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Document 52009AE0868

Avis du Comité économique et social européen sur L'écologisation du transport maritime et fluvial (avis exploratoire)

JO C 277 du 17.11.2009, p. 20–24 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

17.11.2009   

FR

Journal officiel de l’Union européenne

C 277/20


Avis du Comité économique et social européen sur «L'écologisation du transport maritime et fluvial»

(avis exploratoire)

(2009/C 277/04)

Rapporteuse: Mme BREDIMA

Par lettre en date du 3 novembre, la Commission européenne a demandé au Comité économique et social européen, au titre de l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de rédiger un avis exploratoire sur

«L'écologisation du transport maritime et fluvial».

La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 15 avril 2009 (rapporteuse: Mme BREDIMA).

Lors de sa 453e session plénière des 13 et 14 mai 2009 (séance du 13 mai 2009), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 182 voix pour, 3 voix contre et 3 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.   Le présent avis exploratoire examine comment «écologiser» l'environnement océanique et fluvial tout en sauvegardant la compétitivité de l'industrie des transports, dans la logique de la stratégie de Lisbonne. Il est possible de parvenir à cette «écologisation» par une politique globale, qui encouragera les investissements «verts» créera des «emplois verts». Estimant qu'une économie verte ne constitue pas un luxe, le Comité est donc favorable à une telle démarche.

1.2.   Colonne vertébrale de la mondialisation, le transport maritime assure quelque 90 % des échanges mondiaux et achemine 90 % du négoce extérieur de l'UE et 45 % de ses transactions intérieures (en volume). La navigation intérieure, quant à elle, joue un rôle important pour les transports internes à l'Europe, puisque les voies navigables détiennent une part de 5,3 % de l'ensemble de ces acheminements sur son territoire. L'un et l'autre de ces modes de transport sont compétitifs, durables et respectueux de l'environnement.

1.3.   Le Comité invite instamment la Commission à opérer, dans ses documents et saisines futurs, une distinction en vertu de laquelle la navigation fluviale sera rangée parmi les modes de transport intérieur.

1.4.   Le Comité estime qu'il convient de rapporter les performances environnementales du transport maritime et de la navigation intérieure à celles des acheminements terrestres dans l'UE et à la pollution provoquée par des sources implantées sur la terre ferme. Il s'impose, rappelle-t-il, que toutes les mesures communautaires en rapport avec la pollution de l'environnement puissent également valoir pour la navigation de plaisance et, si possible, les bâtiments de guerre. Toutes ces dispositions doivent être applicables à tous les navires, indépendamment de leur pavillon, et s'avérer aussi pratiques et avantageuses que possible en considération de leur coût. Il convient par ailleurs qu'elles se basent sur une évaluation solide, sur le plan environnemental, technique et socio-économique.

1.5.   En cette année européenne de la recherche et de l'innovation (2009), le Comité est d'avis que l'industrie européenne devrait prendre une position en pointe pour l'exploration de technologies vertes dans le domaine de la conception et du fonctionnement des navires et des ports. Il conviendrait que la Commission européenne étudie les possibilités de commercialiser dans d'autres parties du globe les technologies vertes de l'Europe. Une telle initiative aurait par ailleurs l'avantage de créer plus d'emplois dans les États membres de l'UE («emplois verts»). Grâce aux investissements intelligents effectués dans des dispositifs plus écologiques en matière de bateaux, d'efficacité énergétique et de ports, l'économie mondiale sortira plus rapidement de la crise.

1.6.   Le Comité suggère qu'il est possible de parvenir à de meilleurs résultats en gardant la balance égale entre la législation et les initiatives émanant du secteur. Aussi presse-t-il la Commission d'examiner comment faire fructifier les bonnes pratiques au niveau de l'UE. L'«écologisation», qui répond à un souci de respect de l'environnement, est profitable à l'économie et peut déboucher sur la création d'emplois. Il n'y a pas conflit entre la durabilité du transport maritime et fluvial et sa rentabilité.

1.7.   Le Comité pourrait servir de «canal de communication» officiel des nouvelles politiques vertes auprès de la société civile organisée de l'UE, le but étant de parvenir à développer une «culture verte». Il peut être le forum européen qui sensibilisera plus avant la société civile organisée aux enjeux environnementaux. Avant de parvenir à réaliser le bateau, le carburant ou le port «verts», nous devrions modifier notre manière de penser et d'agir au jour le jour et accéder à une conscience plus écologique.

