d’investissement et favorise la stabilité financière. Le CESE demande des investissements dans les infrastructures, les conditions de travail, des emplois et une formation de qualité, ainsi que des activités et des campagnes spécifiques, en particulier à destination de la jeune génération, afin de mieux faire connaître le secteur de l’eau. Il est en outre essentiel de garantir une carrière prévisible et à long terme et des salaires adéquats pour maintenir les ressources humaines dans ce secteur. |
7.4. |
Les États membres doivent comprendre, promouvoir et soutenir les investissements dans le domaine de l’eau, y compris au moyen de fonds d’assistance technique, et la Commission devrait fournir un appui spécifique à cet égard, en particulier en ce qui concerne les possibilités de réutilisation de l’eau. Le CESE estime qu’il est essentiel d’affecter des ressources financières à des projets qui réduisent la consommation d’eau et assurent une réutilisation de l’eau dans tous les États membres, conformément à l’article 9 de la directive-cadre sur l’eau (16). |
7.5. |
Une coordination et une complémentarité efficaces devraient exister entre la Commission européenne, la BEI et la BERD en ce qui concerne le financement des investissements dans le secteur de l’eau. Cela inclut l’élaboration d’indicateurs clés de performance communs dans le cadre stratégique de l’Union, ainsi que le suivi cyclique dans le cadre du semestre européen. Les banques publiques de toute l’Union ont également un rôle important à jouer en ce qui concerne les investissements ce secteur, et il importe de consolider la collaboration des parties prenantes avec les banques privées. |
8. Investissements
8.1. |
Les décisions en matière d’investissement dans l’Union doivent suivre une évaluation rigoureuse de la demande en eau à long terme, de la disponibilité des ressources hydriques et des possibilités de financement, tout en tenant compte des défis posés par l’adaptation au changement climatique. Le CESE estime que la planification des investissements à long terme devrait également quantifier les tendances démographiques spécifiques et s’harmoniser avec les initiatives dans d’autres secteurs, tels que l’urbanisme, l’utilisation des sols ou l’agriculture. L’amélioration des installations de distribution d’eau devrait en outre tenir compte de la maximisation du stockage du carbone bleu. Le Comité demande instamment aux États membres de mettre en œuvre des initiatives synchronisées en matière d’aménagement du territoire et des systèmes d’analyse des mégadonnées. Les investissements et le financement dans le secteur de l’eau devraient prendre en considération les dépenses opérationnelles de manière intégrée. |
8.2. |
Le CESE appelle de ses vœux des normes spécifiques concernant l’utilisation de l’eau dans différents secteurs économiques, par exemple l’agriculture et l’industrie, en créant un groupe d’experts chargé d’élaborer des lignes directrices sectorielles sur l’utilisation de l’eau, qui inclurait le Comité. |
8.3. |
L’innovation et la technologie sont essentielles pour favoriser une gestion efficace de l’eau. Il est indispensable que les États membres échangent entre eux les importantes innovations liées à l’eau et que l’expérimentation ascendante soit encouragée. Des efforts supplémentaires sont nécessaires pour évaluer les coûts et les avantages économiques, sociaux et environnementaux des différentes voies d’investissement, allant du niveau local au niveau des bassins, en passant par l’échelon national, transfrontalier, voire mondial. La mise en œuvre de technologies innovantes, telles que des systèmes de surveillance par satellite peu coûteux permettant de suivre les paramètres critiques de l’eau, peut améliorer la collecte et l’analyse des données relatives à l’eau. La participation des États membres devrait être prise en compte à cet égard. |
8.4. |
Pour mobiliser des capitaux adéquats à long terme qui soient conformes aux ODD, les projets en matière de capital naturel liés à l’eau qui sont confrontés à des risques structurels plus élevés nécessitent souvent une réduction des risques. L’augmentation des coûts, la baisse des revenus et les pertes financières découlant des risques liés à l’eau doivent être attentivement examinées. Les prêts et subventions traditionnels, le capital-risque, ainsi que les fonds de capital-investissement, de pension et d’investissement privés et publics devraient également être utilisés. La possibilité d’un écoblanchiment persiste en raison de l’absence de normes cohérentes pour les obligations vertes et les fonds d’investissement intégrant les critères ESG. |
8.5. |
La Commission doit encourager l’utilisation de tous les fonds de l’Union pertinents et des possibilités de partenariat par l’intermédiaire des partenaires sociaux et des réseaux d’organisations de la société civile afin de toucher toutes les parties prenantes, en mettant particulièrement l’accent sur les PME. Le financement mixte peut jouer un rôle important en raison du faible rendement des projets d’infrastructure dans le domaine de l’eau, mais les entreprises proposant des services liés à l’eau restent de bons instruments de placement. |
8.6. |
Le CESE estime qu’il est essentiel d’intégrer la résilience dans les critères d’évaluation des investissements relatifs à l’eau. La résilience peut réduire les dépenses liées à la reprise à la suite d’événements imprévisibles tels que des tempêtes, des inondations, des incendies de forêt, des sécheresses, des cyberattaques ou des pandémies lorsqu’elle s’accompagne d’investissements optimaux dans des mesures de réduction des risques. Une attention et un financement spécifiques devraient être consacrés aux projets transfrontaliers dans le domaine de l’eau. |
8.7. |
L’insuffisance des investissements et la faible efficacité des dépenses dans ces projets représentent la principale raison pour laquelle l’Union et le reste du monde n’enregistrent pas de progrès significatifs dans la réalisation de l’ODD 6 relatif à l’eau et à l’assainissement. Le CESE souligne que l’Europe a la possibilité de transformer les défis liés à l’eau en nouvelles perspectives de développement technologique, de progrès sociétal et de croissance des entreprises, l’objectif ultime étant de parvenir à une économie résiliente, où l’approvisionnement en eau est garanti, et dotée de possibilités d’emploi sérieuses et productives ainsi que d’emplois de qualité pour tous. L’Union peut devenir un acteur mondial de premier plan dans le domaine de la réutilisation de l’eau. |
Bruxelles, le 13 juillet 2023.
Le président du Comité économique et social européen
Oliver RÖPKE
(1) L’eau non facturée est l’eau perdue dans le système de distribution qui n’atteint jamais sa destination finale. Cela signifie que l’eau n’est ni utilisée ni payée, ce qui a une incidence sur les économies locales ainsi que sur les ressources locales disponibles.
(2) Programme urbain pour l’UE («URBAN Agenda for the EU», disponible en anglais uniquement).
(3) Accord de Ljubljana et programme de travail pluriannuel — renouveler le programme urbain de l’UE («Ljubljana Agreement and Multiannual Working Programme — Renewing the URBAN Agenda for the EU», disponible en anglais uniquement).
(4) Vision à long terme pour les zones rurales: vers des zones rurales de l’UE plus fortes, connectées, résilientes et prospères.
(5) Fonds structurels et d’investissement européens 2014-2020.
(6) Règlement (UE) 2020/852 du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2020 sur l’établissement d’un cadre visant à favoriser les investissements durables et modifiant le règlement (UE) 2019/2088 (JO L 198 du 22.6.2020, p. 13).
(7) JO C 202 du 7.6.2016, p. 307.
(8) Directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles (prévention et réduction intégrées de la pollution) (JO L 334 du 17.12.2010, p. 17).
(9) Industrial pollutant releases to water in Europe (Rejets de polluants industriels dans l’eau en Europe), Agence européenne pour l’environnement.
(10) Proposition de révision de la directive relative au traitement des eaux urbaines résiduaires («Proposal for a revised URBAN Wastewater Treatment directive», disponible en anglais uniquement).
(11) Directive 91/271/CEE du Conseil du 21 mai 1991 relative au traitement des eaux urbaines résiduaires (JO L 135 du 30.5.1991, p. 40).
(12) Fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l’aquaculture («European Maritime, Fisheries and Aquaculture Fund», disponible en anglais uniquement).
(13) Fonds structurels et d’investissement européens 2014-2020.
(14) https://s3platform.jrc.ec.europa.eu/blue-growth.
(15) L’abréviation «ESG» désigne les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance.
(16) Directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau (JO L 327 du 22.12.2000 p. 1).
ANNEXE
L’amendement ci-après, qui a recueilli au moins le quart des suffrages exprimés, a été rejeté au cours des débats (article 74, paragraphe 3, du règlement intérieur):
Amendement 8
Paragraphe 1.4
Modifier comme suit:
Avis de section |
Amendement |
||||||||||||||||||||||||||||||
Le futur cadre réglementaire de l’économie bleue de l’UE doit:
|
Le futur cadre réglementaire de l’économie bleue de l’UE doit:
|
Exposé des motifs
Cet amendement est conforme à la modification déjà proposée et expliquée pour le paragraphe 4.9: l’introduction d’une «règle d’or» pour les investissements publics est nécessaire pour consolider la position selon laquelle l’eau constitue un bien commun, comme cela est déjà mentionné dans la législation de l’Union.
Résultat du vote
Voix pour: |
84 |
Voix contre: |
93 |
Abstentions: |
17 |
Le paragraphe suivant de l’avis de section a été modifié suite à l’adoption par l’assemblée des amendements correspondants, mais il avait obtenu plus d’un quart des votes exprimés (article 74, paragraphe 4, du règlement intérieur):
Amendement 6
Paragraphe 4.9
Modifier comme suit:
Avis de section |
Amendement |
Afin d’assurer un entretien adéquat des systèmes d’alimentation en eau et d’encourager un approvisionnement accru en eau, il est essentiel de s’attaquer au problème de l’eau non facturée en donnant la priorité aux initiatives d’entretien continu visant à réduire considérablement les fuites d’eau. Le CESE souligne que la mauvaise gestion et le sous-financement de l’entretien, conjugués à une gestion inadéquate des actifs, entraînent d’importantes pertes économiques. De nouvelles technologies de détection des fuites doivent être mises au point immédiatement et bénéficier d’un soutien spécifique. |
Afin d’assurer un entretien adéquat des systèmes d’alimentation en eau et d’encourager un approvisionnement accru en eau, il est essentiel de s’attaquer au problème de l’eau non facturée en donnant la priorité aux initiatives d’entretien continu visant à réduire considérablement les fuites d’eau. Pour financer correctement ces initiatives, il est nécessaire d’introduire une «règle d’or» pour les investissements publics. Le CESE souligne que la mauvaise gestion et le sous-financement de l’entretien, conjugués à une gestion inadéquate des actifs, entraînent d’importantes pertes économiques. De nouvelles technologies de détection des fuites doivent être mises au point immédiatement et bénéficier d’un soutien spécifique. |
Résultat du vote
Voix pour: |
93 |
Voix contre: |
76 |
Abstentions: |
12 |
29.9.2023 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 349/60 |
Avis du Comité économique et social européen sur le thème «L’accès à l’eau: la lutte contre la précarité hydrique et ses conséquences pour la politique sociale»
(avis d’initiative)
(2023/C 349/10)
Rapporteurs: |
Kinga JOÓ et Carlos Manuel TRINDADE |
Décision de l’assemblée plénière |
25.1.2023 |
Base juridique |
Article 52, paragraphe 2, du règlement intérieur |
|
Avis d’initiative |
Compétence |
Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté» |
Adoption en section |
21.6.2023 |
Date de l’adoption en session plénière |
13.7.2023 |
Session plénière no |
580 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
171/19/22 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Le CESE approuve sans réserve les résolutions des Nations unies qui proclament que l’eau est un droit fondamental de la personne humaine (1) et qu’elle est essentielle pour que celle-ci jouisse de sa vie et de l’ensemble de ses droits (2). Les objectifs de développement durable des Nations unies, notamment l’objectif 6, et le socle européen des droits sociaux de l’Union européenne, en son principe 20, établissent les principes généraux qui régissent le droit à l’accès à l’eau. Au vu des prévisions de changement climatique, la précarité hydrique gagne en ampleur et appelle des politiques publiques pour y faire face. Dans une situation de pénurie d’eau, ce sont les populations vulnérables qui sont les plus touchées. |
1.2. |
Le CESE demande à la Commission européenne et aux États membres d’appliquer une approche fondée sur les droits humains pour aborder l’ensemble des politiques de l’eau et s’attaquer à la précarité hydrique, et de se conformer ce faisant au socle européen des droits sociaux. Les services d’approvisionnement en eau et d’assainissement se doivent d’être durables, équitables, efficaces et de qualité, et accessibles à tous, ainsi que de prêter une attention toute particulière aux groupes sociaux vulnérables. |
1.3. |
Le CESE estime qu’il convient de traiter de l’accès universel de la population à une eau potable et à un assainissement de qualité à des prix équitables comme d’un bien commun, et non pas simplement comme d’une marchandise, ce qui justifie qu’il ne saurait être géré selon les règles du marché unique. |
1.4. |
Le CESE demande à la Commission de faire avancer une approche commune afin d’appréhender la précarité hydrique à l’échelon de l’Union et d’en concevoir une définition exhaustive, qui permette d’en obtenir une compréhension concrète et tangible (3) et donne à chaque État membre la possibilité d’établir en son sein sa propre définition qui tienne compte de ses réalités, tout en se conformant à la définition européenne. |
1.5. |
Le CESE demande à la Commission européenne de concevoir des lignes directrices communes afin de surveiller l’accès à des services d’approvisionnement en eau et d’assainissement (4) de qualité et d’un prix abordable, ainsi que les disparités géographiques, sociales et de genre qu’il présente à l’échelle des États membres et de l’Union européenne, ainsi que de cartographier sa situation actuelle et d’en suivre périodiquement les évolutions. Les données se doivent d’être fiables, valables et accessibles au public. Cet impératif vaut également afin de se conformer aux dispositions de l’article 16, paragraphe 1, point a), de la directive (UE) 2020/2184 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2020 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine (5) (dénommée ci-après la «directive relative à l’eau potable»); le CESE escompte l’adoption de la proposition présentée par la Commission européenne d’une refonte de la directive relative au traitement des eaux urbaines résiduaires (6), laquelle introduit un article 19 relatif à l’accès à l’assainissement. |
1.6. |
Le CESE propose à la Commission que la prochaine révision de la directive relative à l’eau potable traite également de la garantie de l’accès universel à des services d’approvisionnement en eau et d’assainissement, comme le prévoit l’objectif 6 de développement durable des Nations unies. Il recommande à la Commission d’adopter des lignes directrices communes concernant la tarification de l’eau et de son assainissement, au titre desquelles les États membres peuvent définir leurs cadres réglementaires en fonction de la situation qui s’y présente. Ces lignes directrices devraient respecter le droit humain à l’eau et le principe de non-détérioration, à la manière de ce que recommandent les Nations unies en matière de droits humains et d’accès à l’eau potable et à l’assainissement. |
1.7. |
Le CESE fait valoir que rétribuer des services d’approvisionnement en eau et d’assainissement ne devrait pas mettre en péril la satisfaction d’autres besoins sociaux. Aussi le CESE demande-t-il à la Commission de dresser un panorama des mesures appliquées dans tous les États membres touchant au caractère abordable des prix, et tout particulièrement aux consommateurs vulnérables. Sur la base de ce panorama, le CESE demande à la Commission de concevoir des lignes directrices communes à l’intention des États membres afin de repérer les ménages pour lesquels l’accessibilité économique pose problème, et plus spécifiquement les consommateurs vulnérables, et de définir les mesures pour y remédier. De telles lignes directrices devraient faire en sorte qu’aucun utilisateur en situation de vulnérabilité ne se voit privé de raccordement à l’eau (7). Les mesures devraient se fonder sur une vue globale des situations dans lesquelles se trouvent les ménages concernés et devraient tirer parti des possibilités qu’offrent les instruments de la politique sociale, les mesures de la politique du logement et les dispositions spécifiques concernant les services d’approvisionnement en eau et d’assainissement d’une manière adaptée au contexte spécifique. Pour ce qui est de financer de telles mesures, il convient de faire valoir le principe de solidarité; et en sus des financements publics, il y a lieu d’étudier des formes innovantes de financement, consistant par exemple à établir des fonds spécifiques incorporés dans les factures d’eau. |
1.8. |
Le CESE recommande à l’Union européenne d’adopter, et de renforcer, des cadres réglementaires relatifs aux contrats de concession de l’eau afin de gérer celle-ci à titre de bien public plutôt que de marchandise susceptible de faire l’objet d’opérations commerciales. De tels cadres réglementaires devraient:
|
1.9. |
Le CESE relève la différence fondamentale qui prévaut entre la gestion publique et privée de l’eau, et note qu’il est possible, pour l’une comme pour l’autre, de trouver des exemples de leurs avantages et de leurs inconvénients. Toutefois, la gestion privée, du fait de son intérêt pour le profit, pourrait peiner à satisfaire l’exigence fondamentale de l’universalité du service, qui consiste à desservir la totalité de la population. Le CESE estime qu’une gestion publique de l’eau est mieux placée pour garantir un accès universel à l’eau et aux réseaux d’égouts moyennant un prix équitable et des normes adéquates de qualité, ainsi que pour restaurer et protéger les écosystèmes. |
1.10. |
Le CESE estime que l’Union européenne et tous ses États membres devraient élaborer/préparer/concevoir un grand dessein pour l’environnement et concevoir/créer des programmes pour financer les distributeurs d’eau afin de parvenir à réduire les fuites et les pertes, qui figurent parmi les plus grandes plaies dont souffre la gestion de la ressource en eau. Pour faire face à de telles pénuries, le CESE demande à la Commission et aux États membres d’envisager et de soutenir de nouvelles solutions techniques innovantes, consistant par exemple à utiliser davantage les eaux grises et les eaux résiduaires traitées, ou à mettre en place des installations décentralisées de traitement à petite échelle des eaux usées. |
1.11. |
Le CESE demande à la Commission et aux États membres de fournir des financements publics pour développer les infrastructures, en tenant tout particulièrement compte des propriétaires de biens immobiliers disposant de peu de ressources, ainsi que des quartiers urbains et ruraux socialement défavorisés dont les infrastructures nécessitent de longue date une rénovation. Il convient d’envisager de développer les infrastructures hydrauliques et d’assainissement dans le contexte de la vague de rénovations. En outre, il convient d’envisager, dans le domaine de l’aménagement du territoire, de fournir des services d’approvisionnement en eau et d’assainissement d’une manière qui soit durable sur le plan environnemental, économique et social. |
1.12. |
Le CESE note attentivement qu’il existe en Europe de nombreux bassins hydrographiques qui associent plusieurs États membres, et il recommande de ce fait, pour chacun de ces bassins au sein de l’Union, d’adopter un cadre de gouvernance politique et technique et d’assurer la participation de la société civile (voir à cet égard les paragraphes 6.4 et 6.5). Le CESE propose que la Commission évalue les performances de la gestion des bassins hydrographiques et que pour améliorer celles-ci, elle instaure des mécanismes politiques, techniques et participatifs. La Commission devrait mettre en place un conseil de bassin hydrographique qui représente l’ensemble des parties intéressées, à titre d’organisme chargé d’assister l’autorité du bassin hydrographique et de jouer lui-même le rôle de médiateur dans les conflits transfrontaliers. |
1.13. |
Le CESE recommande à la Commission:
|
1.14. |
Le CESE propose que l’Union européenne élabore des politiques pour protéger les consommateurs, afin de faire en sorte que tout un chacun puisse accéder à une eau potable saine à un prix équitable, ainsi qu’à des systèmes d’égouts adéquats. Ces mesures politiques devraient prévoir de faire participer au sein d’organismes de consultation les diverses parties intéressées, telles que les consommateurs, les travailleurs et les entreprises. |
1.15. |
Le CESE demande à la Commission et aux États membres de prendre des mesures pour améliorer la sensibilisation des résidents dans l’Union à la valeur de l’eau et à l’importance d’un accès de tous à l’eau et à l’assainissement. Il convient de tirer parti des possibilités qu’offrent la communication et l’éducation pour accroître cette sensibilisation afin de faire progresser une utilisation plus durable des services d’approvisionnement en eau et d’assainissement (8); à cet égard, il convient de cibler les enfants et les jeunes car ils seront des acteurs incontournables dans cette utilisation durable à l’avenir, sans toutefois négliger aucun des autres groupes d’âge. S’agissant des ménages en situation de précarité hydrique, cette sensibilisation devrait s’inscrire parmi d’autres mesures visant à améliorer l’accès de ces ménages à des services d’approvisionnement en eau et d’assainissement de qualité et d’un prix abordable. |
1.16. |
Le CESE fait valoir que les politiques de l’eau de l’Union européenne et de ses États membres devraient s’assortir d’enquêtes systématiques sur les besoins en personnel dans le secteur de l’eau, y compris la gestion des qualifications nécessaires, du développement de la main-d’œuvre et de la sécurité et de la santé au travail. Ces enquêtes devraient être menées de concert avec les partenaires sociaux de ce secteur. |
2. Introduction et portée de l’avis
2.1. |
L’eau est fondatrice de tous les aspects de la vie. Elle constitue également une composante déterminante du développement durable et elle est essentielle pour la paix de notre civilisation. Le changement climatique a d’ores et déjà exacerbé les problèmes liés à l’eau, une pression qu’il ne cessera pas d’exercer à l’avenir, et à une plus grande échelle encore. L’insuffisance de l’approvisionnement en eau douce pèse de manière croissante sur les communautés humaines, et en particulier sur les groupes vulnérables. |
2.2. |
En 2010 (9), l’Assemblée générale des Nations unies a reconnu expressément le droit humain à l’eau et à l’assainissement, que la conférence des Nations unies sur l’eau a réaffirmé en 2023 (10). Les Nations unies reconnaissent également que l’eau potable et l’assainissement sont essentiels à l’exercice de tous les droits humains. Parmi les 17 objectifs de développement durable dont sont convenues les Nations unies figure l’objectif 6 «Garantir l’accès de tous à des services d’alimentation en eau et d’assainissement gérés de façon durable». En sus de ces engagements mondiaux, le principe 20 du socle européen des droits sociaux prévoit que «toute personne a le droit d’accéder à des services essentiels de qualité, y compris à l’eau et à l’assainissement». |
2.3. |
L’Union européenne a mis sur pied un cadre exhaustif de droit et de gouvernance pour assurer la gestion durable de ses ressources en eau, et elle a progressé dans sa mise en œuvre (11), (12). Le CESE plaide dans de précédents avis pour conjuguer les enjeux relatifs à l’eau, la lutte contre la pauvreté et l’ambition d’éradiquer celle-ci (13), promouvoir la fourniture d’eau et l’assainissement en tant que services publics essentiels pour tous (14), et favoriser l’accès à l’eau potable pour les groupes vulnérables et les personnes qui vivent en des lieux isolés ou dans des régions rurales désavantagées ou périphériques (15). |
2.4. |
Le présent avis d’initiative attire l’attention sur les enjeux actuels touchant à l’accès à l’eau propre et à l’assainissement. Il étudie les mesures qu’il convient de prendre à l’échelon européen, national et local, ainsi que le rôle qui incombe à la société civile organisée dans la lutte contre la précarité hydrique et ses conséquences, notamment pour les plus vulnérables. En dernier lieu, il étudie les manières d’atténuer les conséquences sociales, politiques et économiques de la précarité hydrique et ses effets sur la santé humaine. |
2.5. |
La précarité hydrique se manifeste au sein de l’Union européenne, en dépit de la position relativement favorable dont celle-ci bénéficie dans une perspective mondiale. L’absence d’accès à une eau et à un assainissement de qualité et d’un prix abordable, une situation que l’on peut qualifier de précarité hydrique, constitue le lot quotidien de millions de citoyens de l’Union. En d’autres termes, des millions d’européens sont privés du droit à l’accès à une eau et à un assainissement de qualité et d’un prix abordable. |
2.6. |
La précarité hydrique entraîne toutefois des conséquences de grande ampleur sur le plan social, économique et environnemental, notamment les menaces pour la santé à l’échelon individuel et collectif, une capacité réduite à occuper un emploi et la détérioration de l’économie locale, l’exclusion sociale, la pollution de l’environnement, des déplacements ou des migrations de population et l’instabilité politique. De telles conséquences sont tout à fait hors de proportion avec la part que détiennent les ménages dans la consommation d’eau et dans la production d’eaux usées par rapport à celles de l’industrie et de l’agriculture. À cet égard, il est significatif que la première initiative citoyenne européenne couronnée de succès concernait l’accès à l’eau et à l’assainissement, qui réclamait de garantir à tous les services y afférents dans l’Union européenne, de privilégier les droits humains sur les intérêts commerciaux en matière d’approvisionnement en eau et d’accroître les efforts de l’Union en vue de garantir l’universalité de l’accès à l’eau et à l’assainissement (16). Il est indispensable de s’attaquer à la précarité hydrique afin de réaliser les priorités politiques de la Commission européenne, s’agissant en particulier du pacte vert et de sa promesse de ne laisser personne de côté. |
2.7. |
La directive relative à l’eau potable pose l’obligation pour les États membres de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir aux groupes vulnérables et marginalisés un accès à l’eau potable. Toutefois, elle ne consacre pas le droit universel à l’accès à l’eau potable et à l’assainissement, tel que le prévoient les objectifs de développement durable. Aussi le CESE demande-t-il à la Commission européenne, à l’occasion de la prochaine révision de cette directive, de prévoir d’y reconnaître ce droit. |
2.8. |
Le CESE relève, pour le déplorer, que faute de données autres que limitées et fragmentées, il est malaisé d’obtenir une vue d’ensemble de l’ampleur et des caractéristiques du phénomène. |
3. L’accès à une eau et à un assainissement de qualité
3.1. |
Dans l’Union européenne, quelque 9,8 millions de personnes, soit 2,2 % de sa population, n’utilisent pas une eau potable gérée de manière sûre et issue d’un point amélioré accessible dans leur habitation (17). Quelque 9,4 millions d’autres personnes, soit 2 % de plus, ne peuvent accéder à des services de base d’eau potable qu’en dehors de leur habitation (18). Quelque 450 000 personnes résidant dans l’Union européenne (19) ne disposent même pas d’un accès à de tels services de base d’eau potable. Toujours dans l’Union, 6,7 millions de personnes, soit 1,5 % de sa population, vivent sans équipements sanitaires, c’est-à-dire au sein d’un ménage qui ne dispose ni d’une baignoire ni d’une douche ou de toilettes intérieures, tandis que 84,5 millions de personnes, soit 19 % de la population de l’Union, vivent sans pouvoir accéder au moins à un traitement secondaire des eaux usées (20). |
3.2. |
La précarité hydrique frappe tout particulièrement les personnes et les ménages vulnérables.
|
3.3. |
Les disparités territoriales en matière d’infrastructures d’eau et d’assainissement constituent un facteur important, même s’il est loin d’être unique, des disparités sociales en matière d’accès. Dans de nombreuses régions, les problèmes d’infrastructures recoupent les problèmes sociaux. Les communautés rurales marginalisées peuvent se retrouver dans une situation particulièrement défavorisée. En outre, dans des quartiers disposant de peu de ressources et nécessitant de longue date d’être rénovés, la piètre qualité des infrastructures contribue à la précarité hydrique et aux problèmes environnementaux. |
3.4. |
Dans le même temps, des mutations démographiques influent sur la répartition géographique de la demande de services d’approvisionnement en eau et d’assainissement. L’urbanisation accroît la pression sur ces services dans de nombreuses zones urbaines densément peuplées. En revanche, dans d’autres régions de l’Union européenne, notamment dans les zones rurales, mais pas uniquement, le dépeuplement pose problème pour faire fonctionner les réseaux. |
3.5. |
Alors que les problèmes exposés précédemment liés à l’accès à l’approvisionnement en eau et à l’assainissement touchent en premier lieu des pans spécifiques de la société, une part bien plus importante de la population de l’Union européenne, soit 30 % en moyenne, connaît une forme ou une autre de stress hydrique, c’est-à-dire une inadéquation entre la demande et l’offre d’eau (26). Les populations d’Europe du Sud sont confrontées à des problèmes de stress hydrique tout au long de l’année. Dans d’autres régions d’Europe, des pénuries d’eau se produisent sporadiquement et dans des points sensibles précis. En tout, ce sont 8 millions de personnes en Europe qui vivent dans des régions frappées fréquemment de sécheresse ou de stress hydrique (27). L’on prévoit que le changement climatique accentuera la réduction saisonnière de la disponibilité de l’eau dans la plupart des régions d’Europe. |
3.6. |
En outre, parce qu’il modifie les cycles hydrologiques et les régimes de précipitations et augmente les températures, le changement climatique constitue un facteur primordial influant sur le stress hydrique et il exerce de multiples manières une influence directe sur l’eau, l’assainissement et l’hygiène. Les sécheresses, la hausse des températures et même les précipitations extrêmes amoindrissent la disponibilité et la qualité de l’eau, elles endommagent les infrastructures et entraînent ainsi des difficultés à maintenir les comportements en matière d’hygiène et d’assainissement. L’élévation du niveau des mers peut réduire la disponibilité de l’eau potable du fait de la submersion des terres et de l’infiltration d’eau salée. Les données probantes concernant spécifiquement l’Europe sont rares; toutefois, si l’on se fonde sur les tendances à l’œuvre à l’échelle mondiale, l’on peut raisonnablement escompter que le changement climatique exerce des effets disproportionnés sur les individus, les ménages et les communautés vulnérables (28). |
3.7. |
La quantité d’eau consommée par les ménages varie considérablement d’un État membre à l’autre, et se situe dans une fourchette de 77 à 220 litres par personne et par jour (29). Cette consommation tend à être inférieure dans les États membres de l’est de l’Europe à celle dans ceux de l’ouest de l’Europe, sachant que certains États membres du sud de l’Europe figurent parmi les consommateurs les plus importants; certains présentent toutefois des «valeurs aberrantes» (30). |
3.8. |
Bien que dans l’Union européenne, l’eau soit généralement de bonne qualité, celle-ci connaît des problèmes persistants dans certaines régions, comme en témoignent les cas d’infraction instruits contre certains États membres au titre de la directive relative à l’eau potable. En outre, l’absence d’accès à une eau potable gérée de manière sûre, et notamment aux services de base d’approvisionnement en eau, présente un risque élevé d’utilisation d’une eau potable peu sûre. |
3.9. |
La qualité de l’eau potable est jugée comme généralement très satisfaisante, même s’il ne s’agit pas d’un constat unanime. Les données d’enquêtes menées au milieu de la décennie 2010-2020 montrent que 82 % des résidents de l’Union européenne tiennent pour bonne la qualité de l’eau potable dans la région où ils vivent (31), tandis que 7 % sont d’un avis différent. L’appréciation générale portée sur l’eau potable dans l’Union européenne était bien moins favorable, puisque tout juste 27 % approuvaient l’affirmation selon laquelle dans l’ensemble de l’Union, l’accès à une eau salubre et propre est bon. |
3.10. |
Alors que la très grande majorité des résidents de l’Union européenne utilisent l’eau du robinet pour nettoyer, pour leur hygiène personnelle et pour cuisiner, ils sont un peu moins nombreux à la consommer pour la boire. Au milieu de la décennie 2010-2020, plus de 90 % déclaraient utiliser l’eau du robinet pour cuisiner, tandis que seuls 55 % déclaraient toujours utiliser l’eau du robinet pour la boire directement, tandis que 10 % de plus boivent toujours l’eau du robinet après l’avoir filtrée. |
3.11. |
Au fil de ces dernières décennies, l’eau a été engagée dans un processus de marchandisation, alors que les services d’approvisionnement en eau et d’assainissement subissaient un processus de privatisation et de financiarisation. Plus récemment, au cours de ces dernières années, ces processus ont été remis en question et il existe dès à présent des exemples de municipalités qui ont repris à leur compte les services liés à l’eau. L’eau est essentielle à la vie, elle constitue un bien commun et un droit humain. Aussi le CESE estime-t-il qu’en tant que services d’intérêt public, les services d’approvisionnement en eau et d’assainissement devraient faire l’objet d’une réglementation claire qui garantit les obligations de service, afin de faire en sorte d’obtenir partout une gestion de l’eau et des eaux usées à un prix abordable et avec une qualité suffisante du service. La Commission devrait maintenir les exemptions prévues pour l’eau et les eaux usées par la directive 2014/23/UE sur l’attribution des contrats de concession (32), et obtenues grâce au succès de l’initiative citoyenne européenne sur le droit à l’eau «Right2Water». Le CESE recommande à la Commission d’exempter les services liés à l’eau des règles du marché unique. |
4. Un prix abordable
4.1. |
Le caractère abordable du prix des services d’approvisionnement en eau et d’assainissement constitue une préoccupation croissante pour les résidents dans l’Union européenne, du fait, entre autres motifs, de la récente hausse des prix de l’énergie, sachant que les dépenses liées à ces services sont appelées à croître. Bien qu’en général, les dépenses liées à ces services ne pèsent pas excessivement sur le budget des ménages, les ménages à faibles revenus font souvent exception à cet égard, sachant que le nombre de ménages touchés augmentera probablement. Si l’on s’en tient à un seuil de 3 % du revenu disponible, dans 13 pays de l’Union, les 5 % les plus pauvres de la population peinent à pouvoir se permettre les services d’approvisionnement en eau et d’assainissement, et dans certains pays, ce problème touche même les 10 % les moins bien lotis de la population (33). Dans le même temps, il est possible de contester une telle approche pour mesurer les problèmes liés à l’accessibilité sur le plan financier, d’autant plus que sa quantification peut s’avérer malaisée et qu’elle ne fait pas forcément apparaître toute l’ampleur du problème, car elle ne permet pas de tenir compte des ménages qui consomment moins qu’ils ne devraient, des différences dans les politiques de tarification de l’eau (34) ni de la situation relative des ménages en termes de revenus. |
4.2. |
Le prix des services d’approvisionnement en eau et d’assainissement est marqué par un degré élevé de disparités territoriales entre les pays et en leur sein même (35), et, du fait de l’absence de données statistiques détaillées, il n’est pas possible d’en obtenir un panorama complet. Toutefois, dans les zones rurales, les systèmes de distribution se caractérisent des réseaux plus longs et des coûts de fonctionnement plus importants, ce qui entraîne des prix plus élevés. |
4.3. |
En sus de disposer de faibles revenus, les ménages vulnérables pourraient être plus exposés aux problèmes liés au caractère abordable du prix, du fait de la médiocre qualité et de la moindre efficacité de leur équipement, ainsi que du temps plus important que leurs membres passent à la maison. Les femmes, les enfants et les jeunes marginalisés, ainsi que les chômeurs, sont touchés de manière disproportionnée. |
4.4. |
Si les problèmes qui prévalent en matière de coûts appellent des mesures sociales ciblées efficaces, il n’est pas possible à l’heure actuelle d’obtenir la moindre vue d’ensemble des mesures prises par les États membres de l’Union européenne pour s’attaquer à ces problèmes, y compris celles visant les consommateurs vulnérables. En outre, l’on ne dispose pas davantage d’une vue complète de la possibilité d’une interruption du service, ou de son absence, ni d’un service minimal. Toutefois, pour certains pays (36), l’on dispose d’informations partielles, qui montrent la grande variété de telles mesures pour s’attaquer aux problèmes liés au caractère abordable du prix. |
4.5. |
La directive-cadre sur l’eau a poussé plus avant la notion du principe du pollueur-payeur grâce à l’objectif de récupération intégrale des coûts pour garantir la santé des écosystèmes. Toutefois, l’application de ce principe entre en contradiction avec celui d’un accès universel à une eau potable de qualité et d’un prix abordable, et elle entraîne dans la pratique des conséquences sociales graves, en particulier un creusement des inégalités, sachant que les populations les plus pauvres soit sont soumises à des prix proportionnellement plus élevés, soit ne relèvent pas du principe exposé ci-dessus. Le CESE estime qu’il convient de faire de l’accès universel à une eau potable de qualité et d’un prix abordable un principe fondamental, qui doit être pris en considération parallèlement aux préoccupations environnementales qui sous-tendent les principes du pollueur-payeur et de la récupération intégrale des coûts. |
4.6. |
Pour respecter le droit humain à l’eau, pour se conformer à l’impératif de protéger les écosystèmes et pour répondre aux préoccupations sociales, la structure de la tarification de l’eau constitue un levier important pour en assurer le caractère abordable, l’efficacité, l’équité et la préservation. Du fait de ces objectifs multiples, il existe de nombreuses structures de tarification, notamment celle que propose le rapporteur spécial (37) sur les droits humains à l’eau potable et à l’assainissement, présentée à la 76e assemblée générale des Nations unies (38). |
5. Durabilité
5.1. |
Le présent avis n’examine pas les problèmes environnementaux tels que les infiltrations d’eau salée ou la pollution, qui, en dernier ressort, pourraient causer des problèmes sociaux. Il s’agit de s’intéresser aux activités humaines qui conduisent à une surexploitation et à des conflits en matière d’utilisation. Le plus connu de tels problèmes est la situation où l’usage de l’eau que fait une partie empêche une autre partie de l’utiliser comme elle l’entend. Les législations européenne et nationales tentent de les résoudre au moyen de la gestion de bassins hydrographiques (39), qui a connu des degrés très variables de mise en œuvre et de réalisation dans toute l’Europe. |
5.2. |
La surexploitation exacerbe la pénurie et la dégradation de la qualité de l’eau et de celle des services. Toutefois, la dégradation de la qualité de l’eau en accroît également la pénurie, non pas sous la forme de quantités manquantes d’eau, mais en réduisant le volume d’eau qui convient pour tous les usages, ou au moins en augmentant les financements nécessaires pour ramener cette eau à des normes acceptables. Pour s’attaquer au problème de la surexploitation, il convient de s’intéresser à ses causes plutôt qu’à ses conséquences, dont il a été question dans la partie précédente. La surexploitation entraîne des problèmes environnementaux, lesquels sont responsables de problèmes sociaux, puisque les activités humaines dépendent des écosystèmes, et en particulier d’écosystèmes sains. |
5.3. |
Il apparaît un problème spécifique, à savoir le développement de projets agricoles et industriels ultra-intensifs dans des régions pauvres en eau, qu’il n’est donc possible de réaliser qu’au moyen de transferts d’eau d’autres bassins et de la surexploitation des eaux de surface, ce qui entraîne des problèmes environnementaux et sociaux en aval. Par exemple, la surexploitation d’une rivière entraîne une réduction de la quantité de sédiments et de nutriments qui parviennent à la mer et ce faisant, elle accroît la dégradation des zones côtières et amoindrit les stocks halieutiques. Dans l’ensemble, la surexploitation entraîne l’épuisement des écosystèmes, lequel frappe le plus les populations les plus vulnérables. |
5.4. |
Les problèmes sociaux découlent de la contraction des secteurs de la pêche et, éventuellement, d’une diminution du tourisme sur le bord de mer. Alors qu’il est possible, grâce à de grands investissements, d’atténuer les problèmes de dégradation des côtes pour soutenir le tourisme, il n’en va pas de même pour les stocks halieutiques. En revanche, si l’Union européenne légifère afin de faire cesser les projets responsables de cette surexploitation, elle devra faire face à la perte d’emploi des travailleurs concernés. |
5.5. |
Les fuites et les pertes (40) ne relèvent pas de la surexploitation, mais elles constituent un usage inefficace et inacceptable de l’eau. Toutefois, il s’agit d’une question qui requiert d’être abordée dans une seule perspective. En matière de fuites et pertes, la principale perspective des distributeurs d’eau destinée à la consommation humaine est d’ordre économique (41). Ceux-ci ne s’attaquent aux fuites et aux pertes que s’il leur coûte moins cher de le faire que de ne pas s’en préoccuper. En règle générale, tel est le cas lorsque le taux de fuites et de pertes se situe autour de 15 % (42). Une autre perspective est possible, et à présent, alors que la rareté s’accentue, elle gagne en nécessité pour porter ce seuil en dessous de ces 15 %. |
6. Gouvernance
6.1. |
Le CESE relève que dans le monde entier, la distribution et l’assainissement de l’eau sont une compétence municipale, sachant que différentes catégories de distributeurs (sociétés commerciales ou services municipaux) desservent une ou plusieurs municipalités, et que, tant dans l’Union que dans le reste du monde, la très grande majorité des personnes sont servies par des entreprises publiques des eaux. En sus des différentes formes que peuvent revêtir les distributeurs d’eau, il convient d’opérer une distinction essentielle entre la gestion publique et privée. Dans le cadre de chacune d’elles, il est possible de trouver différents types de gestion. Nous pouvons également trouver autant d’exemples, bons comme mauvais, de la gestion tant publique que privée. Néanmoins, la gestion privée s’intéresse au premier chef au profit et peut peiner de ce fait à satisfaire aux exigences de l’universalité du service, une dimension que le service public est mieux placé pour réaliser efficacement moyennant un prix abordable et en assurant une qualité suffisante du service. Le CESE relève que cette conclusion est étayée par les exemples de reprise par les municipalités des services d’approvisionnement en eau et d’assainissement au cours des deux dernières décennies. |
6.2. |
Pour garantir la qualité du service, le caractère abordable de son prix et l’universalité des services, la participation de l’ensemble des parties intéressées, à l’échelon de la gestion et au sein des organes de réglementation, constitue le meilleur moyen de maintenir la distribution de l’eau et son assainissement sur la trajectoire de la réalisation de l’objectif 6 de développement durable, dans l’hypothèse d’une exacerbation de la pénurie et d’une augmentation des prix. À l’échelon du distributeur d’eau, l’on peut faire état ici de la réussite qu’a connue la ville de Cordoue, dont la société municipale EMACSA dispose d’un conseil d’administration commun auquel participent les parties intéressées, ce qui est en fait un exemple de gestion participative (43). Les organismes de réglementation, au lieu d’être présidés par une seule personne, devraient disposer d’un conseil d’administration qui associe les parties intéressées afin d’assurer une plus grande efficacité de la réglementation. |
6.3. |
Les rivières et les masses d’eaux internationales peuvent être source de tensions, voire de conflits entre États, même au sein de l’Union européenne. Le CESE envisage, et propose, d’associer l’Union européenne à la gouvernance du segment de bassin hydrographique où plusieurs de ses États membres sont engagés, pour définir les principes généraux, les objectifs concrets et un suivi adéquat, car il s’agit là du meilleur moyen de contribuer à la gestion de l’eau en période de pénurie, laquelle provoque des crises de diverses sortes. |
6.4. |
À l’heure actuelle, le modèle de gouvernance de l’eau manque d’efficacité, du fait de la dispersion des organes de surveillance et de l’absence de toute hiérarchie entre eux, ainsi que de l’opacité bureaucratique qui le caractérisent. Il est urgent et nécessaire de trouver un nouveau modèle de gouvernance des écosystèmes hydrauliques, notamment de ceux qui associent plusieurs États membres. Dans le secteur de l’eau, il existe de nombreuses autorités disposant de compétences à différentes étapes du cycle hydrologique, et dont les perspectives et les objectifs se contredisent et dont les responsabilités se chevauchent parfois. Le CESE propose à la Commission de mettre en place un cadre de gouvernance des bassins hydrographiques assorti d’organes politiques et techniques de manière à assurer, le plus efficacement possible, l’orientation politique générale et la gestion technique, ainsi que l’engagement de toutes les parties intéressées grâce à des mécanismes efficaces de participation. |
6.5. |
Le CESE propose en particulier un modèle de gouvernance qui est à la fois politique et technique, démocratique et ouvert, et axé sur la mise en pratique du principe d’accès universel de la population à une eau potable de qualité et d’un prix abordable. Le CESE propose de mettre sur pied des «comités de gouvernance» composés de membres issus de tous les pays concernés, et chargés d’assurer la gestion politique et de résoudre tout conflit d’intérêts entre lesdits pays. Ces comités de gouvernance de bassin hydrographique devraient être secondés d’un comité technique d’experts et gérer les bassins hydrographiques sur le plan technique. Ce «comité de gouvernance» devrait définir, de manière publique et rigoureuse, la hiérarchie entre les compétences qui lui incombent et celles des différents organismes existants dans les pays du bassin hydrographique concerné, de manière à y éviter toute incompatibilité ou confusion touchant à la répartition de leurs compétences. Parallèlement à ce «comité de gouvernance de bassin hydrographique», devrait fonctionner un «conseil consultatif». Ce dernier se composerait d’organisations de la société civile, en particulier celles actives dans les domaines de l’environnement, du climat et de la protection des consommateurs, ainsi que les partenaires sociaux, et il lui incomberait de mener un dialogue citoyen structuré avec le «comité de gouvernance» et d’aider à résoudre d’éventuels conflits d’intérêts. |
Bruxelles, le 13 juillet 2023.
Le président du Comité économique et social européen
Oliver RÖPKE
(1) Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, https://www.ohchr.org/en/water-and-sanitation.
(2) Bibliothèque numérique des Nations unies, https://digitallibrary.un.org/record/687002.
(3) Voir également l’avis du Comité économique et social européen sur le thème «Lutte contre la précarité énergétique et résilience de l’Union: enjeux économiques et sociaux» (avis exploratoire à la demande de la présidence tchèque) (JO C 486 du 21.12.2022, p. 88).
(4) En complément du dispositif de surveillance mis en place par la directive relative à l’eau potable [directive (UE) 2020/2184].
(5) JO L 435 du 23.12.2020, p. 1. À savoir: «déterminer quelles sont les personnes qui n’ont pas accès ou qui n’ont qu’un accès limité aux eaux destinées à la consommation humaine, y compris les groupes vulnérables et marginalisés, et les raisons expliquant cet état de fait», https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32020L2184.
(6) Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative au traitement des eaux urbaines résiduaires [COM(2022) 541 final — 2022/0345 (COD)].
(7) Voir également: https://www.aquapublica.eu/article/news/access-water-and-sanitation-must-be-priority-commission-action-plan-implement-pillar (en anglais).
(8) Comme cela a été souligné, entre autres choses, dans les messages et les recommandations politiques du sommet de l’eau à Budapest en 2016, https://www.budapestwatersummit.hu/hu/Vilagtalalkozo/Letoltheto_dokumentumok (en anglais), et dans l’appel du sommet de l’eau à Budapest en 2019, https://www.budapestwatersummit.hu/en/Summit/Budapest_Appeal (en anglais).
(9) Résolution 64/292, «Le droit fondamental à l’eau et à l’assainissement», 2010, https://www.un.org/fr/waterforlifedecade/.
(10) Nations unies, communiqué de presse final sur la conférence sur l’eau, 24 mars 2023, https://unfccc.int/sites/default/files/french_paris_agreement.pdf (en anglais).
(11) Refonte de la directive relative à l’eau potable, 2018.
(12) Proposition d’une révision de la directive relative au traitement des eaux urbaines résiduaires, 2022.
(13) Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Intégration de la politique de l'eau aux autres politiques européennes» (avis exploratoire) (JO C 248 du 25.8.2011, p. 43).
(14) Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission sur l’initiative citoyenne européenne «L’eau et l’assainissement sont un droit humain! L’eau est un bien public, pas une marchandise!» [COM(2014) 177 final] (avis d’initiative) (JO C 12 du 15.1.2015, p. 33).
(15) Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine (refonte) [COM(2017) 753 final — 2017/0332 (COD)] (JO C 367 du 10.10.2018, p. 107).
(16) https://right2water.eu/.
(17) Banque mondiale, https://data.worldbank.org/indicator/SH.H2O.SMDW.ZS?locations=EU, année de référence: 2020. Pourcentage de personnes qui ne consomment pas d’eau potable issue d’un point amélioré accessible dans leur habitation, disponible en cas de besoin et sans contamination fécale ni pollution par des substances chimiques d’intérêt prioritaire. Parmi les sources d’eau améliorées figurent l’eau sous conduite, des puits tubés ou perforés, des puits creusés couverts, des sources protégées et des systèmes de collecte des eaux de pluie.
(18) Banque mondiale, https://data.worldbank.org/indicator/SH.H2O.BASW.ZS?locations=EU, année de référence: 2020. Cet indicateur englobe tant les personnes utilisant un approvisionnement en eau de base que celles qui utilisent des services d’approvisionnement en eau gérés de manière sûre. Les services d’approvisionnement en eau potable de base sont définis comme une eau potable issue d’un point amélioré, dont le temps de collecte aller et retour ne dépasse pas 30 minutes. Parmi les sources d’eau améliorées figurent l’eau sous conduite, des puits tubés ou perforés, des puits creusés couverts, des sources protégées et des systèmes de collecte des eaux de pluie.
(19) Eurostat, https://ec.europa.eu/eurostat/databrowser/view/sdg_06_10/default/table. https://ec.europa.eu/eurostat/databrowser/view/demo_pjan/default/table.
(20) Eurostat, https://ec.europa.eu/eurostat/databrowser/view/sdg_06_20/default/table. https://ec.europa.eu/eurostat/databrowser/view/demo_pjan/default/table.
(21) Eurostat, https://ec.europa.eu/eurostat/databrowser/view/ilc_mdho05/default/table.
(22) Agence européenne des droits fondamentaux, https://fra.europa.eu/fr/content/fra-opinions-eu-midis-ii-roma (en anglais).
(23) Parlement européen, «Que fait l’UE pour lutter contre la discrimination à l’encontre des Roms?», 8 avril 2022.
(24) Centre européen des droits des Roms, http://www.errc.org/uploads/upload_en/file/thirsting-for-justice-march-2017.pdf (en anglais).
(25) Bureau européen de l’environnement, https://eeb.org/wp-content/uploads/2020/04/Pushed-to-the-Wastelands.pdf (en anglais).
(26) Agence européenne pour l’environnement, https://www.eea.europa.eu/publications/water-resources-across-europe-confronting (en anglais).
(27) Première audition sur le thème «L’heure d’un pacte bleu», le 27 février 2023.
(28) Plateforme PreventionWeb, https://www.preventionweb.net/understanding-disaster-risk/risk-drivers/poverty-inequality (en anglais).
(29) EurEau (Association européenne des professionnels du secteur de l’approvisionnement en eau), «The governance of water services in Europe» («La gouvernance des services liés à l’eau en Europe», disponible en anglais uniquement), 2020, https://www.eureau.org/resources/publications/5268-the-governance-of-water-services-in-europe-2020-edition-2/file.
(30) Smart Water Magazine, https://smartwatermagazine.com/news/locken/water-ranking-europe-2020 (en anglais).
(31) Commission européenne, Rapport final sur l’analyse de la consultation publique sur la qualité de l’eau potable, https://circabc.europa.eu/sd/a/0070b535-5a6c-4ee4-84ba-6f6eb1682556/Public%20Consultation%20Report.pdf (en anglais).
(32) Directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur l’attribution de contrats de concession (JO L 94 du 28.3.2014, p. 1).
(33) Comité économique et social européen, https://www.eesc.europa.eu/sites/default/files/files/blue_deal_fiasconaro.pdf (en anglais).
(34) OCDE, https://www.oecd-ilibrary.org/sites/e1b8a4b6-en/index.html?itemId=/content/component/e1b8a4b6-en (en anglais).
(35) EurEau, https://www.eureau.org/resources/publications/eureau-publications/5824-europe-s-water-in-figures-2021/file (en anglais).
(36) Régulateurs européens du secteur de l’eau (WAREG), https://www.wareg.org/documents/affordability-in-european-water-systems/ (en anglais); OCDE, https://www.oecd.org/fr/environnement/ressources/15425341.pdf.
(37) Sa proposition est celle d’une tarification par blocs, sachant que celle du premier doit être abordable, voire gratuite dans certaines circonstances, répondant ainsi au droit humain à l’eau, tandis que celle du deuxième bloc devrait permettre de recouvrir les coûts, et la tarification du troisième bloc devrait être bien plus élevée, générant une subvention croisée du luxe vers les utilisations de base. Le CESE estime que chaque État membre, voire chaque service d’approvisionnement en eau et d’assainissement, devrait définir la valeur correspondant à chaque bloc.
(38) «Risques et impacts de la marchandisation et de la financiarisation de l’eau sur les droits humains à l’eau potable et à l’assainissement», rapport présenté à la 76e assemblée générale des Nations unies par le rapporteur spécial sur les droits humains à l’eau potable et à l’assainissement, Pedro Arrojo Agudo, A/76/159.
(39) Directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau (JO L 327 du 22.12.2000, p. 1) (directive-cadre sur l’eau).
(40) De manière générale, les fuites et les pertes sont définies comme l’eau perdue physiquement et comme l’eau qui n’a pas été facturée, en gardant à l’esprit qu’une partie de l’eau qui n’est pas facturée est toutefois autorisée. Pour plus de détails, veuillez consulter un bilan hydrique.
(41) Aux fins de ce paragraphe, les pertes ne visent pas la consommation autorisée non facturée.
(42) Il s’agit de l’objectif chiffré le plus fréquent utilisé au Portugal. D’autres pays de l’Union européenne peuvent afficher différentes valeurs cibles, mais en soi, cette valeur importe peu pour notre raisonnement.
(43) Enrique Ortega de Miguel et Andrés Sanz Mulas, «Water Management in Córdoba (Spain): A Participative, efficient and Effective Public Model» [Gérer l’eau à Cordoue, en Espagne: un modèle public participatif, efficace et efficient], dans «Reclaiming Public Water» [Reprendre la maîtrise publique de l’eau], éditions TNI, 2005.
29.9.2023 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 349/69 |
Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Comment dialoguer avec le public visé et exploiter efficacement les résultats des travaux menés par les panels de citoyens?»
(avis d’initiative)
(2023/C 349/11)
Rapporteur: |
M. Christophe QUAREZ |
Consultation |
Avis d’initiative, 23.1.2023 |
Décision de l’assemblée plénière |
25.1.2023 |
Base juridique |
Article 52, paragraphe 2, du règlement intérieur |
|
Avis d’initiative |
Compétence |
Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté» |
Adoption en section |
21.6.2023 |
Adoption en session plénière |
13.7.2023 |
Session plénière no |
780 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
163/4/8 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Le CESE rappelle que la démocratie participative ne peut que compléter la démocratie représentative, qui reste le pilier fondamental de nos systèmes politiques. Pour le CESE, le renforcement de la confiance politique passe par des améliorations continues apportées au mode de fonctionnement de la démocratie dans l’Union européenne, notamment par le développement des dispositifs participatifs et délibératifs ouverts aux citoyens, en s’appuyant sur l’ensemble des instruments de l’Union existants. À ce titre, il réaffirme que l’avis d’une association représentant des milliers d’adhérents doit compter bien davantage que celui d’un citoyen isolé. |
1.2. |
L’expérience de la démocratie participative avec des panels de citoyens s’est développée, notamment grâce au développement des outils numériques, dans tous les États membres. D’abord limitées à des problématiques locales ou régionales, les contributions de panels citoyens aux débats publics ont progressivement couvert l’ensemble des champs politiques, comme en Irlande (mariage pour tous et avortement) ou en France (convention citoyenne pour le climat), ou par exemple avec la conférence sur l’avenir de l’Europe. |
1.3. |
En tant que foyer de la société civile organisée et représentative, le CESE dispose d’une expertise spécifique et constitue un forum unique et permanent de dialogue civil, où des solutions sont proposées sur la base d’un consensus entre les différentes parties prenantes. En tant que tel, il devrait jouer un rôle majeur dans le développement d’instruments participatifs. |
1.4. |
Le CESE, en tant que porte-parole institutionnel et établi de la société civile organisée et représentative, doit être au cœur de la démarche de renforcement de la démocratie participative dans les institutions européennes. Il est donc proposé de réfléchir, par l’intermédiaire de l’expérimentation, à la gamme des instruments participatifs dont le CESE pourrait faire usage dans ses travaux consultatifs, par exemple en faisant appel à des panels citoyens. Le cas échéant, une évolution du règlement intérieur du CESE sera nécessaire pour intégrer cette démarche. |
1.5. |
Dans le cadre de cette analyse, le CESE pourrait réfléchir à l’évolution de son rôle en développant son expertise de toutes les questions liées à la participation des citoyens et à la démocratie participative. Plus spécifiquement, le bureau du CESE pourrait prendre des décisions sur des questions telles que la portée et la méthodologie de la participation de citoyens aux travaux du Comité, ou sur les thèmes au sujet desquels des panels de citoyens seraient amenés à être consultés. Le CESE juge utile d’envisager la création d’un groupe de travail spécifique chargé de déterminer toutes les modalités requises, sous réserve de la disponibilité des ressources budgétaires et après délibération et décision du bureau du Comité (1). Ce groupe de travail pourrait travailler, entre autres, sur des questions telles que:
|
1.6. |
Le CESE est attaché à la dimension délibérative d’un panel citoyen qui serait associé à ses travaux, à titre complémentaire pour enrichir la panoplie existante des outils participatifs de l’Union. |
2. L’indispensable renouveau démocratique
2.1. |
Les sociétés européennes sont presque toutes des systèmes représentatifs démocratisés. Représentatifs car le mode de sélection des gouvernants repose principalement sur l’élection au suffrage universel direct, notamment parlementaire mais aussi présidentielle. |
2.2. |
Le XXIe siècle est marqué en Europe par une défiance croissante à l’égard des responsables politiques et de leur action, avec une intensité qui varie selon les pays. Comme l’ont montré le Brexit, les difficultés des démocraties européennes à faire face à la pandémie de COVID-19 dans la concorde, les mouvements protestataires des Indignés et des Gilets jaunes en rupture avec les canaux institutionnels d’expression démocratique, ou encore la montée des populismes autoritaires, vieilles et nouvelles démocraties semblent essoufflées. La révolution des nouvelles technologies a par ailleurs encouragé la désintermédiation et la dérégulation des relations politiques. |
2.3. |
Trois indicateurs objectifs permettent de mesurer la récession démocratique envisagée sous l’angle de la crise de la légitimité démocratique à laquelle on assiste en Europe: le progrès de l’abstention; une volatilité électorale accrue; la chute du nombre d’adhérents à des partis politiques. À ces indicateurs objectifs s’ajoutent des indicateurs subjectifs tels que l’érosion de la confiance dans les institutions publiques. |
2.4. |
Pour le CESE, le renforcement de la confiance politique passe donc par une amélioration des mécanismes démocratiques. Cela signifie en premier lieu que la démocratie représentative, base de notre système politique, doit trouver un nouveau souffle. |
2.5. |
En complément, des dispositifs participatifs ou délibératifs peuvent contribuer à renforcer le lien entre représentés et représentants et rendre effectives leurs responsabilités respectives. |
2.6. |
Le CESE rappelle que dans une démocratie représentative, chaque citoyen a la liberté de s’engager en adhérant au parti politique, au syndicat ou à l’association de son choix. Ainsi, cette liberté est la première garante d’un régime démocratique. |
3. Le besoin d’institutionnaliser la participation citoyenne?
3.1. |
Le nombre de dispositifs participatifs a été multiplié de façon exponentielle en Europe, où des milliers d’expériences ont été réalisées, d’abord au niveau local ou régional, notamment avec les budgets participatifs, puis sur des sujets environnementaux, sociétaux ou institutionnels au niveau régional ou national. |
3.2. |
Ce ne sont plus seulement les quartiers qui sont institutionnalisés dans les lois et règlements de nombreux pays, mais aussi des dispositifs plus innovants. |
3.3. |
Il en est ainsi en Belgique, où des conseils permanents de citoyens tirés au sort viennent d’être créés par une loi à Bruxelles. De même en Irlande, où des assemblées citoyennes parfois couplées à des référendums ont permis de légaliser le mariage pour tous et l’avortement, ou en France avec l’organisation de conventions citoyennes pour le climat et sur la fin de vie. |
3.4. |
Au niveau européen, le plus grand exercice de démocratie participative et délibérative à ce jour a été la conférence sur l’avenir de l’Europe dans le cadre de laquelle quatre panels de citoyens européens ont été organisés pour permettre aux citoyens de réfléchir ensemble à l’avenir qu’ils souhaitent pour l’Union européenne. Le CESE a été formellement associé à cette initiative. Il se félicite que ce projet pilote fasse l’objet d’une évaluation approfondie afin que des enseignements puissent être tirés sur la manière d’améliorer d’éventuelles initiatives futures. |
3.5. |
Le CESE regrette notamment le manque de visibilité donnée à cette conférence dans les États membres et le faible intérêt qui y a été porté, ainsi qu’une confusion sur ses objectifs. |
3.6. |
Dans le rapport final (2) de la conférence sur l’avenir de l’Europe, la proposition 36 sur l’information et la participation des citoyens et la proposition 39 relative au processus décisionnel de l’Union donnent au CESE un mandat clair pour renforcer structurellement son rôle institutionnel de garant et de facilitateur des activités de démocratie participative, comme le dialogue structuré avec les organisations de la société civile et les panels de citoyens. D’un point de vue institutionnel, le CESE se trouve dans une position idéale pour jouer un rôle dans le renforcement de la démocratie participative, en exerçant une action cohérente et transversale. |
3.7. |
L’Union dispose déjà de toute une série d’instruments de participation à son niveau, notamment les élections au Parlement européen, les dialogues avec les citoyens et l’initiative citoyenne européenne, les pétitions adressées au Parlement européen ou encore le Médiateur européen. Par ailleurs, lors de la préparation des initiatives législatives, la Commission organise des consultations publiques dans le but de donner aux parties prenantes, y compris les citoyens, la possibilité de s’exprimer sur une thématique donnée. Ces consultations publiques sont prévues par les lignes directrices pour une meilleure réglementation de la Commission et se déroulent sur son portail «Donnez votre avis». |
3.8. |
L’Initiative citoyenne européenne (ICE), créée en 2012, est l’une des innovations essentielles de la démocratie participative à l’échelle de l’Union. Elle permet à un groupe de citoyens d’inscrire une question à l’ordre du jour des instances législatives européennes. |
3.9. |
Mais les quatre ICE qui ont réussi à réunir le million de signatures requis pour que la Commission européenne y réponde ont eu un impact relativement faible jusqu’à présent, avec des propositions législatives adoptées dans le cadre du suivi des initiatives «Droit à l’eau» et «Interdire le glyphosate», et une proposition annoncée pour 2023 visant à interdire les cages pour tous les animaux. Pour le CESE, l’ICE ne répond pas complètement aux attentes et, par conséquent, devrait sans doute faire l’objet d’une réforme à laquelle il conviendrait d’associer le CESE. |
3.10. |
La participation des citoyens a été favorisée par les plateformes numériques. Internet a permis de faire participer la société civile à grande échelle et d’associer des publics jusqu’ici éloignés de ce genre de démarches, notamment les jeunes. |
3.11. |
Toutefois, si le numérique contribue à faciliter et à élargir le champ de la participation, il a aussi ses limites. Les consultations sur internet permettent la collecte des opinions mais pas toujours une véritable délibération. |
3.12. |
La création de futurs panels de citoyens durables nécessite une forte composante en ligne, un élément clé pour les discussions transnationales associant le plus grand nombre possible de citoyens. Sur la base des expériences et des enseignements tirés de la plateforme multilingue de la conférence sur l’avenir de l’Europe, le CESE propose de créer une plateforme en ligne/application mobile multilingue de meilleure qualité. Celle-ci permettrait une participation bien plus importante que dans le cadre d’événements en présentiel, à condition que l’outil en ligne soit conçu de manière à être accessible au plus grand nombre possible de citoyens. Les manifestations physiques restent un outil important venant compléter les consultations en ligne, mais elles devraient être limitées à un nombre raisonnable et être fortement ciblées sur des sujets d’intérêt horizontal et d’actualité. Il conviendrait d’allouer suffisamment de ressources à la création d’une telle plateforme numérique de pointe (3). |
3.13. |
Pour le CESE, la question de la représentativité et de l’expertise des contributions citoyennes au débat public doit être posée. L’avis d’une association représentant des milliers d’adhérents compte-t-il autant que l’expression d’un citoyen isolé? |
3.14. |
Le CESE rappelle que la valeur ajoutée de ses avis et préconisations provient du consensus dégagé au sein de la société civile organisée et des rapprochements opérés entre les intérêts divergents des différentes organisations qui en émanent. |
3.15. |
Le mandat de la consultation citoyenne doit être clair. Pour le CESE, il est essentiel de préciser, en amont, la façon dont les contributions demandées seront intégrées dans le processus de décision. |
3.16. |
Tout processus de dialogue réel avec les citoyens nécessite un mécanisme de retour d’information pour asseoir sa légitimité. C’est pourquoi il est si important que la Commission européenne instaure un mécanisme permettant de suivre les recommandations formulées par les citoyens. Pour ce faire, il convient de créer un tableau de bord des recommandations d’action, puis de l’utiliser pour déterminer la suite qui sera réservée aux propositions, comme l’a demandé le Comité économique et social européen à l’occasion de la conférence sur l’avenir de l’Europe. |
3.17. |
Le CESE devrait être considéré comme un instrument important pour réduire le déficit démocratique de l’Union, combler la distance et promouvoir une identité politique européenne parmi ses citoyens. |
4. Le rôle du Comité économique et social européen dans l’organisation de la consultation citoyenne
4.1. |
La disposition de l’article 11 du traité sur l’Union européenne prévoyant un «dialogue ouvert, transparent et régulier avec les associations représentatives et la société civile» devrait être pleinement mise en œuvre dans tous les domaines d’action de l’Union. |
4.2. |
Au fil des années, le CESE a renforcé la position des initiatives citoyennes et renforcé leur visibilité dans le travail quotidien des institutions. Depuis le lancement de l’ICE, le CESE organise chaque année une conférence de haut niveau à l’occasion de la Journée de l’ICE. Le groupe ad hoc sur l’ICE du CESE a été créé pour fournir des orientations politiques sur les initiatives citoyennes et suivre l’évolution de la situation dans ce domaine. |
4.3. |
Le CESE fournit également des informations sur les droits des citoyens. Sa publication la plus largement diffusée, le «Passeport pour la démocratie européenne», est devenue une source d’information populaire pour le grand public et est présentée et utilisée lors de divers événements organisés par les institutions de l’Union et les organisations de la société civile. |
4.4. |
Le rôle institutionnel du CESE devrait être renforcé, et celui-ci devrait être habilité en tant que représentant établi de la société civile organisée à formuler des conseils pour l’élaboration des politiques de l’Union, mais aussi en tant que facilitateur et garant des activités de démocratie participative, telles que le dialogue structuré avec les organisations de la société civile ou les panels de citoyens. Une société civile dynamique est essentielle à la vie démocratique de l’Union. |
4.5. |
En tant que foyer de la société civile organisée, le CESE dispose d’une expertise spécifique et constitue un forum unique et permanent de dialogue civil, où des solutions sont proposées sur la base d’un consensus entre les différentes parties prenantes. Ses membres sont mandatés par leurs organisations respectives. |
4.6. |
L’expérience de la conférence sur l’avenir de l’Europe a suscité des attentes et appelle un suivi approprié de cette consultation de la part des institutions européennes. |
4.7. |
Le CESE est attaché à la dimension délibérative d’un panel citoyen qui serait associé à ses travaux, en complément des consultations en ligne pratiquées par la Commission européenne, qui sont un instrument utile mais qui ne permettent pas le débat direct entre les parties prenantes qui y contribuent. |
4.8. |
Le manifeste du président du CESE prévoit la mise en place de panels participatifs de citoyens dans la perspective des élections au Parlement européen de 2024, qui alimenteront une résolution transversale de toutes les sections du CESE présentant les principales exigences du Comité à l’égard du nouveau Parlement européen et de la nouvelle Commission; |
4.9. |
En outre, dans le cadre du cycle de dialogue 2023 du groupe de liaison du CESE, un groupe de travail «Panels de citoyens» est constitué au titre des dialogues thématiques régulièrement organisés entre les membres du CESE et les organisations de la société civile membres du groupe de liaison, comme envisagé dans la stratégie de communication du CESE pour la période 2022-2027. Le fruit de ce dialogue sera un document de réflexion qui pourrait contribuer à des initiatives du CESE en faveur de la participation des citoyens. |
4.10. |
Dans le cadre de cette analyse, le CESE pourrait réfléchir à l’évolution de son rôle en développant son expertise de toutes les questions liées à la participation des citoyens et à la démocratie participative. Plus spécifiquement, c’est le bureau qui, au sein du CESE, serait l’organe qualifié pour prendre des décisions sur des questions telles que la portée et la méthodologie de la participation de citoyens aux travaux du Comité, ou sur les thèmes au sujet desquels des panels de citoyens seraient amenés à être consultés. |
4.11. |
Un financement spécifique, des moyens humains et un outil numérique devront être affectés à cette nouvelle responsabilité du CESE. |
4.12. |
Un règlement intérieur applicable à l’échantillon du public tiré au sort devrait définir: les modalités de fonctionnement, de communication et de relations avec les médias, de relation entre le CESE ou sa formation de travail concernée et l’échantillon du public. |
4.13. |
Le CESE juge utile d’envisager la création d’un groupe de travail spécifique chargé de déterminer toutes les modalités requises, sous réserve de la disponibilité des ressources budgétaires et après délibération et décision du bureau du Comité (4). Ce groupe de travail pourrait travailler, entre autres, sur des questions telles que:
|
Bruxelles, le 13 juillet 2023.
