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Document 62021CC0478

Conclusions de l'avocat général Mme L. Medina, présentées le 16 février 2023.
China Chamber of Commerce for Import and Export of Machinery and Electronic Products e.a. contre Commission européenne.
Pourvoi – Dumping – Règlement d’exécution (UE) 2018/140 – Importations de certains articles en fonte originaires de la République populaire de Chine et de l’Inde – Droit antidumping définitif – Recours en annulation – Recevabilité – Qualité pour agir – Association représentative d’exportateurs – Règlement (UE) 2016/1036 – Article 3, paragraphes 2, 3, 6 et 7 – Préjudice – Calcul du volume des importations – Éléments de preuve positifs – Examen objectif – Extrapolation – Calcul du coût de production de l’industrie de l’Union européenne – Prix facturés intragroupe – Lien de causalité – Analyse du préjudice par segment – Absence – Article 6, paragraphe 7 – Article 20, paragraphes 2 et 4 – Droits procéduraux.
Affaire C-478/21 P.

Court reports – general – 'Information on unpublished decisions' section

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2023:117

 CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME LAILA MEDINA

présentées le 16 février 2023 ( 1 )

Affaire C‑478/21 P

China Chamber of Commerce for Import and Export of Machinery and Electronic Products,

Cangzhou Qinghong Foundry Co. Ltd,

Botou City Qinghong Foundry Co. Ltd,

Lingshou County Boyuan Foundry Co. Ltd,

Handan Qunshan Foundry Co. Ltd,

Heping Cast Co. Ltd Yi County,

Hong Guang Handan Cast Foundry Co. Ltd,

Shanxi Yuansheng Casting and Forging Industrial Co. Ltd,

Botou City Wangwu Town Tianlong Casting Factory,

Tangxian Hongyue Machinery Accessory Foundry Co. Ltd

contre

Commission européenne

en présence de :

EJ Picardie,

Fondatel Lecomte,

Fonderies Dechaumont,

Fundiciones de Odena, SA,

Heinrich Meier Eisengießerei GmbH & Co. KG,

Saint-Gobain Construction Products UK Ltd,

Saint-Gobain PAM Canalisation, anciennement Saint-Gobain PAM,

Ulefos Oy

« Pourvoi – Dumping – Importations de certains articles en fonte originaires de la République populaire de Chine – Droit antidumping définitif et perception définitive du droit antidumping provisoire – Recours en annulation – Recevabilité – Association comprenant des producteurs-exportateurs du produit concerné – Qualité pour agir – Affectation individuelle – Association représentative des exportateurs agissant en son nom propre et au nom de ses membres – Règlement (UE) 2016/1036 – Article 5, paragraphes 10 et 11 – Parties intéressées – Association représentative des exportateurs – Groupements professionnels commerciaux ou industriels – Liberté d’association – Contrôle et ingérence de l’État – Représentativité – Preuves – Article 3, paragraphes 2, 3, 5 et 6 – Préjudice – Éléments de preuve positifs – Données d’Eurostat – Ajustements et extrapolation de données – Hypothèse raisonnable – Inférence raisonnable – Calcul de la rentabilité de l’industrie de l’Union européenne – Coût de production et prix facturés intragroupe – Article 20 – Droits de la défense – Accès au dossier – Données confidentielles »

Table des matières

 

I. Introduction

 

II. Le cadre juridique

 

A. Le droit de l’Union

 

B. Le droit de l’Organisation mondiale du commerce

 

III. Les antécédents du litige et le règlement attaqué

 

IV. La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

 

V. La procédure devant la Cour et les conclusions des parties au pourvoi

 

VI. Analyse du pourvoi

 

A. Sur la recevabilité du recours en première instance

 

1. Sur la première fin de non-recevoir, en ce que le recours en annulation a été formé par la CCCME en son nom propre

 

a) Observations liminaires

 

b) Les critères généraux relatifs à la qualité pour agir des associations professionnelles au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE

 

c) Le statut accordé par la Commission au cours de la procédure antidumping

 

d) Une partie intéressée et/ou une association représentative

 

1) La notion de « partie intéressée »

 

2) La notion d’« association représentative des exportateurs »

 

i) Un groupement professionnel commercial ou industriel

 

– Critères généraux

 

– L’articulation avec la notion de « liberté d’association »

 

– Les statuts de l’association

 

– Autonomie contre ingérence de l’État

 

– Conclusion intermédiaire

 

ii) Les membres sont des producteurs, des exportateurs ou des importateurs du produit faisant l’objet d’une enquête

 

2. Sur la deuxième fin de non-recevoir, en ce que le recours a été formé par la CCCME au nom de ses membres

 

3. Sur la troisième fin de non-recevoir, en ce que le recours a été formé par les requérantes non représentées par la CCCME

 

B. Sur la première branche du premier moyen du pourvoi

 

1. Sur le recours aux données de référence

 

2. Sur le rejet des autres données

 

C. Sur le deuxième moyen du pourvoi

 

D. Sur le cinquième moyen du pourvoi

 

1. Sur la première branche

 

2. Sur la deuxième branche

 

3. Sur la troisième branche

 

VII. Sur les dépens

 

VIII. Conclusion

I. Introduction

1.

La China Chamber of Commerce for Import and Export of Machinery and Electronic Products (Chambre de commerce chinoise pour l’importation et l’exportation de machines et de produits électroniques, ci-après la « CCCME ») est une association de droit chinois qui compte parmi ses membres des producteurs-exportateurs chinois de certains articles en fonte.

2.

Par le présent pourvoi, la CCCME et neuf autres requérantes productrices d’articles en fonte originaires de République populaire de Chine (ci-après la « RPC ») (ci-après conjointement les « requérantes ») demandent à la Cour l’annulation de l’arrêt du 19 mai 2021, China Chamber of Commerce for Import and Export of Machinery and Electronic Products e.a./Commission (ci-après l’« arrêt attaqué ») ( 2 ). Par cet arrêt, le Tribunal de l’Union européenne a rejeté le recours des requérantes tendant à l’annulation du règlement d’exécution (UE) 2018/140 de la Commission (ci-après le « règlement attaqué ») ( 3 ) imposant un droit antidumping sur les importations de certains articles en fonte originaires de la RPC. Ces articles sont, en substance, des couvercles de trou d’homme.

3.

Le présent pourvoi soulève un certain nombre de questions, dont trois sont peut-être plus importantes que les autres. La première est de nature procédurale. C’est la première fois que la CCCME a contesté un règlement antidumping. Il s’ensuit que le présent pourvoi soulève la question de la notion d’« affectation individuelle et directe » en relation avec une organisation professionnelle, dont les membres ont coopéré à la procédure antidumping, et dont la Commission européenne allègue qu’elle est une émanation de la RPC. Il soulève également la question de la définition d’une association représentative des exportateurs au sens du règlement (UE) 2016/1036 (ci-après le « règlement de base ») ( 4 ). Par conséquent, la Cour devra énoncer les conditions de recevabilité auxquelles une telle association peut introduire un recours en annulation au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE tant en son nom propre qu’au nom de ses membres.

4.

La deuxième question est de nature matérielle. Elle a trait aux règles relatives à l’établissement d’un préjudice causé à l’industrie de l’Union européenne. Les requérantes contestent les extrapolations et les ajustements appliqués aux données de l’Office statistique de l’Union européenne (Eurostat) ( 5 ) aux fins de la détermination de l’existence de ce préjudice. Partant, la Cour doit définir les exigences énoncées à l’article 3, paragraphes 2, 3 et 5, du règlement de base, en vertu duquel la détermination de l’existence d’un préjudice doit se fonder sur des éléments de preuve positifs et comporte un examen objectif.

5.

La troisième question porte sur les règles de procédure régissant la procédure administrative antidumping et, en particulier, les obligations de divulgation imposées à la Commission.

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

6.

L’article 3 du règlement de base, intitulé « Détermination de l’existence d’un préjudice », dispose :

« 1.   Pour les besoins du présent règlement, le terme “préjudice” s’entend, sauf indication contraire, d’un préjudice important causé à l’industrie de l’Union, d’une menace de préjudice important pour l’industrie de l’Union ou d’un retard sensible dans la création d’une telle industrie, et est interprété conformément aux dispositions du présent article.

2.   La détermination de l’existence d’un préjudice se fonde sur des éléments de preuve positifs et comporte un examen objectif :

a)

du volume des importations faisant l’objet d’un dumping et de l’effet de ces importations sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union ; et

b)

de l’incidence de ces importations sur l’industrie de l’Union.

3.   En ce qui concerne le volume des importations faisant l’objet d’un dumping, on examine s’il y a eu une augmentation notable des importations faisant l’objet d’un dumping, soit en quantités absolues, soit par rapport à la production ou à la consommation dans l’Union. En ce qui concerne l’effet des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix, on examine s’il y a eu, pour les importations faisant l’objet d’un dumping, une sous-cotation notable du prix par rapport au prix d’un produit similaire de l’industrie de l’Union ou si ces importations ont, d’une autre manière, pour effet de déprimer sensiblement les prix ou d’empêcher dans une mesure notable des hausses de prix qui, sans cela, se seraient produites. Un seul ou plusieurs de ces facteurs ne constituent pas nécessairement une base de jugement déterminante.

[...]

5.   L’examen de l’incidence des importations faisant l’objet d’un dumping sur l’industrie de l’Union concernée comporte une évaluation de tous les facteurs et indices économiques pertinents qui influent sur la situation de cette industrie [...]

6.   Il doit être démontré à l’aide de tous les éléments de preuve pertinents présentés en relation avec le paragraphe 2 que les importations faisant l’objet d’un dumping causent un préjudice au sens du présent règlement. En l’occurrence, cela implique la démonstration que le volume et/ou les niveaux des prix visés au paragraphe 3 ont un impact sur l’industrie de l’Union au sens du paragraphe 5 et que cet impact est tel qu’on puisse le considérer comme important.

[...] »

7.

L’article 5, paragraphes 10 et 11, du règlement de base dispose :

« 10.   L’avis d’ouverture de la procédure annonce l’ouverture d’une enquête, indique le produit et les pays concernés, fournit un résumé des informations reçues et prévoit que toute information utile doit être communiquée à la Commission.

Il fixe le délai dans lequel les parties intéressées peuvent se faire connaître, présenter leur point de vue par écrit et communiquer des informations si ces points de vue et ces informations doivent être pris en compte au cours de l’enquête. Il précise également le délai dans lequel les parties intéressées peuvent demander à être entendues par la Commission conformément à l’article 6, paragraphe 5.

11.   La Commission avise les exportateurs, les importateurs ainsi que les associations représentatives des importateurs ou exportateurs notoirement concernés, de même que les représentants du pays exportateur et les plaignants, de l’ouverture de la procédure et, tout en veillant à protéger les informations confidentielles, fournit le texte intégral de la plainte écrite reçue conformément au paragraphe 1 aux exportateurs connus, aux autorités du pays exportateur et, à leur demande, aux autres parties intéressées. Lorsque le nombre d’exportateurs concernés est particulièrement élevé, il convient plutôt de n’adresser le texte intégral de la plainte écrite qu’aux autorités du pays exportateur ou à l’association professionnelle concernée. »

8.

L’article 6, paragraphe 7, du règlement de base prévoit :

« Les plaignants, les importateurs et les exportateurs ainsi que leurs associations représentatives, les utilisateurs et les associations des consommateurs qui se sont fait connaître conformément à l’article 5, paragraphe 10, ainsi que les représentants du pays exportateur, peuvent, sur demande écrite, prendre connaissance de tous les renseignements fournis par toute partie concernée par l’enquête, mis à part les documents internes établis par les autorités de l’Union ou de ses États membres, pour autant que ces renseignements soient pertinents pour la défense de leurs intérêts, qu’ils ne soient pas confidentiels au sens de l’article 19 et qu’ils soient utilisés dans l’enquête.

Ces parties peuvent répondre à ces renseignements et leurs commentaires doivent être pris en considération dans la mesure où ils sont suffisamment étayés dans la réponse. »

9.

L’article 19 du règlement de base, intitulé « Traitement confidentiel », dispose à ses paragraphes 1 à 3 :

« 1.   Toute information de nature confidentielle (par exemple parce que sa divulgation avantagerait de façon notable un concurrent ou aurait un effet défavorable notable pour la personne qui a fourni l’information ou pour celle auprès de qui elle l’a obtenue) ou qui serait fournie à titre confidentiel par des parties à une enquête est, sur exposé de raisons valables, traitée comme telle par les autorités.

2.   Les parties intéressées qui fournissent des informations confidentielles sont tenues d’en donner des résumés non confidentiels. Ces résumés doivent être suffisamment détaillés afin de permettre de comprendre raisonnablement la substance des informations communiquées à titre confidentiel. Dans des circonstances exceptionnelles, lesdites parties peuvent indiquer que des informations ne sont pas susceptibles d’être résumées. Dans ces circonstances, les raisons pour lesquelles un résumé ne peut être fourni sont exposées.

3.   S’il est considéré qu’une demande de traitement confidentiel n’est pas justifiée et si la personne qui a fourni l’information ne veut pas la rendre publique ni en autoriser la divulgation en termes généraux ou sous forme de résumé, l’information peut être écartée, sauf s’il peut être démontré de manière convaincante à partir de sources appropriées que l’information est correcte. Les demandes de traitement confidentiel ne peuvent être rejetées arbitrairement. »

10.

L’article 20, paragraphes 1 et 2, du règlement de base prévoit :

« 1.   Les plaignants, importateurs et exportateurs ainsi que leurs associations représentatives et les représentants du pays exportateur peuvent demander à être informés des détails sous-tendant les faits et considérations essentiels sur la base desquels des mesures provisoires ont été instituées. Les demandes d’information sont adressées par écrit immédiatement après l’institution des mesures provisoires et l’information est donnée par écrit aussitôt que possible.

2.   Les parties mentionnées au paragraphe 1 peuvent demander une information finale sur les faits et considérations essentiels sur la base desquels il est envisagé de recommander l’institution de mesures définitives ou la clôture d’une enquête ou d’une procédure sans institution de mesures, une attention particulière devant être accordée à l’information sur les faits ou considérations différents de ceux utilisés pour les mesures provisoires. »

B. Le droit de l’Organisation mondiale du commerce

11.

L’accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (GATT) ( 6 ) (ci-après l’« accord antidumping de 1994 ») figure à l’annexe 1A de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC), approuvé par la décision 94/800/CE ( 7 ).

12.

L’article 6.1.3 de l’accord antidumping de 1994, intitulé « Éléments de preuve », dispose :

« Dès qu’une enquête aura été ouverte, les autorités communiqueront aux exportateurs connus[ 16] et aux autorités du Membre exportateur le texte intégral de la demande présentée par écrit conformément au paragraphe 1 de l’article 5 et le mettront sur demande à la disposition des autres parties intéressées qui sont concernées. Il sera tenu dûment compte de l’obligation de protéger les renseignements confidentiels, ainsi qu’il est prévu au paragraphe 5. »

13.

Cet article est suivi d’une note en bas de page qui précise que « [l]orsque le nombre d’exportateurs concernés sera particulièrement élevé, le texte intégral de la demande écrite ne devrait être communiqué qu’aux autorités du Membre exportateur ou au groupement professionnel concerné ».

14.

L’article 6.11 de l’accord antidumping de 1994 énonce :

« Aux fins du présent accord, les “parties intéressées” seront :

i)

un exportateur ou producteur étranger ou l’importateur d’un produit faisant l’objet d’une enquête ou un groupement professionnel commercial ou industriel dont la majorité des membres produisent, exportent ou importent ce produit ;

ii)

le gouvernement du membre exportateur ; et

iii)

un producteur du produit similaire dans le Membre importateur ou un groupement professionnel commercial ou industriel dont la majorité des membres produisent le produit similaire sur le territoire du Membre importateur. »

III. Les antécédents du litige et le règlement attaqué

15.

Les antécédents du litige ont été exposés aux points 1 à 9 de l’arrêt attaqué et peuvent, pour les besoins de la présente procédure, être résumés de la manière suivante.

16.

Le 31 octobre 2016, une plainte a été déposée auprès de la Commission, conformément à l’article 5 du règlement de base, afin que celle-ci engage une procédure antidumping concernant les importations de certains articles en fonte originaires de la RPC et de la République de l’Inde. Cette plainte a été présentée par sept producteurs de l’Union ( 8 ).

17.

Par avis publié au Journal officiel de l’Union européenne le 10 décembre 2016 ( 9 ), la Commission a ouvert une procédure antidumping concernant les importations en cause.

18.

Le produit visé par l’enquête consistait en « certains articles en fonte à graphite lamellaire (fonte grise) ou en fonte à graphite sphéroïdal (également appelée fonte ductile), et [l]es pièces s’y rapportant[, c]es articles [étant] d’un type utilisé pour couvrir et/ou donner accès à des systèmes affleurant le sol ou souterrains, et permettre un accès physique et/ou visuel à de tels systèmes » (ci‑après le « produit concerné »).

19.

L’enquête relative au dumping et au préjudice a porté sur la période comprise entre le 1er octobre 2015 et le 30 septembre 2016 (ci-après la « période d’enquête »). L’examen des tendances pertinentes aux fins de l’évaluation du préjudice a couvert la période allant du 1er janvier 2013 à la fin de la période d’enquête (ci-après la « période considérée »).

20.

Le 16 août 2017, la Commission a adopté le règlement d’exécution (UE) 2017/1480 (ci-après le « règlement provisoire ») ( 10 ).

21.

À l’issue de la procédure antidumping, le 29 janvier 2018, la Commission a adopté le règlement attaqué.

22.

La CCCME a pris part à la procédure administrative ayant conduit à l’adoption du règlement attaqué. Les autres personnes morales sont neuf producteurs-exportateurs chinois susmentionnés, dont deux ont été sélectionnés par la Commission pour faire partie de l’échantillon des producteurs-exportateurs chinois retenus aux fins de l’enquête.

IV. La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

23.

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 23 avril 2018, les requérantes ont introduit un recours en annulation du règlement attaqué. Devant le Tribunal, la CCCME a invoqué six moyens à l’appui de son recours. La Commission en a contesté aussi bien la recevabilité que le bien-fondé.

24.

Par ordonnance du 24 octobre 2018, le président de la première chambre du Tribunal a autorisé EJ Picardie et les autres personnes morales ( 11 ) (ci-après les « intervenantes ») à intervenir.

25.

Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a commencé par examiner les arguments de la Commission relatifs à la recevabilité du recours de la CCCME. Le Tribunal a jugé le recours recevable en tant qu’il était introduit, premièrement, par la CCCME en son nom propre afin de sauvegarder ses droits procéduraux, deuxièmement, par la CCCME au nom des 19 membres qu’elle avait identifiés et, troisièmement, par les autres personnes morales dont les noms figurent en annexe I de l’arrêt attaqué.

26.

S’agissant du bien-fondé du recours, le Tribunal a rejeté l’ensemble des six moyens invoqués par la CCCME et, en conséquence, il a rejeté le recours dans son intégralité.

V. La procédure devant la Cour et les conclusions des parties au pourvoi

27.

Le présent pourvoi est formé par la CCCME en son nom propre et en celui de ses membres, ainsi que par les autres requérantes qui ne sont pas représentées par la CCCME.

28.

Les requérantes demandent à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué, de faire droit aux conclusions qu’elles ont présentées dans le cadre du recours qu’elles ont formé devant le Tribunal, d’annuler le règlement attaqué, pour autant qu’il concerne la CCCME, les entreprises individuelles et les membres concernés, de condamner la Commission aux dépens de la procédure devant le Tribunal et du pourvoi, y compris ceux des requérantes, et de condamner les intervenantes à supporter leurs propres dépens.

29.

La Commission demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué en tant qu’il déclare recevable le recours en première instance, de déclarer irrecevable le recours devant le Tribunal, de rejeter le pourvoi et de condamner les requérantes aux dépens devant le Tribunal et du pourvoi.

30.

Les intervenantes demandent à la Cour de rejeter le pourvoi dans son intégralité, de juger que la CCCME ne peut pas être une association représentative aux fins du règlement de base et de condamner les requérantes aux dépens des défenderesses.

31.

La Cour a posé un certain nombre de questions écrites aux parties en les invitant à y répondre par écrit. Ces dernières y ont répondu le 29 août 2022. Toutes les parties susmentionnées ont été entendues en leurs plaidoiries devant la Cour lors de l’audience qui s’est tenue le 5 octobre 2022. Lors de l’audience, les parties ont été invitées à concentrer leurs plaidoiries sur les questions de recevabilité et sur la première branche du premier moyen du pourvoi ainsi que sur les deuxième et cinquième moyens du pourvoi, éléments auxquels se limiteront les présentes conclusions conformément à la demande de la Cour.

VI. Analyse du pourvoi

32.

J’examinerai, tout d’abord, le moyen invoqué par la Commission et les intervenantes tiré de ce que le Tribunal aurait commis une erreur en déclarant recevable le recours en annulation (section A). Ensuite, je me tournerai vers l’analyse des deux moyens du pourvoi portant sur la détermination de l’existence d’un préjudice. Je commencerai par l’analyse de la première branche du premier moyen du pourvoi concernant le volume des importations (section B). Puis j’examinerai la question des éléments de preuve positifs, soulevée dans le cadre du deuxième moyen du pourvoi (section C). Enfin, j’examinerai le cinquième moyen du pourvoi, qui porte sur le respect des droits de la défense des parties intéressées et sur l’obligation de la Commission de communiquer des données à ces parties (section D).

A. Sur la recevabilité du recours en première instance

33.

Dans son mémoire en réponse, la Commission soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en déclarant le recours recevable.

34.

Premièrement, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, toute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues à l’article 263, premier et deuxième alinéas, TFUE, un recours contre, entre autres, les actes qui la concernent directement et individuellement. Le droit des associations et, notamment, des associations professionnelles, de porter des recours en annulation devant le Tribunal découle du droit des personnes privées de former un tel recours au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

35.

Selon la jurisprudence, les recours formés par des associations sont recevables dans trois situations bien définies : premièrement, lorsqu’elles représentent les intérêts d’entreprises qui seraient recevables à agir à titre individuel et qui auraient donc pu elles-mêmes introduire un recours recevable ; deuxièmement, lorsqu’elles sont individualisées en raison de l’affectation de leurs intérêts propres en tant qu’association, notamment parce que leur position de négociatrice a été affectée par l’acte dont l’annulation est demandée, et, troisièmement, lorsqu’une disposition légale leur reconnaît expressément une série de facultés à caractère procédural ( 12 ).

36.

Dans la présente affaire, ce sont les première et troisième situations qui font l’objet des fins de non-recevoir de la Commission. La première fin de non‑recevoir concerne la situation où une association professionnelle forme un recours en son nom propre parce qu’elle a un intérêt propre (sous-section 1), et la deuxième fin de non-recevoir porte sur la recevabilité à agir d’une association professionnelle qui représente ses membres ayant qualité pour agir à titre individuel (sous-section 2). En outre, la Commission conteste la validité des mandats fournis par les personnes morales, contestation qui fait l’objet de la troisième fin de non-recevoir (sous-section 3).

1.   Sur la première fin de non-recevoir, en ce que le recours en annulation a été formé par la CCCME en son nom propre

37.

La Commission, soutenue par les intervenantes, soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit aux points 52 à 75 de l’arrêt attaqué en jugeant que la reconnaissance de la CCCME en tant qu’association représentative des exportateurs au cours de la procédure administrative suffisait pour établir qu’elle était individuellement et directement concernée au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. La question de savoir si une entité jouit ou non de droits procéduraux dans une procédure administrative donnée est déterminée par les règles législatives adoptées par le législateur de l’Union et non pas par la décision par laquelle une autorité administrative s’écarte de ces règles. Le Tribunal a omis d’examiner lui-même si, objectivement, la CCCME remplissait toutes les conditions d’existence d’une association représentative des exportateurs requises par le règlement de base. Dans ses réponses aux questions de la Cour, la Commission a fortement insisté sur l’obligation d’interpréter la notion d’« association professionnelle » au sens du règlement de base au regard de l’article 12, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et de l’article 11, paragraphe 1, correspondant de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »).

38.

La Commission et les intervenantes soutiennent que la CCCME n’est pas une association représentative des producteurs-exportateurs dès lors qu’elle a agi sous la supervision, la gestion et la direction commerciale des ministères concernés en RPC. Les intervenantes ajoutent que la CCCME non seulement prend ses instructions de l’État, mais agit pour le compte de cet État dans l’organisation des activités commerciales des producteurs-exportateurs et dans le contrôle, par ledit État, des marchés intérieur et d’exportation.

