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Document 52014AE0719

    Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen — «Une vision pour le marché intérieur des produits industriels» — COM(2014) 25 final

    JO C 424 du 26.11.2014, p. 20–26 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

    26.11.2014   

    FR

    Journal officiel de l'Union européenne

    C 424/20


    Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen — «Une vision pour le marché intérieur des produits industriels»

    COM(2014) 25 final

    2014/C 424/03

    Rapporteur:

    M. MEYNENT

    Le 7 mars 2014, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

    «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen — Une vision pour le marché intérieur des produits industriels»

    COM(2014) 25 final.

    La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 14 mai 2014.

    Lors de sa 499e session plénière des 4 et 5 juin 2014 (séance du 4 juin 2014), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 144 voix pour, 2 voix contre et 3 abstentions.

    1.   Conclusions et recommandations

    1.1

    Le Comité économique et social européen (CESE) se félicite de la communication de la Commission «Une vision pour le Marché intérieur des produits industriels». Cette communication s'inscrit dans une évolution récente et bienvenue en direction d'une politique industrielle à l'échelle de l'Union — qui se traduit en particulier par la communication «Pour une Renaissance industrielle européenne».

    1.2

    Pour le CESE, les normes techniques sur les produits industriels doivent être l'objet d'une régulation démocratique, ouverte et transparente, impliquant un ensemble large de parties prenantes comprenant au moins: les entreprises dont les PME, les salariés ou leurs représentants, les consommateurs, les ONG de protection de l'environnement. Pour que cette ouverture soit une réalité concrète, il est légitime qu'un soutien public soit accordé aux parties prenantes qui ne disposent pas de ressources suffisantes pour y participer.

    1.3

    Le champ d'application des «exigences essentielles» d'intérêt public susceptibles de se traduire en normes techniques ne devrait pas être limité à la sécurité, la santé, la protection de l'environnement et la protection du consommateur. Il devrait inclure tout intérêt public jugé légitime par la décision démocratique, et en particulier les conditions sociales et environnementales de production, l'interopérabilité des systèmes techniques et l'accessibilité pour tous les utilisateurs.

    1.4

    Les normes techniques doivent être revues et améliorées régulièrement, à un rythme d'autant plus élevé que le secteur est innovant. De l'avis du CESE ces changements ne doivent pas être ralentis mais leur impact pour les entreprises, notamment les PME doit être minimisé.

    1.5

    Il convient d’évaluer l’impact des propositions législatives sur les PME, dans l’esprit du Small Business Act (1). Ainsi, les PME ne doivent pas être exemptées de l'application des normes réglementaires car ces dernières ont pour objectif de protéger des intérêts publics qui sont indépendants de la taille de l'entreprise ayant conçu ou fabriqué le produit, et afin d'éviter de créer un marché à deux vitesses.

    1.6

    Le CESE approuve la proposition faite par la Commission d'utiliser le règlement, d'application uniforme et instantanée à travers toute l'Union, plutôt que la directive, pour harmoniser les produits industriels, de même que la conversion de la décision no 768/2008/CE du Parlement européen et du Conseil en un règlement d'application générale, ce qui simplifiera la structure réglementaire et facilitera sa compréhension, en particulier par les PME.

    1.7

    Le CESE soutient la mise à disposition gratuite des résumés de normes à tout public intéressé, notamment les PME.

    1.8

    Le CESE suggère à la Commission de diffuser largement, sur le marché intérieur et sur les marchés des pays tiers, l'information sur la qualité et le haut niveau d'exigence des produits conformes aux normes européennes, à l'aide d'un budget dédié de communication, en impliquant les parties prenantes listées au paragraphe 1.2.

    1.9

    Le caractère démocratique, ouvert et transparent de la régulation actuelle des normes techniques concernant le marché des produits industriels doit impérativement être conservé lors de la conclusion d'accords de libre-échange.

    1.10

    Le CESE est favorable à la constitution d'une base de données électronique centralisée diffusant l'information normative pertinente pour chaque produit.

