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Document 52017AE1228

    Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2003/87/CE en vue de maintenir l’actuelle restriction du champ d’application pour les activités aériennes et de préparer la mise en œuvre d’un mécanisme de marché mondial à partir de 2021» [COM(2017) 54 final — 2017/0017(COD)]

    JO C 288 du 31.8.2017, p. 75–80 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

    31.8.2017   

    FR

    Journal officiel de l'Union européenne

    C 288/75


    Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2003/87/CE en vue de maintenir l’actuelle restriction du champ d’application pour les activités aériennes et de préparer la mise en œuvre d’un mécanisme de marché mondial à partir de 2021»

    [COM(2017) 54 final — 2017/0017(COD)]

    (2017/C 288/10)

    Rapporteur:

    M. Thomas KROPP

    Consultation

    Conseil, 21 février 2017

    Parlement, 13 février 2017

    Base juridique

    Articles 192, paragraphe 1, et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

     

     

    Décision du Bureau

    21 février 2017

     

     

    Compétence

    Section spécialisée «Agriculture, développement rural et environnement»

    Adoption en section spécialisée

    17 mai 2017

    Adoption en session plénière

    31 mai 2017

    Session plénière no

    526

    Résultat du vote

    (pour/contre/abstentions)

    192/0/2

    1.   Conclusions et recommandations

    1.1.

    Même si les modifications proposées par la Commission auront pour effet de maintenir après 2017 un cadre réglementaire spécifique uniquement aux compagnies aériennes effectuant des vols au sein de l’Espace économique européen (EEE), elles ouvriront la voie au soutien et à la mise en œuvre par l’UE du régime de compensation et de réduction de carbone pour l’aviation internationale (CORSIA) (1), un dispositif mondial ne créant pas de distorsions, dès 2020.

    1.2.

    Le Comité approuve la proposition à l’examen de la Commission moyennant certaines réserves. Si elle est adoptée, les ambitions environnementales du système d’échange de quotas d’émission (SEQE) de l’UE seraient limitées par rapport à l’ensemble de son champ d’application, ce qui risquerait d’une certaine manière de porter préjudice aux objectifs internes de l’Union en matière de climat et aux engagements internationaux qu’elle a contractés; l’UE ferait toutefois la démonstration crédible qu’elle est favorable à une action mondiale visant à réaliser l’effet d’atténuation à l’échelle de la planète.

    1.3.

    Le fait d’élargir le champ d’application du SEQE de l’UE pour couvrir tous les vols entrants et sortants vers et depuis l’EEE risquerait de susciter des différends commerciaux au niveau international concernant la validité d’une application extraterritoriale unilatérale des objectifs de l’UE, et ralentirait le processus de recherche d’un consensus en vue de garantir la mise en œuvre uniforme d’un dispositif ayant fait l’objet d’un accord multilatéral.

    1.4.

    L’UE doit prendre des mesures pour éviter que l’application du mécanisme de marché mondial sur son territoire n’entraîne des distorsions de la concurrence sur le marché unique dans le secteur de l’aviation et veiller, en s’appuyant sur l’expérience acquise avec le SEQE, à ce que le degré d’intégrité environnementale du régime CORSIA soit aussi élevé que possible. Le débat politique sur l’utilité d’une solution autonome qui serait propre à l’UE doit prendre en compte le développement du régime CORSIA et la question de savoir s’il remplit en fin de compte ses objectifs.

    1.5.

    Il est besoin d’avancer rapidement dans le processus législatif. Les propositions doivent être adoptées avant la fin 2017, de sorte que les mesures préparatoires pour la mise en œuvre du régime CORSIA puissent être engagées dès le début 2018. Des réglementations spécifiques à l’UE ne devraient être envisagées ou révisées qu’aux seules fins de promouvoir des mesures de marché à l’échelle mondiale. Le Comité invite instamment le Conseil et le Parlement européen à entretenir la dynamique en faveur d’une mise en œuvre rapide du régime CORSIA, de manière uniforme et sans créer de distorsions.

    1.6.

