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Document 52013AE6389

    Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission «Réaliser le marché intérieur de l’électricité et tirer le meilleur parti de l’intervention publique» C(2013) 7243 final

    JO C 226 du 16.7.2014, p. 28–34 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

    16.7.2014   

    FR

    Journal officiel de l'Union européenne

    C 226/28


    Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission «Réaliser le marché intérieur de l’électricité et tirer le meilleur parti de l’intervention publique»

    C(2013) 7243 final

    2014/C 226/05

    Rapporteur: M. COULON

    Corapporteur: M. IONIŢĂ

    Le 5 août 2013, la Commission a décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

    Communication de la Commission «Réaliser le marché intérieur de l’électricité et tirer le meilleur parti de l’intervention publique»

    C(2013) 7243 final.

    La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 10 mars 2014.

    Lors de sa 497e session plénière des 25 et 26 mars 2014 (séance du 25 mars 2014), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 135 voix pour, 1 voix contre et 1 abstention.

    1.   Conclusions et recommandations

    1.1

    Le CESE se félicite de la nouvelle communication dont l'objet est de fournir aux États membres des orientations sur la manière dont ils peuvent tirer le meilleur parti des interventions publiques. Il y voit une occasion de redéfinir les politiques à la lumière de l’expérience acquise par les États membres et de donner un nouvel élan au processus d'intégration du marché européen de l'électricité en mettant plus nettement l'accent sur les bénéfices qu'il peut apporter aux citoyens (en particulier les plus vulnérables) et sur l'élimination de la pauvreté énergétique dans l'UE.

    1.2

    Le CESE recommande de clarifier les termes «interventions publiques» et «aides d'État». Il estime par ailleurs que tirer le meilleur parti des interventions publiques ne doit pas systématiquement supposer leur réduction ou leur extension, mais plutôt leur optimisation.

    1.3

    Le CESE plaide pour plus de cohérence européenne dans les interventions publiques nationales et locales pour éviter tout risque d’impact contre-productif.

    1.4

    Le CESE recommande à la Commission d’être attentive à ce que les objectifs de sa communication n’entravent pas la réalisation des objectifs de 2020.

    1.5

    Un marché de l'électricité mieux intégré, plus ancré et fluide devrait être bénéfique à long terme aux producteurs et aux consommateurs (y compris les PME, les artisans et autres petits producteurs). Néanmoins, les frontières nationales restent des obstacles redoutables en termes de réglementations, de capacité de transport, de structure des prix, etc.

    1.6

    Le CESE rappelle l'urgence de développer les infrastructures de transport et de renforcer les interconnexions électriques.

    1.7

    Le CESE soutient l’idée d’européaniser les régimes d’aides aux énergies renouvelables et recommande à la Commission de faciliter davantage les mécanismes de coopération entre les États membres pour promouvoir l’aide transfrontalière.

    1.8

    Le CESE convient qu'il y a lieu de réexaminer le soutien aux nouvelles technologies à mesure qu'elles gagnent en maturité. Il estime que la Commission européenne doit fournir une définition claire de ce qu'elle entend par source d'énergie mature, définition susceptible d'évoluer dans le temps.

    1.9

    Le CESE convient que le marché intérieur de l'électricité n'est pas une fin en soi. Il doit se construire au bénéfice de tous les consommateurs, et en particulier des plus vulnérables. Le CESE soutient l’idée de mettre en place des actions au niveau européen pour permettre aux utilisateurs de devenir des acteurs clés dans le marché européen de l’électricité de sorte qu'ils se transforment en «consom’acteurs». Le CESE invite la Commission européenne à intensifier ses actions à cet égard et à adopter des mesures et des initiatives permettant d'utiliser au mieux les interventions publiques pour éradiquer la pauvreté énergétique.

    1.10

    Le CESE souligne que l'électricité est un bien de base essentiel qui doit être géré comme tel. Dans l'intérêt économique général, un État membre peut y attacher certaines obligations de service public. L’accès universel à l’énergie doit être au cœur de la politique européenne de l’énergie et consacré par les traités européens. Dans un souci de concurrence, tirer le meilleur parti de l’intervention publique dans le secteur de l’électricité ne doit pas aboutir à réduire ou à limiter les obligations de service public que les États membres ont choisi de mettre en place. Le CESE demande à la Commission européenne toute sa vigilance sur ce point et lui demande de prendre des initiatives pour que ces obligations de service public soient davantage garanties et renforcées, quelles que soient les mesures d'austérité en cours.