    1.11

    Le CESE soutient la création d'un dispositif de «surveillance en ligne» du marché unique permettant à des lanceurs d'alerte de bonne foi de transmettre confidentiellement aux autorités des non-conformités dont ils sont témoins lors de la conception, de la fabrication ou de l'importation du produit industriel.

    1.12

    Le CESE juge qu'une information technique relative à un produit industriel sur support papier constitue un support pérenne, authentique et infalsifiable de contrat, et qu'un support électronique ne peut être considéré favorablement que s'il répond aux mêmes exigences.

    1.13

    Le CESE constate que certains obstacles à la libre circulation et à la libre concurrence sur le marché intérieur des produits industriels subsistent. Le CESE souhaite un renforcement de la surveillance du marché. Les États membres doivent être incités à une plus grande uniformité des sanctions, à des niveaux et à une technicité comparables des contrôles du marché et de la distribution des produits et services, afin de renforcer leur cohérence européenne.

    2.   Introduction

    2.1

    Par sa communication, qui prolonge celle d'octobre 2012, la Commission envisage les possibles développements de la réglementation relative au marché intérieur des produits industriels dans le contexte de l'internationalisation des échanges, de l'évolution technique des produits et de la mise sur le marché de nouveaux produits et de nouvelles technologies. Il s'agit d'évaluer l'impact de la réglementation existante sur le marché des produits du point de vue des industriels et des opérateurs du marché unique, à partir des résultats d'une consultation publique et d'études de cas, évoqués dans le document de travail annexe (en anglais seulement) des services de la Commission.

    2.2

    Le document de la Commission retrace l'évolution du droit de l'Union régissant les produits industriels depuis l'adoption en 1985 de la «nouvelle approche» en matière de législation harmonisée: le législateur de l'Union définit les «exigences essentielles» c'est-à-dire les objectifs en matière de sécurité, de santé, de protection de l'environnement et de protection du consommateur auxquels les entreprises doivent se conformer lorsqu'elles mettent des produits sur le marché de l'Union en assurant le niveau de protection le plus élevé (Art. 114 TFUE). Pour ce qui relève de ces «exigences essentielles», l'harmonisation se réalise par des normes établies par des organismes européens de normalisation, sur la base d'un mandat confié par la Commission européenne.

    2.3

    Les produits industriels sont définis comme des produits non alimentaires résultant d'un processus industriel de fabrication, mais la communication se concentre sur ceux qui n'ont pas fait récemment l'objet d'une législation, d'une révision ou d'une évaluation. Elle ne concerne pas ceux qui sont très spécifiques et traités séparément comme les produits pharmaceutiques.

    2.4

    Selon la Commission, l'harmonisation a permis une notable croissance du commerce des produits concernés, plus rapide que celle de la valeur ajoutée manufacturière totale entre 2000 et 2012. La législation au niveau de l'Union a favorisé les économies d'échelle tout en renforçant la compétitivité des entreprises, en évitant les coûts de mise en conformité auparavant exigés par des règles nationales différentes ou dans certains cas par l'absence de règles.

    2.5

    Les règles établies selon cette approche de 1985 ont aussi renforcé la confiance des consommateurs dans les produits européens.

    3.   Observations générales

    3.1

    Une condition absolument nécessaire au bon fonctionnement du marché intérieur des produits industriels est la confiance, des consommateurs et des utilisateurs professionnels le long de la chaîne de création de valeur, dans le fait que ces produits répondent à des «exigences essentielles» d'intérêt public. En l'absence de cette confiance, les transactions s'arrêtent, le marché s'effondre et ne retient que les produits de qualité inférieure (2).

    3.2

    Ces exigences comprennent la santé, la sécurité des consommateurs et des travailleurs de l'industrie, la protection de l'environnement et la protection des consommateurs, mais plus largement tout intérêt public jugé légitime par la décision démocratique, et en particulier les conditions sociales et environnementales de production, l'interopérabilité des systèmes techniques, l'accessibilité pour tous les utilisateurs.