    Le Comité approuve l’approche équilibrée, telle qu’elle est défendue par la Commission, qui permet de préserver le moyen d’action dont celle-ci s’est dotée avec le SEQE de l’UE tout en apportant une réponse mondiale à un problème qui se pose à l’échelle de la planète, réduisant par là même le risque permanent de fuite de carbone et de désavantage concurrentiel pour l’Europe. La Commission est invitée à informer le consommateur que les émissions résultant des activités aériennes internationales sont un enjeu planétaire. Pour autant qu’il soit convenablement traité par l’ensemble des États membres de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), le régime CORSIA donnera lieu à une croissance neutre en carbone qui dissocie croissance du trafic et croissance des émissions, et ce indépendamment du lieu où s’effectuent les déplacements aériens.

    1.7.

    Le CESE a décidé d’organiser une conférence publique avec la participation de toutes les parties prenantes concernées, afin de donner à celles-ci l’occasion d’exprimer les points de vue de la société civile organisée sur les conséquences politiques, sociales, économiques et environnementales de la proposition de règlement à l’examen.

    2.   Contexte

    2.1.

    Créé en 2005, le système d’échange de quotas d’émission (SEQE) de l’UE a fixé un plafond aux émissions des secteurs industriels au sein de l’Espace économique européen (EEE). Cette limite est matérialisée par des quotas dont la somme totale est égale à la quantité de tonnes de CO2 qui peuvent être émises sans dépasser le seuil prévu. Le plafond global est réduit chaque année de 1,74 %, ce qui avantage les secteurs qui ont besoin de moins de quotas et oblige les industries polluantes à en acheter davantage. Ce système exige des gouvernements qu’ils déterminent la manière dont les objectifs généraux de réduction des émissions peuvent être atteints, afin de limiter la quantité totale d’émissions de CO2 dans l’UE.

    2.2.

    En 2008, l’UE a convenu d’inclure l’aviation en tant que secteur dans son SEQE dès 2012. Pour la première fois, il a été demandé à un secteur, et non aux États membres, de se conformer à des objectifs de réduction des émissions. Les émissions du transport aérien ont été plafonnées à titre provisoire au-dessous de ce qui était leur niveau moyen entre 2004 et 2006. Les permis pour le secteur de l’aviation faisaient l’objet d’un plafonnement distinct par rapport à celui appliqué aux émissions du SEQE global. Le SEQE de l’UE pour le secteur de l’aviation prévoyait que, dès 2012, les exploitants d’aéronefs seraient tenus de présenter des quotas d’émission pour chaque tonne de CO2 émise par des vols à destination ou en provenance d’un aéroport situé dans l’EEE. Afin de faire face à la croissance du trafic et, partant, à la nécessité d’une croissance du transport aérien, les compagnies aériennes se sont vu accorder le droit d’acheter des stocks de quotas supplémentaires aux enchères, dès lors que d’autres secteurs en proposaient. Le plafond des quotas pour l’aviation a été réduit, passant de 97 % du niveau historique des émissions (entre 2004 et 2006) en 2012 à 95 % de cette valeur de référence pour la période 2013-2020. Au cours de cette période, 82 % des quotas sont alloués aux exploitants d’aéronefs à titre gratuit et 15 % sont mis aux enchères.

    2.3.

    L’inclusion du secteur de l’aviation dans un système d’échange de quotas d’émission a fait l’objet de discussions très houleuses. Les problèmes dont il est question sont inhérents à la nature même de l’aviation en tant qu’industrie de service internationale dont les émetteurs de CO2 sont mobiles, ce qui rend difficile l’attribution des émissions de CO2 produites dans un espace aérien donné à tel ou tel gouvernement national. Plusieurs principes fondamentaux sont cependant incontestés au niveau international:

    2.3.1.

    L’aviation représente au moins 2 % des émissions mondiales et le transport aérien international en représente 1,3 %.

    2.3.2.

    Aucun secteur ne devrait être dispensé d’atténuer l’incidence des émissions sur le changement climatique; il convient dès lors d’inclure les secteurs maritime et aérien dans les dispositifs mondiaux visant à atténuer l’incidence du CO2 sur ce phénomène.

    2.3.3.