    2.   Introduction

    2.1

    En 2008, l’Union européenne s’est fixé des objectifs ambitieux en matière de climat et d’énergie (3x20). Le nouveau cadre européen climat/énergie pour 2030 du 22 janvier 2014 fera l'objet d'un prochain avis du CESE. Les États membres ont progressé dans la réalisation des objectifs en matière d’énergies renouvelables, très souvent grâce aux interventions publiques.

    2.2

    Par ailleurs, en février 2011, les chefs d’État et de gouvernement de l’UE ont déclaré que l'objectif était d’achever la mise en place du marché intérieur de l’énergie d’ici 2014. Depuis, la Commission a publié un certain nombre de documents pour aller dans ce sens. Le 15 novembre 2012, la Commission a publié la communication «Pour un bon fonctionnement du marché intérieur de l’énergie» qui établit un premier bilan du marché intérieur de l'énergie et inclut un plan d’action pour finaliser son intégration. Cette communication a été suivie par une consultation publique sur le marché intérieur de l’énergie, l’adéquation des capacités de production énergétique et les mécanismes de capacité.

    2.3

    Le 5 novembre 2013, la Commission a publié la communication «Réaliser le marché intérieur de l’électricité et tirer le meilleur parti de l’intervention publique», accompagnée de cinq documents des services de la Commission qui contiennent notamment des orientations sur les mécanismes de capacité, sur les mécanismes de soutien aux énergies renouvelables, sur les mécanismes de coopération entre États membres pour les énergies renouvelables et sur les solutions basées sur la réaction du côté de la demande.

    2.4

    La Commission constate que la construction du marché intérieur et la poursuite des objectifs climat/énergie a débouché sur de nouvelles problématiques qui réclament de nouvelles formes d’intervention publique, la plupart à l’échelle nationale: le développement important des énergies renouvelables et l'aide accordée à ces dernières, l’adéquation des capacités de production, etc.

    2.5

    La Commission entend par cette communication fournir aux États membres des orientations sur la manière dont ils peuvent tirer le meilleur parti des interventions publiques, adapter les mesures d'intervention et concevoir de nouvelles mesures d'intervention. Si les interventions publiques ne sont pas bien étudiées, elles peuvent perturber gravement le fonctionnement du marché et entraîner une augmentation des prix de l’énergie tant pour les ménages que pour les entreprises. C’est pourquoi elle fournit une liste d’actions préalables à toute intervention publique: identifier un problème précis, sa cause et démontrer que le marché ne peut le résoudre; évaluer les interactions avec les autres objectifs de la politique énergétique et coordonner les différents instruments de politique publique; évaluer les options alternatives; minimiser les impacts sur les systèmes électriques; être attentif aux coûts des mesures d’intervention; prendre en compte les coûts pour les industriels et pour les particuliers; surveiller, évaluer et supprimer progressivement ces mesures d’intervention lorsque l’objectif est atteint.

    2.6

    La Commission estime que l’objectif est de bâtir progressivement un marché de l’énergie en Europe, dans lequel l’offre et la demande fonctionnent correctement, où les signaux de prix soient conformes aux objectifs stratégiques, où les acteurs soient placés sur un pied d’égalité et où la production d’énergie soit efficace. À mesure qu'elles gagnent en maturité, les technologies devront être progressivement exposées aux prix du marché et, en définitive, le soutien octroyé par les régimes d’aide devra être supprimé. Dans la pratique, cela supposera de supprimer progressivement les tarifs de rachat au profit de primes de rachat et d'autres instruments de soutien qui encouragent les producteurs à s'adapter à l'évolution du marché. De même, la Commission invite les États membres à mieux coordonner leurs stratégies en matière d'énergies renouvelables afin de limiter les coûts pour les consommateurs en ce qui concerne les prix et la fiscalité de l’énergie. Il convient de tendre vers davantage d’harmonisation des régimes d’aide.