Le président du Comité économique et social européen
Oliver RÖPKE
(1) Comme indiqué dans l’étude du CESE intitulée «Faire du CESE le facilitateur et le garant des activités de démocratie participative, y compris le dialogue structuré avec les organisations de la société civile et les panels de citoyens», publiée en 2023, toute nouvelle forme d’activité que le CESE entreprendrait en lien avec la démocratie participative devrait se voir accorder le temps, les ressources et l’attention dont elle a besoin pour être efficace.
(2) Voir le rapport sur les résultats finaux de la conférence sur l’avenir de l’Europe.
(3) Comme indiqué dans l’étude du CESE intitulée «Faire du CESE le facilitateur et le garant des activités de démocratie participative, y compris le dialogue structuré avec les organisations de la société civile et les panels de citoyens», publiée en 2023, la demande en faveur de la numérisation est évidente, mais des ressources devraient néanmoins être allouées pour qu’une participation physique puisse rester possible.
(4) Comme indiqué dans l’étude du CESE intitulée «Faire du CESE le facilitateur et le garant des activités de démocratie participative, y compris le dialogue structuré avec les organisations de la société civile et les panels de citoyens», publiée en 2023, toute nouvelle forme d’activité que le CESE entreprendrait en lien avec la démocratie participative devrait se voir accorder le temps, les ressources et l’attention dont elle a besoin pour être efficace.
29.9.2023 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 349/74 |
Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Industries à forte consommation hydrique et technologies économes en eau»
(avis d’initiative)
(2023/C 349/12)
Rapporteur: |
Paul RÜBIG |
Corapporteur: |
John BRYAN |
Décision de l’assemblée plénière |
25.1.2023 |
Base juridique |
Article 52, paragraphe 2, du règlement intérieur |
|
Avis d’initiative |
Compétence |
Commission consultative des mutations industrielles |
Adoption en commission |
22.6.2023 |
Adoption en session plénière |
13.7.2023 |
Session plénière no |
580 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
200/0/3 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Dans le cadre du pacte bleu pour l’Europe, il faut que, de toute urgence, l’Union élabore une nouvelle politique européenne de l’eau, comprenant une politique globale et durable de gestion de l’eau pour l’industrie, fondée sur la réduction, la réutilisation, le recyclage de l’eau et la réduction de sa pollution, tout en accordant une attention particulière aux industries à forte intensité d’eau ainsi qu’à l’introduction et à l’utilisation progressives de technologies économes en eau. Compte tenu de l’interdépendance entre énergie, eau et matières premières critiques, la politique de l’eau doit devenir l’un des piliers de la stratégie industrielle de l’Union. |
1.2. |
Pour aider les industries à progressivement devenir économes en eau, l’Union doit donc se doter d’une feuille de route assortie de jalons et d’une approche sectorielle, en tenant pleinement compte de l’interdépendance entre énergie, eau et matières premières critiques. Ceci passe par une révision de la stratégie industrielle européenne et de ses documents encadrant des parcours de transition au cours des deux prochaines années. Cette approche sectorielle devrait intégrer les caractéristiques d’une utilisation rationnelle de l’eau ainsi que les problématiques liées à l’eau propres à chaque secteur, et elle devrait reposer sur une démarche prospective assortie d’options, d’une évaluation de l’impact et des risques et enfin d’une analyse du coût du cycle de vie. |
1.3. |
Dans la perspective du développement du secteur émergent des technologies économes en eau, domaine où l’Union pourrait jouer un rôle de premier plan, une politique globale européenne dans ce domaine doit aller de pair avec un plan de financement européen ambitieux se donnant pour objectif de permettre à l’industrie de réaliser les investissements essentiels dans les technologies économes en eau. Des incitations financières positives, telles que des crédits d’impôt, des taux d’amortissement plus élevés et d’autres mécanismes, devraient être adoptés. Des moyens de financement innovants, tels que le financement participatif, pour compléter le soutien public pourraient être envisagés. |
1.4. |
L’Union doit s’imposer comme la figure de proue à l’échelle mondiale du développement, de la fabrication et de l’utilisation de technologies économes en eau, et se forger une réputation mondiale en tant que zone de production à faible empreinte hydrique. Les technologies économes en eau constituent un secteur industriel qui se rattache aux technologies propres. Elles doivent aussi, en tant que telles, être économes en énergie. Dans la mesure où les technologies propres constituent un écosystème industriel en soi, le CESE suggère de créer un parcours de transition pour cet écosystème d’ici deux ans, avec des objectifs ambitieux mais réalistes, y compris un plan de gestion et de compétences. |
1.5. |
Il convient d’être beaucoup plus vigilant en ce qui concerne la consommation, le recyclage et le captage de l’eau dans les processus d’autorisation des nouvelles installations industrielles ainsi que de miser davantage sur des systèmes d’incitation aux projets d’économie d’eau dans les installations existantes. Toutefois, chaque secteur a des besoins différents en matière d’utilisation de l’eau et différentes possibilités de devenir économe. Le principe «avant tout, ne pas nuire» doit être associé à un droit accordé aux activités économiques de consommer de l’eau et à un engagement de l’industrie à faire progresser pas à pas l’utilisation efficace de l’eau au moyen d’une feuille de route spécifique. |
1.6. |
Il conviendra d’accorder dans les stratégies européennes une priorité beaucoup plus élevée à la demande, à la consommation et au stockage de l’eau, avec en ligne de mire le développement économique des secteurs de l’industrie. Le CESE souligne le rôle clé de l’eau dans l’économie circulaire. |
1.7. |
La consommation d’eau variant d’un État membre à l’autre et d’un secteur à l’autre, il s’impose d’enregistrer et de déclarer les données relatives à l’usage de l’eau pour l’industrie dans chaque État membre et de cartographier les technologies existantes. Puisqu’il s’agit de la première étape de la mise en œuvre de processus économes en eau, il est aussi nécessaire de collecter ces données au niveau des installations. Les droits de propriété industrielle doivent s’inscrire en cohérence avec les exigences applicables en matière de transparence des données. |
1.8. |
L’Union doit étudier la possibilité de mettre en place une plateforme du pacte bleu à destination des représentants de l’industrie et de l’agriculture ainsi que des citoyens, dans l’optique d’optimiser la consultation et l’adhésion vis-à-vis du processus d’élaboration d’une nouvelle politique dans le domaine de l’eau. Cette consultation permanente devrait en particulier faciliter la levée des obstacles législatifs à l’adoption de technologies économes en eau dans les processus industriels et agricoles ou encore par les ménages, et contribuer à une mise à jour régulière des plans d’action à mettre en place, tels que les parcours de transition pour l’industrie. |
2. Introduction et observations générales
2.1. |
De façon générale, en Europe, les ressources en eau par habitant sont comparativement élevées, mais avec des différences essentielles entre les régions d’Europe centrale et septentrionale et les régions méridionales, principalement dues aux effets des facteurs climatiques sur lesdites ressources en eau. Les principaux défis concernant les cycles de l’eau sont notamment les suivants: 1) des périodes de sécheresse plus longues, suivies de fortes précipitations et d’inondations, deux facteurs qui limitent l’accès à une eau propre et utilisable; 2) l’augmentation de la consommation d’eau en conséquence de l’augmentation ou de la densification de la population et du développement économique, ainsi que de l’augmentation de la demande en eau pour des usages industriels, agricoles et individuels, et 3) l’augmentation de la pollution des sources d’eau due à une absence de traitement des effluents. Une multitude de nouveaux polluants, tels que notamment les microplastiques ou les substances pharmaceutiques, pénètrent dans les sources d’eau et, dans une certaine mesure, ne sont identifiés qu’une fois qu’ils se sont accumulés au point d’atteindre des quantités nocives. Des mesures doivent être définies, traitées et mises en œuvre pour relever ces trois défis essentiels. |
2.2. |
En Europe, le stress hydrique est une préoccupation majeure qui prend de l’ampleur. Selon l’Agence européenne pour l’environnement (AEE) environ 20 % du territoire européen et 30 % des européens, en année moyenne, sont touchés par le stress hydrique (1). On entend par utilisation non durable de l’eau, le prélèvement d’eau à partir des ressources naturelles à un rythme plus rapide que celui de sa reconstitution par la nature. Environ 60 % des grandes villes européennes (plus de 100 000 habitants) comptent quelque 140 millions de personnes vivant dans (ou à proximité) des zones de surexploitation des eaux souterraines (2). Les conséquences négatives sur l’approvisionnement en eau des phases d’inondations causées par les fortes pluies liées au climat — les grandes villes dépendant très souvent de sources d’eau souterraines alimentées par les rivières — représentent un facteur essentiel. |
2.3. |
Dans de nombreuses régions du sud de l’Europe, des choix doivent être faits en période de sécheresse afin de préserver l’usage de l’eau pour l’industrie, l’agriculture et les ménages. Dans certaines régions, il y a un risque de délocalisation des industries hors des zones en situation de stress hydrique, entraînant des pertes d’emplois, une déstabilisation des économies et des mutations industrielles. |
2.4. |
La politique européenne dans le domaine de l’eau a eu tendance à se concentrer sur le cadre juridique de la protection et de la gestion de l’eau, en insistant sur la pollution et la prévention. La directive-cadre sur l’eau, la directive relative au traitement des eaux urbaines résiduaires, la directive relative aux émissions industrielles et le plan d’action «zéro pollution» dans le cadre du pacte vert pour l’Europe forment le socle des principales politiques européennes existantes dans le domaine de l’eau ayant une incidence sur l’industrie. Toutefois, la dimension hydrique est à peine mentionnée dans les parcours de transition de l’Union pour l’industrie ou dans le rapport de prospective stratégique 2022 de la Commission européenne. |
2.5. |
La vision de l’Union pour une transition écologique et numérique de l’industrie et de ses écosystèmes ne fait aucune mention de l’eau. La communication de la Commission relative à un plan industriel du pacte vert (3) évoque dans une note de bas de page l’approvisionnement en eau et l’assainissement en tant que secteurs clés pour la transition écologique, mais le document en tant que tel ne comporte aucune autre référence à l’eau. Il appartient à l’Union d’aborder la politique de l’eau avec la même détermination que celle dont elle a fait preuve face à la crise climatique. |
3. Nécessité d’intégrer l’eau dans la politique industrielle européenne tout en adoptant une approche sectorielle
3.1. |
La politique de l’eau et la gestion de l’eau fonctionnent de manière très différente d’un État membre à l’autre, ce qui crée de véritables difficultés pour les populations et les industries. Dans la mesure où 60 % des eaux de surface européennes sont transfrontalières, une politique commune de l’Union dans le domaine de l’eau doit être mise à l’étude. |
3.2. |
En mars 2023, le Conseil européen a adopté les conclusions suivantes: «Le Conseil européen se félicite de la conférence des Nations unies sur l’eau 2023 et de son programme d’action pour l’eau. Il reconnaît la nécessité d’une action renforcée au niveau de l’Union et au niveau mondial dans le domaine de l’eau et souligne l’importance d’une approche stratégique de l’UE en matière de sécurité de l’eau.» (4) |
3.3. |
Il s’impose à l’Union de présenter une politique globale et durable de la gestion de l’eau pour l’industrie, fondée sur la réduction, la récupération, la réutilisation et le recyclage, en accordant une attention toute particulière aux industries à forte intensité d’eau et à l’utilisation de technologies économes en eau. La hiérarchie en cascade pour ce qui concerne la problématique de l’eau doit être prioritaire. |
3.4. |
Toutes les industries sont tributaires de l’eau. L’industrie représente environ 40 % du total des prélèvements d’eau en Europe (5). Dans l’Union européenne, parmi les principales industries nécessitant de grandes quantité d’eau, on compte notamment les industries extractives, l’industrie manufacturière, la production d’électricité, la construction, la chimie, l’agriculture, la production d’aliments et de boissons, le textile, le papier et la pâte à papier, les produits pharmaceutiques, les TIC, y compris les centres de données, l’industrie automobile, la sidérurgie, les engrais ou encore les transports. Toutefois, les données sur le captage et l’utilisation de l’eau au sein de l’Union sont tout à la fois dépassées et de piètre qualité. Une stratégie industrielle européenne dans le domaine de l’eau doit se fonder sur des données collectées au niveau de l’Union, avec la participation d’Eurostat, afin de disposer d’une vue d’ensemble large et complète. Il y a lieu aussi de collecter ces données au niveau des installations, puisqu’il s’agit de la première étape de la mise en œuvre de processus économes en eau. En outre, l’Organisation météorologique mondiale (OMM) œuvre à la mise en place d’une plateforme d’interopérabilité pour un entrepôt mondial de données. |
3.5. |
Il est manifestement nécessaire d’adopter une approche européenne intégrée des politiques de l’eau qui comprenne une meilleure coordination des nombreuses exigences législatives découlant de plusieurs secteurs et utilisations, y compris les secteurs industriels. Par ailleurs, une ambition politique beaucoup plus forte est nécessaire pour faire progresser l’utilisation rationnelle de l’eau et réduire sa pollution et sa consommation dans les industries européennes, notamment par l’introduction progressive de technologies économes. Cependant, une approche sectorielle est de mise, car la possibilité de devenir plus économe varie considérablement d’un secteur à l’autre, en fonction de l’existence de technologies adaptées à une utilisation efficace de l’eau. |
3.6. |
Pour ce qui est des différents secteurs industriels, une analyse approfondie doit être réalisée afin d’établir, à l’échelle européenne, des critères de référence, des lignes directrices et des systèmes de déclaration pour le développement durable futur des cycles de l’eau. Il faut reconnaître que, directement ou indirectement, certaines ressources consacrées aux cycles industriels de l’eau sont déjà disponibles au niveau européen, telles que l’étude de 2021 intitulée «Circular economy perspectives in the EU Textile sector» (Perspectives d’économie circulaire dans le secteur textile de l’Union) (6), mais que des efforts supplémentaires restent impératifs pour couvrir les différents secteurs industriels concernés. Le CESE plaide en faveur d’une révision des parcours de transition pour l’industrie au cours des deux prochaines années afin d’y inclure la dimension de l’utilisation efficace de l’eau, ainsi qu’une feuille de route ambitieuse, mais réaliste, pour devenir progressivement plus efficace dans l’utilisation de l’eau. |
3.7. |
Il convient d’être beaucoup plus vigilant en ce qui concerne la consommation et le recyclage de l’eau dans les processus d’autorisation des nouvelles installations industrielles ainsi que de miser davantage sur des systèmes d’incitation aux projets d’économie d’eau dans les installations existantes. Toutefois, chaque secteur a des besoins différents en matière d’utilisation de l’eau et différentes possibilités de devenir économe. Le principe «avant tout, ne pas nuire» doit se combiner à un droit pour les activités économiques de consommer de l’eau. Il convient de reconnaître ce droit tout en faisant en sorte que l’installation industrielle s’engage à améliorer progressivement son utilisation rationnelle de l’eau, mesurée par le critère de référence sectoriel, au moyen d’une feuille de route pour l’utilisation efficace de l’eau. |
3.8. |
Les industries seront de plus en plus soumises à une injonction de réduire leur impact environnemental et d’utiliser l’eau plus efficacement, que ce soit de manière directe ou indirecte. Comme pour la décarbonation et l’énergie, de nombreuses industries devront consentir à des investissements à grande échelle pour rendre leurs procédés de production et leurs chaînes de valeurs plus économes en eau et en réduire l’impact sur la qualité de l’eau. |
3.9. |
Dans le processus de transition vers une société neutre en carbone et économe en énergie et en eau, il est essentiel que les industries exerçant leur activité dans l’Union restent compétitives et ne soient pas désavantagées par rapport à d’autres régions du monde où l’on opte pour des politiques à la fois moins responsables et moins restrictives, qui érodent ce faisant la production et l’emploi au sein de l’Union, sans permettre de progresser sur le front de l’eau au niveau mondial. Nous devons protéger les futurs produits et services économes en eau qui auront été conçus dans l’Union contre des importations moins efficaces dans leur utilisation de cette ressource. |
4. Technologies économes en eau permettant une gestion durable de l’eau
4.1. |
Le succès de l’adoption de technologies économes en eau dans l’industrie et dans d’autres domaines est essentiel au succès d’une politique européenne durable dans le domaine de l’eau. Ces technologies sont susceptibles d’en réduire considérablement l’utilisation et de favoriser sa réutilisation et son recyclage, tout en améliorant sa qualité et en réduisant au minimum les rejets d’eaux usées. La sécurité d’un approvisionnement volatil en eau devrait être renforcée par des systèmes de rétention d’eau bien conçus (pluies et inondations). |
4.2. |
Plusieurs technologies économes en eau existent déjà. Parmi les principales technologies actuellement utilisées dans l’industrie, on relève notamment: recyclage et réutilisation de l’eau — traitement et réutilisation des eaux usées dans les opérations industrielles, réduisant la demande d’eau douce; évaluation et optimisation des processus industriels afin de diminuer la consommation d’eau et de réduire au minimum les déchets; application d’une étape d’osmose inverse plutôt qu’un échange d’ions comme procédé d’alimentation de chaudière, et ce pour réduire la charge en sel lors de l’élimination des eaux usées de régénération; filtration sur membrane — élimination des impuretés de l’eau permettant sa réutilisation à des fins industrielles; extraction et assainissement des eaux usées; installations à faible débit — réduction de la consommation d’eau dans les bâtiments grâce à l’installation de robinets, de pommes de douche et de toilettes économes en eau; irrigation goutte-à-goutte et agriculture de précision — réduction au minimum de l’utilisation d’eau dans l’agriculture et optimisation du rendement des cultures; traitement anaérobie des eaux usées (production biologique de gaz en l’absence d’oxygène pour la production d’énergie — utilisation de micro-organismes pour décomposer les polluants dans les effluents de manière à produire des eaux usées réutilisables); collecte et stockage de l’eau de pluie à des fins d’irrigation, de nettoyage ou autres utilisations non potables; systèmes en circuit fermé — réduction au minimum de la consommation d’eau et des déchets par recyclage de l’eau à usage industriel dans un processus industriel; substitution des matériaux — utilisation de matériaux de substitution qui nécessitent moins d’eau pour la production, et dont l’empreinte hydrique est moindre. |
4.3. |
De nombreuses industries utilisent déjà des technologies économes en eau. Pour ce qui concerne l’industrie laitière, l’Irlande offre un exemple éloquent: les exportations de produits laitiers y représentent 6,8 milliards d’euros, soit une production annuelle de 11 milliards de litres de lait transformé. Tirlán, la plus grosse coopérative laitière du pays, extrait de la rivière qui baigne la région quelque 11 000 m3 d’eau par jour; elle pratique des forages au profit de sa principale usine de transformation située à Ballyragget, dans le comté de Kilkenny. Toutefois, grâce aux procédés de production à l’œuvre et à ses technologies de traitement de l’eau, l’usine restitue quotidiennement quelque 14 500 m3 d’eau propre dans la rivière Nore, située en zone spéciale de conservation. Cela signifie que la laiterie régénère un surplus d’environ 30 % d’eau propre dans la rivière. Ces eaux retournées sont d’une qualité telle qu’elles ont peu à peu contribué à améliorer la qualité des eaux de la rivière et à maintenir son statut de zone spéciale de conservation (ZSC) et de zone de protection spéciale (ZPS). Des investissements importants ont été consentis dans la station d’épuration des eaux usées et les technologies appropriées. |
4.4. |
Bien que dominée par la production asiatique, l’industrie textile emploie plus de 1,6 million de travailleurs au sein de l’Union. Le secteur a un impact majeur sur les ressources en eau. Les textiles contiennent de nombreux polluants potentiels qui entrent dans le cycle de l’eau tout au long de la phase d’utilisation des textiles, et ils doivent donc être abordés au moyen d’un cadre réglementaire solide. Il s’agit notamment de microparties de fibres, d’agents d’étanchéité/produits chimiques et de teintures textiles. On peut par ailleurs s’attendre à ce que la rareté de l’eau dans les pays de production ait une incidence croissante sur les coûts et les limitations des capacités. Il s’impose de bien comprendre les chaînes de valeur et les flux de matières en Europe et dans le monde. Des enjeux et des obligations sont aussi devant nous en ce qui concerne la collecte et la transformation des textiles post-consommation. |
4.5. |
Sur la base de la stratégie de l’Union pour des textiles durables, le cadre réglementaire relatif aux aspects de l’économie circulaire liés à l’eau devrait être élaboré bien en amont de manière plus détaillée. La stratégie souligne la nécessité de bâtir une économie circulaire, mais elle ne répond pas explicitement au besoin de ressources en eau. Toutefois, il ne fait aucun doute que l’application des principes de l’économie circulaire dans l’industrie textile nécessitera de grandes quantités d’eau. Il est essentiel de recenser les besoins en matière de recherche et développement et de formation en relation avec le cycle de l’eau, et de se pencher dans le même temps sur leurs financements publics respectifs. Il convient aussi de fixer des objectifs et des limites pour la demande en eau douce, laquelle devrait se réduire au minimum grâce à l’optimisation des processus (recyclage). L’Union devrait s’interroger sur la pertinence d’établir une feuille de route dans la perspective de progresser pas à pas vers un objectif «zéro rejet», au moins pour ce qui concerne la gamme des polluants potentiels. |
4.6. |
L’industrie du papier offre un autre exemple: elle a démontré qu’elle possédait un fort potentiel d’action pour réduire au minimum, voire pour écarter tout à fait, les effets négatifs sur les sources d’eau. L’industrie du papier européenne a déjà atteint un niveau comparativement correct en ce qui concerne l’utilisation de l’eau (7), mais des améliorations sont encore possibles. Celles-ci peuvent être atteintes en relevant le niveau de mise en œuvre des processus de réutilisation de l’eau, en appliquant les technologies de traitement les plus récentes ou encore en fixant un objectif potentiel de rejet proche de zéro dans un calendrier ambitieux mais réaliste. L’appui des pouvoirs publics au développement et à l’innovation dans l’industrie du papier en Europe et les mesures visant à optimiser l’utilisation de l’eau peuvent déboucher sur un avantage économique. Par exemple, le savoir-faire en matière d’optimisation de l’utilisation de l’eau dans l’industrie du papier est déjà un facteur d’économies pour la production européenne de machines, et les solutions retenues ont été mises en œuvre dans d’autres secteurs. Dans d’autres régions du monde, les grandes usines de papier ont dû cesser leur activité en raison de leur impact extrêmement négatif sur l’eau et sur leur environnement immédiat. |
4.7. |
Les industries de l’eau (ouvrages hydrauliques et unités de traitement des effluents aqueux) devraient être neutres sur le plan climatique et énergétique (voire dégager un bilan positif) et constituer des infrastructures critiques sûres sur le plan de la cybersécurité. De bons exemples existent en Europe et dans le monde entier. Par ailleurs, des régions à très faibles ressources en eau ont de multiples possibilités d’amélioration (gestion, désalinisation, circularité de l’eau, efficacité). |
4.8. |
Par une évolution comparable à celle engagée pour faire face aux défis climatique et énergétique dans la plupart des États membres, qui implique des exigences en matière d’isolation et de modernisation pour les bâtiments, une politique de collecte et de réutilisation de l’eau devrait être adoptée dans tout nouveau projet immobilier. Pour ce qui concerne l’industrie, une politique relative à l’utilisation des eaux grises pour une utilisation non potable doit être élaborée. Par exemple, le Centre commun de recherche (JRC) a élaboré des lignes directrices techniques pour l’application de principes clés de gestion des risques aux fins de l’évaluation et de la gestion des risques sanitaires et environnementaux liés à un système de réutilisation de l’eau (8). Toutefois, des applications plus systématiques des technologies existantes et nouvelles sont nécessaires, et elles devraient être mises en œuvre en tenant compte du cycle complet de l’eau. |
4.9. |
L’Union doit s’imposer comme la figure de proue à l’échelle mondiale du développement, de la fabrication et de l’utilisation de technologies économes en eau et se forger une réputation mondiale en tant que zone de production à faible empreinte hydrique. Il sera essentiel d’investir dans la recherche et le développement, ainsi que dans la gestion et les compétences pertinentes pour l’industrie de l’eau. De nouvelles professions et des travailleurs spécialement formés dans le domaine de l’eau seront nécessaires pour soutenir le savoir-faire et la mise en œuvre de nouvelles technologies d’utilisation de l’eau, y compris l’utilisation de l’intelligence artificielle dans ce domaine. L’Union peut se positionner en première ligne de la production bleue et du marché du traitement des eaux industrielles, en étant tout particulièrement attentive à la création de nouveaux emplois qualifiés en Europe. Le savoir-faire relatif aux processus d’économie d’eau constituera une compétence de base et un indicateur de performance clé pour l’industrie à l’avenir. Les technologies économes en eau constituent un secteur industriel qui relève des technologies propres. Dans la mesure où les technologies propres constituent un écosystème en soi, le CESE suggère de créer un parcours de transition destiné à cet écosystème dans les deux années qui viennent, avec des objectifs ambitieux mais réalistes, y compris un plan en matière de compétences. |
4.10. |
La consultation et la participation des dirigeants et des représentants de l’industrie sont essentielles à l’élaboration d’une politique européenne durable dans le domaine de l’eau. L’adhésion des citoyens européens à cette politique est par ailleurs cruciale. Dans de nombreux secteurs, la législation nationale n’autorise pas la réutilisation de l’eau, et par conséquent empêche le processus d’économie circulaire. Pour y remédier, il faut que l’Union introduise des exigences minimales en matière de qualité et de surveillance de l’eau. À cette fin, une plateforme du pacte bleu pour les représentants européens de l’industrie et de l’agriculture et pour les citoyens pourrait être mise sur pied, et elle servirait de lieu d’échange pour les idées et questions relatives au partage et à l’utilisation de l’eau ou encore à des projets d’innovation. Cette plateforme pourrait intégrer des structures dépendant des pouvoirs publics aux échelons local, régional, national et européen. Cette plateforme européenne du pacte bleu aurait pour but d’aider l’Union et ses États membres à prendre le plus rapidement possible les décisions politiques qui s’imposent en matière de politique de l’eau. Il est aussi crucial d’intensifier le dialogue sur cette problématique avec les institutions locales et nationales pour encourager une sensibilisation, une information et une éducation structurées et axées sur l’action, faisant valoir l’importance stratégique de l’eau en tant que ressource rare. Cette consultation en continu pourrait aussi faciliter la levée des obstacles législatifs à l’adoption de technologies économes en eau tant dans les processus industriels et agricoles que par les ménages. |
4.11. |
Une politique globale de l’Union dans le domaine de l’eau doit être assortie d’un plan de financement européen tout aussi ambitieux pour permettre à l’industrie et aux pouvoirs publics locaux de réaliser des investissements essentiels dans des technologies économes en eau. Des incitations financières positives, telles que des crédits d’impôt, des taux d’amortissement plus élevés et d’autres mécanismes, devraient être introduites. Les outils et mécanismes de la «finance verte» (comme les critères ESG ou la taxinomie) doivent être complétés par une prise en compte plus étendue et approfondie de l’utilisation de l’eau. |
Bruxelles, le 13 juillet 2023.
Le président du Comité économique et social européen
Oliver RÖPKE
(1) https://www.eea.europa.eu/highlights/water-stress-is-a-major.
(2) https://www.eea.europa.eu/publications/92-9167-025-1/page003.html.
(3) COM(2023) 62 final.
(4) Réunion du Conseil européen (23 mars 2023) — Conclusions.
(5) https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=Archive:Water_use_in_industry&oldid=196132 [en anglais].
(6) Répertoire des publications du Centre commun de recherche — Circular Economy Perspectives in the EU Textile sector (Perspectives d’économie circulaire dans le secteur textile de l’Union), europa.eu.
(7) https://www.africapulpaper.com/en/articles/water-usage-in-paper-mills.
(8) https://publications.jrc.ec.europa.eu/repository/handle/JRC129596.
29.9.2023 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 349/80 |
Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Gestion durable de l’eau et urgence climatique: solutions circulaires et autres pistes pour le système agroalimentaire de l’Union européenne dans le cadre d’un futur “pacte bleu” »
(avis d’initiative)
(2023/C 349/13)
Rapporteur: |
Josep PUXEU ROCAMORA |
Corapporteur: |
John COMER |
Décision de l’assemblée plénière |
23.1.2023 |
Base juridique |
Article 52, paragraphe 2, du règlement intérieur |
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Avis d’initiative |
Compétence |
Section «Agriculture, développement rural et environnement» |
Adoption en section |
28.6.2023 |
Adoption en session plénière |
13.7.2023 |
Session plénière no |
580 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
181/0/0 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Le changement climatique est en train de modifier les régimes de précipitations dans l’Union européenne, ce qui a une incidence sur la quantité d’eau disponible pour l’agriculture. Il en résulte non seulement une diminution de la production végétale, mais aussi une concurrence accrue entre les différentes utilisations entraînant une consommation d’eau (par la population, l’industrie et l’agriculture). En outre, les activités humaines ont également une incidence sur la qualité de l’eau, en ce qu’elles provoquent une présence accrue de nutriments et de polluants. |
1.2. |
La politique agricole commune, la stratégie «De la ferme à la table» et la stratégie en faveur de la biodiversité ont toutes trois fixé des objectifs pour parvenir à une production alimentaire durable et protéger les écosystèmes. Pour atteindre ces objectifs, le secteur agroalimentaire a besoin que les zones rurales et les structures de production soient entretenues, que les producteurs au niveau local soient soutenus, que les terres et l’eau soient gérées de manière durable, et que l’on recoure à l’autonomie stratégique ouverte. L’eau est une ressource fondamentale pour la production alimentaire, aussi est-il essentiel de garantir l’accès à une eau de qualité suffisante ainsi que sa gestion durable afin d’assurer une production alimentaire adéquate et pérenne dans l’Union européenne. Ce sont l’ensemble des régimes de la PAC qui devraient encourager une gestion durable et efficace de l’eau, avec la mise en place d’indicateurs dans chaque État membre afin de suivre les progrès réalisés en la matière. |
1.3. |
La gestion durable de l’eau doit se concentrer sur la gestion de son approvisionnement, laquelle passe par la prise de mesures visant à garantir la disponibilité de l’eau pour tous les utilisateurs. La gestion de l’offre doit nécessairement consister, entre autres, à optimiser l’efficacité, à réduire les pertes, à hiérarchiser les utilisations, à éliminer les utilisations illégales, à adopter des mesures pour assurer la durabilité de l’ensemble du système et, enfin, à adopter un ensemble d’approches qui soient convergentes avec les stratégies visant à consolider une production alimentaire suffisante dans l’Union. |
1.4. |
Le CESE plaide en faveur de la mise en place de normes spécifiques concernant l’utilisation de l’eau dans différents secteurs économiques, tels que l’agriculture et l’industrie, moyennant la création d’une structure de gouvernance chargée d’élaborer des lignes directrices sectorielles sur l’utilisation de l’eau, à laquelle le CESE devrait participer. |
1.5. |
Les technologies ont un rôle décisif à jouer pour ce qui est de garantir l’approvisionnement en eau destinée à la production agricole. Il convient de prévoir des ressources budgétaires adéquates et suffisantes pour la recherche et l’adaptation des connaissances en génomique, ce afin de développer des cultures plus résistantes et adaptées aux conditions climatiques. Des ressources seront également nécessaires pour promouvoir de nouvelles techniques de transformation de l’eau, telles que la réutilisation et le dessalement. À cet égard, le CESE propose de promouvoir les mesures nécessaires pour développer de nouvelles technologies, tout en respectant les écosystèmes dans lesquels elles se trouvent et en accordant la priorité aux considérations environnementales. |
1.6. |
Les prix de l’énergie conditionnent l’introduction de nouvelles technologies, dont le fonctionnement actuel est étroitement lié à l’utilisation de combustibles fossiles. Le CESE plaide en faveur de la décarbonation de l’agriculture, de l’ajustement des prix agricoles dans le secteur primaire et du recours intensif aux sources d’énergie renouvelables en vue de renforcer le lien entre l’énergie, l’eau et l’alimentation. |
1.7. |
Le changement climatique entraîne la hausse des températures, l’accroissement de l’évapotranspiration et une augmentation considérable des phénomènes météorologiques extrêmes, ce qui provoque des sécheresses, des inondations, des tempêtes et des incendies. Ces problèmes sont extrêmement destructeurs pour la production végétale et animale. Il est nécessaire de mettre en place un plan stratégique qui recoure à l’expertise scientifique et technologique pour garantir la disponibilité d’eau salubre pour l’agriculture dans l’ensemble de l’Union. Des plans spécifiques devront être élaborés pour les zones et les régions qui subissent des sécheresses et des inondations persistantes. À cette fin, un budget spécifique autonome et des lignes de soutien seront nécessaires, de même qu’un règlement de l’Union orientant les ressources afin de rendre possible et de faciliter la mise en place de plans centraux, régionaux et locaux pour un approvisionnement adéquat en eau. Ces plans devront garantir la construction et l’entretien d’infrastructures hydriques adaptées à l’usage prévu dans toutes les régions de l’Union. |
2. L’agriculture européenne: mise en contexte
2.1. |
L’objectif du présent avis d’initiative est d’analyser les interactions entre eau et agriculture au niveau de l’Union européenne, en relation avec l’urgence climatique et les incidences futures qu’aura cette problématique sur la sécurité et la durabilité alimentaires. L’avis présente des éléments de réflexion sur l’incidence des phénomènes météorologiques extrêmes ainsi que sur les effets des différentes politiques et réglementations européennes. Il décrit l’urgence qu’il y a de gérer l’eau de manière durable ainsi que les problèmes spécifiques en rapport avec l’eau dans l’agriculture européenne et avance des propositions visant à renforcer l’autonomie alimentaire de l’Union et à assurer à cette fin des approvisionnements suffisants en eau, tant sur le plan quantitatif que qualitatif. |
2.2. |
L’agriculture constitue un secteur stratégique dans l’Union européenne, surtout et avant tout du fait de son importance socioéconomique. On estime que 30 % de la superficie agricole productive de l’Union sont irrigués, bien que ce pourcentage soit plus élevé dans les pays méridionaux, en raison de leurs conditions climatiques particulières, atteignant 70 % dans certaines régions (1). |
3. Pénurie d’eau et principaux défis pour le système agroalimentaire de l’Union
3.1. |
La production agricole est tributaire de la disponibilité de l’eau. Parallèlement, l’agriculture a une incidence tant sur la quantité d’eau que sur sa qualité, soit parce qu’elle génère une pollution diffuse par l’utilisation d’engrais et de pesticides, soit parce qu’elle provoque une intrusion saline dans les nappes aquifères littorales surexploitées. On estime que chaque année, 20 % des terres et 30 % de la population de l’Europe sont touchées par la pénurie d’eau (2), étant entendu que le stress hydrique est appelé à augmenter considérablement à l’échelle de l’Union au cours des dix prochaines années (3). |
3.2. |
Selon les données de l’Agence européenne pour l’environnement, les ressources en eau renouvelables dans l’Union européenne ont diminué, passant de 3 219 km3 en 2010 à 2 883 km3 en 2020 (4). Avec la hausse des températures et l’accroissement de l’évapotranspiration qui sont attendus, la situation va se dégrader, ce qui exacerbera la demande en eau pour l’agriculture et la concurrence entre ses différents usages. |
3.3. |
Les ressources en eau renouvelables par habitant ont diminué de 17 % dans l’ensemble de l’Union au cours des 55 dernières années (5). Si cela s’explique en partie par la croissance démographique, il est également indéniable que la pression exercée par l’activité économique, y compris l’activité agricole, et le changement climatique aggravent actuellement la pénurie d’eau saisonnière et annuelle dans de nombreuses régions de l’Union. |
3.4. |
Au cours de la période 2010-2016, les eaux de surface représentaient 54 % de l’eau utilisée pour l’agriculture dans l’Union, et les eaux souterraines 39 %. L’eau recyclée représentait 4 % et celle issue du dessalage 3 % (6). Ces pourcentages peuvent varier considérablement d’un État membre à l’autre, en fonction des conditions climatiques qui y prévalent. Le fait de miser sur la réutilisation des eaux usées traitées constitue un élément de l’économie circulaire, surtout lorsque l’on sait que seuls 1 100 hm3 d’eaux usées sont réutilisés par an dans l’Union (soit environ 0,4 % du total des volumes d’eau douce captés dans l’Union en une année) (7). |
3.5. |
L’agriculture est à la fois une cause majeure et une victime de la pénurie d’eau. Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’agriculture compte pour près de 70 % de l’ensemble des prélèvements d’eau, chiffre qui peut monter jusqu’à 95 % dans certains pays en développement (8). Or, dans de nombreux pays, l’efficacité de l’irrigation est faible. |
3.6. |
Bien que l’empreinte hydrique de la production agricole dans l’Union tende actuellement à décroître, elle reste importante dans les zones à forte intensification agricole et où la pression sur les ressources en eau est plus forte. Cette situation est également susceptible de freiner l’émergence d’activités de diversification telles que l’aquaculture en eaux intérieures et l’algoculture, qui pourraient fournir des sources de revenus supplémentaires dans certaines zones rurales de l’Union, mais sont subordonnées à la disponibilité d’une quantité minimale d’eau. |
3.7. |
La pénurie d’eau est en train de modifier la conception que l’on a de l’eau en tant que ressource, ainsi que les modèles de gestion existants. L’eau doit être comprise comme étant une ressource de base pour la vie, et devrait dès lors être gérée comme un bien économique rare et de forte valeur. Dans la situation actuelle, les modèles de gestion fondés sur la demande sont difficiles à appliquer et doivent évoluer vers un modèle de gestion de l’offre, basé sur des critères de sécurité et de durabilité. |
3.8. |
Les problèmes de gestion de la ressource sont non seulement dus à un manque d’outils de planification ou de gestion ou à des conflits d’intérêts entre les différents acteurs, mais aussi souvent causés par le mauvais état des infrastructures d’irrigation et des systèmes de drainage, qui entraîne une perte d’eau et son utilisation inefficace. |
3.9. |
L’agriculture dans les pays du sud de l’Union européenne est confrontée à un certain nombre de défis liés directement à la pénurie d’eau, en particulier les sécheresses prolongées, plus intenses dans les régions méditerranéennes; la disponibilité et la répartition inégales de l’eau; ainsi que la concurrence pour l’eau, notamment s’agissant de ses utilisations urbaines et celles qui dérivent de l’intensité touristique. Dans les pays du nord de l’Union, le problème essentiel est celui de la pollution de l’eau due à l’agriculture intensive et à l’utilisation de nutriments et de pesticides. Par ailleurs, l’existence de voies navigables et d’itinéraires de transport qui nécessitent des flux minimums pour maintenir leur niveau d’efficacité tend à accroître la concurrence entre les différentes utilisations possibles de cette ressource de plus en plus rare. |
3.10. |
L’autonomie stratégique ouverte dans le secteur agroalimentaire, telle que préalablement définie par le CESE (9), constitue une préoccupation majeure. Pour quantifier l’autonomie alimentaire de l’Union, divers indicateurs peuvent être utilisés. Toutefois, si le taux d’autonomie alimentaire de l’Union est élevé, il faut avoir à l’esprit qu’il est déterminé de manière excessivement généralisante, étant donné que le taux varie considérablement selon les différents types de denrées alimentaires et les régions, et qu’il existe des déficits importants dans la production de céréales, de soja et d’huiles végétales. |
3.11. |
Dans son rapport de prospective stratégique 2021, la Commission européenne considère que garantir l’existence de systèmes alimentaires durables et résilients est l’un des domaines stratégiques clés pour renforcer le rôle moteur de l’Union, soulignant la nécessité d’investir dans l’innovation afin de préserver des systèmes alimentaires résilients et durables. |
3.12. |
Il convient de garantir l’utilisation la plus efficace possible de l’eau verte, qui est définie comme la partie des précipitations qui percole et s’infiltre dans le sol. Le rôle clé que jouent les sols dans la filtration et l’absorption de l’eau doit être renforcé par la promotion des politiques de régénération des sols. |
3.13. |
Mettre l’accent sur l’économie circulaire dans les utilisations de l’eau (recyclage des eaux-vannes ou des eaux usées urbaines à des fins d’irrigation), ainsi que sur les systèmes plus technologiques (dessalage), est la pratique de référence dans certains pays producteurs du sud de l’Europe. Toutefois, ces deux solutions sont très consommatrices d’énergie électrique et potentiellement nocives pour le sol et les cultures. Il convient de traiter correctement les eaux recyclées et de garantir en priorité que l’agriculture dispose d’eau salubre. Par ailleurs, l’énergie nécessaire provient de différents systèmes, qui ne sont pas toujours renouvelables. Le CESE invite à décarboner la gestion circulaire de l’eau et à généraliser le recours à des sources d’énergie de substitution en vue de renforcer le lien entre l’énergie, l’eau et l’alimentation. |
3.14. |
Cette dépendance à l’égard de l’électricité s’est vu pénaliser en 2022 par l’augmentation des prix de l’énergie, ce qui a eu une influence déterminante sur le coût de la production, en particulier dans les régions côtières méditerranéennes où le déficit hydrique structurel impose l’utilisation de ces solutions technologiques. |
3.15. |
La gestion des eaux transfrontalières de surface a une incidence sur la ressource en aval, non seulement en quantité mais aussi en qualité. Sans préjudice des dispositions de la directive-cadre sur l’eau (DCE) (10) et de l’obligation existante de mettre en place une planification intégrée au niveau des bassins hydrographiques, il est clair qu’il reste une marge de progression concernant l’amélioration des mécanismes de gestion de ce type d’eaux, soit en recourant à de nouveaux organismes spécialisés, soit en développant plus avant la réglementation. |
3.16. |
Les émissions incontrôlées de polluants dans les masses d’eau du fait de certaines activités industrielles ont des effets négatifs sur la santé et la sécurité alimentaire, ainsi qu’un coût pour la société dans son ensemble. Le CESE reste attaché au développement d’industries neutres pour le climat qui, grâce au contrôle de leurs émissions, supportent les coûts environnementaux de leur production. |
4. Politiques existantes au niveau de l’Union et au niveau national
4.1. |
Le cadre réglementaire essentiel de l’Union pour les aspects quantitatifs et qualitatifs de l’eau et de l’agriculture comprend la directive-cadre sur l’eau (DCE) et la politique agricole commune (PAC) (11). Parmi les objectifs spécifiques proposés par la nouvelle PAC figurent la promotion du développement durable et la gestion efficace des ressources naturelles telles que les sols, l’air et, bien entendu, l’eau. En outre, l’eau est au cœur de l’objectif de développement durable no 6 des Nations unies, dont les objectifs cibles concernent l’utilisation rationnelle de l’eau et sa gestion intégrée. |
4.2. |
La DCE établit que l’eau est une ressource naturelle qui doit être protégée, préservée et gérée de manière durable. À cette fin, il est établi un cadre de gestion, soit directement, soit dans le cadre d’un régime de concession, en fonction des territoires; son but est de garantir une gestion intégrée et durable de l’eau à l’échelle de l’Union. |
4.3. |
Le cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027 alloue un montant total de 386,6 milliards d’EUR à la PAC, réparti entre les différents États membres et utilisé pour mettre en œuvre les différentes politiques relevant du premier et du deuxième piliers. Le CESE plaide en faveur de la création d’un budget et de fonds spécifiques pour l’eau, comme il l’a exposé dans son avis intitulé «Aspects économiques d’un “pacte bleu pour l’Europe”» (12). |
4.4. |
La plupart des paiements directs de la PAC, ainsi que certains paiements au titre du deuxième pilier, sont soumis à des règles de conditionnalité qui comprennent des exigences réglementaires en matière de gestion et des normes relatives aux bonnes conditions agricoles et environnementales, imposant des pratiques agricoles durables, dont certaines touchent aux processus de gestion intégrée de l’eau à des fins d’irrigation. Toutefois, il a été constaté que la plupart des paiements ont un effet neutre sur l’irrigation (13). Ce sont l’ensemble des régimes de la PAC qui devraient encourager une gestion durable et efficace de l’eau, avec la mise en place d’indicateurs dans chaque État membre afin de suivre les progrès réalisés en la matière. |
4.5. |
Certains États membres utilisent des fonds de l’Union pour soutenir des cultures nécessitant de grandes quantités d’eau dans les zones en situation de stress hydrique, sans introduire de garde-fous, en ayant recours au soutien couplé facultatif pour maintenir ou augmenter la production de certaines cultures dans des secteurs à forte intensité d’eau, lesquels sont concentrés dans les États membres du sud. Le CESE estime que, si l’on souhaite garantir non seulement la durabilité de l’utilisation des ressources en eau, mais aussi son efficacité, il est nécessaire de respecter la gestion durable de l’eau et l’analyse de ses avantages au regard des coûts. |
4.6. |
Tous les États membres devraient tenir un registre des captages des eaux de surface et des eaux souterraines ainsi que du stockage des eaux de surface, et les usagers de l’eau devraient êtes tenus de demander une autorisation préalable pour pouvoir capter ou stocker de l’eau. Tous les États membres devraient renforcer et durcir les systèmes de contrôle déjà en place afin de détecter et de sanctionner l’utilisation illégale de l’eau. |
4.7. |
La Cour des comptes européenne estime que la récupération des coûts des services liés à l’utilisation de l’eau dans l’agriculture est incomplète, principalement parce que les coûts liés à l’environnement et aux ressources ne sont pas correctement répercutés dans les prix de l’eau. Du point de vue de la Commission, cette situation entraîne un coût caché pour la société et limite les recettes potentielles pour financer des mesures visant à la mise en œuvre efficace de la DCE. |
4.8. |
Le principe d’unité du marché européen n’est pas respecté dans le cas de l’eau. Pour des services similaires, les utilisateurs paient des prix très différents, lesquels varient en fonction des États membres, voire du lieu où est réalisée la prestation au sein d’un État membre donné. À cet égard, il serait avantageux de promouvoir une méthodologie de l’Union visant à rationaliser et standardiser les systèmes de tarification de l’eau (14). |
4.9. |
En particulier, le CESE plaide en faveur de la mise en place de normes spécifiques concernant l’utilisation de l’eau dans différents secteurs économiques, tels que l’agriculture et l’industrie, moyennant la création d’une structure de gouvernance chargée d’élaborer des lignes directrices sectorielles sur l’utilisation de l’eau, à laquelle le CESE devrait participer (15). |
4.10. |
L’augmentation moyenne des prix des denrées alimentaires et des intrants est imputable à diverses circonstances (16). Toutefois, la situation inflationniste actuelle signifie que les contributions de la PAC se trouvent réduites en termes réels, de manière très significative. Des mesures budgétaires appropriées devraient être prises pour remédier à la situation et rétablir l’envergure économique des objectifs de l’Union. |
5. Propositions, solutions et réponses à long terme
5.1. |
La rareté de l’eau et l’urgence climatique sont deux des plus grands défis auxquels le système agroalimentaire de l’Union est actuellement confronté. Afin de les relever et de garantir la durabilité à long terme de la production alimentaire en Europe, il est nécessaire de recourir à des solutions circulaires et à d’autres solutions novatrices. Sur la base de l’expérience et des principes du «pacte vert» de l’Union, il a été proposé de développer le concept de «pacte bleu» en tant que cadre permettant de relever ces défis. |
5.2. |
Garantir l’autonomie stratégique ouverte dans le secteur agroalimentaire au niveau de l’Union européenne devrait être un objectif prioritaire. Il est donc nécessaire de favoriser le maintien de la production agricole de l’Union, d’élaborer des politiques qui encouragent les types de cultures pour lesquelles des déficits ont été constatés et d’équilibrer les productions excédentaires. |
5.3. |
Cette garantie concernant la production agricole passera nécessairement par l’assurance de disposer d’eau en quantité et en qualité suffisantes, sans pour autant renoncer à des politiques de promotion de la réduction de l’empreinte hydrique. Les politiques visant à encourager les économies d’eau dans la production permettront de disposer de davantage de ressources, sans affecter la durabilité du cycle hydrologique. |
5.4. |
Pour réduire l’empreinte hydrique de l’agriculture dans l’Union, il est nécessaire de combiner des technologies, des pratiques agricoles durables, une gestion durable et efficace de l’eau et des politiques publiques efficientes qui promeuvent la durabilité dans le secteur agroalimentaire. |
5.5. |
Dans ce contexte, il est jugé nécessaire de continuer à promouvoir des politiques favorisant l’efficacité de l’irrigation et de l’utilisation de l’eau en général, tant dans le domaine de la PAC qu’en rapport avec d’autres fonds de l’Union. Il convient de progresser dans la mise en œuvre de pratiques agricoles durables, dans le recours à des technologies permettant une utilisation plus efficace de l’eau, et dans le développement de cultures plus résistantes à la sécheresse et aux inondations. Sans les ressources budgétaires nécessaires, il ne sera pas possible de construire des systèmes agroalimentaires résilients et durables en Europe. |
5.6. |
La gestion durable des ressources en eau dans les zones rurales, grâce à la mise en œuvre de mesures telles que la restauration des zones humides, la création de zones tampons et l’amélioration de la qualité de l’eau des rivières et des lacs, peut contribuer à réduire l’empreinte hydrique de l’agriculture dans l’Union. Ces questions devront être abordées dans les plans de gestion des différents bassins hydrographiques, et le CESE presse la Commission et les États membres de veiller au respect de ces obligations. |
5.7. |
Il convient de prévoir des crédits suffisants pour l’innovation et la recherche, axées sur le développement de technologies et de pratiques agricoles plus efficaces et plus durables dans l’utilisation de l’eau. Il est également important de prévoir l’élaboration de politiques et de pratiques qui favorisent l’agriculture de précision, la gestion durable des sols et la capacité des sols à retenir l’eau, ainsi que l’adaptation des connaissances génomiques des plantes et des semences. |
5.8. |
Réduire le gaspillage alimentaire peut diminuer la quantité d’eau nécessaire à la production alimentaire. Il est possible d’y parvenir grâce à des campagnes visant à promouvoir l’éducation des consommateurs, à l’amélioration de la gestion de la chaîne d’approvisionnement et à la promotion de technologies innovantes pour la conservation des denrées alimentaires. |
5.9. |
Les États membres devraient mettre en œuvre des politiques transparentes en matière de tarification de l’eau, qui encouragent l’efficacité et les économies et garantissent que toutes les catégories d’usagers de l’eau contribuent de manière adéquate à la récupération des coûts, conformément aux principes de la DCE. |
5.10. |
Il est entendu qu’une tarification proportionnelle au volume pratiquée à un niveau approprié peut encourager le passage à des technologies et à des pratiques d’irrigation favorisant une utilisation rationnelle de l’eau ou à des cultures nécessitant moins d’eau. Par conséquent, les États membres qui continuent de pratiquer la facturation de l’eau d’irrigation sur la base de la superficie irriguée devraient progressivement l’abandonner. |
5.11. |
La Cour des comptes européenne a constaté que la récupération des coûts des services liés à l’utilisation de l’eau à des fins agricoles était incomplète. Cela était notamment dû au fait que les coûts pour l’environnement et les ressources ne sont pas (encore) pris en considération dans la tarification de l’eau. Il en résulte qu’un grand nombre de dérogations spécifiques sont appliquées concernant la tarification de l’eau d’irrigation, de sorte que l’eau destinée à l’agriculture est moins chère que pour d’autres utilisations. Sans nécessairement renoncer à cette approche, il est entendu qu’il conviendrait de réévaluer ces politiques générales et de réorienter les dérogations vers des dispositifs qui encouragent les économies d’eau et les valorisent par des bonus. |
5.12. |
La DCE a maintenant 23 ans; elle a été élaborée dans un contexte économique, social et climatologique très différent du contexte actuel. Il convient d’envisager un réexamen d’une partie de son contenu, afin qu’elle puisse devenir un instrument efficace pour soutenir la sécurité alimentaire. |
5.13. |
Considérant qu’en vertu du principe de subsidiarité, les États membres sont libres de mettre en œuvre et de faire respecter l’obligation d’autorisation pour le captage d’eau selon des critères individuels (au niveau de l’État ou de la région), il a été constaté que cette hétérogénéité conduit à ne pas contrôler l’accès à certaines masses d’eau souterraine. Pour cette raison, tant la Commission que les États membres devraient s’entendre sur un critère uniforme plus sélectif et appliquer des exigences réglementaires et de conditionnalité strictes en ce qui concerne le captage des eaux de surface et des eaux souterraines. |
5.14. |
Il est nécessaire de renforcer et d’encourager la modernisation des systèmes d’irrigation et, en particulier, de réduire les pertes dues aux fuites dans les réseaux et l’évaporation dans les canaux et les bassins ouverts. La PAC et les autres fonds de l’Union devraient contribuer au développement de nouvelles structures d’irrigation, en évitant de soutenir les situations qui contreviennent aux objectifs de la DCE. |
5.15. |
Conformément à ce qui a été énoncé au paragraphe 3.4, le règlement relatif aux exigences minimales applicables à la réutilisation de l’eau a été adopté en mai 2020 (17). Ce nouveau règlement sur la réutilisation des eaux usées à des fins d’irrigation agricole fixe des exigences minimales en matière de qualité de l’eau, de surveillance, de gestion des risques et de transparence, et s’appliquera à compter de cette année 2023. Selon l’analyse d’impact réalisée, il permettra de réutiliser plus de 50 % du volume total d’eau théoriquement disponible pour l’irrigation provenant des stations d’épuration des eaux usées de l’Union, et d’éviter plus de 5 % des captages directs des masses d’eau de surface et des eaux souterraines, ce qui se traduira par une réduction globale de plus de 5 % du stress hydrique. Il convient donc d’encourager le financement de ce type d’installations de réemploi, de même que les mesures de précaution visant à éviter la pollution des sols et à garantir la sécurité de l’eau pour l’agriculture. |
5.16. |
Promouvoir l’agriculture urbaine et périurbaine peut réduire la nécessité de transporter des denrées alimentaires depuis les zones rurales, diminuant ainsi l’empreinte carbone (processus de décarbonation de l’agriculture) et l’utilisation d’eau dans l’agriculture. De plus, les systèmes d’irrigation urbains peuvent utiliser l’eau de pluie et celle provenant de systèmes de recyclage pour l’irrigation. |
5.17. |
L’utilisation des énergies renouvelables, telles que l’énergie solaire et éolienne, peut constituer une source d’énergie durable pour les systèmes de réutilisation de l’eau, le dessalage, l’irrigation et d’autres équipements agricoles, réduisant ainsi l’empreinte carbone (processus de décarbonation de l’agriculture) et la consommation d’eau. |
5.18. |
Ces solutions circulaires et d’autres solutions peuvent contribuer à un futur «pacte bleu» pour l’Union, qui s’attaque au problème de la rareté de l’eau et de l’urgence climatique dans le système agroalimentaire de l’Union. Il est important de continuer à explorer de nouvelles technologies et pratiques innovantes afin d’améliorer l’efficacité de l’utilisation de l’eau et de garantir la durabilité et la résilience à long terme de la production alimentaire en Europe. |
5.19. |
Il est jugé essentiel de garantir les infrastructures permettant le stockage, la distribution et la purification de l’eau, ainsi que de prévenir les conséquences de phénomènes météorologiques extrêmes. Le modèle de gestion des infrastructures susmentionnées devrait reposer sur les principes d’intégrité et de durabilité, en garantissant leur viabilité environnementale. Compte tenu des éventuelles difficultés budgétaires des administrations publiques, d’autres formules de financement et de collaboration pourraient être étudiées. |
5.20. |
La DCE oblige les États membres à élaborer des plans de gestion de district hydrographique et à les renouveler. Le CESE estime que la mise en œuvre de ces plans a été inégale, de même que leur portée et le degré de conformité avec les exigences qu’ils prévoyaient. Il considère dès lors que les États membres devraient renforcer les plans stratégiques visant à garantir la sécurité de l’approvisionnement en eau et mettre en place un cadre pour l’agriculture qui soit capable de garantir la résilience des systèmes alimentaires de l’Union. Ces plans stratégiques devraient être dotés de ressources budgétaires européennes suffisantes, conformément aux principes énoncés au paragraphe 4.3. Il convient également d’établir des calendriers spécifiques et de fixer des objectifs et des priorités sur la base du consensus, conformément aux considérations et aux propositions formulées dans le présent avis. |
Bruxelles, le 13 juillet 2023.
Le président du Comité économique et social européen
Oliver RÖPKE
(1) Eurostat, Comptes économiques de l’agriculture par région NUTS 2, et Statistiques (2020) de l’agriculture, de la sylviculture et de la pêche.
(2) Agence européenne pour l’environnement, Water stress is a major and growing concern in Europe (En Europe, le stress hydrique est une préoccupation majeure qui prend de l’ampleur).
(3) Cour des comptes européenne, Rapport spécial no 20/2021 — La PAC et l’utilisation durable de l’eau dans l’agriculture.
(4) Agence européenne pour l’environnement, Waterbase — Water Quantity.
(5) Banque mondiale, Ressources renouvelables d’eau douce intérieures par habitant (mètres cubes) — Union européenne.
(6) Eurostat, Prélèvement annuel d’eau douce par source et secteur, et Agence européenne pour l’environnement, European waters — Assessment of status and pressures 2018.
(7) BIO by Deloitte, Optimising water reuse in the EU (Optimisation de la réutilisation de l’eau dans l’UE), partie I.
(8) FAO, Water Scarcity — One of the greatest challenges of our time (La pénurie d’eau — L’un des plus grands défis de notre époque).
(9) Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Autonomie stratégique, sécurité alimentaire et durabilité» (avis d’initiative) (JO C 105 du 4.3.2022, p. 56).
(10) Directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau (JO L 327 du 22.12.2000, p. 1).
(11) La politique agricole commune 2023-2027.
(12) Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Aspects économiques d’un “pacte bleu pour l’Europe” — Les besoins d’investissement liés à l’eau dans l’UE» (avis d’initiative) (voir page 50 du présent Journal officiel).
(13) Cour des comptes européenne, Rapport spécial no 20/2021 — La PAC et l’utilisation durable de l’eau dans l’agriculture.
(14) Avis du Comité économique et social européen sur le thème «L’accès à l’eau: la lutte contre la précarité hydrique et ses conséquences pour la politique sociale» (avis d’initiative) (voir page 60 du présent Journal officiel) et avis du Comité économique et social européen sur le thème «Aspects économiques d’un “pacte bleu pour l’Europe” — Les besoins d’investissement liés à l’eau dans l’UE» (avis d’initiative) (voir page 50 du présent Journal officiel).
(15) Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Industries à forte consommation hydrique et technologies économes en eau» (avis d’initiative) (voir page 74 du présent Journal officiel) et avis du Comité économique et social européen sur le thème «Aspects économiques d’un “pacte bleu pour l’Europe” — Les besoins d’investissement liés à l’eau dans l’UE» (avis d’initiative) (voir page 50 du présent Journal officiel).
(16) Avis du Comité économique et social européen sur le thème «La crise des prix des denrées alimentaires: rôle de la spéculation et propositions concrètes d’action à la suite de la guerre en Ukraine» (avis d’initiative) (JO C 100 du 16.3.2023, p. 51).
(17) Règlement (UE) 2020/741 du Parlement européen et du Conseil du 25 mai 2020 relatif aux exigences minimales applicables à la réutilisation de l’eau (JO L 177 du 5.6.2020, p. 32).