    Au fil du temps, un consensus a émergé autour de l’idée que les inconvénients d’une taxation des émissions de CO2 surpassaient les avantages d’un mécanisme mondial. Les taxes sont acquittées dans leur totalité dès le premier jour, tandis que des systèmes tels que le SEQE envisagent la gratuité des premiers quotas comme une incitation à être aussi efficace que possible et à transformer un coût en une source de revenus, grâce à la commercialisation des quotas non utilisés. En outre, les taxes ne sont, par définition, pas fondées sur les objectifs mais versées au trésor des gouvernements nationaux, tandis que des mécanismes de marché peuvent, quant à eux, être associés à des mesures de compensation directe des émissions.

    2.4.

    Le principal point de discorde concernant l’inclusion du secteur de l’aviation dans le SEQE de l’UE a trait essentiellement à la question de l’application internationale du dispositif. La Commission européenne a fait valoir que le changement climatique, en ce qu’il constitue un phénomène planétaire, ne pouvait pas être combattu efficacement par des mesures régionales uniquement. Elle a donc cherché à appliquer le SEQE de l’UE pour le secteur de l’aviation à l’ensemble des compagnies aériennes qui opèrent à destination et en provenance des aéroports de l’Union européenne, qu’elles soient ou non immatriculées dans un État membre. Cependant, l’imposition unilatérale d’un tel mécanisme aux pays tiers empiète sur la souveraineté de tous les États dans le reste du monde. En l’absence d’accord internationale bilatérale ou multilatérale sur l’introduction d’un mécanisme de marché relatif aux services entre États souverains, la base juridique en vertu de laquelle l’Union européenne pourrait imposer un tel dispositif à des pays tiers demeurait incertaine. La Cour de justice de l’Union européenne a statué en 2016 qu’il était légal pour l’UE de couvrir les vols à destination et en provenance de pays tiers (2). Outre l’écueil juridique (3), l’UE courait le risque que de plus grands États sur le marché lui imposent des sanctions commerciales en représailles.

    2.5.

    Plusieurs grands pays sur le marché, comme la Chine, le Brésil, les États-Unis, l’Inde et la Russie, ont coordonné leurs efforts pour s’opposer à la mise en œuvre unilatérale du dispositif. Le 12 novembre 2012, sous la pression internationale, la Commission a publié une proposition «suspensive» en vue d’interrompre pendant un an le SEQE dans le secteur de l’aviation. La proposition «suspensive» a été formellement adoptée par le Conseil et le Parlement européen en avril 2013, juste avant que les compagnies aériennes ne soient tenues de restituer des quotas pour 2012; elle a rétroactivement limité le champ d’application du SEQE dans le secteur de l’aviation aux vols intra-EEE.

    2.6.

    En mars 2014, le règlement (UE) no 421/2014 du Parlement européen et du Conseil (4) a été adopté et a prorogé le champ d’application intra-EEE «suspensif» jusqu’à la fin 2016; il disposait également que le champ d’application initial du SEQE (tous les vols à destination et en provenance de l’EEE) soit ensuite intégralement rétabli sauf si l’assemblée de l’OACI de 2016 prévoyait des avancées suffisamment solides dans le sens d’un dispositif mondial.

    2.7.

    Même si plusieurs ONG ont émis des doutes quant au fait que l’accord soit suffisant pour poursuivre un objectif utile, il est largement admis que l’accord de Paris de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques signé le 12 décembre 2015 (5) à Paris constitue une avancée majeure dans la recherche d’un consensus international sur la nécessité d’engager de nouvelles actions coordonnées sur le plan international en vue d’atténuer l’incidence du changement climatique. L’accord a servi d’élément déclencheur de l’action collective à tous les niveaux. Les gouvernements ont été de plus en plus nombreux à le signer dans les mois qui ont suivi sa publication (6).

    2.8.

    L’accord de Paris s’appuie sur la Convention et rassemble, pour la première fois, tous les États au profit d’une cause commune, afin d’engager des efforts ambitieux pour lutter contre le changement climatique et s’adapter à ses effets, en apportant un soutien accru aux pays en voie de développement pour ce faire. En ce sens, il définit une nouvelle voie à suivre pour l’action mondiale dans le domaine du climat (7).