39.

La CCCME fait valoir qu’elle est une association représentative des exportateurs au sens du règlement de base et donc une partie intéressée. Pour les raisons avancées par le Tribunal dans l’arrêt attaqué, elle affirme être directement et individuellement concernée par le règlement attaqué. En particulier, elle souligne avoir été considérée par la Commission comme une partie intéressée aussi bien au cours de l’enquête qui a abouti au règlement attaqué que lors de précédentes enquêtes. Lors de l’audience, la CCCME a ajouté que c’est au cours de l’enquête et non pas au stade de la procédure judiciaire que la Commission devrait vérifier si cette entité est une partie intéressée. Elle a également soutenu que l’article 12 de la Charte et l’article 11 de la CEDH ne sont pas pertinents aux fins de la présente procédure.

a)   Observations liminaires

40.

D’emblée, je relève que le Tribunal a examiné la qualité pour agir de la CCCME aux points 46 à 76 de l’arrêt attaqué et a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la Commission. Premièrement, il a jugé que la CCCME était individuellement concernée par le règlement attaqué au motif que la Commission l’avait considérée comme une partie intéressée au sens du règlement de base et qu’elle avait donc reconnu des droits procéduraux à cette association au cours de la procédure qui avait abouti à l’adoption du règlement attaqué (ci-après la « procédure antidumping »). En outre, le Tribunal a rejeté l’argument de la Commission selon lequel la CCCME pouvait être considérée non pas comme une partie intéressée au sens du règlement de base, mais seulement comme une partie représentative. Deuxièmement, le Tribunal a jugé que la CCCME était directement concernée dès lors qu’elle ne pouvait obtenir le respect de ses droits procéduraux que si elle avait la possibilité de contester le règlement attaqué.

41.

À ce propos, je remarque que, en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, il y a lieu, pour établir si des personnes morales telles que la CCCME peuvent former un recours en leur nom propre, d’examiner si ces personnes ont, premièrement, qualité pour agir et, deuxièmement, un intérêt à agir ( 13 ). En particulier, s’agissant de la seconde condition, qui n’est pas contestée dans le cadre du présent pourvoi ( 14 ), j’observe que, aux points 78 et 79 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que l’annulation du règlement attaqué imposerait à la Commission de rouvrir la procédure antidumping et éventuellement de permettre à la CCCME d’intervenir dans la procédure pour recueillir ses observations conformément au règlement de base. Dès lors qu’une annulation est susceptible d’avoir de tels effets, elle pourrait avoir des conséquences juridiques pour la CCCME agissant en son nom propre. En d’autres termes, s’il y avait eu une violation des droits procéduraux de la CCCME, cette violation aurait influencé l’issue des enquêtes antidumping, de sorte que la CCCME dispose d’un intérêt à contester pareille violation. Par conséquent, son intérêt à agir en son nom propre devant le Tribunal consiste à sauvegarder ses droits procéduraux.

b)   Les critères généraux relatifs à la qualité pour agir des associations professionnelles au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE

42.

D’emblée, je rappelle que les règles régissant la qualité pour agir des personnes morales aux fins de la contestation d’un acte de l’Union sont énoncées à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Dans la présente affaire, c’est la deuxième branche, en vertu de laquelle un recours peut être formé si l’acte concerne directement et individuellement les associations, qui doit être examinée ( 15 ).

43.

Afin d’établir si la CCCME a qualité pour agir dans la présente affaire en raison de l’incidence de l’acte attaqué en son nom propre en tant qu’association, il est de jurisprudence constante que les sujets autres que les destinataires d’une décision ne peuvent prétendre être concernés individuellement que si cette décision les atteint, notamment, en raison d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle d’un destinataire ( 16 ).

44.

Dans la présente affaire, il est évident, selon moi, que l’institution de droits antidumping n’a pas modifié la situation juridique de la CCCME à titre individuel dès lors que cette entité n’est pas elle‑même tenue de payer ces droits ( 17 ). Cependant, le fait qu’une personne intervienne dans le processus menant à l’adoption d’un acte de l’Union est de nature à individualiser cette personne par rapport à l’acte en question lorsque la réglementation de l’Union applicable lui accorde certaines garanties de procédure ( 18 ). Par conséquent, la portée exacte du recours formé par la CCCME en son nom propre dépend de la position juridique définie en faveur de cette entité par le droit de l’Union afin de protéger les intérêts légitimes reconnus à ladite entité ( 19 ).

c)   Le statut accordé par la Commission au cours de la procédure antidumping

45.

Le Tribunal a jugé que la CCCME a été considérée par la Commission comme étant une partie intéressée à laquelle devaient être accordés les droits procéduraux prévus par le règlement de base tout au long de la procédure. Aux points 53 à 57 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a formulé une série de constatations selon lesquelles la CCCME s’est vu accorder, par la Commission, le droit de participer à deux auditions organisées dans le cadre de l’enquête, comme le prévoit l’article 6, paragraphe 5, du règlement de base. Il a également relevé que la CCCME a reçu de la Commission l’autorisation d’accéder, en application de l’article 6, paragraphe 7, du règlement de base, au dossier de l’enquête et que, par la suite, la CCCME s’est vu adresser par la Commission, conformément à l’article 20, paragraphe 1, du règlement de base, les conclusions provisoires qu’elle avait établies, sur lesquelles la CCCME a soumis des observations écrites. En outre, le Tribunal a souligné que la CCCME avait reçu, conformément à l’article 20, paragraphe 2, du règlement de base, les conclusions finales, dans lesquelles la Commission envisageait de recommander l’institution de mesures définitives. En se fondant sur ces constatations, le Tribunal a conclu que, en l’occurrence, la CCCME remplissait les exigences à satisfaire pour être considérée comme individuellement concernée au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

46.

Selon moi, le point de départ de la présente analyse est la conclusion du Tribunal selon laquelle la Commission avait commis une erreur au cours de la procédure administrative en accordant à la CCCME le statut de partie intéressée et les droits procéduraux qui en découlent. Bien que cette erreur ne soit pas contestée par la Commission ( 20 ), j’observe que le Tribunal ne prend pas position sur le point de savoir si cette erreur est établie ou non ( 21 ). Au contraire, au point 68 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’appuie sur la qualification de la CCCME en tant que partie intéressée par la Commission elle-même en citant, notamment, le considérant 25 du règlement attaqué dans lequel la Commission considère que la CCCME devait être considérée comme une partie intéressée représentant en particulier l’industrie chinoise de la fonte.

47.

Cependant, selon la jurisprudence relative à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, le fait qu’une personne intervienne d’une manière ou d’une autre dans le processus menant à l’adoption d’un acte de l’Union n’est de nature à individualiser cette personne par rapport à l’acte en question que lorsque la réglementation de l’Union applicable lui accorde certaines garanties de procédure ( 22 ). Par conséquent, les associations représentatives peuvent être directement et individuellement concernées par une violation des droits procéduraux que leur confère le règlement de base. C’est sur la base de ce règlement que le Tribunal doit juger si une entité telle que la CCCME doit être individualisée aux fins de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

48.

Il s’ensuit que la qualification juridique de la CCCME en tant que partie intéressée aux fins de l’application du règlement de base ne saurait être présumée. Aux fins de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, il incombe au Tribunal de vérifier si une entité peut être qualifiée d’« association représentative des exportateurs » en vertu du règlement de base, a fortiori si la Commission et les intervenantes ont contesté le statut de la CCCME au sens de ce règlement ( 23 ).

49.

Par conséquent, bien que la Commission ait, au cours de la procédure administrative, reconnu la CCCME en tant que partie intéressée et qu’elle lui ait octroyé les droits procéduraux qui en découlent, pareils reconnaissance et octroi constituent une pratique administrative non contraignante pour le juge de l’Union appelé à statuer sur un recours en annulation. Le statut accordé par la Commission à la CCCME doit être conforme au règlement de base sur lequel repose l’adoption du règlement attaqué. À cet égard, comme le relève à juste titre la Commission, c’est le législateur de l’Union, et non pas la pratique de l’administration, qui détermine si une entité jouit ou non de droits procéduraux dans une procédure administrative donnée lorsqu’il adopte le cadre juridique, à savoir en l’occurrence le règlement de base.

50.

Il ne s’ensuit pas, pour autant, que la pratique erronée de la Commission reste sans conséquences, en particulier lorsque cette institution prive une personne de ses droits procéduraux. Or, dans les circonstances spécifiques de la présente affaire, la reconnaissance de la CCCME en tant que partie intéressée n’a pas privé cette personne de ses droits, mais lui en a plutôt accordé davantage, comme la Commission l’a relevé lors de l’audience. Pour cette raison, la reconnaissance susmentionnée par la Commission n’a pas de conséquences négatives sur les droits de la défense de la CCCME ( 24 ).

51.

Par conséquent, j’estime que, pour établir la recevabilité du recours en annulation, il incombait au Tribunal de vérifier quel statut et (le cas échéant) quels droits procéduraux auraient dû être accordés à la CCCME conformément au règlement de base. Cependant, il semble que lorsque le Tribunal a déterminé, aux points 53 à 71 de l’arrêt attaqué, si la CCCME était individuellement concernée lorsqu’elle agissait en son nom propre, il ait omis de procéder à cette vérification. Il s’est limité à considérer que, aux fins de la recevabilité du recours en annulation, la CCCME était individuellement concernée au seul motif que la Commission lui avait accordé des droits procéduraux ( 25 ). J’estime donc que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que la CCCME était individuellement et directement concernée au motif que la Commission lui avait accordé des droits procéduraux au cours de la procédure antidumping sans vérifier si l’octroi de ces droits était conforme au règlement de base.

52.

Compte tenu de l’erreur susmentionnée, il incombe à la Cour de déterminer si le règlement de base imposait en fait à la Commission de reconnaître la CCCME en tant que partie intéressée et/ou en tant qu’association représentative et de lui accorder certains droits procéduraux. Cela pose la question de savoir si la CCCME est une partie intéressée et/ou une association représentative des exportateurs.

d)   Une partie intéressée et/ou une association représentative

1) La notion de « partie intéressée »

53.

Il convient de relever d’emblée, s’agissant des acteurs mentionnés dans le règlement de base, que ses dispositions font référence à différentes entités telles que les « exportateurs », les « importateurs », (et leurs) « associations représentatives », les « associations représentatives des importateurs ou exportateurs », les « plaignants », les « représentants du pays exportateur », le « gouvernement du pays exportateur », les « utilisateurs et les associations des consommateurs » et les « parties intéressées ». Bien que le règlement de base ne définisse pas ces catégories, il découle de ses articles 5, 6, 10, 11 et 19 que ce règlement accorde à ces acteurs des droits différents ( 26 ).

54.

Cependant, à la lumière d’une interprétation littérale et systématique de l’article 5, paragraphes 10 et 11, du règlement de base, il s’avère que le terme « parties intéressées » est un terme générique englobant l’ensemble des entités susmentionnées. En particulier, lorsqu’une personne s’est fait connaître conformément à l’article 5, paragraphe 10, de ce règlement, elle devient une partie intéressée.

55.

Aux fins de la détermination du statut de partie intéressée au cours de la procédure administrative et de ses droits procéduraux, il convient également, dès lors que des entités différentes jouissent de droits différents, de déterminer en quelle qualité elle agit, à savoir en tant qu’exportateur, importateur, association représentative ou autre ( 27 ). À cet égard, je relève également que, bien que le règlement de base opère une distinction entre les associations représentatives des exportateurs et les représentants du pays exportateur ( 28 ), ni ce règlement ni la jurisprudence ne semblent fournir des indications précises sur les critères à prendre en considération pour définir ces notions.

2) La notion d’« association représentative des exportateurs »

56.

La question qui se pose est de savoir si la CCCME est une association représentative des exportateurs au sens du règlement de base. Les parties parviennent bien entendu à des réponses opposées. Selon la CCCME, le règlement de base n’énumère aucun critère procédural ou matériel servant à définir une association représentative des exportateurs. En s’appuyant sur le sens ordinaire des termes « association » et « représentative », la CCCME soutient que tout organe ou entité agissant au nom ou pour le compte de producteurs-exportateurs peut être qualifié d’« association représentative des exportateurs » au sens du règlement de base. L’ajout de tout autre critère reviendrait à assujettir le statut d’association représentative des exportateurs au respect de conditions supplémentaires injustifiées. La Commission et les intervenantes, en revanche, soutiennent que le terme « association représentative des exportateurs » doit être défini en recourant à des critères matériels et procéduraux spécifiques. En particulier, elles soutiennent que le terme « association » doit être compris, conformément aux traditions communes des États membres de l’Union européenne, comme visant une entité constituée et agissant de manière démocratique et qui est indépendante d’un gouvernement.

57.

Ainsi que l’a indiqué la Commission lors de l’audience, il s’ensuit que, aux fins des présentes conclusions, l’interprétation du terme « association » est cruciale. À cet égard, le règlement de base et son contexte prévoient des critères matériels et procéduraux définissant une « association représentative des exportateurs ». En particulier, s’agissant des critères procéduraux, le règlement de base prévoit, à son article 5, paragraphe 10, second alinéa, que les parties intéressées doivent se faire connaître ( 29 ). S’agissant des critères matériels, il semble que le règlement de base ne définisse pas le terme « association représentative des exportateurs ». À cet égard, j’observe que l’expression est apparue pour la première fois dans le règlement (CE) no 3284/94 du Conseil ( 30 ), qui a mis en œuvre l’accord antidumping de 1994, alors que toutes les versions antérieures du règlement antidumping de base se référaient à l’expression « groupement professionnel » ( 31 ).

58.

Bien que la notion de « groupement professionnel » ait été adoptée par le droit de l’OMC, à savoir l’article 6.11, i), de l’accord antidumping de 1994 ( 32 ), la Commission n’a pas été en mesure d’expliquer à l’audience devant la Cour pourquoi, lors de l’adoption du règlement no 3284/94 et de la mise en œuvre de cet accord, le Conseil de l’Union européenne avait apporté des modifications au texte proposé ni d’où provient le terme « association représentative » ( 33 ). Il est donc difficile de savoir pourquoi l’Union européenne a adopté l’expression « association représentative » sans mettre en œuvre les mêmes termes que ceux utilisés dans cet accord. C’est d’autant plus surprenant que l’article 5, paragraphe 11, du règlement de base, fait référence au terme « association professionnelle » qui, comme en sont convenues les parties lors de l’audience, désigne clairement une « association représentative ».

59.

En tout état de cause, dès lors que le règlement de base met en œuvre en droit de l’Union une obligation internationale découlant de l’accord antidumping de 1994, il convient, aux fins de définir l’expression « association représentative » au sens du règlement de base, de prendre en compte la notion de « groupement professionnel commercial ou industriel » au sens de l’article 6.11, i), de cet accord ( 34 ). Selon cette disposition, une entité doit remplir deux critères pour en relever : premièrement, elle doit être un « groupement professionnel commercial ou industriel » et, deuxièmement, la majorité de ses membres doivent produire, exporter ou importer le produit faisant l’objet d’une enquête. J’examinerai ces deux critères dans les points suivants des présentes conclusions.

i) Un groupement professionnel commercial ou industriel

– Critères généraux

60.

Les parties ont convenu lors de l’audience que l’expression « groupement professionnel commercial ou industriel » au sens de l’article 6.11, i), de l’accord antidumping de 1994 a été mise en œuvre dans le règlement de base par référence au terme « association représentative » ( 35 ). À défaut de définition dans cet article ou d’une quelconque référence aux droits nationaux, cette expression doit, conformément à l’article 31, paragraphe 1, de la convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969, « être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but ».

61.

À cet égard, je relève d’abord qu’il existe certaines discordances entre les versions linguistiques de l’article 6.11, i), de l’accord antidumping de 1994, dès lors que deux des trois langues officielles de l’OMC font référence à une « association » (« trade or business association » en langue anglaise ( 36 ) et « las asociaciones mercantiles, gremiales o empresariales » en langue espagnole ( 37 )), alors que la troisième fait référence à un « groupement » (« un groupement professionnel commercial ou industriel » ( 38 ) en langue française). Le sens ordinaire de ces termes semble englober différents types d’organisations qui regroupent et soutiennent les entreprises et les employeurs d’un type de secteur déterminé et qui protègent également leurs droits. De plus, j’ajoute que, dans différents systèmes juridiques, la définition historique d’une « association professionnelle » a inclus les chambres et conseils de commerce, les associations ou instituts, les associations de protection du commerce, les associations non représentatives fournissant des services commerciaux généraux, les chambres consultatives des arts et manufactures et les chambres syndicales de commerce et d’industrie ( 39 ). Il s’ensuit que le sens ordinaire de ce terme ne corrobore pas l’approche défendue par la Commission. Une interprétation de l’article 6.11, i), de l’accord antidumping de 1994 en ce sens qu’il n’existe d’« association représentative » que si celle-ci est dotée d’une gouvernance démocratique ne s’impose en vertu d’aucune disposition de cet accord ( 40 ).

62.

On ne saurait par conséquent raisonnablement s’appuyer uniquement sur la signification d’une « association » au sens des traditions communes des États membres de l’Union (à savoir une association constituée et agissant de manière démocratique et qui est indépendante d’un gouvernement). Au contraire, le sens ordinaire de ce terme désigne une entité qui soutient des entreprises d’un type de secteur déterminé et qui protège leurs droits.

63.

S’agissant du contexte, le terme « groupement professionnel commercial ou industriel » apparaît dans celui, multilatéral, de l’OMC, dont les travaux sont menés par les représentants des gouvernements, mais dont les racines plongent dans l’activité quotidienne de l’industrie et du commerce. L’éventail des entités susceptibles d’être juridiquement qualifiées de « groupements professionnels commerciaux » ou de « groupements professionnels industriels » est donc particulièrement large. Selon moi, il peut s’étendre des chambres de commerce et associations de chambres de commerce jusqu’aux groupes professionnels sectoriels, associations d’entreprises et associations ou organes sectoriels ( 41 ). Dès lors que la notion de « groupement professionnel commercial ou industriel » découle du cadre multilatéral de l’OMC, composé de pays connaissant des régimes politiques et économiques différents, j’estime que le critère juridique appliqué à cette notion diffère de celui appliqué à la notion d’« association » en vertu des droits nationaux des États membres de l’Union ou d’autres domaines du droit de l’Union. Il s’ensuit que, aux fins de l’application du règlement de base, qui met en œuvre l’article 6.11, i), de l’accord antidumping de 1994, la notion d’« association représentative » devrait recevoir une interprétation large désignant tout type d’entité représentant les secteurs faisant l’objet d’une procédure antidumping.

– L’articulation avec la notion de « liberté d’association »

64.

Selon la Commission, une association ne saurait être représentative si elle ne satisfait pas aux exigences énoncées à l’article 12, paragraphe 1, de la Charte. La CCCME, en revanche, a soutenu lors de l’audience que cette disposition ne devrait pas être pertinente.

65.

S’agissant, avant tout, du droit à la liberté d’association consacré à l’article 12, paragraphe 1, de la Charte, ce droit correspond à celui garanti à l’article 11, paragraphe 1, de la CEDH et doit donc se voir reconnaître le même sens et la même portée que ce dernier, conformément à l’article 52, paragraphe 3, de la Charte. Par conséquent, les dispositions du règlement de base devraient être interprétées de manière à tenir compte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la « Cour EDH ») ( 42 ).

66.

À cet égard, tout d’abord, il ressort de la jurisprudence de la Cour EDH que le droit à la liberté d’association constitue l’un des fondements essentiels d’une société démocratique et pluraliste, en ce qu’il permet aux citoyens d’agir collectivement dans des domaines d’intérêt commun et de contribuer, ce faisant, au bon fonctionnement de la vie publique ( 43 ). Ensuite, ce droit ne comprend pas seulement la faculté de créer ou de dissoudre une association ( 44 ), mais englobe également la possibilité, pour cette association, d’agir, ce qui implique, notamment, qu’elle puisse poursuivre ses activités et fonctionner sans ingérence étatique injustifiée ( 45 ).

67.

Par conséquent, s’il est vrai que les termes du règlement de base doivent être interprétés, notamment, au regard du droit à la liberté d’association consacré à l’article 12, paragraphe 1, de la Charte et de manière à éviter de donner lieu à une limitation injustifiée de ce droit, cette interprétation ne saurait être utilisée comme un moyen pour limiter les droits d’une entité qui n’invoque même pas le droit à une telle liberté. Par exemple, les dispositions du règlement de base devraient être interprétées de manière à ce qu’un opérateur économique ne soit pas contraint ou obligé de devenir membre d’un groupement professionnel commercial ou industriel, à moins qu’une telle ingérence soit justifiée et proportionnée ( 46 ).

68.

En particulier, la Commission ne saurait utiliser la liberté d’association consacrée par ces dispositions pour limiter les droits d’une entité qui prétend représenter des entreprises ou un secteur ( 47 ). En d’autres termes, l’obligation d’interpréter le règlement de base au regard de la Charte et de la CEDH peut aboutir à accorder des droits aux parties impliquées dans une procédure antidumping, mais ne saurait être utilisée comme un moyen pour empêcher ces parties d’exercer leurs droits de la défense garantis par les articles 41 ou 47 de la Charte.

69.

À cet égard, j’estime que la portée de la liberté d’association au sens de l’article 12, paragraphe 1, de la Charte et de l’article 11 de la CEDH est plus restrictive que la notion d’« association représentative » au sens du règlement de base : cette notion englobe la liberté d’association, mais également la notion de « groupement professionnel commercial ou industriel » au sens du droit commercial international. En d’autres termes, quand cette liberté n’est pas applicable, une entité peut néanmoins être représentative de ses membres au sens du règlement de base et dans le cadre du droit commercial international.

70.

Par conséquent, la Commission ne saurait invoquer cette liberté pour restreindre la notion d’« association représentative » au sens du règlement de base et aux fins d’empêcher une organisation de représenter ses membres ou un secteur. Si la Cour devait suivre l’approche de la Commission, l’entité en cause, pour être juridiquement qualifiée d’« association représentative » au sens du règlement de base, devrait toujours satisfaire à ces dispositions, que cette entité invoque ou non le droit à cette liberté. Il s’ensuit que la Cour devrait écarter l’argument précédemment invoqué par la Commission en vertu duquel la puissance publique exercée par l’entité en cause ( 48 ) fait obstacle à sa qualification en tant qu’association dès lors qu’elle ne remplit pas les exigences de l’article 12, paragraphe 1, de la Charte et de l’article 11 de la CEDH. Pour les mêmes raisons, j’estime qu’il convient de rejeter l’argument de la Commission en vertu duquel l’entité en cause ne saurait disposer de pouvoirs de réglementation, dès lors qu’elle ne remplit pas ces exigences.

71.

En tout état de cause, dans la présente affaire, rien dans le dossier de la Cour ne suggère qu’interpréter le règlement de base en ce sens qu’il permet de considérer la CCCME comme une association représentative des exportateurs aboutirait à une limitation injustifiée de ce droit fondamental au sens de ces dispositions.

– Les statuts de l’association

72.

D’un point de vue pratique, la question de savoir si une entité constitue un « groupement professionnel commercial ou industriel » devrait être analysée au regard de ses statuts. Dans la présente affaire, il ressort clairement des statuts de la CCCME qu’il s’agit, notamment, d’une organisation à but non lucratif constituée par des entreprises et des institutions engagées dans l’exportation, les investissements ainsi que la coopération dans le domaine de la mécanique et des produits électroniques ( 49 ). Selon les articles 2 et 3 des statuts, la CCCME a pour objet de fournir à ses membres une coordination, une consultation et des services pour sauvegarder les droits et intérêts légitimes de ses membres et promouvoir le développement des secteurs mécanique et électronique ( 50 ). Selon moi, l’objet défini par les statuts ne laisse subsister aucun doute quant au fait que la CCCME est, au moins formellement, une association représentative de certains producteurs et exportateurs de RPC.

73.

La question suivante qui se pose est de savoir si la CCCME est une association représentant les producteurs des produits spécifiques visés par l’enquête. Comme son nom l’indique, la CCCME est une entité représentative des producteurs et exportateurs de « mécanique et de produits électroniques » et des « secteurs mécanique et électronique » ( 51 ). Certes, ces termes vagues ne précisent pas si cette entité englobe les producteurs et les exportateurs de produits spécifiques comme certains articles en fonte (couvercles de trou d’homme). Cependant, il ressort également de la lecture des licences d’exploitation que les activités de ces membres incluent le fonte ( 52 ).