29.9.2023 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 349/87 |
Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Infrastructures et réseaux de distribution d’eau durables et résilients»
(avis d’initiative)
(2023/C 349/14)
Rapporteur: |
Thomas KATTNIG |
Décision de l’assemblée plénière |
25.1.2023 |
Base juridique |
Article 52, paragraphe 2, du règlement intérieur |
|
Avis d’initiative |
Compétence |
Section «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information» |
Adoption en section |
26.6.2023 |
Date de l’adoption en session plénière |
13.7.2023 |
Session plénière no |
580 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
199/10/17 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Le CESE a la conviction que, face à la crise climatique et à la raréfaction des ressources hydriques qui en résulte, il s’impose de mettre en œuvre toutes les mesures requises pour réduire les pertes d’eau, assurer un partage équitable de ce bien et en faciliter la gestion durable. En tout état de cause, et particulièrement dans les cas où elle vient à manquer, il convient que dans sa distribution et son utilisation, l’approvisionnement de la population en eau potable à un coût abordable soit garanti en premier lieu et prime sur les usages industriels, touristiques et agricoles de la ressource. Le Comité demande à la Commission et aux États membres d’appliquer une approche fondée sur les droits dans toutes les politiques en rapport avec l’eau et dans la lutte contre la précarité hydrique, et de se placer ainsi dans la logique du socle européen des droits sociaux. Il propose de promouvoir une approche commune afin d’appréhender la précarité hydrique à l’échelon de l’Union et d’en formuler une définition exhaustive, chaque État membre ayant la possibilité d’établir sa propre définition compte tenu de ses réalités, tout en se conformant à la définition européenne. |
1.2. |
Le CESE estime que l’approvisionnement en eau constitue un bien public, sa préoccupation première étant que cette fourniture s’effectue dans de bonnes conditions, présente une haute qualité et soit dispensée à des tarifs accessibles. Les défis que pose la crise climatique, tout comme les investissements qu’il est nécessaire de consentir dans les infrastructures hydriques, impliquent des coûts considérables. Le Comité relève la différence qui prévaut entre la gestion publique et privée de l’eau, et note qu’il est possible, pour l’une comme pour l’autre, d’en trouver de bons et de mauvais exemples. La gestion privée, étant orientée vers le profit, pourrait peiner à satisfaire l’exigence fondamentale de l’universalité du service, qui consiste à desservir la totalité de la population. Le Comité estime qu’une gestion publique de l’eau, bien qu’elle soit limitée par des plafonds financiers stricts et se heurte à des obstacles bureaucratiques, est mieux placée pour garantir un accès universel à l’eau et aux réseaux d’assainissement à un prix équitable et selon des normes adéquates de qualité, ainsi que pour restaurer et protéger les écosystèmes, et assurer les investissements nécessaires dans les infrastructures. Il recommande à nouveau (1) d’appliquer la «règle d’or» aux investissements dans les infrastructures publiques, afin de préserver la productivité et le socle social et écologique nécessaires au bien-être des générations futures. |
1.3. |
Essentielle à la vie, l’eau représente un bien commun et un droit humain, comme l’a acté la première initiative citoyenne européenne couronnée de succès sur le droit à l’eau, «Right2Water», laquelle a donné lieu à la directive révisée sur l’eau potable, que l’Union européenne a adoptée en 2020 et qui comprend un article consacré spécifiquement à l’accès à l’eau. Dans ce contexte, le CESE recommande à l’Union d’adopter des cadres réglementaires relatifs aux contrats de concession de l’eau et de renforcer ceux qui existent, afin de garantir un accès à l’eau et aux réseaux d’assainissement à un prix équitable et selon des normes adéquates de qualité, ainsi que pour restaurer et protéger les écosystèmes, et assurer les investissements nécessaires dans les infrastructures. Il conviendra de préserver à l’avenir les dérogations que la directive 2014/23/UE (2) a prévues pour l’eau et les eaux usées, à la suite de l’initiative citoyenne européenne (ICE) «L’eau, un droit humain», telle qu’elle a pu être menée à bonne fin. Sur la toile de fond de la crise climatique, le Comité s’oppose tout spécialement à une quelconque obligation de libéralisation concernant le secteur de la fourniture d’eau et de l’assainissement des eaux usées. |
1.4. |
Dans un contexte de détérioration de la situation en matière de répartition des ressources hydriques, le CESE fait observer qu’il y a lieu d’orienter l’économie, dont, plus particulièrement, l’agriculture et les industries qui les utilisent en grandes quantités, vers des voies où elles en consommeront moins et réaliseront des avancées en ce qui concerne leur réutilisation. Pour parvenir à cet objectif, il sera également nécessaire de formuler, au niveau national et à celui de l’Union européenne, des prescriptions et recommandations visant à mieux réglementer la consommation de ce bien et à autoriser l’octroi de soutiens financiers plus opérants en faveur des infrastructures hydriques. Le Comité appelle les institutions de l’Union à donner désormais rang de priorité à la question de l’eau et à développer un «pacte bleu de l’Union européenne». |
1.5. |
Le CESE prend position pour un renforcement du principe du pollueur-payeur, qui combatte les polluants à la source même, plutôt que d’opter pour ne les éliminer qu’en fin de parcours, par des interventions sur les eaux usées. Leur pénétration dans les ressources hydriques, tant superficielles que souterraines, doit être réduite de manière durable, afin que la fourniture d’eau potable et l’évacuation et le traitement des eaux usées restent d’un coût supportable. En ce qui concerne cet assainissement, un progrès important, qui a le soutien du Comité, consistera à procéder à des améliorations ciblées qui se conjugueront avec un système de responsabilité des producteurs, ainsi que la Commission le propose dans la version révisée de la directive sur les eaux résiduaires, tout en insistant sur la nécessité que les organismes chargés de contrôler cette responsabilité des producteurs soient eux-mêmes soumis à un contrôle des pouvoirs publics et que tous les investissements qui sont effectués dans les stations d’épuration des eaux le soient de manière indépendante et sans interférence des organisations de producteurs. |
1.6. |
Le CESE fait observer que les communes sont confrontées à de vastes défis s’agissant de développer et d’entretenir leurs réserves d’eaux. Pour les relever, il convient qu’elles s’engagent plus avant dans la voie de la coopération intercommunale et que cette démarche soit nettement facilitée. Le Comité demande par conséquent à la Commission d’élargir les marges de manœuvre que le droit ménage en la matière, en particulier pour ce qui est de la réglementation des marchés publics. |
1.7. |
Les investissements en matière de fourniture d’eau et de gestion des eaux usées qui sont nécessaires aux fins de réaliser dans l’Union européenne une «transition bleue» placée sous le signe de la durabilité, de la compétitivité et de l’équité doivent être déployés d’une manière ciblée, visant à atteindre le meilleur rapport coûts-avantages possible d’un point de vue écologique et économique, en accordant une attention prioritaire aux groupes de population les plus vulnérables. Par ailleurs, la recherche et l’innovation, ainsi que les campagnes d’information à destination de l’industrie, de l’agriculture et des ménages, jouent un rôle capital pour promouvoir une activité économique et des comportements qui soient soucieux d’économiser l’eau. |
1.8. |
Le CESE tient à attirer l’attention sur la perte de diversité qui résulte de la crise climatique et est encore aggravée par des pratiques telles que la réinjection d’eaux trop chaudes dans les fleuves. Pour configurer les infrastructures hydriques de demain, il conviendra de prendre en considération ces développements malencontreux, afin de garantir que l’on s’emploie à lutter du mieux possible contre de pareilles pratiques problématiques plutôt que de continuer à les encourager. Par ailleurs, il s’impose de prendre des mesures de grande ampleur pour atteindre l’objectif d’une augmentation des températures qui soit limitée à 1,5 oC d’ici à 2050. |
1.9. |
Le CESE propose à la Commission européenne de lancer, à l’échelle de toute l’Union européenne, un processus de consultation publique qui, en évaluant les besoins hydriques de l’Europe, servira de base aux futures interventions du «pacte bleu pour l’Union européenne». |
2. Contexte
2.1. |
L’eau constitue un bien d’une nécessité vitale et est indispensable pour l’homme, la nature et le bon fonctionnement de l’économie et de la société. C’est l’agriculture qui en utilise la majeure partie, en l’occurrence 70 %, suivie de l’industrie et des ménages, à concurrence, respectivement, de 22 % et 8 %. Par ailleurs, les dépenses qui sont effectuées pour assurer sa fourniture et assainir les eaux usées s’élèvent en moyenne à 100 milliards d’euros par an pour l’ensemble de l’Union européenne, un montant qui devrait augmenter pour atteindre quelque 250 milliards d’euros afin de respecter les règles qu’elle a édictées concernant cet assainissement et l’approvisionnement en eau potable (3). |
2.2. |
Si demain, nous voulons disposer d’eau en quantité suffisante, il sera nécessaire d’améliorer les infrastructures hydriques et de créer des capacités de stockage supplémentaires. Pour ce faire, il y a lieu de déployer un large éventail de mesures, qui vont de la collecte des eaux de pluie dans des citernes à la réduction de l’imperméabilisation des sols, afin d’augmenter leur capacité d’absorption, en passant par la construction de bassins de rétention et l’installation de conduites de type circulaire. En cas d’inondations, provoquées par des afflux d’eau de différents types, il y a lieu de s’efforcer d’acheminer et de stocker les excédents dans des réservoirs sous contrôle. Des capacités tampons devraient être aménagées à intervalles réguliers le long des voies d’écoulement des eaux, de manière qu’il soit possible de relâcher progressivement leurs volumes excédentaires et d’en écrêter les pics. Les préparatifs nécessaires pour faire face à de telles situations doivent s’effectuer de manière anticipée, grâce à des investissements dans les infrastructures. |
2.3. |
En 2010, l’Assemblée générale des Nations unies a reconnu explicitement que le droit à l’eau et à l’assainissement constitue à part entière un des droits de l’homme (4). Il est de toute urgence nécessaire de poser les premiers jalons pour donner une traduction concrète à ce droit, en l’occurrence au moyen de la directive (UE) 2020/2184 (5) et de la proposition que la Commission a présentée pour la refonte de la directive 91/271/CEE (6), les États membres s’engageant par là à améliorer, d’ici à 2030, l’accès de tous les habitants de l’Union européenne à une eau potable pure et d’un coût abordable, ainsi qu’aux services de base en matière d’assainissement. Les données de la Commission (7) indiquent qu’à l’heure actuelle, quelque 10 millions d’habitants de l’Union européenne sont dépourvus de raccordement à des installations d’épuration. Dans leurs plans de mise en œuvre, les États membres doivent tenir suffisamment compte de cette lacune. L’initiative du «pacte bleu» est censée approfondir encore les efforts en la matière. |
2.4. |
S’agissant de la gestion des ressources hydriques à l’échelle mondiale, la crise climatique exerce déjà des effets notables, dont l’un consiste en une élévation du niveau des mers, qui augmente les infiltrations d’eau dans les zones littorales. En parallèle, elle aboutit, dans beaucoup de régions, à faire baisser le débit des cours d’eau et le volume des eaux souterraines. Le phénomène exacerbe les pénuries alimentaires, étant donné que l’eau douce représente un facteur irremplaçable pour la production de toute une série de denrées (8). |
2.5. |
La crise climatique réduit les ressources hydriques existantes et provoque des phénomènes de sécheresse, d’assèchement (9), de réchauffement des océans et de destruction d’habitats, qui sont tous lourds de conséquences pour l’écosystème dans sa totalité. |
2.6. |
Pour les citoyens, il est d’une nécessité vitale de bénéficier d’un approvisionnement en eau, lequel fait partie intégrante des infrastructures critiques. D’une manière générale, l’adduction d’eau potable jusque dans les foyers nécessite de l’énergie pour faire fonctionner les équipements de pompage. Les distributeurs de cette eau recourent d’ores et déjà à des systèmes redondants et à des circuits énergétiques propres, de façon à pouvoir, même en cas de panne électrique généralisée, continuer à en assurer la fourniture. |
2.7. |
Dans le domaine de l’adduction d’eau et de l’assainissement des eaux usées, un mouvement de remunicipalisation s’est dessiné ces dernières années dans bon nombre de pays de l’Union européenne. Si des villes et des communes ont été ainsi amenées à réintégrer de telles prestations d’intérêt général dans le périmètre du domaine public, c’est avant tout sous l’effet d’expériences malencontreuses vécues lors de la privatisation des services, laquelle s’est souvent accompagnée d’une diminution des investissements dans les infrastructures, d’une détérioration des conditions de travail, d’une augmentation des coûts supportés par les consommateurs, ainsi que d’une perte de contrôle et d’une déperdition de savoir-faire (10). En remunicipalisant ces services, les collectivités locales ont pu, dans ce domaine de l’approvisionnement en eau, recouvrer leur capacité d’action stratégique, ainsi que renouer avec l’exercice d’un contrôle démocratique et retrouver des leviers d’influence en la matière (11). |
2.8. |
L’eau constitue une question dont la portée économique et sociale est éminente, nécessitant une approche de long terme qui est inconciliable avec les rythmes électoraux et exige des décideurs publics un effort considérable en investissements et frais d’exploitation et d’entretien. Pour que le citoyen puisse exercer pleinement un contrôle démocratique en la matière, il est nécessaire de s’assurer qu’il connaisse le cycle et le coût de l’eau. |
3. Observations générales
La dimension sociétale de l’eau
3.1. |
Ressource vitale, l’eau devient aussi de plus en plus rare, sous l’effet de la crise climatique. Aussi le CESE appelle-t-il à lancer un «pacte bleu de l’Union européenne», afin de sensibiliser l’opinion à l’enjeu que constitue ce bien indispensable à la vie. Il préconise de dresser un état des lieux des infrastructures et des disponibilités hydriques dans chaque État membre, afin d’obtenir des informations à jour sur l’état des équipements existants en la matière et de cerner les besoins d’investissement les plus pressants. |
3.2. |
Le CESE souligne que l’eau ne constitue pas un bien marchand comme les autres, mais un patrimoine dont il convient d’assurer la protection et la défense (12). Il estime que s’agissant de l’accès universel de la population à une eau potable et à un assainissement de qualité à des prix abordables, l’eau doit être traitée comme un bien commun, et non pas simplement comme une marchandise, dans le plein respect de l’article 14 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) et du protocole no 26 annexé au traité sur l’Union européenne (TUE) et au TFUE. Dans ce contexte, le Comité recommande à l’Union d’adopter des cadres réglementaires relatifs aux contrats de concession de l’eau et de renforcer ceux qui existent pour garantir un accès universel à l’eau et aux réseaux d’assainissement à un prix équitable et selon des normes adéquates de qualité, ainsi que pour restaurer et protéger les écosystèmes, et assurer les investissements nécessaires dans les infrastructures. Dans le plein respect de l’article 14 du TFUE et du protocole no 26 annexé au TUE et au TFUE, il conviendra de préserver à l’avenir aussi les dérogations que la directive 2014/23/UE sur l’attribution de contrats de concession a prévues pour l’eau et les eaux usées, à la suite de l’initiative citoyenne européenne (ICE) «L’eau, un droit humain» (13), telle qu’elle a pu être menée à bonne fin. Sur la toile de fond de la crise climatique, le Comité prend tout spécialement position contre une quelconque obligation de libéralisation concernant ce secteur sensible de l’eau et des eaux usées et préconise tout au contraire de renforcer les services d’intérêt général dans le domaine hydrique et au-delà. |
3.3. |
Le Comité demande à la Commission et aux États membres d’appliquer une approche fondée sur les droits dans toutes les politiques en rapport avec l’eau et dans la lutte contre la précarité hydrique, et de se placer ainsi dans la logique du socle européen des droits sociaux. Il propose de promouvoir une approche commune afin d’appréhender la précarité hydrique à l’échelon de l’Union et d’en formuler une définition exhaustive, chaque État membre ayant la possibilité d’établir sa propre définition compte tenu de ses réalités, tout en se conformant à la définition européenne. Des financements publics devraient être prévus pour développer les infrastructures, en tenant tout particulièrement compte des propriétaires de biens immobiliers disposant de peu de ressources, ainsi que des quartiers urbains et des zones rurales socialement défavorisés dont les infrastructures nécessitent une rénovation. |
3.4. |
Le Comité souligne que le caractère équitable que doit revêtir la transition ne se réduit pas à une question de financement, mais qu’il couvre aussi l’objectif d’instaurer un travail décent, de créer des emplois de haute valeur et de garantir la sécurité sociale, ainsi que de préserver la compétitivité des entreprises de l’Union européenne, et qu’il exige de prendre des mesures spécifiques à tous les niveaux, dont, en particulier, celui des régions. |
3.5. |
Les régions de l’Union européenne qui sont confrontées à des pénuries d’eau se font toujours plus nombreuses (14). Cet état de fait démontre toute la nécessité de développer des infrastructures hydriques résilientes et, notamment, de créer des capacités de stockage. Dans le cas où les ressources en eau viennent à manquer, il convient d’assurer un approvisionnement dans cette ressource pour la population et les besoins humains essentiels, en lui donnant la priorité sur son utilisation par l’industrie, le tourisme et l’agriculture, étant entendu que ce sont les États membres qui doivent apporter cette garantie. Pareille démarche est indispensable pour prévenir les conflits dont l’eau constitue l’élément déclencheur, tels que l’on peut déjà en voir se dérouler dans d’autres régions du globe. De ce fait, il apparaît nécessaire d’établir d’urgence un pacte bleu pour l’Union, qui aurait notamment pour objectif de veiller à ce que la question de la disponibilité de l’eau et de sa distribution soit dorénavant mieux prise en considération et de renforcer la recherche et l’innovation en la matière. |
Qualité et épuration de l’eau
3.6. |
Le CESE appelle à mieux appliquer le principe de précaution et celui du pollueur-payeur, afin d’améliorer la qualité de l’eau, ainsi qu’à faire peser le coût de la pollution sur ses auteurs plutôt que sur les consommateurs. Il conviendrait que les eaux souterraines présentent les qualités d’une eau de boisson, afin d’éviter qu’elles ne doivent subir un traitement de potabilisation, aussi coûteux qu’énergivore. |
3.7. |
Les rejets du secteur agricole, alimentaire et industriel contribuent tout particulièrement à une pollution diffuse par les nitrates et les pesticides, qui a pour effet que bien souvent, les eaux souterraines n’atteignent pas un état satisfaisant sur le plan chimique. Il convient que les dispositions législatives qui sont applicables à l’agriculture, par exemple au titre de la politique agricole commune, à l’industrie ou encore au secteur de la chimie, comme le règlement sur les pesticides, soient configurées de telle manière que les écosystèmes hydriques restent indemnes. |
Usage et gaspillage de l’eau
3.8. |
Le CESE fait observer que les communes sont confrontées à de vastes défis s’agissant de développer et d’entretenir leurs réserves d’eaux. Pour les relever, il convient de s’engager plus avant dans la voie de la coopération intercommunale et de faciliter nettement cette démarche, de manière à améliorer les performances atteintes en matière de fourniture d’eau et d’assainissement, ainsi que de développement et d’entretien des réserves hydriques, et à renforcer durablement la viabilité économique de ces services d’intérêt général dans les zones rurales. Le Comité demande par conséquent à la Commission d’élargir les marges de manœuvre que le droit ménage en la matière, en particulier pour ce qui est de la réglementation des marchés publics. |
3.9. |
La Commission estime que les dépenses exigées par la version remaniée de la directive relative aux eaux résiduaires excéderont un volume de 3,8 milliards d’euros par an. Ce sont les ménages qui devraient supporter la majeure partie de ces frais (15), qui entraîneront un renchérissement supplémentaire de l’assainissement de base, dont le poids pèsera tout particulièrement sur les catégories de population les plus vulnérables. Aussi le CESE réclame-t-il que les charges et avantages qui résultent de ces mesures soient répartis de telle manière que les particuliers ne s’en trouvent pas pénalisés. |
3.10. |
Le CESE juge qu’il y a lieu de faire baisser dans des proportions notables les déperditions dues à des fuites dans les réseaux, lesquelles, dans certains États membres, sont supérieures à 20 % des volumes mis en distribution (16), ainsi que le gaspillage de la ressource dans l’agriculture, l’industrie et la construction, ou encore le secteur touristique. Ces domaines d’activité peuvent concourir à la résolution du problème, pour autant que l’on s’emploie à renforcer la recherche et l’innovation relatives aux pratiques économes en eau et à appliquer plus intensément les savoirs d’ores et déjà disponibles, concernant, entre autres exemples, l’irrigation au goutte-à-goutte, le recours à des cultures dont les besoins hydriques sont faibles ou l’adaptation de la production vivrière aux conditions locales. |
3.11. |
Dès lors qu’il sera bien informé, le citoyen adoptera, dans la sphère domestique, un comportement d’utilisation plus parcimonieuse de l’eau, et le CESE se félicite donc que les dispositions réglementaires de l’Union européenne renforcent les obligations d’information des ménages qui sont imposées aux responsables de la fourniture d’eau potable et de l’assainissement des eaux usées. |
Voies navigables
3.12. |
Dans le monde entier, la crise climatique exerce des effets considérables sur le transport par voies navigables. L’acheminement de biens et de personnes par ces infrastructures pâtit tout particulièrement de la baisse des débits fluviaux, de la modification des régimes de précipitations, de la fréquence accrue des phénomènes météorologiques extrêmes ou de l’élévation du niveau de la mer. |
3.13. |
La profondeur des chenaux diminue, tandis que les infrastructures des ports et des écluses doivent être adaptées à ces nouvelles conditions. Il en résulte une augmentation des coûts et un allongement des délais d’attente pour les bateaux, entraînant un ralentissement dans le transport des marchandises. |
3.14. |
Il s’impose de prendre des mesures pour procéder aux adaptations voulues dans les infrastructures des ports et des écluses, ainsi que d’entreprendre une meilleure planification des canaux et itinéraires de navigation, afin que demain, le transport par voie d’eau puisse s’avérer sûr et efficace. |
3.15. |
Le CESE estime qu’il est capital de développer les voies navigables sur le territoire de l’Union européenne et d’en améliorer le maillage. À cet égard, il est également nécessaire de tenir compte des enjeux de l’intermodalité, comme le relève l’avis TEN/764 (17). |
Énergie
3.16. |
La situation que les marchés de l’énergie ont connue en août 2022 a démontré que du fait des facteurs d’ordre climatique, il n’existe pas de source énergétique dont la fiabilité atteigne 100 % en toutes circonstances. Ainsi, on a pu constater que la sécheresse a une incidence sur la production énergétique de l’hydroélectrique et du nucléaire. |
3.17. |
Le CESE se félicite des efforts déployés pour utiliser l’hydroélectricité aux fins de produire et de stocker de l’électricité de manière renouvelable, mais constate que sur le long terme, l’amenuisement des ressources hydriques qui est induit par la crise climatique peut produire des répercussions négatives sur cette production électrique issue de la filière hydroélectrique, ainsi que sur son stockage. En faisant baisser les volumes produits, elle peut aussi exercer des effets dommageables sur le réseau électrique. Pour arriver à compenser les éventuelles défaillances des centrales hydroélectriques, il y a lieu de continuer à soutenir l’essor des sources d’énergie renouvelables et à promouvoir leur déploiement accéléré, en particulier dans le domaine du solaire et de l’éolien. |
3.18. |
Le CESE fait observer que l’électrification du transport peut également induire une augmentation de la consommation hydrique, étant donné que les électrolytes utilisés dans la production de batteries nécessitent de l’eau en grandes quantités. Aussi convient-il de planifier soigneusement l’implantation des usines qui les fabriquent. |
3.19. |
Le CESE relève que si les sources d’énergie renouvelables nécessitent généralement moins d’eau que l’extraction et la transformation des combustibles fossiles classiques, l’une d’entre elles, à savoir les biocarburants, en requiert une consommation significative. L’irrigation des cultures destinées à produire ces carburants, ainsi que leur transformation, exigent d’utiliser des ressources hydriques dans des quantités importantes, qui doivent être fournies par les infrastructures hydrauliques et les réseaux de distribution afférents. |
3.20. |
Le CESE fait observer que la production d’électricité nucléaire nécessite de l’eau de refroidissement en grandes quantités. Du fait de la crise climatique, le niveau des fleuves baisse, cependant que la température augmente. Quand cette élévation se produit, les centrales nucléaires doivent procéder à une baisse de régime en raison du manque d’eau. En outre, en rejetant dans les fleuves des eaux de refroidissement qui sont trop chaudes, elles en altèrent la teneur en oxygène et enclenchent ainsi des effets négatifs sur leur écologie et leur biodiversité (18). |
4. Observations particulières
4.1. |
Le CESE fustige le manque de cohérence entre la politique de l’Union européenne en matière hydrique et celles qu’elle mène par ailleurs, et il demande à la Commission d’y apporter des correctifs, afin d’éviter qu’elles ne se contredisent dans certaines de leurs dispositions et qu’elles ne donnent lieu à des conflits d’objectifs. |
4.2. |
Le CESE se félicite que la Commission ait pris la résolution, dans le cadre de la refonte de la directive sur l’eau potable, de réduire au minimum les déperditions d’eau dans les canalisations d’adduction (19). Il fait observer qu’il s’impose de prendre d’urgence des mesures et de consentir des investissements, publics et privés, en ce qui concerne les infrastructures hydriques, afin d’y éviter les pertes d’eau et de garantir la résilience et la durabilité à long terme de celles qui jouent un rôle essentiel. Les fuites qui se produisent doivent être traitées comme des urgences. Pour les colmater, un facteur crucial consistera, dans ces situations, à disposer de personnels spécialisés et du matériel ad hoc. |
4.3. |
S’agissant de financer les projets d’infrastructures, le plus grave obstacle auquel la puissance publique n’a cessé de se heurter réside dans la rigidité des règles budgétaires. En conséquence, le but qu’il convient de viser doit consister en ce que les projets gravitant autour du pacte vert pour l’Europe, de l’indépendance énergétique et du secteur numérique soient soustraits à toute réglementation qui entrave de tels investissements publics. C’est pour cette raison que le CESE recommande, dans le droit fil d’avis antérieurs (20), que la «règle d’or» leur soit appliquée. |
4.4. |
Le CESE soutient la proposition de remanier les directives 2006/118/CE (21) et 2008/105/CE (22) et est par ailleurs favorable à ce que des valeurs limites soient établies pour les composés perfluorés et polyfluorés (PFC) et les microplastiques. Dans un de ses rapports spéciaux, la Cour des comptes européenne a mis en évidence que dans le secteur de l’eau, le principe du pollueur-payeur n’a pas été appliqué de manière cohérente, malgré les coûts élevés de fonctionnement et d’investissement qu’induit cette carence (23). |
4.5. |
Le CESE fait observer que pour entretenir et développer des infrastructures et réseaux de distribution d’eau durables et résilients, il y a lieu de disposer d’une main-d’œuvre qualifiée, dont, en particulier, des personnels spécialisés, et qu’il est nécessaire de s’appuyer sur une gestion adéquate du savoir en la matière, et donc de mener des actions d’ordre stratégique et opérationnel qui optimisent la gestion des connaissances en jeu. Il demande de mettre en place les structures et conditions de travail requises pour éviter que des goulets d’étranglement ne se forment dans ce domaine et de veiller à disposer de spécialistes en nombre suffisant afin de mettre en œuvre les dispositions qui s’imposent. |
4.6. |
Le CESE relève que la progression de la numérisation dans le secteur de l’eau induit en concomitance une augmentation des risques concernant la sécurité des données et leur protection. Aussi convient-il de s’assurer que le traitement des informations ainsi récoltées soit régi par les dispositions les plus strictes possible pour ce qui est de les protéger. Parallèlement, la cybersécurité doit également jouer un rôle primordial dans le domaine des infrastructures et réseaux de distribution d’eau, vu la montée en puissance des menaces que les cyberattaques font peser sur les infrastructures critiques. |
4.7. |
Dans beaucoup d’États membres, le degré d’intégration entre les entreprises actives dans la production et la distribution d’eau potable et dans le traitement et l’épuration des eaux usées est faible, voire nul. Le CESE a la conviction que confier la direction et la gestion de ces matières à un organisme public unique contribuerait à une réduction des coûts et une efficacité accrue. |
Bruxelles, le 13 juillet 2023.
Le président du Comité économique et social européen
Oliver RÖPKE
(1) Voir, entre autres, avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions intitulée «Plan REPowerEU» [COM(2022) 230 final] et sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2021/241 en ce qui concerne les chapitres REPowerEU des plans pour la reprise et la résilience et modifiant le règlement (UE) 2021/1060, le règlement (UE) 2021/2115, la directive 2003/87/CE et la décision (UE) 2015/1814 [COM(2022) 231 final — 2022/0164 (COD)] (JO C 486 du 21.12.2022, p. 185), avis du Comité économique et social européen sur le thème «Les investissements publics dans les infrastructures énergétiques comme élément de solution face aux problèmes climatiques» (avis d’initiative) (JO C 486 du 21.12.2022, p. 67) et avis du Comité économique et social européen sur le thème «Une vision stratégique de la transition énergétique au service de l’autonomie stratégique de l’UE» (avis d’initiative) (JO C 75 du 28.2.2023, p. 102).
(2) Directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur l’attribution de contrats de concession (JO L 94 du 28.3.2014, p. 1).
(3) https://www.aquapublica.eu/sites/default/files/article/file/20230310_Joint%20statement_EPR%20scheme.pdf
(4) https://undocs.org/Home/Mobile?FinalSymbol=A%2FRES%2F64%2F292&Language=E&DeviceType=Desktop&LangRequested=False
(5) Directive (UE) 2020/2184 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2020 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine (JO L 435 du 23.12.2020, p. 1).
(6) Directive 91/271/CEE du Conseil du 21 mai 1991 relative au traitement des eaux urbaines résiduaires (JO L 135 du 30.5.1991, p. 40).
(7) https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/qanda_22_6281
(8) https://wires.onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.1002/wat2.1633
(9) Europe’s next crisis: Water («La prochaine crise de l’Europe: l’eau»), Politico.
(10) Getzner, Köhler, Krisch, Plank (2018) — Endbericht (Langfassung): Vergleich europäischer Systeme der Wasserversorgung und Abwasserentsorgung («Rapport final, version longue — Comparaison entre les systèmes européens d’approvisionnement en eau et d’assainissement»), Informationen zur Umweltpolitik, 197.
https://emedien.arbeiterkammer.at/viewer/ppnresolver?id=AC15177626
(11) https://www.epsu.org/search?f%5B0%5D=policies%3A56
(12) Directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau (JO L 327 du 22.12.2000, p. 1), considérant 1.
(13) https://right2water.eu/
(14) https://publications.jrc.ec.europa.eu/repository/handle/JRC133025
(15) Selon l’analyse d’impact, la clé de répartition de ces engagements devrait aboutir à ce qu’ils soient supportés à hauteur de 51 % par les ménages, de 22 % par les finances publiques et de 27 % par l’industrie.
(16) https://emedien.arbeiterkammer.at/viewer/ppnresolver?id=AC15249737
(17) Avis du Comité économique et social européen sur la proposition modifiée de règlement du Parlement européen et du Conseil sur les orientations de l’Union pour le développement du réseau transeuropéen de transport, modifiant le règlement (UE) 2021/1153 et le règlement (UE) no 913/2010 et abrogeant le règlement (UE) no 1315/2013 [COM(2022) 384 final/2 — 2021/0420 (COD)] (JO C 75 du 28.2.2023, p. 190).
(18) https://www.dw.com/de/wie-k%C3%BChlen-hei%C3%9Fe-l%C3%A4nder-ihre-kernkraftwerke/a-49758541
(19) https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:32020L2184
(20) Voir la note 1 de bas de page.
(21) Directive 2006/118/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 sur la protection des eaux souterraines contre la pollution et la détérioration (JO L 372 du 27.12.2006, p. 19).
(22) Directive 2008/105/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 établissant des normes de qualité environnementale dans le domaine de l’eau, modifiant et abrogeant les directives du Conseil 82/176/CEE, 83/513/CEE, 84/156/CEE, 84/491/CEE, 86/280/CEE et modifiant la directive 2000/60/CE (JO L 348 du 24.12.2008, p. 84).
(23) https://www.eca.europa.eu/Lists/ECADocuments/SR21_12/SR_polluter_pays_principle_FR.pdf
29.9.2023 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 349/94 |
Avis du Comité économique et social européen sur le thème «La publicité effectuée par l’intermédiaire des influenceurs et son impact sur les consommateurs»
(avis exploratoire à la demande de la présidence espagnole)
(2023/C 349/15)
Rapporteur: |
Bernardo HERNÁNDEZ BATALLER |
Corapporteur: |
Stefano PALMIERI |
Consultation |
Présidence espagnole du Conseil de l’Union européenne, 7.2.2023 |
Base juridique |
Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
Compétence |
Section «Marché unique, production et consommation» |
Adoption en section |
29.6.2023 |
Adoption en session plénière |
13.7.2023 |
Session plénière no |
580 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
179/0/3 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
L’un des phénomènes les plus caractéristiques de la transformation que connaît le domaine de l’audiovisuel et des communications électroniques réside dans la montée en puissance des «influenceurs», lesquels constituent une catégorie d’utilisateurs qui créent des contenus en ligne pour diffuser leurs messages d’une manière systématique et sous plusieurs formats, qu’il s’agisse de vidéos, de commentaires ou de photos, et atteignent ainsi une audience significative auprès du public cible qu’ils visent. |
1.2. |
Bien qu’il n’existe pas, au niveau européen, de réglementation spécifique qui encadre l’activité de ces créateurs de contenu ou influenceurs, la législation en vigueur assure un degré de protection satisfaisant concernant l’activité qu’ils peuvent exercer dans le marché intérieur à un double titre, essentiellement celui d’annonceurs (et de professionnels) et de vendeurs ou producteurs. |
1.3. |
En se fondant sur cette législation, plusieurs États membres entreprennent d’élaborer, en réponse au défi posé par ce phénomène, leurs propres textes de loi afin que les régulateurs nationaux puissent exercer leurs attributions en matière de surveillance, de contrôle et, le cas échéant, de sanction. |
1.4. |
Face aux évolutions constantes dans ce domaine, le Comité économique et social européen (CESE) estime qu’il est de toute façon nécessaire d’intervenir pour garantir que les activités illicites «spécifiques» menées par des créateurs de contenu ou influenceurs dans l’Union européenne soient traitées de manière harmonisée, grâce à des obligations, tout aussi spécifiques, imposées tant aux administrateurs des plateformes et médias sociaux sur lesquels ils exercent leur activité qu’auxdits créateurs de contenu ou influenceurs, qu’ils résident ou non dans l’Union européenne. |
1.5. |
Le CESE demande aux administrateurs de plateformes et de médias sociaux:
|
1.6. |
Le CESE estime qu’un tel traitement des influenceurs qui serait harmonisé au niveau européen devrait, à tout le moins, prendre en considération les critères suivants:
|
1.7. |
De même, il s’impose de prêter une attention particulière au recours à des interfaces truquées, à l’utilisation de marques faite de manière abusive ou à des fins de dénigrement, aux produits financiers non autorisés, aux vols d’identité ou aux faux influenceurs qui tirent profit, à leur insu, de l’image de personnes connues, de telles situations étant de plus en plus fréquentes, en particulier dans le domaine des investissements financiers et des cryptomonnaies. Il s’agit là de comportements illicites qui, de par l’usage de l’intelligence artificielle (IA), peuvent prendre un tour de plus en plus en plus sophistiqué et se généraliser, et qu’il importe de combattre de manière efficace. |
1.8. |
Le CESE propose que cette harmonisation réglementaire soit clarifiée et concrétisée, sans qu’il soit exclu pour autant d’établir, à titre complémentaire, des cadres instaurant une corégulation, laquelle doit ménager une place à la participation des influenceurs, de leurs agents et associations représentatives, de l’industrie et des annonceurs, des associations d’autorégulation publicitaire, des groupements de consommateurs et d’utilisateurs, des interlocuteurs sociaux et autres organisations de la société civile, ainsi que des autorités de régulation. |
1.9. |
De l’avis du CESE, l’activité des créateurs de contenu ou influenceurs soulève une série de questions qui devraient faire l’objet d’un examen minutieux au niveau de l’Union européenne, qu’il s’agisse de leur situation au regard de la législation du travail, des problématiques liées aux impôts sur le revenu, de la taxe sur la valeur ajoutée, ou encore du cas particulier de l’activité des enfants influenceurs. |
2. Observations générales
2.1. |
L’un des phénomènes les plus caractéristiques de la transformation numérique que le secteur de l’audiovisuel et des communications électroniques a connue au cours de ces dix dernières années réside dans la multiplication des différents créateurs de contenu qui, agissant en apparence à titre personnel, diffusent leurs messages d’une manière systématique et sous plusieurs formats, qu’il s’agisse de vidéos, de commentaires ou de photos, sur des plateformes internet, par l’intermédiaire des médias sociaux et par voie de messagerie électronique. Lorsqu’ils sont suivis par un nombre élevé d’abonnés fidèles, ces créateurs de contenu se coulent dans le rôle de l’influenceur, lequel, dans le domaine de la publicité, peut être défini comme «un créateur de contenu à motivations commerciales, qui bâtit avec son public, principalement sur des plateformes de médias sociaux, une relation fondée sur la confiance et l’authenticité et noue des rapports en ligne avec des acteurs économiques au moyen de différents modèles commerciaux, à des fins de monétisation» (1). |
2.2. |
Imprégnée d’un sentiment de proximité, d’authenticité et de confiance, la relation que ces abonnés entretiennent avec les influenceurs produit des répercussions, directes et indirectes, sur leur attitude vis-à-vis des marques et leurs décisions d’achat concernant des biens de consommation. Ce constat se vérifie en particulier dans le cas des enfants, des jeunes et des consommateurs qui ont un faible niveau d’éducation ou ne disposent que de revenus modestes et ne sont guère formés aux médias et à l’information. |
2.3. |
Dans le domaine spécifique des communications commerciales, le recours aux influenceurs dans un rôle de prescripteurs de produits et de marques a non seulement pour effet de donner à l’annonceur la possibilité de tirer parti de leur audience et de leur notoriété, dans le cadre de l’approche dite de «marketing d’influence», en particulier auprès d’un public jeune qu’il est difficile d’atteindre par les canaux médiatiques de masse plus traditionnels, mais il offre aussi à l’entreprise concernée une plus grande liberté pour développer des arguments qu’elle ne brandirait pas dans sa publicité classique et qui frôlent parfois l’illégalité. Par ailleurs, les annonceurs soulignent eux-mêmes que du fait de sa spécificité, l’influenceur dispose d’une grande autonomie pour élaborer son message commercial et qu’ils ne sont pas toujours à même de le contrôler. |
2.4. |
En d’autres termes, même s’il n’existe pas de réglementation spécifique de niveau européen qui encadre l’action des influenceurs, la législation européenne en vigueur à l’heure actuelle assure un degré de protection satisfaisant concernant l’activité qu’ils peuvent exercer dans le marché intérieur à un double titre, essentiellement celui d’annonceurs (et de professionnels) et de vendeurs ou producteurs. |
2.4.1. |
Pour ce qui est des influenceurs essentiellement dans leur rôle d’annonceurs (et de professionnels), il convient de mentionner, à l’échelon de l’Union européenne, les réglementations suivantes:
|
2.4.2. |
Pour ce qui est des influenceurs agissant en tant que vendeurs ou producteurs, les textes législatifs qui s’appliquent au niveau de l’Union européenne sont les suivants:
|
2.4.3. |
À ces deux domaines d’intervention spécifiques de la législation européenne, il faut encore ajouter le train de mesures sur les services numériques, comportant:
|
2.4.3.1. |
Aux termes du règlement sur les services numériques, la notion de «contenu illicite» doit être entendue comme «toute information qui, en soi ou par rapport à une activité, y compris la vente de produits ou la fourniture de services, n’est pas conforme au droit de l’Union ou au droit d’un État membre […], quel que soit l’objet précis ou la nature précise de ce droit». Suivant cette nouvelle définition, le non-respect de ces dispositions peut avoir pour effet que le contenu visé sera illicite dans l’Union européenne. |
2.5. |
Malgré l’existence de certaines normes européennes grâce auxquelles il est possible de réglementer, au sein des différents États membres, le comportement illégal des influenceurs, qu’ils agissent comme annonceurs ou comme vendeurs ou producteurs, la nécessité d’une intervention se fait ressentir sur plusieurs plans, s’agissant:
|
2.6. |
Eu égard à l’environnement spécifique, en mutation constante, dans lequel opèrent les créateurs de contenu ou influenceurs, le CESE a la conviction que, nonobstant l’existence de dispositions normatives européennes, il s’impose d’intervenir pour garantir une application homogène de la réglementation spécifiquement destinée à lutter contre les activités illicites qui sont propres aux influenceurs dans l’Union européenne. À l’appui du bien-fondé de la position qu’il prend ainsi, le Comité fait observer que la Commission examine actuellement s’il y a lieu d’entreprendre d’élaborer une législation spécifique en ce sens. |
2.7. |
Une réflexion analogue est menée, depuis plusieurs années, par les gouvernements, par les autorités de régulation européennes et nationales et par les associations de consommateurs et d’utilisateurs et plusieurs structures de la société civile (12). Elle a débouché, dans les différents pays de l’Union européenne (13), sur diverses initiatives juridiques, comme tel est le cas en France, en Belgique, en l’occurrence en Flandre, ou en Espagne, ainsi que sur des actions menées dans le domaine de l’autorégulation et de la corégulation, que ce soit au niveau de l’Union (14) ou à celui de ses États membres. Telle est aussi la raison pour laquelle, dans le cadre de sa présidence de l’Union européenne, le gouvernement espagnol a tenu à demander au CESE d’élaborer le présent avis exploratoire sur la publicité effectuée par l’intermédiaire des influenceurs et son impact sur les consommateurs. |
2.8. |
Dans sa demande d’avis, le ministère espagnol de la consommation évoque l’ambiance de proximité, d’authenticité et de confiance qui imprègne la relation entre influenceurs et consommateurs et n’atteint généralement pas la même intensité quand il est recouru à d’autres modèles de communication sociale, et, dans les préoccupations qu’il exprime à cet égard, il allègue principalement deux considérations:
|
3. Propositions
3.1. |
Vu la problématique ainsi posée, le CESE estime que les conditions sont réunies tant pour améliorer que pour faire appliquer la législation européenne concernant ces activités illicites de type spécifique qui font intervenir des influenceurs, ainsi que pour en réaliser une harmonisation au niveau européen, en prévoyant des obligations particulières, aussi bien pour les administrateurs des plateformes sur lesquelles ils exercent leur activité que pour les créateurs de contenu ou les influenceurs, qu’ils résident ou non dans l’Union européenne. |
3.2. Plateformes de partage de vidéos et médias sociaux
3.2.1. |
Bien que la législation européenne, en l’occurrence la directive sur les services de médias audiovisuels et le train de mesures sur les services numériques, impose aux administrateurs des plateformes de partage de vidéos et des médias sociaux sur lesquels opèrent les créateurs de contenu et les influenceurs l’obligation de respecter les dispositions relatives aux communications commerciales et à la protection des mineurs, le CESE n’en relève pas moins:
|
3.2.2. |
En conséquence, le CESE demande aux administrateurs de plateformes et de médias sociaux:
|
3.3. Créateurs de contenu ou influenceurs
3.3.1. |
Lors de l’élaboration de propositions visant à réglementer efficacement la mise à disposition de contenus par les utilisateurs au moyen de plateformes de partage de vidéos et de médias sociaux et, plus particulièrement, l’activité publicitaire des influenceurs, il peut être intéressant de prendre en compte les rapports que le groupe des régulateurs européens pour les services de médias audiovisuels (ERGA) (15) a publiés en 2021 et 2022 et dans lesquels il formule des recommandations sur le traitement des intervenants qu’il désigne sous le nom de «vlogueurs». |
3.3.2. |
En substance, l’ERGA indique qu’aux fins de la directive sur les services de médias audiovisuels, l’activité des influenceurs peut être considérée comme un service de médias audiovisuels, pour autant que soient remplies, de manière cumulative, un certain nombre de conditions, à savoir:
|
3.3.3. |
À cet égard, il serait envisageable de réaliser au niveau européen une harmonisation qui prévoirait expressément de soumettre à une réglementation le rôle des créateurs de contenu ou influenceurs et leur responsabilité dès lors qu’ils créent ou qu’ils diffusent des communications commerciales, de manière à garantir une transparence et une responsabilité accrues dans le déroulement de leur activité. |
3.3.3.1. |
Des marques aux agences de relations publiques ou de publicité, en passant par des entreprises du multimédia ou des indépendants, des officines et agents de gestion ou de découverte de talents, des plateformes d’analyse des médias sociaux ou des réseaux multicanaux, l’activité des créateurs de contenu ou influenceurs fait intervenir tout un éventail d’acteurs dont les contrats doivent assigner à chaque partie intéressée des responsabilités spécifiques, y compris celle concernant les comportements illicites desdits influenceurs, qui doit être exercée de manière solidaire. |
3.4. |
Le CESE presse tant les administrateurs de plateformes et de médias sociaux que les créateurs de contenu ou influenceurs de garantir:
|
3.5. |
De même, il y a lieu de prêter une attention particulière au recours à des interfaces truquées, à l’utilisation de marques faite de manière abusive ou à des fins de dénigrement, à la promotion de produits financiers non autorisés, aux vols d’identité ou aux faux influenceurs qui tirent profit, à leur insu, de l’image de personnes connues, de telles situations étant de plus en plus fréquentes, en particulier dans le domaine des investissements financiers et des cryptomonnaies. Il s’agit là de comportements illicites qui, de par l’usage de l’intelligence artificielle, prennent un tour de plus en plus sophistiqué et se généralisent, et qu’il convient de combattre de manière efficace. |
3.6. |
L’harmonisation réglementaire proposée par le CESE peut être complétée par des cadres de corégulation qui soient ouverts à une participation des influenceurs, de leurs agents et associations représentatives, de l’industrie et des annonceurs, des associations d’autorégulation publicitaire, des groupements de consommateurs et d’utilisateurs, des interlocuteurs sociaux et autres entités de la société civile, ainsi que des autorités de régulation. |
3.7. |
Le CESE estime qu’une série de questions relatives à l’activité des créateurs de contenu ou influenceurs demandent encore à être traitées, qu’il s’agisse de leur situation au regard de la législation du travail, des problématiques liées aux impôts sur le revenu, de la taxe sur la valeur ajoutée, ou encore du cas particulier de l’activité des enfants influenceurs, et il est d’avis que ces thématiques devraient faire l’objet d’un examen minutieux au niveau de l’Union européenne. |
Bruxelles, le 13 juillet 2023.
Le président du Comité économique et social européen
Oliver RÖPKE
(1) The impact of influencers on advertising and consumer protection in the Single Market, («L’impact des influenceurs sur la publicité et la protection des consommateurs dans le marché unique»), Parlement européen, 2022, p. 9.
(2) Directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) no 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil («directive sur les pratiques commerciales déloyales») (JO L 149 du 11.6.2005, p. 22).
(3) Communication de la Commission — Orientations concernant l’interprétation et l’application de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur (JO C 526 du 29.12.2021, p. 1), paragraphe 4.2.6.
(4) Voir la Révision de la législation de l’UE en matière de protection des consommateurs (europa.eu).
(5) Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur («directive sur le commerce électronique») (JO L 178 du 17.7.2000, p. 1).
(6) Directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive «Services de médias audiovisuels»), compte tenu de l’évolution des réalités du marché (JO L 303 du 28.11.2018, p. 69).
(7) Directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil (JO L 304 du 22.11.2011, p. 64).
(8) Directive (UE) 2019/770 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2019 relative à certains aspects concernant les contrats de fourniture de contenus numériques et de services numériques (JO L 136 du 22.5.2019, p. 1).
(9) Directive (UE) 2019/771 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2019 relative à certains aspects concernant les contrats de vente de biens, modifiant le règlement (UE) 2017/2394 et la directive 2009/22/CE et abrogeant la directive 1999/44/CE (JO L 136 du 22.5.2019, p. 28).
(10) Règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE (règlement sur les services numériques) (JO L 277 du 27.10.2022, p. 1).
(11) Règlement (UE) 2022/1925 du Parlement européen et du Conseil du 14 septembre 2022 relatif aux marchés contestables et équitables dans le secteur numérique et modifiant les directives (UE) 2019/1937 et (UE) 2020/1828 (règlement sur les marchés numériques) (JO L 265 du 12.10.2022, p. 1).
(12) Voir la note 1.
(13) Mapping report on the rules applicable to video-sharing platforms («Rapport de recensement des règles applicables aux plateformes de partage de vidéos»), Observatoire européen de l’audiovisuel, 2022.
(14) EASA Best Practice Recommendation on Influencer Marketing 2023 («Recommandation de bonnes pratiques de l’AEEP en matière de marketing effectué par l’intermédiaire d’influenceurs»), Alliance européenne pour l’éthique en publicité (AEEP), 2023.
(15) Analysis and recommendations concerning the regulation of vloggers («Analyse et recommandations concernant la réglementation des vlogueurs»), ERGA, 2021, et ERGA Vloggers Report 2 («Deuxième rapport de l’ERGA sur les vlogueurs»), ERGA, 2022.
29.9.2023 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 349/100 |
Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Mesures d’amélioration dans le domaine de la santé mentale»
(avis exploratoire à la demande de la présidence espagnole)
(2023/C 349/16)
Rapporteure: |
Milena ANGELOVA |
Corapporteur: |
Ivan KOKALOV |
Saisine du Comité par la présidence espagnole du Conseil |
Lettre du 8 12.2022 |
Base juridique |
Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
|
Avis exploratoire |
Compétence |
Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté» |
Adoption en section |
21.6.2023 |
Adoption en session plénière |
13.7.2023 |
Session plénière no |
580 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
205/0/2 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
La santé mentale est de nature complexe. Elle est déterminée par une multitude de facteurs: biologiques, psychologiques, éducatifs, sociaux, économiques, professionnels, culturels et environnementaux. Seule une approche multiple, pluridisciplinaire et fondée sur la vie entière, fortement ancrée en tant que priorité transversale absolue dans l’élaboration des politiques au niveau de l’Union et des États membres (ainsi qu’à l’échelon régional et sectoriel), permettra d’améliorer et de promouvoir efficacement la santé mentale (1) et de prévenir les problèmes de santé mentale. Une telle approche devrait: |
1.1.1. |
Encourager la réforme des systèmes de santé dans toute l’Union de manière qu’ils assurent, grâce à des équipes pluridisciplinaires, des interventions et des soins intégrés et planifiés à long terme, plutôt que d’être organisés autour de modèles épisodiques de soins, pour non seulement guérir, mais aussi prévenir les affections médicales. L’objectif ultime devrait être de réorienter la direction générale du système de santé, en matière de santé mentale, vers des pratiques complexes axées sur le modèle biopsychosocial et les droits humains, pour garantir la prévention, la détection précoce et le dépistage des maladies mentales, la gestion efficace des cas et une approche centrée sur la personne au sein de la collectivité. |
1.1.2. |
Mettre l’accent sur la promotion permanente de la santé mentale, la prévention des maladies mentales et le renforcement de la résilience, ainsi que sur l’intégration de ces questions dans toutes les politiques européennes, nationales, régionales et sectorielles. Le CESE accueille favorablement la communication de la Commission européenne sur une approche globale en matière de santé mentale (2), est totalement d’accord avec le fait que l’«un des principaux objectifs en matière de politique publique devrait être de garantir que personne ne soit laissé pour compte, que les citoyens aient un accès égal aux services de prévention et de santé mentale dans l’ensemble de l’UE, et que la réintégration et l’inclusion sociale guident les actions collectives visant à lutter contre les maladies mentales», et demande que cette communication soit rapidement transformée en une stratégie de l’UE en matière de santé mentale qui soit assortie de délais et dotée d’une enveloppe suffisante, définisse les responsabilités et prévoie les indicateurs qui permettront de surveiller les progrès réalisés dans l’Union et les États membres, y compris dans le cadre du processus du semestre européen. Le semestre européen devrait prendre davantage en considération l’incidence des facteurs socio-économiques et environnementaux sur la santé mentale, et notamment le bénéfice important qu’apporte un meilleur accès à des services d’intérêt général (logement, énergie, enlèvement des déchets, eau, etc.) abordables et de qualité. Idéalement, cela permettrait d’orienter les travaux des États membres en imposant à ces derniers l’élaboration et la mise en œuvre de plans d’action soumis à un examen régulier par la Commission, et de favoriser les échanges entre pays de sorte qu’ils puissent se motiver mutuellement à viser des objectifs ambitieux. Il conviendrait de surveiller en permanence les principaux facteurs de risque environnementaux et sociaux et d’adopter rapidement des stratégies et mesures pertinentes pour réduire et éliminer ces risques. |
1.1.3. |
Offrir des possibilités de diagnostic précoce, de traitement adéquat, de psychothérapie et de réhabilitation aux personnes souffrant de maladies mentales ou de handicaps psychiques, et garantir leur inclusion sociale en respectant leur dignité, les droits de l’homme, la liberté et l’égalité. |
1.1.4. |
Veiller à ce que la santé mentale soit reconnue dans tous les États membres comme une question sérieuse qui requiert une attention adéquate et une réponse globale, coordonnée, structurée et centrée sur l’humain. Il faut bannir toute contrainte, ségrégation et discrimination en rapport avec les troubles mentaux. Il est essentiel de financer correctement les services de santé mentale afin que ceux-ci soient abordables et accessibles à tous. Il s’agit notamment d’investir dans le personnel de santé, de manière qu’il soit correctement formé et assez nombreux. Des niveaux de rémunération adéquats, un perfectionnement professionnel continu et des effectifs suffisants permettraient à ce personnel de consacrer l’attention et le temps nécessaires, non seulement aux patients, mais aussi aux personnes souhaitant un avis médical, un conseil ou un traitement. L’aspect du financement des infrastructures, tant physiques que sociales, devrait être développé davantage dans les plans nationaux pour la reprise et la résilience qui, dans leur forme actuelle, sont loin de garantir la représentation et la prise en compte des projets liés à la santé. Bon nombre de plans nationaux pour la reprise et la résilience ne répondent pas de manière adéquate aux multiples crises récentes qui aggravent le risque d’accumulation des problèmes de santé mentale, et devraient par conséquent être actualisés rapidement. |
1.1.5. |
Améliorer l’accès aux services de soutien, aux traitements, à la psychothérapie, à la réhabilitation médicale et sociale, ainsi qu’aux soins et activités spécifiques et généraux en rapport avec l’aide psychosociale. Il conviendrait à cette fin de développer et de mettre en œuvre des interventions personnalisées et fondées sur des données probantes, de garantir un meilleur accès, équitable et socialement acceptable, à la médication, d’assurer et d’améliorer l’aide aux familles des personnes atteintes de maladies mentales, de renforcer les capacités et les compétences des prestataires de soins généraux et spécialisés, ou encore d’établir un système intégré de soins, y compris de proximité, prodigués par des équipes pluridisciplinaires. |
1.1.6. |
Développer et mettre en œuvre des approches complémentaires visant à fournir une aide appropriée dans les situations de crise et d’urgence. Il est essentiel de dresser une «pyramide des interventions» reposant sur l’intégration de considérations sociales et culturelles dans les principales mesures de lutte contre les affections médicales, sur le renforcement des liens communautaires et du soutien familial grâce à une aide ciblée et non spécifique, et sur la fourniture de services et d’un accompagnement spécialisés par une palette de professionnels de la santé à l’intention des personnes souffrant de troubles plus graves. À tous les niveaux d’éducation, des programmes de promotion de la santé devraient se concentrer sur l’adoption de comportements adéquats et la garantie de soins de santé de base, ainsi que sur les risques pour la santé mentale et la manière de les prévenir ou de réduire leur incidence, en ciblant les cas particuliers tels que les pandémies ou les catastrophes naturelles. |
1.1.7. |
Mettre en place des systèmes de santé mentale de proximité, fondés sur les droits, centrés sur la personne et axés sur la guérison, qui donnent la priorité à l’autonomisation du patient et à sa participation active à son propre rétablissement, dans le but ultime d’améliorer la qualité de vie des personnes atteintes de troubles mentaux. Il convient de promouvoir les actions visant à prodiguer, au sein du système de santé mentale, des soins et de l’aide à chacune et à chacun, sans exception, afin de se concentrer sur les besoins de groupes particuliers et vulnérables, tels que les enfants, les personnes plus âgées, les réfugiés et les migrants, les personnes LGBTQI+ ainsi que les groupes défavorisés sur le plan socio-économique. |
1.1.8. |
Prévoir une coopération globale, interétatique et intersectorielle dans le domaine de la santé mentale, intégrer les capacités multipartites et garantir la participation inclusive à la mise en œuvre des initiatives. Cette coopération devrait impliquer une coordination et un échange d’informations, d’expériences et de bonnes pratiques, stimuler la recherche scientifique et l’innovation, viser les bienfaits sanitaires et sociaux et la numérisation des processus, et promouvoir le travail au sein de réseaux ou de plateformes de partenaires sociaux, chercheurs et scientifiques, professionnels de la santé, travailleurs sociaux, organisations de patients et services sociaux. |
1.1.9. |
Le lieu de travail est considéré comme un «berceau nourricier» en matière de santé mentale et de soutien. Il convient dès lors de promouvoir, notamment grâce à un financement suffisant, les initiatives communes et actions conjointes des partenaires sociaux visant à améliorer en permanence les conditions de travail. Il y a lieu d’évaluer et d’éliminer les risques psychosociaux sur le lieu de travail, et de mettre tout en œuvre pour prévenir la violence et le harcèlement moral (3). |
1.2. |
Eu égard à l’importance croissante de la santé mentale, et afin d’envoyer un signal fort quant à la nécessité de constituer une alliance solide pour améliorer et promouvoir la santé mentale, le CESE invite la Commission européenne à proclamer l’année 2024 «Année européenne de la santé mentale». |
1.3. |
Il existe un lien direct entre les violations des droits de l’homme et les maladies mentales, étant donné que les personnes souffrant de troubles mentaux, de déficience intellectuelle et de toxicomanie sont souvent victimes de mauvais traitements, de non-respect de leurs droits et de discriminations dans les structures de soins. Dans de nombreux pays, la qualité des soins, tant hospitaliers qu’ambulatoires, est médiocre, voire préjudiciable, et elle peut nuire activement au rétablissement (4). Il convient de contrôler le respect, par les services de soins de santé sociale et mentale existants, des normes fixées dans la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, ainsi que de développer des pratiques axées sur les droits et d’investir dans des services et de l’accompagnement qui appliquent le principe du consentement libre et éclairé de la personne et ne recourent ni à la contrainte ni au traitement forcé. Il est essentiel d’adopter des lignes directrices et des protocoles, et de former les travailleurs du secteur de la santé et des services sociaux aux approches fondées sur les droits. |
2. Contexte
2.1. |
La santé mentale est une préoccupation croissante dans toute l’Union européenne; elle est au cœur du bien-être et du mode de vie européen, et son coût représente chaque année 4 % du PIB de l’Union. Le Comité économique et social européen (CESE) a donc décidé de consacrer un avis d’initiative à cette problématique. Dans son discours sur l’état de l’Union de septembre 2022, Ursula von der Leyen, en sa qualité de présidente, a annoncé l’intention de la Commission de présenter en 2023 une nouvelle approche globale de la santé mentale (qui figure dans son programme de travail pour 2023). La conférence sur l’avenir de l’Europe a également souligné dans ses conclusions l’importance grandissante de la santé mentale et a réclamé — à la suite d’une demande spéciale des jeunes — que des initiatives soient prises en vue d’améliorer la compréhension des questions de santé mentale et des moyens de les traiter. Le rapport révisé CultureForHealth, publié en décembre 2022 (5), demande également à la Commission de faire de la santé mentale l’une de ses priorités stratégiques. |
2.2. |
À la demande de citoyens européens, le Parlement européen (6) et le Conseil ont eux aussi plaidé pour l’adoption d’un plan d’action en la matière. Récemment, la future présidence espagnole a présenté au CESE une demande d’avis exploratoire sur le sujet, qui a été fusionnée avec la proposition initiale d’avis d’initiative. |
3. Déterminants de la santé mentale
3.1. |
Les principaux déterminants de la santé mentale sont l’environnement (micro et macro), les facteurs sociopsychologiques individuels et les facteurs culturels et environnementaux, par exemple: la situation familiale, le genre, l’absence de relations solidaires, un faible niveau d’éducation, la faiblesse du revenu ou du statut socio-économique, des problèmes professionnels, des conditions de travail mauvaises ou précaires, le chômage, les difficultés financières, un sentiment de stigmatisation et de discrimination, une mauvaise santé somatique, la solitude, le manque d’estime de soi, des conditions de vie dégradées, le vieillissement, des expériences de vie négatives, etc. Les vulnérabilités et l’incertitude face à l’avenir, conjuguées aux changements des systèmes de valeurs et à l’adhésion des nouvelles générations à ces valeurs, peuvent aggraver encore les risques de troubles mentaux. L’évaluation des risques psychosociaux individuels revêt une importance capitale dans le monde du travail — en particulier lorsqu’il s’agit de fonctions à haute responsabilité, d’un environnement incertain, précaire ou dangereux, ou de travail atypique. Les caractéristiques individuelles, telles que la tolérance au stress ou les maladies chroniques, doivent également être prises en considération. |
3.2. |
À l’échelle de la population, les facteurs de risque sont associés notamment à des traumatismes de l’enfance, à la pauvreté, à la mauvaise gouvernance, à la discrimination, aux violations des droits de l’homme, au faible niveau d’éducation, au chômage, à des soins de santé médiocres, au manque de logements et de services sociaux et sanitaires adéquats, à la qualité des politiques de protection sociale, à l’absence de perspectives, etc. Il existe une corrélation entre la pauvreté et les problèmes de santé mentale, qui alimente un cercle vicieux: la maladie mentale entraîne la pauvreté, qui est elle-même un facteur de risque de mauvaise santé mentale. |
3.3. |
Les facteurs environnementaux ont également une incidence sur la santé mentale. Leur influence est toujours complexe et dépend du contexte ou des circonstances qui entourent l’apparition des troubles mentaux. Bon nombre d’entre eux se rapportent au climat et aux phénomènes et catastrophes naturels tels que les ouragans ou les tremblements de terre. D’autres sont liés à la disponibilité et à la qualité de l’eau potable, à la disponibilité de systèmes d’évacuation des eaux usées, au degré d’urbanisation, etc. |
3.4. |
Les déterminants de la santé mentale touchent différents groupes de personnes à des degrés divers. D’ordinaire, plus le groupe est vulnérable, plus il subit l’influence de ces facteurs. Les jeunes et les personnes âgées isolées, celles et ceux qui se sentent seuls ou qui souffrent de pathologies préexistantes, de déficience intellectuelle ou de troubles de la mobilité, ainsi que les migrants, font partie des groupes vulnérables. |
3.5. |
Toute forme de dépendance, qu’elle soit liée à une substance ou qu’il s’agisse d’une addiction comportementale, met en péril la bonne santé mentale. Outre l’alcool, le tabac et la drogue, certains médicaments peuvent aussi provoquer des addictions, y compris ceux prescrits pour soulager les troubles de santé mentale. Il importe dès lors de veiller à ce que toute personne qui en éprouve le besoin ait rapidement accès à des psychiatres et des psychothérapeutes professionnels pouvant l’aider à traiter ces problèmes en profondeur. Une médication peut constituer une solution temporaire parallèlement à un soutien professionnel. Les addictions comportementales méritent une attention spéciale, notamment celles liées à un usage excessif des appareils numériques [«nomophobie» (7)], car elles touchent particulièrement les enfants et les adolescents. Les algorithmes utilisés pour personnaliser des contenus sur les réseaux sociaux sont aussi susceptibles d’entraîner une aggravation des troubles mentaux en continuant à suggérer des contenus qui sont à l’origine de problèmes de santé mentale, le plus souvent de l’anxiété et de la dépression. En ce qui concerne les thérapies psychédéliques, qui apparaissent comme un nouveau type de traitement révolutionnaire pour des maladies telles que la dépression sévère, le trouble de stress post-traumatique ou les troubles liés à la consommation d’alcool, des recherches supplémentaires doivent être menées dans un cadre thérapeutique contrôlé. Le CESE reconnaît le potentiel de ces traitements et demande que des fonds soient consacrés à la promotion de la recherche et du développement en la matière et, à terme, à leur commercialisation. |
3.6. |
L’indice Headway relatif à la santé mentale (Headway Mental Health Index) (8) fait état de diverses incidences, dont une mortalité accrue, des comportements impulsifs et agressifs ou encore l’augmentation des taux de suicide. Il révèle aussi que des facteurs jusqu’ici peu abordés, tels qu’une hausse de la température mensuelle moyenne d’un degré, entraînent une augmentation des visites aux services d’urgence en santé mentale (+0,48 %) et des suicides (+0,35 %). |
3.6.1. |
L’indice montre qu’environ 22,1 % des personnes vivant dans les zones de conflit souffrent de troubles mentaux (13 % d’entre elles présentent des formes légères de dépression, d’anxiété et de troubles de stress post-traumatique, 4 % des formes modérées, et 5,1 % sont atteints de dépression et d’anxiété sévères, de schizophrénie ou de troubles bipolaires). Approximativement une personne sur cinq continue de souffrir d’une maladie mentale après un conflit. |
3.6.2. |
Alors que l’on dénombre 27 conflits (9) dans le monde et quelque 68,6 millions de déplacés (10), il est essentiel et prioritaire de répondre aux besoins de santé mentale des personnes touchées par des conflits et des migrations, ce qui requiert un suivi médical accru pendant au moins trois ans après l’événement. |
3.6.3. |
L’indice décrit en outre quels sont les principaux moyens pour les systèmes de santé d’améliorer ou de maintenir les résultats de santé mentale à l’avenir. Les chiffres révèlent un écart important en ce qui concerne les stratégies, les politiques et la législation en matière de santé mentale, et les dépenses dans les soins de santé présentent de fortes différences d’un État membre à l’autre (par exemple, 14,5 % en France contre 1 % au Luxembourg) (11). En revanche, des progrès notables ont été réalisés s’agissant des centres ambulatoires de santé mentale, dont le nombre est passé de 3,9 à 9,1 pour un million d’habitants, ce qu’il convient d’apprécier positivement. |
4. L’effet des multiples crises récentes sur la santé mentale
4.1. |
Avant la COVID-19, il ressortait des données disponibles que plus de 84 millions de personnes dans l’UE (soit une sur six) souffraient d’une pathologie mentale, et leur nombre a certainement augmenté depuis (12). Environ 5 % des personnes en âge de travailler ont des besoins élevés en raison d’un trouble de santé mentale, et 15 % d’entre elles ont des besoins modérés, qui réduisent leurs perspectives d’emploi, leur productivité et leurs revenus. Les troubles de la santé mentale et du comportement sont à l’origine de quelque 4 % des décès chaque année en Europe et représentent la deuxième cause de décès chez les jeunes. |
4.2. |
De manière générale, la santé mentale s’est encore détériorée depuis le début de la pandémie de COVID-19, et plus particulièrement chez les jeunes, les personnes âgées, celles et ceux qui ont perdu un proche en raison de la maladie, ainsi que dans d’autres groupes vulnérables. L’isolement social et le stress sociétal ont une incidence négative sur la santé mentale et le bien-être des personnes. Celles et ceux qui présentent des problèmes de santé sous-jacents sont exposés à un risque de détérioration de leur santé physique et mentale. Alors que la demande de services de santé mentale a augmenté dans le contexte de la pandémie, l’accès aux soins a été fortement perturbé, du moins dans un premier temps. La demande croissante de soins de santé mentale révèle l’importance grandissante de la télémédecine et des solutions numériques dans la prévention, le diagnostic, le traitement et la surveillance des problèmes de santé mentale. |
4.3. |
Parmi les événements stressants induits par la pandémie de COVID-19, citons le risque d’infection et de transmission du virus à d’autres personnes, la crainte de conséquences à long terme (y compris économiques) de la pandémie, l’interprétation erronée de symptômes d’autres maladies (notamment respiratoires) comme étant des symptômes de la COVID-19, la fermeture des écoles et des jardins d’enfants qui a accru le stress des parents et des personnes s’occupant des enfants, les sentiments de colère et de mécontentement envers le gouvernement et le personnel médical, ou encore la méfiance à l’égard des informations fournies par les pouvoirs publics et d’autres organismes officiels. |
4.4. |
En outre, les professionnels de santé de première ligne (notamment les médecins, le personnel infirmier et ambulancier, les techniciens et techniciennes de laboratoire et le personnel paramédical) ont été exposés à des facteurs de stress supplémentaires pendant la pandémie, par exemple la stigmatisation en raison de leur activité avec des patients à risque, des équipements de protection individuelle insuffisants et le manque de matériel pour traiter les patients gravement atteints, la nécessité de vigilance constante, l’augmentation du nombre d’heures de travail et du nombre de patients, la nécessité de perfectionnement et de formation professionnels permanents, les protocoles changeants pour le diagnostic et le traitement des patients atteints de COVID-19, l’érosion du soutien social, une capacité personnelle insuffisante à prendre soin de soi, le manque d’informations médicales sur les effets à long terme de l’infection ou encore la crainte de contaminer sa famille et ses proches. |
4.5. |
Récemment, l’agression russe contre l’Ukraine et ses conséquences sur les moyens de subsistance, ainsi que l’incertitude quant à l’avenir, ont suscité de nouveaux chocs qui s’accompagnent d’effets à long terme sur la santé mentale. Les ressortissants de pays tiers, notamment ceux qui fuient l’Ukraine, sont susceptibles de souffrir de problèmes particuliers de santé mentale en raison d’expériences traumatisantes vécues dans leur pays d’origine ou lors de leur exode vers l’UE. Dans le même temps, la guerre a des répercussions et pèse sur la population européenne d’un point de vue socio-économique, ce qui entraîne des risques supplémentaires à long terme pour la santé mentale dans toute l’Union. |
5. Groupes vulnérables
5.1. |
Enfants et adolescents. Les interventions visant à promouvoir la santé mentale des jeunes enfants devraient faire partie intégrante des soins de santé généraux à destination des enfants ainsi que de leurs parents ou des autres adultes qui s’occupent d’eux. Elles commencent dès la grossesse et prennent ensuite la forme d’une aide à la parentalité responsable et de conseils en matière de développement de la petite enfance. Les systèmes éducatifs devraient notamment mettre l’accent sur l’information et la sensibilisation, ainsi que sur la prévention et le dépistage de la violence, physique et en ligne, et de l’alcoolisme, du tabagisme et de la toxicomanie. L’utilisation des médias sociaux, lorsqu’elle est excessive, menace la santé mentale, mais ceux-ci offrent également des possibilités en matière de traitement des maladies mentales. Les effets du stress scolaire et de la recherche de la performance scolaire peuvent également exercer une pression sur la santé mentale. |
5.1.1. |
Il conviendrait de mettre en place dans les écoles des programmes visant à promouvoir le bien-être psychique, et de faire progresser l’autodidaxie en matière de santé mentale. Des voies d’accès efficaces aux services de santé devraient être développées afin d’aider les enfants, dès leur plus jeune âge, à reconnaître leurs sentiments et ceux des autres, et à gérer les émotions et les situations difficiles en choisissant les bonnes stratégies d’adaptation. Il est impératif de créer des plateformes en ligne pour la promotion de la santé mentale dans les établissements d’enseignement ainsi que des sites web interactifs pour les jeunes, adaptés à leur âge. |
5.1.2. |
La protection de la santé mentale des enfants requiert non seulement des mesures médicales pour garantir l’absence de symptômes cliniques, mais aussi des efforts ciblés pour favoriser une bonne qualité de vie et une pleine adaptation sociale. Une approche collaborative (associant les secteurs de l’éducation, des soins de santé et des services sociaux) est nécessaire au sein des établissements scolaires afin de promouvoir la santé mentale, de traiter les traumatismes et de prévenir les problèmes de santé mentale, l’usage et l’abus de drogue, le suicide, la violence des jeunes et les diverses formes de harcèlement, et d’y remédier. |
5.2. |
Personnes âgées. L’augmentation constante de l’espérance de vie moyenne dans les États membres met en lumière la question de la vieillesse. Le vieillissement peut souvent entraîner des changements de vie (y compris d’ordre psychosensoriel) et l’apparition de besoins en matière de santé mentale. Les atteintes des systèmes psychomoteur et sensoriel et la perte progressive de l’acuité de perception, ainsi que les difficultés d’adaptation à l’évolution de l’environnement sont des sources d’anxiété et de dépression. Des troubles neurologiques impliquant le cortex, ainsi que la combinaison de modifications cérébrales liées à l’âge et de facteurs tels que la génétique, l’environnement et le mode de vie peuvent aussi avoir une incidence. Alors qu’apparaît une nécessité croissante de renforcer les compétences des personnes âgées pour leur permettre d’utiliser des appareils domestiques de plus en plus complexes, la capacité d’apprentissage et d’acquisition de nouvelles compétences diminue avec l’âge, ce qui peut entraîner un stress dans la vie quotidienne. En outre, certains changements de vie, certaines difficultés ou épreuves, ainsi que l’isolement, exercent aussi une pression sur la santé mentale des personnes âgées. Pour y remédier, il convient d’élaborer des normes pour des soins structurés allant au-delà du niveau institutionnel et répondant aux besoins des personnes âgées. La mise en place au niveau local de programmes de soins centrés sur la personne est essentielle de manière à ne pas limiter les services aux seules institutions telles que les maisons de repos ou les établissements de soins palliatifs. Il convient en outre de fournir des efforts supplémentaires pour rechercher activement les personnes dans le besoin, surtout en cas de crise ou après un événement traumatisant. |
5.3. |
Perspective de genre. Les déséquilibres entre les hommes et les femmes en matière de santé mentale posent également problème. L’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (EIGE) a relevé, dans son indice d’égalité de genre 2022 (13), que les femmes ont déclaré des niveaux de bien-être inférieurs à ceux des hommes au cours de chacune des trois vagues de la pandémie. La violence domestique a également augmenté de manière significative pendant la pandémie, un phénomène baptisé «pandémie de l’ombre». En outre, les femmes sont deux fois plus susceptibles que les hommes de souffrir de COVID longue associée à des troubles neurologiques et de niveaux plus élevés de dépression et d’anxiété (14). La stratégie européenne en matière de soins (15) se penche aussi sur les besoins liés à l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, en particulier en ce qui concerne les femmes (16). |
5.3.1. |
Afin de garantir l’intégration de la dimension de genre dans toutes les politiques de santé mentale menées au niveau de l’UE et des États membres, celles-ci devraient faire l’objet d’une évaluation d’impact selon le sexe. S’il existe des différences biologiques entre les hommes et les femmes, les facteurs psychologiques et sociaux jouent également un rôle important. Bien que les différences de prévalence soient relativement bien documentées, ce n’est pas le cas de leur incidence sur la prévention, les risques, les diagnostics et les traitements. Il convient dès lors d’approfondir les recherches en la matière. Un exemple frappant est la tendance à la détérioration de la santé mentale des adolescentes, qui apparaît beaucoup plus marquée que chez les garçons, les filles étant aujourd’hui exposées à des pressions trois fois plus fortes qu’il y a vingt ans. |
5.3.2. |
Il est urgent de prévoir du soutien et des traitements adaptés au genre en matière de santé mentale. À de nombreux moments de sa vie, une femme est susceptible d’être confrontée à des problèmes de santé mentale, en raison, par exemple, du trouble dysphorique prémenstruel (TDPM), des effets psychiques, physiques, psychiatriques et pharmacocinétiques des médicaments contre la ménopause ou des contraceptifs oraux, de l’absence de médicaments pour les femmes enceintes et allaitantes, et du défaut de diagnostics et de soins psychologiques et de santé personnalisées après des violences domestiques et/ou sexuelles, un mariage précoce et l’exposition (précoce) à de la pornographie (violente) ou à l’exploitation sexuelle. Tous ces facteurs peuvent entraîner une détérioration de la santé mentale et du bien-être. |
5.4. |
Personnes souffrant d’addictions. Il y a lieu d’accorder une attention toute particulière aux maladies mentales liées à la consommation abusive d’alcool et de drogues illicites. La consommation d’alcool présente un risque particulièrement important en raison de son usage répandu. Le prélude à l’alcoolisme est la consommation excessive et nocive d’alcool sous prétexte de son effet relaxant, qui aboutit souvent à l’addiction. Malheureusement, l’enquête ESPAD de l’UE montre que cette consommation risquée d’alcool s’observe aussi chez la jeune génération. La consommation d’autres drogues illicites est également devenue un grave problème de santé publique au cours des dernières décennies, et présente un aspect générationnel particulièrement marqué. |
5.5. |
Personnes souffrant d’un handicap intellectuel ou psychosocial. Les personnes ayant des besoins élevés en matière de soins de santé mentale doivent pouvoir bénéficier d’une chaîne de services de santé mentale de proximité, accessibles et de bonne qualité, centrés sur la personne et fondés sur les droits. Pendant la pandémie de COVID-19, les personnes handicapées vivant en institution ont été coupées du reste de la société; des rapports ont fait état de surmédication, de sédation ou d’enfermement des résidents, ainsi que d’actes d’automutilation (17). Des taux de mortalité plus élevés ont aussi été enregistrés parmi les personnes souffrant de déficience intellectuelle, qui sont de surcroît moins susceptibles de bénéficier de soins intensifs (18). La fourniture de soins et de soutien individualisés et centrés sur la personne en situation de crise est beaucoup plus difficile dans les institutions de grande taille, ce qui accroît considérablement le risque d’inégalités en matière de soins et de traitement pour les personnes porteuses d’un handicap intellectuel ou psychosocial (19). Par conséquent, il y a lieu d’abolir les pratiques de ségrégation et de placer la désinstitutionnalisation au cœur des politiques sociales pour permettre aux personnes handicapées d’exercer leur droit à vivre dans la société. |
5.6. Exposition excessive au stress, par exemple en cas de pandémie, de catastrophes naturelles, de conflits
5.6.1. |
La pandémie de COVID-19 et le syndrome de la COVID longue qui en a découlé ont exacerbé de nombreux facteurs de risque affectant les personnes, ce qui a entraîné une mauvaise santé mentale, affaibli de nombreux mécanismes de protection, et abouti à une prévalence sans précédent de l’anxiété et de la dépression. Dans certains États membres, cette prévalence a doublé (20). La santé mentale n’a jamais été aussi mauvaise que lors des phases les plus critiques de la pandémie, les symptômes de dépression étant généralement les plus aigus sous l’effet des mesures de confinement strictes. |
5.6.2. |
La pandémie de COVID-19 a révélé les possibilités d’interaction positive entre des conditions de travail sûres et saines et la santé publique (21). Elle a aussi démontré que certaines professions étaient exposées à des facteurs psychosociaux susceptibles d’accroître l’exposition au stress (22) et d’avoir des effets négatifs. Ainsi, l’épuisement professionnel (burn-out) des travailleurs et les changements démographiques risquent d’entraîner une contraction permanente de la main-d’œuvre européenne (23). Certaines professions sont plus exposées que d’autres à la précarité (24) et au risque de harcèlement physique, par exemple les travailleurs des secteurs de la santé et de l’éducation (14,6 %), des transports et de la communication (9,8 %), de l’hôtellerie (9,3 %) et du commerce de détail (9,2 %). Des cas d’attention sexuelle non désirée sont aussi signalés dans les secteurs de l’hôtellerie (3,9 %), de la santé et de l’éducation (2,7 %) et des transports et de la communication (2,6 %) (25). De tels événements stressants peuvent provoquer des troubles mentaux et des maladies mentales et doivent être évités. |
5.6.3. |
Personnes ayant été confrontées à l’environnement dangereux des catastrophes naturelles incontrôlables telles que les tremblements de terre, les ouragans, les incendies et les inondations, personnes victimes de la traite des êtres humains ou en demande de protection internationale. Plusieurs types de réactions (26) sont observées après un traumatisme potentiel:
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6. Exemples de bonnes pratiques
6.1. |
Pendant la pandémie, plusieurs États membres ont pris des mesures pour améliorer le soutien à la santé mentale. Bon nombre d’entre eux ont mis en place de nouvelles lignes téléphoniques d’information et/ou d’assistance pour donner des conseils sur les mesures d’adaptation à prendre pendant la crise de la COVID-19; beaucoup de pays ont également intensifié leurs efforts de prévention et de promotion, amélioré l’accès aux services de santé mentale et augmenté leur financement (27). Citons, à titre d’exemple:
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6.2. |
D’autres États membres ont aussi mis en place des stratégies nationales pour répondre aux enjeux de la santé mentale. Ainsi, l’Espagne a consacré un chapitre entier de sa stratégie nationale 2022-2026 aux problèmes de santé mentale à la suite de la pandémie de COVID-19, et proposé un ensemble de lignes directrices sur la manière de les aborder pendant et après la crise. En Lituanie, en 2020, un plan d’action en réaction à la COVID-19 a été élaboré pour renforcer les soins de santé mentale et atténuer les conséquences négatives potentielles de la pandémie (29). Le plan d’action lituanien définit également une série de mesures pour développer et adapter les services existants, en introduisant de nouveaux services tels que les équipes locales de soutien psychologique de crise, la disponibilité de conseils psychologiques accessibles à tous au niveau municipal et des services de promotion de la santé mentale plus accessibles. |
6.3. |
La psychothérapie, l’aide psychologique, les différentes thérapies fondées sur la parole et les thérapies de groupe sont des traitements reposant sur des données probantes, qui doivent être développés de manière à être abordables, accessibles et disponibles pour les personnes qui en ont besoin afin de contrebalancer les méthodes de traitement traditionnelles plus répandues. |
6.4. |
Nul ne sait encore quels seront les effets à moyen et long termes de la pandémie sur les besoins en services de santé mentale. Certains éléments indiquent que la santé mentale et le bien-être se sont améliorés au cours des premiers mois de 2022, mais les signes de mauvaise santé mentale restent élevés. Les données nationales limitées disponibles montrent des symptômes plus fréquents de dépression et d’anxiété chez les adultes qu’avant la pandémie (30). |
Bruxelles, le 13 juillet 2023.