    2.8.1.

    L’objectif central de l’accord de Paris est de muscler la réponse apportée au niveau mondial à la menace du changement climatique, en contenant l’augmentation de la température bien au-dessous de 2 oC par rapport aux niveaux préindustriels et en poursuivant les efforts visant à limiter encore davantage la hausse des températures, à 1,5 oC. En outre, l’accord vise à renforcer la capacité des États à gérer les incidences du changement climatique. Pour atteindre ces objectifs ambitieux, des mécanismes de financement appropriés, un nouveau cadre de technologies et un cadre amélioré de renforcement des capacités seront mis en place, de manière à appuyer l’action engagée par les pays en développement et les pays les plus vulnérables, conformément à leurs propres objectifs nationaux. L’accord prévoit aussi d’appliquer une transparence accrue à l’action menée et au soutien apporté, grâce à un cadre plus solide en la matière (8).

    2.8.2.

    L’accord de Paris exige de toutes les parties qu’elles déploient tous les efforts possibles, au moyen de contributions déterminées au niveau national (CDN), et qu’elles intensifient ces mesures dans les années à venir. Il leur impose également d’établir des rapports réguliers sur leurs émissions et leurs efforts de mise en œuvre (9). En 2018, les parties dresseront le bilan des efforts collectifs consentis en vue d’atteindre l’objectif fixé par l’accord de Paris et pour éclairer l’établissement des CDN. Un bilan mondial sera établi tous les cinq ans afin d’évaluer les progrès collectifs accomplis dans la réalisation de l’objet de l’accord et d’étayer davantage les mesures prises individuellement par les parties.

    2.9.

    Il est largement admis que l’accord de Paris a imprimé l’élan nécessaire pour dégager des résultats lors de l’assemblée de l’OACI de 2016, en particulier pour ce qui concerne l’aviation civile (10). Après trois ans de négociations, entamées lors de la 38e assemblée de l’OACI en 2013, les États membres de l’Organisation ont convenu le 6 octobre de mettre en œuvre un régime mondial de mesures basées sur le marché (RMMBM) afin de compenser la croissance des émissions liées à l’aviation internationale après 2020. L’assemblée plénière a adopté une résolution portant création du régime de compensation et de réduction de carbone pour l’aviation internationale (CORSIA) (11). Ce système exige des compagnies aériennes qu’elles compensent une partie de leurs émissions, mais pas nécessairement qu’elles les réduisent.

    2.10.

    La résolution de l’assemblée prévoit que le niveau moyen des émissions de CO2 produites par les déplacements aériens internationaux couverts par le dispositif entre 2019 et 2020 serve de point de référence à partir duquel les émissions des années futures seront comparées afin d’assurer une croissance neutre en carbone à partir de 2020. Pour une année donnée à compter de 2021, lorsque les émissions de CO2 produites par les déplacements aériens internationaux dépasseront le niveau moyen d’émissions de référence de 2019 et 2020, la différence correspondra aux obligations de compensation du secteur pour l’année en question.

    2.11.

    L’OACI a décidé de mettre en place le système de manière progressive afin de tenir compte des circonstances spéciales et des capacités respectives des États contractants. La participation au dispositif sera volontaire dès le début puis sera suivie d’une participation de tous les États, à l’exception de certains d’entre eux qui en sont exemptés.

    L’OACI a décidé de suivre une approche fondée sur les liaisons afin de minimiser l’impact concurrentiel du régime CORSIA sur les opérateurs. S’agissant des liaisons concernées par les exemptions, ces dernières s’appliqueront pour chaque compagnie aérienne exploitant lesdites liaisons.

    2.12.

    La phase pilote (2021-2023) et la première phase (2014-2026) s’appliquera aux États qui se seront portés volontaires. À compter du 12 octobre 2016, 66 États ont l’intention de participer volontairement au RMMBM dès le début. La deuxième phase (2027-2035) s’appliquera à tous les États, à l’exception de ceux qui en ont exemptés s’ils ne se portent pas volontaires. Le CESE accueille favorablement ce dispositif; toutefois, en raison de son caractère facultatif, d’autres secteurs pourraient devoir combler l’écart éventuel pour atteindre les objectifs de l’UE en matière de climat.