    3.3

    Ces «exigences essentielles» sont le résultat d'un processus démocratique de décision politique ayant abouti à des lois ou des règlements, qui est au fondement de leur légitimité. La puissance publique est en droit de définir ces «exigences essentielles» et d'en assurer le respect par tous les acteurs du marché intérieur.

    3.4

    Pour le CESE, les normes techniques des produits industriels sont la traduction technique de ces «exigences essentielles» d'intérêt public. Elles sont donc des outils politiques, et doivent être pleinement considérés comme telles. Ce sont tout d'abord des outils de politique générale, visant à atteindre un objectif explicite d'intérêt public, parmi ceux spécifiés à l'art. 114 TFUE, mais allant également au-delà: la santé et la sécurité de l'utilisateur (consommateur ou salarié en environnement professionnel), des conditions de travail favorables à la productivité et à la motivation des travailleurs, la préservation de ressources naturelles fragiles, non renouvelables ou rares (climat, ressources minérales, biosphère, espèces vivantes, eau), le bien-être animal, la confidentialité et l'intégrité des communications et des données, l'interopérabilité des composantes de systèmes complexes, et d'autres encore, définis par la décision démocratique.

    3.5

    Ce sont également, en deuxième lieu, des outils de politique industrielle et de structuration du marché. La conformité à une norme technique exigeante est un outil de différenciation et de compétitivité hors prix, par la qualité, sur le marché international. En anticipant les besoins futurs, les évolutions du marché, une norme aide les industriels européens à être en avance, à innover, et à avoir une offre faiblement sensible au prix — et donc à la fois rentable et génératrice d'emplois de qualité. Lorsque des normes concurrentes (en particulier d'interopérabilité) s'affrontent sur un marché, le choix de la norme a une influence sur les entreprises qui en retireront un avantage concurrentiel — et donc sur la localisation de l'activité économique, et des emplois, qui en résulteront.

    3.6

    Ce caractère politique des normes techniques sur les produits industriels a pour conséquence qu'elles ne peuvent être considérées comme le domaine réservé d'intérêts privés et de spécialistes techniques. Elles doivent au contraire être l'objet d'une régulation démocratique, ouverte et transparente, impliquant un ensemble large de parties prenantes. Cette régulation porte sur les 5 étapes de décision suivantes:

    L'opportunité même de normaliser;

    Les objectifs assignés à la normalisation;

    Les moyens techniques d'atteindre ces objectifs;

    Le contrôle de conformité à la norme et la surveillance de marché; et

    L'exercice de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives en cas de non-conformité.

    3.7

    Cette régulation doit s'appuyer sur des institutions ouvertes, légitimes et donnant concrètement à toutes les parties prenantes concernées la possibilité d'exercer une influence sur la décision. La liste des parties prenantes légitimes à contribuer à cette régulation est, pour le CESE, une liste ouverte, dépendant de la nature précise de celle-ci (ainsi, une norme sur le bien-être des animaux d'élevage ne mobilisera pas les mêmes parties prenantes qu'une autre sur l'interopérabilité d'outils de communication numérique). Cette liste de parties prenantes comprend néanmoins au moins: les entreprises dont les PME, les salariés ou leurs représentants, les consommateurs, les ONG de protection de l'environnement.

    3.8

    Le fait pour les normes techniques d'être des instruments de politique industrielle, de compétitivité par la qualité et l'anticipation des besoins techniques, sociétaux et environnementaux, et des sources d'innovation technique, entraîne qu'elles doivent, pour tenir ce rôle, être revues et améliorées régulièrement, à un rythme d'autant plus élevé que le secteur est innovant. Dans le cas de secteurs très fortement innovants et à fort potentiel de développement, le Comité recommande de poursuivre en parallèle les objectifs de légitimité démocratique et sociale du processus réglementaire et normatif, précisés aux § 3.2 à 3.7, et celui d'un rythme élevé d'établissement des normes, puis de leur mise à jour. Cependant, l'impact de ces changements pour les entreprises doit être minimisé.