Le président du Comité économique et social européen
Oliver RÖPKE
(1) Winslow (1923) a défini la promotion de la santé comme étant une action coordonnée de la société en vue d’éduquer les populations aux questions de santé personnelle et de mettre en place un système social assurant à chacun un niveau de vie adéquat pour entretenir et améliorer sa santé.
(2) COM(2023) 298 final.
(3) Certains éléments spécifiques en rapport avec le travail précaire et la santé mentale sont abordés en détail dans l’avis du Comité économique et social européen sur le thème «Travail précaire et santé mentale» (JO C 228 du 29.6.2023, p. 28).
(4) Programme de l’OMS pour l’évaluation de la qualité et du respect des droits — Évaluer et améliorer la qualité et les droits de l’homme dans des structures de santé mentale et de soins sociaux. Genève, Organisation mondiale de la santé, octobre 2012.
(5) https://www.cultureforhealth.eu/knowledge/.
(6) Résolution du Parlement européen du 10 juillet 2020 sur la stratégie de santé publique de l’Union européenne après la COVID-19 [2020/2691(RSP)] (JO C 371 du 15.9.2021, p. 102), https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-9-2020-0205_FR.html
(7) Peur de ne plus avoir accès à un téléphone portable ou à un autre appareil, également liée à l’addiction aux médias sociaux et à l’internet.
(8) https://eventi.ambrosetti.eu/headway/wp-content/uploads/sites/225/2022/09/220927_Headway_Mental-Health-Index-2.0_Report-1.pdf.
(9) https://eventi.ambrosetti.eu/headway/wp-content/uploads/sites/225/2022/09/220927_Headway_Mental-Health-Index-2.0_Report-1.pdf, p. 60.
(10) Données des Nations unies.
(11) https://www.angelinipharma.com/media/press-releases/new-headway-report-highlights-environmental-determinants-of-mental-health/.
(12) https://health.ec.europa.eu/system/files/2022-12/2022_healthatglance_rep_en_0.pdf.
(13) Le rapport (en anglais) peut être consulté à l’adresse https://eige.europa.eu/sites/default/files/documents/gender_equality_index_2022_corr.pdf. Voir également https://eige.europa.eu/publications/gender-equality-index-2021-report/women-report-poorer-mental-well-being-men.
(14) https://timesofindia.indiatimes.com/life-style/health-fitness/health-news/females-twice-more-likely-to-suffer-from-long-covid-who-releases-alarming-data-on-sufferers-and-symptoms/photostory/94194227.cms?picid=94194317.
(15) https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_22_5169.
(16) https://ec.europa.eu/social/main.jsp?langId=fr&catId=89&furtherNews=yes&newsId=10382#navItem-relatedDocuments.
(17) Brennan, C.S., Disability Rights During the Pandemic: A Global Report on Findings of the COVID-19, Disability Rights Monitor. 2020, COVID-19 Disability Rights Monitor.
(18) https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/disability-and-health.
(19) https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/333964/WHO-EURO-2020-40745-54930-eng.pdf.
(20) Health at a Glance: Europe 2022, © OCDE/Union européenne, 2022.
(21) https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX%3A52021DC0323.
(22) https://osha.europa.eu/fr/themes/health-and-social-care-sector-osh.
(23) Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Stratégie relative au personnel et aux soins de santé pour l’avenir de l’Europe» (avis d’initiative) (JO C 486 du 21.12.2022, p. 37).
(24) Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Travail précaire et santé mentale» (avis exploratoire à la demande de la présidence espagnole) (JO C 228 du 29.6.2023, p. 28).
(25) https://osha.europa.eu/fr/themes/health-and-social-care-sector-osh.
(26) Flore Gil Bernal, Université ibéro-américaine du Mexique, www.fearof.net.
(27) Office for National Statistics (2021), Coronavirus and depression in adults, Grande-Bretagne: de juillet à août 2021.
(28) Long Covid Syndrome — https://www.oeb.org.cy/egcheiridia-long-covid-cyprus.
(29) Wijker, Sillitti and Hewlett (2022), The provision of community-based mental health care in Lituania, https://doi.org/10.1787/18de24d5-en.
(30) Sciensano, 2022; Santé publique France, 2022.
29.9.2023 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 349/108 |
Avis du Comité économique et social européen sur les mesures visant à réduire l’obésité infantile
(avis exploratoire à la demande de la présidence espagnole)
(2023/C 349/17)
Rapporteur: |
Josep PUXEU ROCAMORA |
Corapporteure: |
Isabel CAÑO AGUILAR |
Consultation |
Lettre de la présidence espagnole du Conseil, 8.12.2022 |
Base juridique |
Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
Compétence |
Section «Agriculture, développement rural et environnement» |
Adoption en section |
1.6.2023 |
Adoption en session plénière |
13.7.2023 |
Session plénière no |
580 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
197/0/0 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
La santé est un droit fondamental. En ce qui concerne plus particulièrement les enfants, la convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant leur reconnaît en outre le droit à grandir heureux et en bonne santé, de manière à pouvoir réaliser leur plein potentiel. |
1.2. |
Le surpoids et l’obésité infantiles restent, à l’heure actuelle, l’un des principaux problèmes de santé publique auxquels les États membres de l’Union sont confrontés, aux sources duquel convergent de multiples facteurs, d’ordre environnemental, social et économique. L’obésité infantile est associée à des problèmes de santé physique, mentale et sociale, de l’enfance à l’âge adulte. |
1.3. |
Le CESE pointe du doigt la nécessité de réduire les inégalités socio-économiques observées chez les enfants, car elles sont directement corrélées à l’excès de poids dans cette population, avec un taux d’obésité qui peut parfois doubler chez les enfants et les adolescents issus des foyers modestes. |
1.4. |
Le CESE constate la disparité des critères qui sont retenus, dans les différents États membres, pour traiter la question de l’obésité infantile (en ce qui concerne divers aspects, tels que la communication, les labels nutritionnels, la promotion de l’exercice physique et de régimes alimentaires durables, mais aussi la prise en compte d’enjeux plus actuels, comme une utilisation saine des écrans ou la promotion de la santé psychologique et émotionnelle), et il demande à la Commission et au Parlement européen de faire preuve de plus d’initiative dans ce domaine et d’avancer dans le sens d’une normalisation accrue et d’un cadre plus efficace. |
1.5. |
Le CESE constate avec inquiétude que les restrictions encadrant, au niveau national, la promotion et la publicité pour les produits alimentaires et boissons non alcoolisées qui ciblent les enfants sont pour la plupart d’entre elles trop laxistes, et que les démarches volontaires existantes ne sont pas suffisantes pour protéger enfants et adolescents. Il estime que l’on pourrait se baser sur le modèle de profil nutritionnel de l’OMS afin de limiter la publicité pour les produits riches en sucres, en graisses ou en sel, et qu’il est important d’apprendre des bonnes mesures et pratiques déployées par des pays où différentes politiques se sont avérées efficaces, y compris par la voie réglementaire, pour limiter l’exposition des enfants aux communications commerciales audiovisuelles relatives à des denrées alimentaires et des boissons qui présentent une forte teneur en sel, en sucres, en matières grasses, en graisses saturées ou en acides gras trans, toujours dans le respect des dispositions relatives aux horaires d’écoute des enfants et en veillant à ce que toute publicité soit conforme au principe de véracité. Il est utile de rappeler que l’OMS est favorable à ce que des restrictions s’appliquent aux publicités pour des produits alimentaires qui, sous quelque forme que ce soit, ciblent les enfants. |
1.6. |
Le CESE préconise en outre le renouvellement du plan d’action de l’Union européenne relatif à l’obésité infantile pour la période 2014-2020, à la lumière des propositions formulées dans le présent avis. |
1.7. |
Pour atteindre ces objectifs, le CESE tient pour indispensable, entre autres mesures, que les institutions fassent progresser la consommation des produits considérés comme des composantes essentielles d’une alimentation saine et durable, à savoir les fruits et légumes frais, de saison et produits localement, les légumineuses, les céréales complètes et des protéines animales telles que le poisson, par exemple en mettant l’accent sur des politiques visant à promouvoir les produits agricoles de l’Union, en développant des marchés publics qui mettent en avant des régimes sains et durables, ou en recourant au levier des incitations fiscales (comme des taux de TVA réduits) pour soutenir l’achat et la consommation de ces aliments. Qui plus est, dans un contexte inflationniste qui fait grimper les prix, ces différentes mesures pourraient contribuer à faciliter l’accès à une alimentation nourrissante et de qualité pour un nombre bien plus grand de ménages, et en premier lieu les plus défavorisés. Le CESE recommande aussi de poursuivre les démarches de reformulation et d’amélioration de la composition des aliments et boissons commercialisés en Europe. |
1.8. |
Le CESE demande que des outils simples soient mis à la disposition des familles afin de porter à leur connaissance les informations nécessaires pour comprendre l’origine multifactorielle de l’obésité infantile et ses conséquences pour la santé durant l’enfance et à l’âge adulte. De la même manière, le CESE juge indispensable que la société dans son ensemble agisse dans le sens d’une utilisation saine des technologies de la relation, de l’information et de la communication (TRIC) et des recommandations qui existent déjà en la matière. L’usage excessif des écrans entraîne la sédentarité et une exposition accrue à la publicité pour des aliments et boissons riches en sucres, en graisses ou en sel, et présente des risques pour la santé mentale des enfants et des adolescents. |
1.9. |
Le CESE défend l’idée que le milieu scolaire doit être un pôle de promotion de l’activité physique, d’une alimentation saine et d’une bonne santé psychologique et émotionnelle. Les établissements d’enseignement sont des espaces propices pour promouvoir des modes de vie sains et une approche positive de l’obésité infantile, sans susciter ni stigmatisation sociale ni rejet de certaines morphologies. Le CESE estime par conséquent que l’une des mesures à prendre consiste à revoir les programmes d’études actuels, pour y augmenter le temps consacré à l’activité physique, ainsi que d’investir dans l’éducation à l’alimentation et à la gastronomie. Les cantines scolaires sont un vecteur clé pour la promotion d’habitudes alimentaires saines auprès des enfants et des adolescents, et il apparaît dès lors très important d’en favoriser la disponibilité à tous les niveaux d’enseignement et de veiller à ce que les menus proposés soient sains, équilibrés et de bonne qualité. Le CESE rappelle également que l’on pourrait s’employer avec plus de vigueur à renforcer la mise en œuvre du programme de l’Union européenne en faveur de la consommation de fruits, de légumes et de lait à l’école, et promouvoir des bourses de cantine à destination des enfants désavantagés. |
1.10. |
Le CESE demande aux États membres de développer et d’améliorer leurs infrastructures et espaces publics de manière à ce qu’ils favorisent et facilitent une mobilité active, notamment à proximité des écoles et sur les trajets qui y mènent. Il juge aussi nécessaire de créer des espaces urbains comportant des terrains de sport, des aires de jeux ainsi que des espaces verts accessibles, sûrs et accueillants pour les enfants et les adolescents. |
1.11. |
Le CESE suggère d’utiliser l’environnement numérique pour promouvoir des modes de vie, des relations et des comportements sains. À cette fin, le Comité réitère la demande qu’il avait déjà formulée pour que soient organisées des campagnes publicitaires visuelles en faveur de régimes et d’aliments plus sains, d’une vie active et d’une utilisation saine des écrans, en s’inspirant des campagnes positives de publicité sociale ciblant les enfants. |
1.12. |
Le CESE rappelle les recommandations qu’il avait formulées dans son évaluation du programme de l’Union en matière d’alimentation dans les écoles (1) ainsi que dans ses avis sur des régimes alimentaires sains et durables et sur la stratégie «De la ferme à la table», et il demande à la Commission d’inclure, dans le prochain cadre pour des systèmes alimentaires durables, des mesures visant à lutter contre l’obésité infantile, en lien par exemple avec l’étiquetage et les marchés publics. |
1.13. |
Le CESE est par ailleurs convaincu, comme il l’a déjà indiqué dans d’autres avis, que les innovations démocratiques que sont par exemple les conseils de la politique alimentaire mais aussi la promotion d’approches participatives contribuent à une mise en avant de la qualité et de la légitimité dans l’élaboration des politiques alimentaires. Le CESE préconise la mise en place, au niveau européen, d’un instrument tel que le Conseil européen de la politique alimentaire. |
1.14. |
En dernière analyse, le CESE est partisan d’aborder l’obésité à travers un prisme global, consistant à envisager une transformation des modes de vie pour les rendre plus sains tout en prenant en compte l’ensemble de ses déterminants sociaux, et il recommande d’engager des stratégies publiques visant à garantir l’accès de tous à une alimentation saine, à l’activité physique et sportive, à un repos suffisant et au bien-être psychologique et émotionnel, sans discrimination aucune. |
2. La santé comme axe central de toutes les politiques
2.1. |
La santé est un droit fondamental (2) et une condition préalable au bon fonctionnement de notre société et de notre économie. En ce qui concerne plus particulièrement les enfants, la convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant leur reconnaît en outre le droit à grandir heureux et en bonne santé, de manière à pouvoir réaliser leur plein potentiel (3). Le CESE souscrit au concept «One health» ou «Une seule santé» mis en avant par la Commission européenne comme une approche intégrée visant à équilibrer et optimiser dans une démarche durable la santé des personnes. |
2.2. |
Il est indispensable de traiter la problématique de l’obésité infantile si l’on veut atteindre les objectifs de développement durable (ODD), notamment l’ODD no 3 qui vise à permettre à tous de vivre en bonne santé et à promouvoir le bien-être de tous à tout âge, et améliorer la santé de tous les européens à l’avenir. La recherche montre que c’est probablement quand elle intervient à certaines phases critiques de l’existence, comme les premières années de vie et l’adolescence, que la prévention de l’obésité procure le plus d’avantages en termes de santé et de réduction des coûts associés, et qu’il s’agit là de la meilleure chance de rompre le cycle de transmission de l’obésité d’une génération à l’autre et de rectifier les inégalités face à l’alimentation. |
2.3. |
À la lumière de ces éléments, le CESE se félicite que la future présidence espagnole de l’Union l’ait saisi d’une demande d’avis exploratoire sur les mesures envisageables pour réduire l’obésité infantile. Cette démarche s’inscrit dans le prolongement de celles engagées par les institutions de l’Union et les gouvernements de ses États membres pour formuler et mettre en œuvre des stratégies visant à endiguer et prévenir l’obésité et le surpoids infantiles:
|
3. L’obésité infantile en Europe: état des lieux
3.1. |
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) (6) décrit l’obésité comme une maladie non transmissible multifactorielle et complexe, définie par un excès d’adiposité susceptible de nuire à la santé. L’obésité est aussi un facteur de risque dans le développement d’autres maladies non transmissibles (MNT), telles que les maladies cardiovasculaires, métaboliques, ostéo-articulaires, ou encore le cancer (7), les troubles de la santé mentale et la baisse de la qualité de vie, autant de facteurs qui réduisent l’espérance de vie et augmentent le risque de décès prématuré. Ces conséquences se traduisent en définitive par une augmentation considérable des dépenses de santé des États, en plus de leurs autres coûts individuels, sociaux et économiques. |
3.2. |
Le surpoids et l’obésité infantiles restent, à l’heure actuelle, l’un des principaux problèmes de santé publique auxquels les États membres de l’Union sont confrontés. D’après le cinquième cycle de l’étude COSI de l’OMS, sur la période considérée (2018-2020) (8), 29 % des enfants âgés de 7 à 9 ans dans les 33 pays participants présentaient un excès de poids (9) et 12 % étaient obèses. Les chiffres ventilés par sexe montrent que ces taux sont plus élevés chez les garçons que chez les filles (31 % contre 28 % dans le cas du surpoids et 14 % contre 10 % dans le cas de l’obésité). |
3.3. |
Le CESE fait observer que la pandémie de COVID-19 a pu exacerber le problème de l’obésité infantile. Des éléments toujours plus nombreux semblent en effet indiquer que la pandémie de COVID-19 a pu aggraver les chiffres de l’obésité chez les enfants, notamment dans les situations de plus grande vulnérabilité (10). |
3.4. |
Le CESE constate la disparité des critères qui sont retenus, dans les différents États membres, pour traiter la question de l’obésité infantile (en ce qui concerne divers aspects, tels que la communication, les labels nutritionnels, la promotion de l’exercice physique et de régimes alimentaires durables, mais aussi la prise en compte d’enjeux plus actuels, comme une utilisation saine des écrans ou la promotion de la santé psychologique et émotionnelle), et il demande à la Commission et au Parlement européen de faire preuve de plus d’initiative dans ce domaine et d’avancer dans le sens d’une normalisation accrue et d’un cadre plus efficace. |
4. Les déterminants de l’obésité infantile
L’apparition de l’obésité ne peut être imputée à une seule cause et résulte au contraire d’une interaction complexe entre divers facteurs (11). Les facteurs qui entrent en jeu sont aussi bien individuels (biologiques/génétiques, physiologiques, liés au mode de vie) qu’environnementaux (influence des différents milieux dans lesquels évolue la personne: famille, école, quartier), mais aussi psychosociaux (niveau d’études ou classe sociale) ou encore économiques (niveau de revenu du foyer (12)).
4.1. |
Les facteurs psychosociaux et les ressources économiques suivent les schémas sociaux et peuvent se traduire par une plus grande vulnérabilité des foyers à bas revenu et par leur plus forte exposition aux influences nocives de l’environnement tout au long de la vie, avec au fil du temps un effet d’accumulation. |
4.2. |
Il existe suffisamment de preuves et de données indiquant que l’exposition, avant la conception et durant la grossesse, à certains facteurs délétères sur le plan de la nutrition et de la charge pondérale influent beaucoup sur la programmation de la composition corporelle durant les premières années de vie, et sur la propension à l’obésité. |
4.3. |
De même, les inégalités socio-économiques observées chez les enfants, qui ont été aggravées par la pandémie, la flambée de l’inflation et la crise économique, sont directement corrélées à l’excès de poids dans cette tranche d’âge, avec un taux d’obésité qui peut parfois doubler chez les enfants issus des foyers modestes, où l’on n’a pas le même mode de vie que dans les ménages plus aisés. |
4.4. |
L’activité physique est une composante fondamentale d’une bonne santé tout au long de la vie. Elle est par ailleurs un déterminant important de la prévention et du traitement de l’obésité infantile ainsi que des facteurs conduisant à l’apparition précoce de risques métaboliques (13), mais aussi un ingrédient fondamental pour développer des capacités cognitives, motrices et sociales élémentaires. Pourtant, 81 % des enfants de 11 à 17 ans n’ont pas une activité physique suffisante (14). Avant la pandémie, seul un adolescent de 15 ans sur sept (14 %) dans la région Europe telle que définie par l’OMS déclarait pratiquer une activité physique modérée à intense au moins une heure par jour (15). De même, en 2014, seuls 25 % des garçons de cet âge, et 15 % des filles, atteignaient les niveaux recommandés d’activité physique (16). |
4.5. |
Les régimes déséquilibrés, caractérisés par une consommation importante d’aliments et de boissons riches en graisses, en sucres ou en sel, sont associés à des niveaux plus élevés d’adiposité et, de manière générale, à un moins bon état de santé. À l’inverse, les habitudes qui se rapprochent de modèles tels que les régimes méditerranéen, atlantique ou nordique, ou tout simplement de régimes où prédominent des aliments frais et d’origine végétale, sont associées à un meilleur état de santé (17) (18). Il ressort du dernier cycle de l’étude COSI (19) que moins de la moitié (43 %) des enfants âgés de 6 à 9 ans dans la région Europe consomment des fruits frais quotidiennement. Ils sont même 7 % à ne jamais consommer de fruits, ou moins d’une fois par semaine. En ce qui concerne la consommation de légumes, seul un tiers (34 %) des enfants de 6 à 9 ans en mangent tous les jours. |
4.6. |
Du point de vue économique et social, le CESE signale aussi que la hausse des prix des matières premières alimentaires que l’on observe au niveau mondial se répercute sur les prix à la consommation dans l’Union, influant ainsi sur les comportements d’achat et les habitudes alimentaires des familles, des enfants et des adolescents en Europe, et en premier lieu des plus vulnérables d’entre eux. |
4.7. |
Il existe un lien étroit entre bien-être émotionnel et obésité, d’une part parce que le bien-être émotionnel est fondamental pour prévenir l’obésité infantile, et d’autre part car l’obésité infantile accroît le risque de souffrir de discrimination, de stigmatisation et de harcèlement à l’école, ce qui a bien sûr une incidence sur le bien-être émotionnel des enfants concernés. |
4.8. |
Il a été mis en évidence qu’une durée d’exposition excessive aux écrans constitue l’un des facteurs déterminants dans l’apparition d’un surpoids/de l’obésité, une corrélation étant observée à cet égard (20) (21); or, bien que les organismes internationaux et les agences publiques recommandent de ne pas passer plus de 120 minutes par jour devant les écrans, les enfants et les adolescents en Europe ne semblent pas se conformer à cette préconisation (22). |
5. Les mesures concrètes à prendre
5.1. |
On doit, pour lutter contre l’obésité infantile, envisager ce phénomène tel qu’il se manifeste tout au long de la vie et s’attaquer de front à ses multiples causes. Le CESE propose pour ce faire d’adopter une approche globale et participative. Réussir à faire baisser les chiffres de l’obésité et du surpoids chez les enfants et les adolescents en Europe nécessite la collaboration et l’engagement de tous les acteurs (23): pouvoirs publics, secteur privé/entreprises, médias, établissements d’enseignement et de santé, familles. On doit en outre construire cette réponse intégrée dans une démarche positive, sans stigmatiser. |
5.2. |
Le CESE préconise le renouvellement du plan d’action de l’Union européenne relatif à l’obésité infantile pour la période 2014-2020, dont les objectifs devraient être les suivants: favoriser une alimentation adéquate, l’activité physique et des environnements scolaires et sociaux sains, garantir une prise en charge médicale, protéger les groupes les plus vulnérables, encourager et promouvoir la responsabilité sociale des entreprises et de la publicité en matière de santé, et encourager un travail en synergie des différentes administrations publiques. Le CESE recommande de mettre en place des mesures afin de favoriser, dans une logique globale et intersectorielle, une transformation des environnements où vivent et grandissent enfants et adolescents afin de les rendre plus sains. |
5.3. |
Le CESE rappelle les recommandations qu’il avait formulées dans son évaluation du programme de l’Union en matière d’alimentation dans les écoles (24) ainsi que dans ses avis sur des régimes alimentaires sains et durables et sur la stratégie «De la ferme à la table», et il demande à la Commission d’inclure, dans le prochain cadre pour des systèmes alimentaires durables, des mesures visant à lutter contre l’obésité infantile, en lien par exemple avec l’étiquetage et les marchés publics. |
5.4. |
Le CESE rappelle aussi l’importance de renforcer la démocratie dans le domaine de l’alimentation et, comme il l’a déjà indiqué dans d’autres avis, il est convaincu que les innovations démocratiques que sont par exemple les conseils de la politique alimentaire mais aussi la promotion d’approches participatives contribuent à une mise en avant de la qualité et de la légitimité dans l’élaboration des politiques alimentaires. Le CESE préconise la mise en place, au niveau européen, d’un instrument tel que le Conseil européen de la politique alimentaire. |
5.5. L’environnement macrosocial
5.5.1. |
Dans cet environnement, le CESE est d’avis qu’il faut faire converger les mesures déployées par tous les acteurs afin de créer un écosystème social propice à un changement culturel, qui contribue à réduire les inégalités et favorise des modes de vie plus sains. |
5.5.2. |
Le CESE demande une fois encore que l’on prenne des mesures afin de renforcer la capacité des systèmes publics à prévenir et prendre en charge les situations de vulnérabilité particulière qui compliquent l’adoption de modes de vie sains. |
5.5.3. |
Le CESE souligne la nécessité de progresser sur le terrain de mesures sociales qui favorisent l’équilibre au sein du foyer et une responsabilité partagée des familles, et qui permettent à ces dernières de pouvoir accéder à des activités bonnes pour la santé et d’y consacrer davantage de temps. |
5.5.4. |
Le CESE recommande d’engager des stratégies publiques visant à garantir l’accès aux infrastructures sportives sans discrimination, et de favoriser une pratique de l’exercice physique dans de bonnes conditions. Il préconise de réduire les écarts constatés entre les sexes et entre les catégories sociales dans la pratique de l’exercice et des activités physiques, en garantissant des espaces ouverts à tous et en encourageant la diversité de l’offre. |
5.5.5. |
Le CESE estime que, dans tous les domaines d’action, les administrations publiques devraient prendre davantage en considération la lutte contre l’obésité dans l’élaboration, l’application et le suivi de leurs réglementations et politiques, en tenant compte des facteurs déterminants qui prédisposent au surpoids et à l’obésité. |
5.5.6. |
Le CESE constate avec inquiétude que les restrictions encadrant, au niveau national, la promotion et la publicité pour les produits alimentaires et boissons non alcoolisées qui ciblent les enfants sont pour la plupart d’entre elles trop laxistes, et que les démarches volontaires existantes ne sont pas suffisantes pour protéger enfants et adolescents. Il estime que l’on pourrait se baser sur le modèle de profil nutritionnel de l’OMS afin de limiter la publicité pour les produits riches en sucres, en graisses ou en sel, et qu’il est important d’apprendre des bonnes mesures et pratiques déployées par des pays où différentes politiques se sont avérées efficaces, y compris par la voie réglementaire, pour limiter l’exposition des enfants aux communications commerciales audiovisuelles relatives à des denrées alimentaires et des boissons qui présentent une forte teneur en sel, en sucres, en matières grasses, en graisses saturées ou en acides gras trans, toujours dans le respect des dispositions relatives aux horaires d’écoute des enfants et en veillant à ce que toute publicité soit conforme au principe de véracité. Il est utile de rappeler que l’OMS est favorable à ce que des restrictions s’appliquent aux publicités pour des produits alimentaires qui, sous quelque forme que ce soit, ciblent les enfants. |
5.5.7. |
Le CESE tient pour indispensable que les institutions fassent progresser la consommation des produits considérés comme des composantes essentielles d’une alimentation saine et durable, à savoir les fruits et légumes frais, de saison et produits localement, les légumineuses, les céréales complètes et des protéines animales telles que le poisson, par exemple en mettant l’accent sur des politiques visant à promouvoir les produits agricoles de l’Union, en développant des marchés publics qui mettent en avant des régimes sains et durables, ou en recourant au levier des incitations fiscales (comme des taux de TVA réduits) pour soutenir l’achat et la consommation de ces aliments. |
5.5.8. |
Le CESE demande également aux États membres et aux exploitants du secteur alimentaire d’encourager les améliorations apportées à la composition des produits, comme mécanisme permettant de favoriser une alimentation plus saine. Faute de pouvoir obtenir une réduction volontaire de certains nutriments critiques, il conviendrait d’envisager des incitations et des mesures supplémentaires de la part des pouvoirs publics, y compris une fiscalité progressive en fonction de la teneur en nutriments concernés. |
5.5.9. |
Le CESE juge nécessaire que, dans le respect de leurs compétences respectives, les administrations publiques assurent la disponibilité d’une eau potable gratuite, en mettant en place des sources, avec une signalisation adéquate, dans les espaces publics, les établissements d’enseignement et les zones consacrées au divertissement, aux loisirs, au sport et au jeu. |
5.5.10. |
Le CESE considère qu’un élément stratégique pour une action coordonnée dans le domaine de la santé doit consister à encourager la recherche sur les causes du surpoids et de l’obésité, ainsi que la compilation et la diffusion des connaissances ainsi obtenues. |
5.5.11. |
Du côté de la demande, le CESE réaffirme que les politiques publiques devraient donner aux consommateurs les moyens de choisir des régimes alimentaires plus sains, et qu’il convient à cet effet de les former et de les informer dans le cadre de campagnes de sensibilisation claires et directes, ou encore de diffuser des conseils nutritionnels à visée pédagogique. |
5.5.12. |
Le CESE défend une approche incluant l’ensemble de la société, et se dit par conséquent favorable à la mise en place d’un instrument tel que le Conseil européen de la politique alimentaire auquel il a déjà fait référence dans plusieurs de ses avis, qui serait chargé de la lutte contre l’obésité infantile. |
5.6. L’environnement familial
5.6.1. |
Conscient que la famille est un vecteur de transmission de connaissances et d’habitudes, et le premier modèle à partir duquel on perçoit la réalité quotidienne et l’on acquiert les premiers schémas comportementaux (25), le CESE demande que soient portées à la connaissance du public des informations exactes et utiles sur l’importance de réduire la sédentarité numérique, sur les habitudes de sommeil favorisant une bonne santé, sur les besoins nutritionnels propres à chaque âge et sur la promotion de l’activité physique. |
5.6.2. |
Concrètement, le CESE considère qu’il faut mettre en place des programmes et des actions de renforcement des capacités et des connaissances pour gérer l’excès de poids chez les mineurs tout en évitant la stigmatisation et les rapports négatifs au corps. De même, le CESE juge indispensable de former les familles à une utilisation saine des TRIC (26), en ce qui concerne notamment le temps d’utilisation et les contenus. |
5.6.3. |
Il serait important aussi d’encourager des mesures telles que la promotion de l’allaitement maternel, d’élaborer des lignes directrices sur l’alimentation complémentaire du nourrisson, d’améliorer les compétences parentales ou encore d’organiser et de démocratiser des cours de cuisine saine et accessible à l’intention des foyers à bas revenus. |
5.7. L’environnement scolaire
5.7.1. |
Les enfants passent une grande partie de leur temps dans le milieu scolaire, pas seulement dans le cadre strictement éducatif, mais aussi pendant leur temps de récréation ou dans le contexte d’activités périscolaires. |
5.7.2. |
Dès lors, il est impératif que l’approche adoptée dans le milieu scolaire vis-à-vis de l’obésité infantile soit positive, et qu’elle ne suscite pas de stigmatisation sociale ni de rejet quant à l’image qui peut être associée à certaines morphologies. Le CESE considère qu’il est fondamental de promouvoir une perception positive du corps, et d’être particulièrement vigilant face à tout comportement discriminatoire ou évoquant l’apparition d’un trouble alimentaire. |
5.7.3. |
De même, le CESE défend l’idée que l’environnement scolaire doit promouvoir l’activité physique et une alimentation saine. Il estime par conséquent que l’une des principales mesures à prendre serait la refonte des programmes d’études actuels, dans lesquels il est nécessaire d’augmenter le temps consacré à l’activité physique, de promouvoir la diversité des activités sportives, ainsi que d’investir dans l’éducation à la nutrition, à l’alimentation et à la gastronomie. |
5.7.4. |
Le CESE considère que les cantines scolaires sont un vecteur clé pour la promotion d’habitudes alimentaires saines auprès des enfants et des adolescents, et il apparaît dès lors très important d’en favoriser la disponibilité à tous les niveaux d’enseignement et de veiller à ce que les menus proposés soient sains, équilibrés et de bonne qualité. |
5.8. Les espaces de loisirs. La conception d’environnements urbains sains
5.8.1. |
Le CESE considère que la conception et l’utilisation de l’environnement physique (y compris l’école, les systèmes de transport, l’environnement résidentiel ou les centres sportifs) doivent servir à ouvrir des possibilités sûres et adéquates pour les loisirs et le jeu actif, ainsi que pour la pratique de l’exercice physique en tant que tel (27). |
5.8.2. |
À la lumière de ce qui précède, le CESE demande aux États membres de développer et d’améliorer leurs infrastructures et espaces publics de manière à ce qu’ils favorisent et encouragent une mobilité active, en y intégrant davantage de zones piétonnes et en y facilitant la circulation à vélo, notamment à proximité des écoles et sur les trajets qui y mènent. Il juge aussi nécessaire de créer des espaces urbains comportant des terrains de sport, des aires de jeux ainsi que des espaces verts accessibles, sûrs et accueillants pour les enfants et les adolescents. |
5.8.3. |
Le CESE juge fondamentale l’extension des espaces verts, des parcs et des aires de jeux pour pouvoir y pratiquer une activité physique, et considère qu’il faut promouvoir l’usage des escaliers plutôt que des ascenseurs ou des escalators dans les espaces de loisirs, et faciliter également l’accès gratuit à l’eau potable. |
5.9. L’environnement numérique et audiovisuel
5.9.1. |
Le CESE rappelle qu’il est important que la directive «Services de médias audiovisuels» soit correctement transposée et propose de se servir de l’environnement numérique, aussi bien des programmes de la radio et de la télévision que de formes de médias plus nouvelles comme les réseaux sociaux, Instagram ou TikTok, pour mettre en avant des modes de vie, des relations et des comportements sains. À cette fin, le CESE renouvelle la demande qu’il a déjà eu l’occasion de formuler auparavant (28), pour que soient organisées des campagnes publicitaires visuelles s’inspirant des publicités en faveur d’aliments et de régimes sains, d’une vie active et d’une utilisation saine des écrans. |
5.10. L’environnement de la santé
5.10.1. |
Le CESE juge fondamental que les administrations compétentes en matière de santé tiennent à jour, sur la base de données scientifiques probantes, leurs recommandations concernant les activités et les interventions qui ont apporté la preuve de leur efficacité en matière de prévention du surpoids et de l’obésité et pour la prise en charge et le suivi des personnes concernées. |
5.10.2. |
Un accès équitable à des services intégrés de santé, d’assistance et de conseil systématique et personnalisé pour promouvoir l’activité physique et une alimentation équilibrée, dispensés par le personnel de santé aux personnes en surpoids ou obèses, ou qui risquent de le devenir, doit également être garanti dans le cadre de la couverture santé universelle. Il serait utile, à cet égard, de promouvoir un suivi de l’état de santé des enfants depuis leur naissance jusqu’à l’adolescence, en y intégrant un contrôle du surpoids et de l’obésité et en encourageant l’éducation à la santé et la sensibilisation des enfants, des adolescents et de leurs familles aux modes de vie sains. |
5.10.3. |
Il est crucial que les familles vulnérables sur le plan socio-économique reçoivent un soutien spécifique des professionnels de la santé, qui soit respectueux de leur culture, pragmatique, émancipateur et propice à une parentalité positive au regard de l’obésité, du surpoids et des modes de vie associés. |
5.10.4. |
Dans la même logique, et sur la base de la littérature existante, le CESE juge nécessaire d’engager par anticipation un dialogue avec les femmes et les couples qui envisagent une grossesse, et de leur apporter un soutien adéquat et respectueux de leur culture pour promouvoir des modes de vie sains pendant la grossesse et l’allaitement, combiné à des messages publics visant à promouvoir une meilleure alimentation et la pratique d’une activité physique avant la conception, ainsi que de prévoir des aménagements et un soutien pour faciliter l’allaitement maternel. |
Bruxelles, le 13 juillet 2023.
Le président du Comité économique et social européen
Oliver RÖPKE
(1) Rapport du CESE portant «Évaluation du programme de l’UE à destination des écoles».
(2) Le droit à la santé a été formulé pour la première fois dans un texte de 1946, celui de la constitution de l’OMS, qui dispose que «[l]a possession du meilleur état de santé qu’il est capable d’atteindre constitue l’un des droits fondamentaux de tout être humain […]». La santé est définie en préambule de cette constitution comme «un état de complet bien-être physique, mental et social, [qui] ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité». La santé est décrite, à l’article 25 de la déclaration universelle des droits de l’homme, comme une composante du droit à un niveau de vie suffisant. Elle a été à nouveau reconnue comme un droit humain en 1966, à l’article 12 du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
(3) Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant, 1989.
(4) Commission européenne, 2021, Stratégie de l’UE sur les droits de l’enfant, COM(2021) 142 final: https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:52021DC0142.
(5) https://health.ec.europa.eu/system/files/2016-11/childhoodobesity_actionplan_2014_2020_en_0.pdf.
(6) «Recommandations et cibles potentielles relatives à la prévention et à la prise en charge de l’obésité tout au long de la vie», document de synthèse de l’OMS, 2021. Disponible à l’adresse https://cdn.who.int/media/docs/default-source/obesity/who-discussion-paper-on-obesity---final190821-fr.pdf?sfvrsn=4cd6710a_24&download=true.
(7) Weihrauch-Blüher, S., Wiegand, S., «Risk Factors and Implications of Childhood Obesity», Curr Obes Rep. 2018 Dec; 7(4):254-259.
(8) Report on the fifth round of data collection, 2018-2020, initiative de l’OMS pour la surveillance de l’obésité infantile en Europe (COSI), Copenhague: bureau régional de l’OMS pour l’Europe, 2022.
(9) Le terme «excès de poids» englobe à la fois le surpoids et l’obésité.
(10) Voir Rapport 2022 de l’OMS sur l’obésité dans la région Europe et https://www.who.int/europe/fr/news/item/11-05-2021-high-rates-of-childhood-obesity-alarming-given-anticipated-impact-of-covid-19-pandemic.
(11) Organisation mondiale de la santé (2012), Approches de la prévention de l’obésité de l’enfant dans la population, Genève, OMS.
(12) Kansra, A.R., Lakkunarajah, S., Jay, M.S., «Childhood and Adolescent Obesity: A Review». Front Pediatr. 2021; 8:581461.
(13) Whiting, S., et al., «Physical Activity, Screen Time, and Sleep Duration of Children Aged 6-9 Years in 25 Countries: An Analysis within the WHO European Childhood Obesity Surveillance Initiative (COSI) 2015-2017», Obes Facts. 2021; 14(1):32-44.
(14) Guthold, R., Stevens, G.A., Riley, L.M., Bull, F.C., «Global trends in insufficient physical activity among adolescents: a pooled analysis of 298 population-based surveys with 1· 6 million participants», Lancet Child Adolesc Heal. 2020; 4(1):23-35.
(15) OCDE/Union européenne (2022), Health at a Glance: Europe 2022 — State of Health in the EU Cycle [Panorama de la santé: Europe 2022 — Cycle sur l’état de la santé dans l’UE], Éditions de l’OCDE, Paris.
(16) Adolescent obesity and related behaviours: trends and inequalities in the WHO European Region, 2002–2014, Copenhague: bureau régional de l’OMS pour l’Europe, 2017.
(17) Willett, W., et al., «Food in the Anthropocene: the EAT-Lancet Commission on healthy diets from sustainable food systems», 2019, The Lancet, vol. 393, p. 447-492.
(18) Afshin Ashkan, et al., «Health effects of dietary risks in 195 countries, 1990–2017: a systematic analysis for the Global Burden of Disease Study 2017», The Lancet, Volume 393, Issue 10184, 1958-1972.
(19) Report on the fifth round of data collection, 2018-2020, initiative de l’OMS pour la surveillance de l’obésité infantile en Europe (COSI), Copenhague: bureau régional de l’OMS pour l’Europe, 2022.
(20) Fang, K., Mu, M., Liu, K., He, Y., «Screen time and childhood overweight/obesity: A systematic review and meta-analysis», Child Care Health Dev. 2019 Sep; 45(5):744-753.
(21) Haghjoo, P., Siri, G., Soleimani, E., Farhangi, M.A., Alesaeidi, S., «Screen time increases overweight and obesity risk among adolescents: a systematic review and dose-response meta-analysis», BMC Prim Care. 2022; 23(1):161.
(22) Report on the fifth round of data collection, 2018-2020, initiative de l’OMS pour la surveillance de l’obésité infantile en Europe (COSI), Copenhague: bureau régional de l’OMS pour l’Europe, 2022.
(23) Dobbs, R., Sawers, C., Thompson, F., Manyika, J., Woetzel, J.R., Child, P., et al., Overcoming obesity: an initial economic analysis, McKinsey Global Institute, 2014.
(24) Rapport du CESE portant «Évaluation du programme de l’UE à destination des écoles».
(25) Hebestreit, A., Intemann, T., Siani, A., et al., «Dietary Patterns of European Children and Their Parents in Association with Family Food Environment: Results from the I.Family Study», Nutrients, 2017; 9(2):126.
(26) Technologies de la relation, de l’information et de la communication.
(27) Tackling obesity by creating healthy residential environments, OMS, 2007.
(28) Avis du Comité économique et social européen sur la «Promotion de régimes alimentaires sains et durables dans l’Union européenne» (avis d’initiative) (JO C 190 du 5.6.2019, p. 9).
III Actes préparatoires
Comité économique et social européen
580e session plénière du Comité économique et social européen, 12.7.2023-13.7.2023
29.9.2023 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 349/116 |
Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à des mesures visant à réduire le coût du déploiement de réseaux gigabit de communications électroniques et abrogeant la directive 2014/61/UE (règlement sur les infrastructures gigabit)
[COM(2023) 94 final — 2023/0046 (COD)]
(2023/C 349/18)
Rapporteur: |
Maurizio MENSI |
Consultation |
Conseil de l’Union européenne, 3.4.2023 Parlement européen, 29.3.2023 |
Base juridique |
Article 114 et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
Compétence |
Section «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information» |
Adoption en section |
26.6.2023 |
Adoption en session plénière |
12.7.2023 |
Session plénière no |
580 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
173/1/1 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Le Comité économique et social européen (CESE) accueille favorablement la proposition de règlement sur les infrastructures gigabit présentée par la Commission et en partage l’objectif et le contenu. |
1.2. |
Afin d’atteindre les objectifs fixés dans le règlement, le CESE souligne l’importance de procédures rapides, efficaces et simplifiées, assorties de modalités, conditions et prix appropriés, pouvant être appliquées de manière cohérente dans l’ensemble de l’Union. Dans cette optique, des lignes directrices spécifiques de la Commission seraient particulièrement utiles. |
1.3. |
Le CESE reconnaît que le partage des infrastructures existantes est essentiel pour atteindre les objectifs de la décennie numérique 2030 et insiste aussi sur l’importance de garantir la sécurité et la robustesse des réseaux ainsi que leur protection. La réalisation des objectifs de l’Union en matière de connectivité requiert une stratégie globale combinant les technologies les plus récentes et des chaînes d’approvisionnement résilientes, autonomes et sûres. À cette fin, le règlement devrait encourager les fournisseurs de réseaux à opter pour des composants technologiques qui garantissent un niveau élevé de sécurité numérique, réduisent le risque d’interruptions de réseau et protègent efficacement contre cette éventualité. |
1.4. |
Le CESE juge important que les États membres aient la possibilité de maintenir ou d’introduire des mesures conformes au droit de l’Union allant plus loin que les exigences minimales fixées par le règlement, comme l’indique expressément le considérant 11. |
1.5. |
Le CESE est d’avis que le déploiement de réseaux à très haute capacité et de la connectivité gigabit est un élément essentiel du développement et de la cohésion économique et sociale, étant donné qu’il s’agit d’un facteur crucial pour l’égalité du développement économique des PME et des services professionnels, des lieux de travail numériques et de la fourniture de services électroniques dans les régions reculées. |
1.6. |
Le CESE estime que les points d’information uniques, par l’intermédiaire desquels les propriétaires d’infrastructures publiques doivent fournir un ensemble minimal d’informations sur les infrastructures physiques existantes, devraient être intégrés et reliés à d’autres bases de données déjà disponibles au niveau national, afin d’éviter les doubles emplois et de réduire les coûts. |
1.7. |
Le CESE estime que la rationalisation et la numérisation du processus d’autorisation sont des éléments importants du déploiement de réseaux de communications électroniques; il considère toutefois que l’obligation de prévoir l’approbation tacite des demandes de droit de passage pourrait être en contradiction avec le principe de proportionnalité et porter atteinte au droit de propriété tel qu’énoncé aux articles 17 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. |
1.8. |
Le CESE est d’avis que la construction rapide des infrastructures, la coordination des travaux de génie civil, la création de synergies entre les différents opérateurs de réseau et l’utilisation conjointe des infrastructures physiques existantes permettent des économies en matière d’investissements, puisqu’elles réduisent la charge qui pèse sur l’environnement en évitant des travaux de génie civil supplémentaires, et contribuent ainsi à la réalisation des objectifs environnementaux. |
1.9. |
Le CESE souligne que la proposition devrait indiquer quelles sont les mesures et actions vérifiables qui permettraient un développement équilibré et une égalité d’accès au réseau à très haute capacité, afin d’éviter de creuser l’écart entre les pays et les régions présentant des rythmes et des niveaux de développement différents, conformément à la déclaration sur les droits et principes numériques, et de garantir l’accès à une connectivité de haute qualité, et notamment un accès à internet, pour tous dans l’Union, y compris pour les personnes à faible revenu. |
2. Contexte général
2.1. |
Le déploiement de réseaux à très haute capacité, y compris la fibre optique et la 5G, est une priorité stratégique au niveau de l’Union, qui s’inscrit dans les efforts visant à réaliser les objectifs stratégiques et les cibles numériques de l’Union d’ici 2030. L’accès à des réseaux à très haute capacité est essentiel pour un large éventail d’applications innovantes susceptibles de transformer et de parer pour l’avenir de nombreux secteurs de l’économie de l’Union, tels que le commerce, l’industrie automobile et manufacturière, les soins de santé, les transports, l’agriculture et les services d’utilité publique. |
2.2. |
L’une des initiatives lancées pour lever les obstacles et promouvoir le déploiement de réseaux à très haute capacité est celle de la Commission relative à une directive sur la réduction du coût du haut débit (1), adoptée en 2014 et visant à faciliter et à encourager le déploiement des réseaux en réduisant les coûts grâce à des mesures harmonisées au niveau européen. Toutefois, huit ans après son entrée en vigueur, cette directive est toujours loin d’atteindre ses objectifs. Le rapport de la Commission de 2018 concernant la mise en œuvre de la directive sur la réduction du coût du haut débit ainsi que les contributions des principales parties prenantes à la consultation publique lancée par la Commission en décembre 2020 montrent bien la nécessité de revoir cette directive. Il ressort de la consultation publique que 20 % seulement des répondants jugent la directive efficace pour faciliter le déploiement de réseaux à haut débit à moindres frais, et que seules 11 % des personnes interrogées estiment qu’elle a permis de réduire le temps consacré aux demandes d’autorisations et leur coût. |
2.3. |
La directive n’a que partiellement atteint ses objectifs d’accroissement de la couverture en haut débit. En effet, bien que, selon l’indice annuel relatif à l’économie et à la société numériques (DESI), la proportion de ménages ayant accès à une vitesse internet de 30 Mbps soit passée de 58,1 % en 2013 à 90 % en 2022, la directive a été mise en œuvre de manière inégale selon les États membres, avec des interprétations parfois divergentes. |
2.4. |
Consciente de la nécessité d’améliorer l’efficacité de la directive sur la réduction du coût du haut débit, la Commission a lancé un processus de révision et proposé un règlement sur les infrastructures gigabit. Celui-ci vise à remédier aux lacunes de la directive sur la réduction du coût du haut débit et à contribuer au déploiement rentable et en temps utile des réseaux à très haute capacité nécessaires pour permettre à l’Union d’atteindre ses objectifs et ses cibles numériques d’ici 2030. |
2.5. |
La proposition s’appuie sur la recommandation relative à une «boîte à outils pour la connectivité» adoptée en septembre 2020 pour répondre à la demande croissante de connectivité déclenchée par la pandémie de COVID-19, et qui visait à réduire les coûts de déploiement de réseaux gigabit et à garantir un accès rapide au spectre radioélectrique 5G. À cette fin, les États membres avaient recensé, en mars 2021, 39 bonnes pratiques (dont 22 concernant la réduction des coûts de déploiement) à inclure dans la boîte à outils pour la connectivité. |
2.6. |
Selon la Commission européenne, le règlement sur les infrastructures gigabit a été conçu pour améliorer la connectivité dans l’Union, encourager l’innovation et stimuler l’investissement. Il contribuera à accélérer le déploiement des infrastructures physiques qui soutiennent les réseaux gigabit, en renforçant la coordination entre les opérateurs de réseau pour les travaux de génie civil, qui représentent jusqu’à 70 % des coûts de déploiement des réseaux. L’objectif est également de rationaliser les procédures administratives pour le déploiement de nouveaux réseaux en améliorant l’accès aux infrastructures physiques et la transparence relative aux travaux de génie civil prévus, ainsi qu’en garantissant des conditions plus claires d’accès aux infrastructures physiques (y compris les infrastructures internes), et en accélérant et numérisant les procédures d’octroi des autorisations, qui prévoient que les demandes devront recevoir une réponse dans un délai de 15 jours et seront réputées approuvées tacitement à l’expiration d’un délai de quatre mois. |
3. Observations générales
3.1. |
Le CESE approuve l’intention de la Commission d’adapter la directive sur la réduction du coût du haut débit aux évolutions récentes et actuelles des technologies, du marché et de la réglementation, et d’encourager un déploiement plus efficace et plus rapide de réseaux plus durables, de manière à tenir compte du code des communications électroniques européen (2) et à contribuer au verdissement du secteur des technologies de l’information et des communications dans le cadre du pacte vert pour l’Europe. |
3.2. |
Le CESE se félicite de la décision de recourir à l’instrument juridique du règlement plutôt qu’à une directive, cette dernière présentant des risques de retards et d’incohérences dans les processus nationaux de transposition. Un règlement garantit l’uniformité et limite la fragmentation des législations nationales, ce qui est essentiel pour atteindre d’ici 2030 les objectifs ambitieux de la Commission en matière de connectivité. Une directive ne serait probablement applicable qu’après cette date, et ne permettrait donc pas de réaliser l’objectif visé par la Commission concernant la création rapide d’un cadre juridique favorable. Tout retard dans la simplification du processus d’autorisation pourrait aussi compromettre le développement du marché unique. Les dernières évolutions dans le secteur numérique sont susceptibles d’entraîner un niveau inédit d’intégration du marché grâce à l’apparition d’acteurs transfrontaliers, ce qui stimulera les investissements. |
3.3. |
L’application faible et incohérente de la directive sur la réduction du coût du haut débit, ainsi que l’absence de lignes directrices en la matière, ont donné lieu à des législations nationales fragmentées et une incertitude juridique, qui, à leur tour, entravent les investissements et les activités transfrontières, et constituent des obstacles pour les entreprises qui cherchent à réaliser des économies d’échelle au niveau de l’Union de façon à pouvoir tirer parti du marché unique. Par conséquent, une harmonisation accrue s’impose afin de promouvoir le développement d’activités transfrontières dans ce secteur et d’éviter une Europe à deux vitesses. |
3.4. |
En substance, les mesures contenues dans la proposition visent les objectifs suivants: améliorer la coordination entre les secteurs; simplifier et accélérer les procédures d’octroi des autorisations; numériser entièrement la procédure relative à l’accès en ligne aux informations sur les infrastructures existantes et les travaux de génie civil planifiés, ainsi que celle concernant l’introduction des demandes d’autorisation; faciliter la réutilisation des infrastructures publiques par les opérateurs pour leur permettre de déployer des infrastructures de réseau; anticiper l’innovation et faire en sorte que tous les bâtiments neufs et ceux faisant l’objet d’une rénovation importante soient équipés de la fibre et d’infrastructures adaptées à la fibre; contribuer à la durabilité en réduisant l’incidence environnementale des réseaux de communications électroniques grâce au partage des infrastructures, au déploiement de technologies plus efficaces, à la réutilisation des infrastructures physiques existantes et à une meilleure coordination des travaux de génie civil. |
3.5. |
Les opérateurs seront en mesure de présenter leurs demandes d’autorisation par voie numérique et d’accéder à toutes les informations nécessaires concernant les infrastructures existantes et les travaux de génie civil planifiés. La Commission estime que cela permettra aux opérateurs de déployer leurs réseaux à moindre coût; selon l’analyse d’impact, l’économie réalisée serait de l’ordre de 4,5 milliards d’euros, et les subventions publiques seraient réduites de 2,4 milliards d’euros. |
3.6. |
La proposition contient également des définitions plus larges que celles figurant dans la directive sur la réduction des coûts du haut débit. Elle s’applique aux opérateurs de réseau octroyant des accès de manière à tenir également compte des fournisseurs de ressources associées telles que les gaines, les pylônes et les poteaux, et étend les infrastructures physiques aux infrastructures détenues par des organismes du secteur public tels que les collectivités locales, les bâtiments ou les accès aux bâtiments et tout autre élément, y compris le mobilier urbain tel que les poteaux d’éclairage, les panneaux de signalisation, les feux de signalisation, les panneaux d’affichage, les arrêts d’autobus et de tram, et les stations de métro. |
3.7. |
La proposition introduit de nouvelles mesures visant à accroître la transparence en ce qui concerne les infrastructures physiques existantes. Ainsi, elle prévoit l’obligation pour les propriétaires d’infrastructures publiques de publier des informations minimales sur les infrastructures physiques par l’intermédiaire d’un point d’information unique. En outre, des règles plus strictes s’appliqueront à la coordination des travaux de génie civil planifiés; de telles règles sont du reste déjà prévues par la directive sur la réduction des coûts du haut débit, mais leur portée et leur application sont considérablement élargies. Par exemple, la proposition prévoit que les informations sur les travaux de génie civil doivent être publiées sous forme numérique par le fournisseur de réseau, par l’intermédiaire du point d’information unique, au moins trois mois avant la première demande d’autorisation. À cet égard, étant donné que des bases de données contenant ces informations sont déjà disponibles dans de nombreux États membres de l’Union, le CESE estime que les points d’information uniques devraient y être intégrés et reliés afin d’éviter les doubles emplois et de réduire les coûts. |
3.8. |
Des mesures sont également prévues en ce qui concerne les procédures d’octroi des autorisations, qui doivent être uniformisées au niveau national et rendues pleinement accessibles grâce à l’approbation tacite des demandes dans un délai de quatre mois. En outre, une sorte de label «adapté à la fibre» est prévu pour indiquer si un bâtiment satisfait aux conditions requises pour permettre une installation aisée de réseaux à très haute capacité, comme la fibre optique, et dont la présence est subordonnée à la délivrance du permis de construire pour les nouveaux bâtiments. Le CESE souligne toutefois qu’il serait important d’amener le réseau à très haute capacité dans ces bâtiments afin d’exploiter pleinement leur potentiel et de tirer le meilleur parti des investissements réalisés. |
3.9. |
Le CESE juge important que les États membres aient la possibilité de maintenir ou d’introduire des mesures conformes au droit de l’Union allant plus loin que les exigences minimales fixées par le règlement, comme l’indique expressément le considérant 11, qui précise, à juste titre, que «[l]e présent règlement […] n’empêche pas pour autant l’adoption de mesures nationales conformes au droit de l’Union qui servent à promouvoir l’utilisation conjointe des infrastructures physiques existantes ou permettent un déploiement plus efficace de nouvelles infrastructures physiques en complétant les droits et obligations prévus par le présent règlement». |
4. Observations particulières
4.1. |
La proposition est conforme au code des communications électroniques européen, entré en vigueur en décembre 2020, qui a modernisé le cadre réglementaire de l’Union en matière de communications électroniques et contribue à la réalisation de ses objectifs visant à stimuler les investissements dans les réseaux de connectivité de pointe. Toutefois, alors que le code cherche prioritairement à favoriser la concurrence, il contient des obligations à l’égard des entreprises puissantes sur le marché et concerne non seulement les infrastructures physiques, mais aussi les réseaux de communications électroniques, tels que les câbles en fibre; le règlement sur les infrastructures gigabit a quant à lui pour objectif principal d’éliminer les obstacles au déploiement des réseaux, eu égard aux évolutions actuelles des technologies, du marché et de la réglementation. |
4.2. |
Le CESE se félicite de l’alignement du texte sur les définitions du code et souligne que pour atteindre les objectifs fixés dans le règlement, il est essentiel de prévoir des procédures rapides, efficaces et simplifiées, assorties de modalités, conditions et prix appropriés, pouvant être appliquées de manière cohérente dans l’ensemble de l’Union. Le CESE estime que des lignes directrices de la Commission seraient particulièrement utiles à cet égard. |
4.3. |
Conformément à l’objectif fixé dans le cadre de la décennie numérique 2030, visant à garantir à tous les ménages européens, d’ici à 2030, l’accès à des réseaux mobiles en gigabit et à haut débit, et contrairement à la directive sur la réduction des coûts du haut débit, la proposition à l’examen encourage le déploiement de réseaux à très haute capacité en imposant des obligations d’accessibilité aux propriétaires d’infrastructures physiques, quelle que soit leur position sur le marché. Le CESE approuve l’extension du champ d’application, qui permet à toutes les entités fournissant des infrastructures de bénéficier des procédures d’autorisation rapides mises en place par le règlement. Il souligne toutefois qu’il importe de veiller à ce que le cadre réglementaire soit suffisamment complet pour satisfaire aux besoins variés de toutes les parties prenantes participant au déploiement des réseaux à très haute capacité dans l’ensemble de l’Union. |
4.4. |
Le CESE reconnaît que le partage des infrastructures existantes est essentiel pour atteindre les objectifs de la décennie numérique 2030 et insiste aussi sur l’importance de garantir la sécurité et la robustesse des réseaux ainsi que leur protection. La réalisation des objectifs de l’Union en matière de connectivité requiert une stratégie globale combinant les technologies les plus récentes et des chaînes d’approvisionnement résilientes, autonomes et sûres, de manière à éviter toute interruption de service en raison de défaillances ou de cyberattaques. À cette fin, le règlement devrait encourager les fournisseurs de réseaux à opter pour des composants technologiques qui garantissent un niveau élevé de sécurité numérique, réduisent le risque d’interruptions de réseau et protègent efficacement contre cette éventualité. La solidité, la résilience et la cybersécurité du réseau sont essentielles pour garantir l’efficacité des objectifs poursuivis par le règlement, eu égard au cadre réglementaire actuel de l’Union et aux aspects pertinents, y compris dans la perspective de toute action future de l’Union en la matière qui pourrait figurer dans le nouveau mandat de la Commission à partir de 2024. |
4.5. |
Le CESE souligne qu’outre des procédures rapides, efficaces et simplifiées, des modalités, conditions et prix appropriés constituent aussi un facteur essentiel d’accès aux infrastructures. Dans ce contexte, étant donné qu’il convient d’assurer l’efficacité du système, par exemple en évitant des prix excessivement élevés qui auraient pour effet de décourager le déploiement du réseau à très haute capacité, le CESE estime que la Commission devrait adopter des lignes directrices spécifiques. |
4.6. |
Le CESE estime que la rationalisation et la numérisation du processus d’autorisation sont des éléments importants du déploiement de réseaux de communications électroniques. Il considère toutefois que l’obligation de prévoir l’approbation tacite des demandes de droit de passage pourrait être en contradiction avec le principe de proportionnalité et porter atteinte au droit de propriété tel qu’énoncé aux articles 17 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. |
4.7. |
Le CESE est d’avis que la construction rapide des infrastructures, la coordination des travaux de génie civil, la création de synergies entre les différents opérateurs de réseau et l’utilisation conjointe des infrastructures physiques existantes permettent des économies en matière d’investissements, puisqu’elles réduisent la charge qui pèse sur l’environnement en évitant des travaux de génie civil supplémentaires, et contribuent ainsi à la réalisation des objectifs environnementaux. |
4.8. |
Le CESE est d’avis que le déploiement de réseaux à haut débit est un élément essentiel du développement et de la cohésion économique et sociale. À cet égard, il souligne que la proposition devrait indiquer quelles sont les mesures et actions vérifiables qui permettraient un développement équilibré et une égalité d’accès au réseau à très haute capacité, afin d’éviter de creuser l’écart entre les pays et les régions présentant des rythmes et des niveaux de développement différents, conformément à la déclaration sur les droits et principes numériques (3) selon laquelle tous les acteurs du marché bénéficiant de la transformation numérique devraient assumer leurs responsabilités sociales et participer de manière équitable et proportionnée aux coûts des biens, services et infrastructures publics, ce qui permettrait de garantir l’accès à une connectivité de haute qualité, et notamment un accès à internet, pour tous dans l’Union, y compris pour les personnes à faible revenu (4). |
Bruxelles, le 12 juillet 2023.