1.8.   Il est reconnu qu'à l'aune des émissions de CO2, la formule la plus efficace pour le transport de marchandises est celui qui s'effectue par la mer et les voies navigables intérieures. La promotion de l'acheminement fluvial pourrait aider l'UE à atteindre ses principaux objectifs de politique environnementale. Son utilisation plus intensive constitue l'une des clés pour réduire les émissions de CO2 du secteur des transports.

1.9.   Dans le futur prévisible, le transport maritime, et donc ses émissions, continueront à se développer, au service d'un commerce mondial en croissance continue. Aussi apparaît-il pratiquement impossible de parvenir à réduire en chiffres absolus le volume de gaz qu'il émet. Il est possible d'arriver à des réductions significatives des rejets par une combinaison de mesures techniques et opérationnelles.

1.10.   Lorsqu'on s'interroge sur un éventuel système d'échange de quotas d'émissions pour le transport maritime, il y a lieu de ne pas obérer la compétitivité de la marine marchande européenne sur le marché mondial. Un système planétaire s'avérerait bien plus efficace pour faire baisser les émissions de CO2 de l'industrie maritime mondiale qu'un dispositif propre à l'UE ou à telle ou telle autre région du globe.

1.11.   Il est nettement plus difficile d'appliquer un système d'échange de quotas d'émission au transport maritime qu'à l'aviation, en particulier pour ce qui concerne l'affrètement à la demande. Dans le secteur, une taxe sur le carbone (carburants de soute) ou toute autre forme de prélèvement pourraient s'avérer tout aussi «efficaces» et d'une gestion nettement plus aisée, pour autant qu'elles soient appliquées à l'échelle mondiale.

1.12.   Il sera particulièrement bénéfique, notamment dans le domaine de l'acheminement des biens dangereux, d'aligner sur les normes en vigueur dans le transport maritime les dispositifs d'enseignement et de formation qui s'adressent aux équipages des bâtiments de navigation intérieure.

2.   Recommandations

2.1.   Bien que le transport maritime et le transport fluvial soient des modes d'acheminement compétitifs, durables et respectueux de l'environnement, la Commission devrait étudier les possibilités d'y apporter encore des améliorations, via des synergies entre actes réglementaires et initiatives du secteur.

2.2.   Le Comité note que le besoin se fait sentir d'améliorer les infrastructures des ports et canaux afin d'y accueillir de plus gros navires, d'éliminer les problèmes de congestion portuaire ou de maximiser la vitesse des rotations à quai.

2.3.   Les États membres, que ce soit isolément ou de concert, doivent installer les dispositifs adéquats en matière de préparation, de ressources et d'équipements pour réagir aux effets de la pollution dans les eaux communautaires, la combattre et l'atténuer.

2.4.   Le Comité presse la Commission d'examiner les initiatives prises par l'industrie et les autres actions environnementales et d'étudier comment faire fructifier au niveau de l'UE. ces bonnes pratiques visant à réduire les émissions atmosphériques des bateaux.

2.5.   Si l'on veut arriver à créer le bateau ou le port «verts» de demain, la Commission se doit de soutenir l'industrie communautaire pour qu'elle prenne la position de tête dans la recherche sur l'innovation technologique navale et portuaire.

2.6.   Le Comité appelle la Commission à se pencher sur la commercialisation des technologies vertes européennes dans d'autres parties du monde. Une telle démarche aurait en outre l'avantage de créer davantage d'emplois (dits «verts») dans les pays de l'Union.

2.7.   S'agissant de réduire les émissions des navires, le Comité propose des améliorations de logistique, par le biais de mesures telles que le raccourcissement des itinéraires, la réduction des traversées effectuées avec des cales ou citernes à vide (trajets avec ballast) ou des ajustements qui optimalisent les dates d'accostage.

2.8.   L'Union européenne se doit de soutenir les efforts que l'OMI déploie pour fournir des réglementations qui s'appliquent mondialement à la marine marchande internationale et faire face aux besoins de développement des capacités dans le domaine de la mise en œuvre des responsabilités de l'État du pavillon.