74.

En outre, contrairement aux arguments de la Commission, même si les produits visés par l’enquête représentent seulement une fraction de l’ensemble des produits couverts par les membres de l’association, ce qui semble être le cas dans la présente affaire, l’association peut néanmoins représenter les producteurs du produit en cause si ces derniers sont représentatifs d’un nombre significatif d’opérateurs actifs dans le secteur concerné ( 53 ). Dans l’arrêt BEUC/Commission ( 54 ), le Tribunal a jugé qu’une partie intéressée doit être en mesure de prouver un lien objectif entre ses activités, d’une part, et le produit concerné, d’autre part ( 55 ). La question de savoir si ces articles figurent sur le site Internet de la CCCME ne devrait pas être pertinente, contrairement aux allégations des intervenantes ( 56 ).

75.

J’en viens par conséquent au nœud de la question : dans quelle mesure convient-il de prendre en considération l’autonomie de l’entité par rapport à l’État aux fins de sa qualification juridique en tant qu’association représentative des exportateurs au sens du règlement de base ?

– Autonomie contre ingérence de l’État

76.

La question qui se pose est celle de la mesure dans laquelle les rapports qu’entretient une entité avec le gouvernement de l’État dans lequel elle est établie l’empêche d’être représentative de ses membres.

77.

D’emblée, je relève que, en droit commercial international, en fonction du droit national, il est possible que certaines associations représentatives de leurs membres entretiennent certains liens avec leur gouvernement dès lors que les associations jouissent de différents degrés de liberté et d’autonomie en vertu de la législation des différents États. En outre, lorsqu’une association est établie dans un État tiers et régie par le droit de ce dernier, comme dans la présente affaire, le degré d’autonomie est difficile voire impossible à apprécier. La Commission devrait prouver que, s’agissant des décisions relatives aux procédures antidumping, l’association en question représente l’État de sorte que toute représentation des membres se trouve exclue.

78.

Dans la présente affaire, la Commission invoque les statuts de la CCCME pour démontrer que cette dernière se trouve sous la supervision, la gestion et la direction commerciale des ministères de la RPC ( 57 ). Cependant, les termes « supervision, gestion et direction commerciale » sont très larges en ce qu’ils peuvent impliquer divers degrés d’influence ou d’intervention. Par conséquent, et au regard des preuves présentées par la Commission et les intervenantes ( 58 ), bien que la CCCME semble être une entité sur laquelle l’État chinois exerce un certain contrôle, des termes aussi larges ne suffisent pas à démontrer que l’État exerce un contrôle d’une manière qui exclut la représentation des intérêts des exportateurs ou qui constitue une émanation de la RPC.

79.

En outre, aux fins de la procédure antidumping au titre du règlement de base, il doit être démontré que le contrôle exercé par l’État s’applique spécifiquement aux décisions prises par cette association en rapport avec cette procédure. Par conséquent, certains rapports ou liens avec le gouvernement n’excluent pas automatiquement la représentation simultanée par l’association de ses producteurs ou exportateurs dans le contexte d’une procédure antidumping. Il s’ensuit que, dans la présente affaire, bien qu’il soit évident que l’État exerce un certain contrôle, il n’a pas été établi que l’entité en cause ne représenterait pas ses membres dans la procédure antidumping spécifique.

80.

En tout état de cause, dans le domaine du droit commercial international où États et entreprises sont souvent imbriqués, l’autonomie d’une association par rapport à l’État semble importante lorsque l’État et les exportateurs que l’association représente ont des intérêts opposés. En d’autres termes, si les membres de l’association ont le même intérêt que celui de l’État, il est vain d’opérer une distinction entre les intérêts de l’une et de l’autre. Dans la présente affaire, pareille opposition d’intérêts n’a pas été établie.

81.

Dans la pratique, certaines entités bénéficient d’un monopole légal pour gérer une activité. Il se pourrait bien que, dans le cadre du commerce international, ces entités soient les mieux placées pour représenter leurs membres. Dans ce cas, l’entité en cause devrait être à même de participer à la procédure administrative aboutissant à l’institution de droits antidumping.

82.

Par conséquent, l’argumentation fondée sur une ingérence de l’État ne suffit pas à exclure la possibilité que la CCCME agisse dans l’intérêt des exportateurs chinois.

83.

Pareille appréciation n’est pas remise en question par l’arrêt du 10 juillet 1986, DEFI/Commission ( 59 ), dans lequel la Cour a jugé, en substance, que, en vertu de la réglementation française pertinente, le gouvernement français disposait du pouvoir de déterminer la gestion et la politique de l’organisation concernée et donc de définir également les intérêts que cet organisme devait défendre. Premièrement, dans cette affaire, l’État était le destinataire de la décision en matière d’aide d’État de la Commission et les entreprises bénéficiaires de l’aide étaient uniquement considérées comme des « parties intéressées » dans cette procédure, et, en tant que telles, ont été considérées comme ne pouvant prétendre elles-mêmes à un débat contradictoire avec la Commission, tel que celui ouvert au profit de l’État membre susmentionné ( 60 ). Dans la présente affaire, en revanche, le règlement de base traite tous les entreprises, associations représentatives des entreprises et représentants des pays concernés comme des parties intéressées. Par conséquent, la distinction opérée ci-dessus entre État et entreprise en droit des aides d’État n’est pas pertinente aux fins des procédures antidumping. Deuxièmement, dans cette affaire, l’organisation elle-même a admis qu’elle représentait non pas les bénéficiaires de l’aide en cause, mais des intérêts propres. Cependant, dans la présente affaire, comme l’a reconnu la Commission, la CCCME pourrait bien être une organisation représentant l’industrie chinoise dans son ensemble. Par conséquent, en l’espèce, dès lors que la situation de la CCCME n’est pas la même que celle de l’organisation française en question, il n’est pas possible de transposer mutatis mutandis le raisonnement suivi par la Cour dans l’arrêt du 10 juillet 1986, DEFI/Commission ( 61 ).

84.

Enfin, dans ses réponses aux questions écrites de la Cour, la Commission s’est référée à l’affiliation obligatoire pour établir qu’une entité telle que la CCCME ne saurait être une association représentative. Cependant, lors de l’audience, la Commission a reconnu que son argumentation ne portait que sur les ingérences de l’État et que la question de l’affiliation obligatoire n’était pas pertinente aux fins de la présente procédure. En tout état de cause, il convient d’observer que la Commission n’a produit aucune preuve d’une telle affiliation dans la présente affaire. Lors de l’audience, la CCCME a déclaré qu’il n’est pas obligatoire de s’y affilier et que, sauf preuve du contraire, il n’existe pas de raison de douter de l’exactitude de cette affirmation.

– Conclusion intermédiaire

85.

Eu égard à ce qui précède, j’estime que, quelle que soit l’ingérence alléguée de la RPC dans la CCCME, cette entité remplit le premier critère de la définition d’un groupement professionnel commercial au sens de l’article 6.11, i), de l’accord antidumping de 1994 et, partant, d’une association représentative au sens de l’article 5, paragraphe 11, du règlement de base.

ii) Les membres sont des producteurs, des exportateurs ou des importateurs du produit faisant l’objet d’une enquête

86.

S’agissant du second critère, selon l’article 6.11, i), de l’accord antidumping de 1994, la majorité des membres de l’entité concernée devraient produire, exporter ou importer le produit faisant l’objet d’une enquête.

87.

La Commission fait valoir, en substance, que les producteurs et les exportateurs de fonte ne représentent pas la majorité des membres de la CCCME de sorte que cette association ne saurait être considérée comme étant représentative de ces producteurs et exportateurs. Lors de l’audience, la Commission a ajouté que la majorité des membres de l’entité en cause doit être concernée par les enquêtes de la Commission.

88.

À cet égard, j’observe que le produit faisant l’objet d’une enquête peut être un produit très spécifique, comme c’est le cas en l’occurrence. La situation dans laquelle les exportateurs et les producteurs d’un produit spécifique tel que, comme c’est le cas dans la présente affaire, certains articles en fonte, ne composent pas la majorité des membres d’une association est plus que probable. Il ne semble pas raisonnable d’exiger qu’il existe une association pour chaque produit spécifique. Pareille exigence aboutirait, en substance, à une situation où, lorsque l’enquête antidumping a une portée matérielle très étroite, aucune association ne pourrait jamais être qualifiée d’« association représentative des exportateurs ». Par conséquent, j’estime qu’il y a lieu de lire l’article 6.11, i), de l’accord antidumping de 1994 en ce sens que l’association doit représenter « un nombre significatif d’opérateurs du secteur concerné » ( 62 ).

89.

Au regard des critères susmentionnés, j’estime que, dans la présente affaire, rien n’empêche de qualifier la CCCME d’« association représentative des exportateurs » du produit en cause. Par conséquent, je suis d’avis que la CCCME pouvait bénéficier de droits procéduraux en vertu du règlement de base en tant qu’association représentative des exportateurs de l’industrie chinoise de la fonte.

90.

Il s’ensuit que la CCCME doit être considérée comme étant individuellement concernée au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE en raison de la violation de ses droits procéduraux.

91.

S’agissant de la condition d’affectation directe, je relève que, dans son mémoire en réponse, la Commission se limite à déclarer que la « même erreur de droit entache également la conclusion relative à l’affectation directe figurant aux points 71 à 75 de l’arrêt [attaqué], car l’effet direct est fondé sur la constatation selon laquelle la CCCME jouit de droits procéduraux [...], de sorte que cette conclusion doit également être annulée ». Cependant, au regard du raisonnement exposé plus tôt dans les présentes conclusions et à défaut d’une contestation plus étayée par la Commission, j’estime que c’est à juste titre que le Tribunal a jugé, aux points 71 à 75 de l’arrêt attaqué, que la CCCME peut être considérée comme étant également directement concernée dès lors qu’elle ne peut obtenir le respect de ses droits procéduraux que si elle a la possibilité de contester le règlement attaqué.

92.

En conclusion, pour les raisons indiquées précédemment dans les présentes conclusions, je propose à la Cour d’annuler le raisonnement exposé aux points 58 à 60 et 68 à 70 de l’arrêt attaqué dès lors que la constatation que la Commission a reconnu le statut de partie intéressée à la CCCME pendant la procédure administrative ne saurait établir à suffisance de droit le respect de la condition d’affectation individuelle au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Cependant, si les motifs d’un arrêt du Tribunal révèlent une violation du droit de l’Union, mais que son dispositif apparaît fondé pour d’autres motifs de droit, une telle violation n’est pas de nature à entraîner l’annulation de cet arrêt. Au contraire, il convient alors de procéder à une substitution de motifs ( 63 ). Dans la présente affaire, je propose à la Cour de considérer que la CCCME a la qualité d’association représentative des exportateurs de l’industrie chinoise de la fonte et doit donc être considérée comme individuellement et directement concernée au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE en raison d’une violation de ses droits procéduraux. Je relève cependant que la portée exacte des garanties procédurales conférées à cette association, qui est une question de fond et non de recevabilité, dépendra de l’ensemble des intérêts qu’elle représente ( 64 ) et fera l’objet de l’analyse du cinquième moyen du pourvoi.

2.   Sur la deuxième fin de non-recevoir, en ce que le recours a été formé par la CCCME au nom de ses membres

93.

La Commission soutient que la CCCME ne saurait être qualifiée d’« association représentative » de sorte qu’elle n’est pas individuellement ou directement concernée au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. La Commission explique avoir soutenu devant le Tribunal que le droit d’agir en justice reconnu aux associations lorsqu’elles agissent au nom de leurs membres est réservé à celles qui sont représentatives de ces membres. En écartant, aux points 98 à 103 de l’arrêt attaqué, l’exigence selon laquelle une association ne peut être représentative que si elle est organisée de manière démocratique, le Tribunal a commis une erreur de droit.

94.

La Commission fait valoir qu’une association professionnelle assurant la défense des intérêts collectifs de ses membres ne saurait, dans le même temps, être une émanation d’un État organisé sur la base d’un régime communiste à parti unique. En tant qu’association professionnelle, elle serait tenue de défendre les intérêts de ses membres, tels que définis démocratiquement par ceux-ci, vis-à-vis de ce même État dont elle est l’émanation. Selon la Commission, une interprétation selon laquelle une association professionnelle ferait partie d’un État tout en défendant les intérêts collectifs de ses membres contre cet État n’est pas conforme aux principes fondamentaux de la démocratie représentative, tels que partagés par la tradition des États membres. La prise en considération des particularités de l’État dans lequel l’association est constituée irait à l’encontre du principe énoncé à l’article 3, paragraphe 5, TUE, selon lequel dans ses relations avec le reste du monde, l’Union affirme et promeut ses valeurs. En conséquence, la Commission invite la Cour à annuler la conclusion du Tribunal selon laquelle la CCCME constitue une association professionnelle habilitée à introduire des recours au nom de ses membres.

95.

Les intervenantes soutiennent que la CCCME n’est pas une association représentative au sens de l’article 6, paragraphe 7, du règlement de base, mais un représentant du pays exportateur au sens de cette disposition. La CCCME, organe semi-étatique, contrôle et coordonne les activités des producteurs-exportateurs qu’elle représente. La défense des intérêts des producteurs-exportateurs n’est donc qu’une conséquence de son rôle semi-étatique et primordial dans la gestion des marchés intérieur et d’exportation. Pour qu’une association représentative existe, le critère de la représentativité doit primer ce contrôle.

96.

La CCCME conteste être une « émanation » de la RPC et soutient que la Commission n’a pas apporté à la Cour de preuve réfutant cette contestation. L’existence d’un lien avec cet État ne serait pas suffisante puisque les chambres de commerce entretiennent des liens très étroits avec leurs États respectifs. En outre, la CCCME soutient que la Commission, premièrement, n’a pas contesté la constatation factuelle figurant au point 91 de l’arrêt attaqué concernant l’objet de la CCCME, deuxièmement, n’a pas démontré qu’elle n’était pas organisée de manière démocratique et, troisièmement, n’a pas contesté le fait que l’objet de la CCCME englobait les actions en justice destinées à défendre les intérêts de ses membres. La CCCME souligne également que ses statuts démontrent que ses membres ont le droit de vote.

97.

À titre liminaire, je tiens à souligner que la question de savoir si une entité est une « association représentative des [...] exportateurs » au sens du règlement de base ( 65 ) est distincte de celle de savoir si cette entité peut représenter ses membres dans le cadre d’un recours direct en annulation devant le Tribunal. Donc, comme je l’ai expliqué précédemment ( 66 ), la deuxième fin de non-recevoir doit être distinguée de la première, en ce qu’elle porte sur la possibilité pour la CCCME d’introduire un recours en annulation au nom de ses membres. La possibilité pour une association de représenter ses membres devant le juge de l’Union, et notamment sa qualité pour agir, obéit à des critères développés par la jurisprudence en relation avec l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

98.

Je relève qu’une association chargée de défendre les intérêts collectifs de producteurs n’est en principe recevable à introduire un recours en annulation au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE que si les entreprises qu’elle représente ou certaines d’entre elles ont qualité pour agir à titre individuel ( 67 ). Par conséquent, en vertu de cette disposition, est recevable le recours introduit par une association agissant aux lieu et place d’un ou de plusieurs de ses membres qui auraient pu eux-mêmes introduire un recours recevable ( 68 ), pour autant que ces membres n’aient pas eux-mêmes formé un recours pour défendre leur(s) propre(s) intérêt(s) ( 69 ).

99.

Cependant, il convient d’observer que, en droit primaire de l’Union, il n’existe pas de définition ni de critère uniformes d’une association chargée de défendre les intérêts collectifs de ses membres. À cet égard, l’article 263, quatrième alinéa, TFUE n’opérant aucun renvoi aux droits nationaux en ce qui concerne la signification à retenir de la notion d’« association », cette disposition doit être considérée comme une notion autonome du droit de l’Union, qui doit être interprétée de manière uniforme sur le territoire de cette dernière ( 70 ). Selon la jurisprudence, il y a lieu d’interpréter cette notion compte tenu des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie ( 71 ).

100.

Dès lors que ni les dispositions du droit primaire de l’Union ni la jurisprudence de la Cour n’ont défini le terme « association » aux fins de l’application de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE ( 72 ), je me tourne vers le contexte des règles régissant les associations. Je partage l’avis de la Commission selon lequel, suivant les traditions communes des États membres, la notion d’« association » implique que ces entités sont libres de se gouverner sans ingérence de l’État selon leurs propres règles et procédures, et, en particulier, de manière indépendante par rapport au gouvernement et aux autres pouvoirs publics ( 73 ). Ces caractéristiques découlent du droit fondamental à la liberté d’association au sens de l’article 12 de la Charte et de l’article 11 de la CEDH ( 74 ). Par conséquent, les législations nationales qui mettent en œuvre ce droit fondamental reconnu par l’ensemble des États membres doivent respecter ces exigences. À cet égard, c’est à juste titre que la Commission soutient que, en général, en droit national des États membres, l’État ne participe pas au processus décisionnel des associations ( 75 ). Cependant, ainsi que je l’ai observé précédemment ( 76 ), cette liberté ne saurait être utilisée comme un moyen pour empêcher des parties d’exercer leurs droits de la défense garantis par les articles 41 et 47 de la Charte aux fins de la qualité pour agir au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

101.

Certes, la Cour admet l’intervention d’associations représentatives qui ont pour objet la défense des intérêts de leurs membres dans des affaires soulevant des questions de principe de nature à affecter ces derniers ( 77 ). Cependant, dans l’affaire Venezuela/Conseil (Affectation d’un État tiers) ( 78 ), la Cour a jugé qu’une interprétation contextuelle et téléologique de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, à la lumière des principes de contrôle juridictionnel effectif et de l’État de droit, milite en faveur de considérer qu’un État tiers devrait avoir la qualité pour agir lorsque les autres conditions prévues par cette disposition sont remplies ( 79 ). Je souligne que, dans cette affaire, la Cour n’a pas subordonné la possibilité de former un recours en annulation au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE au processus décisionnel démocratique d’un État tiers, bien que la question de la représentativité démocratique de cet État puisse s’avérer problématique. Ce faisant, la Cour a adopté une approche « neutre » selon laquelle la qualité pour agir d’un État (qui peut notamment être défini comme une communauté politique et culturelle à laquelle des individus sont rattachés sur la base de différents critères tels que la nationalité, la résidence ou la religion) ( 80 ) n’a pas été subordonnée à son régime et selon laquelle le processus décisionnel démocratique n’a en aucun cas constitué un élément dans le cadre de cette détermination.

102.

Au regard de cette interprétation, pour autant que la Commission justifie, dans la présente affaire, l’exigence d’une condition supplémentaire relative à la représentativité de l’association en cause sur le fondement des principes fondamentaux de la démocratie et du principe énoncé à l’article 3, paragraphe 5, TUE ( 81 ), cette exigence aurait pour effet de limiter indûment l’accès au juge de la CCCME au nom de ses membres et de restreindre le principe de la protection juridictionnelle effective garanti par l’article 47 de la Charte.

103.

S’agissant de ce dernier principe, la Cour a jugé que, si les conditions de recevabilité prévues à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE doivent être interprétées à la lumière du droit fondamental à une protection juridictionnelle effective, pareille interprétation ne saurait aboutir à écarter les conditions expressément prévues par ce traité ( 82 ). Cependant, dans la présente affaire, de telles conditions n’existent pas. En revanche, l’interprétation de cette disposition suggérée par la Commission revient à ajouter une condition supplémentaire ayant pour effet de restreindre l’accès de certaines entités au Tribunal.

104.

En outre, la logique sous-jacente à l’autorisation d’une association d’agir au nom de ses membres peut dispenser le Tribunal d’avoir à examiner des recours multiples et est conforme à l’exigence d’une bonne administration de la justice en permettant d’éviter l’introduction d’un nombre élevé de recours dirigés contre les mêmes décisions par les membres de l’association représentant leurs intérêts ( 83 ). Partant, la condition supplémentaire susmentionnée suggérée par la Commission n’est pas justifiée au regard de la raison d’être de la représentation devant les juridictions par une association.

105.

Par la deuxième fin de non-recevoir, la Commission critique les points 89 à 103 de l’arrêt attaqué dans lesquels le Tribunal a rejeté l’argumentation relative à la possibilité pour la CCCME d’introduire un recours au nom de ses membres. Dans ces points, le Tribunal a écarté l’interprétation suggérée par la Commission selon laquelle l’arrêt du 28 février 2019, Conseil/Growth Energy et Renewable Fuels Association ( 84 ) avait introduit une exigence relative à la représentativité de l’association en cause.

106.

Cependant, selon moi, contrairement à ce que soutient la Commission, l’arrêt du 28 février 2019, Conseil/Growth Energy et Renewable Fuels Association (C‑465/16 P, EU:C:2019:155), n’introduit pas de condition supplémentaire relative à la représentativité de l’association en cause. En outre, rien dans cet arrêt n’indique qu’une prise de décision démocratique devrait constituer un facteur pour établir la représentativité d’une association professionnelle.

107.

En particulier, au point 123 de cet arrêt, la Cour a jugé qu’« il ne saurait être admis que l’absence de droit de vote de certains membres d’une association, ou d’un autre instrument leur permettant de faire prévaloir leurs intérêts au sein de cette dernière, suffit pour établir que ladite association n’a pas pour objet de représenter de tels membres ». Elle a conclu que le Tribunal avait commis une erreur de droit en jugeant qu’il appartenait à l’association en cause de démontrer non seulement que ses membres étaient directement et individuellement concernés, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, mais également que les membres dont elle entendait défendre les intérêts devaient pouvoir faire prévaloir leurs intérêts individuels au sein de ces associations. Ce faisant, la Cour a expressément écarté la faculté de faire valoir des droits individuels au sein des associations, à savoir l’exigence que les membres de l’association doivent avoir la possibilité que leurs intérêts prévalent au sein de l’association ( 85 ).

108.

En outre, ainsi que je l’ai déjà indiqué dans l’analyse de la première fin de non-recevoir, la question du contrôle par l’État et de la prise de décision démocratique soulève celle de la preuve d’une telle prise de décision ( 86 ). À cet égard, j’observe que, devant le Tribunal, la Commission a contesté la preuve de la représentation en déclarant que la « décision de la CCCME d’engager [le recours en annulation] » et les mandats donnés à la CCCME ne suffisaient pas à établir l’existence d’un processus démocratique au sein de l’association. Elle s’est également référée à l’article 4 des statuts de la CCCME qui mentionne le contrôle par les ministères ( 87 ).

109.

Une telle relation avec l’État, ainsi que je l’ai déjà observé ( 88 ), ne suffit pas pour déclarer que la CCCME est une émanation de l’État ou qu’elle n’est pas organisée de manière démocratique. En fait, la question de savoir si la CCCME est organisée de manière démocratique est trop large aux fins de statuer sur sa représentativité ( 89 ). La Commission elle-même convient que la question qui se pose dans la présente affaire n’est pas celle de la structure du droit de vote, mais du fait que la CCCME agirait sur instruction des ministères pertinents de la RPC ( 90 ). Cependant, je relève que, dans la présente affaire, rien n’indique comment la décision de former un recours a été prise ni que le gouvernement aurait joué un rôle dans l’adoption de cette décision. Les preuves fournies au Tribunal ne suffisent pas à démontrer que la décision d’engager une procédure a été prise sans le consentement des membres et sur ordre du gouvernement.

110.

J’estime par conséquent que la Cour devrait rejeter la deuxième fin de non‑recevoir, tirée de ce que la CCCME n’est pas représentative de ses membres dans une procédure en justice.

3.   Sur la troisième fin de non-recevoir, en ce que le recours a été formé par les requérantes non représentées par la CCCME

111.

La Commission relève que, s’agissant des autres requérantes non représentées par la CCCME, elle avait soutenu devant le Tribunal qu’il existait des doutes quant à l’habilitation des signataires à signer les mandats. Selon la Commission, en refusant, aux points 133 à 137 de l’arrêt attaqué, de vérifier une telle habilitation des signataires, le Tribunal a commis une erreur de droit.

112.