Le président du Comité économique et social européen
Oliver RÖPKE
(1) Directive 2014/61/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 relative à des mesures visant à réduire le coût du déploiement de réseaux de communications électroniques à haut débit (JO L 155 du 23.5.2014, p. 1).
(2) Directive (UE) 2018/1972 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 établissant le code des communications électroniques européen (JO L 321 du 17.12.2018, p. 36).
(3) Déclaration européenne sur les droits et principes numériques pour la décennie numérique (JO C 23 du 23.1.2023, p. 1).
29.9.2023 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 349/121 |
Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les détergents et les agents de surface, modifiant le règlement (UE) 2019/1020 et abrogeant le règlement (CE) no 648/2004
[COM(2023) 217 final — 2023/0124 (COD)]
(2023/C 349/19)
Rapporteure: |
Violeta JELIĆ |
Consultation |
Parlement européen, 1.6.2023 Conseil, 7.6.2023 |
Base juridique |
Article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
Compétence |
Section «Marché unique, production et consommation» |
Adoption en section |
29.6.2023 |
Adoption en session plénière |
12.7.2023 |
Session plénière no |
580 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
193/1/2 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Le Comité économique et social européen (CESE) se félicite de la mise à jour et de la simplification du règlement (CE) no 648/2004 (1) relatif aux détergents, consistant à supprimer les éléments redondants ou obsolètes et à conserver ceux qui ont fait leurs preuves. Il estime toutefois que les bénéfices de cette rationalisation sont amoindris, voire annulés, par l’accroissement de la charge administrative qu’entraînent d’autres aspects de cette proposition de révision. |
1.2. |
Le CESE fait valoir l’importance de s’assurer de la compatibilité et de la cohérence entre la révision du règlement relatif aux détergents et d’autres évolutions d’ordre législatif et technique, telles que celles touchant au règlement (CE) no 1272/2008 (2) relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances, ainsi qu’au règlement sur l’écoconception des produits durables. |
1.3. |
Le CESE est fermement déterminé à garantir la sécurité des consommateurs et des utilisateurs professionnels, mais il estime que les nouvelles exigences applicables aux détergents contenant des micro-organismes manquent de l’audace et de la souplesse nécessaires et recèlent des contradictions. Le CESE recommande d’ajuster ces règles afin d’en accroître à la fois leur cohérence interne et celle avec d’autres mesures politiques, et de faire en sorte qu’elles favorisent l’innovation dans cette catégorie de produits qui advient plutôt que de la freiner. |
1.4. |
Le CESE se félicite des conditions de concurrence équitables établies aux fins de la surveillance du marché des produits fabriqués dans l’Union et des détergents et agents de surface importés. Toutefois, il tient pour excessivement onéreuse l’obligation d’établir et de notifier un passeport de produit pour chaque lot de détergent ou d’agent de surface; aussi recommande-t-il de déterminer un élément déclencheur plus approprié pour mettre à jour le passeport de produit. |
1.5. |
Le CESE demande de préciser davantage la valeur ajoutée que procurent le passeport de produit et le marquage CE du point de vue de la surveillance de marché, sachant que cette information fait défaut dans l’analyse d’impact de la Commission. Il fait observer que le marquage CE frauduleux peut mettre en danger la sécurité des consommateurs et des utilisateurs et miner l’équité des conditions de concurrence aux dépens des opérateurs économiques qui respectent la législation. |
1.6. |
Le CESE fait valoir combien il importe, pour pouvoir appliquer des exigences spécifiques et techniques, de les avoir mises en place en temps opportun; aussi recommande-t-il de ne commencer à faire courir les périodes de transition qu’une fois adoptée la législation supplémentaire pertinente. |
1.7. |
Le CESE est favorable à l’amélioration de la clarté et de la lisibilité des étiquettes de produits grâce à la suppression de chevauchements entre les différentes législations, à la simplification de la teneur des étiquettes et à une utilisation efficace de l’étiquetage numérique. Il recommande d’appliquer les mêmes possibilités de numérisation de l’étiquetage aux produits préemballés, tout comme aux ventes de recharges, ainsi que de prévoir la possibilité d’étiqueter les produits détergents plus clairement, en recourant à des pictogrammes ou des symboles au lieu de textes. |
2. Contexte de l’avis
2.1. |
La proposition à l’examen met à jour les règles en place relatives aux détergents en s’inscrivant dans la perspective des objectifs du pacte vert pour l’Europe, de la stratégie pour la durabilité dans le domaine des produits chimiques et de la communication que la Commission a récemment adoptée sur la compétitivité à long terme dans l’Union européenne. Cette proposition vise à simplifier les règles du marché en supprimant les exigences jugées superflues ou redondantes, et pour ce faire, elle met en place un étiquetage numérique volontaire, elle établit une distinction entre les produits préemballés et ceux vendus à titre de recharge, elle facilite la vente de produits sûrs et innovants en introduisant des exigences de sécurité pour les micro-organismes, et elle renforce le contrôle de l’application en mettant en place un passeport de produit. |
2.2. |
Les dispositions générales de la proposition comprennent des définitions des «détergents», des «agents de surface» et d’autres notions auxquelles se réfère le texte de la proposition de règlement et dont certaines ont été mises à jour et clarifiées. |
2.3. |
La proposition expose les exigences applicables aux produits pour les détergents et les agents de surface, s’agissant de leur libre circulation, de leur biodégradabilité, de l’emploi de micro-organismes dans les détergents, et des limitations de la teneur en phosphates et autres composés du phosphore. Les trois derniers éléments cités sont plus amplement développés dans les annexes de la proposition de règlement. |
2.4. |
L’annexe I établit des critères de biodégradabilité ultime et les méthodes d’essai pour les agents de surface, en soi et en tant que composants de détergents. Le critère obsolète de la biodégradabilité primaire a été supprimé, tout comme la procédure dérogatoire pour les agents de surface qui ne satisfont pas au critère de biodégradabilité ultime, sachant qu’elle n’a été utilisée qu’une seule fois par la voie d’un enregistrement au titre de l’ancienne annexe V qui expirait en 2019, de sorte qu’elle n’apparaît plus nécessaire. |
2.5. |
L’annexe II de la proposition met en place des exigences applicables aux détergents contenant des micro-organismes, en vue d’établir des règles harmonisées qui régissent la sécurité de tels produits et les méthodes d’essai pertinentes pour démontrer le respect de ces règles. Ces exigences déterminent les micro-organismes et les souches de micro-organismes susceptibles d’être utilisés, sur la base de leur identification officielle, et également l’exigence qu’ils appartiennent à la fois au groupe de risques I, tel que défini par la directive 2000/54/CE (3) (agents biologiques au travail), et à la liste de présomption d’innocuité reconnue établie par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Cette annexe interdit également d’employer des organismes pathogènes ou des micro-organismes génétiquement modifiés spécifiques, d’alléguer que le produit a une action antimicrobienne ou désinfectante, à moins que les détergents ne soient conformes au règlement (UE) no 528/2012 concernant les produits biocides (4), et de mettre sur le marché sous forme de recharge des détergents contenant des micro-organismes. En outre, l’annexe met en place des prescriptions d’essai obligatoires pour les détergents qui contiennent des micro-organismes, et notamment celle de faire effectuer des essais par des tiers en vue d’étayer toute allégation touchant à l’action des micro-organismes et un essai in vivo de toxicité aiguë par inhalation conformément à la méthode d’essai B.2, décrite dans le règlement (CE) no 440/2008 (5), autrement dit selon la ligne directrice de l’OCDE pour les essais de produit chimique no 403. |
2.6. |
La proposition n’apporte pas de modifications aux limitations détaillées de la teneur en phosphates et autres composés du phosphore prévues par le règlement (CE) no 648/2004. |
2.7. |
La proposition décrit les obligations incombant aux opérateurs économiques, c’est-à-dire aux fabricants, aux importateurs et aux distributeurs, ainsi qu’aux mandataires, lesquels constituent une catégorie de rôle nouvellement mise en place. La proposition supprime l’obligation d’être établi dans l’Union européenne qui pesait précédemment sur les fabricants, mais prévoit pour ceux établis dans des pays tiers l’obligation de désigner un mandataire par la voie d’un mandat écrit pour accomplir certaines tâches, sachant qu’une telle désignation revêt un caractère purement facultatif pour les fabricants établis dans l’Union. |
2.8. |
La proposition met en place une nouvelle procédure d’évaluation de la conformité que devront effectuer les fabricants de détergents ou d’agents de surface, qui se fonde sur le module A (contrôle interne de la fabrication) de la décision no 768/2008/CE. Cette procédure prévoit une autodéclaration de conformité et impose de rassembler une documentation technique qui comprend une description du détergent et de son utilisation, les rapports des essais effectués pour démontrer la conformité et une fiche d’information sur les composants. |
2.9. |
Il est posé des exigences touchant au marquage CE et à l’étiquetage des détergents et des agents de surface, y compris les règles pour mettre en œuvre l’étiquetage numérique lorsque l’opérateur économique choisit d’en faire usage. L’annexe V décrit plus en détail les exigences en matière d’étiquetage et expose les spécifications régissant l’étiquetage du contenu, des informations sur le dosage qui peuvent être omises des mentions de l’étiquette physique lorsqu’elles sont fournies par une étiquette numérique et une grille de dosage simplifiée des détergents textiles destinés aux consommateurs. La proposition introduit également la notion de support de données, utilisé pour accéder à l’étiquette numérique, qui doit être présent sur le détergent ou l’agence de surface, sur son emballage ou dans la documentation qui l’accompagne. |
2.10. |
La proposition définit les exigences relatives au passeport de produit et à son contenu, mis en place afin de faciliter la déclaration de conformité au moyen d’un registre central, et la surveillance du marché pour les détergents ou les agents de surface mis sur le marché. Ce passeport de produit doit être consultable au moyen du même support de données placé sur le produit dont il a été question précédemment, et il est destiné à être interopérable avec tout passeport de produit mis en place, par exemple, en vertu du règlement sur l’écoconception pour des produits durables. La Commission est tenue d’adopter un acte d’exécution prescrivant les exigences techniques applicables au passeport de produit et au support de données. |
2.11. |
La Commission est habilitée à adopter de futurs actes délégués pour adapter les exigences décrites dans les paragraphes précédents en fonction de l’évolution des techniques, des sciences et des marchés. |
2.12. |
Les dispositions transitoires et finales prévoient, en l’article 32, une clause de réexamen spécifique qui touche aux exigences applicables aux détergents contenant des micro-organismes et qui oblige la Commission à évaluer la pertinence et l’efficacité de ces exigences au plus tard trois ans après l’entrée en vigueur du règlement. |
3. Observations générales et particulières
3.1. |
Le CESE estime que le règlement (CE) no 648/2004 relatif aux détergents (ci-après le «règlement relatif aux détergents») est pertinent pour ce qui est de ses visées, qu’il fonctionne bien et que dans une large mesure, il a atteint ses objectifs. |
3.2. |
Le CESE souscrit à l’objectif de la Commission de mettre à jour le règlement relatif aux détergents afin de prendre en compte les évolutions technologiques, commerciales et politiques intervenues depuis son adoption en 2004, et il soutient son objectif de simplifier les exigences auxquelles doivent satisfaire les opérateurs économiques, en particulier les PME, et d’éliminer les chevauchements et les doublons avec d’autres textes législatifs de l’Union européenne. Le CESE se félicite des simplifications qu’apporte la proposition à l’examen, mais il estime que dans les faits, l’ampleur de la réduction de la charge administrative est plus modeste que ne le projetait la Commission, tandis que sous d’autres aspects, cette charge s’accroît considérablement (6). |
3.3. |
La révision du règlement relatif aux détergents intervient parallèlement à la présentation de plusieurs autres propositions visant à réviser des textes législatifs qui concernent également les détergents, notamment le règlement (CE) no 1272/2008 relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances, ou à en créer de nouveaux, tels que le règlement sur l’écoconception des produits durables. Le CESE souligne qu’il importe de s’assurer que ces différents textes législatifs soient pleinement compatibles et cohérents, et d’éviter que leurs dispositions ne divergent ou ne se chevauchent. |
3.4. |
Le CESE approuve la simplification qu’apporte la proposition de la Commission à la définition du «détergent», qui permettra tant aux opérateurs économiques qu’aux pouvoirs publics de mieux la comprendre et l’appliquer. La suppression dans cette définition de la référence à des catégories spécifiques de composants (savons ou agents de surface) permet de la rendre plus inclusive et en éclaire davantage la portée pour de futures innovations dans cette catégorie de produits. |
3.5. |
Le CESE se félicite du maintien des exigences en matière de biodégradabilité pour les agents de surface, ainsi que de la suppression de la procédure de dérogation tombée en désuétude. Cette démarche contribue à rationaliser les dispositions et à en accroître la clarté pour les opérateurs économiques et les autorités. |
3.6. |
Le CESE estime que pour les détergents, les exigences proposées concernant ceux qui contiennent des micro-organismes sont excessivement contraignantes et inadaptées. Les exigences en matière d’essais spécifiées à l’annexe II apparaissent excessivement onéreuses, en particulier pour les PME. Il y est prévu pour les micro-organismes utilisés dans des détergents en pulvérisateurs de passer avec succès un essai de toxicité aiguë par inhalation sur des animaux vertébrés, ce qui signifierait de sacrifier en général 30 animaux par essai. Cette exigence compromet l’engagement pris dans la directive 2010/63/UE (7) relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques, et elle ne revêt pas de nécessité du fait de l’existence de méthodes de substitution pour déterminer la sûreté, telles que le croisement des références à partir de données historiques, les tests in vitro avec des lignées cellulaires humaines ou encore la force probante, notamment en tenant compte de l’obligation d’un statut de présomption d’innocuité reconnue et de groupe de risques 1. |
3.7. |
Le CESE juge inappropriée d’exiger que les micro-organismes utilisés dans des détergents doivent figurer sur la liste de présomption d’innocuité reconnue établie par l’EFSA, ce qui ne constitue même pas une exigence obligatoire pour un micro-organisme destiné à être utilisé dans l’industrie des denrées alimentaires et des aliments pour animaux, mais plutôt le point de départ pour une évaluation ultérieure par l’EFSA. Il demeure possible d’évaluer la sûreté des micro-organismes qui ne figurent pas sur la liste de présomption d’innocuité reconnue en vue de leur utilisation dans les denrées alimentaires et les aliments pour animaux, tandis que l’on ne disposerait même pas de cette possibilité pour les détergents tant que la Commission n’aurait pas procédé ultérieurement à un examen officiel des exigences et le cas échéant, à leur révision. Il semble hors de proportion que des règles soient plus strictes pour des détergents que pour des denrées alimentaires qui sont ingérées directement. D’autre part, si l’exigence de l’enregistrement dans la liste de présomption d’innocuité reconnue de l’EFSA revêtait un caractère obligatoire, le CESE estimerait alors qu’il n’est pas justifié d’exiger de munir les étiquettes des détergents contenant des micro-organismes d’un avertissement indiquant que le produit ne doit pas être utilisé sur des surfaces en contact avec des denrées alimentaires. |
3.8. |
En limitant la liste des micro-organismes qu’il est possible d’utiliser de la manière décrite dans la nouvelle annexe II, l’on risque d’entraver, voire d’inhiber, l’innovation et l’on néglige aussi bien le fait que le règlement relatif aux détergents et d’autres textes législatifs, tels que la directive relative à la sécurité générale des produits, régissent d’ores et déjà les détergents contenant des micro-organismes, que le cadre élaboré par l’industrie pour permettre une gestion appropriée des risques liés aux composants microbiens. La proposition exempte les détergents mis sur le marché à des fins de recherche et de développement des conditions énoncées à l’annexe II, point 1, mais la seule voie disponible pour autoriser l’utilisation commerciale de nouveaux micro-organismes ou de nouvelles souches de micro-organismes réside dans le recours à la clause de réexamen prévue par l’article 32 ou à des actes délégués. Le CESE recommande d’adopter une procédure moins restrictive afin de permettre à l’innovation d’éclore, ainsi que de la favoriser dans ce segment de produits en pleine croissance. |
3.9. |
Le CESE est d’accord avec la Commission pour ce qui est de maintenir les limitations existantes concernant la teneur en phosphates et en autres composés du phosphore, car depuis 2014, elles se sont avérées efficaces pour réduire l’utilisation du phosphore et cantonner celle-ci aux seules applications pour lesquelles elle est essentielle ou pour lesquelles sa restriction entraînerait des incidences négatives encore plus importantes sur l’environnement, la sécurité ou encore les performances de nettoyage (8). |
3.10. |
Le CESE tient pour nécessaire de clarifier plus avant les compétences et les obligations qui incombent aux opérateurs économiques désignés par la proposition, notamment le représentant autorisé tel que décrit en son article 8. Si un fabricant établi en dehors de l’Union est tenu de désigner un tel représentant autorisé, il n’apparaît pas clairement si le mandat que lui donne ce fabricant doit comprendre, par exemple, l’obligation prévue à l’article 7, paragraphe 6, de fournir une fiche d’information sur les composants aux organismes désignés par les États membres. Afin de garantir des conditions de concurrence équitables, il importe que les mêmes obligations s’appliquent aux fabricants établis tant au sein de l’Union qu’en dehors, et que la manière de satisfaire à ces obligations soit claire. |
3.11. |
Le CESE demande de préciser davantage la valeur ajoutée que procurent le passeport de produit et le marquage CE s’agissant de démontrer ou de vérifier la conformité des produits régis par le règlement relatif aux détergents. Le rapport d’analyse d’impact de la Commission ne fait état d’aucun problème particulier concernant le respect des règles ou les risques pour la sécurité des consommateurs qui justifie l’introduction de ces exigences, et celles-ci ne figurent pas parmi les options stratégiques envisagées, de sorte que les informations sur l’évaluation de leurs incidences font défaut. Toutefois, le CESE approuve l’obligation d’appliquer de manière égale un passeport de produit à tous les fabricants de détergents ou d’agents de surface, qu’ils soient établis dans l’Union ou en dehors, afin d’éviter que les importations ne compromettent la compétitivité des produits européens. |
3.12. |
L’apposition d’un marquage CE ne constitue pas en soi la preuve que les procédures d’évaluation de la conformité ont été menées conformément au règlement, et il continue d’incomber aux autorités de surveillance de le vérifier, comme le prévoit le règlement en vigueur. L’on connaît des cas de marquage CE frauduleux pour d’autres catégories de produits régies par une législation similaire, sachant qu’en de tels cas, les consommateurs sont susceptibles d’être exposés à des risques pour leur santé et leur sécurité. |
3.13. |
Le CESE demande d’intégrer pleinement tout passeport de produit créé au titre du règlement relatif aux détergents à ceux qui ont été adoptés en vertu d’autres textes législatifs tels que le règlement sur l’écoconception pour des produits durables. Afin de réduire au maximum la charge administrative qui pèse sur les opérateurs économiques, en particulier les PME, et sur les pouvoirs publics, il importe de préserver la cohérence et d’éviter que les exigences se dédoublent ou divergent. |
3.14. |
Le CESE estime qu’il n’est pas possible de concilier les exigences en matière d’information applicables au passeport de produit, telles qu’elles sont proposées, avec une réduction de la charge administrative. Il n’est ni praticable ni proportionné de créer un passeport de produit, de notifier à un registre et d’imprimer ou d’apposer un nouveau support de données pour chaque lot spécifique d’un produit, et l’obligation d’accomplir ces différentes démarches préalablement à la mise sur le marché est susceptible de perturber et de ralentir les chaînes d’approvisionnement. Le CESE recommande à la Commission d’adapter ces exigences de manière à établir un élément déclencheur plus réaliste, qu’il s’agisse de fréquence ou de variation. |
3.15. |
Le CESE relève que les exigences spécifiques et techniques liées au passeport de produit doivent être précisées ultérieurement dans un acte d’exécution. Il s’agit là d’éléments essentiels à la mise en œuvre du règlement tel que proposé, et le CESE fait donc valoir combien il importe d’adopter ces exigences en temps utile avant que le règlement n’entre en vigueur, afin d’éviter toute insécurité juridique. Afin que les opérateurs économiques disposent de suffisamment de temps pour mettre en œuvre ces dispositions, le CESE recommande de ne faire commencer à courir les périodes transitoires pour appliquer le règlement révisé relatif aux détergents qu’à partir du moment où la Commission aura accompli les obligations législatives qui incombent. |
3.16. |
Le CESE est favorable à la suppression de la fiche d’information sur les composants pour les détergents qui satisfont aux critères de classification en tant qu’agent dangereux en vertu du règlement relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances, sachant qu’elle permettrait d’éliminer un doublon superflu avec les dispositions dudit règlement. Pour les détergents qui ne présentent pas de danger, le CESE propose que la fiche d’information ne soit présentée que sur demande motivée des organismes désignés par les États membres, en raison de nécessités ou de préoccupations mises en évidence touchant à la protection des consommateurs; de tels termes seraient plus cohérents avec les dispositions de l’article 8, paragraphe 3, point c), de la proposition, ainsi qu’avec l’annexe VIII du règlement relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances. |
3.17. |
Le CESE accueille favorablement les modifications qu’il est proposé d’apporter aux exigences en matière d’étiquetage, bien qu’elles soient relativement limitées, afin de supprimer les doublons entre le règlement relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et celui relatif aux détergents en ce qui concerne l’identification des composants. Ces modifications contribueront à améliorer la clarté et la pertinence des étiquettes pour les consommateurs/utilisateurs finaux, qui, comme l’ont montré des recherches indépendantes, préfèrent des étiquettes contenant des informations moins nombreuses mais plus intelligibles (9). À cet égard, le CESE propose de simplifier plus avant l’étiquetage des produits détergents en remplaçant le texte par un système de pictogrammes ou de symboles. |
3.18. |
Le CESE approuve les dispositions de la proposition visant à permettre l’étiquetage numérique, qui contribuera également à améliorer l’intelligibilité des étiquettes physiques tout en offrant au consommateur ou à l’utilisateur final une meilleure expérience sur le plan de l’information, du choix de la langue et de la lisibilité. Le CESE est également favorable à la possibilité d’accéder aux étiquettes numériques et aux informations relatives au passeport de produit au moyen d’un support de données unique, afin de réduire autant que faire se peut la confusion et le fouillis sur les étiquettes. |
3.19. |
Le CESE se félicite de la proposition visant à permettre de fournir la plupart des étiquettes obligatoires sous une forme numérique pour les produits vendus à titre de recharge, mais il se demande pourquoi les mêmes règles ne devraient pas s’appliquer également aux produits préemballés. Pareille démarche permettrait de mieux garantir des conditions de concurrence équitables pour les détergents mis sur le marché. |
Bruxelles, le 12 juillet 2023.
Le président du Comité économique et social européen
Oliver RÖPKE
(1) Règlement (CE) no 648/2004 du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 relatif aux détergents (JO L 104 du 8.4.2004, p. 1).
(2) Règlement (CE) no 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges, modifiant et abrogeant les directives 67/548/CEE et 1999/45/CE et modifiant le règlement (CE) no 1907/2006 (JO L 353 du 31.12.2008, p. 1).
(3) Directive 2000/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 septembre 2000 concernant la protection des travailleurs contre les risques liés à l’exposition à des agents biologiques au travail (septième directive particulière au sens de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 89/391/CEE) (JO L 262 du 17.10.2000, p. 21).
(4) Règlement (UE) no 528/2012 du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 concernant la mise à disposition sur le marché et l’utilisation des produits biocides (JO L 167 du 27.6.2012, p. 1).
(5) Règlement (CE) no 440/2008 de la Commission du 30 mai 2008 établissant des méthodes d’essai conformément au règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH) (JO L 142 du 31.5.2008, p. 1).
(6) Pour davantage d’informations sur la charge administrative pesant sur l’industrie des détergents, veuillez consulter la fiche d’information sur l’évaluation des coûts cumulés publiée par l’Association internationale de la savonnerie, de la détergence et des produits d’entretien (AISE) sur son site internet (en anglais).
(7) Directive 2010/63/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 septembre 2010 relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques (JO L 276 du 20.10.2010, p. 33).
(8) Voir: Umweltbundesamt (Office fédéral allemand de l’environnement), Relevanz der gewerblichen Textil- und Geschirrreinigung am Eintrag von Phosphat und anderen Phosphorverbindungen (P) in das Abwasser («Importance du nettoyage industriel du linge et de la vaisselle dans l’apport de phosphates ou d’autres composés du phosphore dans les eaux résiduaires»), série Texte, no 98/2021, juin 2021.
(9) Geuens M., Byrne D., Boeije G., Peeters V., Vandecasteele B., Investigating the effectiveness of simplified labels for safe use communication: the case of household detergents («Enquête sur l’efficacité d’étiquettes simplifiées pour communiquer sur un usage sûr: le cas des détergents ménagers»), International Journal of Consumer Studies, 2021; 45(6), p. 1410-1424, 8 février 2021, https://doi.org/10.1111/ijcs.12662.
29.9.2023 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 349/127 |
Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Plan d’action de l’UE: protéger et restaurer les écosystèmes marins pour une pêche durable et résiliente»
[COM(2023) 102 final]
(2023/C 349/20)
Rapporteur: |
Javier GARAT PÉREZ |
Consultation |
Commission européenne, 27.3.2023 |
Base juridique |
Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
Compétence |
Section «Agriculture, développement rural et environnement» |
Adoption en section |
28.6.2023 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
41/0/4 |
Adoption en session plénière |
12.7.2023 |
Session plénière no |
580 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
149/0/1 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Nos mers et océans couvrent 70 % de la surface de la planète. Ils sont une source de nourriture et de biodiversité, contribuent à réguler le climat et fournissent des moyens de subsistance à de nombreuses communautés côtières, en leur apportant des avantages considérables sur les plans sanitaire, social et économique. Aussi le Comité économique et social européen (CESE) considère-t-il que des écosystèmes marins sains sont essentiels pour la planète et pour les populations qui dépendent d’eux. |
1.2. |
Les pêcheurs européens fournissent des produits de la pêche de haute qualité dont l’empreinte carbone est relativement faible. Le CESE se félicite de la reconstitution spectaculaire des stocks halieutiques dans l’Union européenne, fruit d’années de bonne gestion et de réduction de la pression de pêche. Selon les données de la Commission européenne, l’Union ne disposait en 2009 que de cinq stocks exploités de manière durable; en 2022, il y en avait plus de 60 et les améliorations se poursuivent (1). Les populations de poissons, en particulier dans l’Atlantique du Nord-Est, ont considérablement augmenté, pour atteindre en seulement dix ans des niveaux de 50 % supérieurs à ceux de 2010 (2). En outre, 99 % des débarquements de produits de la pêche réglementés par l’Union dans l’Atlantique du Nord-Est (3), contre 82,5 % à l’échelle mondiale (4), proviennent de stocks halieutiques durables. |
1.3. |
Toutefois, cette reprise a eu un coût socioéconomique important. Les réductions de quotas, conjuguées aux crises persistantes subies par les pêcheurs, ont un effet dévastateur, qui se traduit par des destructions de navires dans toute l’Europe. Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), la flotte de pêche européenne compte aujourd’hui 28 % de navires de moins qu’en 2000. Le CESE estime dès lors qu’il est essentiel de garantir aux entreprises et aux travailleurs une prévisibilité des revenus et un cadre de stabilité économique. |
1.4. |
Si le secteur de la pêche en Europe a déployé des efforts considérables et accompli des progrès sur la voie de la durabilité et de la protection des écosystèmes marins, les océans restent soumis au changement climatique, à l’acidification et à la pollution par des agents tels que les plastiques et autres déchets ou résidus provenant d’activités terrestres, facteurs qui constituent une menace sérieuse pour les écosystèmes marins et les communautés qui en dépendent. Pour résoudre ces problèmes, et conformément aux objectifs du nouveau cadre mondial de la biodiversité pour l’après-2020 et de la stratégie de l’Union en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030, l’Union est tenue d’apporter une protection juridique à 30 % de ses mers d’ici à 2030. Le CESE invite les États membres à atteindre cet objectif dans le délai imparti et à rechercher des solutions qui permettent la coexistence avec la pêche, lorsque les recommandations scientifiques vont dans ce sens. |
1.5. |
Le CESE reconnaît que, malgré des améliorations, la pêche continue d’avoir une incidence environnementale sur les océans. Il est donc évident qu’il est nécessaire de continuer à atténuer les incidences des engins de pêche, d’accroître la sélectivité des filets et de protéger les espèces et les écosystèmes marins vulnérables. Le CESE invite à appliquer une stratégie de décarbonation et de protection de l’environnement qui repose davantage sur l’innovation que sur l’élimination de l’activité de pêche et accorde une attention égale aux trois piliers de la durabilité (environnementale, économique et sociale), en veillant à maintenir des emplois qualifiés sur le territoire européen. En particulier, compte tenu de l’amélioration continue des stocks halieutiques et du risque accru de réduction de la flotte, le CESE invite à trouver un équilibre entre la proposition consistant à accroître les fermetures de zones de pêche traditionnelles et le maintien de l’activité de pêche. |
1.6. |
Bien que le plan d’action n’ait pas de nature juridique contraignante, le CESE constate qu’il aura un coût socioéconomique important pour les États membres et leurs flottes. En conséquence, il regrette que le plan d’action ne soit pas accompagné d’une étude socioéconomique et qu’il n’avance aucune mesure de financement supplémentaire pour la double transition écologique et énergétique proposée par la Commission européenne. C’est pourquoi le Comité demande que soit réalisée une étude de l’incidence socioéconomique des mesures proposées, en particulier concernant l’interdiction de la pêche de fond dans les zones marines protégées (ZMP), et il appelle à mettre en place tous les moyens nécessaires, y compris des incitations et des mécanismes de compensation, en vue d’une transition juste et équilibrée. |
1.7. |
Le CESE estime qu’il est essentiel que les éventuelles restrictions sur les engins de fond aient automatiquement un pendant pour les produits importés de pays tiers, d’autant plus que l’Union européenne importe 70 % du poisson qu’elle consomme et que des milliers de tonnes de poisson proviennent de Russie et de Chine, et bénéficient même de préférences tarifaires (contingents tarifaires autonomes). Aussi le CESE demande-t-il à la Commission de faire figurer dans le plan d’action des mesures de marché destinées à assurer la cohérence et la compatibilité entre les politiques internes et externes, ainsi que des conditions de concurrence équitables entre les opérateurs de l’Union et ceux des pays tiers. Les engins mobiles de fond sont responsables de 25 % du total des captures européennes (5). Il plaide en faveur d’un plan d’action qui ne creuse pas le fossé en matière de sécurité et de souveraineté alimentaire (pour les produits de la mer) et qui permette aux pêcheurs d’utiliser pleinement les quotas de pêche qui leur sont attribués par la législation. |
1.8. |
En ce qui concerne l’anguille d’Europe, le CESE demande de poursuivre et d’accélérer les efforts visant à restaurer les habitats de l’espèce, à améliorer la connectivité des cours d’eau et à lever les obstacles à sa migration. Il invite également à améliorer la coopération transfrontière et à éviter les pratiques de pêche contre-productives. Aspect non moins important, le Comité rappelle que les récentes fermetures de pêche adoptées par l’Union pour les activités commerciales et récréatives ont une incidence négative sur la pêche côtière dans toute l’Europe et il appelle donc à analyser les progrès accomplis dans la reconstitution de l’espèce avant d’envisager de nouvelles mesures restrictives en matière de pêche. |
1.9. |
Le CESE souligne le rôle essentiel que joue la recherche scientifique pour ce qui est de recenser, de gérer et d’atténuer les menaces pesant sur les écosystèmes marins. Il en conclut qu’il est nécessaire de renforcer et d’améliorer les recommandations scientifiques, d’adopter une approche écosystémique de la gestion des ressources marines et de recourir à une cartographie plus précise de l’empreinte de pêche et des puits de carbone. |
1.10. |
En ce qui concerne les munitions et autres polluants qui ont été déversés dans nos mers au cours de périodes de guerre, en particulier dans la mer Baltique, le CESE invite la Commission européenne et les États membres à prendre des mesures opérationnelles pour nettoyer les fonds marins, ainsi que des mesures législatives pour veiller à ce que les eaux soient à l’abri de ces dangers. |
2. Contexte
2.1. |
Selon la Commission européenne, le plan d’action s’inscrit dans le cadre des efforts qu’elle déploie pour parvenir à une mise en œuvre plus cohérente de la politique environnementale de l’Union et de la politique commune de la pêche, avec ses trois piliers de la durabilité: environnementale, économique et sociale. Il vise à accélérer la transition vers des pratiques de pêche plus durables, par les vecteurs suivants:
|
2.2. |
Selon la Commission européenne, cette transition doit être soutenue par un financement facilement accessible, par des travaux scientifiques visant à développer et à promouvoir des techniques de pêche innovantes et par un cadre de gouvernance solide permettant le dialogue entre les communautés de pêcheurs et les organisations environnementales. |
3. Observations générales
Aspects juridiques
3.1. |
Le CESE note que le plan d’action n’est pas contraignant et qu’en cette qualité, il consiste principalement en une série de recommandations adressées aux États membres sur la base des stratégies de l’UE en faveur de la biodiversité (6), de l’adaptation au changement climatique (7) et de la stratégie «De la ferme à la table» (8). Toutefois, le programme d’actions proposé aura un coût socioéconomique important pour les États membres et leurs flottes. À cet égard, le CESE voit dans le plan d’action une occasion unique d’ouvrir un dialogue au niveau européen et national, et soutient dès lors la création d’un groupe spécial conjoint pour les États membres, dans lequel les parties prenantes (armateurs, travailleurs, associations de défense de l’environnement) seraient représentées en tant qu’observateurs, et qui serait propre à garantir des processus décisionnels coordonnés et inclusifs afin d’adopter et de mettre en œuvre des mesures de gestion cohérentes. |
3.2. |
Le CESE rappelle que la législation européenne en matière de pêche et d’environnement exige déjà la protection et la restauration des fonds marins. À titre d’exemple, la pêche de fond mobile en mer Méditerranée est interdite à plus de 1 000 mètres de profondeur. Dans l’Atlantique, le chalutage de fond est interdit à une profondeur de plus de 800 mètres et l’activité de pêche avec des filets de fond a récemment été suspendue sur une zone d’écosystèmes marins vulnérables représentant 16 419 km2. |
3.3. |
Toutefois, l’Union est tenue d’apporter une protection juridique à 30 % de ses mers d’ici à 2030, conformément aux objectifs du nouveau cadre mondial en matière de biodiversité et de la stratégie de l’UE en faveur de la biodiversité. Le CESE invite les États membres à atteindre cet objectif au moyen de stratégies nationales qui promeuvent une approche écosystémique et permettent la coexistence avec la pêche fondée sur les recommandations scientifiques. |
3.4. |
Le Comité souligne que l’interdiction généralisée de la pêche de fond dans les ZMP n’est prescrite par aucun instrument international (accord sur la biodiversité en haute mer (9), CDB (10) ou ORGP (11)), ni même par l’acquis de l’Union. Aussi le CESE estime-t-il opportun de suivre l’interprétation exposée par la Commission dans sa réponse au rapport de la Cour des comptes (12), dans lequel elle affirme que «[l]a désignation de ZMP ne doit pas conduire à une restriction totale des activités humaines mais plutôt à l’instauration de mesures de gestion efficaces en fonction des objectifs de conservation de ces zones et en se fondant sur les meilleurs avis scientifiques disponibles. Cela peut conduire à restreindre les activités de pêche uniquement lorsqu’il est nécessaire de satisfaire aux exigences écologiques des caractéristiques naturelles qui font l’objet d’une protection». On retrouve cette même logique dans la directive «Habitats» (13), où il est précisé que «[l]es mesures prises en vertu de la présente directive tiennent compte des exigences économiques, sociales et culturelles, ainsi que des particularités régionales et locales» (article 2, paragraphe 3), en plus de la nécessité de réaliser dans tous les cas une évaluation des incidences et de prendre des mesures dûment motivées (article 6, paragraphe 3). |
3.5. |
Afin de garantir que les produits de la pêche puissent être obtenus selon les meilleures normes sociales et environnementales sans nuire à la compétitivité des opérateurs dans les différents pays de l’Union, le plan d’action devrait définir une stratégie établissant les mêmes règles du jeu pour tous, y compris s’agissant des normes des pays tiers. En outre, dans le cadre des dialogues et consultations sur la manière dont il sera mis en œuvre par chaque État membre, il conviendra de coordonner les efforts qui seront déployés et de garantir qu’une flotte battant pavillon d’un État membre et opérant dans les eaux d’un État membre distinct pourra être représentée dans les processus nationaux de création de ZMP. À défaut, il y aura potentiellement des désavantages comparatifs et, partant, une absence d’homogénéité dans les eaux européennes. |
3.6. |
Le Comité attire l’attention sur l’article 39 du TFUE, qui établit la nécessité d’assurer un niveau de vie équitable à la population agricole (et à celle des pêcheurs), de garantir la sécurité des approvisionnements et d’assurer des prix raisonnables dans les livraisons aux consommateurs. Par conséquent, et compte tenu du principe de proportionnalité (article 5 du TUE), les États membres devraient proposer l’option qui ait le moins d’impact sur la flotte tout en garantissant la conservation effective de la nature. |
3.7. |
Le CESE rappelle que l’article 2, paragraphe 1, point b), de l’accord de Paris (14) souligne la nécessité de «[renforcer] les capacités d’adaptation aux effets néfastes des changements climatiques et [de promouvoir] la résilience à ces changements et un développement à faible émission de gaz à effet de serre, d’une manière qui ne menace pas la production alimentaire». |
Champ d’application
3.8. |
La Commission invite les États membres à adopter des mesures nationales et, le cas échéant, à lui soumettre des recommandations communes pour faire en sorte que la pêche de fond mobile soit progressivement supprimée dans toutes les ZMP d’ici 2030. |
3.9. |
Le CESE rappelle que les ZMP peuvent conduire à restreindre les activités de pêche lorsqu’il est nécessaire de satisfaire aux exigences écologiques des caractéristiques naturelles qui font l’objet d’une protection. Dans ce contexte, il est possible de prévoir, dans les ZMP, de nombreuses autres mesures de conservation qui ne sont pas liées à la pêche de fond, telles que la protection des oiseaux marins, des cétacés ou des tortues. Ainsi, lorsqu’il s’agira de proposer des mesures concernant les engins de fond, le Comité invite la Commission à concentrer ses efforts sur les ZMP qui ont pour mission la protection des fonds marins vulnérables, et non celles d’une autre nature. |
3.10. |
Le CESE rappelle que l’objectif 3 de la nouvelle convention sur la diversité biologique (CDB) est de garantir et permettre qu’au moins 30 % des zones côtières et marines soient effectivement préservées et gérées d’ici à 2030 au moyen de ZMP et d’«autres mesures de conservation efficaces par zone» (AMCEZ), en veillant à ce que toute utilisation durable des ressources biologiques, le cas échéant dans ces zones, soit pleinement conforme aux résultats en matière de conservation, dans la reconnaissance et le respect des droits des communautés locales. |
3.11. |
Dans ce contexte, le CESE regrette que la Commission ne fasse pas référence dans le plan d’action à des outils de protection de l’environnement inclusifs et efficaces tels que les AMCEZ. Il appelle à recourir au «Manuel d’identification, d’évaluation et de notification d’autres mesures de conservation efficaces par zone de pêche marine» publié en 2022 par la FAO (15). |
3.12. |
Le CESE demande également que les AMCEZ soient incluses dans le calcul du taux de protection juridique de 30 %, afin que cet objectif puisse être atteint de manière proportionnée. À cet égard, il demande que l’on prenne en compte d’autres fermetures de pêche de fond prévues par la législation en matière de pêche, par exemple les 87 zones récemment fermées à la pêche de fond dans l’Atlantique ou les fermetures en Méditerranée occidentale en application du plan de gestion pluriannuel. |
Empreinte de pêche
3.13. |
Le plan d’action, citant un avis spécial du Conseil international pour l’exploration de la mer (CIEM) du 24 juin 2021, indique que la pêche de fond mobile reste répandue dans l’Atlantique du Nord-Est, où elle a lieu dans 80 à 90 % des «zones où il est possible de pêcher». Le CESE fait observer que ces chiffres si élevés sont principalement dus à la faible résolution de la cartographie de l’empreinte de pêche. En effet, pour estimer l’incidence de la pêche de fond, le CIEM utilise un quadrillage dont les cases représentent environ 17 km2 (latitudes nord) et 27 km2 (latitudes sud). En d’autres termes, si un navire trace une ligne passant par un quelconque point de la zone concernée, il est considéré comme pêchant sur l’ensemble de la zone. Cela conduit à un gonflage artificiel de la taille des zones exploitées et à la prise de décisions politiques ne reposant pas sur une cartographie précise. Par conséquent, le CESE demande à la Commission d’indiquer dans le plan d’action qu’il est nécessaire de disposer d’une cartographie des engins de fond qui soit dans une meilleure résolution. Dans le rapport sur la mise en œuvre de la directive-cadre «stratégie pour le milieu marin» (16), la Commission souligne que les principales activités à l’origine de la perte physique réelle des habitats benthiques (17) sont «la récupération de terres sur la mer et la protection contre les inondations, la construction de ports, l’élimination de déchets solides, la production d’énergie renouvelable et les incidences de pratiques d’aquaculture non durables» (18). Le CESE demande dès lors à la Commission qu’elle propose aussi des mesures supplémentaires visant à réduire au minimum ou à éliminer l’impact de ces éléments, qui, à leur tour, ont une incidence négative sur l’activité de pêche. |
Données scientifiques
3.14. |
Des perturbations telles que l’acidification, les vagues de chaleur océaniques, la pénurie d’oxygène, la prolifération d’algues toxiques, les parasites ou les problèmes de reproduction peuvent entraîner l’effondrement des stocks de poissons ou les contraindre à se déplacer vers des eaux plus profondes et plus froides. Les plastiques, les microplastiques et les autres polluants issus des activités humaines ont également une incidence négative sur les écosystèmes marins. En raison de ces facteurs, les recherches scientifiques en matière de pêche, dans leur forme classique, ne parviennent pas à cerner, dans un certain nombre de cas, quel est l’état des stocks halieutiques et quelles sont leurs variations. Le CESE en conclut qu’il est plus que jamais nécessaire de recourir à une approche écosystémique et d’améliorer la recherche scientifique à des fins d’évaluation, de compréhension et d’adaptation aux changements. |
3.15. |
Le plan d’action annonce qu’en 2024, la Commission lancera une étude quantifiant la capacité de stockage du carbone des fonds marins de l’Union et les incidences possibles des activités de pêche de fond sur cette capacité. Le CESE accueille favorablement cette initiative. Il demande, dans ce contexte, d’examiner si le contrôle de la perturbation des sédiments est efficace en matière d’atténuation du changement climatique. Il conviendrait également d’étudier l’effet du déplacement de l’effort de pêche dû aux fermetures vers de nouvelles zones auparavant non exploitées, ainsi que celui de causes naturelles — comme les tempêtes — sur les sédiments, et de les comparer à l’incidence de la pêche de fond. |
3.16. |
Le CESE appuie pleinement l’initiative de la Commission de mettre au point une plateforme interactive sur les engins de pêche sélectifs et innovants, permettant de partager les connaissances et les bonnes pratiques. Dans ce contexte, il rappelle les recommandations du CIEM sur les engins de pêche innovants (19), dans lesquelles des experts ont évalué les avantages et les incidences des engins innovants sur les écosystèmes marins, les habitats sensibles et la sélectivité des pêcheries. Le CESE se félicite que la plupart des progrès aient été réalisés dans les pêcheries de fond et encourage à poursuivre dans cette voie. |
Incidence socioéconomique
3.17. |
Le CESE demande que soit réalisée, même si elle n’est pas obligatoire, une étude de l’incidence socioéconomique des mesures proposées, en particulier concernant l’interdiction de la pêche de fond dans les ZMP. Étant donné que la pêche au chalut représente à elle seule, dans l’Union, 7 000 navires de pêche, 20 000 pêcheurs, un tiers de la capacité de pêche totale, 38 % des recettes générées par la flotte de l’Union et 25 % du total des captures, il s’avère indispensable d’évaluer l’impact des mesures proposées. |
3.18. |
Le CESE demande à la Commission et aux États membres non seulement d’étudier et de réduire au minimum l’incidence directe des mesures proposées, comme la perte d’accès aux zones de pêche traditionnelles, mais aussi le déplacement de l’effort de pêche vers d’autres zones susceptibles de voir naître des conflits entre les engins de pêche, l’inaccessibilité des espèces cibles ou l’augmentation de l’utilisation de carburant. |
Sécurité alimentaire
3.19. |
Les conclusions du plan d’action soulignent la nécessité de garantir la sécurité alimentaire ainsi que le bien-être socioéconomique des pêcheurs, des communautés côtières et de la société dans son ensemble. Toutefois, l’interdiction des engins de fond dans les ZMP actuelles (10 % des mers) entraînerait une augmentation de 2 % des importations. Compte tenu de l’importance de parvenir à une transition juste, le CESE demande qu’une étude soit réalisée sur l’augmentation estimée des importations pour les objectifs fixés dans ce plan (30 % des mers). |
3.20. |
Le CESE rappelle que 70 % du poisson consommé dans l’Union provient déjà de pays tiers et que les engins de fond mobiles comptent pour 25 % du total des captures européennes. Il plaide en faveur d’un plan d’action qui ne creuse pas le fossé en matière de sécurité et de souveraineté alimentaire (pour les produits de la mer) et qui permette aux pêcheurs d’utiliser pleinement les quotas de pêche qui leur sont attribués par la législation. |
Mesures de marché
3.21. |
Le CESE estime qu’il est essentiel que les restrictions sur les engins de fond aient automatiquement un pendant pour les produits importés de pays tiers. D’autant plus que des milliers de tonnes de poisson blanc (par exemple le lieu d’Alaska, la morue et l’églefin) proviennent de Russie et de Chine, et bénéficient même de préférences tarifaires (contingents tarifaires autonomes). Aussi le CESE demande-t-il à la Commission de faire figurer dans le plan d’action des mesures de marché destinées à assurer la cohérence et la compatibilité entre les politiques internes et externes, ainsi que des conditions de concurrence équitables entre les opérateurs de l’Union et ceux des pays tiers. |
Financement
3.22. |
Le CESE regrette que le plan d’action n’avance aucune mesure de financement supplémentaire pour la double transition écologique et énergétique proposée par la Commission européenne. Une initiative d’une telle envergure, qui concerne un nombre si élevé de navires de pêche de fond, doit s’accompagner des incitations et mécanismes compensatoires nécessaires. Le CESE demande que des aides publiques soient allouées à la recherche et à l’innovation afin que l’on trouve des solutions pour réduire le contact des engins de pêche avec les fonds marins, plutôt que d’en changer ou de procéder à la destruction de navires. En effet, ces dernières solutions nécessiteraient d’énormes sommes d’argent, qui ne sont pas disponibles dans le cadre des Fonds actuels, sans parler des obstacles techniques au changement de méthodes de pêche. De plus, le CESE plaide en faveur de la prise en compte de la saisonnalité et de la spécificité du secteur de la pêche. Il demande que, outre le Fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l’aquaculture (Feampa), le Fonds social européen et le Fonds européen de développement régional approuvent des programmes axés sur la pêche afin d’améliorer l’acheminement des fonds là où ils sont le plus nécessaires. Par surcroît, il demande à la Commission européenne de produire des rapports de suivi afin de vérifier si les fonds sont correctement mis en œuvre et distribués. |
Prises accessoires
3.23. |
Le CESE partage pleinement l’avis de la Commission quant à la nécessité de réduire au minimum et, si possible, d’éliminer les captures accidentelles d’espèces marines sensibles, comme le dauphin commun du golfe de Gascogne. Il se dit préoccupé par le sort des espèces vulnérables qui sont particulièrement menacées, telles que certaines espèces de requins, de tortues marines, de mammifères marins (marsouin commun de la Baltique centrale et phoque moine de la Méditerranée) et d’oiseaux marins (puffin des Baléares). Il invite les États membres à prendre des mesures nationales ou conjointes pour réduire au minimum les prises accessoires. |
3.24. |
À cet égard, le CESE accueille favorablement les dernières mesures prises par certains États membres qui ont déployé des observateurs à bord des navires et installé des dispositifs acoustiques émettant des ultrasons pour éloigner les dauphins. Enfin, il demande à la Commission et aux États membres de veiller à ce que les fermetures de zones de pêche visant à protéger des espèces sensibles soient équilibrées et tiennent compte de l’impact socioéconomique considérable qu’elles auront sur la flotte. |
3.25. |
En ce qui concerne l’anguille d’Europe, le CESE s’inquiète de la situation délicate dans laquelle se trouve l’espèce et rappelle les mesures fortes prises par le Conseil en décembre 2022 en vue de son amélioration, qui ont abouti à une fermeture de six mois des captures marines et à une interdiction totale de la pêche récréative de cette espèce. Dans ce contexte, le CESE rappelle que ces mesures auront une forte incidence négative sur la pêche côtière dans toute l’Europe et appelle donc à analyser les progrès accomplis dans la reconstitution de l’espèce avant de prendre de nouvelles mesures restrictives. Toutefois, le Comité estime qu’il est fondamental de tenir compte de toutes les incidences, qu’elles soient liées ou non à la pêche, et de mieux mettre en œuvre la législation pertinente, comme la directive-cadre sur l’eau (20), la directive Habitats et la directive-cadre «stratégie pour le milieu marin», afin d’améliorer la situation dans les meilleurs délais et d’éviter de nouvelles restrictions. |
Autres polluants
3.26. |
Selon les estimations, la mer Baltique renferme à elle seule, en raison des guerres du siècle dernier, environ 50 000 tonnes de munitions chimiques, 500 000 tonnes d’armes conventionnelles et 10 000 débris de naufrages, qui gisent sur son fond (21). Cette forme de danger est exacerbée à l’heure actuelle par l’agression militaire brutale de la Russie contre l’Ukraine. Les munitions déversées constituent une menace réelle pour la vie humaine et l’environnement marin, laquelle met en péril non seulement la pêche et la navigation, mais aussi le développement d’autres secteurs de l’économie bleue. Le CESE appelle la Commission européenne et les États membres à prendre des mesures opérationnelles pour nettoyer les fonds marins, ainsi que des mesures législatives pour veiller à ce que les eaux soient à l’abri de ces dangers. Il rappelle l’importance que revêtent l’Autorité européenne de sécurité des aliments et les programmes nationaux des États membres au titre de la directive-cadre «stratégie pour le milieu marin» pour ce qui est de préserver l’environnement marin en tant que source d’approvisionnement en denrées alimentaires sûres et saines pour l’homme. |
Économie bleue
3.27. |
Le CESE rappelle que les différents secteurs qui composent l’économie bleue (pêche, biotechnologie, navigation, transport maritime, aquaculture, chantiers navals, chaîne d’approvisionnement, logistique et transport) sont interdépendants. Par conséquent, la perte ou la démolition de navires de pêche a une incidence directe sur les chantiers navals et d’autres services logistiques européens. Dans ce contexte, le CESE souligne qu’il est nécessaire d’appliquer une stratégie de décarbonation et de protection de l’environnement qui repose davantage sur l’innovation que sur l’élimination de l’activité de pêche et accorde une attention égale aux trois piliers de la durabilité (environnementale, économique et sociale), en veillant à maintenir des emplois qualifiés sur le territoire européen (22). Par ailleurs, le CESE rappelle que le secteur de la pêche contribue précisément à fixer la population des communautés rurales côtières fortement dépendantes de cette industrie (23). La réduction ou la perte du secteur de la pêche a pour conséquence directe une augmentation du flux migratoire vers les grandes villes, avec tous les problèmes que la concentration de la population entraîne. |
Énergie éolienne
3.28. |
Conformément au pacte vert pour l’Europe, l’Union s’est fixé pour objectif de multiplier par vingt sa production d’énergie marine afin d’atteindre la neutralité climatique d’ici à 2050. Toutefois, cette augmentation n’est pas sans incidence sur le milieu marin, avec par exemple l’installation de parcs éoliens et la pose de câbles en eau profonde. Plusieurs États membres ont même annoncé qu’ils connecteraient leurs réseaux électriques en haute mer, principalement par l’intermédiaire d’îles artificielles destinées à la distribution d’énergie, dans la mer Baltique et l’Atlantique. Le CESE est pleinement conscient de la nécessité de disposer de sources d’énergie renouvelables qui doivent coexister avec des sources d’alimentation durables (24). Par conséquent, il demande que l’on procède à un développement prudent de l’éolien en mer, en réduisant au minimum son incidence sur la biodiversité, pour éviter de commettre les mêmes erreurs que par le passé. En outre, il demande que l’installation de ces structures n’affecte pas les zones de pêche traditionnelles de la profession. |
Bruxelles, le 12 juillet 2023.
Le président du Comité économique et social européen
Oliver RÖPKE
(1) COM(2023) 103 final.
(2) Comité scientifique, technique et économique de la pêche (CSTEP), Suivi des résultats de la politique commune de la pêche (STECF Adhoc 20-01).
(3) COM(2020) 248 final.
(4) Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), La situation mondiale des pêches et de l’aquaculture 2022.
(5) Comité scientifique, technique et économique de la pêche (CSTEP), Rapport économique annuel 2021 sur la flotte de pêche de l’UE (STECF 21-08).
(6) COM(2020) 380 final.
(7) COM(2021) 82 final.
(8) COM(2020) 381 final.
(9) Accord sur la conservation et l’exploitation durable de la biodiversité marine dans les zones situées au-delà des limites de la juridiction nationale.
(10) Convention sur la diversité biologique (CDB).
(11) Organisations régionales de gestion des pêches.
(12) Cour des comptes européenne, Rapport spécial 26/2020.
(13) Directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JO L 206 du 22.7.1992, p. 7).
(14) Nations unies, Accord de Paris 2015.
(15) FAO, Manuel d’identification, d’évaluation et de notification d’autres mesures de conservation efficaces par zone de pêche marine.
(16) Directive 2008/56/CE du Parlement Européen et du Conseil du 17 juin 2008 établissant un cadre d’action communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin (directive-cadre stratégie pour le milieu marin) (JO L 164 du 25.6.2008, p. 19).
(17) Habitats se trouvant au fond de la mer.
(18) COM(2020) 259 final.
(19) CIEM, sr.2020.12.
(20) Directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau (JO L 327 du 22.12.2000, p. 1).
(21) Euractiv, Clearing chemical and conventional munitions from the sea (Débarrasser la mer des produits chimiques et des munitions conventionnelles).
(22) Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions relative à une nouvelle approche pour une économie bleue durable dans l’Union européenne — Transformer l’économie bleue de l’Union européenne pour assurer un avenir durable [COM(2021) 240 final] (JO C 517 du 22.12.2021, p. 108).
(23) Avis du Comité européen des régions intitulé «La politique commune de la pêche sur le terrain: vers des collectivités côtières durables et résilientes dans l’UE» (NAT-VII/035).
(24) Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Une stratégie de l’UE pour exploiter le potentiel des énergies renouvelables en mer en vue d’un avenir neutre pour le climat» [COM(2020) 741 final] (JO C 286 du 16.7.2021, p. 152).