    2.7

    Cette communication, bien que juridiquement non contraignante, définit les grands principes que la Commission appliquera dans le cadre de l'évaluation des interventions publiques relatives aux régimes d’aide en faveur des énergies renouvelables, des mécanismes portant sur les capacités ou des mesures d'adaptation de la demande des consommateurs. Ces principes auront donc un impact sur la mise en œuvre des règles de l'Union européenne en matière d'aides d'État ou de la législation de l'Union dans le domaine de l'énergie. La Commission envisagera également de proposer des instruments juridiques visant à garantir que ces principes seront pleinement mis en œuvre.

    3.   Observations du CESE

    3.1   Le CESE rappelle qu’il a toujours considéré le marché intérieur de l’énergie comme une opportunité dont il était nécessaire de s’assurer du fonctionnement optimal au bénéfice des consommateurs industriels et des ménages, en associant étroitement la société civile et en veillant à prévenir et à combattre la pauvreté énergétique (1).

    Vers un marché unique: suppression des frontières

    3.2

    Le CESE a toujours approuvé les initiatives de la Commission européenne visant à achever le marché intérieur de l'énergie. Il rappelle par ailleurs que, dans ce sens, il soutient le principe de créer une communauté européenne de l'énergie (CEE). La CEE permettra de renforcer de façon optimale la gouvernance en commun des questions énergétiques en promouvant la solidarité, la coopération et l'intégration s'agissant notamment des questions de marché et d'infrastructures.

    3.3

    Tant qu'il subsiste des «frontières nationales» pour le commerce de l'énergie, il ne peut y avoir de marché intérieur en la matière; aussi conviendrait-il de traiter la capacité transfrontalière exactement de la même manière que n'importe quelle autre ligne ou voie d'acheminement qui ne traverse pas les frontières. La communication devrait souligner que ce ne sont pas seulement les disparités des réglementations nationales, mais également l'accès aux capacités transfrontalières, qui restent un obstacle important à l'élimination de facto des barrières au sein du marché intérieur de l'énergie. Par exemple, la généralisation de la méthode «entrée-sortie» («entry-exit») de fixation des prix et d'attribution des capacités pour le transport dans tous les États membres pourrait favoriser les échanges transfrontaliers, et serait préférable au modèle «de point à point» («point-to-point») étant donné qu'elle incite les GRT (gestionnaires de réseau de transport) à investir dans l'élimination des goulets d'étranglement d'électricité qui existent aux frontières des zones dans lesquelles ils opèrent. Cette généralisation bénéficiera à tous les acteurs du marché, y compris ceux du marché des énergies renouvelables intermittentes. En plus du Réseau européen des gestionnaires de réseaux de transport (REGRT), la Commission et l'Agence de coopération des régulateurs de l'énergie (ACER) doivent revoir les mécanismes d'attribution et imposer des responsabilités aux GRT en matière d'échanges d'électricité. Un réexamen est nécessaire afin de garantir qu'aucun «goulet d'étranglement artificiel» susceptible d'exister aux frontières nationales ne puisse limiter les flux d'énergie entre les États membres. De tels «goulets d'étranglement artificiels» peuvent résulter de politiques nationales protectionnistes qui cherchent à introduire une tarification nationale uniforme ou d'éventuels abus commerciaux de GRT nationaux qui repoussent leurs goulets d'étranglement d'électricité aux frontières des zones qu'ils gèrent. De telles règles encourageraient les GRT à orienter leurs investissements de façon à améliorer les interconnexions transfrontalières des réseaux de transport.

    3.4

    Le CESE plaide pour renforcer les interconnexions électriques afin de finaliser le marché intérieur de l’énergie. Le CESE soutient toutes les initiatives pour fluidifier l’utilisation et l’efficacité des réseaux électriques au vu du développement des énergies renouvelables; il approuve ainsi les coopérations comme Coreso, embryon d’un dispatching électrique européen.

    Les énergies renouvelables et l'adéquation de la production

    3.5

    Par ailleurs, le CESE a toujours soutenu une utilisation accrue des énergies renouvelables (2). Il souscrit aux objectifs de la feuille de route 2050.