    2.13.

    Les principaux mécanismes du régime CORSIA, qui doivent faire l’objet d’un accord et d’une publication par l’OACI, sont la méthodologie appliquée au suivi, aux rapports et à la vérification des émissions de chaque opérateur (MRV), les critères relatifs aux unités d’émissions et les registres. L’OACI fournira toutefois à tous les États les ressources pour mettre en place les infrastructures nécessaires (12). Ces aspects n’ont pas encore été réglés dans le détail, mais ils seront déterminants pour l’efficacité environnementale du régime CORSIA, qui doit satisfaire à des normes ambitieuses.

    2.14.

    Les compagnies aériennes seront en mesure de remplir leurs obligations en matière de compensation en achetant des crédits de compensation sur les marchés du carbone. Les unités d’émissions (une unité correspond à une tonne de CO2) seront donc réduites dans d’autres secteurs que celui de l’aviation internationale. Les critères relatifs aux unités d’émissions doivent encore être mis au point. Il sera essentiel de veiller à ce qu’une tonne de CO2 émise par un exploitant d’aéronef soit réellement équivalente à une tonne de CO2 économisée dans un autre secteur.

    2.15.

    À la lumière des discussions menées au sein de l’OACI depuis plus de dix ans, l’accord trouvé en 2016 a été qualifié d’historique. Il tient compte des différences qui, par le passé, ont à de multiples reprises empêché de dégager un consensus. Les points de vue divergents des États membres de l’OACI s’expliquent par les différences dans la maturité économique des pays concernés, ainsi que dans leur poids économique et leur politique générale sur les questions environnementales. Le grand nombre d’États prêts à participer dès le début au régime CORSIA créera une dynamique qui incitera les autres pays à rejoindre eux aussi le dispositif. Pour autant, au stade actuel, le régime CORSIA nécessite de trouver un accord sur le système MRV d’ici le 1er janvier 2019, sur les critères relatifs aux unités d’émissions d’ici 2018, sur la mise en œuvre d’un cadre réglementaire d’ici 2020 et sur celle des registres d’ici janvier 2021.

    3.   Évaluation de la proposition

    3.1.

    Si aucun changement n’est apporté au règlement (UE) no 421/2014, le texte en l’état aura pour effet de rétablir le champ d’application initial du SEQE de l’UE, qui couvrira donc tous les vols internationaux à destination et en provenance des aéroports de l’EEE. Les exploitants d’aéronefs seraient dès lors contraints de restituer des quotas pour l’ensemble de leurs émissions produites vers et depuis des pays tiers à compter du 30 avril 2018 (13). Comme indiqué plus haut (14), le règlement (UE) no 421/2014 a été suspendu jusqu’à la réalisation d’une évaluation des résultats obtenus par l’assemblée de l’OACI de 2016. Dans son évaluation (15), la Commission estime que la résolution de l’OACI sur les principes d’un régime mondial de mesures basées sur le marché (RMMBM) est conforme aux ambitions et aux politiques de l’UE. Par conséquent, il convient de modifier à nouveau le règlement (UE) no 421/2014 afin d’éviter la mise en œuvre d’un instrument de l’UE alors même qu’il existe un consensus dans l’Union au sujet d’un RMMBM. La proposition de la Commission est fondée sur les considérations suivantes:

    3.1.1.   Format

    Compte tenu du temps limité imparti pour achever le processus législatif, la Commission propose que la mesure prenne la forme d’un règlement directement applicable dans tous les États membres et obligatoire dans tous ses éléments, de sorte que les amendements puissent être appliqués et mis en œuvre de manière uniforme par tous les États membres avant les échéances de mise en conformité de mars et avril 2018.