29.9.2023 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 349/134 |
Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2019/1242 en ce qui concerne le renforcement des normes de performance en matière d’émission de CO2 pour les nouveaux véhicules lourds et intégrant des obligations de déclaration, et abrogeant le règlement (UE) 2018/956
[COM(2023) 88 final — 2023/0042 (COD)]
(2023/C 349/21)
Rapporteur: |
Dirk BERGRATH |
Corapporteur: |
Alessandro BARTELLONI |
Consultations |
Parlement européen, 29.3.2023 Conseil de l’Union européenne, 3.4.2023 |
Base juridique |
Article 192, paragraphe 1, et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
Compétence |
Commission consultative des mutations industrielles |
Adoption en section |
22.6.2023 |
Adoption en session plénière |
12.7.2023 |
Session plénière no |
580 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
182/4/7 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Le Comité économique et social européen (CESE) salue l’objectif de la proposition de règlement à l’examen consistant à accélérer le rythme de la décarbonation dans le secteur et à stimuler sa transformation structurelle. L’Union européenne devrait saisir cette occasion pour devenir un chef de file dans le secteur des transports propres. |
1.2. |
Le CESE note que la proposition va au-delà des objectifs actuellement proposés en Chine, mais qu’elle est en deçà de la législation récemment adoptée en Californie visant à fixer un objectif de vente de 100 % de camions et d’autobus à émission nulle d’ici à 2036. Le Comité relève également que le plan national américain pour la décarbonation des transports (1) assigne un rôle complémentaire à l’«électricité propre, aux biocarburants/carburants de synthèse durables et à l’hydrogène propre» pour les transports en général et pour le transport routier lourd en particulier. |
1.3. |
Le CESE fait observer qu’un certain nombre d’États membres, à l’instar d’autres pays, dont les États-Unis, se sont déjà engagés à passer à 100 % de ventes de véhicules utilitaires lourds à émission nulle d’ici à 2040 (2). En outre, diverses règles seront probablement adoptées aux niveaux local et régional (par exemple, des interdictions d’entrée). |
1.4. |
Le CESE reconnaît l’importance de donner une impulsion réglementaire pour encourager le déploiement de véhicules à émission nulle. Il estime cependant qu’il convient également de mettre l’accent sur la demande et sur les principales conditions favorables qui font de l’exploitation des véhicules à émission nulle une option viable pour les opérateurs logistiques. |
1.5. |
Le CESE se félicite des efforts déployés par certains États membres pour soutenir le passage à des véhicules à émission nulle, en particulier pour les PME, et notamment par l’intermédiaire de la facilité pour la reprise et la résilience (FRR) de l’Union européenne et d’autres fonds nationaux. |
1.6. |
Le CESE réaffirme son soutien au règlement sur le déploiement d’une infrastructure pour carburants alternatifs (AFIR). Les pouvoirs publics doivent veiller à ce que les carburants alternatifs et les stations de recharge soient disponibles en cas de besoin (3). Pour atteindre l’objectif intermédiaire de 2030, plus de 50 000 bornes de recharge accessibles au public sont nécessaires, dont 35 000 modèles de recharge mégawatt à haute performance. Quelque 700 stations de recharge d’hydrogène seraient également nécessaires. |
1.7. |
Compte tenu des limites de l’analyse d’impact de la Commission, le CESE demande un suivi étroit et régulier de l’évolution de la situation dans un rapport sur les évolutions principales, y compris une évaluation approfondie de la chaîne d’approvisionnement afin d’éviter les perturbations et de mieux refléter l’impact de la décarbonation des transports au niveau régional. |
1.8. |
Dans le droit fil de ses avis précédents (4), le CESE note qu’en dépit de tous les avantages des systèmes de propulsion électriques et à hydrogène, la proposition de règlement fondée sur l’approche dite «au tuyau d’échappement» doit être complétée par d’autres instruments d’action visant à encourager l’utilisation de combustibles non fossiles renouvelables pour la partie de la flotte utilisant un moteur à combustion interne. Il importe que le paquet «Ajustement à l’objectif 55» garantisse une approche fondée sur le cycle de vie et prévienne tout transfert des émissions en amont de la chaîne de valeur susceptible de découler de la décarbonation du transport routier. |
1.9. |
Le CESE souligne la nécessité d’un cadre politique qui stimule la décarbonation d’une manière équitable pour les travailleurs. Il s’agit notamment de fournir un financement adéquat pour soutenir les régions confrontées à des difficultés en raison du programme de décarbonation, de la nécessité d’anticiper les changements à tous les niveaux (sites, entreprises, régions et secteurs) grâce à des plans élaborés avec les partenaires sociaux, et d’un effort massif des pouvoirs publics et des entreprises pour reconvertir et améliorer les compétences des travailleurs. |
1.10. |
Le CESE plaide en faveur d’une trajectoire de réduction des émissions de CO2 conforme à la capacité de transformation du secteur industriel et compatible avec les opérateurs de transport en matière de coûts et d’efficacité opérationnelle. Les objectifs proposés doivent tenir compte du temps nécessaire pour convertir les installations de production existantes et en construire de nouvelles, pour déployer des infrastructures de recharge, pour sécuriser l’approvisionnement en composants essentiels et en matières premières, pour créer des marchés pilotes et pour former la main-d’œuvre. |
1.11. |
Le CESE souligne la nécessité de décarboner (la flotte) à un rythme compatible avec la mise en œuvre du plan industriel du pacte vert pour l’Europe et des projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC), et qui contribuera au développement de chaînes d’approvisionnement essentielles pour le secteur en Europe, telles que l’hydrogène propre, les batteries et la microélectronique. |
1.12. |
Le CESE souligne également la nécessité de renforcer les capacités et d’aider les transporteurs et les opérateurs, en particulier les PME, à se conformer aux obligations de déclaration mises en œuvre par le règlement. |
2. Contexte général
2.1. |
En octobre 2014, les chefs d’État ou de gouvernement de l’Union européenne (5) se sont fixé l’objectif contraignant de réduire, d’ici à 2030, les émissions de gaz à effet de serre (GES) produites dans l’ensemble de l’économie européenne d’au moins 40 % par rapport aux niveaux de 1990. Cette ambition se fondait sur des projections globales conformes à l’objectif à moyen terme de l’accord de Paris sur le changement climatique (COP 21) (6). |
2.2. |
En décembre 2020, la Commission a publié sa stratégie de mobilité durable et intelligente. Ce document fixe une série d’objectifs et de jalons ambitieux pour adapter le système de transport de l’Union européenne à un monde numérique et neutre pour le climat. |
2.3. |
En juillet 2021, la Commission a intensifié son action en adoptant le paquet «Ajustement à l’objectif 55» (7), un ensemble de propositions politiques visant à réduire de 55 % (par rapport aux niveaux de 1990) les émissions de gaz à effet de serre dans l’Union européenne d’ici à 2030. Ce paquet est conforme à l’engagement posé par l’Union dans la loi européenne sur le climat de parvenir à la neutralité climatique d’ici à 2050 (8). |
2.4. |
La stratégie européenne pour une mobilité à faible taux d’émissions (9) publiée en juillet 2016 fixe l’objectif de réduire, d’ici à 2050, les émissions de gaz à effet de serre provenant des transports à un niveau d’au moins 60 % inférieur à ceux de 1990 et de placer l’Union résolument sur la voie d’une mobilité à émission nulle. Le paquet «Ajustement à l’objectif 55» (10) établit pourtant que l’objectif de neutralité climatique à l’horizon 2050 exige une réduction de 90 % des émissions globales des transports d’ici à 2050 par rapport aux niveaux de 1990. L’utilisation de véhicules à faible taux d’émissions/à émission nulle devrait augmenter progressivement d’ici à 2030 pour atteindre une part de marché significative et placer l’Union européenne résolument sur la voie à long terme d’une mobilité à émission nulle. |
2.5. |
Le secteur du transport routier représente un cinquième des émissions de gaz à effet de serre de l’Union européenne. Les véhicules utilitaires lourds, comme les camions, les autobus urbains et les autobus longue distance, sont responsables de plus de 25 % des émissions de gaz à effet de serre provenant du transport routier dans l’Union européenne et représentent plus de 6 % des émissions totales de ces gaz sur l’ensemble du territoire. Malgré les efforts déployés par les constructeurs pour réduire les émissions par kilomètre, les émissions totales continuent de s’intensifier, en particulier dans le transport de marchandises, en raison de l’augmentation de la demande de transport routier, laquelle devrait continuer sa croissance à l’avenir. Le transport routier est également une source importante de pollution atmosphérique, et l’Union européenne procède actuellement à la révision de sa législation sur la qualité de l’air, notamment sur la base de la proposition relative aux nouvelles normes Euro 7 visant à réduire les émissions polluantes des véhicules. |
2.6. |
Le parc de véhicules utilitaires lourds actuel fonctionne presque entièrement avec des moteurs à combustion interne, qui sont principalement alimentés par des combustibles fossiles, dont la plus grande part est raffinée dans l’Union européenne à partir de pétrole brut importé, phénomène qui contribue à son tour à la dépendance énergétique de l’Union. Selon l’analyse d’impact de la Commission, la proposition de nouvelles normes devrait réduire la demande de combustibles fossiles d’environ 2 milliards de barils de pétrole entre 2031 et 2050. |
2.7. |
Actuellement, suivant le cycle d’essai sur de longues distances, la consommation de carburant pour une unité de traction européenne type, dotée d’une traction 4x2, pour des remorques de 40 tonnes, est d’environ 33,1 litres par 100 kilomètres parcourus sur routes et autoroutes. Dans le cadre du cycle d’essai «livraison urbaine», la consommation de carburant pour un camion de distribution européen type de 12 tonnes doté d’une traction 4x2 est d’environ 21,4 l/100 km (11). |
2.8. |
La clientèle intéressée par les véhicules utilitaires lourds se compose principalement d’opérateurs de transport de marchandises. Les frais de carburant pouvant représenter plus d’un quart de leurs coûts d’exploitation, l’efficacité énergétique constitue leur premier critère d’achat. Contrairement à ce que l’on observe dans le secteur des voitures particulières, le coût total de la propriété sera le facteur déterminant dans le choix du type de conduite. |
2.9. |
Selon les chiffres avancés par l’industrie, les exportations de camions ont généré un excédent de balance commerciale de 5 milliards d’euros en 2021. La même année, plus de 470 000 camions ont été assemblés dans les 52 usines que compte l’Union européenne (12). Ce secteur fait partie d’une industrie automobile qui génère 12,1 millions d’emplois directs et indirects en Europe, soit 5,6 % de l’emploi total dans l’Union. |
2.10. |
Le transport routier commercial est le système nerveux de la chaîne de valeur de l’économie de l’Union européenne. Il représente une part importante de son PIB (produit intérieur brut) et emploie plus de 3,4 millions de personnes dans l’ensemble des États membres (13). Il doit relever des défis tels que rendre les transports plus sûrs et plus sécurisés tout en préservant l’efficacité du marché unique et améliorer les conditions de travail au sein du secteur et de l’environnement des transports dans son ensemble. |
2.11. |
Les évolutions récentes du paysage géopolitique ont mis l’accent sur la nécessité de garantir la résilience de la chaîne d’approvisionnement logistique de l’Union européenne, même dans les situations les plus dramatiques. L’augmentation des coûts de l’énergie et de la dépendance concernant l’énergie et les matières premières, conjuguée aux stratégies protectionnistes agressives de certains acteurs internationaux importants, a menacé le système économique de l’Union et le bien-être de ses citoyens. Le système de transport routier commercial européen doit rester compétitif, abordable et pleinement opérationnel, même dans les circonstances les plus critiques. Le cadre réglementaire devrait servir cet objectif. |
3. La proposition de règlement
3.1. |
La proposition vise à remplacer le règlement (UE) 2019/1242 (14) de 2019 relatif aux normes d’émissions de CO2 pour les véhicules utilitaires lourds. Bien qu’il ne soit pas possible d’évaluer les résultats du règlement actuellement en vigueur, la Commission estime qu’il est nécessaire de contribuer aux objectifs du pacte vert pour l’Europe et de la loi européenne sur le climat. Elle fixe de nouveaux objectifs en matière d’émission de CO2 applicables à partir de 2025. |
3.2. |
La proposition concerne les camions (de plus de 5 tonnes), les autobus urbains et les autobus longue distance (de plus de 7,5 tonnes), ainsi que les remorques (un véhicule non motorisé tracté par un véhicule à moteur). Le champ d’application du règlement est ainsi largement étendu, mais il subsiste malgré tout un vide législatif en ce qui concerne les émissions de CO2 des voitures et des véhicules utilitaires légers (camions de 3,5 à 5 tonnes). |
3.3. |
La Commission propose des objectifs nouveaux et plus ambitieux en matière d’émissions de CO2 pour les nouveaux véhicules utilitaires lourds à partir de 2030 afin d’atteindre les objectifs susmentionnés. Selon la proposition, en moyenne et par rapport aux niveaux de 1990, les émissions de CO2 seraient réduites de:
|
3.4. |
Les nouveaux autobus urbains dans l’Union devront tous être à émission nulle (100 % de véhicules à émission nulle) à partir de 2030. |
3.5. |
Une exemption aux objectifs de réduction des émissions de CO2 s’appliquera aux véhicules utilitaires lourds suivants:
|
3.6. |
Contrairement aux normes de CO2 pour les voitures particulières et les véhicules utilitaires légers, la proposition de la Commission relative aux véhicules utilitaires lourds considère les véhicules à combustion interne à hydrogène (en plus d’autres technologies actuellement disponibles, comme les véhicules électriques à batterie ou les piles à hydrogène) comme une option à émission nulle. |
3.7. |
S’appuyant sur le champ d’application du paquet «Ajustement à l’objectif 55», qui couvre les émissions de tous les secteurs, la proposition de la Commission relative aux véhicules utilitaires lourds adopte la méthode dite «du réservoir à la roue» (tank-to-wheel), également utilisée dans le règlement relatif aux véhicules utilitaires légers (15), pour fixer les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Une telle méthode est également appelée «au tuyau d’échappement», car elle ne tient compte que du CO2 émis par le véhicule lors de son utilisation, tandis que les gaz à effet de serre émis lors de la fabrication du véhicule ou lors de la production des carburants ou de l’énergie sont couverts par d’autres actes législatifs tels que le système d’échange de quotas d’émission de l’UE. La contribution des carburants renouvelables et bas carbone aux fins du respect des objectifs fixés dans cette législation spécifique a été écartée, car la Commission a estimé qu’elle n’était ni rentable ni efficace. |
4. Observations générales
4.1. |
Le Comité salue l’objectif de la proposition de règlement à l’examen consistant à accélérer le rythme de la décarbonation dans le secteur et à stimuler sa transformation structurelle. Le secteur européen des transports doit renouveler sa flotte de transport routier en adoptant progressivement de nouvelles technologies de propulsion (électriques, piles à combustible à hydrogène ou moteurs à combustion interne à hydrogène). L’Union européenne devrait saisir cette occasion pour devenir un chef de file dans le secteur des transports propres. L’évolution de la situation montre que les technologies mentionnées offrent une option viable et rentable pour une utilisation normale dans le transport routier de courte, moyenne et (progressivement) longue distance. |
4.2. |
Le CESE note que la proposition va au-delà des objectifs actuellement proposés en Chine, mais qu’elle est en deçà de la législation récemment adoptée en Californie. En juin 2022, la Chine a annoncé une proposition («Phase 4») qui remplace sa précédente «Phase 3», mise en œuvre en 2019, et prévoit de réduire de 15 % les normes de consommation de carburant dans le secteur des poids lourds d’ici à 2026, cette diminution étant fixée comme objectif général pour tous les segments de véhicules. Selon les estimations, les normes américaines «Phase 2» adoptées en 2016 et applicables pour la période 2018-2027 devraient permettre des réductions des émissions de CO2 et de la consommation de carburant qui varient selon les types de véhicules et vont de 16 % à 30 % par rapport à leur niveau de référence de 2010. La Californie, dont les normes d’émission sont généralement suivies par d’autres États américains, a récemment adopté une législation visant à fixer un objectif de vente de 100 % de camions et d’autobus à émission nulle d’ici à 2036, autorisant uniquement les véhicules électriques à batterie et à pile à combustible à hydrogène. Le plan national américain pour la décarbonation des transports (16) assigne en outre un rôle complémentaire à l’«électricité propre, aux biocarburants/carburants de synthèse durables et à l’hydrogène propre» pour les transports en général et pour le transport routier lourd en particulier. |
4.3. |
Le CESE fait observer que le règlement proposé ne sera pas le seul cadre réglementaire à régir le secteur. Si un certain nombre d’États membres, aux côtés d’autres pays, dont les États-Unis, se sont déjà engagés à passer à 100 % de ventes de véhicules utilitaires lourds à émission nulle d’ici à 2040 (17), diverses règles seront probablement adoptées aux niveaux local et régional (par exemple, des interdictions d’entrée). Ces règles, bien que la plupart d’entre elles n’aient pas pour objectif de mener des actions en faveur du climat, auront une incidence sur l’utilisation et la rentabilité des véhicules qui ne sont pas à émission nulle, ainsi que sur le fonctionnement du marché unique. |
4.4. |
Le CESE reconnaît l’importance de donner une impulsion réglementaire en adoptant une mesure stratégique axée sur l’offre afin d’encourager les investissements dans les technologies des véhicules à émission nulle et le déploiement de ceux-ci, contribuant à terme, avec les carburants neutres en carbone, à la décarbonation complète du parc de véhicules utilitaires lourds. Il estime cependant qu’il convient également de mettre l’accent sur la demande et sur les principales conditions favorables qui font de l’exploitation des véhicules à émission nulle une option viable pour les opérateurs logistiques. |
4.4.1. |
Selon l’Association des constructeurs européens d’automobiles (ACEA), la proposition supposerait une augmentation significative du nombre de véhicules à émission nulle en circulation au moins deux ans plus tôt que le délai prévu actuellement. Plus précisément, le nouvel objectif proposé exigerait que plus de 400 000 véhicules à émission nulle soient en service dans un délai inférieur à sept ans, et près de 100 000 immatriculés chaque année à partir de 2030, ce qui signifie que plus d’un tiers de toutes les nouvelles immatriculations devraient être des véhicules à émission nulle à partir de cette date. Cette flotte nécessiterait plus de 50 000 bornes de recharge accessibles au public, dont 35 000 modèles de recharge mégawatt à haute performance. Quelque 700 stations de recharge d’hydrogène seraient également nécessaires, ce qui témoigne de la grande ambition des acteurs tant publics que privés. |
4.4.2. |
Le CESE plaide également en faveur de conditions favorables adéquates pour encourager les transporteurs et les opérateurs à investir dans de nouveaux véhicules, y compris un déploiement considérablement accéléré d’infrastructures de recharge et de ravitaillement appropriées, une tarification efficace du carbone et d’autres mesures axées sur la demande qui soutiennent les opérateurs de transport et garantissent qu’ils investissent dans des véhicules à émission nulle. Il convient de garder à l’esprit que les transporteurs et les opérateurs prendront des décisions d’investissement fondées sur des considérations de rentabilité. |
4.4.3. |
Le CESE se félicite des efforts déployés par certains États membres pour soutenir le passage à des véhicules à émission nulle, en particulier pour les PME. En Autriche, le programme de financement «Véhicules commerciaux et infrastructures sans émissions» aide les entreprises à remplacer leur flotte par des véhicules utilitaires à énergie non fossile et à mettre en place les infrastructures de recharge et de ravitaillement nécessaires pour ces véhicules commerciaux. Par l’intermédiaire de la facilité pour la reprise et la résilience (FRR) de l’Union européenne et d’autres fonds nationaux, l’Autriche dispose d’un total de 365 millions d’euros pour promouvoir les véhicules commerciaux à émission nulle et leurs infrastructures (18). |
4.5. |
Compte tenu des limites de l’analyse d’impact de la Commission, notamment l’absence d’évaluation du règlement actuel, le CESE demande un suivi étroit et régulier de certains éléments clés, dont le développement des nouveaux véhicules équipés de systèmes de propulsion, le déploiement des infrastructures de recharge et de ravitaillement, et le coût des véhicules, de l’énergie et des carburants. |
4.6. |
Les combustibles durables non fossiles peuvent jouer un rôle complémentaire à celui de l’électrification et de l’hydrogène pour décarboner les transports, même si leur efficacité moindre et leurs coûts (actuellement élevés) limitent ce rôle (19). Bien qu’ils soient reconnus dans les règlements relatifs au transport aérien et maritime, ils ne sont pas mentionnés dans ceux qui concernent la décarbonation du transport routier. Toutefois, selon une méthode qui compare les émissions linéaires de CO2 (provenant des combustibles fossiles) et les émissions circulaires ou nulles (des carburants de synthèse et des biocarburants durables), au cours du cycle de vie des véhicules concernés, on observe que les véhicules à moteur à combustion interne et les véhicules hybrides efficaces, alimentés par des biocarburants et des carburants de synthèse durables, ont une empreinte carbone comparable à celle des véhicules électriques à batterie utilisant de l’électricité d’origine fossile. Il est donc d’autant plus important de remplacer les combustibles fossiles pour la flotte existante, ainsi que pour les nouveaux véhicules utilitaires lourds qui continueront à utiliser des moteurs à combustion interne. |
4.7. |
Le CESE invite les responsables politiques à veiller à ce que le passage à des combustibles non fossiles donne des garanties claires en ce qui concerne les investissements et une transition juste dans le secteur des carburants, et qu’il soutienne la croissance de la chaîne de valeur industrielle de l’Union en la matière et permette à cette dernière de jouer un rôle de premier plan au niveau mondial. |
4.8. |
L’option neutre sur le plan technologique présente de nombreux avantages et atténuerait les risques liés tant au développement technologique qu’à la sécurité de l’approvisionnement. La résilience de l’économie de l’Union européenne tirerait bénéfice d’une stratégie technologique diversifiée, dans laquelle les carburants durables viendraient se joindre aux véhicules électriques à batterie et aux véhicules à hydrogène, et ces deux technologies développeraient et élargiraient leur assise sur le marché intérieur de l’Union européenne. |
4.9. |
Le CESE tient pour essentiel de veiller à ce que la proposition contribue à:
|
4.10. |
Ces objectifs nécessitent de mettre en place les éléments suivants: |
4.10.1. |
Une trajectoire de réduction des émissions de CO2 conforme à la capacité de transformation du secteur industriel et compatible avec les opérateurs de transport en matière de coûts et d’efficacité opérationnelle. Les objectifs proposés doivent tenir compte du temps nécessaire pour convertir les installations de production existantes et en construire de nouvelles, pour déployer des infrastructures de recharge, pour sécuriser l’approvisionnement en composants essentiels et en matières premières, pour créer des marchés pilotes et pour former la main-d’œuvre. |
4.10.2. |
Un rythme de décarbonation (pour la flotte) compatible avec la mise en œuvre du plan industriel du pacte vert pour l’Europe et des projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC), et qui contribuera au développement de chaînes d’approvisionnement importantes pour le secteur en Europe, telles que l’hydrogène propre, les batteries et la microélectronique. La trajectoire des émissions doit également être conforme aux objectifs du pacte vert pour l’Europe, ainsi qu’à la stratégie européenne pour une mobilité durable et intelligente. |
4.11. |
Comme indiqué dans des avis précédents, le CESE estime qu’une coordination renforcée entre les législations environnementales qui visent le transport routier est essentielle pour réussir la transformation de l’industrie (comme les normes Euro 7, le règlement AFIR et l’eurovignette) (20), tout en appelant à une approche législative cohérente. |
4.12. |
Dans le droit fil de ses avis précédents (21), le CESE note qu’en dépit de tous les avantages des systèmes de propulsion électriques et à hydrogène, la proposition de règlement fondée sur l’approche dite «au tuyau d’échappement» doit être complétée par d’autres instruments d’action visant à encourager l’utilisation de combustibles non fossiles renouvelables pour la partie de la flotte utilisant un moteur à combustion interne. Il importe que le paquet «Ajustement à l’objectif 55» garantisse une approche fondée sur le cycle de vie et prévienne tout transfert des émissions en amont de la chaîne de valeur susceptible de découler de la décarbonation du transport routier. La révision du système d’échange de quotas d’émission de l’UE et la directive sur les énergies renouvelables (22) doivent garantir que la décarbonation du transport routier et celle de la production d’électricité se déroulent à un rythme compatible. |
4.13. |
Dans le cadre de la transformation, l’Union européenne doit garantir une concurrence loyale pour les fabricants d’équipements d’origine et les opérateurs de transport européens sur les marchés nationaux et internationaux. |
4.14. |
Le CESE souligne également la nécessité de renforcer les capacités et d’aider les transporteurs et les opérateurs, en particulier les PME, à se conformer aux obligations de déclaration mises en œuvre par le règlement, y compris le registre central proposé pour les données sur les véhicules utilitaires lourds. |
4.15. |
En ce qui concerne les autobus urbains, le CESE insiste sur la nécessité d’exempter les autobus également utilisés pour les transports interurbains de l’obligation spécifique d’émission nulle pour les autobus urbains. |
4.16. |
Le CESE reconnaît que les changements technologiques ne sont pas «neutres» pour les travailleurs et s’en inquiète. Même si de nombreux emplois devraient être créés dans l’écosystème de la mobilité au cours des années à venir, il faut s’attendre à des pertes massives d’emplois dans certaines parties de la chaîne de valeur, car de nombreuses PME dans différentes régions de l’UE subiront un impact négatif. Les nouvelles technologies ont également une incidence sur les profils de compétences requis dans le secteur, et leur introduction rapide pourrait créer des difficultés pour certaines catégories de travailleurs (travailleurs peu qualifiés, travailleurs âgés, travailleurs temporaires). La pénurie actuelle de travailleurs qualifiés dans de nombreux secteurs pourrait également compromettre le rythme de la transition. |
4.17. |
Le CESE souligne la nécessité d’un cadre politique qui stimule la décarbonation d’une manière équitable pour les travailleurs. En ce qui concerne les véhicules utilitaires lourds, une transition juste doit se traduire par les éléments suivants: |
4.17.1. |
Des analyses d’impact approfondies de la chaîne d’approvisionnement afin d’éviter des changements perturbants pour les travailleurs. Ces analyses doivent également mieux refléter l’impact de la décarbonation des transports au niveau régional. |
4.17.2. |
La mise à disposition d’un financement adéquat pour soutenir les régions confrontées à des difficultés en raison du programme de décarbonation, compte tenu de l’importance de la conditionnalité sociale dans les aides d’État. |
4.17.3. |
La nécessité d’anticiper les changements à tous les niveaux (sites, entreprises, régions et secteurs) grâce à des plans élaborés avec les partenaires sociaux. |
4.17.4. |
Un effort massif des pouvoirs publics et des entreprises pour reconvertir et améliorer les compétences des travailleurs. |
Bruxelles, le 12 juillet 2023.
Le président du Comité économique et social européen
Oliver RÖPKE
(1) DOE/EE-2675, janvier 2023 (en anglais uniquement).
(2) «COP27: USA, Ukraine, Ireland, Aruba, Belgium, Croatia, Curaçao, Dominican Republic, Liechtenstein, Lithuania sign Global MOU, support path to 100% new truck and bus sales by 2040» («COP 27: Les États-Unis, l’Ukraine, l’Irlande, Aruba, la Belgique, la Croatie, Curaçao, la République dominicaine, le Liechtenstein et la Lituanie signent un protocole d’accord mondial et soutiennent la voie vers 100 % de ventes de nouveaux camions et autobus d’ici à 2040», en anglais uniquement) (17.11.22).
«U.S. Secretary of Energy Advances America's Commitment to Reaching Net Zero Global Emissions and Combatting Climate Change at COP27» («La secrétaire d’État américaine à l’énergie souligne l’engagement pris par son pays d’atteindre des émissions nettes nulles à l’échelle mondiale et de lutter contre le changement climatique lors de la COP 27», en anglais uniquement).
(3) Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur le déploiement d’une infrastructure pour carburants alternatifs et abrogeant la directive 2014/94/UE du Parlement européen et du Conseil [COM(2021) 559 final — 2021/0223(COD)] et sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Plan de déploiement stratégique visant à définir un ensemble d’actions supplémentaires pour soutenir le déploiement rapide d’une infrastructure pour carburants alternatifs» [COM(2021) 560 final] (JO C 152 du 6.4.2022, p. 138).
(4) Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des normes de performance en matière d’émissions pour les voitures particulières neuves et les véhicules utilitaires légers neufs dans le cadre de l’approche intégrée de l’Union visant à réduire les émissions de CO2 des véhicules légers et modifiant le règlement (CE) no 715/2007 [COM(2017) 676 final — 2017/0293 (COD)] (JO C 227 du 28.6.2018, p. 52) et avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2019/631 en ce qui concerne le renforcement des normes de performance en matière d’émissions de CO2 pour les voitures particulières neuves et les véhicules utilitaires légers neufs conformément à l’ambition accrue de l’Union en matière de climat [COM(2021)556 final — 2021/0197(COD)] (JO C 194 du 12.5.2022, p. 81).
(5) Conclusions du Conseil européen du 24 octobre 2014.
(6) https://unfccc.int/fr/a-propos-des-ndcs/l-accord-de-paris
(7) COM(2021) 550 final.
(8) Règlement (UE) 2021/1119 du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 2021 établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant les règlements (CE) no 401/2009 et (UE) 2018/1999 («loi européenne sur le climat») (JO L 243 du 9.7.2021, p. 1).
(9) COM(2016) 501 final.
(10) COM(2021) 550 final.
(11) Delgado, O., Rodríguez, F., Muncrief, R., «Fuel efficiency technology in European heavy-duty vehicles: Baseline and potential for the 2020-2030 timeframe» («La technologie de l’efficacité en matière de consommation de carburant pour les poids lourds européens: point de départ et potentiel pour la période 2020-2030»), International Council on Clean Transportation, ICCT White Paper, Berlin, juillet 2017.
(12) Fact sheet «Trucks» (Fiche thématique sur les camions, en anglais uniquement).
(13) Eurostat (2014), Enquête sur les forces de travail.
(14) Règlement (UE) 2019/1242 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 établissant des normes de performance en matière d’émissions de CO2 pour les véhicules utilitaires lourds neufs et modifiant les règlements (CE) no 595/2009 et (UE) 2018/956 du Parlement européen et du Conseil et la directive 96/53/CE du Conseil (JO L 198 du 25.7.2019, p. 202).
(15) Règlement (UE) 2019/631 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 établissant des normes de performance en matière d’émissions de CO2 pour les voitures particulières neuves et pour les véhicules utilitaires légers neufs, et abrogeant les règlements (CE) no 443/2009 et (UE) no 510/2011 (JO L 111 du 25.4.2019, p. 13).
(16) DOE/EE-2675, janvier 2023 (en anglais uniquement).
(17) «COP27: USA, Ukraine, Ireland, Aruba, Belgium, Croatia, Curaçao, Dominican Republic, Liechtenstein, Lithuania sign Global MOU, support path to 100% new truck and bus sales by 2040» («COP 27: Les États-Unis, l’Ukraine, l’Irlande, Aruba, la Belgique, la Croatie, Curaçao, la République dominicaine, le Liechtenstein et la Lituanie signent un protocole d’accord mondial et soutiennent la voie vers 100 % de ventes de nouveaux camions et autobus d’ici à 2040», en anglais uniquement) (17.11.22).
«U.S. Secretary of Energy Advances America's Commitment to Reaching Net Zero Global Emissions and Combatting Climate Change at COP27» («La secrétaire d’État américaine à l’énergie souligne l’engagement pris par son pays d’atteindre des émissions nettes nulles à l’échelle mondiale et de lutter contre le changement climatique lors de la COP 27», en anglais uniquement).
(18) https://www.bmk.gv.at/en/topics/mobility/alternative_transport/electromobility.html
(19) Voir le sixième rapport d’évaluation du GIEC, rapport du groupe de travail III (en anglais uniquement), p. 1068.
(20) Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la réception des véhicules à moteur et des moteurs ainsi que des systèmes, composants et entités techniques distinctes destinés à ces véhicules, au regard de leurs émissions et de la durabilité de leurs batteries (Euro 7), et abrogeant les règlements (CE) no 715/2007 et (CE) no 595/2009 [COM(2022) 586 final — 2022/0365(COD)] (JO C 228 du 29.6.2023, p. 103), avis du Comité économique et social européen sur le thème «La stratégie de l’UE en matière de mobilité et les chaînes de valeur industrielles de l’UE: approche des écosystèmes dans le secteur automobile» (avis d’initiative) (JO C 105 du 4.3.2022, p. 26), et avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 1999/62/CE relative à la taxation des poids lourds pour l’utilisation de certaines infrastructures» [COM(2017) 275 final — 2017/0114 (COD)] et la «Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 1999/62/CE relative à la taxation des poids lourds pour l’utilisation de certaines infrastructures, en ce qui concerne certaines dispositions concernant la taxation des véhicules» [COM(2017) 276 final — 2017/0115 (CNS)] (JO C 81 du 2.3.2018, p. 188).
(21) Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des normes de performance en matière d’émissions pour les voitures particulières neuves et les véhicules utilitaires légers neufs dans le cadre de l’approche intégrée de l’Union visant à réduire les émissions de CO2 des véhicules légers et modifiant le règlement (CE) no 715/2007 [COM(2017) 676 final — 2017/0293 (COD)] (JO C 227 du 28.6.2018, p. 52) et avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2019/631 en ce qui concerne le renforcement des normes de performance en matière d’émissions de CO2 pour les voitures particulières neuves et les véhicules utilitaires légers neufs conformément à l’ambition accrue de l’Union en matière de climat [COM(2021)556 final — 2021/0197(COD)] (JO C 194 du 12.5.2022, p. 81).
(22) Directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables (JO L 328 du 21.12.2018, p. 82).
29.9.2023 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 349/142 |
Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre visant à garantir un approvisionnement sûr et durable en matières premières critiques et modifiant les règlements (UE) no 168/2013, (UE) 2018/858, (UE) 2018/1724 et (UE) 2019/1020
[COM(2023) 160 final — 2023/0079 (COD)]
et sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Un approvisionnement sûr et durable en matières premières critiques à l’appui de la double transition»
[COM(2023) 165 final]
(2023/C 349/22)
Rapporteur: |
Maurizio MENSI |
Corapporteur: |
Michal PINTÉR |
Consultation |
Parlement européen, 8.5.2023 Conseil de l’Union européenne, 16.5.2023 |
Base juridique |
Articles 114 et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
Compétence |
Commission consultative des mutations industrielles |
Adoption en commission |
22.6.2023 |
Date de l’adoption en session plénière |
12.7.2023 |
Session plénière no |
580 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
183/1/6 |
I. RECOMMANDATIONS (1)
LE COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN
1. |
salue l’ambition de la Commission européenne, qui veut préparer une politique cohérente de l’Union sur les matières premières critiques et stratégiques et le développement de chaînes de valeur au sein des industries d’extraction, de raffinage et de recyclage, dans le droit fil des objectifs du pacte vert et de l’ensemble de la législation qui y est liée; |
2. |
invite la Commission européenne à garantir une approche globale grâce à des politiques européennes coordonnées, afin d’offrir une sécurité réglementaire pour les investissements dans la prospection, l’extraction, la transformation, le raffinage, et le recyclage des matières premières, de leurs substituts et des minéraux essentiels, sur la base de leur faisabilité économique et technique, de la cohérence politique et d’une sécurité juridique pour les opérateurs économiques de ces secteurs; |
3. |
demande que la politique relative aux matières premières soit coordonnée avec les politiques sociales de l’Union et que le développement des capacités des industries extractives de l’Union en matière de compétences soit soutenu, en ciblant la reconversion et le perfectionnement professionnels de la main-d’œuvre existante, ainsi que le développement des capacités de gouvernance dans les administrations publiques des États membres de l’Union; |
4. |
recommande d’inclure d’autres matériaux essentiels pour les secteurs des technologies vertes ou propres dans les listes des matières premières critiques et stratégiques, sans oublier que ces listes seront régulièrement mises à jour et qu’elles doivent reposer sur une évaluation de la valeur critique ou stratégique à la fois détaillée, transparente et fondée sur des données probantes, et menée en consultation avec des représentants et des experts de l’industrie; |
5. |
invite la Commission européenne, dans sa composition actuelle et future, à garantir un accès à une énergie à prix compétitifs, et à un financement ciblé pour les industries extractives et le recyclage au sein de l’Union, tout en s’assurant que les procédures d’autorisation et d’octroi de licences pour les nouveaux projets relatifs aux matières premières soient simplifiées et raccourcies, et que toutes les futures obligations imposées aux entreprises en matière de déclaration et d’audit soient limitées au minimum nécessaire; |
6. |
soutient la mise en œuvre effective de mesures de défense commerciale pour protéger les nouveaux projets développés dans le domaine des matières premières au sein de l’Union ainsi que pour lutter contre les pratiques commerciales déloyales et les restrictions en y apportant des réponses conformes aux règles de l’Organisation mondiale du commerce; |
7. |
conseille de donner la priorité aux matières premières critiques et stratégiques dans les législations sur le recyclage et les déchets, et de soutenir les marchés des matières premières secondaires, en particulier dans le cas des matières essentielles à la transition écologique; |
8. |
suggère de soutenir les projets de prospection et d’extraction des matières premières critiques sur le sol de l’Union au moyen de financements publics, en coordonnant les règles applicables aux aides d’État; |
9. |
recommande de garantir la coordination entre la législation sur les matières premières critiques et les outils de l’Union destinés à lutter contre les pratiques anticoncurrentielles, pour éviter toute distorsion indue au sein du marché intérieur; |
10. |
propose d’examiner les possibilités de partenariats et d’accords de coopération spécifiques, y compris avec les pays candidats; |
11. |
conseille de trouver un juste équilibre (environnemental) lors de l’évaluation de la cohérence avec les autres politiques de l’Union. |
II. NOTE EXPLICATIVE/ÉLABORATION
1. |
Le 16 mars 2023, la Commission a présenté sa proposition de nouveau règlement visant à garantir l’accès aux matières premières critiques et stratégiques (législation sur les matières premières critiques), accompagnée d’une communication. Alors que le règlement instaure un cadre réglementaire pour soutenir le développement des capacités intérieures et renforcer la durabilité et la circularité des chaînes d’approvisionnement en matières premières critiques dans l’UE, la communication propose des mesures visant à soutenir la diversification des chaînes d’approvisionnement grâce à de nouveaux partenariats internationaux se renforçant mutuellement. |
2. |
L’objectif général de la législation sur les matières premières critiques est de remédier au manque d’accès sûr et durable de l’UE aux matières premières critiques en sensibilisant davantage son industrie et en atténuant les risques liés aux matières premières critiques au sein de la chaîne d’approvisionnement mondiale, en augmentant la capacité de la chaîne de valeur des matières premières critiques dans le marché intérieur et en réduisant l’empreinte environnementale de la consommation de matières premières critiques dans l’Union. |
3. |
En proposant à l’UE d’adopter une approche cohérente pour améliorer et garantir la sécurité de l’approvisionnement en matières premières critiques, cette initiative contribuera à prévenir les éventuelles distorsions de concurrence et la fragmentation du marché unique qui pourraient résulter de ces actions si elles n’étaient pas coordonnées, et à maintenir des conditions de concurrence équitables pour les entreprises au sein de l’Union. |
Garantir une approche globale des politiques de l’UE afin d’offrir une sécurité réglementaire aux investissements
4. |
L’Union est actuellement dépendante des importations de nombreuses matières premières (qui représentent entre 75 % et 100 % de son approvisionnement) et se trouve donc exposée à des vulnérabilités tout au long des chaînes d’approvisionnement et à une importante volatilité des prix. Selon les perspectives mondiales de l’OCDE en matière de ressources matérielles jusqu’en 2060, l’utilisation de matières premières dans le monde devrait presque doubler d’ici cette date et l’utilisation des métaux devrait connaître la croissance la plus rapide, tant pour les métaux primaires que secondaires. Dans le même temps, l’UE génère moins de 5 % de la production mondiale de matières premières minérales. À elle seule, la Chine fournit environ 75 % de la capacité de production mondiale de cellules de batteries au lithium-ion et abrite les dix premiers fournisseurs mondiaux d’équipements photovoltaïques. En revanche, environ 3 % seulement de la capacité de production mondiale de cellules de batteries au lithium-ion se trouvent dans l’UE. |
5. |
Le règlement sur les matières premières critiques prévoit de recenser et de soutenir des projets stratégiques dans le domaine de l’extraction, de la transformation ou du recyclage des matières premières stratégiques. Afin d’attirer les investissements nécessaires — avec des délais relativement longs — la Commission devrait régler la question de la sécurité réglementaire. Un environnement réglementaire prévisible et stable est primordial pour attirer des investissements qui seront consacrés non seulement à la prospection et à l’extraction des matières premières, mais aussi à leur transformation et leur recyclage. |
6. |
Divers cadres législatifs ont une influence sur la stabilité et l’attractivité de l’environnement des entreprises de l’UE et les exigences en matière de déclaration, souvent concurrentes et multipliées, contribuent à l’incertitude réglementaire [voir, entre autres, la directive relative aux émissions industrielles (2), le règlement relatif aux batteries (3), la révision du règlement REACH, la législation en matière de déchets, le règlement sur l’écoconception pour des produits durables, le règlement pour une industrie «zéro net», la nouvelle politique industrielle de l’Union, le plan d’action pour une économie circulaire, la directive sur l’écoconception (4), etc.]. Il est donc essentiel d’éviter une double réglementation ou une réglementation excessive, afin d’attirer et d’encourager les investissements dans les capacités industrielles internes destinées à la prospection, l’extraction, le raffinage, la transformation et le recyclage des matériaux. La législation sur les matières premières critiques devrait s’appuyer sur les travaux de la Commission dans d’autres domaines, tout en s’alignant pleinement sur les objectifs du pacte vert et en étant cohérente avec la législation connexe. La politique relative aux matières premières critiques devrait être fondée autant que possible sur des données probantes, en tenant compte des informations disponibles (voir l’étude de prospective 2020 du JRC intitulée «Critical Raw Materials for Strategic Technologies and Sectors in the EU», ou le rapport scientifique et stratégique du Centre commun de recherche (JRC) intitulé «Supply chain analysis and material demand forecast in strategic technologies and sectors in the EU»). |
7. |
Une autre question concerne la nécessité de fournir des orientations précises aux parties prenantes sur la manière dont les listes de matières premières stratégiques et critiques seront mises en œuvre dans les politiques de l’UE et adaptées à l’évolution future du marché des matières premières critiques. La liste des matières premières critiques peut contribuer à souligner l’importance et le rôle de certaines substances dans l’économie de l’Union auprès des décideurs politiques, mais il faut aller plus loin si l’on veut que les substances inscrites sur la liste soient dûment soutenues dans les législations actuelle et à venir. Les priorités ayant trait aux matières premières critiques doivent être clairement hiérarchisées dans l’élaboration des politiques, en particulier dans les domaines de la politique industrielle, de la politique commerciale, des aides d’État, de la recherche, du développement et de l’innovation, du climat et de l’environnement, ainsi que dans la législation sur les produits chimiques. Toutes ces politiques et leurs objectifs doivent être alignés, afin de créer des conditions propices et un régime réglementaire favorable aux matières premières critiques et au développement de leurs chaînes de valeur. Des précisions supplémentaires doivent également être apportées en ce qui concerne la priorité accordée aux projets dans le cadre desquels les principaux matériaux extraits ne sont ni stratégiques ni critiques, contrairement à leurs sous-produits (par exemple, un projet d’extraction de minerai de fer conduisant à l’extraction de terres rares, qui sont ces sous-produits). De plus, il est nécessaire de préciser le statut des projets «autres», c’est-à-dire «non stratégiques», afin de bien comprendre comment et dans quels délais ces projets seront évalués et soutenus financièrement. Enfin, le fait de donner davantage la priorité à des projets stratégiques relatifs aux matières premières ne devrait en aucun cas avoir pour conséquence que d’autres projets clés dans ce domaine ou des projets menés tout au long de la chaîne de valeur des matières premières deviennent moins importants. |
8. |
En plus d’apporter une sécurité juridique aux parties prenantes, les initiatives de la Commission dans le domaine des matières premières devraient reposer sur un soutien public plus large. L’expansion des industries minières, de transformation et de recyclage créera de nouveaux emplois et contribuera au progrès économique, mais il est primordial d’en garantir l’acceptation par le public. La sensibilisation des citoyens revêt une importance capitale: la Commission devrait déployer des stratégies de communication ciblées afin d’informer les citoyens de l’Union des avantages, de la durabilité et de l’impact environnemental des nouveaux investissements industriels liés aux matières premières critiques et répondre aux préoccupations de certains groupes de parties prenantes, des populations locales et des citoyens de l’Union au sujet de l’expansion des activités prospectives et minières. |
Assurer la coordination avec les politiques sociales de l’UE: soutenir les capacités à l’échelle de l’Union en ce qui concerne les compétences pour les industries extractives
9. |
Le secteur des matières premières fournit environ 350 000 emplois dans l’Union, ainsi que plus de 30 millions d’emplois dans les industries manufacturières qui dépendent d’un accès fiable aux matières premières minérales. Plus de 1,2 million de nouveaux emplois seront nécessaires d’ici à 2030 en vue de garantir un approvisionnement durable de l’Union en matières premières et en matériaux avancés (5). La législation sur les matières premières critiques devrait donc être alignée sur les politiques sociales de l’UE et soutenir les efforts de renforcement des capacités au niveau des États membres afin de consolider la main-d’œuvre dans les chaînes d’approvisionnement en matières premières critiques, les industries extractives, la transformation et le recyclage. Il est essentiel de soutenir l’éducation et le renforcement des compétences dans le monde universitaire, mais aussi de cibler les professionnels de l’industrie dans le secteur des matières premières et les administrations publiques des États membres en déployant des initiatives de renforcement des capacités. Cet objectif pourrait être atteint en créant de nouveaux établissements spécialisés (ou en aidant ceux qui existent déjà) pour soutenir l’enseignement supérieur et la formation professionnelle dans le secteur des matières premières, et promouvoir la reconversion et le perfectionnement professionnels de la main-d’œuvre existante de l’Union. Enfin, des efforts accrus devraient être consentis pour mettre en place et soutenir l’apprentissage appliqué et le transfert de technologies entre les universités, l’industrie et les organismes de recherche. |
Inclure d’autres matériaux essentiels pour les secteurs des technologies vertes/propres et garantir la cohérence avec d’autres politiques
10. |
Outre les matériaux répertoriés comme stratégiques ou critiques dans la législation sur les matières premières critiques, il existe des matières premières non critiques qui pourraient le devenir à moyen et à long terme. Cela nécessite de dresser une liste flexible pouvant être adaptée aisément, qui soit mise à jour régulièrement, c’est-à-dire au moins une fois tous les deux ans, voire plus souvent si nécessaire, en fonction des évolutions futures dans ce domaine. L’évaluation de l’importance stratégique des divers matériaux devrait également être sectorielle afin de refléter la demande dans les différentes branches de l’industrie manufacturière. En outre, il convient de procéder à une évaluation de l’accès aux matières premières essentielles, afin de compléter pleinement les efforts déployés par la Commission pour soutenir les matières premières critiques et stratégiques. |
11. |
L’évaluation devrait refléter les priorités et les besoins de l’Union en matière de transition énergétique, éventuellement jusqu’en 2030, et inclure des matériaux pour lesquels il n’existe actuellement aucun risque apparent de rupture d’approvisionnement, mais qui sont très demandés dans les secteurs essentiels pour les objectifs de décarbonation de l’UE et les transitions écologique et numérique, ou qui sont considérés comme des minéraux essentiels. L’accent mis sur ces priorités devrait également couvrir de manière appropriée les chaînes de valeurs élémentaires, telles que la sécurité alimentaire ou la médecine. L’identification des matériaux à inclure dans les différentes listes doit toujours reposer sur une analyse approfondie, transparente et clairement définie en vue de déterminer leur valeur critique ou stratégique, tout en tenant compte de l’ensemble de la chaîne de valeur des matières premières, des exigences en matière de traitement et de la disponibilité de composants de remplacement. Il convient de consulter régulièrement des représentants de l’industrie et des experts, et de garantir l’existence d’un dialogue fonctionnel et ouvert entre la Commission et l’industrie. |
Garantir l’accès à des prix de l’énergie compétitifs et à des financements mieux ciblés pour les industries de l’UE
12. |
La crise énergétique actuelle a profondément affecté toutes les entreprises de l’Union; son impact a été particulièrement ressenti dans les industries à forte intensité énergétique, dont font partie le secteur des industries extractives et le recyclage. Une réponse coordonnée de l’Union européenne est nécessaire pour garantir le bon fonctionnement de son marché de l’énergie. Le succès de toute politique de l’Union ayant trait aux matières premières critiques dépend d’un accès fiable à des quantités suffisantes d’électricité sans combustibles fossiles et à des prix compétitifs. Le CESE serait favorable à une réforme des cadres de financement disponibles, répondant aux ambitions de la loi américaine sur la réduction de l’inflation; le financement devrait être davantage axé sur la phase de commercialisation et couvrir les coûts d’exploitation, contrairement à la priorité de financement actuelle de l’UE pour la phase de recherche et de développement des nouveaux projets stratégiques. S’il est important de mettre l’accent sur les technologies et la recherche innovantes, les produits qui en résultent devraient également bénéficier d’un soutien approprié au cours de la phase de commercialisation. |
13. |
L’ambition de la Commission d’accélérer les procédures d’autorisation est très opportune et devrait être prioritaire afin de parvenir, pour ces procédures, à une durée maximale de 12 à 18 mois. Les nouveaux projets critiques devraient être évalués dans des délais accélérés et des délais stricts devraient être fixés pour la durée maximale des procédures d’autorisation/d’octroi de licences. Toute réforme des procédures d’autorisation devrait viser à raccourcir leur durée et à réduire leur complexité, tout en maintenant la rigueur des normes environnementales, sociales et de gouvernance (ESG). La procédure d’autorisation doit aussi être accélérée en renforçant le mécanisme de guichet unique, qui doit être encadré par des délais prédéfinis afin de rendre la procédure d’autorisation centralisée plus efficace et moins contraignante. Les nouvelles dispositions en matière d’autorisation devraient s’appliquer aux installations de prospection, d’extraction minière, de raffinage, de transformation et de recyclage, et devraient offrir une sécurité réglementaire suffisante quant à leurs résultats. En outre, les nouvelles exigences de la législation sur les matières premières critiques concernant l’information ou la vérification devraient se limiter au strict nécessaire, afin de ne pas imposer de charges administratives supplémentaires aux entreprises de l’Union, peu importe leur taille. Le comité européen des matières premières critiques qui est envisagé joue un rôle crucial pour soutenir la mise en œuvre de la législation sur les matières premières critiques, et notamment les procédures d’autorisation. À cette fin, pour garantir l’efficacité de ses tâches de vérification, il serait bon que ce comité rassemble non seulement des représentants institutionnels, mais aussi des experts techniques indépendants du domaine. |
Lutter contre les pratiques commerciales déloyales et les restrictions
14. |
Malgré les objectifs ambitieux de la législation sur les matières premières critiques, il existe des limites naturelles à la disponibilité de certaines matières premières dans l’UE et les importations resteront donc indispensables pour la transition vers une économie verte et numérique. |
15. |
Des mesures de défense commerciale efficaces devront être maintenues pour protéger les nouveaux investissements européens et garantir des conditions de concurrence équitables avec les pays tiers. Une modernisation de ces mesures au sein de l’UE est nécessaire pour se protéger contre le dumping des pays tiers. L’Union devrait tout particulièrement s’efforcer de garantir une mise en œuvre plus rapide des mesures de défense commerciale afin de lutter contre les importations déloyales, de mener des enquêtes plus rapides et plus efficaces et de permettre une mise en œuvre à grande échelle des mesures provisoires à un stade précoce. |
16. |
L’action de l’UE dans le domaine de la politique commerciale devrait compléter les objectifs de la législation sur les matières premières critiques et des politiques connexes, y compris les droits sociaux, et donner la priorité à la conclusion rapide d’accords de libre-échange (ALE) avec des pays riches en ressources, qui sont en cours de négociation ou en attente de ratification (Australie, Indonésie, etc.). En ce qui concerne les ALE déjà conclus, il convient d’évaluer et de renforcer les dispositions existantes relatives à l’énergie et aux matières premières, lorsque c’est possible. Il y a également lieu de veiller à la cohérence de la politique commerciale et des règles douanières/d’origine applicables aux matières premières, ainsi qu’aux problèmes spécifiques liés au contournement des sanctions applicables à ces matières. |
Donner la priorité aux matières premières critiques et stratégiques dans la législation sur le recyclage et les déchets et soutenir les marchés des matières premières secondaires
17. |
Le recyclage est un facteur important pour renforcer l’autonomie stratégique de l’UE. L’Union devrait soutenir son industrie de traitement et de valorisation des déchets en préparant des matières premières secondaires à recycler dans les processus de production, et modifier la législation existante en matière de déchets afin de donner la priorité au recyclage et à la circularité des matières premières critiques et stratégiques dotées du potentiel de recyclage technique et économique le plus élevé (faisabilité). Elle devrait également soutenir les marchés secondaires des matières premières. En ce qui concerne les matières premières secondaires, le CESE suggère que des mesures soient prises pour mettre en place des marchés qui fonctionnent bien et réduire au minimum les fuites de déchets ferreux. |
18. |
Les matières premières secondaires peuvent contribuer à réduire la dépendance à l’égard de certaines matières premières critiques, et devraient donc faire partie du champ d’application de la législation sur les matières premières critiques. Le recyclage efficace des déchets ferreux est l’une des nombreuses pratiques qui peuvent permettre de réduire les besoins d’approvisionnement en matières premières pour la fabrication de métaux. Alors qu’ils constituent un élément critique pour la transition énergétique, les déchets ferreux devraient se raréfier avant 2030, ce qui perturberait potentiellement les approvisionnements. |
19. |
La législation sur les matières premières critiques devrait garantir aux industries et aux véhicules électriques l’accès à l’ensemble des matières critiques. Cela inclut non seulement les terres rares, le manganèse, les matériaux essentiels à la transition écologique comme l’acier, l’aluminium et le cuivre, les minéraux industriels, le graphite ou le nickel, mais aussi les matières premières secondaires. Les métaux sont des facilitateurs d’infrastructures indispensables à la transition écologique; ces catalyseurs devraient être correctement identifiés et dûment pris en considération dans le cadre de la législation sur les matières premières critiques, tout au long de leurs chaînes de valeur. |
Études économiques et environnementales sur la pollution engendrée par l’extraction des matières premières critiques: coordination avec les dispositions relatives aux aides d’État
20. |
Compte tenu du degré d’incertitude entourant la présence effective de matières premières critiques dans l’UE, le risque lié au lancement de projets de prospection et d’extraction sur le sol de celle-ci ne sera raisonnablement pris que s’il est soutenu financièrement par des fonds publics. Étant donné que la législation sur les matières premières critiques exige également que ces campagnes soient conformes aux objectifs du pacte vert, le CESE suggère que les financements publics soient accordés plus facilement si les extractions s’appuient sur des études économiques et environnementales préliminaires évaluant l’impact de la pollution qui serait engendrée par l’extraction de matières premières critiques. |
21. |
Si ces études préliminaires ne relèvent pas du champ d’application des projets stratégiques envisagés dans le cadre de la législation sur les matières premières critiques, leur financement public devrait être encouragé grâce à une coordination avec les règles en matière d’aides d’État, et plus particulièrement avec la révision du règlement général d’exemption par catégorie (RGEC) à la lumière du pacte vert récemment adoptée en 2023. Ces études préliminaires sont en effet qualifiées d’«aides environnementales» ou d’«aides à la recherche, au développement et à l’innovation» et, lorsqu’elles concernent plusieurs États membres, de «projets importants d’intérêt européen commun» (PIIEC). |
22. |
Une coordination efficace avec les mesures d’aide d’État de l’UE dès la phase préliminaire de la recherche et du développement pourrait effectivement garantir que le financement public destiné à soutenir la mise en œuvre ultérieure des projets stratégiques soit effectivement orienté vers des objectifs durables et assurer, dans le cas spécifique des PIIEC, qu’ils poursuivent un résultat coordonné. Des mécanismes de financement public (tels qu’une procédure accélérée et un accès plus aisé aux mécanismes de financements que sont les prêts, les garanties de prêts et les subventions d’investissement) pourraient également voir le jour, uniquement pour les investissements réalisés par les entreprises de l’Union dans le cadre de projets d’ALE. |
Instruments de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles: le règlement sur les concentrations devrait favoriser les champions européens dans les domaines du recyclage et de l’extraction des matières premières critiques
23. |
Compte tenu des deux conditions préalables nécessaires que sont, d’une part, la disponibilité encore non vérifiée de matières premières critiques au sein de l’UE et, d’autre part, le caractère substantiel des investissements nécessaires à la mise en place d’une chaîne d’approvisionnement en matières premières critiques qui soit sûre et durable, il pourrait être souhaitable que l’Union adapte certains de ses instruments de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles afin de faciliter la réalisation des objectifs établis dans le cadre de la législation sur les matières premières critiques, tout en évitant des distorsions de concurrence injustifiées sur le marché intérieur (par exemple, il pourrait être utile d’appliquer le cadre de contrôle des concentrations d’une manière plus souple et plus durable, en tenant compte non seulement des objectifs du pacte vert — comme déjà envisagé par la Commission européenne — mais aussi de ceux de la législation sur les matières premières critiques). |
24. |
Il serait dès lors souhaitable d’évaluer les concentrations à la lumière des projets stratégiques à mettre en œuvre dans le cadre de la législation sur les matières premières critiques, afin de trouver un juste équilibre entre les différents intérêts en jeu. |
25. |
Les autorités de la concurrence devraient donc être amenées à envisager de nouveaux types d’efficacité, à savoir la réduction des ruptures d’approvisionnement et l’amélioration de la préparation industrielle en cas de pénurie externe de matières premières critiques. Ces évaluations devraient également porter sur l’objectif de la Commission d’agréger la demande des acheteurs intéressés de matières premières critiques et, en fin de compte, contribuer à la réduction des prix actuellement élevés. |
S’engager à l’échelon international et diversifier les ressources: associer les pays candidats et assurer la coordination avec la coopération bilatérale au sein des enceintes internationales
26. |
Conformément à l’objectif de la Commission de diversifier les sources d’approvisionnement extérieures en matières premières critiques, le CESE recommande d’examiner les possibilités de partenariats et d’accords de coopération spécifiques, y compris avec les pays candidats. Ces partenariats peuvent comprendre des projets financés par l’UE visant à mettre au point des campagnes de prospection sur de nouveaux sites sélectionnés et/ou sur des sites miniers abandonnés, conformément aux projets stratégiques qui seront lancés dans les États membres en vertu des nouvelles propositions de la Commission. |
27. |
Ces partenariats peuvent être subordonnés à l’engagement pris par les pays candidats d’aligner plus rapidement leurs politiques environnementales sur l’acquis de l’Union. La prise en compte de tels partenariats au sein du cadre des négociations d’adhésion en cours peut raisonnablement présenter un double avantage pour l’Union dans son ensemble, en augmentant ses chances de voir les sources intérieures de matières premières critiques augmenter à l’avenir et en permettant aux pays candidats de se conformer plus aisément à la législation environnementale de l’Union (par exemple, dans le domaine des déchets, de l’eau, de la pollution industrielle et de la qualité de l’air). |
28. |
La législation sur les matières premières critiques doit être coordonnée non seulement avec les autres politiques de l’UE et les actions commerciales internationales, mais aussi avec la coopération bilatérale mise en œuvre par l’Union au sein des enceintes internationales (c’est-à-dire la coopération entre l’UE et les États-Unis dans des enceintes telles que le partenariat pour la sécurité des minerais, la conférence sur les matériaux et minéraux critiques et le groupe de travail de l’Agence internationale de l’énergie sur les minéraux critiques récemment renforcé par le Conseil de l’énergie UE-États-Unis). |
29. |
La législation sur les matières premières critiques dote l’Union non seulement d’une autosuffisance interne en matières premières critiques, mais aussi d’une autonomie extérieure lui permettant de fixer de nouvelles normes sur la scène mondiale lorsqu’il s’agit de garantir la sécurité et la durabilité des chaînes d’approvisionnement respectives. Un rôle normatif pour l’UE sur la scène mondiale augmentera encore les chances d’atteindre les objectifs généraux fixés dans la proposition de la Commission visant à lutter, à l’échelle mondiale, contre les pratiques commerciales déloyales et polluantes dans le secteur des matières premières critiques. |
Faut-il privilégier les objectifs de long ou de court terme lors de l’évaluation de la cohérence avec les autres politiques de l’Union: trouver un juste équilibre (environnemental)
30. |
En conclusion, il ne saurait être exclu qu’à long terme, la mise en œuvre effective de la législation sur les matières premières critiques puisse nécessiter à court terme une refonte de certains objectifs spécifiques du pacte vert liés à la législation sur les matières premières critiques. En effet, la perspective d’une UE (presque) autosuffisante, même si elle a besoin de plus de temps pour être pleinement concrétisée, pourrait, en fin de compte, rendre les objectifs de durabilité/neutralité climatique plus réalisables à long terme (notamment en raison de la pollution relativement plus élevée engendrée par les méthodes actuelles d’extraction des matériaux dans certains pays en développement). |
III. PROPOSITIONS D’AMENDEMENTS AU DOCUMENT COM(2023) 160 FINAL
Amendement 1
Considérant 29
Texte proposé par la Commission européenne |
Amendement du CESE |
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Exposé des motifs
Actuellement, les mesures envisagées dans le cadre des aides d’État ne sont pas claires. Elles manquent en outre de mécanismes pour soutenir les capacités industrielles existantes, qui ont été largement touchées par la flambée des prix de l’énergie et la création de nouvelles installations consacrées aux matières premières critiques, au sein de l’Union et à l’étranger.
Amendement 2
Article 1er, paragraphe 2, point a) (nouveau point)
Texte proposé par la Commission européenne |
Amendement du CESE |
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Exposé des motifs
Les matières premières critiques sont analysées en fonction d’une évaluation de leur caractère critique, qui repose sur une méthode spécifique comprenant un processus de validation long et approfondi, mené avec l’aide de conseillers externes, de représentants de l’industrie et d’instituts de recherche. À l’inverse, l’identification des matières premières stratégiques n’a pas fait l’objet d’une méthodologie publiée, et n’incluait aucune consultation préalable. L’ajout de matières premières stratégiques à la liste des matières premières critiques (annexe 2) suppose que toutes ces matières ont atteint les seuils fixés par la méthode définie pour les matières premières critiques, ce qui est trompeur.
Amendement 3
Article 1er, paragraphe 3
Texte proposé par la Commission européenne |
Amendement du CESE |
3. Lorsque, sur la base du rapport visé à l’article 42, la Commission conclut que l’Union ne sera vraisemblablement pas en mesure de respecter les objectifs énoncés au paragraphe 2, elle étudie la possibilité de proposer des mesures ou d’exercer ses compétences au niveau de l’Union pour faire en sorte que lesdits objectifs soient remplis, sous réserve des conditions de faisabilité et de proportionnalité . |
3. Lorsque, sur la base du rapport visé à l’article 42, la Commission conclut que l’Union ne sera vraisemblablement pas en mesure de respecter les objectifs énoncés au paragraphe 2, elle laisse une certaine marge de manœuvre permettant de refléter au mieux le caractère unique de la chaîne de valeur de la matière première visée, étant donné que chacun de ces matériaux présente des propriétés et des difficultés spécifiques, liées à son approvisionnement, à sa transformation et à son recyclage . Elle se concentre sur la préservation des capacités existantes et sur la possibilité de les soutenir. Il convient de promouvoir un dialogue ouvert et constant entre l’industrie et les responsables politiques afin de définir des niveaux de référence qui soient à la fois réalistes sur les plans techniques et économiques, et conformes aux objectifs de l’Union. |
Exposé des motifs
Les niveaux de référence applicables à l’approvisionnement, à la transformation et au recyclage sont trop généraux et irréalistes; ils pourraient avoir des conséquences involontaires et négatives. Il conviendrait donc d’envisager de prendre des dispositions pour lutter contre les difficultés économiques et techniques liées à leur mise en œuvre ainsi que contre le risque de surcharger l’industrie de l’Union, et en particulier les petites et moyennes entreprises.
Amendement 4
Annexe I
Texte proposé par la Commission européenne |
Amendement du CESE |
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Les matières premières suivantes sont considérées comme stratégiques:
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Les matières premières primaires et secondaires suivantes sont considérées comme stratégiques , tout comme leurs métaux et minerais porteurs respectifs, avec lesquels ces matières premières stratégiques sont extraites :
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Amendement 5
Annexe II
Texte proposé par la Commission européenne |
Amendement du CESE |
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Les matières premières suivantes sont considérées comme critiques:
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Les matières premières primaires et secondaires suivantes sont considérées comme critiques , tout comme leurs métaux et minerais porteurs respectifs, avec lesquels ces matières premières critiques sont extraites :
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Exposé des motifs pour les amendements 4 et 5
Certaines matières ne peuvent généralement être extraites qu’avec un autre métal de base, et non séparément; c’est notamment le cas des terres rares et du minerai de fer. De plus, certaines, comme la magnésite pour la fonderie, sont nécessaires au sein de l’écosystème de production, de raffinage et de recyclage de matériaux; sans elles, il est impossible de recycler des métaux ou des matériaux à haute température. Il convient d’éviter les limitations dans ce domaine, pour les matières premières tant critiques que stratégiques, et de s’abstenir de prévoir des utilisations spécifiques pour certaines matières premières dans la chaîne de valeur. Dans le cas contraire, seule la dernière étape du raffinage serait éligible, mais pas l’extraction.
Avec la transition vers une économie sobre en carbone et circulaire, les matières premières secondaires gagnent en importance, puisqu’elles contribuent à réduire la dépendance à l’égard des matières premières vierges, à rendre les ressources plus efficaces, à réduire la quantité de déchets et à adopter une approche plus durable. Certaines de ces matières sont en outre essentielles à la décarbonation de l’industrie, à la transition écologique et à la réalisation des objectifs «zéro net».
Amendement 6
Article 2, point 15) (nouveau point)
Texte proposé par la Commission européenne |
Amendement du CESE |
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Exposé des motifs
Les matières premières stratégiques existent souvent en tant que sous-produits d’un métal ou d’un minerai porteur (de base). Il est nécessaire d’apporter davantage de précisions concernant l’inclusion de projets d’extraction de ces métaux et de ces minerais porteurs de base dans le domaine des projets stratégiques relevant de la législation sur les matières premières critiques.
Amendement 7
Article 3 bis (nouvel article)
Texte proposé par la Commission européenne |
Amendement du CESE |
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Article 3 bis 1. Les matières premières secondaires seront examinées dans les listes de matières premières stratégiques (annexe I) et critiques (annexe II). 2. Au moins tous les deux ans, la Commission réexamine et, si nécessaire, actualise les listes des matières premières critiques et stratégiques secondaires présentées à l’annexe I et à l’annexe II, en tenant compte de leur rôle stratégique dans la décarbonation et la transition écologique, des prévisions de forte croissance de la demande ou de raréfaction au niveau mondial, de la difficulté d’augmenter la collecte ou la valorisation au sein de l’Union et du potentiel élevé de valorisation des matières premières critiques dans l’Union. |
Exposé des motifs
Les matières premières secondaires occupent une place importante dans la décarbonation des industries européennes, surtout si elles produisent des technologies stratégiques destinées aux transitions écologique et numérique. La reconnaissance de leur valeur stratégique favorise l’approvisionnement responsable et limite l’extraction de matériaux vierges. Il convient d’établir une sous-liste de matières premières stratégiques secondaires au sein de la liste des matières premières stratégiques, en tenant compte, entre autres, des critères suivants: rôle stratégique dans la décarbonation et la transition verte; prévision de croissance de la demande mondiale; difficulté de la collecte, de la valorisation ou du recyclage au sein de l’Union; potentiel élevé de valorisation des matières premières critiques. L’évaluation doit tenir compte des dernières données disponibles, ainsi que de l’évolution prévue de l’offre et de la demande sur une période de référence appropriée, en vue de gérer de futures pénuries ou ruptures de l’approvisionnement.