2.9.   Dans le secteur des transports, la majeure partie des accidents sont dues à des erreurs humaines. Il est impératif de veiller au bien-être des gens de mer lorsqu'ils sont à bord, qu'il s'agisse de leurs conditions de vie ou de travail. Aussi s'impose-t-il de s'employer à tout prix à inculquer une culture de sécurité et de responsabilité sociale d'entreprise.

2.10.   La qualité des carburants de soute a une incidence sur la santé humaine. Le Comité estime que les industries concernées devraient considérer qu'il relève de leur responsabilité sociale d'entreprise de poser de nouveaux jalons pour protéger l'environnement et améliorer la qualité de vie de la société tout entière.

2.11.   La montée en puissance de la flotte de bateaux de transport de gaz naturel liquéfié (GNL) pose des défis notables pour la formation et la certification des officiers de marine de leurs équipages. Face à la pénurie de ces personnels qualifiés, il est nécessaire d'intensifier les niveaux de recrutement et d'instruction.

2.12.   Les activités et incidents en haute mer peuvent avoir un impact sur les eaux communautaires. Le Comité suggère que l'on recoure à l'Agence européenne pour la sécurité maritime (AESM), en l'occurrence à ses services de préparation et de réaction à la pollution par hydrocarbures, de mobilisation de flotte de bateaux récupérateurs de pétrole ou encore de suivi et de surveillance satellitaires. Ces dispositifs offrent des moyens perfectionnés pour des actions de détection, d'intervention rapide et de contrôle ultérieur. Un financement adéquat de l'organisation renforcerait ses moyens de coordination.

2.13.   Il y a lieu de développer des programmes de recrutement, d'enseignement et de formation pour les équipages de bateaux de navigation intérieure, en particulier dans le domaine du transport des marchandises dangereuses, afin d'attirer des jeunes dans ce secteur et d'y conserver les compétences requises.

3.   Introduction générale

3.1.   Le présent avis exploratoire est bâti autour de deux axes: «Comment écologiser l'environnement océanique et fluvial, en préservant par ailleurs la compétitivité de l'industrie des transports?» La question est posée sur la toile de fond des communications sur l'«Écologisation des transports» (1) et la «Stratégie pour une mise en œuvre de l'internalisation des coûts externes» (2). Ce train de mesures comporte une stratégie qui a pour but de garantir que les prix du transport reflètent mieux le coût qu'il induit pour la société, de manière que les nuisances environnementales et les encombrements qui lui sont imputables puissent être réduits progressivement, d'une manière qui stimule son efficacité et celle de l'ensemble de l'économie. Le Comité salue ces initiatives, qui, confortant la dimension environnementale, se situent dans le fil de la stratégie de Lisbonne et Göteborg.

3.2.   S'agissant de la navigation intérieure, la stratégie annonce l'internalisation des coûts externes; pour le transport maritime, où cette opération n'a pas encore été entamée, elle charge la Commission européenne d'agir en 2009 si à cette date, l'Organisation maritime internationale (OMI), n'a pas dégagé un accord sur des mesures de réduction des gaz à effet de serre.

3.3.   Le Parlement européen et le Conseil européen ont insisté sur l'importance que revêt une politique de transport durable, en particulier dans le contexte de la lutte contre le changement climatique. Ils affirment que le transport devra apporter sa contribution à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

3.4.   Le Comité fait observer que le transport maritime, dont celui qui s'effectue sur de courtes distances, constitue un mode d'acheminement qu'il convient de distinguer rigoureusement des voies navigables intérieures, du point de vue économique, social, technique et nautique. Des différences aussi marquées que cruciales séparent les marchés sur lesquels ils travaillent, les règles et particularités sociales qui leur sont applicables, les unités de mesure des tonnages de leurs cargaisons et des moteurs qui y sont employés, leurs capacités de charge, leurs itinéraires et la structure de leurs routes. Le maritime et l'aérien sont sans conteste des modes de transport d'échelle planétaire, tandis que les voies navigables du continent européen sont généralement rangées dans la catégorie dite du «transport intérieur», qui inclut également la route et le rail en Europe (3). Aussi le Comité invite-t-il instamment la Commission à opérer, dans ses documents et saisines futurs, une distinction en vertu de laquelle la navigation fluviale sera rangée parmi les modes de transport intérieur.