Cette institution invoque l’arrêt Barge/Haute Autorité ( 91 ), dans lequel la Cour a jugé que l’avocat, assistant ou représentant d’une partie, n’a pas à justifier d’une procuration en bonne et due forme pour l’introduction d’un recours, sauf à produire ce pouvoir en cas de contestation. Selon la Commission, l’article 38 du règlement de procédure de la Cour en vigueur à cette époque ne prévoyait aucune obligation de produire un mandat pour les recours formés par des particuliers. Cependant, dans cette affaire, la Cour, sur la base de son statut, a autorisé l’autre partie à contester l’existence d’une « procuration en bonne et due forme » et jugé que, dans une telle situation, la Cour est tenue de demander des preuves. Une modification du règlement de procédure du Tribunal ne saurait aller à l’encontre d’une exigence du statut, qui est une norme de rang supérieur à celles de ce règlement de procédure.

113.

Dans la présente affaire, la Commission demande à la Cour d’inviter les autres requérantes à produire les documents nécessaires à la vérification de l’exécution en bonne et due forme des mandats.

114.

Les requérantes soutiennent que, devant le Tribunal, la Commission n’a pas exprimé le moindre doute quant à la question de savoir si les signataires étaient habilités à signer les mandats, mais qu’elle a contesté la complétude des documents formels. C’est à juste titre que le Tribunal a confirmé que son règlement de procédure n’exigeait pas la preuve que le mandat donné à l’avocat avait été établi par un représentant qualifié à cet effet. Cependant, il n’a pas considéré ne plus devoir vérifier l’habilitation effective du signataire du mandat. Le Tribunal a simplement constaté que les documents obligatoires étaient en règle. La Commission n’a pas remis en cause le fait que les mandats avaient été donnés par des personnes habilitées à cet effet. À défaut d’arguments étayés susceptibles de remettre en cause ce qui précède, le Tribunal n’est pas tenu de demander la production d’une telle preuve.

115.

D’emblée, j’observe que la Commission a soutenu devant le Tribunal que, en ce qui concerne sept des autres personnes morales dont les noms figurent en annexe I de l’arrêt attaqué, la fonction de la personne qui a signé le mandat indiquée était celle d’« administrateur délégué », de « directeur général », de « contrôleur financier » ou de « directeur », sans autre précision ni que soit justifié si, en vertu du droit chinois, cette personne était habilitée à signer un tel mandat. En ce qui concerne les deux autres personnes morales dont les noms figurent dans cette annexe, la Commission a soutenu qu’elles ont fourni un mandat n’indiquant pas la fonction du signataire, sans, par ailleurs, joindre de documents établissant que ce dernier avait le pouvoir de signer un tel document.

116.

À cet égard, conformément à l’article 19, troisième et quatrième alinéas, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53 dudit statut ( 92 ), les parties autres que les États membres et les institutions de l’Union européenne doivent être représentées par un avocat habilité à exercer, notamment, devant une juridiction d’un État membre.

117.

Pour qu’un recours en annulation soit recevable, il est nécessaire de démontrer que la personne concernée a réellement pris la décision d’introduire le recours et que les avocats qui prétendent la représenter ont effectivement été mandatés à cette fin ( 93 ). À cet égard, l’article 51, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal exige des avocats, lorsque la partie qu’ils représentent est une personne morale de droit privé, qu’ils déposent au greffe un mandat délivré par cette dernière, le défaut de production d’un tel mandat étant susceptible d’entraîner, conformément à l’article 51, paragraphe 4, de ce règlement de procédure l’irrecevabilité formelle de la requête.

118.

S’agissant de l’article 51, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, j’observe que, contrairement à une version antérieure de ce règlement ( 94 ), cette disposition ne prévoit pas qu’une partie doit apporter la preuve que le mandat donné à l’avocat a été régulièrement établi par un représentant qualifié à cet effet. Dans sa propre jurisprudence, le Tribunal a inféré de la modification du règlement de procédure qu’une telle preuve n’est pas requise ( 95 ).

119.

Néanmoins, j’estime que l’assouplissement des règles de procédure au stade de l’introduction d’un recours en annulation est sans incidence sur l’exigence matérielle susmentionnée relative à la représentation des requérants par leurs avocats prévue à l’article 19 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, qui est une norme de rang supérieur à ce règlement de procédure. Dans un arrêt récent, la Cour a jugé que la condition d’indépendance imposée à l’article 19 aux représentants des parties non privilégiées peut faire l’objet d’un contrôle restreint par le juge de l’Union ( 96 ). Par analogie, le même niveau de contrôle devrait s’appliquer à l’exigence relative à la représentation en ce qui concerne la validité du mandat donné à l’avocat du requérant.

120.

Par conséquent, le fait que la nouvelle disposition, l’article 51, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, ne contienne pas de référence expresse à l’exigence d’une telle preuve n’exonère pas le Tribunal de vérifier la validité de l’habilitation de la personne qui signe le mandat lorsque l’autre partie a expressément contesté une telle validité. C’est à juste titre que la Commission relève que, en cas de contestation du mandat donné par une partie à son avocat, cette partie doit être en mesure de démontrer que la personne qui a signé le mandat est dûment habilitée à cet effet ( 97 ).

121.

Par conséquent, j’estime que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que, dès lors que son règlement de procédure n’exige pas la preuve que le mandat donné à l’avocat a été établi par un représentant qualifié à cet effet, la contestation de la régularité de ce mandat par la Commission devait être rejetée.

122.

Cela étant, lorsque la Commission entend contester l’exercice d’un tel mandat, elle devrait, pour le moins, supporter la charge de démontrer que cette contestation est, à première vue, justifiée. Dans la présente affaire, la Commission s’appuie sur de simples allégations. Premièrement, elle invoque le fait que certains signataires des mandats en cause ne précisent pas leurs fonctions et ne joignent pas de documents attestant le pouvoir de signer de tels actes. Deuxièmement, la Commission fonde son argumentation sur le fait que certains signataires, qui ont précisé leur fonction de président-directeur général, de directeur général, de contrôleur financier ou de directeur n’ont pas prouvé que, en vertu du droit chinois, ils étaient habilités à signer de tels mandats. Pareilles allégations doivent, cependant, être dûment étayées ( 98 ).

123.

Il s’ensuit que le point 136 de l’arrêt attaqué est entaché d’une erreur de droit. Cependant, si les motifs d’un arrêt du Tribunal révèlent une violation du droit de l’Union, mais que son dispositif apparaît fondé pour d’autres motifs de droit, une telle violation n’est pas de nature à entraîner l’annulation de cet arrêt. Au contraire, il convient alors de procéder à une substitution de motifs ( 99 ). Dans la présente affaire, je recommande à la Cour d’annuler ce point et de juger que les arguments de la Commission ne constituent pas une contestation au fond du fait que le mandat donné à l’avocat de la requérante l’a été en bonne et due forme par une personne habilitée à cet effet.

124.

J’en viens à présent au fond de l’affaire, en portant une attention particulière à la première branche du premier moyen du pourvoi ainsi qu’aux deuxième et cinquième moyens du pourvoi.

B. Sur la première branche du premier moyen du pourvoi

125.

Selon les requérantes, le Tribunal a commis une erreur aux points 152 à 211 et 398 à 403 de l’arrêt attaqué en ne constatant pas de violation de l’article 3, paragraphes 2, 3, 5, 6 et 7, du règlement de base ni du principe de bonne administration en ce qui concerne les données relatives aux importations.

126.

Je commencerai par observer que la Commission a procédé à des ajustements des données relatives aux importations, décrits aux points 159 à 166 de l’arrêt attaqué. En substance, ces ajustements étaient basés sur l’idée que les proportions des volumes des différents produits relevant du même code de produit étaient restées inchangées dans le temps et entre pays. Les requérantes ont contesté ces ajustements devant le Tribunal en considérant que cette méthode reposait sur des hypothèses injustifiées et déraisonnables de sorte que les volumes pris en compte n’étaient pas basés sur des éléments de preuve positifs.

127.

Au point 196 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté ces arguments. Il a jugé que, en l’absence d’informations plus précises et plus récentes d’un degré de fiabilité similaire ou plus élevé, compte tenu du caractère raisonnable et plausible des estimations présentées par la Commission et eu égard à la large marge d’appréciation dont dispose cette institution, le volume des importations avait été correctement établi.

128.

Devant la Cour, les requérantes invoquent deux arguments, que je vais examiner dans la suite des présentes conclusions.

1.   Sur le recours aux données de référence

129.

Les requérantes soutiennent que c’est à tort que le Tribunal a jugé que les données relatives aux importations sur lesquelles s’est fondée la Commission pouvaient être considérées comme des éléments de preuve positifs et que leur utilisation était justifiée. La motivation de l’arrêt attaqué ne répond pas à la critique relative à l’hypothèse sur laquelle s’est fondée la Commission, en vertu de laquelle la proportion des volumes et les prix des produits au sein d’un code donné, issus de la nomenclature combinée (ci-après la « NC ») ( 100 ) pour les années de référence, étaient restés constants au cours des années suivantes et avaient été appliqués à différentes origines. Elles soutiennent que, en affirmant que la Commission avait le droit de prendre en compte les données de l’année de référence, le Tribunal a commis une erreur de droit. En particulier, les requérantes contestent le point 194 de l’arrêt attaqué, où le Tribunal admet l’application des estimations sur lesquelles la Commission s’est fondée pour rejeter la première branche du premier moyen en première instance. Selon les requérantes, le Tribunal ne répond pas à leur argument tiré de ce que la Commission n’avait pas le droit de se fonder sur l’hypothèse susmentionnée.

130.

Les requérantes soutiennent que, à défaut d’éléments de preuve la corroborant, une telle hypothèse ne saurait être raisonnable et qu’elle ne satisfait pas à l’exigence d’éléments de preuve positifs prévue à l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base. Les données relatives aux importations sont précisément invoquées pour apprécier l’évolution des importations et les différences entre les pays. Les requérantes estiment par conséquent que l’hypothèse selon laquelle il n’y a pas eu d’évolution est absurde.

131.

La Commission, soutenue par les intervenantes, fait valoir que le Tribunal n’a pas commis d’erreur en concluant au respect de l’exigence d’éléments de preuve positifs prévue à l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base.

132.

D’emblée, je rappelle que, selon une jurisprudence constante, les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation dans le domaine, particulièrement, des mesures antidumping et de la détermination de l’existence d’un préjudice en raison de la complexité des situations économiques, politiques et juridiques qu’elles doivent examiner ( 101 ).

133.

À cet égard, il appartient à la Commission, conformément à l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base, d’apporter des éléments de preuve positifs et de mener un examen objectif concernant les données relatives aux éléments du préjudice ( 102 ).

134.

Il s’ensuit que le contrôle du juge de l’Union doit porter non seulement sur l’existence d’éventuelles erreurs de droit, mais aussi sur le respect des règles de procédure, l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits et l’absence de détournement de pouvoir. Il en va, en particulier, ainsi s’agissant de la détermination de l’existence d’un préjudice causé à l’industrie de l’Union, qui suppose l’appréciation de situations économiques complexes ( 103 ). Par ailleurs, il appartient à la partie requérante de produire les éléments de preuve permettant au Tribunal de constater que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation dans l’évaluation du préjudice ( 104 ).

135.

En outre, le contrôle par le Tribunal des éléments de preuve sur lesquels les institutions de l’Union fondent leurs constatations ne constitue pas une nouvelle appréciation des faits remplaçant celle de ces institutions. Ce contrôle n’empiète pas sur le large pouvoir d’appréciation desdites institutions dans le domaine de la politique commerciale, mais se limite à apprécier si ces éléments sont de nature à étayer les conclusions tirées par celles-ci. Il appartient, dès lors, au Tribunal non seulement de vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également de contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à fonder les conclusions qui en sont tirées ( 105 ).

136.

Dans la présente affaire, la Cour doit décider si c’est à juste titre que le Tribunal a admis l’approche de la Commission consistant à extrapoler les volumes absolus et relatifs des importations du produit concerné pour les années et les pays de référence aux années suivantes et à d’autres pays.

137.

S’agissant de l’utilisation des données d’Eurostat, la Cour a non seulement jugé qu’il était approprié de les utiliser pour établir un préjudice ( 106 ), mais que la Commission devait également les examiner « avec la diligence requise » lorsqu’elles sont contestées ( 107 ). Cependant, il ressort de la jurisprudence de la Cour que par « contestation » des données d’Eurostat, il y a lieu d’entendre que les parties doivent démontrer l’existence d’inexactitudes matérielles constituant des erreurs de fait ( 108 ). Pareille règle découle de la jurisprudence susmentionnée en vertu de laquelle il appartient à la partie requérante de produire les éléments de preuve permettant au Tribunal de constater que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation dans l’évaluation du préjudice. Il convient de relever que les requérantes avaient soutenu, devant le Tribunal, que ni la Commission ni les plaignantes n’avaient expliqué en quoi ces hypothèses étaient justifiées ou raisonnables, que la Commission n’avait pas cherché à obtenir des informations pour en vérifier l’exactitude et que, dès lors, les données relatives aux importations n’étaient pas fondées sur des éléments de preuve positifs ( 109 ). Ce faisant, les requérantes cherchaient, en substance, à déplacer la charge de la preuve sur la Commission et à s’exonérer d’une véritable contestation de la fiabilité des données utilisées.

138.

Par conséquent, c’est à juste titre que le Tribunal a jugé que, si les parties entendent contester la fiabilité des données utilisées par la Commission à propos du volume des importations faisant l’objet d’un dumping, elles doivent étayer leurs affirmations par des éléments de nature à jeter un doute, d’une manière concrète, sur la crédibilité de la méthode ou des données utilisées par cette institution ( 110 ). Dans la présente affaire, le Tribunal n’a pas identifié pareille erreur de fait et, à ce stade, la Cour devrait s’abstenir de réapprécier les faits, ce qui ne relève pas de sa compétence dans le cadre d’un pourvoi.

139.

Concernant les ajustements et extrapolations aux fins de la détermination de l’existence d’un préjudice, la Cour n’a pas énoncé de critère permettant de déterminer ce qui constitue un ajustement ou une extrapolation admissibles. La Cour devrait par conséquent apprécier si les ajustements et extrapolations en cause sont admissibles au regard des rapports de l’organe d’appel de l’OMC relatifs à l’article 3.1 de l’accord antidumping de 1994.

140.

À cet égard, dans le rapport États-Unis – Acier laminé à chaud, l’organe d’appel de l’OMC a considéré que l’expression « éléments de preuve positifs » se rapporte à « la qualité des éléments de preuve sur lesquels les autorités peuvent se fonder pour établir une détermination » et que le terme « positifs » signifie « que les éléments de preuve doivent être de caractère affirmatif, objectif et vérifiable, et qu’ils doivent être crédibles » ( 111 ).

141.

En outre, dans le rapport Mexique – Mesures antidumping définitives visant le riz, l’organe d’appel de l’OMC a admis que, dans les limites du pouvoir discrétionnaire dont bénéficie une autorité chargée de l’enquête pour adopter une méthode devant guider son analyse du préjudice, il se peut que cette autorité doive se fonder sur des hypothèses raisonnables ou faire des inférences. Il a cependant ajouté que, ce faisant, l’autorité chargée de l’enquête doit s’assurer que ses déterminations sont fondées sur des « éléments de preuve positifs ». Donc, lorsqu’une détermination repose sur des hypothèses, celles-ci devraient être établies en tant qu’inférences raisonnables à partir d’un fondement crédible de faits et devraient être suffisamment expliquées pour que leur objectivité et leur crédibilité puissent être vérifiées ( 112 ). Dans cette affaire, l’organe d’appel de l’OMC a considéré qu’il s’attendait à ce que l’autorité chargée de l’enquête en cause « justifie le caractère raisonnable et la crédibilité d’hypothèses particulières » ( 113 ).

142.

Il découle de ces rapports que, en cas d’indisponibilité des données permettant d’établir directement l’existence de certains faits, l’autorité chargée de l’enquête peut déterminer l’existence d’un préjudice en se fondant sur des données ajustées tirées d’inférences raisonnables ou d’hypothèses raisonnables. Cela pose la question de ce qu’est une hypothèse raisonnable ou une inférence raisonnable. Selon moi, une hypothèse ou une inférence est raisonnable lorsqu’elle est plus vraisemblable que fausse. Il s’agit d’une évaluation de la probabilité de scénarios, dans le cadre de laquelle des inférences raisonnables ont une forte probabilité d’être vraies. Premièrement, à cet effet, lorsque la Commission se fonde sur une inférence tirée d’ajustements de données connues, ces données doivent être fiables et exactes ( 114 ). Par conséquent, la Commission a en général recours aux données d’Eurostat qui ont été collectées en vertu d’une procédure bien établie impliquant un niveau suffisant de contrôle. Deuxièmement, les ajustements doivent être faits en appliquant une méthode plausible et transparente, garantissant ainsi une inférence hautement probable susceptible de constituer une inférence ou une hypothèse raisonnables.

143.

Par conséquent, s’agissant de l’appréciation des ajustements et extrapolations aux fins de la détermination de l’existence d’un préjudice, le contrôle juridictionnel doit se limiter à vérifier si l’hypothèse sur laquelle se fonde la Commission repose sur des données fiables et exactes et si les ajustements sont effectués en appliquant une méthode plausible et transparente. Au regard de ces considérations, le Tribunal aurait dû examiner si les ajustements et extrapolations effectués par la Commission sur les données d’Eurostat relatives aux produits concernés constituaient une inférence raisonnable ou une hypothèse raisonnable.

144.

Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a expliqué de manière très détaillée comment la Commission a procédé à des ajustements et à des extrapolations et a déterminé si les données utilisées par la Commission pouvaient être juridiquement qualifiées d’« éléments de preuve positifs » ( 115 ). Premièrement, il a décrit la projection de 30 % du volume des importations faisant l’objet d’un dumping pour la période postérieure à l’année 2014. En substance, la Commission s’est fondée sur des données existantes connues, à savoir la ventilation des produits importés avant l’année 2014 ( 116 ). Deuxièmement, dès lors que le pourcentage exact de ventilation du pays d’origine de certains produits n’était pas connu, le Tribunal a expliqué la méthode d’estimation du pourcentage du volume des importations du produit concerné selon le pays d’origine ( 117 ). Troisièmement, le Tribunal a précisé la façon dont la Commission, d’office, a déduit le volume d’une catégorie spécifique de produits (les grilles de caniveau) en tenant compte des ventes moyennes de ces produits réalisées par les producteurs-exportateurs chinois retenus dans l’échantillon pendant la période d’enquête ( 118 ). Au regard de ces explications détaillées, le Tribunal a établi à première vue que ces méthodes étaient plausibles et transparentes. Puis, le Tribunal a apprécié en détail les trois griefs invoqués par les requérantes ( 119 ).

145.

À cet égard, il importe de souligner que, dans son appréciation, le Tribunal a constaté, en substance, que la Commission s’était fondée sur des ratios fiables et précis concernant des périodes antérieures ou les différents pays d’origine. Ainsi, au point 196 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que les estimations présentées par la Commission étaient « raisonnables » et « plausibles ». En substance, il a tenu compte de ce que les ajustements et extrapolations se fondaient sur une base crédible et qu’ils étaient appropriés. Ce faisant, le Tribunal a procédé à un examen de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de la vraisemblance raisonnable de l’hypothèse, ce qui, selon moi, ainsi que je l’ai expliqué dans les présentes conclusions ( 120 ), est le critère juridique correct.

146.

En particulier, les requérantes ont soutenu lors de l’audience qu’il y avait certainement eu des variations dans les proportions des produits en cause et que supposer l’absence de changements était « manifestement illogique ». Elles ont fait valoir que, selon la « simple logique », les proportions des produits ont varié avec le temps. Selon moi, c’est à juste titre que le Tribunal a jugé les estimations plausibles et raisonnables et, donc, qu’il était raisonnable que la Commission suppose que le volume des importations du produit concerné d’un code déterminé de la NC ou d’un pays donné demeure constant dans le temps. Comme l’ont soutenu les intervenantes lors de l’audience devant la Cour, il est raisonnable de supposer que la demande pour les deux produits en cause, à savoir du mobilier urbain et des couvercles de trou d’homme, était stable avant et après l’année 2014 dès lors que ces deux produits ont une durée de vie plutôt longue et que le volume des importations de ces produits est demeuré stable dans le temps. Donc, il existait une probabilité élevée que la proportion de ces produits soit restée la même avant l’année 2014, alors qu’il existait des données relatives à cette proportion, et après l’année 2014, alors que ces données n’existaient pas. Ainsi que je l’ai déjà expliqué, la Commission s’est fondée sur des données connues et elle a suivi une méthode plausible et transparente, garantissant ainsi une conclusion très probablement vraie. Par conséquent, le Tribunal n’a pas commis d’erreur en jugeant que l’inférence de la Commission était raisonnable.

147.

Au regard des rapports susmentionnés de l’organe d’appel de l’OMC admettant des « inférences raisonnables » ( 121 ) et du large pouvoir d’appréciation de la Commission ( 122 ), j’estime donc que les données relatives au produit concerné peuvent être extrapolées et ajustées comme expliqué dans les présentes conclusions ( 123 ). Les ajustements et l’extrapolation en cause constituent un élément de preuve positif au sens des rapports de l’organe d’appel de l’OMC et de l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base. Le Tribunal n’a donc pas commis d’erreur, aux points 183 à 196 de l’arrêt attaqué, en rejetant la critique des requérantes et en approuvant les estimations en cause.

2.   Sur le rejet des autres données

148.

Dans leur pourvoi, les requérantes contestent le rejet par le Tribunal, aux points 178 et 179 de l’arrêt attaqué, des autres données qu’ils ont fournies. Devant le Tribunal, les requérantes avaient soutenu que la Commission aurait dû tenir compte des données d’exportation des douanes chinoises, qui montrent une exagération des estimations de l’Union ( 124 ).

149.

Pour éviter de répondre aux données effectivement utilisées par la Commission, les requérantes ont présenté d’autres données. Aux points 178 et 179 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté à juste titre les arguments des requérantes en déclarant qu’il appartenait aux requérantes en première instance, si elles entendent contester la fiabilité des données utilisées par la Commission à propos du volume des importations faisant l’objet d’un dumping, d’étayer leurs affirmations par des éléments de nature à jeter un doute, d’une manière concrète, sur la crédibilité de la méthode ou des données utilisées par cette institution. Le Tribunal a donc rappelé qu’un requérant ne saurait se limiter à produire d’autres chiffres, mais doit produire des éléments susceptibles de mettre en cause les données fournies par la Commission.

150.

Dans le cadre du pourvoi, il semble que les requérantes n’identifient aucune erreur de droit spécifique dans cette analyse, ce qui rend cet argument irrecevable. En tout état de cause, l’argument devrait être rejeté comme étant non fondé. Pour les raisons que j’ai expliquées dans les présentes conclusions ( 125 ), les parties doivent étayer leurs affirmations par des éléments de nature à jeter un doute, d’une manière concrète, sur la crédibilité de la méthode ou des données utilisées par cette institution ( 126 ), plutôt que de se limiter à fournir d’autres chiffres issus de sources différentes. Ainsi que je l’ai expliqué dans les présentes conclusions, il appartient à la partie requérante de produire les éléments de preuve permettant au Tribunal de constater que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation dans l’évaluation du préjudice ( 127 ).

151.

Dans ces circonstances, je propose à la Cour de rejeter la première branche du premier moyen du pourvoi comme étant partiellement irrecevable et partiellement non fondée.

C. Sur le deuxième moyen du pourvoi

152.

Les requérantes affirment que le Tribunal a commis une erreur de droit aux points 302 à 311 de l’arrêt attaqué en ce qu’il n’a examiné que leurs arguments relatifs aux coûts de production de l’une des entreprises de l’Union (Saint-Gobain PAM Canalisation SAS) et pas ceux relatifs à sa rentabilité. En particulier, eu égard au fait que Saint-Gobain PAM Canalisation vendait le produit concerné à la fois directement à des acheteurs indépendants et indirectement par l’intermédiaire d’entités de vente liées, la seule manière de vérifier le bénéfice effectivement réalisé par le groupe Saint-Gobain PAM Canalisation était de comparer, d’une part, les prix de vente aux acheteurs indépendants et, d’autre part, les coûts de production du producteur ainsi que les frais de vente, frais généraux et dépenses administratives (ci-après les « frais VAG ») des revendeurs.

153.

En prenant en considération les seuls coûts de production encourus par Saint-Gobain PAM Canalisation dans le cadre de la fabrication, quel que soit le type de vente qui interviendrait par la suite, la Commission aurait omis de prendre en compte, lors du calcul de la rentabilité globale de cette entreprise, les bénéfices « cachés » obtenus par le producteur à partir des ventes à des entités liées. Lors de l’audience, les requérantes ont soutenu que la Commission avait exclu les coûts des revendeurs indépendants.