    3.6

    Les dispositifs d'aide aux énergies renouvelables ont été mis en place à une époque où la part de ces énergies était faible et leur technologie à ses débuts. Actuellement, la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique s'est accrue considérablement et va continuer d'augmenter à plus long terme. Le CESE partage avec la Commission l'idée que les interventions publiques doivent être évaluées, dans le respect du principe de subsidiarité, à l'aune du degré de maturation des sources d'énergie et des technologies. Il estime cependant qu'une définition claire de ce qu'est une énergie mature doit être fournie par la Commission européenne et revue à la lumière des progrès technologiques futurs. Il indique également que l'évaluation et l'adaptation des dispositifs d'aide aux énergies renouvelables devrait se faire de façon à garantir que les consommateurs, et notamment les plus vulnérables, puissent bénéficier pleinement du marché européen de l'électricité. Le CESE préconise d'être attentif à ce que cette adaptation des aides ne rende pas plus difficile voire délicate la réalisation des objectifs de la stratégie Europe 2020. Il recommande à la Commission d'être attentive à cet aspect lors de la préparation des nouvelles lignes directrices de l'Union sur les aides d'État liées à l'environnement et à l'énergie.

    3.7

    Dans un même ordre d'idées, le CESE convient de supprimer progressivement les aides aux énergies renouvelables pour les technologies arrivées à maturité, mais aussi de bien coordonner celles-ci avec le développement d'un marché des émissions qui soit fonctionnel. Il partage l'avis de la Commission selon lequel les aides aux énergies renouvelables doivent être flexibles, proportionnées, dégressives et compétitives et permettre aux énergies renouvelables de répondre de plus en plus aux signaux du marché et de concurrencer les énergies conventionnelles. Le soutien direct aux énergies renouvelables devrait progressivement être remplacé par un marché d'échange de quotas d'émission qui fonctionne de manière satisfaisante, et disparaître progressivement en conséquence.

    3.8

    Le CESE accueille avec bienveillance les initiatives de la Commission visant à européaniser les régimes d'aides aux énergies renouvelables. La Commission devrait faciliter davantage les mécanismes de coopération entre les États membres afin de promouvoir l'aide transfrontière, peu utilisée à l'heure actuelle. Il est peu probable que l'européanisation de l'aide devienne une réalité tant que les États membres seront en mesure d'élaborer leurs propres politiques, de pratiquer la politique du «cavalier seul» ou d'imposer des contraintes négatives aux pays voisins (par exemple, le soutien au développement rapide des énergies renouvelables en Allemagne génère des flux de bouclage en Pologne et en République tchèque, ce qui suppose des coûts supplémentaires d'électricité dans ces pays pour équilibrer et sécuriser l'approvisionnement). Il est plus aisé de traiter ces problèmes maintenant, tant que le système est encore relativement jeune, que plus tard, lorsque les effets de dépendance historique deviendront plus prononcés.

    3.9

    Le fait que la production d'énergies renouvelables est intermittente, qu'elle nécessite un équilibrage, des capacités d'appoint ou de réserve représente un sujet de préoccupation en ce qui concerne l'intégration des énergies renouvelables. La communication signale que l'aide allouée par les États membres aux capacités d'appoint risque en fait de soutenir des centrales électriques inefficaces ou de subventionner des combustibles fossiles. Il convient d'atténuer le problème en développant tout d'abord des marchés intrajournaliers, d'équilibrage et de services auxiliaires qui soient efficaces. Si ces marchés sont réellement efficaces, transfrontaliers et donnent des signaux de prix corrects, ils pourraient, en définitive, réguler suffisamment le marché de sorte qu'un mécanisme de capacité supplémentaire ne serait plus nécessaire. Tous les mécanismes de réserve ou de capacité doivent être axés sur le marché, neutres sur le plan technologique, non discriminatoires et ouverts à une participation transfrontalière (3).

    3.10

    Les normes et les mécanismes en matière d'adéquation de la production varient selon les États membres étant donné que les problèmes liés à l'équilibre de l'offre et de la demande ne s'y posent pas de la même façon. L'intervention publique s'avère nécessaire pour garantir la sécurité d'approvisionnement et assurer des réserves, lesquelles sont par nature nationales. Cependant, du fait que les marchés sont de plus en plus interconnectés et interdépendants, et pour éviter la coexistence de différents systèmes fragmentés, il convient d'encourager toute concertation et coopération entre les États notamment au sein du groupe coordination pour l'électricité et que la Commission examine la faisabilité d'un marché de capacités européen basé sur les bonnes expériences menées jusqu'à présent.