4.   Le contexte du changement climatique

4.1.   Le réchauffement du climat, l'incidence de la pollution atmosphérique sur la santé humaine et les limitations qui affectent l'offre pétrolière mondiale constituent autant de grands facteurs qui incitent l'UE à agir pour atténuer la dépendance du secteur des transports vis-à-vis des carburants fossiles. La combustion des carburants fossiles produit du dioxyde de carbone (CO2), qui est le principal gaz à effet de serre (GES). Les politiques environnementales actuelles sont dès lors presque exclusivement axées sur des efforts de réduction des rejets de CO2. Il faut toutefois signaler que parmi les autres gaz à effet de serre, le plus important est le méthane (CH4), qui est émis par le secteur de l'élevage.

4.2.   Le Comité estime que les performances environnementales du transport maritime et fluvial doivent être évaluées à l'aune de celles des modes d'acheminement terrestres qui sont utilisés dans l'UE et de la pollution qui trouve son origine dans des sources situées sur la terre ferme. Il réaffirme (4) qu'il s'impose d'adopter une approche globale, qui tienne compte de la disponibilité des technologies de réduction des rejets, des indispensables encouragements à l'innovation, de l'économie des échanges mondiaux et de la nécessité de parer aux effets négatifs de l'augmentation des émissions de CO2 qui se produit lors de la réduction des rejets d'autres polluants de manière à restreindre au maximum les interactions non voulues entre les différentes politiques.

4.3.   Les mesures prises pour réduire les émissions émanant du transport maritime et fluvial doivent être tout à la fois pratiques et applicables à tous les navires, quel que soit leur pavillon et y inclus les bateaux de plaisance et, si possible, les vaisseaux de guerre (5). Par ailleurs, il y a lieu qu'elles s'appuient sur une évaluation solide de l'incidence qu'elles produiront sur le plan environnemental, technique et socio-économique. En outre, une législation qui viserait à réaliser dans la marine marchande et la navigation intérieure, à un coût considérable, des économies marginales de rejets de gaz à effet de serre pourrait bien déboucher sur un transfert modal vers d'autres formes d'acheminement, pourtant moins respectueuses de l'environnement, avec au final, un bilan global négatif sur le réchauffement de la planète.

4.4.   Il est un aspect des politiques vertes qui est souvent négligé: leur apport bénéfique pour l'économie. L'«économie verte» constitue en effet une des voies à suivre pour sortir de la crise mondiale. Cette économie en phase d'émergence est en train de susciter de nouvelles possibilités d'emploi (6). M. Dimas, membre de la Commission européenne, a déclaré que sur la prochaine décennie, elle produira deux millions de postes de travail dans l'UE. Elle n'a donc rien d'un luxe.

4.5.   Il est possible de réduire encore le volume de CO2 émis par le transport maritime et fluvial mais ces diminutions ne se feront qu'à la marge, étant donné que les marchandises concernées devront de toute façon être déplacées, quels que soient les frais supplémentaires qui seront imposés, lesquels, en tout état de cause, seront supportés par le consommateur.

5.   L'écologisation du transport maritime

5.1.   L'industrialisation et la libéralisation des économies ont débouché sur un essor des échanges mondiaux et accru la demande de produits de consommation. Le plan d'action pour une politique maritime (7) met tout particulièrement en vedette le transport maritime, eu égard à ses atouts de compétitivité, de durabilité et de respect de l'environnement.

5.2.   Depuis des années, la marine marchande améliore en permanence ses performances environnementales. Des avancées significatives ont été réalisées dans le domaine de l'efficacité des moteurs et de la conception des coques, qui ont abouti à réduire les émissions et augmenter l'efficacité énergétique. Eu égard au volume du fret dont l'acheminement est assuré par des bateaux, la part du transport maritime dans les émissions mondiales de CO2 (2,7 %) (8) est modeste.

5.3.   La fonte des glaces de mer dans la région arctique ouvre peu à peu de nouvelles possibilités de navigation sur des itinéraires qui traversent les eaux de l'Arctique (9). Le raccourcissement des trajets entre l'Europe et le Pacifique aboutira à des économies d'énergie et à une réduction des émissions. Dans son avis sur «Une politique maritime intégrée pour l'UE», le Comité a attiré l'attention sur l'importance que revêt cette route arctique (10). Dans le même temps, il s'avère de plus en plus nécessaire d'en protéger et d'en préserver l'environnement marin, en coopération avec ses populations, et d'en améliorer la gouvernance multilatérale. La question de l'ouverture de nouvelles voies dans cette région devrait être abordée avec prudence, tant qu'une évaluation d'incidence environnementale n'aura pas été effectuée sous l'égide des Nations unies. Pour le court et le moyen termes, le Comité préconise plutôt que la zone soit considérée comme une aire de protection de la nature. Il serait dès lors judicieux de mener une action au niveau de l'Union européenne et des Nations unies afin d'instaurer un équilibre entre les différents paramètres en jeu en ce qui concerne ce passage. L'élargissement du canal de Panama, qui devrait être achevé pour 2015, devrait également produire des effets bénéfiques en la matière.