154.

En particulier, les requérantes font valoir que, dans une situation où les entités de vente liées réalisent un bénéfice de 2 % sur leurs ventes à des acheteurs indépendants et où le producteur réalise un bénéfice de 10 % sur ses ventes à des entités de vente liées, le profit total réel du groupe Saint-Gobain PAM Canalisation correspondrait à la somme des chiffres obtenus à partir de ces pourcentages. Cependant, en appliquant sa propre méthode, la Commission aurait conclu, dans cette situation, que le groupe Saint-Gobain PAM Canalisation a réalisé un bénéfice de seulement 2 %. Le bénéfice supplémentaire de 10 % obtenu par le producteur sur ses ventes aux entités de vente liées demeure « caché » et ces ventes sont considérées comme des coûts aux fins de l’analyse du préjudice.

155.

La Commission, soutenue par les intervenantes, soutient que le deuxième moyen du pourvoi est irrecevable.

156.

D’emblée, je rappelle que, en vertu de l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base, la détermination de l’existence d’un préjudice doit se fonder sur des éléments de preuve positifs et comporter un examen objectif de l’effet des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union. En ce qui concerne plus particulièrement l’effet des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix, l’article 3, paragraphe 3, du règlement de base prévoit l’obligation d’examiner s’il y a eu, pour ces importations, une sous-cotation notable du prix par rapport au prix d’un produit similaire de l’industrie de l’Union ou si ces importations ont plutôt pour effet de déprimer sensiblement les prix ou d’empêcher dans une mesure notable des hausses de prix qui, sans cela, se seraient produites.

157.

S’agissant de l’appréciation de cette incidence, l’article 3, paragraphe 5, du règlement de base dispose qu’elle doit se fonder sur l’évaluation de tous les facteurs et indices économiques pertinents qui influent sur la situation de l’industrie de l’Union. Cette disposition contient une liste des différents facteurs susceptibles d’être pris en considération. Elle précise également que cette liste n’est pas exhaustive et qu’un seul ou plusieurs de ces facteurs ne constituent pas nécessairement une base de jugement déterminante ( 128 ).

158.

Il convient de formuler deux observations liminaires concernant ce moyen du pourvoi.

159.

En premier lieu, en ce qui concerne les facteurs visés au point précédent, il importe de distinguer les indicateurs macroéconomiques et microéconomiques. D’une part, les indicateurs macroéconomiques tels que la production, les capacités de production, l’utilisation des capacités, les volumes des ventes, les parts de marché, l’emploi, la croissance, la productivité, l’importance de la marge de dumping et le rétablissement à la suite de pratiques de dumping antérieures se fondent sur les données de l’industrie de l’Union dans son ensemble, à savoir tous les producteurs de l’Union ( 129 ). D’autre part, les indicateurs microéconomiques incluent les prix unitaires moyens, le coût unitaire, le coût de la main-d’œuvre, les stocks, la rentabilité, les flux de liquidités, les investissements, le rendement des investissements et l’aptitude à mobiliser des capitaux. Il ressort des considérants 161 à 167 du règlement provisoire que ces derniers facteurs ont été examinés sur la base des informations tirées des réponses des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon au questionnaire de la Commission concernant le préjudice ( 130 ).

160.

Le deuxième moyen du pourvoi semble porter sur un indicateur microéconomique de préjudice en particulier, à savoir la rentabilité de l’industrie de l’Union. Dès lors qu’il s’agit d’un indicateur microéconomique de préjudice, la Commission a basé ses calculs sur les réponses à ce questionnaire ( 131 ).

161.

En second lieu, le calcul de la rentabilité est expliqué au considérant 161 du règlement provisoire et ses résultats figurent au tableau 12 de ce règlement. La Commission explique avoir « établi la rentabilité des trois producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon en exprimant le bénéfice net avant impôt tiré des ventes du produit similaire à des acheteurs indépendants dans l’Union en pourcentage du chiffre d’affaires généré par ces ventes ». Comme l’a expliqué la Commission dans ses réponses aux questions de la Cour, il s’agit de « la différence entre le coût de production du groupe, qui comprend les [frais] VAG de la société de vente liée, et le prix payé par le premier acheteur indépendant » ( 132 ). Il s’ensuit que la rentabilité est la différence entre deux chiffres, à savoir le coût de production de l’entreprise, d’une part, et le prix payé par le premier acheteur indépendant, d’autre part.

162.

Devant le Tribunal, les requérantes avaient affirmé par la cinquième branche de leur premier moyen que « pour calculer le préjudice subi par l’industrie de l’Union, la Commission [avait] utilisé, dans le cas de Saint-Gobain PAM [Canalisation], des prix facturés pour des reventes à l’intérieur du groupe de sociétés dont ce producteur fait partie (usage de prix de transfert), sans évaluer le caractère autonome de ces prix d’achat » ( 133 ). Plus précisément, les requérantes avaient soutenu devant le Tribunal que la Commission aurait dû utiliser le coût de production de Saint-Gobain PAM Canalisation (France) augmenté des frais VAG respectifs de Saint-Gobain PAM Canalisation (Allemagne), Espagne et Italie, et les comparer aux prix pratiqués par ces sociétés de vente liées vis-à-vis du premier acheteur indépendant. Cette seconde méthode aurait éliminé toute augmentation artificielle du prix de vente convenu entre Saint-Gobain PAM Canalisation et les sociétés liées.

163.

Devant la Cour, les requérantes contestent l’examen par le Tribunal de l’inclusion des prix intragroupe dans le calcul des coûts de l’industrie de l’Union ( 134 ). Selon elles, le Tribunal a commis une erreur aux points 302 à 311 de l’arrêt attaqué en ce qu’il n’a examiné que leurs arguments relatifs aux coûts et pas ceux relatifs à la rentabilité de Saint-Gobain PAM Canalisation.

164.

Les constatations du Tribunal à cet égard figurent aux points 305 et 306 de l’arrêt attaqué. Il a établi que le fait que Saint-Gobain PAM Canalisation vendait le produit visé non seulement, directement, à des acheteurs indépendants, mais également, indirectement, par l’intermédiaire d’entités liées, était sans incidence sur l’établissement des coûts de production. Il a conclu au point 307 de cet arrêt que le fait que certaines ventes aient été effectuées par l’intermédiaire de sociétés liées n’a eu aucune incidence sur le calcul des coûts de production de Saint‑Gobain PAM Canalisation et, partant, sur l’évaluation du préjudice subi par l’industrie de l’Union.

165.

À cet égard, je dois souligner que l’argumentation des requérantes devant le Tribunal et la Cour concerne le premier facteur de détermination de la rentabilité, à savoir le coût de production. La constatation que la détermination des coûts de production ne dépend pas des ventes intragroupe est une constatation de fait qui ne peut pas être contestée dans le cadre d’un pourvoi. Il importe de relever que le Tribunal n’établit pas, contrairement à ce que soutiennent les requérantes ( 135 ), que le calcul des bénéfices était basé sur le prix d’achat intragroupe convenu entre Saint-Gobain PAM Canalisation et les entités liées. Par conséquent, l’argumentation selon laquelle la Commission n’a pas révélé les « bénéfices cachés » en raison des ventes intragroupe doit être rejetée dès lors que ces ventes n’étaient pas pertinentes pour la détermination des coûts de production.

166.

En tout état de cause, il semble, au vu de ses explications devant la Cour, que la Commission n’a pas utilisé les bénéfices intragroupe pour calculer la rentabilité de Saint-Gobain PAM Canalisation. Comme la Commission l’a expliqué, elle a d’abord calculé le coût de production de chaque produit fabriqué par le producteur de l’Union retenu dans l’échantillon ( 136 ). Ce coût de production a par la suite été comparé aux prix de vente facturés au premier acheteur indépendant sur le marché de l’Union. En d’autres termes, lorsque le producteur de l’Union vend d’abord le produit à une entité liée, la Commission utilise le prix facturé par cette entité liée au premier acheteur indépendant. Par conséquent, le calcul de la rentabilité n’a inclus aucun prix facturé entre deux entités liées d’un producteur de l’Union ( 137 ). Enfin, sur la base de la rentabilité de chaque producteur de l’Union retenu dans l’échantillon ayant répondu au questionnaire, la Commission a agrégé ces données et en a calculé la moyenne, pour former l’indicateur de préjudice « rentabilité » ( 138 ). Par conséquent, il me semble que c’est à juste titre que le Tribunal a jugé, au point 306 de l’arrêt attaqué, que, s’agissant du calcul du coût de production du fabricant, les prix de vente intragroupe étaient sans incidence.

167.

Je ne crois donc pas qu’il puisse être fait grief au Tribunal d’avoir accepté l’approche de la Commission. La détermination de l’existence d’un préjudice semble, partant, basée sur des éléments objectifs. Dans ces circonstances, je propose à la Cour de rejeter le deuxième moyen du pourvoi comme étant non fondé.

D. Sur le cinquième moyen du pourvoi

1.   Sur la première branche

168.

Par la première branche de leur cinquième moyen de pourvoi, les requérantes contestent l’irrecevabilité partielle du troisième moyen en première instance relatif à la possibilité pour différentes entités d’invoquer une violation des droits de la défense.

169.

Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a identifié trois cas de figure, qui dépendent de l’identité de l’entité articulant le moyen. Dans le premier cas de figure, la CCCME agit en son nom propre et revendique ses propres droits procéduraux. Dans le deuxième cas de figure, le moyen est formulé par les membres de la CCCME et les autres personnes morales dont les noms figurent en annexe I de l’arrêt attaqué, lesquels mettent en cause le règlement attaqué au motif que ne leur auraient pas été communiquées des informations essentielles à la défense de leurs intérêts. Le troisième cas de figure inclut deux scénarios différents. Premièrement, les autres personnes morales dont les noms figurent dans cette annexe font valoir que les droits procéduraux de la CCCME ont été violés ( 139 ). Deuxièmement, les membres de la CCCME invoquent une violation de leurs propres droits procéduraux en ce que la CCCME aurait exercé les droits procéduraux de ses membres durant la procédure antidumping ( 140 ).

170.

Les requérantes contestent les deuxième et troisième cas de figure.

171.

En ce qui concerne le deuxième cas de figure, les requérantes font valoir que, aux points 434 à 438 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a commis une erreur en constatant que les membres de la CCCME et les neuf autres requérantes n’avaient pas participé à l’enquête et que, partant, leur grief tiré de l’absence de communication d’informations relatives à la détermination de l’existence d’un dumping et d’un préjudice est irrecevable. Selon les requérantes, ces personnes avaient participé à l’enquête dès lors qu’elles avaient coopéré à la composition de l’échantillon ou avaient elles-mêmes été incluses dans l’échantillon.

172.

Ces arguments soulèvent la question de savoir si le fait de répondre au questionnaire d’échantillonnage et d’être disposé à faire partie d’un échantillon est suffisant, en droit, pour qualifier un producteur-exportateur de « partie intéressée » au sens de l’article 5, paragraphe 10, second alinéa, du règlement de base, qualification permettant à cette partie de bénéficier des garanties procédurales prévues par ce règlement.

173.

Avant de répondre à cette question, je relève que la manière dont la Commission a échantillonné les producteurs chinois conformément à l’article 17 du règlement de base est décrite aux considérants 22 et 23 du règlement provisoire. La Commission a expliqué que, afin de décider s’il était nécessaire de recourir à l’échantillonnage et, dans l’affirmative, de sélectionner un échantillon, la Commission a demandé à tous les producteurs-exportateurs de la RPC de fournir les informations spécifiées dans l’avis d’ouverture ( 141 ). Quatre-vingt-un producteurs-exportateurs de la RPC ont fourni les informations demandées et ont accepté d’être inclus dans l’échantillon ; 78 d’entre eux ont été considérés comme étant admissibles pour constituer l’échantillon ( 142 ). En fonction du plus grand volume représentatif d’exportations vers l’Union, la Commission a constitué un échantillon provisoire composé de trois producteurs ayant coopéré. Conformément à l’article 17, paragraphe 2, du règlement de base, tous les producteurs-exportateurs connus concernés ainsi que les autorités chinoises ont été consultés sur l’échantillon sélectionné. À la demande de certaines parties, la Commission a modifié l’échantillon en incluant les cinq plus grands producteurs‑exportateurs vers l’Union. La Mission de la République populaire de Chine auprès de l’Union européenne s’est dite satisfaite de la composition de l’échantillon final. Il découle de cette description et des explications données par la Commission lors de l’audience devant la Cour qu’il y avait en réalité trois catégories de producteurs-exportateurs, à savoir, premièrement, ceux qui avaient répondu à l’avis d’ouverture et qui constituaient donc des parties intéressées, deuxièmement, ceux inclus dans l’échantillon et, troisièmement, ceux ayant coopéré avec la Commission aux fins de l’établissement de la composition de l’échantillon.

174.

Devant le Tribunal, les producteurs-exportateurs ont invoqué une violation de leurs propres droits de la défense. Le Tribunal a rejeté le troisième moyen d’annulation soulevé devant lui en ce qu’il était invoqué par les producteurs‑exportateurs retenus dans l’échantillon et par les autres producteurs‑exportateurs ayant coopéré ( 143 ). Devant la Cour, les requérantes soutiennent que le Tribunal a commis une erreur dans la qualification juridique des faits ( 144 ). Selon elles, les personnes ayant répondu au questionnaire d’échantillonnage doivent être qualifiées de « producteurs-exportateurs participant à l’enquête » ( 145 ).

175.

À cet égard, j’observe qu’il est constant que certaines personnes ont coopéré à la sélection de l’échantillon et ont également été incluses dans cet échantillon. Pour déterminer la nature de la participation de ces personnes à la procédure administrative, il convient d’examiner s’il existe un éventuel recoupement entre la notion de « participants à l’enquête » au sens de l’article 5, paragraphe 10, du règlement de base, et celle de « participants à l’échantillonnage » au sens de l’article 17 de ce règlement.

176.

D’une part, l’article 5, paragraphe 10, second alinéa, du règlement de base dispose que « [l]’avis d’ouverture de la procédure annonce l’ouverture d’une enquête » et, notamment, « fixe le délai dans lequel les parties intéressées peuvent se faire connaître, présenter leur point de vue par écrit et communiquer des informations si ces points de vue et ces informations doivent être pris en compte au cours de l’enquête ». Ainsi que je l’ai déjà mentionné ( 146 ), cette disposition doit être lue conjointement avec la liste des parties intéressées figurant à l’article 5, paragraphe 11, du règlement de base, à savoir les « exportateurs, les importateurs ainsi que les associations représentatives des importateurs ou exportateurs notoirement concernés, de même que les représentants du pays exportateur et les plaignants ». Les requérantes soutiennent, en substance, que cette liste n’est pas exhaustive et que les personnes ayant coopéré à la sélection de l’échantillon ainsi que celles qui ont été incluses dans cet échantillon devraient se voir accorder le même statut que les personnes figurant sur cette liste. Le règlement de base n’indique pas expressément si cette liste est complète ou non ( 147 ).

177.

D’autre part, l’article 17, paragraphe 1, du règlement de base prévoit que, dans les cas où le nombre de plaignants, d’exportateurs ou d’importateurs, de types de produits ou de transactions est important, l’enquête peut se limiter à un nombre raisonnable de parties, de produits ou de transactions en utilisant des échantillons. Une société souhaitant bénéficier d’un droit spécifique peut par conséquent compléter un questionnaire conformément à l’article 17, paragraphe 2, de ce règlement ( 148 ), ce qui, cependant, ne constitue qu’une étape de l’enquête.

178.

Les requérantes soutiennent que, dès lors que la Commission peut prendre n’importe quelle mesure au titre de l’article 5, paragraphe 10, du règlement de base, la présentation d’un questionnaire d’échantillonnage est la manière dont un producteur-exportateur « contacte » la Commission en réponse à une avis d’ouverture en vertu de cette disposition.

179.

Cependant, selon moi, on ne saurait inférer du règlement de base que l’acte consistant à répondre au questionnaire d’échantillonnage des exportateurs revient à devenir une partie intéressée conformément à l’article 5, paragraphes 10 et 11, du règlement de base. En effet, il découle de l’économie générale du règlement de base que la notion de « parties intéressées » au sens de cet article est différente des parties visées à l’article 17 du règlement de base.

180.

Premièrement, l’article 17, paragraphe 1, du règlement de base qui concerne l’échantillonnage permet à la Commission de choisir un échantillon et, donc, de réduire le nombre de parties, de produits ou de transactions dans les cas « où le nombre de plaignants, d’exportateurs ou d’importateurs, de types de produits ou de transactions est important » ( 149 ). Cette disposition a donc pour objet d’autoriser la Commission à collecter des données auprès d’un sous-ensemble d’acteurs et de les analyser afin d’en tirer des conclusions concernant des données plus vastes. En d’autres termes, elle autorise la Commission à travailler avec un nombre réduit et gérable de données plutôt que de devoir examiner l’ensemble des données disponibles. Il n’y aurait aucun sens à ce que la Commission recoure à des questionnaires d’échantillonnage s’il devait en résulter que chaque participant au questionnaire deviendrait une partie intéressée au sens de l’article 5, paragraphe 10, second alinéa, du règlement de base.

181.

Deuxièmement, il découle de la lecture de l’article 9, paragraphe 6, du règlement de base qu’il existe deux catégories spécifiques d’acteurs, à savoir les « exportateurs ou [les] producteurs qui se sont fait connaître conformément à l’article 17, mais qui n’ont pas été pris en compte dans l’enquête » et les « parties constituant l’échantillon ». La référence à l’article 17 du règlement de base, et non pas à son article 5, semble indiquer que les personnes participant à l’échantillonnage sont distinctes des parties intéressées de l’article 5, paragraphes 10 et 11, de ce règlement.

182.

J’ajouterais que la distinction entre les « parties intéressées » et les « exportateurs ou [...] producteurs étrangers [recevant des] questionnaires » est également présente à l’article 6.1 de l’accord antidumping de 1994 qui dispose que « toutes les parties intéressées par une enquête antidumping seront avisées », alors que l’article 6.1.1 de cet accord indique qu’« un délai d’au moins 30 jours sera ménagé aux exportateurs ou aux producteurs étrangers pour répondre aux questionnaires utilisés dans une enquête antidumping ».

183.

Par conséquent, il y a lieu de considérer que le règlement de base prévoit des degrés variables de droits pour les personnes qui en relèvent, à savoir les personnes participant à l’échantillonnage et les parties intéressées participant à l’enquête. Il découle de cette distinction que les droits procéduraux accordés à ces personnes sont différents. S’agissant des parties intéressées, l’association représentative des exportateurs peut prendre connaissance des renseignements (article 6, paragraphe 7, du règlement de base) et recevoir des informations (article 20, paragraphe 1, du règlement de base). En revanche, la participation à l’échantillonnage ne semble pas conférer de tels droits. Selon moi, elle confère seulement le droit de prendre position sur l’échantillon proposé par la Commission, mais pas sur d’autres éléments de l’enquête.

184.

Par conséquent, il me semble que c’est à juste titre que le Tribunal a opéré une distinction entre les personnes n’ayant pas établi avoir participé à l’enquête ou formulé des demandes visant à se voir communiquer les informations en cause et les parties intéressées au sens de l’article 5, paragraphe 10, second alinéa, du règlement de base ( 150 ). J’estime donc que le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit en jugeant que les personnes ayant coopéré au seul échantillonnage sont irrecevables à invoquer un moyen tiré de ce que des informations qui auraient dû leur être communiquées ne l’ont pas été.

185.

Concernant le troisième cas de figure, les requérantes soutiennent que, aux points 443 à 447 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que la CCCME ne pouvait défendre les intérêts procéduraux de ses membres que pour autant qu’elle ait établi avoir reçu de leur part, pendant l’enquête, un mandat lui permettant d’exercer leurs droits procéduraux en leur nom, alors que la CCCME a agi, tout au long de l’enquête, comme une entité représentant l’industrie chinoise considérée dans sa globalité ( 151 ).

186.

En particulier, les requérantes soutiennent que le Tribunal a appliqué un critère juridique erroné en considérant que la CCCME n’était pas habilitée à exercer les droits procéduraux des sociétés individuelles et des membres concernés pendant la procédure sous-jacente. En jugeant que les différentes sociétés et membres concernés n’avaient pas qualité pour agir, le Tribunal aurait appliqué un critère juridique erroné et invalidé leurs droits de la défense. L’affirmation selon laquelle les associations représentatives disposent de droits procéduraux moins étendus que les producteurs-exportateurs serait dénuée de fondement en droit.

187.

Au point 444 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a conclu qu’une association peut exercer les droits procéduraux de certains de ses membres « à condition qu’ait été manifestée, durant l’enquête, par l’entité, l’intention d’agir en qualité de représentante de certains de ses membres, ce qui suppose que ces derniers aient alors été identifiés et qu’elle soit en mesure d’établir avoir reçu de leur part le mandat lui permettant d’exercer ces droits procéduraux en leur nom ». Au point 445 de cet arrêt, il a jugé qu’« il ressort du dossier que, en l’espèce, la CCCME ne s’est pas présentée comme telle à la Commission durant l’enquête, mais qu’elle a agi, au contraire, tout au long de celle-ci, comme une entité représentant l’industrie chinoise considérée dans sa globalité ». Il a basé cette constatation sur les observations sur le règlement provisoire déposées par la CCCME le 15 septembre 2017 ( 152 ).

188.

À cet égard, je rappelle que le respect des droits de la défense revêt une importance capitale dans les procédures d’enquêtes antidumping ( 153 ). Cette règle doit être interprétée compte tenu de l’article 41, paragraphe 2, sous b), de la Charte, qui inclut le droit d’accès au dossier en tant qu’élément du droit à une bonne administration. Le droit d’accès au dossier permet aux parties de prendre connaissance des éléments de preuve afin qu’elles puissent exprimer utilement leur point de vue.

189.

En particulier, dans le contexte de la communication d’informations aux entreprises concernées durant la procédure d’enquête, le respect de leurs droits de la défense présuppose qu’elles aient été mises en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances allégués ainsi que sur les éléments de preuve retenus par la Commission à l’appui de son allégation de l’existence d’une pratique de dumping et du préjudice qui en résulterait ( 154 ). Ces exigences sont consacrées à l’article 20, paragraphes 1 et 2, du règlement de base, qui dispose que les exportateurs et leurs associations représentatives « peuvent demander une information finale sur les faits et considérations essentiels sur la base desquels il est envisagé de recommander l’institution de mesures définitives ».

190.

Il découle de cette disposition que les droits de la défense sont accordés individuellement à des entités spécifiques ( 155 ). Contrairement au Tribunal, je ne pense pas que la raison sous-jacente pour laquelle une irrégularité touchant aux droits de la défense ne peut être invoquée que par la personne concernée repose sur le fait que la violation de ces droits est subjective par nature ( 156 ). À cet égard, je relève que la Cour a déjà jugé que la violation de droits subjectifs peut être invoquée par des tiers ( 157 ). Selon moi, la raison pour laquelle les droits de la défense dans les procédures antidumping sont de nature intuitu personae découle du fait que ces droits sont intimement liés à la personne à qui ils ont été accordés, en ce que seule l’entité concernée elle-même peut identifier l’incidence économique et juridique des mesures de la Commission sur sa situation spécifique. En d’autres termes, dans les procédures antidumping, puisque que les droits de la défense concernent l’entité elle-même, seule cette dernière peut les exercer. Le caractère exclusif de ces droits découle de la nature des droits de la défense dans une procédure administrative, qui ne peuvent pas être invoqués par un tiers ( 158 ). Par conséquent, la CCCME, en sa qualité d’organisation représentative, a le droit d’invoquer ses propres garanties procédurales découlant de sa propre participation à la procédure administrative ( 159 ).

191.

En outre, être membre d’une association n’implique pas un transfert automatique des droits procéduraux et des droits de la défense à l’association en question concernant cette procédure. Pareil transfert doit être sans équivoque le fait des membres de ladite association. Lorsque cette dernière exerce les droits procéduraux de ses membres, elle doit clairement indiquer quels membres elle représente et doit démontrer le mandat qui lui a été donné. Cette exigence découle de l’article 5, paragraphe 10, second alinéa, du règlement de base qui permet aux parties intéressées de se faire connaître (ce qui implique la production de leurs mandats) ( 160 ). En outre, l’article 5, paragraphe 11, du règlement de base opère une distinction expresse entre les sociétés exportatrices et leurs associations représentatives ( 161 ).