    3.9

    Enfin, les normes techniques des produits industriels sont les supports privilégiés d'information et d'éducation du consommateur (final et intermédiaire). Ils lui donnent des éléments objectifs et rigoureux pour juger de façon autonome de l'adéquation du produit à ses besoins. Un consommateur ainsi informé et éduqué est sensible à la différenciation par la qualité, et contribue ainsi à la compétitivité hors prix d'une industrie européenne s'appuyant sur un haut niveau de compétence et de motivation de ses salariés. Ces normes sont donc un élément essentiel de la symbiose entre fournisseurs industriels de haute qualité et consommateurs exigeants et rigoureux.

    4.   Observations particulières

    4.1

    La régulation des normes harmonisées par des directives, telle que pratiquée jusqu'à maintenant, est source d'instabilité et d'un effort d'adaptation par les entreprises permanent et parfois inutile. En effet, elle risque de mener à une législation géographiquement hétérogène d'un État membre à l'autre. Cette hétérogénéité semble être mineure, mais elle est importante lorsqu'on entre dans le degré de détail que requiert la mise en conformité d'un produit industriel à une norme. Cette hétérogénéité géographique se double d'une hétérogénéité temporelle, selon les dates — différentes — de transposition de la directive dans chacun des 28 droits nationaux. Cette période de transposition pouvant s'étendre sur 36 mois, et les mises à jour de normes pouvant être amenées à changer avec une période du même ordre de grandeur, voire plus souvent encore pour les secteurs fortement innovants, les entreprises sont susceptibles de se trouver en permanence dans l'incertitude et la confusion de périodes transitoires.

    4.2

    Face à cette situation, tout particulièrement éprouvante pour des PME disposant de faibles moyens de suivi réglementaire, la proposition faite par la Commission d'utiliser le règlement, d'application uniforme et instantanée à travers toute l'Union, plutôt que la directive, est tout à fait bienvenue. Le CESE considère que cette disposition est extrêmement positive. Elle est susceptible d'éliminer une source majeure d'instabilité réglementaire, et de permettre aux équipes de recherche, développement et innovation (RDI) de travailler dans un environnement réellement uniforme pour 500 millions de consommateurs, stable pour plusieurs années, selon un rythme approprié pour l'intensité d'innovation de chaque secteur.

    4.3

    Ce raisonnement justifie également combien, en terme de subsidiarité, l'usage du règlement pour la définition de normes techniques de produits industriels est un cas où l'action à l'échelle de l'Union est manifestement plus efficace que celle à l'échelle des États membres.

    4.4

    Le CESE soutient également la conversion de la décision no 768/2008/CE du Parlement européen et du Conseil en un règlement d'application générale. La mise en commun d'un ensemble de définitions, de termes et de concepts d'usage horizontal pour l'ensemble de la normalisation technique sectorielle évite les redondances et les répétitions, rend les évolutions du texte plus aisées, et correspond aux bonnes pratiques de l'écriture technique.

    4.5

    Le fait pour un ensemble large de parties prenantes de contribuer aux travaux de normalisation, aux 5 étapes identifiées ci-dessus au § 3.6, est un objectif d'intérêt public. Cet ensemble large comprend des parties prenantes ne disposant que de faibles ressources, comme les organisations syndicales, les PME, les associations de consommateurs et de protection de l'environnement. Il est donc aux yeux du CESE légitime qu'un soutien public soit accordé pour la participation de ces parties prenantes à ces travaux, avec octroi d'un droit de vote, afin que cette ouverture du processus soit une réalité concrète.

    4.6

    Le CESE soutient la mise à disposition gratuite des résumés de normes. En effet, nul n'est censé ignorer la loi, mais, dans le cas des normes techniques, leur accès est aujourd'hui payant, avant même de connaître avec un détail suffisant l'objet et la couverture de la norme — et donc si elle est applicable à son cas particulier. Cela est pénalisant pour les PME, mais aussi pour toute partie prenante intéressée. C'est pourquoi le CESE soutient cette mesure, tout en demandant à ce que cette mise à disposition soit ouverte généralement à tout public intéressé.