    3.1.2.   Analyse d’impact  (16)

    La Commission préconise le maintien de la situation existante, c’est-à-dire l’application actuelle du SEQE de l’UE aux vols intra-EEE entre 2017 et 2020 (donc sans retour au champ d’application initial pour les vols internationaux à compter de 2017). Elle confirme que le SEQE de l’UE, dans son champ d’application actuel intra-EEE, a permis de réduire les émissions de quelque 17 millions de tonnes de CO2 par an, ce qui signifie que le secteur de l’aviation contribue bel et bien aux objectifs dans le domaine du climat, au même titre que d’autres secteurs. En outre, la Commission confirme que la maintien du champ d’application intra-EEE serait bien accueilli par les pays tiers et permettrait de se concentrer sur les modalités nécessaires à la mise en œuvre rapide et harmonisée du RMMBM.

    3.1.3.   Échéances

    En substance, la Commission propose de prolonger l’approche «suspensive» après 2016 et de l’appliquer en 2017 de la même manière qu’en 2016, et de laisser à l’OACI le temps de créer les outils nécessaires pour appliquer efficacement le RMMBM. Elle procéderait ensuite à de nouvelles évaluations et au réexamen du SEQE de l’UE pour la période postérieure à 2020. Aucune date d’expiration n’est fixée pour cette nouvelle révision du règlement.

    3.1.4.

    L’article 28 bis est modifié pour prolonger après 2016 les dérogations applicables aux vols internationaux à destination et en provenance d’aéroports de l’EEE, tout en continuant de couvrir les vols effectués au sein de l’EEE.

    3.1.5.

    Un nouvel article 28 ter est inséré pour préparer la mise en œuvre d’un mécanisme de marché mondial, qu’il relie à des exigences en matière de rapports de la Commission au Parlement européen sur l’état d’avancement de la mise en œuvre et la mesure dans laquelle le SEQE de l’UE doit être modifié pour être pleinement applicable dans l’EEE également (17).

    3.1.6.

    L’article 28 quater habilite la Commission à adopter des mécanismes de MRV aux fins de la mise en œuvre du RMMBM.

    3.1.7.

    En tant qu’élément technique, l’annexe I est modifiée pour proroger, de 2020 à 2030, l’exemption prévue pour les aéronefs non commerciaux effectuant des vols dont les émissions annuelles totales sont inférieures à 1 000 tonnes de CO2 par an. Puisqu’il ne s’agit là que de 0,2 % de l’ensemble des émissions annuelles, leur inclusion entraînerait une charge administrative disproportionnée.

    3.2.

    Comme l’a indiqué la Commission (18), les discussions menées dans divers forums laissent entrevoir de possibles controverses sur trois sujets:

    3.2.1.

    La nécessité de prévoir des mesures plus strictes dans la directive relative au SEQE de l’UE pour la période 2017-2020: outre les questions pratiques, ce point soulève la question de la pertinence d’engager un débat houleux à un moment où il conviendrait de se concentrer sur la mise en œuvre du RMMBM, voire d’un possible effet délétère sur la compétitivité du secteur et la position de l’UE dans les négociations internationales sur les aspects techniques du RMMBM; en outre, il est peu probable qu’à ce stade, des modifications du SEQE de l’UE apporteraient une valeur ajoutée suffisante sur le plan de la réduction des émissions de CO2 pour justifier les risques économiques, politiques et commerciaux qui seraient encourus au niveau mondial. À tout le moins, de telles délibérations semblent prématurées tant que les perspectives offertes par le régime CORSIA n’apparaîtront pas de manière plus claire.

    3.2.2.

    La nécessité de limiter dans le temps la nouvelle révision du SEQE de l’UE: ce point se comprend au sens où la multiplication des modifications suspensives ne saurait constituer une solution réglementaire définitive. Par ailleurs, l’on ne connaît pas encore la forme définitive du régime CORSIA et son intégration dans la politique européenne devra être réexaminée plus tard, vers 2020. Le risque inhérent à cette approche serait de saper la stabilité de la planification dès lors que les parties prenantes savent que la réglementation est limitée dans le temps mais ignorent si de nouvelles dispositions viendront la remplacer ou si une mesure de rétablissement de la situation antérieure viendra raviver des différends internationaux que bon nombre d’entre elles souhaiteraient ne pas voir réapparaître. L’absence de limite dans le temps présente pour net avantage que la Commission pourra achever ses analyses d’impact et ses réexamens avant de soumettre une modification de la directive sur le SEQE de l’UE.