192.

Par conséquent, j’estime que c’est à juste titre que le Tribunal a jugé que la possibilité pour une entité d’exercer les droits procéduraux de certains de ses membres durant la procédure antidumping est soumise à la condition que cette entité ait manifesté, durant cette procédure (et pas a posteriori), l’intention d’agir en qualité de représentante desdits membres. Comme l’a indiqué le Tribunal, ces membres doivent être clairement identifiés et l’association doit être en mesure d’établir avoir reçu de leur part le mandat lui permettant d’exercer ces droits procéduraux en leur nom ( 162 ). Il s’ensuit que, même si une association a pour objet, en vertu de ses statuts, de représenter l’ensemble de ses membres actifs dans un secteur particulier, elle doit, si elle entend représenter les droits procéduraux de ses membres, être dûment mandatée par ces derniers pour représenter les droits procéduraux en leur nom.

193.

Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, l’exercice de droits procéduraux dans une enquête antidumping ne suit pas la même logique que les recours collectifs d’associations. Le Tribunal a conclu à leur recevabilité lorsqu’une association représente les intérêts d’entreprises recevables à former un recours à titre individuel, sans exiger de mandat spécifique établi par les membres ( 163 ). Cette position est justifiée par les avantages procéduraux, les recours collectifs permettant d’éviter l’introduction d’un nombre élevé de recours différents dirigés contre les mêmes décisions ( 164 ). En ce qui concerne les droits procéduraux des parties intéressées dans le cadre des enquêtes antidumping, la situation est, cependant, différente. En raison de la nature et de la portée individuelles des droits de la défense, un recours collectif ne permet pas l’introduction d’un nombre élevé de recours identiques contre la même décision, mais il combine différents recours participatifs distincts, qui doivent par conséquent être identifiables et explicites.

194.

Dans la présente affaire, le considérant 25 du règlement attaqué énonce que la CCCME devait être considérée comme une partie intéressée représentant, notamment, l’industrie chinoise des pièces en fonte ( 165 ). Cependant, je relève que ce considérant ne comporte aucune indication qu’elle représentait des producteurs-exportateurs individuels. En outre, les considérants 30 et 62 à 74 de ce règlement font référence à certains arguments de la CCCME, mais n’indiquent pas qu’ils aient été invoqués au nom des producteurs-exportateurs. Par conséquent, le règlement attaqué semble indiquer que la CCCME a agi en son nom propre en tant que représentante de l’industrie chinoise de la fonte.

195.

Il convient de relever que les requérantes n’ont pas produit de preuves indiquant que l’un quelconque des producteurs-exportateurs aurait donné un mandat à la CCCME ou l’aurait habilitée d’une quelconque autre manière à le représenter pendant la procédure administrative devant la Commission, ni que ces sociétés auraient été membres de la CCCME au moment pertinent. Par conséquent, le fait que la CCCME s’est présentée au cours de la procédure antidumping en tant qu’association représentant l’ensemble des producteurs chinois actifs dans le secteur concerné en RPC et qu’elle a été reconnue comme telle par la Commission ne suffit pas pour qu’elle puisse exercer les droits procéduraux de l’ensemble de ses membres au cours de la procédure antidumping.

196.

Par conséquent, j’estime que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en concluant, au point 444 de l’arrêt attaqué, que la possibilité pour une association d’exercer les droits procéduraux de certains de ses membres durant la procédure antidumping est soumise à la condition que l’entité ait manifesté, durant l’enquête, l’intention d’agir en qualité de représentante de certains de ses membres, ce qui suppose que ces derniers aient alors été identifiés et qu’elle soit en mesure d’établir avoir reçu de leur part le mandat lui permettant d’exercer ces droits procéduraux en leur nom.

197.

Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’article 20 du règlement de base, qui dispose que les associations représentatives peuvent demander des informations sur les faits et considérations essentiels sur la base desquels il est envisagé de recommander, entre autres, l’institution de mesures définitives. Comme indiqué dans les présentes conclusions, il convient de lire cette disposition à la lumière du considérant 29 de ce règlement, qui souligne le lien avec le droit procédural des participants de défendre leurs intérêts. Le droit à l’information au titre de l’article 20 du règlement de base constitue un pilier essentiel des droits de la défense des parties intéressées ( 166 ) et requiert par conséquent la participation des parties concernées à l’enquête pour leur permettre de se plaindre par la suite d’éventuels manquements devant le juge de l’Union.

198.

Par conséquent, j’estime que c’est à juste titre que le Tribunal a jugé que le troisième moyen en première instance reprochant à la Commission d’avoir refusé de communiquer aux requérantes des informations utiles à la détermination du dumping et du préjudice pouvait être soulevé par la CCCME agissant en son nom propre comme association représentant l’ensemble de l’industrie chinoise, et écarté comme étant irrecevables les arguments formulés dans le cadre de ce moyen par les membres de la CCCME et par les autres personnes morales dont les noms figurent en annexe I de l’arrêt attaqué ( 167 ).

199.

Par conséquent, j’invite la Cour à rejeter la première branche du cinquième moyen du pourvoi.

2.   Sur la deuxième branche

200.

La deuxième branche porte sur la partie de l’arrêt attaqué consacrée à l’affirmation de la CCCME selon laquelle la Commission aurait dû fournir les calculs sous une forme agrégée, en particulier pour ce qui concerne, d’une part, les calculs de la valeur normale, des effets des importations chinoises sur les prix et du niveau d’élimination du préjudice et, d’autre part, les estimations relatives aux indicateurs macroéconomiques ( 168 ). Pour les calculs sous-tendant l’examen des indicateurs microéconomiques et macroéconomiques permettant d’apprécier le préjudice causé à l’industrie de l’Union, la CCCME a obtenu les chiffres globaux par indicateur et par année, repris aux considérants 137 à 166 du règlement provisoire ( 169 ).

201.

Par le premier grief, la CCCME conteste le point 507 de l’arrêt attaqué, où le Tribunal a jugé que la présentation de données confidentielles sous une forme agrégée ne permettait pas nécessairement de leur enlever leur caractère confidentiel et qu’il n’y avait pas lieu d’ordonner la divulgation des indicateurs macroéconomiques au motif qu’ils étaient confidentiels ( 170 ). En particulier, d’une part, elle soutient que, la Commission n’ayant jamais prétendu que les données macroéconomiques agrégées relatives au préjudice étaient confidentielles en soi, le Tribunal ne pouvait pas invoquer cette confidentialité en tant que motif sans se substituer illégalement à la Commission. Le considérant 130 du règlement attaqué porterait non pas sur la confidentialité, mais sur la réalité des données. D’autre part, la CCCME soutient que la qualification juridique des indicateurs macroéconomiques de préjudice par le Tribunal en tant que données confidentielles est erronée. La divulgation des données agrégées relatives à l’industrie de l’Union dans son ensemble n’aurait pas permis aux parties intéressées de vérifier l’exactitude de ces données, en particulier s’agissant des estimations.

202.

D’emblée, je souligne que le droit d’accès aux informations et l’obligation de communiquer ces informations ont pour objectif de permettre aux parties de prendre connaissance des éléments de preuve afin qu’elles puissent exprimer utilement leur point de vue ( 171 ). L’obligation d’information est consacrée à l’article 20 du règlement de base.

203.

En ce qui concerne l’argument selon lequel la Commission n’avait jamais formellement qualifié de « confidentielles » les estimations agrégées de l’indicateur macroéconomique pendant la procédure administrative ni dans ses observations écrites devant le Tribunal, je relève que la Commission a soutenu, et en réalité réitéré, lors de l’audience devant la Cour, sans être contestée sur ce point par les requérantes, que ces données n’ont jamais existé. Dès lors qu’il est incontesté que les données agrégées n’ont jamais existé, il est évident que la Commission n’aurait pas pu formellement les qualifier de « confidentielles » pendant la procédure administrative ou dans ses observations écrites devant le Tribunal. Pour cette raison, je propose de rejeter l’argument procédural invoqué par les requérantes.

204.

Quant à l’argument selon lequel la seule question déterminante est de savoir si les données, même sous une forme agrégée, demeurent confidentielles, je rappelle que dans l’arrêt Timex/Conseil et Commission ( 172 ), la Cour a jugé que tous les renseignements non confidentiels, quelle que soit leur source, doivent être communiqués afin de permettre au plaignant de vérifier l’établissement correct des faits dans le cas d’espèce. Dans l’arrêt Al-Jubail Fertilizer/Conseil ( 173 ), la Cour a perçu et traité le droit d’accès aux informations comme relevant du droit d’être entendu. Les institutions de l’Union doivent agir avec la diligence requise dans l’accomplissement de leur obligation de communiquer toute l’information nécessaire à la défense utile des parties tout en assurant la protection des plaignants et des producteurs ayant coopéré sur lesquels se fonde l’enquête antidumping.

205.

L’obligation d’information doit s’exercer conformément au devoir de diligence, à savoir « l’obligation pour l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce » ( 174 ), ce qui implique nécessairement une certaine marge d’appréciation pour l’autorité administrative. Selon une jurisprudence constante, les principes qui gouvernent le droit à l’information doivent être conciliés avec les impératifs de confidentialité, en particulier l’obligation des institutions de respecter le secret des affaires ( 175 ). À cet égard, l’obligation des institutions d’assurer le traitement confidentiel d’une information dont la divulgation aurait un effet défavorable notable pour l’entreprise qui l’a fournie ne saurait priver les autres parties concernées, en particulier les exportateurs, des garanties procédurales prévues par le règlement de base ni vider de leur substance les droits qui leur sont reconnus en vertu des mêmes dispositions ( 176 ).

206.

Par conséquent, la décision de maintenir la confidentialité des données implique de trouver un équilibre entre la protection des données des producteurs de l’Union (qui engagent la procédure et dont la plainte est le fondement des enquêtes) et les droits des producteurs-exportateurs des pays tiers et de leurs associations représentatives.

207.

Dans la présente affaire, il est vrai que la présentation des données sous la forme d’un résumé limite la possibilité pour la CCCME de contrôler l’exactitude des données en cause. Cependant, au regard de l’équilibre à trouver entre ces droits et la protection des données confidentielles, il convient de considérer que présenter les données de cette manière n’entraîne pas nécessairement une violation des droits de la défense de la CCCME. À cet égard, il importe de souligner que les données macroéconomiques, qu’elles concernent des producteurs de pays tiers ou de l’Union, lorsqu’elles sont fondées sur la connaissance du marché, devraient être protégées dès lors que la coopération de ces producteurs constitue la base de l’enquête antidumping.

208.

Je relève que le Tribunal a déjà jugé que la production estimée des producteurs concernés de l’Union, sur laquelle s’était fondée la Commission dans le cadre du calcul de la consommation, avait à juste titre été considérée comme confidentielle, dès lors qu’elle avait pour fondement la connaissance du marché qu’avaient les plaignants. Le Tribunal a ainsi estimé que, en se limitant à fournir le chiffre de la production totale, la Commission avait agi conformément au règlement de base ( 177 ). Je souscris à cette approche dès lors que les enquêtes antidumping peuvent se fonder sur des données fournies par une petit nombre de producteurs ou un petit segment du marché ( 178 ). Même sous une forme agrégée et à partir de simples estimations, il est en théorie possible de déduire les données économiques relatives à des acteurs spécifiques d’un secteur, à des produits spécifiques, voire à une société spécifique et, partant, de révéler par inférence certains secrets d’affaires.

209.

Dans la présente affaire, la Commission avait exposé au considérant 130 du règlement attaqué que les données avaient pour sources des données réelles et « des estimations fournies par les [plaignantes] en ce qui concerne le reste de l’industrie de l’Union ». Je partage l’avis de la Commission selon lequel le fait que les plaignantes avaient communiqué des estimations pour le reste de l’industrie de l’Union implique que ces estimations se fondaient sur leur connaissance du marché de cette industrie. Des observations fondées sur une connaissance du marché (même si elles se limitent à des estimations et si elles sont présentées sous une forme agrégée) sont susceptibles de révéler des secrets d’affaires des plaignantes ou des producteurs ayant coopéré à la procédure antidumping et sont par nature confidentielles, comme l’a jugé le Tribunal au point 507 de l’arrêt attaqué. Par conséquent, le Tribunal n’a pas commis d’erreur en concluant, à ce point, que des données macroéconomiques présentées sous une forme agrégée pouvaient néanmoins être confidentielles. Je propose donc à la Cour de rejeter le premier grief.

210.

Il convient d’examiner conjointement les deuxième et troisième griefs, dès lors qu’ils portent l’un et l’autre sur la même partie de la motivation de l’arrêt attaqué. Premièrement, la CCCME soutient que, au point 509 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a dénaturé les faits en constatant que les calculs de la sous-cotation sous la forme agrégée demandée par la CCCME n’existaient pas, car la sous-cotation avait été calculée, uniquement, par type de produit et par producteur-exportateur. La CCCME soutient avoir produit des preuves à cet égard et qu’il est impossible que la Commission ait calculé la sous-cotation sans agréger les données sur les prix au niveau de l’industrie de l’Union.

211.

Je relève d’emblée que, au considérant 24 du règlement attaqué, la Commission a indiqué que les calculs de sous-cotation demandés par la CCCME n’existaient pas parce que la sous-cotation avait été calculée uniquement par type de produit et par producteur-exportateur. Chaque producteur-exportateur chinois retenu dans l’échantillon a par conséquent reçu les calculs de sous-cotation pour chaque type de produit qu’il exportait. La CCCME soutient qu’il est impossible que la Commission ait conclu que « 62,6 % des ventes totales effectuées dans l’Union par les producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon avaient été sous‑cotées » sans agréger les calculs de sous-cotation ( 179 ). Cependant, je dois relever que la CCCME ne présente aucune preuve à l’appui d’une telle affirmation. La distorsion alléguée par la CCCME n’a donc pas été démontrée. La CCCME se contente d’énoncer une dénaturation des faits, mais elle omet de démontrer une telle conclusion.

212.

Deuxièmement, la CCCME soutient que le Tribunal a appliqué un critère juridique erroné en concluant que l’article 20 du règlement de base ne saurait imposer la divulgation des calculs de la sous-cotation. Lors de l’audience, la CCCME a ajouté que la préparation de telles données serait très rapide.

213.

La question qui se pose est de savoir si la Commission est tenue de produire de nouveaux documents basés sur des données existantes afin de préserver les droits de la défense. À cet égard, je souligne que la production de nouveaux documents par la Commission revient à communiquer des informations qui concernent les plaignantes et d’autres sociétés ayant coopéré. Cette communication étant susceptible de permettre aux autres parties intéressées d’accéder à des secrets d’affaires, elle ne saurait être considérée comme la création automatique d’un tableau contenant des données économiques. Au contraire, au regard du devoir de diligence, qui implique l’obligation pour la Commission d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce ( 180 ), la Commission doit examiner chaque information qu’elle choisit de divulguer.

214.

En pratique, pour chaque document communiqué pendant l’enquête antidumping comportant de nouvelles données agrégées, la Commission doit déterminer si ces données portent atteinte à la confidentialité des données que les parties lui ont confiées et qu’elle détient. La production et la divulgation de nouvelles données exige donc de la Commission de trouver un équilibre entre la confidentialité et les droits de la défense des parties concernées. Bien que la charge de travail de la Commission ne puisse pas constituer une objection en soi, il s’agit d’un élément dans la détermination de cet équilibre dès lors que la protection même des données des plaignants ou des parties ayant coopéré est susceptible de dépendre de cette charge de travail. En d’autres termes, si la Commission est systématiquement tenue de produire de nouvelles données agrégées, elle est également tenue de déterminer si la divulgation de ces données est de nature à porter atteinte à la confidentialité des données qui lui sont confiées par les parties. Cette exigence doit être prise en compte pour trouver cet équilibre. Par conséquent, je souscris à la position du Tribunal selon laquelle le volume des informations demandées par la CCCME, en l’espèce, est tel que la Commission pourrait être entravée dans son activité et dans son enquête si elle devait fournir l’ensemble de ces informations sous une forme aménagée pour les seuls besoins de la CCCME ( 181 ).

215.

Au point 513 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé, en substance, que la CCCME disposait « des éléments de fait et des considérations essentiels sur la base desquels la Commission envisageait l’adoption de mesures définitives », et que « cette entité [avait] ainsi pu défendre utilement ses intérêts d’association représentant l’industrie chinoise ». Par conséquent, sur la base de l’appréciation des faits réalisée par le Tribunal, force est de considérer que la CCCME était en mesure de défendre ses intérêts, ce qui rend inopérante toute erreur de droit aux points 511 et 512 de l’arrêt attaqué.

216.

Enfin, la CCCME soutient, en substance, que la conclusion du Tribunal aux points 511 et 512 de l’arrêt attaqué viole l’article 20, paragraphe 2, du règlement de base, en ce qu’elle s’est vu refuser l’accès aux données demandées alors que ces données n’étaient pas confidentielles ou auraient pu être divulguées de manière non confidentielle. En outre, la CCCME fait valoir que, en refusant de lui communiquer les données macroéconomiques sous la forme de données agrégées, le Tribunal est resté en défaut de mettre en balance les éventuelles préoccupations relatives à la confidentialité et les droits de la défense.

217.

Le désaccord de la CCCME sur la conclusion du Tribunal selon laquelle elle disposait des éléments de fait et des considérations essentiels est une question de fait qui ne peut pas être contestée dans le cadre d’un pourvoi. Les allégations formulées devant la Cour par la CCCME ne suffisent pas à démontrer une erreur de droit dans l’application de l’article 20, paragraphe 2, du règlement de base. En particulier, comme indiqué aux points 451 à 470 et 484 à 504 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a réalisé un examen détaillé de l’appréciation des droits de la défense de la CCCME faite par la Commission.

218.

Par conséquent, je propose à la Cour de rejeter la deuxième branche du cinquième moyen du pourvoi.

3.   Sur la troisième branche

219.

Premièrement, la CCCME soutient que, au point 524 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a commis une erreur en n’accordant pas à cette entité l’accès aux renseignements concernant les caractéristiques des produits – outre ceux figurant dans les codes de produit – au motif que cette information ne permet pas à l’entité de mieux sauvegarder ses droits de la défense. La CCCME fait valoir qu’il est juridiquement inexact de considérer que seuls les producteurs-exportateurs ayant coopéré peuvent formuler des demandes d’ajustement et que ces informations ne seraient par conséquent pas utiles à la CCCME qui dispose d’une connaissance globale du marché.

220.

La CCCME soutient que le Tribunal a créé, en substance, une sous‑catégorie de parties intéressées en établissant une distinction entre les associations représentatives et les autres parties intéressées en violation de l’article 20, paragraphe 2, du règlement de base. La CCCME fait valoir qu’elle est une association représentative des producteurs-exportateurs, de sorte que ce qui est pertinent pour ses membres l’est également pour elle. À l’appui de son argumentation, la CCCME invoque l’arrêt du 20 mars 1985, Timex/Conseil et Commission ( 182 ), en invoquant l’obligation pour la Commission de fournir au moins toute indication utile lui permettant d’identifier les articles en cause, en vue de pouvoir apprécier si les institutions avaient correctement établi les faits ( 183 ).

221.

D’emblée, je relève que le Tribunal a mis en balance les préoccupations relatives aux droits de la défense et à la confidentialité, ainsi que cela découle des points 451 à 470 et 484 à 504 de l’arrêt attaqué, qui n’ont pas été contestés.

222.

S’agissant de la demande d’accès aux renseignements concernant les caractéristiques des produits, la CCCME a reproché à la Commission devant le Tribunal de ne pas lui avoir communiqué, en ce qui concerne les produits des producteurs indiens et de l’Union comparés aux produits importés, les informations autres que les caractéristiques figurant dans les codes de produit. Aux points 523 et 524 de l’arrêt attaqué, le Tribunal opère une distinction entre la situation du producteur-exportateur et celle de la CCCME. Cette dernière est, dans la présente affaire, une association représentant l’ensemble de l’industrie chinoise ( 184 ). Le Tribunal a jugé que les renseignements concernant les caractéristiques des produits ne permettraient pas à la CCCME de comparer utilement les produits en cause, puisqu’elle ne dispose pas, en principe, des modèles de produits mis sur le marché par les producteurs-exportateurs chinois de l’échantillon qui ont été comparés aux produits indiens.

223.

Cette appréciation ne me semble pas entachée d’une erreur de droit, même si elle opère une distinction entre les faits et les considérations essentiels mis à la disposition d’une association représentative et ceux mis à la disposition des autres parties intéressées. J’estime que la Commission peut opérer une distinction entre associations représentatives et producteurs-exportateurs puisqu’elle doit trouver un juste équilibre entre les droits de la défense et la protection de la confidentialité ( 185 ). Dès lors que les renseignements portent sur les caractéristiques des produits et constituent, en tant que tels, un secret d’affaires, la Commission doit les protéger. Il s’ensuit que la Commission, lorsqu’elle recherche l’équilibre susmentionné, peut et doit distinguer entre les entités qui demandent l’accès à ces renseignements.

224.

Deuxièmement, la CCCME critique le point 529 de l’arrêt attaqué, dans lequel le Tribunal a jugé que, pendant la procédure antidumping, la CCCME avait à sa disposition toutes les informations relatives à la méthode de calcul du volume des importations utilisée par la Commission. Selon la CCCME, pareille appréciation ne tient pas compte du fait que les données relatives aux importations en question n’étaient pas des informations accessibles au public. La détermination du volume des importations consistait en un calcul très complexe basé sur plusieurs hypothèses et les données reposaient principalement sur des informations et une méthodologie fournies par les plaignantes. La CCCME soutient qu’il est totalement déraisonnable d’attendre d’une partie intéressée qu’elle reproduise un calcul aussi compliqué, qui implique différentes étapes et inclut plusieurs hypothèses, alors que la Commission aurait pu facilement le divulguer puisqu’il ne contenait pas d’informations confidentielles et que les calculs constituaient des faits et des considérations essentiels.

225.

D’emblée, je relève certaines constatations factuelles établies par le Tribunal.

226.

Premièrement, la CCCME avait été informée, durant la procédure antidumping, de la méthode de calcul du volume des importations utilisée par la Commission. En particulier, elle connaissait les pourcentages comptabilisés, pour les importations originaires de la RPC, de l’Inde et des autres pays tiers, dans les anciens sous-codes qui avaient précédé l’arrivée, en 2014, du code général NC ex73251000, le montant fixe à soustraire du code NC ex73259910 pour obtenir les importations originaires de la RPC, de l’Inde et des pays tiers, ainsi que le pourcentage à soustraire du total des importations afin d’exclure les grilles de caniveau.

227.

Deuxièmement, les données utilisées pour établir ces importations étant extraites des statistiques fournies par Eurostat, qui sont disponibles dans la base publique de données Comext, la CCCME avait à sa disposition toutes les informations utiles pour reproduire les calculs de la Commission dont elle a demandé la communication.

228.

Par conséquent, si la CCCME souhaitait vérifier la fiabilité des calculs réalisés par la Commission, elle disposait des données pertinentes pour le faire. Dans la présente affaire, la CCCME n’étaye aucunement l’allégation selon laquelle elle n’est pas en mesure de reproduire les calculs. Il est raisonnable d’attendre d’une partie intéressée telle que la CCCME qu’elle vérifie elle-même les calculs en cause. Par exemple, dans l’arrêt Bricmate ( 186 ), les parties intéressées contestaient l’exactitude des prix moyens à l’importation des produits concernés à destination de certains États membres. Par conséquent, les doutes exprimés par la juridiction nationale qui ont entraîné le contrôle des mesures antidumping étaient étayés ( 187 ). Selon moi, c’est donc à juste titre que le Tribunal a jugé que la CCCME avait à sa disposition toutes les informations utiles pour reproduire les calculs de la Commission dont elle avait demandé la communication ( 188 ).

229.

Troisièmement, la CCCME conteste l’appréciation figurant au point 538 de l’arrêt attaqué au motif que le Tribunal aurait commis une erreur en qualifiant de « confidentielles » les données réelles agrégées et les estimations. La CCCME soutient que, dès lors que ces données n’étaient pas confidentielles, elles devaient être communiquées aux parties intéressées conformément à l’article 6, paragraphe 7, du règlement de base et qu’elles constituaient des faits et considérations essentiels au sens de l’article 20, paragraphe 2, du règlement de base.