Amendement 8
Article 5, paragraphe 1, point c)
Texte proposé par la Commission européenne |
Amendement du CESE |
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Exposé des motifs
Il convient de trouver le juste équilibre entre les objectifs de durabilité à long terme et les intentions à court terme, tout en tenant compte de l’augmentation relative de la pollution causée par les méthodes actuelles d’extraction des matériaux dans certains pays en développement, et du fait que nous habitons la même planète.
Amendement 9
Article 19, paragraphe 1, point e) (nouveau point)
Texte proposé par la Commission européenne |
Amendement du CESE |
||
|
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Exposé des motifs
L’industrie européenne des matières premières souffre d’un désavantage concurrentiel par rapport au reste du monde, et doit être assurée que des mesures de défense seront mises en place pour la protéger contre les pratiques commerciales déloyales.
Amendement 10
Article 35, paragraphe 1
Texte proposé par la Commission européenne |
Amendement du CESE |
1. Le comité est constitué de représentants des États membres et de la Commission. Il est présidé par la Commission. |
1. Le comité est constitué de représentants des États membres et de la Commission , ainsi que d’experts techniques indépendants . Il est présidé par la Commission. |
Exposé des motifs
Le comité européen des matières premières critiques qui est envisagé joue un rôle crucial pour soutenir la mise en œuvre de la législation sur les matières premières critiques, et notamment les procédures d’autorisation. À cette fin, pour garantir l’efficacité de ses tâches de vérification, il serait bon que ce comité rassemble non seulement des représentants institutionnels, mais aussi des experts techniques indépendants de ce domaine.
Bruxelles, le 12 juillet 2023.
Le président du Comité économique et social européen
Oliver RÖPKE
(1) Ces recommandations sont appuyées par des propositions d’amendements qui se trouvent à la fin du présent document.
(2) Directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles (prévention et réduction intégrées de la pollution) (JO L 334 du 17.12.2010, p. 17).
(3) Règlement (UE) 2023/1542 du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2023 relatif aux batteries et aux déchets de batteries, modifiant la directive 2008/98/CE et le règlement (UE) 2019/1020, et abrogeant la directive 2006/66/CE (JO L 191 du 28.7.2023, p. 1).
(4) Directive 2009/125/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 établissant un cadre pour la fixation d’exigences en matière d’écoconception applicables aux produits liés à l’énergie (JO L 285 du 31.10.2009, p. 10).
(5) Estimation de l’Institut européen d’innovation et de technologie (EIT) au sujet des matières premières.
29.9.2023 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 349/155 |
Avis du Comité économique et social européen sur la communication conjointe au Parlement européen et au Conseil — «Stratégie spatiale de l’Union européenne pour la sécurité et la défense»
[JOIN(2023) 9 final]
(2023/C 349/23)
Rapporteur: |
Maurizio MENSI |
Corapporteur: |
Jan PIE |
Consultation |
Commission européenne, 2.5.2023 |
Base juridique |
Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
Compétence |
Commission consultative des mutations industrielles |
Adoption en section |
22.6.2023 |
Adoption en session plénière |
12.7.2023 |
Session plénière no |
580 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
170/1/1 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Le CESE soutient la reconnaissance par l’Union européenne de la dimension de sécurité et de défense des activités spatiales, symbolisée par la publication, le 10 mars 2023, de la communication conjointe au Parlement européen et au Conseil sur la «stratégie spatiale de l’Union européenne pour la sécurité et la défense» (ci-après «la stratégie»). |
1.2. |
Le CESE partage la vision commune qui est affichée quant au nouveau contexte géopolitique marqué par les graves difficultés qu’engendre l’invasion de l’Ukraine par la Russie, à l’importance cruciale des actifs et services spatiaux et à la nécessité d’élaborer des mesures visant à les protéger et à les défendre, ce qui constitue une étape indispensable dans l’élaboration d’une politique spatiale solide à l’échelle européenne. |
1.3. |
Le CESE convient qu’avant même de renforcer la résilience et la protection des systèmes et services spatiaux, l’identification des menaces est une priorité nécessitant que les institutions de l’Union associent toutes les parties concernées, y compris l’industrie, les acteurs sociaux et la société civile, à l’exercice de cartographie et d’élaboration de recommandations. Il importera d’encourager la société civile organisée à comprendre pleinement l’intérêt public pertinent et les avantages de la stratégie pour les citoyens afin d’améliorer sa légitimité et de renforcer le soutien du public, en raison des applications civiles pertinentes des technologies spatiales. |
1.4. |
Le CESE recommande de renforcer la résilience et la protection des systèmes et services spatiaux dans l’Union dans le contexte géopolitique préoccupant que nous connaissons actuellement. Le Comité note que l’un des défis sous-jacents liés à cet objectif est la capacité à accroître le niveau des investissements publics qui est actuellement faible, à réduire leur fragmentation et à promouvoir une approche où s’exprime la valeur ajoutée de l’Union, alors que l’Europe est aujourd’hui loin derrière les États-Unis, la Chine et la Russie en ce qui concerne les investissements publics dans l’espace. |
1.5. |
Le CESE estime que le renforcement de la résilience et de la protection des systèmes et services spatiaux dans l’Union requiert également la mise en œuvre de mesures visant à soutenir la souveraineté technologique et la résilience des chaînes de valeur industrielles critiques afin de garantir une indépendance en la matière. À cet égard, le Comité recommande vivement que soit pleinement reconnu et mis en évidence le rôle clé de l’industrie dans l’identification des problèmes de dépendance et dans les mesures d’atténuation. |
1.6. |
Le CESE tient à rappeler que la manière dont l’espace imprègne l’humanité et lui apporte de la valeur ajoutée est de plus en plus reconnue et confirmée par les dirigeants mondiaux. Aujourd’hui, le secteur spatial européen s’attaque à certains des défis les plus urgents de notre époque, par exemple en permettant la surveillance du changement climatique, en participant à la stimulation de l’innovation technologique et en apportant des avantages socio-économiques concrets à la vie quotidienne des citoyens. Les institutions, les entreprises et les citoyens s’appuient de plus en plus sur la technologie, les données et les services spatiaux pour les systèmes de communication, de navigation et de positionnement ainsi que pour l’observation de la Terre (par exemple grâce à l’information immédiate et aux communications sur place en cas de catastrophe). Le rôle de l’espace est essentiel pour les citoyens et pour l’autonomie stratégique de l’Europe, ainsi que dans la diplomatie mondiale, pour adhérer à l’identité européenne et pour inspirer et motiver les générations à venir. |
1.7. |
Le CESE accueille très favorablement le projet d’une «législation spatiale de l’UE» couvrant la sûreté, la sécurité et la durabilité, et la normalisation allant dans le sens de l’approche dont l’Union doit se doter en matière de gestion du trafic spatial (1). |
1.8. |
Le CESE est convaincu qu’il y a lieu d’intégrer tous les aspects liés à l’industrie (tels que la compétitivité, les technologies critiques, la sécurité de la chaîne d’approvisionnement) dans le cadre d’une politique industrielle cohérente à l’échelle de l’Union, dans un contexte où l’industrie spatiale européenne présente une forte dépendance à l’égard de marchés ouverts très limités. |
1.9. |
Le CESE insiste sur le fait que, même si des mesures spécifiques sont nécessaires et peuvent s’avérer utiles pour faire face à des situations particulières, ces interventions ne peuvent avoir de sens et être pleinement efficaces que si elles associent une politique de passation de marchés sur mesure, une politique ambitieuse et efficace en matière de recherche et de développement, et un soutien à l’adoption par le marché de technologies et services spatiaux développés en Europe, en s’intéressant également aux marchés d’exportation, notamment par le biais de la diplomatie économique. |
1.10. |
Le CESE est convaincu qu’un soutien ambitieux, mais aussi cohérent, à la recherche et à l’innovation constitue une pierre angulaire de la durabilité du secteur spatial et de sa capacité à répondre aux besoins des politiques publiques. L’Europe a besoin d’un soutien plus fort et plus cohérent à la recherche et à l’innovation afin de maintenir sa position dans le domaine spatial et de garantir la disponibilité d’une industrie interne capable de concevoir, de fournir et d’exploiter des systèmes spatiaux de pointe. |
1.11. |
Dans les domaines où la coopération avec les pays tiers est essentielle, le Comité souligne qu’il importe de préserver la souveraineté de l’Union et d’éviter les dépendances extra-européennes dans des domaines stratégiques, tout en promouvant la collaboration et l’interopérabilité, et en posant pour règles communes la réciprocité et l’intérêt mutuel dans les relations avec les États-Unis et d’autres pays tiers partageant les mêmes valeurs. |
1.12. |
Le CESE estime que la stratégie doit être suivie d’actions concrètes et rapides, qui se traduisent par un budget ciblé, des calendriers de mise en œuvre des actions et la création d’emplois (2). Cette feuille de route précise doit être élaborée par l’Union à l’issue d’une coordination à l’échelle européenne des acteurs participant aux activités spatiales. |
2. Contexte
2.1. |
La crise de la COVID-19 avait révélé le manque d’autonomie et de contrôle de l’Europe en matière d’infrastructures de réseau critiques, puis l’invasion de l’Ukraine par la Russie a encore accéléré l’évolution vers la consolidation et le renforcement de la dimension de sécurité et de défense de l’espace. |
2.2. |
Au niveau institutionnel, deux étapes clés reflètent ce constat: |
2.2.1. |
la déclaration de Versailles du 11 mars 2022, par laquelle les dirigeants de l’Union européenne ont répondu à l’invasion russe de l’Ukraine, met particulièrement l’accent sur l’espace consacré aux activités de défense, ces dirigeants étant notamment convenus de renforcer «les dimensions de sécurité et de défense des industries et activités spatiales». |
2.2.2. |
Une boussole stratégique en matière de sécurité et de défense a été publiée le 21 mars 2022 par la Commission européenne, sous la houlette du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Identifiant l’espace comme un domaine de plus en plus disputé ayant de fortes implications en matière de défense, la boussole stratégique a de nombreuses répercussions sur le secteur spatial européen. |
2.3. |
Ces initiatives de l’Union ont été complétées par d’autres programmes de coopération; à titre d’exemple, lors du Conseil de l’Agence spatiale européenne (ASE) au niveau ministériel tenu en 2022, plusieurs initiatives de défense dans l’espace et depuis l’espace ont été proposées afin que les États membres y contribuent. |
2.4. |
L’invasion de l’Ukraine par la Russie a montré sans équivoque l’importance absolument critique que revêt l’espace en tant qu’atout essentiel. La guerre a également mis en lumière l’incidence pertinente et déterminante des actifs commerciaux en complément des actifs et stratégies gouvernementaux — d’où l’importance d’une interaction et d’une coopération régulières entre les secteurs public et privé, en particulier en ce qui concerne les capacités techniques et opérationnelles. |
3. Observations générales
3.1. |
Le CESE reconnaît l’importance absolument critique que revêt l’espace en tant qu’atout essentiel pour permettre aux responsables politiques européens de prendre des décisions et d’agir de manière indépendante et éclairée lorsqu’il s’agit de gérer des crises et de garantir la sécurité, ce qui constitue une étape indispensable à l’élaboration d’une politique spatiale solide à l’échelle européenne. Il importera d’encourager la société civile organisée à comprendre pleinement l’intérêt public pertinent et les avantages de la stratégie pour les citoyens afin d’améliorer sa légitimité et de renforcer le soutien du public, en raison des applications civiles pertinentes des technologies spatiales. |
3.2. |
Les efforts déployés par l’Europe pour acquérir et conserver une autonomie crédible dans l’espace afin de mettre en œuvre son autonomie stratégique sont désormais réels et représentent un défi de plus en plus partagé sur l’ensemble du continent. Le CESE estime que tous les efforts, qu’ils soient civils ou militaires, nationaux ou européens, publics ou privés, doivent converger pour offrir une efficacité et une fiabilité aux usagers dans le domaine de la sécurité, comme le souligne le plan d’action sur les synergies entre les industries civile, spatiale et de la défense (3), d’où la nécessité de renforcer les partenariats public-privé et les partenariats potentiels avec des pays partageant les mêmes valeurs. |
3.3. |
Le risque ne cesse de s’accroître que de nouveaux acteurs constituant une menace s’en prennent aux systèmes spatiaux pour porter atteinte aux services critiques rendus possibles par les satellites. Le Comité estime qu’il est de plus en plus vital que l’intérêt croissant de l’Union pour les services spatiaux et sa dépendance à leur égard s’accompagnent de mesures visant à protéger et à défendre les capacités et services spatiaux, afin de ne pas exposer la société et l’économie européennes à des vulnérabilités encore plus critiques. |
3.4. |
Le CESE est convaincu que les États membres doivent affirmer pleinement leur responsabilité et leur engagement en faveur de la paix et de la sécurité mondiales en renforçant leur liberté d’action à l’égard de l’espace et dans l’espace, en s’appuyant sur leurs capacités et atouts souverains, et estime qu’il s’agit de l’un des instruments les plus directs et les plus cruciaux dont ils disposent pour agir et exercer une influence. Pour ce faire, ils doivent garantir la résilience de leur industrie spatiale et la sécurité de leur approvisionnement et de leurs infrastructures de services au profit de leurs citoyens. Dans ce contexte, garantir l’accès souverain et durable de l’Europe à l’espace constitue une priorité incontestable. |
4. Observations particulières
4.1. Le paysage des menaces spatiales
4.1.1. |
Le CESE se félicite que les menaces qui pourraient être responsables de la perturbation, de la dégradation ou de la destruction des systèmes spatiaux soient identifiées grâce à l’élaboration d’une analyse annuelle du paysage des menaces spatiales, jugée essentielle pour comprendre l’environnement hostile dans lequel évoluent aujourd’hui et évolueront demain les infrastructures et les services spatiaux et terrestres. |
4.1.2. |
Le CESE reconnaît qu’une telle évaluation contribuerait à empêcher que des pays ou des organisations potentiellement hostiles n’acquièrent des capacités sensibles (y compris des compétences, des technologies, des actifs et des éléments constitutifs), l’objectif étant de garantir une gouvernance et un contrôle européens de ces «capacités sensibles». |
4.1.3. |
Le CESE estime que les points de vue et contributions de l’industrie spatiale européenne qu’il s’agisse de grandes ou de petites entités), des organismes de recherche et de technologie, ainsi que du monde universitaire doivent être pris en compte par la Commission européenne et le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) dans l’élaboration de l’analyse annuelle du paysage des menaces spatiales et dans la définition des recommandations et des mesures qui en découleront. |
4.1.4. |
Le CESE est convaincu qu’un tel processus permettrait au secteur privé de progresser sur les points suivants:
|
4.2. Renforcer la résilience et la protection des systèmes et des services spatiaux dans l’Union
4.2.1.
4.2.1.1. |
Le CESE estime que les initiatives réglementaires mondiales et les décisions unilatérales concernant la gestion du trafic spatial sont susceptibles de créer un environnement difficile pour les acteurs européens. Les réformes entreprises en dehors de l’Europe pourraient en effet entraver la capacité du secteur spatial européen à affronter la concurrence sur un pied d’égalité et affecter sa durabilité, ce qui représenterait une menace supplémentaire pour la souveraineté européenne en tant qu’objectif global de l’Union dans le domaine spatial. |
4.2.1.2. |
Le CESE est convaincu que l’Union doit saisir l’occasion d’être au premier plan des discussions et de fournir les bases de la protection des infrastructures spatiales européennes essentielles et des services associés. En agissant de manière proactive et en favorisant la coopération de ses États membres plutôt que leur division, l’Union permettra au secteur spatial européen d’utiliser à son avantage les règles et procédures convenues et de les promouvoir davantage au niveau mondial. Une approche plus harmonisée et plus coopérative entre les États membres encouragerait les investissements communs dans la défense et l’industrie de l’Union de manière plus générale. À cet égard, la possibilité de passation conjointe de marchés pourrait améliorer l’efficacité du côté de la demande et contribuer à la compétitivité et aux performances de l’industrie spatiale et de la défense européenne (4). |
4.2.1.3. |
Le CESE estime que le renforcement du potentiel des technologies et industries dérivées, telles que l’aérospatiale et les technologies ayant des applications à la fois militaires et civiles («double usage»), aurait des répercussions majeures sur le développement tant industriel que militaire de l’Union. |
4.2.1.4. |
En ce qui concerne la sécurité et la cybersécurité, le CESE souscrit pleinement à l’idée que l’exigence de «sécurité dès la conception» est essentielle pour la résilience. Les normes de sécurité européennes communes sont également cruciales tant qu’elles sont utilisées de manière pratique, étant donné que les cycles de définition et d’adoption sont souvent trop longs au vu du marché concurrentiel auquel est confronté le secteur spatial européen. Cela signifie que:
|
4.2.1.5. |
Le CESE note que la directive CER sur «la résilience des entités critiques» (5) et la directive SRI 2 concernant des «mesures destinées à assurer un niveau élevé commun de cybersécurité dans l’ensemble de l’Union» (6) ne sont applicables qu’au niveau des États membres et non au niveau des institutions européennes. Le Comité estime que ces directives devraient aussi être appliquées aux actifs détenus par l’Union. |
4.2.2.
4.2.2.1. |
Le CESE se félicite pleinement de la volonté d’accroître le budget du Fonds européen de la défense et du programme Horizon Europe, car en ce qui concerne les dernières étapes de développement, l’Union semblait jusqu’à présent incapable d’aligner son budget — et les instruments financiers connexes — sur ses ambitions affichées de porter les technologies de pointe au niveau de préparation requis. |
4.2.2.2. |
Dans le contexte de la «redynamisation» de la task force conjointe, le CESE estime qu’il convient de mettre en place un seul processus aboutissant à un répertoire des situations critiques qui soit unique, approuvé et partagé. Il importe que l’industrie spatiale européenne soit associée à ce processus et y joue un rôle de premier plan, car la réduction de la dépendance pourrait améliorer la souveraineté européenne dans la mesure où elle contribue à la compétitivité industrielle. |
4.2.2.3. |
Le CESE s’interroge sur les futurs rôles et interactions respectifs de la task force conjointe et de l’observatoire des technologies critiques et souligne la nécessité d’instaurer entre eux de meilleures synergies. |
4.2.2.4. |
Le CESE est favorable à la création de nouvelles alliances et de nouveaux projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC) liés aux technologies pertinentes pour l’espace et la défense, car ils pourraient contribuer à accroître le niveau de financement ainsi que le développement et la durabilité des doubles sources en Europe. |
4.2.3.
4.2.3.1. |
Il est très opportun de remédier aux risques qu’encourt la sécurité dans le secteur spatial de l’Union en protégeant ses chaînes d’approvisionnement et en se dotant de règles de passation de marchés qui garantissent pleinement la sécurité de l’approvisionnement. |
4.2.3.2. |
Le CESE estime toutefois qu’il est primordial que ces actions soient largement intégrées dans le cadre d’une politique industrielle spatiale cohérente d’envergure européenne. |
4.2.4.
4.2.4.1. |
Le CESE convient que les charges utiles autoprotectrices, les lanceurs réactifs, les capacités en matière de surveillance de l’espace, les opérations de maintenance en orbite et les services sécurisés en nuage souverain consacrés aux services spatiaux sont autant de technologies et de capacités indispensables pour la résilience. |
4.2.4.2. |
Le CESE estime qu’il y a lieu de garantir à l’Union, sur le long terme, un accès indépendant à l’espace, étant donné que l’Europe ne saurait dépendre de pays tiers pour le lancement de ses systèmes spatiaux ni pour l’entretien de ses propres infrastructures spatiales. À cet égard, il est impératif d’appliquer le principe de la préférence européenne aux lanceurs pour les lancements institutionnels. |
4.2.5.
4.2.5.1. |
Le CESE estime que la détection des menaces requiert l’instauration d’une véritable architecture autonome de gestion du trafic spatial, grâce notamment à la mise en place et au soutien de lignes de programme financées afin de poursuivre le développement des capacités européennes de gestion du trafic spatial (capacités de surveillance de l’espace et de suivi des objets en orbite — SST, surveillance du domaine spatial — SDA), ainsi qu’au déploiement accéléré de capacités européennes de surveillance de l’espace, de suivi des objets en orbite et de gestion du trafic spatial qui soient viables, compétitives et évolutives sur le plan commercial (7). |
4.2.5.2. |
À cet égard, le CESE souscrit pleinement à l’accent mis par la communication conjointe sur les capacités de surveillance du domaine spatial, à condition que l’on s’appuie, à chaque étape du processus, sur le soutien, l’expertise et les capacités de l’industrie, en plus des capacités de l’Union et de ses États membres. |
4.2.5.3. |
Le CESE encourage les efforts des États membres visant à être étroitement coordonnés à l’échelon de l’Union pour soutenir l’objectif d’une plus grande autonomie stratégique ouverte de l’Europe, conformément à l’alliance du partenariat transatlantique, à la collaboration avec des partenaires stratégiques cruciaux tels que les États-Unis et le Royaume-Uni, à l’engagement au niveau multilatéral et, le cas échéant, à préparer le terrain pour disposer de capacités au niveau européen. |
4.2.5.4. |
Le CESE reconnaît l’importance des exercices spatiaux, car la coordination entre les européens devrait être plus forte et plus efficace, et avoir plus de poids vis-à-vis de nos alliés, en particulier les États-Unis. Dans cette optique, il y a lieu de bâtir une culture commune des opérations spatiales. |
4.2.6.
4.2.6.1. |
Le CESE convient que l’amélioration de la contribution de l’espace aux capacités européennes de défense implique également de s’appuyer sur des programmes phares européens qui existent déjà et de les améliorer grâce à une dimension de sécurité et de défense. |
4.2.6.2. |
Le CESE souligne qu’un élargissement du programme Copernicus aux capacités en matière de sécurité entraînerait une extension significative des objectifs du programme, qui devrait être soigneusement évaluée, notamment en ce qui concerne les risques associés pour les capacités de financement de ce programme et sa politique actuelle en matière de données ouvertes. |
4.2.6.3. |
Le CESE insiste sur l’importance de la contribution qu’apporte la stratégie au pacte vert pour l’Europe ainsi qu’aux écosystèmes industriels qui y sont associés. En particulier, le programme Copernicus, considéré comme une référence mondiale de premier plan en matière de surveillance de l’environnement et du changement climatique, contribue directement à la lutte contre ce dernier et à la recherche de solutions à ce phénomène, ainsi qu’au soutien du rôle de l’Europe sur la scène mondiale. Étant donné que Copernicus est devenu la norme acceptée au niveau mondial en matière d’imagerie scientifique et de qualité des données, il convient de le soutenir davantage avec une ambition à toute épreuve. |
4.2.6.4. |
Quant à la constellation de satellites IRIS2, le CESE soutient fermement un programme qui aidera l’Union à rester un acteur international de premier plan disposant d’une liberté d’action dans le domaine spatial. |
4.2.6.5. |
Le CESE est convaincu de la nécessité d’intégrer tous les aspects liés à l’industrie (compétitivité, technologies critiques, sécurité de la chaîne d’approvisionnement, etc.) dans le cadre d’une politique industrielle cohérente d’envergure européenne, dans un contexte où l’industrie spatiale européenne présente une très forte dépendance à l’égard de marchés ouverts très limités. |
4.2.6.6. |
Le CESE tient à souligner que l’espace est un secteur innovant qui ne cesse d’évoluer. Pour garantir la compétitivité des activités spatiales européennes, le développement des compétences professionnelles nécessite une adaptation et une amélioration constantes. Étant donné que le secteur a beaucoup recruté ces dernières années et que cette forte tendance devrait se poursuivre dans un avenir proche, il convient d’y contribuer grâce à des mesures concrètes telles que la création d’une Académie spatiale de l’UE. |
4.2.7.
4.2.7.1. |
Le CESE convient que pour garantir une utilisation sûre, durable et fiable des capacités spatiales, il est indispensable d’établir des partenariats et des entreprises communes avec d’autres régions, entités et pays tiers partageant les mêmes valeurs. |
4.2.7.2. |
Si la coopération est essentielle, le CESE attire l’attention sur le fait qu’il importe d’inclure comme élément nécessaire la préservation de la souveraineté et de l’autonomie européennes, tout en promouvant la collaboration et l’interopérabilité, et en posant pour règles communes la réciprocité et l’intérêt mutuel dans les relations avec les États-Unis et d’autres pays tiers partageant les mêmes valeurs. |
Bruxelles, le 12 juillet 2023.
Le président du Comité économique et social européen
Oliver RÖPKE
(1) Conformément à l’avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le programme de l’Union pour une connectivité sécurisée pour la période 2023-2027 [COM(2022) 57 final — 2022/0039 (COD)] et sur la communication conjointe au Parlement européen et au Conseil — «Une approche de l’UE en matière de gestion du trafic spatial — Une contribution de l’UE pour faire face à un défi mondial» [JOIN(2022) 4 final] (JO C 486 du 21.12.2022, p. 172) et au « Nouvel espace ».
(2) En particulier d’emplois pour les femmes.
(3) COM(2021) 70 final.
(4) Comme souligné dans l’avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la mise en place de l’instrument visant à renforcer l’industrie européenne de la défense au moyen d’acquisitions conjointes [COM(2022) 349 final] (JO C 486 du 21.12.2022, p. 168).
(5) Directive (UE) 2022/2557 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2022 sur la résilience des entités critiques, et abrogeant la directive 2008/114/CE du Conseil (JO L 333 du 27.12.2022, p. 164).
(6) Directive (UE) 2022/2555 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2022 concernant des mesures destinées à assurer un niveau élevé commun de cybersécurité dans l’ensemble de l’Union, modifiant le règlement (UE) no 910/2014 et la directive (UE) 2018/1972, et abrogeant la directive (UE) 2016/1148 (directive SRI 2) (JO L 333 du 27.12.2022, p. 80).
(7) Conformément à l’avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le programme de l’Union pour une connectivité sécurisée pour la période 2023-2027 [COM(2022) 57 final — 2022/0039 (COD)] et sur la communication conjointe au Parlement européen et au Conseil — «Une approche de l’UE en matière de gestion du trafic spatial — Une contribution de l’UE pour faire face à un défi mondial» [JOIN(2022) 4 final] (JO C 486 du 21.12.2022, p. 172) et au «Nouvel espace».
29.9.2023 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 349/161 |
Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, à la Banque centrale européenne, au Comité économique et social européen et au Comité des régions sur la révision du cadre pour la gestion des crises et l’assurance des dépôts contribuant à l’achèvement de l’union bancaire
[COM(2023) 225 final]
sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 806/2014 en ce qui concerne les mesures d’intervention précoce, les conditions de résolution et le financement des mesures de résolution
[COM(2023) 226 final — 2023/0111 (COD)]
sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2014/59/UE en ce qui concerne les mesures d’intervention précoce, les conditions de déclenchement d’une procédure de résolution et le financement des mesures de résolution
[COM(2023) 227 final — 2023/0112 (COD)]
et sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2014/59/UE et le règlement (UE) no 806/2014 en ce qui concerne certains aspects de l’exigence minimale de fonds propres et d’engagements éligibles
[COM(2023) 229 final — 2023/0113 (COD)]
(2023/C 349/24)
Rapporteur: |
Giuseppe GUERINI |
Corapporteur: |
Christophe LEFÈVRE |
Consultation |
Lettre du ministère espagnol des affaires étrangères, de l’Union européenne et de la coopération en date du 8.12.2022 Conseil de l’Union européenne, 23.6.2023 [COM(2023) 229 fina]l, 11.7.2023 COM(2023) 226 final], 11.7.2023 [COM(2023) 227 final] Parlement européen, 12.6.2023 [COM(2023) 229 final], 10.7.2023 [COM(2023) 226 final et 227 final], Commission européenne, 2.6.2023 [pour la proposition COM(2023) 225 final] |
Base juridique |
Article 114 et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
Compétence |
Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale» |
Adoption en section |
27.6.2023 |
Adoption en session plénière |
13.7.2023 |
Session plénière no |
580 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
175/0/2 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Le CESE salue l’initiative de grande ampleur de la Commission qui vise à renforcer la législation relative au cadre applicable à la gestion des crises bancaires et à l’assurance des dépôts, sachant que faire progresser l’union bancaire constitue une étape déterminante en vue de renforcer le marché unique européen, dans l’intérêt des déposants comme des contribuables. |
1.2. |
Le CESE estime que les crises bancaires récemment survenues aux États-Unis soulignent l’importance que revêt la rapidité d’action, s’agissant de circonscrire le risque de contagion et la perte de confiance des investisseurs et des déposants, et mettent en lumière la nécessité de pouvoir intervenir avec souplesse pour répondre à pareilles situations de crise. L’expérience récente montre aussi qu’il importe que le transfert d’une banque en difficulté à un autre établissement soit dûment organisé dans un délai très court. |
1.3. |
Le CESE se félicite que la Commission ait proposé que la protection offerte par les systèmes de garantie des dépôts (SGD) soit étendue à ceux des entités publiques et qu’elle s’attache à harmoniser davantage, dans l’ensemble de l’Union, les outils disponibles pour préserver lesdits dépôts. L’harmonisation renforcée que prévoit la proposition de la Commission se révélera sans aucun doute bénéfique, étant donné qu’il est fondamental que les fonds d’assurance des dépôts soient correctement financés et organisés. |
1.4. |
Le CESE relève que l’un des principaux objectifs de la proposition de la Commission consiste à élargir le champ d’application de la résolution. Il saisit parfaitement la démarche de la Commission, son contexte, sa logique réglementaire et ses objectifs à long terme. |
1.5. |
Eu égard aux récentes crises bancaires, le CESE souligne qu’il importe de faire preuve de pragmatisme et de souplesse, en tenant compte des caractéristiques de chaque cas, en ce qui concerne i) l’approche réglementaire, ii) le choix des outils les plus efficaces à disposition, iii) les implications pratiques des actions entreprises, iv) l’impératif de coopération entre les parties prenantes, v) la rapidité d’exécution et, enfin, vi) la nature des ressources financières à engager pour mettre en œuvre les solutions retenues en matière de gestion de crise. |
1.6. |
Le CESE est d’avis que la résolution pourrait ne pas toujours offrir la solution la plus pratique pour protéger pleinement les écosystèmes économiques dans lesquels opère une banque en difficulté. Si elle risque de se révéler plus coûteuse que la liquidation, ces établissements devraient opter pour une procédure d’insolvabilité. |
1.7. |
Le CESE partage la position prise par la Commission quand elle estime qu’il serait possible d’affiner l’évaluation de l’intérêt public en adoptant une approche plus transparente et harmonisée dans l’ensemble de l’Union. Tout en ayant conscience de la grande difficulté qu’éprouvent les régulateurs à réussir à tenir la balance égale entre les impératifs de la flexibilité et de la prévisibilité, le Comité incite les colégislateurs à dégager des voies qui réduisent l’insécurité juridique autant que faire se peut. |
1.8. |
Le CESE juge nécessaire de trouver un juste équilibre entre une meilleure définition de l’«évaluation de l’intérêt public» et le caractère proportionné de son application dans le cas des petites banques ou de celles de taille moyenne ou d’envergure locale. Dans le cadre actuel, l’extension donnée au champ d’application de cette évaluation de l’intérêt, visant à ce qu’elle couvre aussi les banques qui jouent un rôle important à l’échelon régional, laisse subsister une marge d’incertitude. |
1.9. |
Le CESE tient à rappeler l’importance que le respect du principe de proportionnalité revêt pour parvenir à une réglementation qui soit adaptée aux objectifs qu’elle poursuit sans pourtant empiéter de manière excessive sur les intérêts des petites banques et de celles de taille moyenne ou d’envergure locale. Ce principe de proportionnalité devrait aussi s’appliquer pour réaliser l’évaluation de l’intérêt public, en particulier lorsque les banques concernées présentent un caractère local et ne mettent pas la stabilité financière en péril. |
1.10. |
Tout en reconnaissant la diversité des instances compétentes pour réglementer les domaines de la concurrence et des aides d’État, le CESE considère que l’ensemble du train de mesures relatif au cadre pour la gestion des crises bancaires et la garantie des dépôts devrait être dûment coordonné avec la révision prévue de la communication de 2013 concernant les aides d’État en faveur du secteur bancaire (1). À défaut, le risque existe de mettre en œuvre des propositions qui pourraient se révéler incompatibles avec la législation sur les aides d’État, et ainsi de susciter une imprévisibilité et une insécurité juridique. |
1.11. |
La Commission s’est essentiellement employée à renforcer l’instrument de la stratégie de transfert au moyen des systèmes de garantie des dépôts, en prévoyant la possibilité d’accéder à un Fonds de résolution unique, sous réserve que les mesures de sauvegarde nécessaires soient assurées. Cette démarche pourrait marquer une étape vers la mise en place d’un système européen d’assurance des dépôts, mais des facteurs d’inefficacité persisteront aussi longtemps que l’union bancaire restera inachevée et le marché fragmenté. |
2. Contexte et consultation du CESE par l’Espagne
2.1. |
Le gouvernement espagnol a demandé au Comité économique et social européen d’élaborer un avis exploratoire sur la proposition relative à l’union bancaire, en se concentrant sur la nécessité de promouvoir une application plus large de l’évaluation de l’intérêt public, de manière que les banques, en particulier celles de taille moyenne ou modeste, soient incluses dans la procédure de résolution harmonisée en cas de crise. |
2.2. |
Le 18 avril 2023, la Commission a publié quatre propositions législatives visant à renforcer le cadre actuel de l’Union pour la gestion des crises bancaires et l’assurance des dépôts (cadre CMDI), en accordant une attention particulière aux banques de taille moyenne et plus réduite (2). |
2.3. |
La Commission estime que «l’expérience a montré que la défaillance de nombreuses banques de taille moyenne ou de petite taille a été gérée avec des solutions hors du cadre de résolution» (3), dans une démarche qui a «parfois impliqué de recourir à l’argent du contribuable plutôt qu’aux ressources internes que les banques sont tenues de constituer ou aux filets de sécurité privés financés par le secteur (les systèmes de garantie des dépôts et les fonds de résolution)» (4), et qui a produit un effet très néfaste sur l’économie et sur la perception qu’en a la société. |
2.4. |
Par conséquent, les nouvelles règles proposées permettent aux autorités d’employer la résolution en tant qu’élément essentiel dans la panoplie des outils destinés à la gestion des crises, en faisant valoir que par rapport à la liquidation, la résolution est susceptible d’entraîner moins de perturbations pour les clients, puisqu’ils conservent l’accès à leurs comptes et que les fonctions critiques de la banque sont préservées. |
2.5. |
En outre, ces propositions de la Commission ont pour effet que lorsqu’il s’avère nécessaire de le faire pour éviter la contagion à d’autres banques et de plus amples répercussions sur la société et l’économie, le recours aux systèmes de garantie des dépôts (SGD) en situation de crise sera facilité, de manière que les déposants ne risquent pas à devoir supporter des pertes. En s’appuyant sur les filets de sécurité financés par le secteur, tels que les systèmes de garantie des dépôts et les fonds de résolution, les textes proposés entendent également protéger l’argent des contribuables en cas de crise bancaire. |
2.6. |
Le niveau de garantie de 100 000 EUR par déposant et par banque qui est prévu par la directive relative aux systèmes de garantie des dépôts est maintenu pour tous les déposants éligibles de l’Union, et cette protection sera étendue aux entités publiques telles que les hôpitaux, les écoles et les municipalités, ainsi qu’à l’argent des clients déposé dans certains types de «fonds de clients», par exemple auprès de sociétés d’investissement, d’établissements de paiement ou d’établissements de monnaie électronique. Par ailleurs, la proposition de la Commission s’efforce aussi d’harmoniser les normes de protection des déposants dans l’ensemble de l’Union. |
3. Observations générales
3.1. |
Le CESE partage les objectifs des propositions législatives que la Commission a présentées en vue d’améliorer la gestion des crises bancaires et de garantir une protection adéquate des dépôts bancaires en cas de crise. |
3.2. |
Le CESE salue l’initiative de grande ampleur de la Commission qui vise à compléter la législation relative au cadre applicable à la gestion des crises bancaires et à la garantie des dépôts, sachant qu’améliorer et faire progresser l’union bancaire constitue une étape déterminante en vue de renforcer le marché unique européen, dans l’intérêt des déposants comme des contribuables. Par ailleurs, le parachèvement de l’union bancaire constitue une étape essentielle pour réaliser une véritable Union économique et monétaire, qui soit en mesure de garantir la stabilité financière et d’assurer une gestion saine des crises, si besoin est. |
3.3. |
Ainsi qu’il l’a indiqué dans de précédents avis (5), le CESE est convaincu qu’il est essentiel de renforcer le cadre pour la gestion des crises bancaires et la garantie des dépôts, tel qu’existant, comme l’ont clairement montré les retombées dommageables de grande ampleur que les récentes crises bancaires survenues aux États-Unis et l’affaire du Crédit Suisse ont produites pour la stabilité du système bancaire américain et helvétique, ainsi que sur les marchés financiers internationaux, tant d’une manière générale que dans le secteur bancaire en particulier. L’Union européenne ne s’est toujours pas dotée d’un filet de sécurité en matière de liquidités dans le cadre des processus de résolution. |
3.4. |
Le CESE considère que les occurrences de crises bancaires qui sont évoquées ci-dessus prouvent une fois de plus l’importance que revêt la rapidité de l’action, s’agissant de circonscrire le dommage subi et, en particulier, le risque d’une contagion, et qu’elles démontrent qu’il s’impose de pouvoir intervenir avec souplesse pour répondre à pareilles crises. Elles ont également apporté la preuve qu’un élément déterminant consiste à disposer d’un matelas de liquidités afin de couvrir les besoins immédiats en la matière et de ménager le temps nécessaire pour développer une stratégie viable de résolution. |
3.5. |
De l’avis du CESE, l’expérience récente souligne aussi qu’il importe que le transfert d’une banque en difficulté à un autre établissement soit dûment organisé dans un délai très bref. Il est donc important de garantir que le cadre réglementaire fournisse les conditions adéquates pour effectuer de telles transactions, étant donné qu’elles doivent être réalisées en dehors des procédures habituelles de diligence raisonnable et que leurs implications sont aussi vastes qu’incertaines. De plus, à la lumière des enseignements du passé, il apparaît nécessaire de mettre en place, lors du rachat d’une banque en cours de résolution, un régime spécifique général qui favorise son intégration au sein du nouveau groupe de la manière la plus efficace possible. |
3.6. |
L’absorption et la gestion d’une banque ayant fait l’objet d’une résolution constituent des démarches qui sont complexes, et il y a lieu de rationaliser les étapes et exigences réglementaires qui s’y rapportent. S’agissant de leurs rôles respectifs, les différentes autorités qui participent à l’opération devraient avoir la capacité de se coordonner dans le cadre des processus réglementaires ou des procédures accélérées d’approbation concernant les mesures de gestion de crise. En outre, il est capital de veiller à ce que chaque fois qu’il sera nécessaire, ces transferts puissent également se réaliser entre deux pays au sein de l’Union européenne. |
3.7. |
Le CESE se félicite que la Commission étende aux entités publiques la protection offerte par les systèmes de garantie des dépôts et qu’elle cherche à harmoniser davantage, dans l’ensemble de l’Union, les outils disponibles pour préserver lesdits dépôts. En protégeant à la fois les épargnants privés et publics et les petits déposants lorsqu’une banque fait défaillance, la garantie des dépôts réduit au maximum le risque de panique bancaire et atténue celui d’une contagion. Le Comité juge qu’il conviendrait, dans certains cas, d’adapter cette couverture pour prendre en considération les déposants qui se trouvent dans une situation économique précaire, tels que les personnes souffrant d’un handicap ou d’une maladie de longue durée. L’harmonisation renforcée que propose la Commission se révélera sans aucun doute bénéfique, sachant qu’il est essentiel que les fonds d’assurance des dépôts (FAD) soient correctement financés et organisés. |
3.8. |
Le CESE relève que l’un des principaux objectifs de la proposition de la Commission consiste à élargir le champ d’application de la résolution, lorsque cette solution est jugée conforme à «l’intérêt public». La liquidation ne pourra être mise en œuvre que si elle satisfait aux conditions suivantes: i) répondre plus efficacement que la résolution aux objectifs fixés pour cette dernière option par la directive relative au redressement des banques et à la résolution de leurs défaillances, et ii) ne pas nécessiter l’emploi de fonds publics. |
3.9. |
Le Comité saisit parfaitement la démarche de la Commission, sa logique réglementaire et ses objectifs à long terme. Dans le même temps, il souligne qu’il importe, comme l’ont montré les récentes crises bancaires aux États-Unis, de faire preuve de pragmatisme en ce qui concerne l’approche réglementaire, le recours aux outils les plus efficaces à disposition, les implications pratiques des actions entreprises, l’impératif de coopération entre les parties prenantes, la rapidité d’exécution et, enfin, les ressources financières à engager pour mettre en œuvre les outils de gestion de crise retenus. |
3.10. |
Le CESE est d’avis que la résolution pourrait ne pas toujours offrir la solution la plus appropriée pour protéger pleinement les écosystèmes économiques dans lesquels opère une banque en difficulté, surtout quand elle est de taille modeste ou moyenne. Il convient de noter que pour un établissement de pareille envergure, la résolution pourrait se révéler plus coûteuse que d’autres formes d’intervention, en particulier dans l’environnement local, souvent restreint, où il exerce ses activités. À cet égard, le Comité suggère que la part de marché des banques de taille moyenne ou modeste ou d’échelle locale qui ne mènent aucune activité transfrontière puisse être évaluée par rapport à leur position générale sur le marché national, et non sur une base régionale au sein des États membres. |
3.11. |
Le CESE considère que l’ensemble du train de mesures relatif au cadre pour la gestion des crises bancaires et la garantie des dépôts devrait être dûment coordonné avec la révision prévue de la communication publiée en 2013 concernant les aides d’État en faveur du secteur bancaire (6), laquelle a contribué à susciter l’imprévisibilité qui prévaut aujourd’hui quant à la nécessité d’activer ou non la résolution. Adopter les propositions réglementaires relatives à ce cadre sans connaître les règles qui s’appliqueront en matière d’aides d’État pourrait aboutir à mettre en œuvre des dispositions qui risqueront d’entrer en contradiction avec la législation concernant ces aides. |
3.12. |
Le CESE tient à rappeler, à titre d’observation générale, l’importance que le respect du principe de proportionnalité revêt pour parvenir à une réglementation qui soit adaptée aux objectifs qu’elle poursuit sans pourtant empiéter de manière excessive sur les intérêts des petites banques et de celles de taille moyenne ou d’envergure locale. Ce principe de proportionnalité devrait aussi être de mise pour réaliser l’évaluation de l’intérêt public, en particulier lorsque les banques concernées présentent un caractère local et ne mettent pas la stabilité financière en péril. |
4. Observations particulières
4.1. |
Le CESE partage la position prise par la Commission quand elle estime qu’il serait possible d’affiner l’évaluation de l’intérêt public, dans le sens d’une approche plus transparente et harmonisée dans l’ensemble de l’Union. Tout en ayant conscience de la grande difficulté qu’éprouvent les régulateurs à parvenir à un équilibre entre flexibilité et prévisibilité, le Comité tient à noter que les propositions législatives à l’examen ne semblent pas supprimer totalement le large pouvoir d’appréciation accordé jusqu’à présent aux autorités concernées et qu’elles perpétuent ainsi une certaine insécurité juridique. |
4.2. |
Le CESE juge nécessaire de trouver un juste équilibre entre une meilleure définition du «critère de l’intérêt public» et le caractère proportionné de son application dans le cas des petites banques ou de celles d’envergure locale. Dans le cadre actuel, l’extension donnée au champ d’application de cette évaluation de l’intérêt public, visant à ce qu’elle couvre aussi les banques qui jouent un rôle important à l’échelon régional, laisse subsister une marge d’incertitude. |
4.3. |
Comme il semble que ce champ ait été élargi par rapport aux règles précédentes, de manière que l’éventail des situations couvertes soit plus largement ouvert, le CESE estime qu’il est essentiel que le critère du moindre coût soit appliqué d’une manière plus efficace, impliquant en l’occurrence que les interventions préventives ou destinées à se substituer aux systèmes de garantie des dépôts devront être associées à une charge moindre en ce qui concerne le remboursement, et ce, dans l’optique de dégager une marge de manœuvre suffisante lorsque les conditions sont réunies pour prévenir ou désamorcer une crise grâce à des outils de résolution substitutifs. |
4.4. |
Le CESE met l’accent sur l’incertitude que soulèvent les propositions législatives à l’examen en matière de répartition des compétences, notamment en ce qui concerne le partage des pouvoirs et des responsabilités entre les autorités nationales et européennes susceptibles d’être associées au processus décisionnel complexe qui encadre la gestion des crises bancaires. Dans de tels contextes, la rapidité de l’action revêt une importance cruciale, comme l’a récemment montré le déroulement de plusieurs affaires, au sein de l’Union comme aux États-Unis. |
4.5. |
Le CESE fait observer qu’il conviendrait de fixer et d’appliquer les exigences minimales de fonds propres et d’engagements éligibles (MREL) en fonction de la taille et du profil de risque spécifique des établissements bancaires concernés, dans le double objectif de garantir des conditions de concurrence équitables entre les banques d’une ampleur significative qui présentent des schémas de fonctionnement comparables, et de protéger par ailleurs le modèle économique spécifique adopté par les petits établissements, ceux d’envergure locale et ceux qui opèrent dans des secteurs ou industries particuliers et spécialisés. |
4.6. |
Il est difficile de cerner le caractère prétendument proportionnel de la définition que la Commission européenne a retenue pour ces exigences minimales de fonds propres et d’engagements éligibles, lesquelles consisteraient toujours, comme il en va pour les banques qui ont déjà adopté ce dispositif, à disposer d’une réserve de capital supplémentaire destinée à couvrir les pertes éventuelles, à laquelle s’ajoute un montant destiné à la recapitalisation. Le Comité juge qu’il importe d’adapter ces exigences en fonction de la diversité que les banques présentent du point de vue de leur taille et de leur modèle économique. |
4.7. |
Le CESE fait observer qu’il conviendrait de renforcer et préserver, sur tout le territoire de l’Union européenne, la mission assumée par les banques qui y sont établies, ainsi que la pluralité de leurs caractéristiques et de leurs modèles économiques, qui garantissent que son système bancaire soit plus vigoureux et diversifié. Dans la réglementation du secteur de la banque, il conviendrait de faire dûment droit à la nécessité d’assurer une croissance économique réelle, ainsi que de prendre en considération les effets à long terme qu’elle exerce sur la prospérité de l’économie européenne et dans le domaine social et celui de l’emploi. À cet égard, le Comité estime que plutôt que d’intervenir au moyen d’opérations après coup lors d’une crise, il est nettement plus judicieux, dans tous les cas où pareilles solutions sont possibles et disponibles, de prévoir les conditions et outils nécessaires pour la prévenir et éviter qu’elle ne se produise. |
4.8. |
Les actions menées à un stade précoce s’avèrent souvent opérantes et moins coûteuses qu’une résolution. Les procédures relatives aux mesures préventives et substitutives sont définies dans la directive relative aux systèmes de garantie des dépôts (SGD) et gérées par les systèmes nationaux de garantie des dépôts, selon les règles harmonisées et les dispositifs de sauvegarde, tels qu’ils existent dans plusieurs États membres de l’Union européenne. Il y a lieu de procéder à une révision de la hiérarchie des créanciers pour garantir le bon fonctionnement du critère de moindre coût et permettre ainsi la mise en œuvre de dispositions d’intervention précoce. Il importe également de parvenir à une harmonisation européenne, ou tout du moins à l’élaboration de lignes directrices, pour les calculs à effectuer au titre du «principe du moindre coût». |
4.9. |
Les systèmes de garantie des dépôts et régimes de garantie mis en place à l’échelle nationale constituent un élément essentiel du filet de sécurité que le cadre de l’Union fournit pour préserver la stabilité financière et stimuler la confiance des marchés. Aussi devraient-ils jouer un rôle plus important, indépendamment de leur nature juridique, privée ou publique, ou du caractère volontaire ou obligatoire des contributions dont ils tirent leurs ressources, l’enjeu crucial, en ce qui les concerne, résidant dans leur mission publique et dans la stricte approche de marché qu’ils suivent pour opérer leurs choix, sous la surveillance des autorités compétentes. |
4.10. |
Le rôle que jouent ces systèmes de garantie des dépôts est particulièrement important pour les banques de taille modeste ou moyenne, ou «établissements moins importants», qui n’ont qu’une capacité limitée d’accéder au marché pour émettre des instruments éligibles au titre de l’exigence minimale de fonds propres et d’engagements éligibles (MREL). Il convient de noter que plusieurs banques, y compris de petite taille et d’envergure locale, se sont montrées capables de mettre en œuvre des mesures préventives avec efficacité et, ainsi, de réagir aux crises de manière adéquate. |
4.11. |
Comme il l’a indiqué précédemment dans un certain nombre d’avis (7), le CESE rappelle que l’écosystème financier et bancaire européen devrait être diversifié, durable et capable de reconnaître la mission cruciale que les banques de taille modeste ou moyenne assument au niveau local, ainsi que leur pertinence d’ensemble au niveau national et la valeur ajoutée qu’elles apportent aux communautés locales, tout comme les retombées positives que le secteur de la banque, en accroissant ses compétences, produit pour la société tout entière. Les banques de crédit coopératif (8), les établissements bancaires «éthiques» et ceux d’échelle locale ou de type sectoriel, comme les banques coopératives ou éthiques desservant des structures d’économie sociale, remplissent à cet égard un rôle qui est déterminant et conforme au principe de l’économie sociale de marché, tel que sanctionné par les traités de l’Union européenne. |
4.12. |
Par ailleurs, il convient aussi de reconnaître la fonction qu’assument les groupes bancaires transfrontières de plus grande envergure, car lorsqu’ils sont structurés en plusieurs filiales, leurs succursales assurent une meilleure diversification, sont moins dépendantes de leur maison-mère et peuvent être en dissociées plus aisément, de sorte que le risque de contagion diminue, tandis que la stabilité se trouve confortée. Les banques internationales de l’Union revêtent une importance critique pour contribuer à l’internationalisation des entreprises européennes. |
4.13. |
Le CESE demande que les règles de l’union bancaire relatives au cadre pour la gestion des crises bancaires et la garantie des dépôts soient coordonnées de manière adéquate avec l’application des dispositions en matière d’aides d’État qui sont énoncées à l’article 107 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (9). Grâce à cette coordination, il devrait être possible d’éviter l’insécurité sur le plan du droit et les différences de traitement juridique entre les banques implantées sur tout le territoire de l’Union européenne. Il conviendrait de prendre dûment en considération, à cet égard, le principe que la Cour de justice de l’Union européenne a posé dans son arrêt relatif à l’affaire Tercas (10), voulant que les régimes financés par des fonds privés ne relèvent pas de l’application de l’article 107 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. |
Bruxelles, le 13 juillet 2023.
Le président du Comité économique et social européen
Oliver RÖPKE
(1) Communication de la Commission concernant l’application, à partir du 1er août 2013, des règles en matière d’aides d’État aux aides accordées aux banques dans le contexte de la crise financière («Communication concernant le secteur bancaire») (JO C 216 du 30.7.2013, p. 1).
(2) COM(2023) 226 final, COM(2023) 227 final, COM(2023) 228 final et COM(2023) 229 final.
(3) Communiqué de presse, 18 avril 2023, Commission européenne.
(4) Communiqué de presse, 18 avril 2023, Commission européenne.
(5) Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 575/2013 et la directive 2014/59/UE en ce qui concerne le traitement prudentiel des groupes d’établissements d’importance systémique mondiale selon une stratégie de résolution à points d’entrée multiples et une méthode pour la souscription indirecte d’instruments éligibles pour l’exigence minimale de fonds propres et d’engagements éligibles [COM(2021) 665 final — 2021/0343 (COD)] (JO C 152 du 6.4.2022, p. 111) et avis du Comité économique et social européen sur la Communication au Parlement européen, au Conseil, à la Banque centrale européenne, au Comité économique et social européen et au Comité des régions sur l’achèvement de l’union bancaire [COM(2017) 592 final] (JO C 237 du 6.7.2018, p. 46).
(6) Communication de la Commission concernant l’application, à partir du 1er août 2013, des règles en matière d’aides d’État aux aides accordées aux banques dans le contexte de la crise financière («Communication concernant le secteur bancaire») (JO C 216 du 30.7.2013, p. 1).
(7) Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Considérations supplémentaires sur une recommandation de recommandation du Conseil concernant la politique économique de la zone euro» [COM(2021) 742 final] (avis d’initiative) (JO C 75 du 28.02.2023, p. 43) et avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 806/2014 afin d’établir un système européen d’assurance des dépôts» [COM(2015) 586 final — 2015/0270 (COD)] (JO C 177 du 18.5.2016, p. 21).
(8) Avis du Comité économique et social européen sur «Promouvoir une union bancaire plus inclusive et durable en permettant aux banques de proximité de mieux contribuer au développement local et à la mise en place d’un système financier international et européen socialement responsable» (avis d’initiative) (JO C 364 du 28.10.2020, p. 14).
(9) JO C 115 du 9.5.2008, p. 91.
(10) Arrêt rendu dans l’affaire C-425/19.