    Intervention publique

    3.11

    Le CESE convient avec la Commission que l'intervention publique joue un rôle important dans la réalisation des objectifs européens de politique énergétique et climatique. Il estime que tirer le meilleur parti de l’intervention publique ne suppose pas nécessairement sa réduction ou son expansion, mais plutôt l'optimisation des efforts publics. Le CESE considère que ce type d'intervention doit jouer un rôle encore plus important dans la lutte contre la pauvreté énergétique. Il estime qu’il convient de tirer un meilleur parti de ces interventions dans ce domaine et invite la Commission à émettre des propositions et des initiatives sur ces aspects.

    3.12

    Le CESE souligne cependant qu'il importe de garantir que ces interventions publiques qui se font aux niveaux national, régional ou local trouvent une cohérence à l'échelle européenne; en effet, elles peuvent avoir, le cas échéant, des impacts contre-productifs à l'échelon européen.

    3.13

    Dans le même temps, le CESE rappelle que le mix énergétique relève de la souveraineté nationale, tant qu'il ne fausse pas de manière significative la concurrence et qu'il respecte les règles en matière d'aides d’État. Du fait que ce type d'interventions a un impact sur d'autres pays européens, le CESE estime qu'il conviendrait de renforcer la coordination entre les États membres, en particulier dans le groupe de coordination pour l'électricité, afin d'apporter une plus grande cohérence au niveau européen.

    3.14

    Le CESE souligne à ce propos qu'il serait opportun que la Commission procède à une distinction claire entre les interventions publiques et les aides d'État.

    3.15

    Les interventions publiques ont une incidence sur les coûts et les prix de l'électricité. La Commission reconnaît qu'il est difficile de déterminer le coût de chacune des technologies de l'énergie sur une base comparable et d'évaluer ainsi le niveau d'intervention publique nécessaire. Le CESE examinera avec attention dans un prochain avis le rapport et la communication de la Commission sur les prix et les coûts de l'énergie en Europe, publiés le22 janvier 2014. Le CESE rappelle qu'il recommande à la Commission d'inclure dans ce rapport une analyse de la pauvreté énergétique dans l'UE ainsi qu'une stratégie et une feuille de route pour la combattre.

    3.16

    Plus le marché de l'électricité est important, ancré et fluide, plus sa stabilité sera assurée et la nécessité des différentes formes d'interventions publiques ad hoc ou temporaires qui posent actuellement des problèmes de coordination diminuera.

    Compétitivité

    3.17

    La Commission a mis en évidence, à bon droit, des aspects tels que la sécurité de l’approvisionnement ou le recul de la compétitivité des prix pour l'économie de l'UE qui ne sont pas toujours compatibles avec les objectifs «20-20-20» ou les objectifs à l'horizon 2050. C'est ainsi que la réalisation des objectifs du paquet sur le climat accroît les coûts énergétiques pour les citoyens et l'industrie et entrave la compétitivité. Par ailleurs, le soutien aux énergies renouvelables peut mener à des prix de gros de l'électricité excessivement bas et fausser les signaux d'investissement dans les capacités de réserve. Les instruments visant à réaliser les objectifs «20-20-20» doivent faire l'objet d'un suivi approprié afin de veiller à ce que les distorsions ne soient pas plus importantes que les bénéfices.

    3.18

    Dans le même temps, la proposition de la Commission de promouvoir les contrats à long terme de construction de nouvelles centrales électriques devant être conclus entre les producteurs d’électricité et les futurs consommateurs finaux afin de garantir la compétitivité des industries à forte consommation d'énergie suscite de nouvelles inquiétudes. La Commission reconnaît qu'il existe un risque de verrouillage des marchés. Il convient donc d'examiner attentivement ces contrats afin de voir si les bénéfices sont supérieurs aux coûts ou si, en réalité, ils nuisent à la concurrence. En outre, les consommateurs intensifs d'énergie ont tendance à être plus intéressés par les centrales à combustibles conventionnels qui fournissent de l'énergie de manière fiable. Ce soutien risque d'aller à l'encontre d'autres politiques européennes, allant du soutien aux énergies renouvelables au respect de la directive relative aux émissions industrielles. Dans des situations extrêmes, le décideur se trouve particulièrement embarrassé si, pour une raison ou une autre, un consommateur industriel opte en fin de compte pour une délocalisation.