230.

Il convient de relever que la CCCME conteste la constatation faite au point 538 de l’arrêt attaqué selon laquelle la Commission n’est pas amenée à effectuer une telle distinction lorsqu’elle évalue le préjudice de l’Union, ce dernier étant apprécié pour l’ensemble de l’industrie de l’Union. Bien que cette constatation soit vraie, ce critère d’évaluation ne suffirait pas pour justifier l’absence de communication des données réelles agrégées et estimées en cause. La Commission pourrait donc être tenue de produire ce document afin de sauvegarder les droits de la défense. Néanmoins, dans la présente affaire, le Tribunal a jugé, sans que cette conclusion soit contestée par la CCCME au stade du pourvoi, que les données réelles des producteurs retenus dans l’échantillon et des autres plaignantes, d’un côté, et les estimations faites pour les producteurs restants, de l’autre, revêtent, même agrégées, une nature confidentielle. Selon moi, ces raisons suffisent pour justifier l’absence de communication de ces données à la CCCME.

231.

Je propose par conséquent à la Cour de rejeter la troisième branche du cinquième moyen du pourvoi et ce moyen dans son intégralité.

VII. Sur les dépens

232.

La Cour m’a demandé de n’examiner que les fins de non-recevoir et la première branche du premier moyen du pourvoi, ainsi que les deuxième et cinquième moyens du pourvoi. Étant donné que le sort réservé au pourvoi dépendra en dernier ressort de la position de la Cour concernant non seulement ces exceptions et moyens, mais également la seconde branche du premier moyen du pourvoi ainsi que les troisième et quatrième moyens du pourvoi, je ne présente aucune recommandation en matière de dépens en l’espèce.

VIII. Conclusion

233.

À la lumière des considérations qui précèdent et sans préjudice de l’appréciation par la Cour de la seconde branche du premier moyen du pourvoi ainsi que des troisième et quatrième moyens du pourvoi, je propose à la Cour de rejeter la première branche du premier moyen du pourvoi des requérantes, ainsi que leurs deuxième et cinquième moyens de pourvoi.


( 1 ) Langue originale : l’anglais.

( 2 ) T‑254/18, EU:T:2021:278. Les neuf autres requérantes sont mentionnées à son annexe I ; elles sont également membres de la CCCME.

( 3 ) Règlement d’exécution du 29 janvier 2018 instituant un droit antidumping définitif, portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de certains articles en fonte originaires de la [RPC] et clôturant l’enquête sur les importations de certains articles en fonte originaires de l’Inde (JO 2018, L 25, p. 6).

( 4 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2016, L 176, p. 21).

( 5 ) Données provenant d’Eurostat.

( 6 ) JO 1994, L 336, p. 103.

( 7 ) Décision du 22 décembre 1994 relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l’Uruguay (1986-1994) (JO 1994, L 336, p. 1).

( 8 ) Voir liste au point 2 de l’arrêt attaqué.

( 9 ) JO 2016, C 461, p. 22.

( 10 ) Règlement d’exécution instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de certains articles en fonte originaires de la [RPC] (JO 2017, L 211, p. 14).

( 11 ) La liste des sept personnes morales figure à l’annexe II de l’arrêt attaqué.

( 12 ) Voir ordonnances du 30 septembre 1997, Federolio/Commission (T‑122/96, EU:T:1997:142, point 61 et jurisprudence citée), ainsi que du 28 juin 2005, FederDoc e.a./Commission (T‑170/04, EU:T:2005:257, point 49 et jurisprudence citée). Voir également arrêt du 15 janvier 2013, Aiscat/Commission (T‑182/10, EU:T:2013:9, point 48 et jurisprudence citée).

( 13 ) Voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission (C‑33/14 P, EU:C:2015:609, point 62 et jurisprudence citée).

( 14 ) Je relève que la Commission conteste les points 52 à 70 de l’arrêt attaqué qui portent sur l’exigence d’une affectation individuelle ainsi que les points 71 à 75 de cet arrêt qui concernent la constatation d’une affectation directe.

( 15 ) En vertu de la première branche, la personne en cause est le destinataire spécifique de l’acte attaqué et, en vertu de la troisième branche, la personne peut former un recours contre les actes réglementaires qui ne comportent pas de mesures d’exécution si ces actes la concernent directement, ce qui n’est à l’évidence pas le cas en l’espèce, dès lors qu’il n’existe pas de mesures d’exécution concernant la CCCME.

( 16 ) Voir, en ce sens, arrêts du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission (25/62, EU:C:1963:17), et du 28 avril 2015, T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission (C‑456/13 P, EU:C:2015:284, point 63).

( 17 ) Voir, en ce sens, arrêt du 28 février 2019, Conseil/Growth Energy et Renewable Fuels Association (C‑465/16 P, EU:C:2019:155, point 105).

( 18 ) Voir, en ce sens, arrêts du 4 octobre 1983, Fediol/Commission (191/82, EU:C:1983:259, point 31), et du 17 janvier 2002, Rica Foods/Commission (T‑47/00, EU:T:2002:7, point 55), ainsi qu’ordonnance du 14 décembre 2005, Arizona Chemical e.a./Commission (T‑369/03, EU:T:2005:458, point 72).

( 19 ) Voir, en ce sens, arrêt du 28 février 2019, Conseil/Growth Energy et Renewable Fuels Association (C‑465/16 P, EU:C:2019:155, point 107 et jurisprudence citée).

( 20 ) La Commission a souligné lors de l’audience qu’il n’existe pas de décision formelle ni de possibilité pour l’industrie de l’Union de contester la reconnaissance d’une entité en tant que partie intéressée.

( 21 ) Voir point 63 de l’arrêt attaqué.

( 22 ) Voir, très récemment, arrêt du 9 juin 2016, Growth Energy et Renewable Fuels Association/Conseil (T‑276/13, EU:T:2016:340). J’observe que la partie de l’arrêt du Tribunal concernant la qualité pour agir contre le règlement en cause aux fins d’assurer le respect des droits procéduraux des associations professionnelles concernées a été expressément confirmée par la Cour en ce que le Tribunal a rejeté le recours introduit par Growth Energy et Renewable Fuels Association à titre individuel en tant que parties intéressées à la procédure ; voir, en ce sens, arrêt du 28 février 2019, Conseil/Growth Energy et Renewable Fuels Association (C‑465/16 P, EU:C:2019:155, points 101 à 109). Voir également ordonnances du 3 juin 1997, Merck e.a./Commission (T‑60/96, EU:T:1997:81, point 73) ; du 15 septembre 1998, Molkerei Großbraunshain et Bene Nahrungsmittel/Commission (T‑109/97, EU:T:1998:209, points 67 et 68), ainsi que du 16 septembre 2005, Schmoldt e.a./Commission (C‑342/04 P, non publiée, EU:C:2005:562, points 39 et 40 ainsi que jurisprudence citée).

( 23 ) Au point 66 de l’arrêt attaqué, le Tribunal signale que la Commission avait soutenu que, à supposer que la CCCME puisse revendiquer des droits procéduraux qu’elle tirerait du règlement de base, cette entité devrait être reconnue comme une association représentative des exportateurs au sens de ce règlement, et non comme une partie intéressée au sens dudit règlement.

( 24 ) Je relève cependant qu’une pratique administrative erronée est susceptible d’avoir d’autres conséquences juridiques et peut faire l’objet d’autres voies de recours.

( 25 ) Voir, notamment, points 58 à 60 et 68 à 70 de l’arrêt attaqué.

( 26 ) Par exemple, il semble que seuls l’article 6, paragraphe 7, et l’article 20, paragraphes 1, 2 et 4, du règlement de base confèrent certaines garanties procédurales aux associations représentatives. À cet égard, il convient d’observer qu’au point 143 de l’arrêt attaqué, le Tribunal indique que la CCCME a allégué devant lui la violation, par la Commission, des droits de la défense ainsi que de l’article 6, paragraphe 7, de l’article 19, paragraphes 1 à 3, et de l’article 20, paragraphes 2 et 4, du règlement de base, en ce qu’elle a refusé aux requérantes de leur donner accès à des informations utiles à la détermination du dumping et du préjudice.

( 27 ) En vertu de l’article 5, paragraphe 10, second alinéa, du règlement de base, les parties intéressées doivent « se faire connaître, présenter leur point de vue par écrit et communiquer des informations si ces points de vue et ces informations doivent être pris en compte au cours de l’enquête ». Cela suppose également qu’elles indiquent en quelle qualité elles agissent.

( 28 ) Voir article 6, paragraphe 7, et article 20, paragraphes 2 et 4, du règlement de base.

( 29 ) Le terme « peuvent » à l’article 5, paragraphe 10, second alinéa, du règlement de base doit se comprendre comme suit : aux fins de la procédure antidumping, les parties souhaitant devenir des parties intéressées doivent se faire connaître. Ainsi que l’a relevé la Commission lors de l’audience, on ne saurait attendre d’elle qu’elle prenne l’initiative de rechercher les parties intéressées. Cette position est également corroborée par l’organe d’appel de l’OMC qui, dans son rapport du 29 novembre 2005 dans l’affaire « Mexique – Mesures antidumping définitives visant la viande de bœuf et le riz » (WT/DS 295/AB/R, point 251), a considéré que l’autorité chargée de l’enquête « n’était pas obligé[e], au titre de l’article 6.1, d’aviser des renseignements exigés les exportateurs dont il n’avait pas connaissance, mais dont il aurait pu réussir à connaître l’existence ».

( 30 ) Voir article 7, paragraphe 15, du règlement du 22 décembre 1994 relatif à la défense contre les importations qui font l’objet de subventions de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 1994, L 349, p. 22).

( 31 ) Voir, notamment, article 10 du règlement (CEE) no 459/68 du Conseil, du 5 avril 1968, relatif à la défense contre les pratiques de dumping, primes ou subventions de la part de pays non membres de la Communauté économique européenne (JO 1968, L 93, p. 1).

( 32 ) Le législateur de l’Union a adopté le règlement de base conformément à l’article 207, paragraphe 2, TFUE afin d’assurer la mise en œuvre de l’accord antidumping de 1994 dans l’ordre juridique interne de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 13 janvier 2015, Conseil e.a./Vereniging Milieudefensie et Stichting Stop Luchtverontreiniging Utrecht, C‑401/12 P à C‑403/12 P, EU:C:2015:4, point 59). Selon le considérant 3 du règlement de base, « il convient de transposer, dans toute la mesure du possible, les termes de cet accord dans le droit de l’Union » (mise en italique par mes soins).

( 33 ) Je relève, à titre de comparaison, que les États-Unis d’Amérique ont mis en œuvre l’expression « groupement professionnel commercial ou industriel » de manière identique à l’article 6.11, i), de l’accord antidumping de 1994 dès lors que, conformément au titre 19, article 1677, paragraphe 9, sous E) et F), le terme « partie intéressée » englobe les « groupement[s] professionnel[s] commercia[ux] ou industriel[s] ».

( 34 ) Voir arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube (C‑891/19 P, EU:C:2022:38, point 31 et jurisprudence citée).

( 35 ) J’estime, à l’instar de l’ensemble des parties, que, dès lors que l’article 5, paragraphe 11, du règlement de base fait référence à une « association représentative » et à une « association professionnelle », ces termes désignent la même partie. Par souci de clarté, j’utiliserai uniquement l’expression « association représentative » lorsque je ferai référence à cette disposition dans les présentes conclusions.

( 36 ) Dans la version en langue anglaise, une association professionnelle [« trade association »] peut être définie comme une « association volontaire d’entreprises commerciales organisée sur une base géographique ou sectorielle pour promouvoir et développer les débouchés commerciaux et industriels dans sa sphère d’activité, pour exprimer publiquement les opinions de ses membres sur des questions d’intérêt commun ou, dans certains cas, pour exercer un certain contrôle sur les prix, la production et les canaux de distribution » (voir Encyclopædia Britannica, « trade association », Britannica Academic, consultée le 10 octobre 2022 à l’adresse Internet suivante : https://academic.eb.com/levels/collegiate/article/trade-association/73137). Voir également définition de « trade association » dans la version en ligne du Cambridge Dictionary, à savoir une organisation qui appuie les entreprises et employeurs d’un type de secteur déterminé et protège leurs droits.

( 37 ) Contrairement aux versions en langues anglaise et française, la version en langue espagnole de l’article 6.11, ii), de l’accord antidumping de 1994 fait référence aux associations commerciales, professionnelles ou d’entreprises, à savoir trois catégories d’associations. Les trois types font cependant tous référence au terme « association », qui suggère une entité dotée de la personnalité juridique composée d’une pluralité de personnes physiques ou morales qui, au moyen d’un accord associatif, se consacre en permanence à la réalisation de certains buts non lucratifs (« organización dotada de personalidad jurídica integrada por una diversidad de personas, físicas o jurídicas, que, mediante un pacto asociativo, se dedica de forma permanente a la consecución de determinados fines sin finalidad de lucro » ; voir https://dpej.rae.es/lema/asociaci%C3%B3n). Par exemple, l’« asociación empresarial » est définie comme une « [o]rganización de empresarios constituida para la defensa de los intereses económicos y sociales que le son propios » [voir Montoya Melgar, A. (dir.), Diccionario Jurídico de la Real Academía de Jurisprudencia y Legislación, Aranzadi, Cizur Menor, 2016].

( 38 ) Le dictionnaire Larousse en ligne définit un « groupement » comme une « [o]rganisation plus ou moins structurée constituée par un ensemble de personnes ayant mêmes intérêts, mêmes aspirations ou même idéologie ». Le dictionnaire du Centre national de ressources textuelles et lexicales le définit comme un « [e]nsemble (important) de personnes (physiques ou morales) ayant des caractéristiques communes, réunies pour atteindre un but, pour défendre des intérêts communs ».

( 39 ) Historiquement, les associations professionnelles se sont développées au cours du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle en remplacement des corporations professionnelles et de marchands qui avaient perdu leur pouvoir. À l’époque, deux systèmes se sont développés : le britannique et le français. Alors que, au sein du premier, « les organisations professionnelles ont été laissées libres de se développer comme elles l’entendaient », au sein du second, « le gouvernement s’est érigé en créateur d’organisations professionnelles, qu’il a incorporées dans le système administratif du pays, et auxquelles il a donné un statut officiel en tant que partie intégrante de l’appareil d’État » [voir Chisholm, H. (dir.), « Trade Organization », Encyclopædia Britannica, vol. 27 (11e éd.), Cambridge University Press, Cambridge, 1911, p. 135 à 140, pour un aperçu complet des associations professionnelles à partir du début du XXe siècle).

( 40 ) Au contraire, l’OMC reconnaît des associations d’intégration économique régionale telles que l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est et l’Association européenne de libre-échange, ce qui montre que le terme « association » a une connotation très large dans le contexte du cadre commercial multilatéral de l’OMC.

( 41 ) Voir, par exemple, la liste des associations professionnelles des États-Unis à l’adresse Internet suivante : https://www.trade.gov/trade-associations.

( 42 ) Concernant l’interprétation conforme à l’article 11, paragraphe 1, de la CEDH, voir arrêt du 18 juin 2020, Commission/Hongrie (Transparence associative) (C‑78/18, EU:C:2020:476, points 112 à 114).

( 43 ) Cour EDH, 17 février 2004, Gorzelik et autres c. Pologne (CE:ECHR:2004:0217JUD004415898, § 88, 90 et 92), ainsi que 8 octobre 2009, Tebieti Mühafize Cemiyyeti et Israfilov c. Azerbaïdjan (CE:ECHR:2009:1008JUD003708303, § 52 et 53).

( 44 ) Cour EDH, 17 février 2004, Gorzelik et autres c. Pologne (CE:ECHR:2004:0217JUD004415898, § 52), ainsi que 8 octobre 2009, Tebieti Mühafize Cemiyyeti et Israfilov c. Azerbaïdjan (CE:ECHR:2009:1008JUD003708303, § 54).

( 45 ) Cour EDH, 5 octobre 2006, Branche de Moscou de l’Armée du Salut c. Russie (CE:ECHR:2006:1005JUD007288101, § 73 et 74).

( 46 ) L’article 52, paragraphe 1, de la Charte admet que des limitations puissent être apportées à l’exercice des droits et libertés pour autant que ces limitations sont prévues par la loi, qu’elles respectent le contenu essentiel de ces droits et libertés, et que, dans le respect du principe de proportionnalité, elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui.

( 47 ) Le même raisonnement s’applique à l’argumentation de la Commission fondée sur la liberté d’association au sens de la déclaration universelle des droits de l’homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 10 décembre 1948, qui dispose en son article 20, paragraphe 1, que « [t]oute personne a droit à la liberté de réunion et d’association pacifiques ».

( 48 ) La Commission a soutenu que, dans l’arrêt du 23 juin 1981, Le Compte, Van Leuven et De Meyer c. Belgique, CE:ECHR:1981:0623JUD000687875, § 62 à 66, la Cour EDH a jugé que, en raison de sa nature juridique et de sa fonction proprement publique, l’Ordre des médecins belge, à savoir le conseil ou la chambre des médecins, ne revêt pas le caractère d’une association parce qu’il assure un contrôle public de l’exercice de l’art médical.

( 49 ) Voir annexe A.7 de la requête devant le Tribunal, statuts de la CCCME, chapitre 1, articles 2 et 3.

( 50 ) Voir annexe A.7 de la requête devant le Tribunal, statuts de la CCCME, chapitre 1, articles 2 et 3.

( 51 ) Voir article 3 des statuts de la CCCME.

( 52 ) Voir annexe A.2 de la requête devant le Tribunal. En outre, il est plausible que l’objet de l’entité soit plus large que son nom l’indique. Les secteurs de la fonte et des machines et/ou mécanique sont proches : il ne saurait être exclu que la CCCME défende les intérêts des producteurs et des exportateurs de couvercles de trou d’homme.

( 53 ) Voir, par analogie, arrêt du 11 juin 2009, Confservizi/Commission (T‑292/02, EU:T:2009:188, point 55).

( 54 ) Arrêt du 27 janvier 2000 (T‑256/97, EU:T:2000:21, point 75).

( 55 ) Le Tribunal a rejeté l’approche de la Commission selon laquelle cette dernière excluait les organisations de consommateurs des procédures antidumping sur le fondement d’une distinction entre les produits vendus au stade du commerce de détail et les autres produits.

( 56 ) Voir point 22 des réponses aux questions de la Cour soumises par les intervenantes.

( 57 ) Voir annexe A.7 de la requête devant le Tribunal, statuts de la CCCME, chapitre 1, article 4, article 6, paragraphe 2. En particulier, l’article 4 dispose que l’association se trouve « sous la supervision, la gestion et la direction commerciale du ministère des Affaires civiles » et du « ministère du Commerce de la [RPC] ».

( 58 ) Voir points 32 et 57 à 60 du mémoire en défense devant le Tribunal, les réponses écrites aux questions du Tribunal du 7 avril 2020, la réponse à la question 9, points 59 à 70, de la numérotation continue, et annexe R.2 du mémoire en réplique devant le Tribunal. Voir également points 11 à 23 du mémoire en réponse au pourvoi des intervenantes.

( 59 ) 282/85, EU:C:1986:316.

( 60 ) Voir arrêts du 24 septembre 2002, Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission (C‑74/00 P et C‑75/00 P, EU:C:2002:524, points 81 et 83), ainsi que du 9 juillet 2008, Alitalia/Commission (T‑301/01, EU:T:2008:262, point 58).

( 61 ) 282/85, EU:C:1986:316.

( 62 ) Par analogie, une association peut être admise à intervenir dans une affaire si elle est représentative d’un nombre significatif d’entreprises actives dans le secteur concerné, si son objet comprend la protection des intérêts de ses membres, si l’affaire peut soulever des questions de principe affectant le fonctionnement du secteur concerné et, donc, si les intérêts de ses membres peuvent être affectés dans une mesure importante par l’arrêt à intervenir (voir ordonnance du 10 novembre 2020, Nevinnomysskiy Azot et NAK  Azot /Commission, T‑865/19, non publiée, EU:T:2020:570, point 21 et jurisprudence citée).

( 63 ) Voir arrêts du 9 septembre 2008, FIAMM e.a./Conseil et Commission (C‑120/06 P et C‑121/06 P, EU:C:2008:476, point 187) ; du 6 septembre 2017, Intel/Commission (C‑413/14 P, EU:C:2017:632, point 94), et du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci (C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873, point 48).

( 64 ) Les garanties procédurales étant des garanties individuelles, leur portée dépendra des intérêts que représente effectivement l’association concernée. Par conséquent, dans le cas d’une entité telle que la CCCME qui est, dans une certaine mesure, contrôlée par la RPC, il faut tenir compte de la pluralité d’intérêts qu’elle représente (producteurs exportateurs et RPC) pour déterminer la portée effective de ses droits procéduraux en vertu de ces dispositions.

( 65 ) Voir article 5, paragraphe 11, du règlement de base.

( 66 ) Voir points 35 et 36 des présentes conclusions.

( 67 ) Voir, en ce sens, arrêts du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission (C‑182/03 et C‑217/03, EU:C:2006:416, point 56 et jurisprudence citée), ainsi que du 13 mars 2018, European Union Copper Task Force/Commission (C‑384/16 P, EU:C:2018:176, point 87).

( 68 ) Voir arrêt du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission (C‑487/06 P, EU:C:2008:757, point 39 et jurisprudence citée).

( 69 ) Voir, en ce sens, arrêt du 11 juin 2009, Confservizi/Commission (T‑292/02, EU:T:2009:188, point 55), et ordonnance du 29 mars 2012, Asociación Española de Banca/Commission (T‑236/10, EU:T:2012:176, point 25).

( 70 ) Voir, par analogie, arrêt du 19 décembre 2019, Engie Cartagena (C‑523/18, EU:C:2019:1129, point 34).

( 71 ) Voir, en ce sens, notamment, arrêt du 6 octobre 2020, Jobcenter Krefeld (C‑181/19, EU:C:2020:794, point 61 et jurisprudence citée).

( 72 ) La jurisprudence citée par la Commission porte, en réalité, sur le principe en vertu duquel une association n’est pas recevable à introduire un recours en annulation lorsque ses membres ne sauraient le faire à titre individuel. Voir, en ce sens, ordonnance du 18 décembre 1997, Sveriges Betodlares et Henrikson/Commission (C‑409/96 P, EU:C:1997:635, point 45), et arrêt du 13 décembre 2005, Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum (C‑78/03 P, EU:C:2005:761, point 70).

( 73 ) Voir preuves produites par la Commission en annexes 4 à 6 de ses réponses aux questions de la Cour.

( 74 ) Voir points 67 à 69 des présentes conclusions.

( 75 ) La Commission concède cependant que l’État joue le rôle d’autorité administrative ou judiciaire lorsqu’il doit approuver la création de l’association. L’autorité se contente de vérifier le respect de toutes les exigences légales formelles énoncées dans la législation nationale.

( 76 ) Voir point 68 des présentes conclusions.

( 77 ) Voir, notamment, ordonnances du président de la Cour du 28 septembre 1998, Pharos/Commission (C‑151/98 P, EU:C:1998:440, point 6), et du 3 avril 2014, Commission/Andersen (C‑303/13 P, non publiée, EU:C:2014:226, point 8).

( 78 ) Arrêt du 22 juin 2021 (C‑872/19 P, EU:C:2021:507, point 50).

( 79 ) Voir arrêt du 22 juin 2021, Venezuela/Conseil (Affectation d’un État tiers) (C‑872/19 P, EU:C:2021:507, point 50). La Cour a expressément déclaré que les « obligations de l’Union de veiller au respect de la valeur de l’État de droit ne sauraient aucunement être subordonnées à une condition de réciprocité s’agissant des relations entretenues par l’Union avec des États tiers ».

( 80 ) En outre, dans une perspective pluraliste, l’État est une forme de groupe ou une association [voir Muñiz-Fraticelli, V. M., « The Structure of Pluralist Arguments », dans The Structure of Pluralism, Oxford Constitutional Theory, Oxford, 2014, édition en ligne, Oxford Academic, et, plus généralement, Hirst, P. Q. (dir.), The Pluralist Theory of the State : Selected Writings of G.D.H. Cole, J.N. Figgis and H.J. Laski, Routledge, Londres, 1993].

( 81 ) Selon ce principe, dans ses relations avec le reste du monde, l’Union affirme et promeut ses valeurs.

( 82 ) Voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil (C‑583/11 P, EU:C:2013:625, points 97 et 98).