29.9.2023 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 349/167 |
Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2019/881 en ce qui concerne les services de sécurité gérés
[COM(2023) 208 final — 2023/0108 (COD)]
et sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des mesures destinées à renforcer la solidarité et les capacités dans l’Union afin de détecter les menaces et incidents de cybersécurité, de s’y préparer et d’y réagir
[COM(2023) 209 final — 2023/0109 (COD)]
(2023/C 349/25)
Rapporteur: |
Dumitru FORNEA |
Corapporteur: |
Alberto MAZZOLA |
Consultation |
Parlement européen, 1.6.2023 |
|
Conseil de l’Union européenne, 7.6.2023 |
Base juridique |
Article 114, article 173, paragraphe 3, et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
Compétence |
Commission consultative des mutations industrielles |
Adoption en session plénière |
13.7.2023 |
Session plénière no |
580 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
174/0/1 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Le Comité économique et social européen (CESE) accueille favorablement la proposition de règlement (1) et estime qu’il est essentiel de développer la coordination au niveau de l’Union pour remédier à la fragmentation actuelle du marché et promouvoir la coopération entre les acteurs européens des secteurs privé et public afin de mieux prévenir et détecter les cybermenaces et d’y réagir. Il recommande que la proposition accorde une plus grande attention au respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité, conformément à l’article 4, paragraphe 2, du traité sur l’Union européenne (TUE). |
1.2. |
Le Comité reconnaît les efforts déployés par la Commission européenne dans le domaine de la cybersécurité et souligne que pour être complète, la réaction aux cyberincidents doit porter non seulement sur les capacités et les processus, mais aussi sur les aspects matériels et logiciels. Toutefois, le CESE s’oppose à l’idée, avancée dans la proposition de règlement, de conférer à la Commission de nombreuses compétences d’exécution, tout particulièrement parce que la cybersécurité reste une prérogative des États membres. |
1.3. |
Il est nécessaire d’adopter une stratégie à moyen terme en vue de parvenir à une autonomie stratégique dans les technologies clés et les secteurs critiques, en soutenant les entreprises européennes dans la mise en place d’installations de recherche et de production. Le CESE souligne qu’il est essentiel de n’acquérir que des technologies de l’Union pour équiper de technologies de pointe les centres d’opérations de sécurité (SOC) nationaux. |
1.4. |
Le CESE se dit préoccupé par le fait que, quatre ans après l’adoption du règlement de l’Union sur la cybersécurité (2), aucun schéma de cybersécurité n’a été adopté et aucun produit n’a encore fait l’objet d’une certification de cybersécurité. Il recommande d’associer les agences sectorielles de l’Union (3) à l’élaboration des schémas de cybersécurité et d’adopter une norme européenne minimale, en coopération avec le Comité européen de normalisation (CEN), le Comité européen de normalisation électrotechnique (Cenelec) et l’Institut européen de normalisation des télécommunications (ETSI), y compris pour les dispositifs de l’«internet des personnes» (IdP) et de l’internet des objets (IdO). |
1.5. |
Le CESE prend acte de la proposition de renforcer le rôle de l’Agence de l’Union européenne pour la cybersécurité (ENISA) et invite à la doter d’un personnel désigné et d’un budget approprié pour toute activité supplémentaire qui lui sera attribuée, afin de lui permettre de remplir son rôle stratégique à la hauteur des ambitions de l’Union en matière de cybersécurité. |
1.6. |
Les États membres devraient parvenir à un consensus sur l’adoption d’une approche globale en matière de cybersécurité, prévoyant un personnel qualifié, des processus appliqués de manière cohérente et des technologies de pointe appropriées, en mettant particulièrement l’accent sur le renforcement de la coopération avec le secteur privé. Il est vital de développer des liens et une coopération solides entre le secteur de la défense et le secteur privé. |
1.7. |
Les spécifications techniques de la future infrastructure informatique doivent permettre une interopérabilité totale entre les systèmes nationaux et le cyberbouclier européen. Les SOC nationaux doivent également être prêts à réaliser, à l’échelle nationale, des tests de résistance sur les infrastructures critiques et à en partager les résultats dans le cadre du cyberbouclier européen. |
1.8. |
Le Comité propose que le SOC coordinateur de chaque consortium dispose d’un mandat d’un an dans le cadre d’un système commun de rotation. Le financement de l’Union en faveur du consortium d’hébergement devrait couvrir 100 % des coûts d’acquisition des outils et des infrastructures et 50 % des coûts opérationnels (contre 75 % et «jusqu’à 50 %» prévus dans la proposition). |
1.9. |
Les pénuries de compétences dans le domaine de la cybersécurité s’étant aggravées ces dernières années, le Comité se félicite de l’initiative de créer une académie des compétences en matière de cybersécurité et estime que des indicateurs mesurant les progrès accomplis dans la réduction des déficits de compétences de cybersécurité s’imposent. |
1.10. |
Le CESE note que la Commission n’a pas fourni d’estimation précise des coûts des programmes, technologies d’analyse des données et projets de développement d’infrastructures qui sont nécessaires. Il considère que les sources de financement proposées au niveau de l’Union sont inadéquates et demande instamment que l’on étudie la possibilité de recourir à des sources supplémentaires, y compris la mise en commun de ressources issues de financements privés. |
1.11. |
La procédure décrite pour demander un soutien à la réserve de cybersécurité de l’Union semble très lente et manque de délais de réponse clairs. Le Comité souligne que la réaction nécessaire en cas d’incident de cybersécurité doit être extrêmement rapide. |
1.12. |
Le CESE demande à la Commission européenne des éclaircissements sur ce que signifie, à l’article 6, paragraphe 2, point a), de la proposition de règlement, «une quantité importante de données», et sur ce que recouvre, au point c) du même paragraphe, le terme «objectifs». |
1.13. |
Le Comité estime qu’il est essentiel que l’Union participe aux discussions à l’échelle mondiale sur la mise en place d’une stratégie internationale en matière de cybersécurité. Il est essentiel d’enquêter rapidement sur les cyberattaques et de traduire leurs auteurs en justice, y compris par la voie diplomatique pour les affaires qui concernent des pays tiers. |
1.14. |
Le CESE se dit déçu que les partenaires sociaux et les organisations de la société civile ne soient pas mentionnés une seule fois dans le document, et il souligne que la pleine participation de la société civile organisée de l’Union est essentielle pour parvenir à une coopération renforcée entre les organisations publiques et privées. |
1.15. |
Le Comité propose que le rapport destiné au Parlement européen et au Conseil soit présenté deux ans après l’entrée en vigueur du règlement (et non quatre comme le propose la Commission), en même temps que l’analyse d’impact qui devrait accompagner le règlement à l’examen. Le CESE insiste sur la nécessité de mettre en place à la fois des mesures de performance précises axées sur l’obtention de résultats et des indicateurs clés de performance (ICP) pour évaluer les résultats. |
2. Observations liminaires
2.1. |
Le changement constant, l’anonymat et le manque de frontières qui caractérisent le cyberespace présentent à la fois des possibilités et des risques pour le fonctionnement de la société de l’information, tant aux niveaux de l’individu et de l’État qu’au niveau transnational. |
2.2. |
Compte tenu du risque évident de propagation rapide des cyberincidents d’un État membre à l’autre, l’Union européenne est confrontée à des risques croissants en matière de cybersécurité et à un paysage global complexe de menaces. Pour remédier à la fragmentation actuelle et promouvoir une coopération renforcée entre les États membres, il est essentiel de développer la coordination au niveau de l’Union. |
2.3. |
Le marché unique de l’Union a besoin d’une interprétation et d’une mise en œuvre homogènes des règles en matière de cybersécurité, même si des approches distinctes devraient être prévues pour différents secteurs en raison de leur mode propre de fonctionnement. |
2.4. |
Pour pouvoir réagir rapidement et efficacement à tout incident de cybersécurité, il est essentiel de disposer d’un système d’échange d’informations rapide entre toutes les parties prenantes importantes au niveau national et à celui de l’Union, ce qui nécessite, parallèlement, que chaque partie ait une compréhension claire de son rôle et de ses responsabilités. |
2.5. |
Le Comité reconnaît les efforts déployés par la Commission européenne dans le domaine de la cybersécurité et se félicite du grand nombre de communications et de propositions visant à renforcer l’encadrement au niveau de l’Union, la coopération, la résilience et la dissuasion. L’Europe a besoin de cybertechnologies de pointe, avec un lien étroit entre le secteur de la défense et le secteur privé, afin de mobiliser les budgets de la défense et de construire des cyberproduits à des fins tant militaires que civiles. Le Comité souligne que la réaction nécessaire en cas de cyberincidents doit porter non seulement sur les capacités et les processus, mais aussi sur les aspects matériels et logiciels. |
2.6. |
Le règlement proposé met également en œuvre la stratégie de cybersécurité de l’Union adoptée en décembre 2020, par laquelle la Commission a annoncé la création d’un cyberbouclier européen renforçant les capacités de détection des cybermenaces et de partage d’informations dans l’Union européenne. |
2.7. |
Parallèlement à la mise en place du cyberbouclier européen, la Commission propose d’instaurer progressivement, dans l’avenir, une collaboration avec les réseaux et plateformes de partage d’informations au sein de la communauté de cyberdéfense, en étroite coopération avec le haut représentant. |
2.8. |
L’agression militaire de la Russie contre l’Ukraine a montré comment des cyberopérations offensives peuvent être exécutées en tant qu’élément essentiel de tactiques hybrides combinant des actes de coercition, de déstabilisation et de perturbation économique. |
3. Observations générales
3.1. |
Le CESE accueille favorablement la proposition de règlement, qui vise à remédier à la fragmentation actuelle du marché et à accélérer la collaboration entre les acteurs européens des secteurs privé et public afin de mieux prévenir et détecter les cybermenaces et d’y réagir. Une fois mis en œuvre, le règlement est susceptible de contribuer à renforcer la résilience des systèmes européens. |
3.2. |
Toutefois, il convient de souligner que la proposition relative à la création d’une unité conjointe de cybersécurité (4) avait déjà mis en avant les mêmes objectifs que ceux énoncés dans la proposition à l’examen, à savoir renforcer la coopération, la préparation et la résilience des systèmes de cybersécurité de l’Union. Alors que cette unité de cybersécurité était censée être opérationnelle avant la fin de 2022, il n’en est fait aucune mention dans la proposition de la Commission. |
3.3. |
Aucune technologie ni aucun outil ne peuvent fournir à eux seuls une protection complète contre les cybermenaces. Les États membres devraient donc se mettre d’accord sur une approche globale en matière de sécurité, prévoyant un personnel qualifié, des processus appliqués de manière cohérente et des technologies de pointe appropriées. Il convient de mettre l’accent sur un renforcement de la coopération avec le secteur privé. |
3.4. |
Le CESE se dit déçu que les partenaires sociaux et les organisations de la société civile ne soient pas mentionnés une seule fois dans le document. Sans la pleine participation de la société civile organisée de l’Union, il est impossible de renforcer la coopération entre les organismes publics et privés. |
3.5. |
L’Union devrait adopter une stratégie à moyen terme en vue de parvenir à une autonomie stratégique dans les technologies clés et les secteurs critiques, et le CESE recommande de soutenir les entreprises européennes dans la mise en place d’installations de recherche et de production afin de soutenir un écosystème cyber autonome. Le CESE a déjà fait observer que «l’Union doit réduire sa dépendance à l’égard des géants technologiques de pays tiers en redoublant d’efforts pour se doter d’une économie numérique sûre, inclusive et fondée sur des valeurs» (5). |
3.6. |
Le CESE accueille très favorablement la proposition de mettre en place le cyberbouclier européen, qui sera composé de centres d’opérations de sécurité (SOC) nationaux et transfrontières et équipé de technologies de pointe. Pour garantir la résilience de l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement, les solutions SOC doivent non seulement préserver les ressources organisationnelles internes, mais aussi promouvoir des échanges sécurisés et une coopération plus large au sein de l’écosystème. Les spécifications techniques de la future infrastructure informatique doivent permettre une interopérabilité totale entre les systèmes nationaux et le cyberbouclier européen. |
3.7. |
Le CESE insiste sur le fait qu’il sera vital, pour équiper les membres du cyberbouclier européen de technologies de pointe, de n’acquérir que des technologies basées en Europe. L’Union ne peut se permettre de prendre le risque d’acquérir des cybertechnologies élaborées par des entreprises de pays tiers, et «il est dans l’intérêt stratégique de l’Union de maintenir et de développer les capacités nécessaires pour sécuriser son économie numérique, la société et la démocratie, afin de parvenir à une souveraineté numérique totale, puisqu’il s’agit du seul moyen de protéger les technologies critiques et de fournir des services essentiels efficaces en matière de cybersécurité» (6). |
3.8. |
Le Comité estime que la répartition proposée pour le financement de l’acquisition d’équipements pour les SOC nationaux (50 % des coûts couverts par des financements nationaux et 50 % par les fonds de l’Union), qui prévoit un équilibre entre les fonds nationaux et les fonds de l’Union, est appropriée. Un effort conjoint est nécessaire pour garantir que les SOC seront dotés d’équipements de haute technologie adéquats et que le réseau des SOC aura un fonctionnement coordonné. |
3.9. |
Les SOC nationaux doivent s’employer à mettre en place des protocoles complets d’évaluation et de test de sécurité, et il convient qu’ils procèdent à des évaluations périodiques. Afin d’estimer et de renforcer la résilience face aux cyberattaques potentielles, ils devraient également être prêts à réaliser, à l’échelle nationale, des tests de résistance sur les infrastructures critiques. Les résultats devront être partagés dans le cadre du cyberbouclier européen et des efforts conjoints sont nécessaires pour évaluer les problèmes existants, mettre à jour les orientations sur les modalités de signalement des problèmes et traiter ces derniers efficacement. |
3.10. |
Le CESE se dit préoccupé par le fait que, quatre ans après l’adoption du règlement de l’Union sur la cybersécurité, aucun schéma de cybersécurité n’a été adopté par la Commission européenne au moyen d’actes d’exécution et aucun produit n’a encore fait l’objet d’une certification de cybersécurité. Les agences sectorielles de l’Union devraient être associées au processus d’élaboration des systèmes de cybersécurité de l’Union et une norme européenne minimale devrait être adoptée, en coopération avec le Comité européen de normalisation (CEN), le Comité européen de normalisation électrotechnique (Cenelec) et l’Institut européen de normalisation des télécommunications (ETSI), y compris pour les dispositifs de l’internet des personnes (IdP) et de l’internet des objets (IdO). |
3.11. |
Il est souhaitable que l’informatique et la cybersécurité soient incluses dans les programmes d’enseignement primaire et secondaire de tous les États membres. Les pénuries de compétences dans le domaine de la cybersécurité s’étant aggravées ces dernières années, le Comité estime qu’il est nécessaire d’envisager d’éventuelles incitations pour soutenir cette démarche. Le Comité se félicite de l’initiative de créer une académie des compétences en matière de cybersécurité et estime que des indicateurs mesurant les progrès accomplis dans la réduction des déficits de compétences de cybersécurité sont nécessaires. |
3.12. |
L’économie numérique mondiale sera confrontée à une menace croissante de cyberattaques, à moins que la coopération internationale entre les pays, l’industrie et les experts ne soit renforcée pour établir des définitions et des solutions communes en matière de cybersécurité. La coopération internationale est essentielle pour comprendre les risques relatifs à la cybersécurité et l’évolution de la nature des cyberattaques mondiales et, partant, garantir que nous sommes prêts pour y faire face. l’Union doit lancer des discussions à l’échelle mondiale sur la mise en place d’une stratégie internationale en matière de cybersécurité, avec des efforts internationaux communs et une coopération renforcée. |
3.13. |
Pour mettre en place une dissuasion efficace, il est primordial de renforcer la réaction de l’Union en matière répressive en se concentrant sur la détection, la traçabilité et la poursuite des cybercriminels. Il est essentiel d’enquêter rapidement sur les cyberattaques et de traduire leurs auteurs en justice, y compris par des moyens diplomatiques pour les affaires qui concernent des pays tiers. |
4. Observations particulières
4.1. |
Le CESE constate des divergences de vues en ce qui concerne l’idée d’une action plus centralisée au niveau de l’Union ainsi que les pouvoirs et les compétences des États membres, et il s’interroge sur l’accord final qui pourra être trouvé sur cette proposition, d’autant plus que les États membres ont clairement indiqué dans les conclusions du Conseil de 2021 (7) que c’est à eux «qu’incombe la responsabilité de réagir aux incidents et crises de cybersécurité majeurs qui les concernent». |
4.2. |
Le CESE se félicite du renforcement du rôle de l’ENISA et des responsabilités supplémentaires qu’il est proposé de lui attribuer une fois que le règlement aura été adopté. Toutefois, il souligne que, pour toute activité supplémentaire qui lui sera attribuée, l’ENISA devra disposer d’un personnel spécifique désigné pour accomplir les tâches correspondantes et être dotée d’un budget approprié. À défaut, l’ENISA ne pourra pas remplir son rôle stratégique clé à la hauteur des ambitions de l’Union dans le domaine de la cybersécurité. |
4.3. |
Le CESE estime que la proposition de la Commission n’est pas claire quant à la question de savoir si un SOC national peut faire partie de plus d’un SOC transfrontière. Elle ne précise pas non plus si le regroupement de SOC nationaux sera effectué selon des critères géographiques ou simplement sur la base de la libre volonté des États membres. |
4.4. |
Le CESE demande des éclaircissements sur ce que signifie, à l’article 6, paragraphe 2, point a), de la proposition de règlement, «une quantité importante de données», et sur ce que recouvre, au point c) du même paragraphe, le terme «objectifs» employé par la Commission. |
4.5. |
Dans l’hypothèse où les États membres adopteraient la proposition de SOC transfrontières, et afin de garantir la pleine participation des SOC nationaux et leur gestion partagée avec les SOC transfrontières, le SOC coordinateur de chaque consortium devrait avoir un mandat d’un an, ce qui donnerait à tous les SOC la possibilité d’exercer le rôle de coordinateur et de chef de file suivant un système de rotation. |
4.6. |
Le Comité estime que, afin de faciliter une mise en place plus rapide des consortiums, le financement de l’Union en faveur du consortium d’hébergement devrait couvrir 100 % des coûts d’acquisition des outils et infrastructures et 50 % des coûts opérationnels (contre 75 % et «jusqu’à 50 %» prévus dans la proposition). Une coordination en matière de marchés publics devrait être garantie. |
4.7. |
Le Comité estime que l’efficacité du cyberbouclier européen destiné à aider les États membres à se préparer aux incidents de cybersécurité et à y réagir nécessite des mesures de performance spécifiques axées sur l’obtention de résultats tangibles et des indicateurs clés de performance (ICP) pour évaluer les résultats. Le CESE recommande que les atteintes à la cybersécurité soient systématiquement enregistrées et que ces informations soient mises à la disposition des parties prenantes légitimes. Un tel dispositif permettra de procéder à une évaluation, de mettre en œuvre des mesures préventives appropriées et d’assurer une protection contre les pertes potentielles. |
4.8. |
Le CESE prend acte de la proposition visant à permettre aux États membres de demander la prise en charge des coûts liés à l’envoi d’équipes d’experts dans le cadre de l’assistance mutuelle, et l’approuve. S’il convient de soutenir le processus d’assistance mutuelle, le mécanisme de solidarité devrait être testé de manière appropriée et progressive afin de prouver son efficacité avant qu’il ne soit pleinement mis en œuvre. |
4.9. |
Le Comité s’inquiète du fait que de plus en plus de gourous des technologies de l’intelligence artificielle (IA), comme Elon Musk ou Geoffrey Hinton, entre autres, mettent en garde contre la menace existentielle que représente le développement de l’IA dans un environnement non réglementé. La réglementation de l’IA doit aller plus loin que la législation sur l’intelligence artificielle (8), et le CESE plaide en faveur d’une utilisation responsable des technologies de l’IA dans tous les projets de l’Union, y compris en matière de cybersécurité. Il s’impose d’instaurer immédiatement des discussions plus approfondies et un cadre réglementaire renforcé. |
4.10. |
Le CESE a déjà indiqué que «[l]’Union européenne devrait s’opposer fermement à tout type de système de notation sociale à l’encontre des citoyens» et qu’il «souhaite affirmer explicitement qu’une véritable démocratie ne peut exister sans une protection effective des données à caractère personnel» (9). La protection des droits de l’homme et du droit des citoyens à la vie privée doit rester une règle essentielle lors du développement de systèmes de cybersécurité améliorés dans l’ensemble de l’Union. |
4.11. |
Les européens ont un rôle important à jouer pour ce qui est de signaler les cybermenaces aux autorités compétentes. Le CESE estime qu’il est essentiel de garantir des canaux de communication adéquats avec les citoyens et les organisations de la société civile, et il demande la mise en place d’une plateforme spécifique pour la réception des renseignements pertinents sur les cybermenaces. En vue d’élaborer des outils d’interaction avec les citoyens, le Comité préconise des campagnes d’information et de sensibilisation afin de promouvoir les outils déjà disponibles. |
4.12. |
L’Union et l’OTAN devraient travailler de concert pour harmoniser les normes de cybersécurité et d’autres normes techniques dans le secteur de la défense, afin de réduire au minimum les obstacles bureaucratiques et les formalités administratives. De plus, l’Union et l’OTAN devraient collaborer en ce qui concerne les normes relatives aux marchés publics et établir conjointement un cadre efficace et transparent en matière de passation des marchés qui permettrait aux entreprises, en particulier aux PME, de participer aux appels d’offres publics et de se livrer une concurrence loyale. |
4.13. |
Le CESE estime que les sources de financement disponibles proposées au niveau de l’Union sont insuffisantes et demande que des sources supplémentaires soient recherchées, y compris la mise en commun de sources de financement privées. Il note que la Commission n’a pas fourni d’estimation spécifique des coûts des programmes d’IA, des technologies d’analyse des données et des projets de développement d’infrastructures dans tous les États membres et au niveau de l’Union qui seront nécessaires pour mettre en œuvre les actions prévues par le règlement. |
4.14. |
Afin d’établir des conditions uniformes de mise en œuvre du règlement à l’examen, la Commission propose de lui conférer des compétences d’exécution, notamment pour qu’elle puisse préciser les conditions d’interopérabilité entre les SOC transfrontières, définir les modalités procédurales applicables à l’échange d’informations lors d’incidents de cybersécurité et établir les exigences techniques nécessaires pour garantir la sécurité du cyberbouclier européen, etc. Le CESE estime que toutes ces questions auraient dû être clarifiées en amont et présentées dans la proposition de règlement, étant donné que la cybersécurité reste une prérogative des États membres, et que le fait d’octroyer trop de pouvoirs de modification à la Commission pourrait générer des tensions inutiles en contournant le système démocratique de l’Union. |
4.15. |
Le règlement sur la cybersécurité comprend une composante industrielle qui vise à mettre en place un marché unifié pour les solutions de cybersécurité grâce à la création de la réserve de cybersécurité de l’Union. Toutefois, la procédure de demande de soutien auprès de cette réserve semble très lente, et n’est pas assortie de délais clairs de réponse. Le Comité souligne que la réaction nécessaire en cas d’incident de cybersécurité doit être extrêmement rapide, ce que ne permettra manifestement pas cette procédure traînant en longueur. |
4.16. |
La Commission européenne a expliqué qu’aucune analyse d’impact n’avait été réalisée en raison du caractère urgent de la proposition. Elle a également proposé de présenter un rapport détaillé au Parlement européen et au Conseil quatre ans après l’entrée en vigueur du règlement. Compte tenu de l’évolution rapide dans le domaine de la cybersécurité, le CESE estime que le rapport devrait être présenté deux ans après l’entrée en vigueur du règlement, en même temps que l’analyse d’impact qui fait défaut dans le règlement à l’examen. De plus, il recommande vivement que la proposition accorde une plus grande attention au respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité, conformément à l’article 4, paragraphe 2, du TUE. Cet aspect est important pour prévenir les tensions entre l’action centralisée au niveau de l’Union et les pouvoirs et les compétences des États membres. |
4.17. |
Enfin, le CESE souligne qu’il importe d’intégrer les considérations liées à la cybersécurité dans toutes les politiques de l’Union. |
Bruxelles, le 13 juillet 2023.
Le président du Comité économique et social européen
Oliver RÖPKE
(1) Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des mesures destinées à renforcer la solidarité et les capacités dans l’Union afin de détecter les menaces et incidents de cybersécurité, de s’y préparer et d’y réagir.
(2) Règlement (UE) 2019/881 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 relatif à l’ENISA (Agence de l’Union européenne pour la cybersécurité) et à la certification de cybersécurité des technologies de l’information et des communications, et abrogeant le règlement (UE) no 526/2013 (règlement sur la cybersécurité) (JO L 151 du 7.6.2019, p. 15).
(3) AESA, ERA, EMA, etc.
(4) Cybersécurité de l’UE: la Commission propose la création d’une unité conjointe de cybersécurité afin d’intensifier la réaction aux incidents majeurs de sécurité.
(5) Avis du Comité économique et social européen sur le thème «La souveraineté numérique: un pilier essentiel de la numérisation et de la croissance européennes» (avis d’initiative) (JO C 75 du 28.2.2023, p. 8).
(6) Avis du Comité économique et social européen sur la communication conjointe au Parlement européen et au Conseil — «La politique de cyberdéfense de l’UE» (avis d’initiative) (JO C 293 du 18.8.2023, p. 21).
(7) Conclusions du Conseil du 19 octobre 2021 — Explorer le potentiel de l’initiative consistant à créer une unité conjointe de cybersécurité, en complément de la réaction coordonnée de l’UE aux incidents et crises de cybersécurité majeurs.
(8) Législation sur l’intelligence artificielle.
(9) Avis du Comité économique et social européen sur la communication conjointe au Parlement européen et au Conseil — «La politique de cyberdéfense de l’UE» (avis d’initiative) (JO C 293 du 18.8.2023, p. 21).
29.9.2023 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 349/173 |
Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Révision de l’initiative européenne sur les pollinisateurs — Un nouveau pacte en faveur des pollinisateurs»
[COM(2023) 35 final]
(2023/C 349/26)
Rapporteure: |
Jarmila DUBRAVSKÁ |
Corapporteur: |
Veselin MITOV |
Consultation |
Commission européenne, 24.1.2023 |
Base juridique |
Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
Compétence |
Section «Agriculture, développement rural et environnement» |
Adoption en section |
28.6.2023 |
Adoption en session plénière |
13.7.2023 |
Session plénière no |
580 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
182/0/3 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Le Comité économique et social européen (CESE) soutient la communication ambitieuse de la Commission (1), qui vise à répondre à la tendance au déclin de la population des pollinisateurs sauvages dans l’Union. Néanmoins, il estime que, cinq ans après l’initiative initiale, les progrès accomplis sont insuffisants, notamment en ce qui concerne le rassemblement des données qui seraient nécessaires pour faire avancer l’action politique. Il constate l’absence d’une gouvernance claire pour la mise en œuvre des actions proposées et invite instamment les États membres à approuver rapidement la communication à l’examen. |
1.2. |
Le déclin des pollinisateurs est attribué à divers facteurs, notamment l’insuffisance des sources alimentaires, la faible prévalence des pratiques de rotation des cultures, la gestion des pesticides dans différents États membres, la consommation de pesticides par hectare de terres agricoles, le comportement des habitants des zones urbaines et rurales, l’invasion d’espèces non indigènes d’insectes et de plantes, les prédateurs, les méthodes de gestion des apiculteurs, les infections pathogènes, notamment les virus, et les aspects liés au changement climatique. Le CESE se félicite de la mise en place d’un système paneuropéen de surveillance et de gouvernance en matière de pollinisateurs (EU-PoMS). |
1.3. |
Le CESE estime qu’il est essentiel de renforcer les capacités administratives dans tous les États membres et d’améliorer la collaboration entre les pouvoirs publics, les parties prenantes privées, les instituts de recherche et les acteurs de l’agriculture. Le Comité souligne également le manque de professionnels spécialisés dans ce domaine. |
1.4. |
Il demande instamment que des fonds importants soient alloués à la R&D&I, afin de recueillir des données scientifiques essentielles et de prendre des initiatives appropriées pour enrayer la diminution des populations de pollinisateurs, notamment dans le cadre du programme Horizon Europe. La coordination au niveau de l’Union est essentielle pour garantir que les données nationales soient consolidées et analysées au moyen d’une plateforme européenne dédiée aux pollinisateurs, qui permette un accès ouvert aux données. |
1.5. |
Le CESE plaide en faveur de la création d’un programme et d’une stratégie pour les zones urbaines respectueuses des pollinisateurs, qui renforcent les pratiques de gestion de l’utilisation des sols afin de favoriser la diversité des pollinisateurs et de préserver les habitats naturels dans les zones urbaines et périurbaines. |
1.6. |
Pour réaliser des progrès significatifs, l’Union et les États membres doivent s’engager rapidement dans un partage des connaissances et concentrer la recherche sur les pratiques agricoles durables et les méthodes efficaces de lutte intégrée contre les ennemis des cultures. |
1.7. |
Le CESE plaide en faveur d’une éducation appropriée des agriculteurs en ce qui concerne les mesures environnementales, laquelle serait dispensée au moyen de systèmes nationaux et régionaux de conseil agricole, et couvrirait la question de l’utilisation de pesticides à faible risque qui ne nuisent pas aux pollinisateurs et celle de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures. Des programmes de formation visant à améliorer les connaissances sur l’écologie des pollinisateurs, leur identification et la restauration de leurs habitats sont également nécessaires. |
1.8. |
Le Comité appelle de ses vœux une étude de l’Union visant à fournir des données précises sur l’incidence des rayonnements électromagnétiques émis par les antennes de télécommunication sur les pollinisateurs sauvages dans leurs habitats naturels et sur les mesures nécessaires pour assurer une protection efficace des pollinisateurs. |
1.9. |
Le CESE souligne la nécessité de créer un indicateur de la pollution lumineuse dans l’ensemble de l’Union, à l’aide de données satellitaires, afin d’en évaluer et d’en observer les effets régionaux et locaux sur les pollinisateurs. |
1.10. |
Le Comité se félicite que la Commission demande au Comité des régions de soutenir la mise en œuvre de l’initiative sur les pollinisateurs, mais regrette de ne pas avoir été lui-même du tout mentionné dans les deux initiatives jusqu’à présent, notamment au regard de sa capacité à promouvoir cette stratégie auprès des différentes catégories de parties prenantes, y compris en sensibilisant les partenaires sociaux nationaux, les organisations de la société civile et les citoyens. |
1.11. |
Le Comité souligne la nécessité d’un financement adéquat pour répondre aux attentes énoncées dans la communication de la Commission et garantir la cohérence entre les différentes mesures et instruments politiques qui ont une incidence sur la conservation des pollinisateurs sauvages. Il convient aussi de prévoir des financements pour mieux informer le grand public sur le déclin des pollinisateurs et l’incidence qu’il a sur nos vies, ainsi que sur l’impact de l’inaction pour les générations futures. |
1.12. |
La mise en œuvre de mesures strictes est essentielle pour protéger les pollinisateurs sauvages pendant le processus d’évaluation des risques liés aux pesticides et la phase d’utilisation. Le CESE plaide en faveur d’une plus grande transparence en ce qui concerne l’utilisation des pesticides au sein de l’Union et dans les pays tiers. |
1.13. |
La solution la plus efficace consiste à parvenir à un accord mondial visant à réduire l’utilisation des pesticides de synthèse, en garantissant un engagement universel et une concurrence loyale. Bien qu’il s’agisse d’une tâche difficile, il est néanmoins nécessaire de recourir à une approche globale et d’intensifier les efforts dans le cadre des négociations internationales. Il s’agira notamment d’examiner sérieusement la question d’interdire l’exportation vers les pays tiers de pesticides dont l’utilisation est déjà proscrite dans l’Union. |
2. Observations générales
2.1. |
Reconnaître les avantages essentiels des pollinisateurs et les services écosystémiques qu’ils procurent est fondamental en vue d’atteindre plusieurs des objectifs de développement durable des Nations unies. Les pollinisateurs constituent un indicateur essentiel pour déterminer l’état de santé de notre environnement, sachant qu’ils apportent des avantages économiques, sociaux et culturels indispensables. |
2.2. |
La Commission a préparé un réexamen de l’initiative de l’Union sur les pollinisateurs, qui vise à répondre à la tendance au déclin de la population des pollinisateurs sauvages dans l’Union. Le CESE soutient la communication ambitieuse de la Commission, mais estime que, cinq ans après l’initiative initiale, les progrès accomplis sont insuffisants, notamment en ce qui concerne le rassemblement des données qui seraient nécessaires pour faire avancer véritablement l’action politique. |
2.3. |
Les pollinisateurs sont non seulement un élément essentiel du bon fonctionnement des écosystèmes, mais aussi la base de la vie sur notre planète. Des milliers d’espèces de pollinisateurs sauvages sont connues, dont les abeilles constituent la plus familière pour le grand public. Différents facteurs ont une incidence sur le déclin des pollinisateurs sauvages et le CESE souligne qu’il importe de recourir au principe de précaution pour les préserver. |
2.4. |
Le CESE apprécie les plans ambitieux présentés dans la communication à l’examen, mais note qu’il s’agit d’une longue liste de projets futurs qui nécessiteront des délais conséquents. Il aurait espéré, compte tenu des contraintes de temps, que soient présentées des mesures et des actions claires à court terme qui s’appuieraient sur les enseignements tirés jusqu’à présent, sur la base du rapport sur les progrès réalisés dans la mise en œuvre de l’initiative européenne initiale sur les pollinisateurs (2). Le Comité souligne la nécessité d’une action intersectorielle — et dans le même temps immédiate — dans tous les États membres, et se félicite de la mise en place d’un système paneuropéen de surveillance et de gouvernance en matière de pollinisateurs (EU-PoMS). |
2.5. |
Le CESE invite instamment les États membres à se mettre d’accord et à s’engager rapidement sur les mesures qui doivent être prises à court, moyen et long terme, et attend une approbation rapide de la communication à l’examen. |
2.6. Facteurs influençant le déclin des pollinisateurs
2.6.1. |
Il existe de nombreux facteurs qui influent sur la présence plus ou moins grande de pollinisateurs dans la nature (3). Parmi les plus importantes figurent l’environnement, la faible rotation des cultures et l’accent mis par les agriculteurs sur la maximisation de la production, mais aussi le comportement des habitants des zones urbaines et rurales. Le déclin des pollinisateurs peut également être imputé à d’autres facteurs tels que l’insuffisance des sources alimentaires, les attaques d’espèces invasives d’insectes et de plantes, les prédateurs, la gestion des pesticides dans les zones rurales et urbaines, les pratiques de gestion des ruches par les apiculteurs et, surtout, les infections pathogènes, y compris les virus, et les facteurs liés au changement climatique. |
2.6.2. |
Le Comité constate qu’il existe un lien évident entre le déclin des pollinisateurs et la consommation de pesticides par hectare de terres agricoles, d’une part, et la production alimentaire au sein des États membres, d’autre part (4). Les autorisations d’urgence de l’utilisation de pesticides par les États membres sont un exemple des problèmes pratiques de gestion efficace de la protection des végétaux et de garantie de la qualité et de la quantité de la production. L’Autorité européenne de sécurité des aliments a estimé qu’il existe des solutions de remplacement pour seulement un tiers environ des exceptions aux dérogations d’urgence concernant l’utilisation de ces néonicotinoïdes. Le CESE rappelle l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 19 janvier 2023 dans l’affaire C-162/21, selon lequel les États membres ne peuvent accorder aucune nouvelle autorisation d’urgence pour les produits contenant des néonicotinoïdes. |
3. PRIORITÉ No I: Améliorer les connaissances sur le déclin des pollinisateurs, ses causes et ses conséquences
3.1. |
Le CESE estime qu’il est absolument nécessaire de renforcer les capacités administratives dans les États membres et la coopération entre les pouvoirs publics et les acteurs privés, y compris les instituts de recherche et les scientifiques, sans laisser de côté le secteur agricole. |
3.2. |
Le partage des connaissances et de l’expertise et la réalisation d’efforts collectifs entre les différentes parties prenantes sont essentiels pour concevoir des mesures rentables et exploiter les synergies. Une telle approche globale requiert une collaboration efficace entre les décideurs politiques, les parties prenantes et le grand public. |
3.3. |
Le CESE constate qu’outre la diminution des populations de pollinisateurs, il existe également une pénurie d’experts humains dans ce domaine. Les efforts nationaux visant à garantir la collecte de données doivent être coordonnés au niveau de l’Union, y compris la collecte et l’analyse des données, au sein d’une plateforme de l’Union consacrée aux pollinisateurs qui facilite le libre accès aux données. Une telle plateforme est propre à permettre aux individus de contribuer à un effort collectif, en créant une communauté de données open source et un répertoire d’algorithmes et de modèles vérifiés. |
3.4. |
Le Comité plaide en faveur d’un financement concret et significatif de la R&D&I, afin de recueillir toutes les informations scientifiques nécessaires et de prendre des initiatives adéquates pour enrayer le déclin des pollinisateurs. |
3.5. |
Le CESE apprécie le fait qu’après l’adoption de l’initiative initiale, la Commission ait intégré un thème spécifique sur les pollinisateurs dans le programme de travail 2018-2020 pour Horizon 2020. Un financement supplémentaire pour la recherche sur les pollinisateurs doit être alloué dans le cadre du programme Horizon Europe, et notamment, sans s’y limiter, à la recherche sur les causes du déclin et à la surveillance des espèces et des populations de pollinisateurs au sein de l’Union, y compris dans les zones urbaines. |
4. PRIORITÉ No II: Améliorer la conservation des pollinisateurs et lutter contre les causes de leur déclin
4.1. |
Le CESE reconnaît qu’il importe de recourir aux données disponibles sur les pollinisateurs pour mieux définir les stratégies de conservation les concernant et appelle de ses vœux la définition d’objectifs spécifiques et quantifiables au niveau de l’Union et des États membres en vue de restaurer les populations et les habitats de pollinisateurs dans l’Union. |
4.2. |
Le CESE suggère qu’une première action essentielle consiste à cartographier les habitats et réseaux urbains actuels et potentiels pour les pollinisateurs, et soutient l’initiative de la Commission visant à encourager les villes à mettre en œuvre le guide pour les villes respectueuses des pollinisateurs (5). En outre, le CESE plaide en faveur de la mise en place d’un programme et d’une vision pour les villes respectueuses des pollinisateurs, améliorant la gestion de l’utilisation des sols afin de promouvoir la diversité des pollinisateurs et de préserver des zones pour la nature dans les régions urbaines et périurbaines. Le Comité a déjà plaidé pour que «[l]es terres [soient] gérées avec prudence dans tous les États membres, en garantissant un juste équilibre entre compétitivité et durabilité et en offrant les possibilités de financement nécessaires» (6). |
4.3. |
Afin de stabiliser le nombre et l’abondance des pollinisateurs en milieu rural, il est essentiel de créer des conditions adéquates grâce à la gestion des terres agricoles. Le CESE souligne qu’il ne sera pas possible de mettre en place des systèmes alimentaires plus durables sans des politiques publiques qui apportent un soutien financier adéquat aux agriculteurs. Le financement de la PAC n’est pas la seule possibilité de gérer l’aide. |
4.4. |
Toute mesure visant à stabiliser la répartition des pollinisateurs doit faire l’objet d’une évaluation réaliste. Il convient d’exclure les mesures potentiellement contradictoires et de promouvoir systématiquement des mesures appropriées. Le CESE estime qu’il manque une gouvernance claire pour la mise en œuvre des actions proposées et qu’il y aura dès lors des écarts importants entre les efforts déployés par les différents États membres. |
4.5. |
La forte variation de l’utilisation des pesticides par hectare de terres agricoles dans les États membres entraîne des disparités non seulement en ce qui concerne la protection de la nature, mais aussi en ce qui concerne le niveau de production. L’Union et les États membres devraient rapidement étendre la diffusion des connaissances et concentrer les efforts de recherche sur l’agroécologie, l’utilisation durable des pesticides et les bonnes pratiques de lutte intégrée contre les ennemis des cultures. |
4.6. |
Le CESE recommande de mettre en œuvre un système de contrôle transparent afin de faire respecter, dans les produits alimentaires importés, les mêmes teneurs maximales en résidus de pesticides que celles fixées pour les denrées alimentaires produites dans l’Union. Le Comité a déjà demandé à la Commission de mettre rapidement en œuvre la réciprocité des normes afin de limiter les distorsions de concurrence pour les agriculteurs européens (7). Les consommateurs devraient être protégés et des produits de qualité devraient être proposés à des prix équitables. |
4.7. |
Le CESE plaide en faveur d’une éducation appropriée des agriculteurs en ce qui concerne les mesures environnementales, laquelle serait dispensée au moyen de systèmes nationaux et régionaux de conseil agricole, et couvrirait la question de l’utilisation de pesticides à faible risque et de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures. |
4.8. |
Les indicateurs sur l’état des populations de pollinisateurs doivent être mis au point d’ici à 2024, de sorte à pouvoir être évalués dans le cadre de la PAC. Une étape essentielle consiste à réaliser une évaluation complète de l’impact de la PAC sur la prévention du déclin des pollinisateurs et à encourager les pratiques qui inversent ce déclin. Les États membres devraient promouvoir l’orientation des fonds d’assistance technique fournis dans le cadre de la PAC vers les pollinisateurs, tout en utilisant des fonds supplémentaires pour la protection des consommateurs et de l’environnement. |
4.9. |
Les bandes fleuries constituent un bon réservoir pour différentes espèces pollinisatrices et contribueront indubitablement à la protection des pollinisateurs. Toutefois, elles pourraient constituer un risque pour les abeilles et les autres pollinisateurs si elles sont ensemencées à proximité d’eaux souterraines et si les pesticides en question se trouvent toujours dans le sol. Dans cette optique, il serait nécessaire de dégager des fonds pour la recherche et le développement d’une méthodologie claire pour les bandes fleuries. |
4.10. |
Selon certaines études scientifiques (8), les rayonnements électromagnétiques émis par les antennes de télécommunications peuvent avoir une incidence sur la population de pollinisateurs sauvages dans leurs habitats naturels. Plus précisément, en 2018, le Comité scientifique des risques sanitaires, environnementaux et émergents (CSRSEE) de la Commission européenne a estimé que le risque que les rayonnements électromagnétiques (en particulier ceux liés à la 5G) aient un impact négatif sur l’environnement est le plus élevé possible (9). Des évaluations supplémentaires réalisées par le programme Eklipse, ainsi que par des chercheurs indépendants, ont confirmé qu’il est plausible que les champs électromagnétiques causent des dommages aux populations d’insectes (10). Le Comité appelle de ses vœux une étude de l’Union qui fournira des données précises à ce sujet ainsi que sur les mesures politiques nécessaires pour garantir une protection efficace des pollinisateurs. |
4.11. |
Le CESE estime qu’il est nécessaire de mettre au point, à l’échelle de l’Union, une mesure de la pollution lumineuse fondée sur des données satellitaires afin d’évaluer et de surveiller l’impact régional et local sur les pollinisateurs. |
4.12. |
Les fonds fournis par la politique de cohésion de l’Union peuvent être utilisés pour investir dans la protection et la restauration de la nature et de la biodiversité, l’atténuation du changement climatique et la garantie d’un développement urbain durable, comme la mise en place d’infrastructures vertes fondées sur la nature pour les pollinisateurs. Le CESE apprécie à cet égard la recommandation 11.2 de la Commission. |
5. PRIORITÉ No III: Mobiliser la société et promouvoir la planification stratégique et la coopération à tous les niveaux
5.1. |
Le CESE se félicite que la Commission demande au Comité des régions de soutenir la mise en œuvre de l’initiative sur les pollinisateurs parmi les collectivités locales et régionales. Il regrette toutefois de n’être lui-même jamais mentionné dans cette initiative (11) non plus que dans l’initiative initiale (12), en particulier eu égard à son rôle de porte-parole de la société civile de l’Union. Il apprécierait d’être chargé spécifiquement de promouvoir cette stratégie auprès des différentes catégories de parties prenantes, notamment en sensibilisant les partenaires sociaux nationaux, les organisations de la société civile et les citoyens. |
5.2. |
Des outils de communication spécifiques devraient être utilisés pour sensibiliser les citoyens au déclin des pollinisateurs et à son incidence sur notre vie — ainsi qu’à l’impact de l’inaction (y compris ses implications économiques, sociales et environnementales pour les générations futures) — et à la promotion de campagnes d’information dans les médias publics de tous les États membres. Il convient de prévoir un financement pour mieux informer le grand public, y compris via les médias sociaux et au moyen de spots publicitaires à la télévision aux heures de grande écoute. |
5.3. |
Le CESE reconnaît le rôle important que joue la coalition des volontaires en faveur de la pollinisation (13), une plateforme dirigée par l’Union et composée de nations membres qui se consacrent à l’échange de connaissances et de bonnes pratiques, à la réalisation de recherches sur la préservation des pollinisateurs et à l’offre d’assistance et de coopération mutuelles. |
5.4. |
Le CESE plaide en faveur de programmes de formation visant à améliorer les connaissances sur l’écologie des pollinisateurs, l’identification et la restauration des habitats pour les conseillers agricoles, les agriculteurs, les sylviculteurs, les gestionnaires de terres et les planificateurs paysagers. |
6. Observations finales
6.1. |
La Commission a établi une liste par ordre de priorité de 42 actions avec des dates clairement définies. Pour les actions proposées, il convient d’établir un calendrier détaillé incluant la préparation et les essais ultérieurs, qui sera à la fois plus facile à contrôler et plus facile à respecter pour tous les participants. |
6.2. |
Le CESE estime qu’une collaboration efficace et une répartition appropriée des ressources seront essentielles pour garantir la cohérence entre les différentes mesures et instruments politiques qui ont une incidence sur la conservation des pollinisateurs sauvages. Le Comité souligne l’importance de l’adéquation des fonds pour répondre aux attentes de la communication de la Commission. |
6.3. |
Il est nécessaire de mettre en place des garde-fous améliorés pour protéger les pollinisateurs sauvages pendant le processus d’évaluation des risques liés aux pesticides et la phase d’utilisation. Si l’on ne parvient pas à adopter une stratégie audacieuse pour lutter contre l’utilisation des pesticides, cela mettra en péril l’avenir des abeilles et des autres pollinisateurs, l’ensemble de notre écosystème et la sécurité alimentaire des habitants de l’Union. Une plus grande transparence en ce qui concerne l’utilisation effective des pesticides au sein de l’Union est nécessaire. |
6.4. |
Le Comité estime que l’approche la plus efficace et la solution idéale consiste à parvenir à un accord mondial visant à réduire l’utilisation des pesticides de synthèse, en garantissant un engagement universel et une concurrence loyale. Même si cela semble avoir peu de chance de se réaliser, il est néanmoins nécessaire de recourir à une approche globale et il convient d’intensifier les efforts à cette fin dans le cadre des négociations internationales. Il s’agira notamment d’examiner sérieusement la question d’interdire l’exportation vers les pays tiers de pesticides dont l’utilisation est déjà proscrite dans l’Union. |
Bruxelles, le 13 juillet 2023.
Le président du Comité économique et social européen
Oliver RÖPKE
(1) COM(2023) 35 final.
(2) COM(2021) 261 final.
(3) Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Initiative citoyenne européenne — Sauvons les abeilles et les agriculteurs» (avis d’initiative) (JO C 100 du 16.3.2023, p. 45).
(4) Eurostat, Agri-environmental indicator — consumption of pesticides (Indicateur agroenvironnemental — consommation de pesticides).
(5) Commission européenne, Un guide pour les villes respectueuses des pollinisateurs.
(6) Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2018/841 en ce qui concerne le champ d’application, la simplification des règles de conformité, la fixation des objectifs des États membres pour 2030 et l’engagement dans la réalisation collective de la neutralité climatique d’ici à 2035 dans le secteur de l’utilisation des terres, de la foresterie et de l’agriculture, et le règlement (UE) 2018/1999 en ce qui concerne l’amélioration de la surveillance, des rapports, du suivi des progrès et de la révision [COM(2021) 554 final] (JO C 152 du 6.4.2022, p. 192).
(7) Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant une utilisation des produits phytopharmaceutiques compatible avec le développement durable et modifiant le règlement (UE) 2021/2115 [COM(2022) 305 final — 2022/0196 (COD)] (JO C 100 du 16.3.2023, p. 137).
(8) Electromagnetic radiation of mobile telecommunication antennas affects the abundance and composition of wild pollinators.
(9) CSRSEE, Déclaration sur les questions émergentes en matière de santé et d’environnement (2018).
(10) Risk to pollinators from anthropogenic electro-magnetic radiation (EMR).
(11) COM(2023) 35 final.
(12) COM(2018) 395 final.
(13) Coalition des volontaires en faveur de la pollinisation, Promote Pollinators.
29.9.2023 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 349/179 |
Avis du Comité économique et social européen sur
a) la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Un plan industriel du pacte vert pour l’ère du zéro émission nette»
[COM(2023) 62 final]
et b) la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l’établissement d’un cadre de mesures en vue de renforcer l’écosystème européen de la fabrication de produits de technologie «zéro net» (règlement pour une industrie «zéro net»)
[COM(2023) 161 final — 2023/0081 (COD)]
(2023/C 349/27)
Rapporteure: |
Sandra PARTHIE |
Consultation |
|
||||||
Base juridique |
|
||||||
Compétence |
Section «Marché unique, production et consommation» |
||||||
Adoption en section |
29.6.2023 |
||||||
Adoption en session plénière |
13.7.2023 |
||||||
Session plénière no |
580 |
||||||
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
193/3/3 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
L’Union européenne doit rester une région industrielle. Elle doit affirmer clairement sa place en tant qu’acteur mondial et identifier les outils, mesures et instruments politiques dont elle a besoin pour gagner en rapidité, devenir plus innovante et redevenir plus attrayante pour les investisseurs, tout en préservant ses valeurs sociales et environnementales, telles qu’un dialogue social et des systèmes de protection sociale performants, le respect de l’état de droit et la stabilité des institutions. |
1.2. |
Le contexte économique mondial dans lequel elle évolue a changé, avec le déclin du système multilatéral fondé sur des règles et la montée du protectionnisme. La concurrence pour les investissements internationaux s’est intensifiée, en raison notamment de la loi américaine sur la réduction de l’inflation (Inflation Reduction Act — IRA, mais aussi d’une concurrence accrue pour les matières premières, de l’évolution des prix de l’énergie et de celle des structures de la chaîne d’approvisionnement mondiale. L’Union doit donc réévaluer ses priorités politiques afin d’améliorer sa compétitivité structurelle et durable. Au vu du besoin évident de renforcer la compétitivité des entreprises de l’Union, un contrôle de la compétitivité doit être intégré dans les processus décisionnels de l’Union, pour assurer un équilibre entre les dimensions économique, sociale et environnementale des processus décisionnels relatifs aux propositions législatives. |
1.3. |
Le Comité économique et social européen (CESE) est convaincu qu’il ne sera pas possible d’atteindre les objectifs du pacte vert ou de la décennie numérique, ni d’assurer les performances futures des secteurs industriel, spatial ou automobile, si l’Union ne dispose pas d’une base industrielle solide et d’un accès à des sources sûres et durables de matières premières critiques. En priorité, le CESE demande qu’un audit soit réalisé afin de déterminer comment l’Union peut contrôler et améliorer ses chaînes de valeur et éviter les dépendances excessives. |
1.4. |
Le CESE souligne que nous ne pourrons atteindre les objectifs climatiques à l’horizon 2050 sans mettre en place une économie circulaire compétitive. L’Europe devrait donc trouver des moyens de devenir plus efficace dans l’utilisation des ressources et des matières via le déploiement à grande échelle de mesures de gestion de la demande en vue de la réduire: écoconception et circularité, efficacité énergétique, renforcement de la durabilité des produits et soutien à des pratiques et techniques innovantes ciblées. |
1.5. |
Garantir l’existence et le développement d’un secteur industriel diversifié, avec un large éventail de secteurs, de producteurs et d’«écosystèmes industriels», comprenant aussi des PME et des acteurs de l’économie sociale, devrait constituer la base de la politique industrielle de l’Europe. Il importe d’éviter de trop se concentrer sur la promotion de certaines technologies et sur la sélection de prétendus «gagnants» au moyen d’actions réglementaires. Au contraire, une politique globale de soutien à l’innovation et à la recherche est nécessaire. |
1.6. |
Le CESE invite la Commission et les États membres à s’assurer que le plan industriel de l’Union contribue à créer des emplois de qualité assortis de conditions de travail équitables et de bonnes rémunérations, et promeuve la démocratie sur le lieu de travail, la négociation collective et le respect des conventions collectives. |
1.7. |
Les marchés publics et les décisions relatives à la manière de répartir les financements publics sont des outils importants pour orienter la politique industrielle. Il convient de veiller à ce que les décisions respectives des États membres de l’Union, y compris concernant les aides d’État et les subventions, ne faussent pas le marché unique ni ne menacent la convergence économique et la cohésion sociale dans l’ensemble de l’Union, mais ciblent plutôt le développement régional. Le CESE déplore que les propositions actuelles de la Commission relatives au plan industriel du pacte vert et au règlement «zéro émission nette» ne prennent pas suffisamment cela en compte. |
2. Observations générales
2.1. |
L’Union doit rester une région industrielle. Le CESE plaide en faveur d’un cadre réglementaire qui attire, favorise et augmente la production industrielle dans l’Union d’une manière durable et socialement responsable. Ce cadre que le Comité appelle de ses vœux doit concerner non seulement les nouvelles technologies, mais également les industries manufacturières, qui constituent une composante essentielle, notamment, de la résilience des économies et des chaînes d’approvisionnement européennes. |
2.2. |
L’évolution du produit intérieur brut (PIB) témoigne de la détérioration de la compétitivité européenne: alors que le PIB par habitant dans l’Union représentait environ 70 % de celui des États-Unis dans les années 2000, il équivaut aujourd’hui à 66 % à peine de ce dernier. En 1999, la part des investissements bruts mondiaux réalisés en Chine était de seulement 5 %; en 2020, elle s’élevait à 29 %, plus que nulle part ailleurs. Aux États-Unis et dans l’Union, cette part a considérablement diminué au cours de la même période, passant de 29 % à 20 % aux États-Unis et de 23 % à seulement 15 % dans l’Union. L’Union européenne a la capacité de changer cette situation: l’achèvement du marché unique pourrait générer plus de 700 milliards d’EUR de production économique sur une période de dix ans, et une économie numérique commune pourrait apporter une contribution supplémentaire de 178 milliards d’EUR. Ensuite, l’Union pourrait également continuer à établir et à promouvoir avec succès des normes européennes à l’échelle mondiale. |
2.3. |
L’Union pâtit davantage que ses concurrents mondiaux de niveaux de prix de l’énergie et d’inflation extrêmement élevés, alors que, dans le même temps, d’autres économies mondiales subventionnent et favorisent leurs propres industries. Ces facteurs engendrent un risque de désindustrialisation de l’Union européenne. Afin de résoudre ces problèmes, ainsi que d’autres difficultés actuelles et à venir, la compétitivité structurelle et durable et la résilience de l’Union doivent être renforcées. La compétitivité industrielle de l’Europe passe inévitablement par des prix de l’énergie abordables et un approvisionnement énergétique sûr. |
2.4. |
Le contexte économique mondial a radicalement changé au cours des dernières années. L’Union ne peut plus compter sur un système économique et commercial multilatéral fondé sur des règles opérationnelles, mais est confrontée à des distorsions croissantes du marché mondial, qui sont dues à des mesures telles que la loi américaine sur la réduction de l’inflation visant à soutenir les acteurs industriels américains au moyen de crédits d’impôt, d’une aide financière généreuse et de prescriptions relatives à la teneur en éléments locaux au détriment des acteurs économiques non américains, ou les régimes de subventions chinois protectionnistes existant de longue date, qui favorisent également les acteurs nationaux et suivent un programme économique nationaliste. L’Union doit réagir avec force et identifier les outils, mesures et instruments politiques dont elle a besoin pour gagner en rapidité, devenir plus innovante et redevenir plus attrayante pour les investisseurs, tout en préservant ses valeurs sociales et environnementales. |
2.5. |
Dans ce contexte, le CESE accueille favorablement les propositions de la Commission européenne relatives à un plan industriel du pacte vert pour l’Europe et à un règlement «zéro émission nette», qui fournissent des orientations et offrent une prévisibilité aux acteurs industriels de l’Union, et constituent un engagement en faveur du renforcement de la position des fabricants européens et des écosystèmes connexes. Les efforts requis pour parvenir à la transition vers une économie décarbonée d’ici à 2050 équivalent à une seconde révolution industrielle et doivent être compris en ce sens, notamment pour ce qui concerne les engagements politiques, économiques et sociétaux nécessaires. |
2.6. |
Le CESE soutient tout particulièrement les messages clairs véhiculés dans les deux documents concernant la nécessité d’investir de manière globale dans la transition vers une économie et une société durables. L’objectif d’une politique industrielle verte devrait être également d’obtenir des avantages sur le plan du bien-être social. Nous saluons l’attention dont bénéficient dans le règlement «zéro émission nette» les déficits de compétences et de ressources humaines qui ralentissent actuellement la transition. Cependant, la manière dont les buts et objectifs déclarés devront être atteints et les mesures efficaces qui seront prises à cette fin ne sont pas abordées. |
2.7. |
Pour cette raison, le CESE demande à la Commission européenne de préciser davantage les actions efficaces qu’elle entend mettre en œuvre pour améliorer les facteurs de localisation et la compétitivité des économies européennes et pour distinguer l’Union de ses rivaux systémiques. Ces actions devraient se concentrer sur l’amélioration de la connectivité au sein du marché unique pour tous les États membres, notamment en développant et en modernisant les infrastructures et les interconnexions pour les transports et l’énergie, y compris les réseaux. |
2.8. |
Le CESE souligne que les employeurs, les travailleurs et les citoyens connaissent une période difficile en raison des chocs sur l’approvisionnement énergétique, l’offre de main-d’œuvre et les chaînes d’approvisionnement, et de l’inflation; il en résulte une charge cumulée considérable ressentie par tous. L’objectif du plan industriel du pacte vert et du règlement «zéro émission nette» de l’Union devrait donc être de réduire et non d’alourdir ces charges. |
2.9. |
Le CESE estime également que les consommateurs ont un rôle à jouer pour faire progresser la transition vers la neutralité carbone d’ici à 2050. Leurs choix en faveur ou en défaveur de certains produits, leur soutien, leur tolérance ou leur absence de tolérance à l’égard des conditions de fabrication et de production dans l’Union ainsi que dans les pays tiers sont autant d’éléments importants susceptibles de susciter le changement. Le CESE soutient le fait de leur donner les moyens d’agir (1) et souligne combien il importe que les consommateurs soient en mesure de prendre des décisions conscientes. |
3. Observations particulières
3.1. Le cadre réglementaire
3.1.1. |
L’élaboration des politiques de l’Union devrait reposer sur l’innovation et l’excellence, ainsi que sur des personnes hautement compétentes et qualifiées, et viser à réduire la lourdeur administrative et les coûts chaque fois que cela est possible. En tant que l’un des piliers de l’Union, l’état de droit assure la sécurité et la stabilité de l’environnement entrepreneurial, et doit donc être respecté en toutes circonstances. Un dialogue social structuré, organisé sur une base tripartite avec les gouvernements, les syndicats et les organisations patronales est indispensable pour garantir la stabilité, l’acceptabilité sociale et la résilience économique. |
3.1.2. |
Le règlement «zéro émission nette» propose un ensemble de mesures visant à améliorer les conditions propices à la fabrication de technologies à zéro émission nette, notamment un cadre réglementaire simplifié avec, par exemple, des procédures d’autorisation plus rapides et des guichets uniques au sein de l’administration. Il est primordial que ces procédures d’autorisation accélérées s’appliquent tout au long de la chaîne de valeur des projets de technologie à zéro émission nette, sans préjudice des objectifs sociaux et environnementaux fixés par le règlement. Bien que le CESE souscrive à cette approche, il invite instamment les législateurs à ne pas limiter ces améliorations aux technologies à zéro émission nette, mais à en faire des technologies par défaut pour tous les secteurs économiques. |
3.1.3. |
Le CESE fait observer que, in fine, la transformation de l’industrie européenne va bien au-delà de la fabrication de technologies propres, car l’Europe abrite de nombreuses industries lourdes et de base à forte intensité énergétique qui doivent être décarbonées mais ne sont pas couvertes par le plan industriel du pacte vert. Une stratégie industrielle cohérente pour l’Europe consisterait à assurer une croissance économique inclusive qui garantit que tous les États membres et toutes les régions participent à la transition industrielle verte et en bénéficient. Par conséquent, il est essentiel que le plan industriel du pacte vert pour l’Europe évite toute fragmentation du marché unique et s’efforce d’assurer la cohésion entre les États membres et les régions. |
3.1.4. |
Le CESE est convaincu qu’il est possible d’élaborer un programme de simplification verte qui améliore les procédures d’autorisation pour les projets écologiques tout en respectant la législation environnementale. Renforcer l’expertise, les capacités et les compétences des autorités locales et nationales est une étape nécessaire, parallèlement à la numérisation et à la simplification des processus d’approbation. L’efficacité des procédures d’autorisation doit être améliorée grâce à une planification appropriée et à un renforcement des capacités des niveaux administratifs compétents, notamment en augmentant et en formant le personnel. Au vu du besoin évident de renforcer la compétitivité des entreprises de l’Union, un contrôle de la compétitivité doit être intégré dans les processus décisionnels de l’Union, pour assurer un équilibre entre les dimensions économique, sociale et environnementale des processus décisionnels relatifs aux propositions législatives. |
3.1.5. |
Le CESE souligne la nécessité de compléter la réglementation par d’autres instruments tels que des subventions afin d’éviter une perte de PIB et de bien-être. Les obligations de déclaration, notamment en ce qui concerne l’ensemble de la législation écologique, numérique et économique de l’Union, devraient être rationalisées et, lorsque cela est possible, harmonisées afin d’éviter une prolifération des règles, un chaos réglementaire et une fragmentation du marché unique. |
3.2. Accès aux investissements et facilitation de ceux-ci
3.2.1. |
Les acteurs économiques de l’Union sont confrontés à une concurrence mondiale féroce. Pour améliorer la compétitivité, le facteur temps est particulièrement décisif. Par conséquent, le CESE souligne que les décisions relatives au soutien financier et à l’accès au financement doivent être prises plus rapidement, y compris dans le cadre des différents programmes de soutien européens tels que REPowerEU, InvestEU et d’autres dispositifs. Des procédures longues et lentes et la jungle impénétrable qu’elles créent en matière de financement dissuaderont les investisseurs d’investir en Europe et nuiront aux efforts déployés pour attirer les investissements. |
3.2.2. |
Le CESE souligne dès lors que le soutien financier doit être réalisable, rapide et plus facilement accessible, en ce qui concerne tant les coûts d’exploitation que les dépenses en capital, pour les entreprises de toutes tailles, y compris les PME. Il appelle de ses vœux une évaluation des instruments existants dans le but de recenser et de renforcer les plus performants. Le Comité estime que le plan industriel du pacte vert doit déterminer quand et où les finances publiques sont essentielles pour soutenir sur la base de conditionnalités claires la transition d’industries importantes et, inversement, dans quels cas le financement privé peut combler cette lacune, pour peu que les incitations réglementaires appropriées soient mises en place. |
3.2.3. |
Le CESE tient à mettre en garde contre le fait que se contenter d’assouplir les règles en matière d’aides d’État sans prévoir de mécanismes financiers supplémentaires au niveau de l’Union risque d’accroître les disparités entre les économies européennes, étant donné que certains pays membres pourraient ne pas disposer d’une marge de manœuvre budgétaire leur permettant d’investir dans la transition écologique. La réaffectation de prêts au titre de la facilité pour la reprise et la résilience (FRR) et de REPowerEU à des secteurs industriels propres ne peut avoir d’incidence que si ces prêts sont complétés par d’importantes subventions au bénéfice d’opérations qui ne produiront pas nécessairement de retour sur investissement, comme par exemple le développement des infrastructures publiques, des subventions aux ménages qui ne disposent pas des ressources nécessaires pour rénover ou investir à petite échelle dans les énergies renouvelables, ou encore l’éducation et la reconversion. |
3.2.4. |
Le CESE suggère que le plan industriel du pacte vert se concentre également sur le développement des marchés publics écologiques, de manière que les pouvoirs publics puissent devenir acheteurs de produits écologiques. Les ressources au titre du plan industriel du pacte vert, notamment celles relevant des plans nationaux pour la reprise et la résilience actualisés, pourraient couvrir les coûts liés aux marchés publics écologiques, jusqu’à ce qu’ils deviennent une obligation commune en vertu du droit de l’Union. L’aide publique devrait être soumise à des conditions visant à améliorer la protection de l’environnement, à aider les entreprises à offrir des emplois de qualité, à promouvoir l’accès à la formation et à mettre en place des apprentissages de qualité. En outre, il est important de rendre les appels d’offres dans le cadre des marchés publics plus accessibles aux PME. À cette fin, le CESE invite la Commission à mettre en place une base de données facile à utiliser. |
3.2.5. |
En s’attaquant aux défaillances du marché et aux secteurs où le financement privé est insuffisant, de nouveaux financements conjoints de l’Union devraient apporter un soutien efficace à différents segments de l’industrie des technologies propres, notamment aux PME. Ils devraient éviter toute distorsion du marché intérieur et contribuer à améliorer la cohésion économique dans l’ensemble de l’Union. Dans ce contexte, le CESE souligne que les dérogations temporaires aux règles en matière d’aides d’État devraient rester temporaires et également être ciblées. Ces nouvelles ressources devraient également cibler la reconversion professionnelle, la formation et la transition juste des travailleurs afin de garantir une base de compétences à l’épreuve du temps. |
3.2.6. |
Le CESE est conscient de la difficulté de lever des fonds supplémentaires au niveau de l’Union. À moyen terme, il conviendrait de lancer un débat sérieux sur les nouvelles ressources propres de l’Union et le Fonds de souveraineté européen, indépendamment des négociations sur le prochain CFP. À court terme, les financements disponibles par l’intermédiaire du Fonds pour l’innovation du SEQE devraient être concentrés et orientés vers des technologies de pointe dans les secteurs difficiles à décarboner. |
3.3. Marchés et chaînes d’approvisionnement
3.3.1. |
En 2021, la Commission européenne a publié une liste des «écosystèmes industriels» dans le cadre de sa stratégie industrielle. L’objectif recherché est de mieux comprendre à la fois les interconnexions et les lacunes dans les structures économiques et les chaînes d’approvisionnement de l’Europe. Dans ce contexte, le CESE invite la Commission européenne à reconnaître les interdépendances entre les chaînes de valeur et le rôle joué par les produits chimiques, les matières premières, et en particulier les industries de base et les processus primaires, dans la transition vers une économie circulaire et à zéro émission nette. L’accent mis sur les technologies à zéro émission nette ne doit pas contribuer à créer de nouvelles lacunes dans les chaînes d’approvisionnement européennes en raison d’une attention insuffisante accordée aux besoins d’autres secteurs, par exemple ceux à forte intensité énergétique. Si leurs préoccupations, concernant notamment les prix élevés de l’énergie, ne sont pas prises en compte, l’Union risque de perdre des pans importants, voire stratégiques, des écosystèmes industriels. |
3.3.2. |
Le CESE tient également à insister sur l’importance de pouvoir accéder à l’énergie et aux matières premières à un prix compétitif. Les politiques en ce sens devraient être soutenues par des accords commerciaux et des actions de sensibilisation à la question des matières premières à l’échelle mondiale. Dans le même temps, le CESE reconnaît qu’une course mondiale aux ressources en matières premières n’est pas viable. Par conséquent, l’Europe devrait trouver des moyens de devenir plus efficace dans l’utilisation des ressources et des matières via le déploiement à grande échelle de mesures de gestion de la demande en vue de la réduire: écoconception et circularité, efficacité énergétique, renforcement de la durabilité des produits et soutien à des pratiques et techniques innovantes ciblées. En priorité, le CESE demande qu’un audit soit réalisé afin de déterminer comment l’Union peut contrôler et améliorer ses chaînes de valeur et éviter les dépendances excessives. |
3.3.3. |
Le CESE souligne la nécessité de renforcer les relations commerciales avec les pays tiers, en faisant avancer les travaux sur les accords de libre-échange, qui promeuvent également nos valeurs, tout en continuant à développer et à utiliser des instruments de défense commerciale, tels que des mesures antidumping, des instruments anticoercitifs et le filtrage des investissements étrangers. |
3.3.4. |
L’accès à l’énergie et aux matières premières à des prix compétitifs est essentiel pour préserver la continuité de la production industrielle et des activités connexes dans l’Union. Pour renforcer sa compétitivité, sa résilience et son influence sur la scène internationale, l’Union devrait s’appuyer sur ses atouts majeurs, à savoir l’économie de marché ouverte et les sociétés ouvertes, et recentrer son action sur les conditions essentielles à la prospérité et au bien-être. |
3.4. Renforcer les compétences nécessaires à la création d’emplois de qualité dans le secteur des technologies à zéro émission nette
3.4.1. |
Le CESE soutient les principes de systèmes efficaces d’apprentissage tout au long de la vie et d’une meilleure anticipation des besoins futurs en matière de compétences. Dans ce contexte, il demande que les partenaires sociaux soient associés de manière structurelle aux académies des industries à zéro émission nette qu’il est prévu de créer. En outre, le Comité estime qu’un cadre réglementaire amélioré pour la reconnaissance conjointe des qualifications ne devrait pas se limiter aux emplois liés aux technologies à zéro émission nette, mais être étendu à tous les secteurs et à toutes les compétences. Il souligne que la meilleure manière d’aider l’industrie européenne consiste à investir dans ses travailleurs et à les soutenir, notamment en protégeant l’emploi et en aidant les personnes en situation de chômage partiel. |
3.4.2. |
Le CESE est convaincu que le renforcement des compétences et la formation seront nécessaires pour soutenir la transformation. En général, les secteurs à risque liés aux émissions élevées ne constituent pas réellement une menace, mais dans certaines régions européennes, l’impact à court terme pourrait être dévastateur. Ce n’est qu’en investissant dans le renforcement des compétences, en fournissant un accès à la formation ou à la reconversion et en promouvant une diversification économique vers des activités plus vertes que l’on pourra gérer la transition et, partant, faire face aux tensions actuelles sur les marchés et améliorer la réaffectation du marché du travail. Les besoins de restructuration peuvent être mieux anticipés et gérés grâce à la participation en amont de toutes les parties prenantes concernées, y compris des représentants des travailleurs organisés (2). Le CESE invite la Commission et les États membres à s’assurer que le plan industriel de l’Union contribue à créer des emplois de qualité assortis de conditions de travail équitables et de bonnes rémunérations, ainsi qu’à promouvoir la négociation collective et le respect des conventions collectives. |
3.4.3. |
En ce qui concerne la proposition relative aux académies européennes spécialisées en matière d’industrie «zéro net», le CESE attire l’attention sur les structures de qualification et d’enseignement professionnel existantes et bien établies dans l’Union et souligne qu’il n’existe aucune base juridique permettant d’introduire de telles dispositions en matière de politique de formation (professionnelle) au moyen d’un règlement. Le projet de règlement ne reflète pas la réalité qui prévaut dans les entreprises et les États membres de l’Union, ce qui est également démontré par le fait qu’aucune participation continue des partenaires sociaux ni d’aucune autre organisation pertinente n’est envisagée. Si le CESE préconise dès lors que les aspects de la proposition de règlement relatifs à l’éducation et à la formation soient traités dans le cadre d’une recommandation, comme c’est la pratique courante dans ce domaine d’action, il invite aussi les institutions de l’Union à au moins associer activement les partenaires sociaux ainsi que le réseau des chambres européennes aux activités des académies européennes d’industrie zéro net et de la plateforme «Europe zéro net». |
3.4.4. |
Les calculs réalisés par la Commission européenne montrent qu’il existe un potentiel considérable de création d’emplois dans le domaine de la technologie «zéro net»: 180 000 travailleurs seront nécessaires dans le secteur des piles à combustible et de l’hydrogène, 66 000 dans l’industrie solaire photovoltaïque et 800 000 dans la production de batteries. Le CESE demande donc à la Commission et aux États membres non seulement de soutenir les conditions-cadres pour le développement des compétences nécessaires au sein de l’Union, mais aussi d’accélérer et de normaliser les permis de travail pour les travailleurs qualifiés provenant de pays tiers. |
3.5. Innovation
3.5.1. |
La capacité d’innovation constitue un autre moyen d’accroître la productivité et est essentielle au développement, à la capacité d’adaptation et au renouvellement des entreprises. Les investissements, aussi bien publics que privés, dans la recherche et l’innovation sont nécessaires au succès de l’Union à l’avenir. La coopération entre les entreprises, les universités et les organisations d’innovation doit être facilitée, car elle constitue un moyen pratique non négligeable de favoriser l’innovation productive. La participation des travailleurs peut également contribuer de manière positive à réaliser pleinement le potentiel de l’innovation et des changements envisagés. |
3.5.2. |
À l’heure actuelle, la plupart des financements européens ciblent principalement les premiers stades du développement technologique et l’adoption de ces technologies par les utilisateurs en aval. Le soutien aux capacités de production et à l’expansion reste limité. Le CESE estime que cela doit être rectifié. |
3.5.3. |
Le CESE reconnaît que l’on n’insistera jamais assez sur l’importance des matières premières critiques pour les activités industrielles de l’Union. À cet égard, l’innovation devrait, en priorité, se concentrer sur les substituts, les produits et les matériaux susceptibles de réduire la dépendance de l’Union à l’égard des matières premières critiques auxquelles elle ne peut accéder facilement. |
3.6. Gouvernance
3.6.1. |
Le chapitre VII des propositions du règlement «zéro émission nette» établit une structure, la plateforme «Europe zéro net», conçue comme un organe de référence au sein duquel la Commission et les États membres peuvent discuter, échanger des informations et partager les bonnes pratiques sur des questions liées au règlement «zéro émission nette». Toutefois, le CESE tient à souligner que la Commission devrait solliciter la contribution non seulement d’experts, mais surtout de représentants de l’industrie à zéro émission nette et des syndicats qui y sont liés. Le CESE se félicite des efforts déployés en faveur d’une meilleure coordination et estime qu’il devrait être associé à la plateforme, afin de contribuer structurellement à ses travaux en lui faisant bénéficier des points de vue des travailleurs, des employeurs et de la société civile. |
3.7. Technologies à zéro émission nette stratégiques
3.7.1. |
Le CESE accueille favorablement l’approche relative aux investissements prioritaires et au soutien en faveur des technologies propres. Toutefois, la liste des technologies bénéficiant d’un soutien en vertu du projet de règlement «zéro émission nette» ignore largement la décarbonation des industries à forte intensité énergétique et la dimension circulaire. Or, nous ne pourrons pas atteindre les objectifs climatiques à l’horizon 2050 sans mettre en place une économie circulaire compétitive: l’utilisation des déchets, celle du carbone capté ou l’exploitation des ressources renouvelables comme matières premières sont autant de moyens viables de réduire les émissions dans toutes les industries et la dépendance de l’Union à l’égard des importations de matières premières. Le CESE invite dès lors les législateurs à élargir en conséquence la liste des technologies à zéro émission nette stratégiques. |
3.7.2. |
Le CESE est favorable à la définition de cibles et d’objectifs clairs en matière de capacité de production en Europe. Il s’agirait plus particulièrement de couvrir 10 % de l’extraction de nos minéraux stratégiques, non sans un engagement fort en faveur de la protection de l’environnement, d’atteindre 40 % d’affinage des matériaux, notamment grâce à des progrès dans les capacités minières qui permettront de créer une véritable valeur ajoutée, et de parvenir à un taux de recyclage de 15 % d’ici à 2030. |
3.7.3. |
Le CESE signale qu’il existe un risque élevé d’augmentation des coûts de production, étant donné que près de 25 % des émissions proviennent de secteurs difficiles à décarboner, où la décarbonation ne se déroulera pas à la vitesse souhaitée sans une hausse des coûts de production. Cela pourrait entraîner un choc d’offre et une incapacité à couvrir les besoins du marché. En attendant l’adoption de nouvelles technologies, il est très probable que les coûts de production augmentent, ce qui causera des pénuries et une hausse des prix qui se reportera sur d’autres produits de la chaîne de valeur. |
Bruxelles, le 13 juillet 2023.
Le président du Comité économique et social européen
Oliver RÖPKE
(1) Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 2005/29/CE et 2011/83/UE pour donner aux consommateurs les moyens d’agir en faveur de la transition écologique grâce à une meilleure protection contre les pratiques déloyales et à de meilleures informations [COM(2022) 143 final — 2022/0092 (COD)] (JO C 443 du 22.11.2022, p. 75).
(2) Avis du Comité économique et social européen sur le thème «La démocratie sur le lieu de travail» (avis exploratoire à la demande de la présidence espagnole) (JO C 228 du 29.6.2023, p. 43).