    4.7

    Le CESE est favorable à la constitution d'une base de données électronique centralisée donnant accès, pour chaque produit, à la liste des normes auxquels il est conforme, et à la nature de la certification attestant de cette conformité (en particulier si elle relève de l'autocertification ou d'une certification par un tiers agréé). Cette base de données pourrait diffuser gratuitement, sur abonnement, des alertes automatiques par courriel pour tout changement de norme concernant le produit considéré.

    4.8

    Le CESE soutient la possibilité pour des lanceurs d'alerte de transmettre confidentiellement aux autorités, par l'intermédiaire d'un outil de surveillance en ligne du marché unique, des non-conformités dont ils sont témoins lors de la conception, de la fabrication ou de l'importation du produit industriel. Les lanceurs d'alerte de bonne foi doivent être protégés contre les poursuites ou sanctions éventuelles, comme le licenciement s'ils sont salariés. Cette surveillance de marché collaborative et répartie, mobilisant les techniques de l'Internet 2.0, est susceptible d'améliorer la santé et la sécurité des utilisateurs de produits industriels distribués à travers toute l'Union, et protège les entreprises conformes à la réglementation contre les abus de leurs concurrents déloyaux.

    4.9

    Le CESE considère l'information technique relative à un produit industriel comme un élément constitutif du contrat que constitue son achat afin que celui-ci soit éclairé et informé et, après l'acte d'achat, en cas de défaillance, d'accident ou de non-atteinte des performances annoncées. Elle n'est en rien «inutile» ou «inesthétique» comme le prétend la communication de la Commission. Elle doit au contraire être remise au client sous une forme pérenne, authentique et infalsifiable, et lisible indépendamment de l'évolution, au cours de la durée de vie du produit, des outils électroniques disponibles. C'est pourquoi le CESE juge qu'une documentation sur support papier, rédigée dans la langue du pays où s'opère la vente, disponible sur le lieu de vente puis fournie dans l'emballage, remplit ces conditions, et qu'un support électronique ne peut être considéré favorablement que s'il répond aux spécifications fonctionnelles évoquées ci-dessus.

    4.10

    Le CESE suggère à la Commission de diffuser largement, sur le marché intérieur comme sur les marchés des pays tiers, l'information sur la qualité et le haut niveau d'exigence des produits conformes aux normes européennes, à l'aide d'un budget dédié de communication, en impliquant les parties prenantes listées au paragraphe 3.7. Ainsi, les consommateurs et les acheteurs professionnels seront mieux informés des avantages à choisir cette offre. Ceci donnera un avantage concurrentiel par la qualité, pleinement objectif et fiable, aux produits conçus et fabriqués en Europe, ou conformément aux normes européennes — et donc aux entreprises et aux travailleurs européens.

    4.11

    Il convient d’évaluer l’impact des propositions législatives sur les PME, dans l’esprit du Small Business Act (3). Ainsi, le CESE soutient fermement la position de la Commission de n'accorder aucune exemption réglementaire aux PME. Les risques que fait courir un produit à la santé ou à la sécurité des consommateurs ou des utilisateurs professionnels, la préservation des ressources naturelles, la compatibilité avec les systèmes techniques existants, sont des objectifs d'intérêt public, indépendants de la taille de l'entreprise ayant conçu ou fabriqué le produit. De surcroît, des secteurs entiers, en particulier pour certains biens de consommation comme le vêtement ou l'équipement de la maison, sont éclatés et constitués d'un nombre élevé de PME. Affaiblir les exigences normatives à l'égard des PME n'est pas acceptable car cela reviendrait de facto à exempter ces secteurs dont l'impact agrégé sur la consommation — et donc sur les risques — est important. Une telle exemption amènerait de surcroît à créer un marché à deux vitesses, dans lequel l'offre issue de PME serait (légitimement) jugée de qualité inférieure, car soumise à des normes moins exigeantes ou moins nombreuses, ce qui accentuerait leur handicap concurrentiel face à celle issue de grands groupes bénéficiant de surcroît de budgets publicitaires plus importants.