( 83 ) Le Tribunal a jugé que la possibilité pour une association d’introduire un recours présente des avantages procéduraux en permettant d’éviter l’introduction d’un nombre élevé de recours différents dirigés contre les mêmes décisions, l’association s’étant substituée à un ou plusieurs de ses membres dont elle représente les intérêts, qui auraient pu introduire eux-mêmes un recours recevable (voir, en ce sens, arrêt du 6 juillet 1995, AITEC e.a./Commission, T‑447/93 à T‑449/93, EU:T:1995:130, point 60).

( 84 ) C‑465/16 P, EU:C:2019:155.

( 85 ) Voir arrêt du 28 février 2019, Conseil/Growth Energy et Renewable Fuels Association (C‑465/16 P, EU:C:2019:155, point 125).

( 86 ) Voir points 77 à 80 des présentes conclusions.

( 87 ) L’article 4 des statuts de la CCCME indique que l’association se trouve « sous la supervision, la gestion et la direction commerciale du ministère des Affaires civiles » et du « ministère du Commerce de la [RPC] » (voir annexe A.7 de la requête devant le Tribunal).

( 88 ) Voir points 77 à 80 des présentes conclusions.

( 89 ) En outre, conformément à l’article 10, paragraphe 1, des statuts de la CCCME, ses membres ont le droit de vote. Par conséquent, il faudrait une preuve tangible que, dans la présente affaire, ce droit de vote a été violé en relation avec la décision de former un recours (voir annexe A.7 de la requête devant le Tribunal).

( 90 ) Voir point 19 des réponses de la Commission aux questions de la Cour.

( 91 ) Arrêt du 16 février 1965 (14/64, EU:C:1965:13, p. 57).

( 92 ) En vertu de l’article 53 du statut, « la procédure devant le Tribunal est régie par le titre III ». Ce titre III inclut l’article 19 du statut.

( 93 ) Voir, en ce sens, arrêt du 18 janvier 2007, PKK et KNK/Conseil (C‑229/05 P, EU:C:2007:32, point 113).

( 94 ) L’article 44, paragraphe 5, sous b), du règlement de procédure du Tribunal, dans la version qui découle du Journal officiel de l’Union européenne du 2 mai 1991 (JO 1991, L 136, p. 1).

( 95 ) Voir, en ce sens, arrêts du 28 septembre 2016, European Food/EUIPO – Société des produits Nestlé (FITNESS) (T‑476/15, EU:T:2016:568, point 19) ; du 17 février 2017, Batmore Capital/EUIPO – Univers Poche (POCKETBOOK) (T‑596/15, non publié, EU:T:2017:103, points 19 à 22), et du 19 décembre 2019, Amigüitos pets & life/EUIPO – Société des produits Nestlé (THE ONLY ONE by alphaspirit wild and perfect) (T‑40/19, non publié, EU:T:2019:890, point 14).

( 96 ) Voir arrêt du 14 juillet 2022, Universität Bremen/REA (C‑110/21 P, EU:C:2022:555, point 53).

( 97 ) Voir, en ce sens, arrêt du 16 février 1965, Barge/Haute Autorité (14/64, EU:C:1965:13, p. 57).

( 98 ) Voir, par analogie, arrêt du 14 juillet 2022, Universität Bremen/REA (C‑110/21 P, EU:C:2022:555, point 67).

( 99 ) Voir arrêts du 9 septembre 2008, FIAMM e.a./Conseil et Commission (C‑120/06 P et C‑121/06 P, EU:C:2008:476, point 187) ; du 6 septembre 2017, Intel/Commission (C‑413/14 P, EU:C:2017:632, point 94), et du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci (C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873, point 48).

( 100 ) Les données d’Eurostat sont classées en fonction de codes issus de la NC. Dans la présente affaire, le produit visé par le règlement attaqué relève de deux codes : le code NC ex73251000 (fonte non malléable) et le code NC ex73259910 (fonte malléable), la mention « ex » avant le code indiquant, dans les deux cas, que le produit visé par l’enquête ne relève que d’une partie du code considéré.

( 101 ) Voir, en ce sens, arrêts du 2 décembre 2021, Commission et GMB Glasmanufaktur Brandenburg/Xinyi PV Products (Anhui) Holdings (C‑884/19 P et C‑888/19 P, EU:C:2021:973, point 117), et du 10 juillet 2019, Caviro Distillerie e.a./Commission (C‑345/18 P, non publié, EU:C:2019:589, point 14).

( 102 ) Voir arrêt du 10 septembre 2015, Bricmate (C‑569/13, EU:C:2015:572, points 52 et 68).

( 103 ) Voir arrêt du 10 septembre 2015, Bricmate (C‑569/13, EU:C:2015:572, point 46 et jurisprudence citée).

( 104 ) Voir, en ce sens, arrêt du 20 mai 2015, Yuanping Changyuan Chemicals/Conseil (T‑310/12, non publié, EU:T:2015:295, point 129).

( 105 ) Voir arrêts du 18 octobre 2018, Gul Ahmed Textile Mills/Conseil (C‑100/17 P, EU:C:2018:842, point 64), et du 10 juillet 2019, Caviro Distillerie e.a./Commission (C‑345/18 P, non publié, EU:C:2019:589, point 16).

( 106 ) Les données d’Eurostat sont utilisées pour calculer le volume des importations faisant l’objet d’un dumping (voir, en ce sens, arrêt du 22 mars 2012, GLS, C‑338/10, EU:C:2012:158, point 30).

( 107 ) Voir arrêt du 10 septembre 2015, Bricmate (C‑569/13, EU:C:2015:572, point 68).

( 108 ) Voir arrêt du 10 septembre 2015, Bricmate (C‑569/13, EU:C:2015:572, points 47 à 49). Par exemple, dans cet arrêt, la juridiction de renvoi suédoise, invoquant les contestations étayées formulées par Bricmate à l’égard des données relatives au volume des importations, a justifié ses doutes par ces contestations afin de démontrer l’inexactitude des données. La juridiction de renvoi s’est interrogée sur le point de savoir si les institutions de l’Union avaient commis, d’une part, une erreur relative au volume des importations de marchandises relevant de la position 69089099 de la NC, dès lors que, dans le règlement d’exécution (UE) no 917/2011 du Conseil, du 12 septembre 2011, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de carreaux en céramique originaires de la RPC (JO 2011, L 238, p. 1), le volume des importations chinoises aurait été surévalué à hauteur de 1,3 million de mètres carrés pour l’année 2009 et pour la période d’enquête. Elle nourrissait également des doutes sur le point de savoir si ces institutions avaient, d’autre part, commis une erreur relative aux importations de marchandises relevant de la position 69079099 de la NC, devenue position 69079080 de celle-ci, de sorte que, pour l’année 2009 et pour la période d’enquête, le volume de ces importations aurait été surévalué de 10 %.

( 109 ) Voir requête devant le Tribunal, point 35.

( 110 ) Voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2019, Jinan Meide Casting/Commission (T‑650/17, non publié, EU:T:2019:644, point 357).

( 111 ) Voir, en ce sens, rapport de l’organe d’appel de l’OMC dans l’affaire « États-Unis – Mesures antidumping appliquées à certains produits en acier laminés à chaud en provenance du Japon », adopté le 23 août 2001 (WT/DS 184/AB/R, point 192).

( 112 ) Rapport de l’organe d’appel de l’OMC du 29 novembre 2005 dans l’affaire « Mexique – Mesures antidumping définitives visant la viande de bœuf et le riz » (AB-2005‑6) (WT/DS 295/AB/R, point 204).

( 113 ) Rapport de l’organe d’appel de l’OMC du 29 novembre 2005 intitulé « Mexique – Mesures antidumping définitives visant la viande de bœuf et le riz » (AB-2005‑6) (WT/DS 295/AB/R, note en bas de page 228).

( 114 ) Cette exigence découle de l’arrêt du 10 septembre 2015, Bricmate (C‑569/13, EU:C:2015:572, points 65 et 68), où la Cour a jugé que « les institutions de l’Union n’ont pas examiné avec la diligence requise les données contenues dans les statistiques d’Eurostat » (mise en italique par mes soins).

( 115 ) Par souci d’exhaustivité, je relève que le Tribunal a examiné, aux points 167 à 173 de l’arrêt attaqué, si la Commission avait réellement tenu compte de tous les arguments invoqués par les requérantes concernant la vérification de la méthode suggérée par les plaignantes au cours de la procédure administrative et si ces données n’avaient pas été acceptées « automatiquement ».

( 116 ) Plus précisément, aux points 159 et 160 de l’arrêt attaqué, le Tribunal explique que, s’agissant des produits en fonte non malléable (code NC ex73251000), la Commission, à partir de 2014, disposait seulement des données correspondant au code NC ex73251000 dont relevait, avec d’autres produits, le produit concerné. Pour séparer les chiffres correspondant aux importations réalisées, pour le produit concerné, au cours de la période considérée, la Commission a pris en compte les données d’avant l’année 2014 concernant les produits en fonte non malléable. Elle s’est fondée sur le ratio que représentaient ces importations dans les trois sous-codes qui, avant l’année 2014, fournissaient des données concernant ce produit. La proportion attribuable au produit concerné a été estimée à 30 %. La Commission en a inféré que 60 % du volume des importations chinoises, 73 % du volume des importations indiennes et 50 % du volume des importations des autres pays portaient sur le produit concerné et elle a appliqué ces pourcentages aux importations enregistrées durant la période du 1er janvier 2014 à la fin de la période d’enquête.

( 117 ) En particulier, aux points 161 à 163 de l’arrêt attaqué, le Tribunal explique que la Commission a observé que les importateurs de fonte malléable en provenance de RPC avaient commencé à utiliser le code NC ex73259910 en 2005, année d’institution des précédentes mesures antidumping par l’Union. Pour procéder au calcul des importations concernées par ce code, elle a utilisé 2004 comme année de référence pour laquelle elle disposait de données relatives aux importations correspondant au code NC ex73259910, mais ne portant pas sur le produit concerné. Elle a par conséquent soustrait du volume des importations de la période considérée les opérations qui avaient été réalisées en 2004. La Commission a ainsi estimé que 100 % des opérations ayant porté sur le produit concerné relevaient du code NC ex73259910, à laquelle il convenait de soustraire 14645 tonnes. De même, la Commission a calculé le volume des importations de fonte malléable en provenance d’Inde reprises sous le code NC ex73259910 en soustrayant du volume des importations de la période considérée le volume des importations de l’année 2009 répertoriées sous ce code qui ne portait pas sur ce produit concerné.

( 118 ) Voir points 165 et 166 de l’arrêt attaqué.

( 119 ) Voir appréciation des premier et deuxième griefs (respectivement aux points 167 à 170 et 174 à 196 de l’arrêt attaqué), qui font l’objet de la première branche du premier moyen du pourvoi.

( 120 ) Voir point 142 des présentes conclusions.

( 121 ) Voir points 140 et 141 des présentes conclusions.

( 122 ) Voir point 132 des présentes conclusions.

( 123 ) Ainsi que je l’ai expliqué dans les présentes conclusions, les rapports de l’OMC admettent des inférences raisonnables. Le dictionnaire Merriam-Webster définit le verbe « inférer » comme le fait de « tirer une conclusion à partir de faits ou de prémisses » alors qu’« extrapoler » est défini comme le fait de « prédire par projection d’une expérience passée ou de données connues ». L’extrapolation implique donc la prédiction de données futures en utilisant l’historique des données. Par conséquent, une extrapolation telle que celle de la présente affaire, dès lors qu’elle se fonde sur des données fiables connues, devrait également être reconnue comme une inférence raisonnable.

( 124 ) Voir requête devant le Tribunal, point 37 et annexe 11.

( 125 ) Voir point 137 des présentes conclusions.

( 126 ) Voir points 178 et 179 de l’arrêt attaqué.

( 127 ) Voir, en ce sens, arrêt du 20 mai 2015, Yuanping Changyuan Chemicals/Conseil (T‑310/12, non publié, EU:T:2015:295, point 129). Voir, par analogie, arrêt du 16 avril 2015, TMK Europe (C‑143/14, EU:C:2015:236, points 41 et 42 ainsi que jurisprudence citée).

( 128 ) Voir arrêts du 28 novembre 2013, CHEMK et KF/Conseil (C‑13/12 P, non publié, EU:C:2013:780, point 56) ; du 19 décembre 2013, Transnational Company  Kazchrome  et ENRC Marketing/Conseil (C‑10/12 P, non publié, EU:C:2013:865, point 20), et du 16 avril 2015, TMK Europe (C‑143/14, EU:C:2015:236, point 32).

( 129 ) Voir considérants 130 à 137 et 142 à 160 du règlement attaqué.

( 130 ) Voir, par analogie, arrêt du 10 juillet 2019, Caviro Distillerie e.a./Commission (C‑345/18 P, non publié, EU:C:2019:589, point 44).

( 131 ) Voir tableau 12 du règlement provisoire.

( 132 ) Voir point 43 des réponses.

( 133 ) Voir point 302 de l’arrêt attaqué. La notion d’« autonome » tire sa signification de la relation d’indépendance que partagent des parties indépendantes. Le prix autonome est celui qui aurait été pratiqué entre des entités liées si elles ne l’avaient pas été.

( 134 ) Les requérantes contestent l’examen par le Tribunal de la cinquième branche du premier moyen, relative à l’inclusion des prix intragroupe dans le calcul des coûts de l’industrie de l’Union, et en particulier les points 302 à 311 de l’arrêt attaqué. Cependant, ils excluent expressément ses points 308 à 310 (voir note en bas de page 24 du pourvoi). Les présentes conclusions se limiteront donc aux points 302 à 307 et 311 de l’arrêt attaqué.

( 135 ) Voir point 23 du pourvoi.

( 136 ) Le calcul « transaction par transaction ».

( 137 ) La Commission se réfère aux points 54 et 55 de ses réponses écrites aux questions du Tribunal du 7 avril 2020.

( 138 ) Voir première ligne du tableau 12 du règlement provisoire. La Commission souligne que les données contenues dans ce tableau n’ont été contestées par aucune des parties intéressées ni par la CCCME au cours de la procédure administrative.

( 139 ) Voir points 440 et 441 de l’arrêt attaqué.

( 140 ) Voir points 442 à 447 de l’arrêt attaqué.

( 141 ) La Commission a publié un avis d’ouverture d’une procédure antidumping concernant les importations de certains articles en fonte originaires de la RPC et d’Inde (JO 2016, C 461, p. 22) au Journal officiel de l’Union européenne. En outre, la Commission a demandé à la Mission de la République populaire de Chine auprès de l’Union européenne d’identifier et/ou de contacter les autres producteurs-exportateurs susceptibles d’être intéressés par une participation à l’échantillonnage.

( 142 ) Trois producteurs n’ont déclaré aucune exportation du produit concerné vers l’Union pendant la période d’enquête et n’ont donc pas été considérés comme admissibles pour constituer l’échantillon.

( 143 ) Voir points 434 à 450 de l’arrêt attaqué.

( 144 ) En ce que les requérantes soutiennent que le Tribunal a manifestement dénaturé les faits, il convient d’observer qu’elles n’indiquent pas quels faits ont été dénaturés.

( 145 ) Au point 120 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a expliqué que les membres de la CCCME sont des entreprises productrices et exportatrices du produit concerné qui, d’une part, ont fourni à la Commission des informations en répondant au questionnaire contenu à l’annexe I de l’avis d’ouverture de l’enquête et, d’autre part, sont identifiées dans le règlement attaqué. En tant qu’autres sociétés ayant coopéré identifiées dans cette annexe, les membres de la CCCME se voient appliquer un droit antidumping d’un montant spécifique, différent du montant applicable à toutes les autres sociétés non identifiées auxquelles le règlement attaqué s’applique.

( 146 ) Voir note en bas de page 35 des présentes conclusions.

( 147 ) L’article 6.11 de l’accord antidumping de 1994 n’apporte pas de réponse dès lors qu’il permet aux parties d’ajouter d’autres personnes en tant que parties intéressées. Le règlement de base ne précise pas expressément si l’Union a fait usage de cette faculté par l’ajout aux sociétés des personnes ayant coopéré à la sélection de l’échantillon et de celles ayant été incluses dans cet échantillon.

( 148 ) Pour les producteurs-exportateurs retenus dans l’échantillon, un droit antidumping individuel propre à la société est calculé. Les autres producteurs-exportateurs qui ne sont pas repris dans l’échantillon reçoivent un droit antidumping égal à la moyenne pondérée des marges de dumping établie pour les parties incluses dans l’échantillon (voir article 9, paragraphe 6, du règlement de base). L’article 17, paragraphe 3, du règlement de base prévoit une exception à cette règle.

( 149 ) Voir point 177 des présentes conclusions.

( 150 ) Voir points 434 à 436 de l’arrêt attaqué.

( 151 ) La CCCME invoque le fait d’être une « association représentative » au sens de l’article 5, paragraphe 11, de l’article 6, paragraphe 7, de l’article 20, paragraphe 1, et de l’article 21, paragraphe 2, du règlement de base. Les requérantes font valoir que ce statut implique automatiquement que la CCCME représente les intérêts de tous les producteurs-exportateurs.

( 152 ) Voir point 446 de l’arrêt attaqué.

( 153 ) Voir, en ce sens, arrêt du 27 juin 1991, Al-Jubail Fertilizer/Conseil (C‑49/88, EU:C:1991:276, points 15 à 17) ; voir, par analogie, arrêts du 21 septembre 2006, Technische Unie/Commission (C‑113/04 P, EU:C:2006:593, point 55), et du 1er octobre 2009, Foshan Shunde Yongjian Housewares & Hardware/Conseil (C‑141/08 P, EU:C:2009:598, point 93).

( 154 ) Voir, en ce sens, arrêts du 27 juin 1991, Al-Jubail Fertilizer/Conseil (C‑49/88, EU:C:1991:276, point 17), et du 16 février 2012, Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP (C‑191/09 P et C‑200/09 P, EU:C:2012:78, point 76).

( 155 ) La Cour a déjà jugé qu’une société qui n’a pas participé à une enquête antidumping et qui n’est liée à aucun producteur-exportateur de l’État visé par l’enquête ne saurait revendiquer le bénéfice de droits de la défense à l’égard d’une procédure à laquelle elle n’a pas participé (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2015, Fliesen-Zentrum Deutschland, C‑687/13, EU:C:2015:573, point 73).

( 156 ) Voir point 440 de l’arrêt attaqué.

( 157 ) Notamment, dans l’arrêt du 16 juillet 2015, CHEZ Razpredelenie Bulgaria (C‑83/14, EU:C:2015:480, point 59), la Cour a admis qu’une personne qui ne faisait pas l’objet d’une discrimination (une violation d’un droit subjectif) avait la possibilité d’introduire un recours au nom d’« autres habitants du quartier dans lequel elle [exerçait] son activité ». Il découle de cet arrêt que la violation de droits subjectifs peut être invoquée par des personnes autres que l’intéressé(e).

( 158 ) Voir arrêt du 9 septembre 2021, Adler Real Estate e.a. (C‑546/18, EU:C:2021:711, point 59).

( 159 ) Il convient de lire cette disposition au regard du considérant 29 du règlement de base, qui fait référence au fait que les parties doivent pouvoir défendre leurs intérêts.

( 160 ) La Cour a déjà jugé que le règlement de base confère à certaines personnes intéressées des droits et des garanties procéduraux, dont l’exercice dépend toutefois de la participation active de ces personnes à la procédure elle‑même, qui doit s’exprimer, à tout le moins, par la présentation d’une demande écrite dans un délai déterminé (voir arrêt du 9 juillet 2020, Donex Shipping and Forwarding, C‑104/19, EU:C:2020:539, point 70).

( 161 ) Voir arrêt du 19 septembre 2019, Zhejiang Jndia Pipeline Industry/Commission (T‑228/17, EU:T:2019:619, points 34 à 36).

( 162 ) Voir point 444 de l’arrêt attaqué.

( 163 ) Voir arrêts du 6 juillet 1995, AITEC e.a./Commission (T‑447/93 à T‑449/93, EU:T:1995:130, point 60), et du 15 janvier 2013, Aiscat/Commission (T‑182/10, EU:T:2013:9, point 53).

( 164 ) Voir arrêt du 6 juillet 1995, AITEC e.a./Commission (T‑447/93 à T‑449/93, EU:T:1995:130, point 60).

( 165 ) Ce considérant énonce que « la Commission a estimé que le dossier public mis à la disposition des parties, y compris la CCCME, contenait toutes les informations pertinentes pour la défense de leurs intérêts et utilisées au cours de l’enquête. Lorsque les informations concernées étaient jugées confidentielles, le dossier public contenait des résumés pertinents de celles-ci. L’ensemble des parties intéressées, y compris la CCCME, avaient accès au dossier public et étaient libres de le consulter. En ce qui concerne la CCCME, la Commission a noté que, bien qu’elle représente, entre autres, l’industrie chinoise des pièces en fonte, aucun producteur-exportateur particulier retenu dans l’échantillon ne l’avait autorisée à consulter ses informations confidentielles. Dès lors, les conclusions confidentielles communiquées individuellement aux producteurs-exportateurs chinois retenus dans l’échantillon n’ont pas pu être fournies à la CCCME ».

( 166 ) Van Bael, I., et Bellis, J.-F., EU Anti-Dumping and Other Trade Defence Instruments, 6e édition, point 8.25, p. 409.

( 167 ) Voir point 450 de l’arrêt attaqué.

( 168 ) Voir point 505 de l’arrêt attaqué.

( 169 ) Voir point 489 de l’arrêt attaqué.

( 170 ) Sur cette base, le Tribunal a rejeté le deuxième grief de la deuxième branche du troisième moyen.

( 171 ) L’accès au dossier fait partie intégrante du droit d’être entendu et aussi bien l’accès aux informations que l’obligation de les communiquer sont protégés en tant que droits procéduraux garantis par l’article 41 de la Charte.

( 172 ) Arrêt du 20 mars 1985 (264/82, EU:C:1985:119).

( 173 ) Arrêt du 27 juin 1991 (C‑49/88, EU:C:1991:276, point 17).

( 174 ) Voir, en ce sens, arrêt du 21 novembre 1991, Technische Universität München (C‑269/90, EU:C:1991:438, point 14). Voir également Korkea-aho, E., et Sankari, S., « External participants v. internal interests : Principles of EU administrative law in anti-dumping investigations », European Papers – A Journal on Law and Integration, 2017, vol. 2, p. 560.

( 175 ) Voir, en ce sens, arrêts du 20 mars 1985, Timex/Conseil et Commission (264/82, EU:C:1985:119, point 24) ; du 18 décembre 1997, Ajinomoto et NutraSweet/Conseil (T‑159/94 et T‑160/94, EU:T:1997:209, point 75), et du 11 juillet 2013, Hangzhou Duralamp Electronics/Conseil (T‑459/07, non publié, EU:T:2013:369, point 115).

( 176 ) Voir arrêt du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil (T‑424/13, EU:T:2016:378, point 94 et jurisprudence citée).

( 177 ) Voir arrêt du 25 octobre 2011, CHEMK et KF/Conseil (T‑190/08, EU:T:2011:618, point 231).

( 178 ) Par exemple, dans l’arrêt du 15 mars 2018, Caviro Distillerie e.a./Commission (T‑211/16, EU:T:2018:148, point 45), il s’est avéré que la Commission s’était fondée sur un échantillon de trois producteurs de l’Union représentant environ 56 % de la production totale de l’Union du produit concerné.

( 179 ) Voir point 54 du pourvoi.

( 180 ) Voir point 204 des présentes conclusions.

( 181 ) Voir point 512 de l’arrêt attaqué.

( 182 ) 264/82, EU:C:1985:119.

( 183 ) Voir arrêt du 20 mars 1985, Timex/Conseil et Commission (264/82, EU:C:1985:119, point 27).

( 184 ) Comme le Tribunal l’avait déjà indiqué aux points 445 et 446 de l’arrêt attaqué.

( 185 ) Voir points 205 et 206 des présentes conclusions.

( 186 ) Arrêt du 10 septembre 2015 (C‑569/13, EU:C:2015:572).

( 187 ) Voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2015, Bricmate (C‑569/13, EU:C:2015:572, point 57). Voir également conclusions de l’avocate générale Sharpston dans l’affaire Bricmate (C‑569/13, EU:C:2015:342, points 52 et 53).

( 188 ) Voir point 529 de l’arrêt attaqué.

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