    3.2.3.

    La nécessité de dégager rapidement un consensus entre le Parlement européen et le Conseil: ces deux institutions européennes ne doivent pas s’enliser dans des débats sur les effets passés du SEQE de l’UE mais axer leurs discussions politiques sur le meilleur moyen de promouvoir la mise en œuvre harmonisée et en temps utile d’un mécanisme mondial de marché. Les délibérations concernant la proposition de la Commission européenne devraient s’achever avant la fin 2017, afin d’éviter un retour à la situation antérieure.

    4.

    De par sa composition unique en son genre et son expertise, le CESE occupe une position idéale pour greffer dans le débat politique les points de vue de la société civile organisée concernant les retombées politiques, sociales, économiques et environnementales de la proposition de règlement à l’examen. Aussi le Comité organisera-t-il, dans le cadre du présent avis, une conférence avec l’ensemble des parties intéressées.

    Bruxelles, le 31 mai 2017.

    Le président du Comité économique et social européen

    Georges DASSIS


    (1)  La 39e assemblée plénière de l’OACI a recommandé d’adopter une résolution finale portant création du régime de compensation et de réduction de carbone pour l’aviation internationale.

    (2)  Document 62015CJ0272 — Arrêt de la Cour (quatrième chambre) du 21 décembre 2016, affaire C-272/15.

    (3)  À la suite de la décision prise en 2008 d’inclure l’aviation dans le SEQE de l’UE à compter de 2012, un transporteur des États-Unis a engagé une action en justice au Royaume-Uni en alléguant que le SEQE était illégal en vertu du droit international.

    (4)  JO L 129 du 30.4.2014, p. 1.

    (5)  http://unfccc.int/documentation/documents/advanced_search/items/6911.php?priref=600008865.

    (6)  Sur 197 parties à la Convention, 43 ont ratifié l’accord de Paris. Le seuil fixé pour son entrée en vigueur a été atteint le 5 octobre 2016. L’accord de Paris est donc entré en vigueur le 4 novembre 2016. La première session de la Conférence des Parties agissant comme réunion des parties à l’accord de Paris (CMA 1) s’est tenue à Marrakech, au Maroc, du 15 au 18 novembre 2016.

    (7)  Texte tiré du site web de la CCNUCC.

    (8)  De plus amples informations sur les principaux aspects de l’accord peuvent être consultées ici.

    (9)  De plus amples informations sur les CDN peuvent être consultées ici.

    (10)  Il n’existe aucune organisation déléguée des Nations unies équivalente au niveau international qui serait chargée de traiter les émissions produites par les aéronefs militaires. De même, le SEQE de l’UE ne prend pas en compte les émissions des aéronefs militaires. À l’exclusion expresse des vols effectués dans le cadre de missions officielles, le groupe d’étude a fait part de son intérêt pour une évaluation de l’incidence qu’ont les vols de formation militaire sur les niveaux de CO2. Les émissions des aéronefs militaires n’ont fait l’objet d’aucune collecte d’informations publiques, que ce soit au niveau régional, national ou mondial.

    (11)  Le dispositif CORSIA fait partie d’un ensemble de mesures couvrant la technologie des aéronefs et des moteurs, les opérations aériennes et les carburants de substitution durables tels que les nouvelles sources d’énergie.

    (12)  Une liste détaillée de toutes les exigences figure à l’annexe I au présent document.

    (13)  Comme le prévoit la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil (JO L 275 du 25.10.2003, p. 32).

    (14)  Voir le paragraphe 2.6.

    (15)  Exposé des motifs de la proposition de règlement 0017/2017(COD).

    (16)  Voir l’exposé des motifs, p. 6.

    (17)  Cet article reflète le fait que les vols à l’intérieur de l’EEE sont des vols internationaux et que le régime CORSIA devrait être la seule mesure fondée sur le marché pour l’aviation internationale, conformément à la résolution de l’OACI de 2016.

    (18)  Synthèse de l’analyse d’impact qui accompagne le document modifiant la directive 2003/87/CE.


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