    Conférer plus de pouvoirs aux consommateurs/lutter contre la pauvreté énergétique

    3.19

    Le CESE convient sans réserve que le marché intérieur de l'électricité n'est pas une fin en soi. Le marché de l'électricité doit profiter à tout le monde, et en particulier aux personnes les plus vulnérables. Des efforts doivent être déployés pour l'achèvement du marché qui est actuellement trop fragmenté. Cette fragmentation a des incidences négatives sur la liberté de choix de fournisseur du consommateur européen et sur son budget du fait des prix trop élevés, sur la sécurité d'approvisionnement et sur les efforts de lutte contre le changement climatique et de transition énergétique. La politique européenne de l'énergie devrait renforcer ses efforts visant à éradiquer la pauvreté énergétique.

    3.20

    La réponse à la demande et l'efficacité énergétique présentent un énorme potentiel pour réduire les pointes de consommation. Ces voies restent cependant sous-exploitées malgré les progrès technologiques. Le CESE recommande vivement de permettre aux consommateurs de modeler leur vie énergétique et de devenir des consom'acteurs. Les technologies telles que les compteurs intelligents doivent réellement être conçues pour tous les consommateurs, y compris les plus vulnérables, et être pleinement efficaces et utiles grâce à l'information lisible et transparente qu'ils fourniront, sans coûts supplémentaires, en permettant ainsi une adaptation intelligente de la demande d'énergie (et en garantissant la sécurité/confidentialité des données). Le CESE soutient la promotion de la recherche et du développement dans le secteur de l'énergie (principalement en ce qui concerne les outils intelligents et le stockage d’énergie).

    3.21

    L'intervention publique est également déterminante parce que la gestion de la demande (DSM) et la réponse à la demande (DSR) ont tendance à pénaliser indûment les consommateurs vulnérables. Il convient dès lors d'adapter à la situation particulière des consommateurs vulnérables le type d'aide qui leur est proposée et de définir des critères d’éligibilité équitables et prévisibles.

    3.22

    Le CESE estime que les technologies DSM et DSR ne suffisent pas à elles seules pour adapter et infléchir la demande. Il a préconisé de renforcer la sensibilisation et les compétences des citoyens au niveau européen par le biais de diverses initiatives soutenues par un fonds de solidarité énergétique (4). Le CESE soutient la rénovation thermique des bâtiments (avec certification énergétique professionnelle) afin d'éradiquer les passoires thermiques et de supprimer progressivement la mise sur le marché, la vente ou la location de ces dernières.

    3.23

    Les consommateurs d'énergie européens se classent parmi les plus insatisfaits du marché. Du côté des consommateurs, d'importantes questions doivent être réglées afin de favoriser le développement d'un marché de l'énergie qui fonctionne bien, notamment: l'accès à l'énergie; la fourniture d'informations objectives et fiables sur les offres, y compris des comparaisons indépendantes; la transparence des clauses contractuelles; la protection contre des pratiques commerciales trompeuses et agressives; un point de contact unique pour l'information; la compréhensibilité de l'information aux consommateurs; l'efficacité de la mise en œuvre de la directive sur l'efficacité énergétique; la facilité de changement; des moyens de recours efficaces en cas de plainte justifiée (5); et des mesures pour lutter contre la pauvreté énergétique. L'indépendance de la surveillance des marchés énergétiques est également essentielle pour garantir une concurrence loyale et servir les consommateurs. Des avancées dans ces domaines sont susceptibles de renforcer le soutien politique et social général aux politiques énergétiques de l'UE.