    4.12

    Le CESE ne partage pas l'opinion exprimée par la Commission selon laquelle les changements de norme seraient si fréquents que les entreprises en seraient «submergées». La fréquence de changement des normes dépend de l'intensité d'innovation du secteur, et contribue à la compétitivité hors coût de l'industrie européenne. Elle ne doit pas être ralentie mais le CESE reconnaît que les PME devraient être mieux informées sur ces évolutions, en mobilisant si besoin la base de données évoquée au paragraphe 4.7. Pour autant, la réponse apportée par la Commission en procédant au changement de norme par règlement plutôt que par directive est une manière de répondre adéquatement et suffisamment aux préoccupations exprimées.

    4.13

    Pour le CESE, l'expérience historique que les États membres de l'Union européenne ont acquise au cours du long chemin, depuis 1993 et encore inachevé, vers la constitution effective d'un marché unique des produits industriels, prenant pleinement en compte le caractère politique, et donc démocratique, ouvert et transparent, de la régulation des normes techniques les concernant, doit impérativement être conservée lors de la conclusion d'accords de libre-échange. Le CESE enjoint donc la Commission, lors des négociations en cours, d'établir un cadre institutionnel ayant ces mêmes caractéristiques de démocratie, d'ouverture et de transparence, lors des 5 étapes identifiées ci-dessus au § 3.6 du processus de normalisation, puis de contrôle de conformité. Les normes relatives aux produits et les réglementations et décisions protectrices des intérêts publics, ainsi que les sanctions de leur non-respect, ne doivent pas pouvoir être attaquées comme des obstacles non tarifaires, lorsqu'elles sont conformes à la législation communautaire et aux accords OMC.

    4.14

    L'atteinte d'objectifs d'intérêt public à travers des normes techniques, lorsque les chaînes de création de valeur sont internationales, et dépassent le champ d'application des règles d'une seule juridiction, présente des difficultés spécifiques et encore non résolues. Le CESE suggère que l'effort en ce domaine porte de façon privilégiée sur l'acquisition et la certification de données objectives et fiables sur le produit et son processus physique et social de fabrication. Ces données, transmises ensuite le long de la chaîne de création de valeur, pourraient ainsi être confrontées aux «exigences essentielles» de chaque juridiction, en respectant pleinement sa souveraineté.

    4.15

    Certains problèmes d'obstacles à la libre circulation et à la libre compétition subsistent. Il s'agit par exemple des brevets portant sur des standards techniques, ou de l'effectivité des contrôles de la mise en œuvre des normes et de la législation.

    4.16

    Lorsqu'un brevet a été pris sur une innovation devenant un standard technique, il est indispensable que les concurrents puissent accéder à des licences obligatoires à un prix raisonnable. La législation de la propriété intellectuelle doit offrir une véritable protection de l'innovation sans que les brevets ou le droit d'auteur puissent être utilisés comme des obstacles à la compétition industrielle et à l'innovation. Son rôle doit donc, selon le Comité, être envisagé dans la promotion de la libre circulation sur le marché unique à laquelle contribuera de façon déterminante le brevet unitaire européen, auquel le CESE est particulièrement attaché. A contrario, le CESE observe que, dans certains pays extra-européens, parmi lesquels les États-Unis d'Amérique: la délivrance des brevets ne donne pas toujours lieu à une recherche d'antériorité suffisante, ce qui remet en cause leur caractère novateur; l'acceptation de brevets triviaux met en doute leur caractère inventif; tandis que les brevets portant sur des concepts abstraits d'apparence et de sensation (look and feel), indépendamment de la manière technique dont cette apparence est obtenue, est contraire au principe même du brevet d'invention portant exclusivement sur le moyen d'atteindre un résultat. Cette situation ouvre la porte à des procès abusifs où les entreprises européennes sont en position de faiblesse.