    3.24

    Le CESE soutient la production locale d'énergies renouvelables par les consommateurs (prosommateurs (6)). Ce phénomène se développe rapidement dans de nombreux pays, en particulier en Allemagne et au Royaume-Uni. Il est déterminant pour l'équilibre énergétique en Europe, pour un approvisionnement énergétique moins cher et pour la réduction des émissions de CO2. Le rôle des prosommateurs sur le marché de l'énergie est lié à la lutte contre la pauvreté énergétique. Grâce aux réseaux et compteurs intelligents, un prosommateur est en mesure de fournir un échange de services énergétiques générés par une petite centrale électrique. D'ici la fin de 2020, il y aura au Royaume-Uni environ 8 millions d'installations de ce type qui produiront quelque 40 GW d'électricité. Le nombre de personnes employées dans le secteur dépassera les 1 00  000. Les prosommateurs devraient bénéficier d'une aide publique visant l'élimination des obstacles juridiques ainsi que d'un soutien financier/opérationnel fourni sous la forme de services de montage et de maintenance, en particulier en matière d'investissement. Néanmoins, une réglementation efficace est également nécessaire pour garantir que les prosommateurs assument dûment leurs responsabilités pour tout déséquilibre créé en fournissant de l'énergie au système ainsi que pour développer des instruments fondés sur le marché et des mécanismes de prix qui les incitent à réduire ces déséquilibres.

    3.25

    L'électricité n'est pas une marchandise comme une autre. C'est un bien commun essentiel qui doit être géré comme tel. Dans l'intérêt économique général, un État membre peut y attacher certaines obligations de service public. Le CESE n'a eu de cesse de plaider pour que l'accès universel à l'énergie figure parmi les objectifs de la politique énergétique de l'UE et dans le Traité. Dès lors, le CESE souligne qu'il convient d'être attentif à ce que, lorsqu'elles sont mises en place par les États membres en vertu de la directive 2009/72/CE, les obligations de services public qui remplissent des missions d'intérêt général (notamment la sécurité, l'accès à l'énergie et à une énergie abordable, la régularité, la qualité et les prix de l'électricité ainsi que la protection de l'environnement, y compris l'efficacité énergétique et la protection du climat ainsi que définis dans les articles 3.2 et 3.3 de cette directive) ne soient pas diluées dans le cadre du processus de rationalisation des intervention publiques, à l'aune du principe de concurrence. Le CESE demande à la Commission européenne toute sa vigilance sur ce point et l'invite à fournir annuellement des informations sur cet aspect essentiel en incluant dans son rapport annuel sur le marché intérieur une évaluation plus spécifique et approfondie sur la façon dont les obligations de service public sont remplies par les États membres et également à proposer des initiatives spécifiques pour que ces obligations soient davantage garanties, voire renforcées, au niveau européen.

    Gouvernance

    3.26

    La transparence et l'intégrité du commerce de gros de l'énergie sont, en bout de chaîne, essentielles pour la protection des intérêts de chacun, afin d'éviter que les consommateurs finaux ne paient des factures excessives et de favoriser la bonne gouvernance des compagnies d'énergie, qu'il s'agisse d'entreprises d'État ou privées. La Commission devrait procéder à une évaluation de la mise en œuvre du règlement REMIT et proposer des solutions le cas échéant. La transparence du commerce de gros permettrait de détecter rapidement des problèmes tels que des abus de marché ou des comportements anticoncurrentiels.

    Bruxelles, le 25 mars 2014.

    Le Président du Comité économique et social européen

    Henri MALOSSE


    (1)  JO C 133 du 9.5.2013, pp. 27-29; JO C 68 du 6.3.2012, pp. 15-20; JO C 341 du 21.11.2013, pp. 21-26.

    (2)  JO C 77 du 31.3.2009, pp. 43-48; JO C 44 du 15.2.2013, pp. 133-139; JO C 229 du 31.7.2012, pp. 126-132.

    (3)  Eurelectric, le 17 janvier 2014.

    (4)  JO C 341 du 21.11.2013, pp. 21-26.

    (5)  Consumer rights in electricity and gas markets («Droits des consommateurs sur les marchés du gaz et de l'électricité»), document de position du BEUC, décembre 2013.

    (6)  Les prosommateurs sont des petits producteurs indépendants d’électricité qui est générée le plus souvent chez eux au moyen de petites installations (par exemple des petites éoliennes, des panneaux solaires, la récupération de chaleur au moyen de pompes à chaleur, etc.). Ce qui caractérise les prosommateurs, c'est que leur production peut être destinée à des fins d'utilisation personnelle ou être revendue à des réseaux plus importants.


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