    4.17

    Il s'agit également des sanctions qui ne sont pas toujours appropriées, proportionnées et dissuasives pour sanctionner les violations des normes techniques nationales ou européennes.

    Les sanctions, administratives ou pénales, de même que le contrôle des marchés, relèvent de la compétence des États membres; leur diversité risque de conduire à un «forum shopping» lors de l'introduction de nouveaux produits sur le marché européen. Il convient donc que le «blue guide», RAPEX, la procédure SOLVIT ou d'autres mesures incitent à une plus grande uniformité des sanctions et à des niveaux et une technicité comparables des contrôles du marché et de la distribution des produits et services afin de renforcer leur cohérence européenne. La Commission, qui initie les processus législatifs et contrôle leur application en exerçant une supervision de l'action des États membres peut recourir au juge de l'Union en cas de manquement. C'est au juge européen qu'il appartient, en dernier ressort, de garantir une certaine cohérence européenne à la législation des États membres et à leur contrôle des marchés et des produits et services.

    4.18

    Le CESE souhaite un renforcement de la surveillance du marché.

    4.18.1

    En vue de lutter contre l'apposition indue du marquage CE par d'éventuels producteurs mal informés ou peu scrupuleux, il conviendrait en particulier d'améliorer les contrôles douaniers liés à l'entrée et à la mise sur le marché des produits et de s'assurer du respect des obligations de mise en conformité de ces produits qui incombent aux mandataires, importateurs et distributeurs concernés, conformément à la législation communautaire en vigueur. L'indication sur le label CE d'un numéro de référence de son responsable légal, donnant accès en ligne à son identité juridique et au dossier de conformité, est susceptible de contribuer à ce contrôle de conformité, y compris par des consommateurs lanceurs d'alerte (§ 4.8).

    4.18.2

    Dans un contexte d'austérité budgétaire, le CESE souhaite attirer l'attention sur la nécessité de doter les autorités en charge de la surveillance du marché des moyens adéquats pour l‘exercice de leurs missions, et de focaliser leur action sur les lieux de concentration des tentatives de fraude (ports, distribution en «hard discount» ou non sédentaire), en renforçant la coopération administrative, notamment en ce qui concerne la lutte relative à la contrefaçon. Le dispositif de lanceurs d'alerte évoqué au § 4.8 est susceptible d'améliorer leur efficacité, à faible coût pour les finances publiques.

    4.18.3

    Le CESE s'inquiète du fait que certains acteurs économiques industriels soient susceptibles d'avoir un tel poids dans l'activité économique ou l'emploi d'un État membre, qu'une menace de délocalisation de leur part présente le risque de forcer l'administration nationale à renoncer à toute sanction — mettant ainsi en danger les consommateurs, et exerçant une concurrence déloyale à l'égard des entreprises et des salariés de toute l'Union.

    4.19

    Il est possible, selon le Comité, par des obligations de rapport régulières et des enquêtes de terrain de suivre au plus près les évolutions des produits; les organisations de consommateurs et les organisations de travailleurs sont tout à fait à même de jouer le rôle de lanceurs d'alertes sur les questions de santé et de sécurité, en particulier, et elles devraient être parties prenantes à tous les niveaux de conception et de mise en œuvre des normes.

    Bruxelles, le 4 juin 2014.

    Le Président du Comité économique et social européen

    Henri MALOSSE


    (1)  JO C 376, 22.12.2011, p. 51.

    (2)  Ce résultat a été démontré par G. Akerlof, prix Nobel d'Économie, en 1970, dans son article sur les automobiles d'occasion (Akerlof, George A. (1970). «The Market for “Lemons”: Quality Uncertainty and the Market Mechanism». Quarterly Journal of Economics (The MIT Press) 84 (3): 488–500. doi:10.2307/1879431).

    (3)  JO C 376, 22.12.2011, p. 51.


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