5.4.   Le transport maritime est un secteur hautement réglementé, avec plus de 25 conventions et codes internationaux de grande portée. Marpol 73/78 constitue la principale convention internationale pour la prévention de la pollution marine, qu'elle soit imputable à des accidents ou au fonctionnement des navires (11). Il est également régi par une législation communautaire fort complète, qui comporte notamment les trains de mesures Erika I et II et le troisième paquet de mesures sur la sécurité maritime, de 2009. La législation a grandement amélioré la sécurité maritime, la surveillance antipollution et, le cas échéant, les interventions effectuées pour prévenir les incidents ou atténuer leurs conséquences.

5.5.   Récemment révisée, l'annexe VI de la convention Marpol, qui concerne la pollution de l'air provoquée par les navires, instaure des limites plus sévères pour les émissions d'oxydes de soufre (SOx), de particules et d'oxydes d'azote (NOx). Une réduction significative des rejets atmosphériques des navires pourrait découler d'une série de mesures techniques et fonctionnelles, dont plusieurs ne peuvent être mises en œuvre que sur une base volontaire. Parmi elles, la diminution de la vitesse (navigation à vitesse réduite) est la plus efficace, avec des effets qui sont immédiatement perceptibles. Leur utilisation sera néanmoins tributaire des impératifs commerciaux.

5.6.   Le Comité estime qu'il est possible d'arriver à de meilleurs résultats via une combinaison équilibrée de législation et d'initiatives émanant du secteur, dont on peut citer comme exemple les objectifs pionniers que poursuivent l'Association hellénique de protection de l'environnement marin (Helmepa) (12), les prix du Trophée Poséidon (13), l'initiative «Forêt flottante» (14) ou la Fondation des certificats verts (Green Awards) (15).

5.7.   Lorsqu'on s'interroge sur un éventuel système d'échange de quotas d'émission pour le transport maritime, il y a lieu, sous peine de contrevenir à l'agenda de Lisbonne, de ne pas obérer la compétitivité de la marine marchande européenne sur le marché mondial. Avant de prendre des décisions, il conviendra que la Commission apporte des réponses claires aux questions suivantes: quel avantage l'instauration d'un tel mécanisme dans la marine internationale apportera-t-elle à l'environnement et comment fonctionnera-il en pratique, dans une industrie aussi internationalisée que cette activité? Dans un tel contexte, un système planétaire s'avérerait bien plus efficace pour faire baisser les émissions de CO2 de l'industrie maritime mondiale qu'un dispositif propre à l'UE ou à telle ou telle région du globe.

5.8.   Une pression évidente s'exerce pour qu'à l'horizon 2013, le transport maritime soit intégré dans le système communautaire d'échange de quotas d'émission (SCEQE). Il est nettement plus compliqué de l'appliquer à cette branche du transport qu'au secteur aéronautique, en particulier dans le cas de l'affrètement à la demande, car les spécificités concrètes du transport maritime compliquent singulièrement les calculs requis par ce dispositif. La majeure partie de l'activité de la marine marchande internationale consiste à acheminer des cargaisons aux quatre coins de la planète, selon des routes commerciales qui évoluent constamment. La plupart des bâtiments de l'UE effectuent leurs chargements et déchargements dans des ports extracommunautaires, désignés par l'affréteur. Vu l'hétérogénéité de ces navires, il n'est pas facile de fixer un profil qui serve d'étalon. Le secteur du transport maritime a pour caractéristique d'être constitué d'un grand nombre de petites sociétés, de sorte qu'un système d'échange de quotas d'émissions représenterait une charge administrative très lourde. Dans le cas de l'affrètement à la demande, qui représente son principal domaine d'activité, les navires ne relâchent qu'occasionnellement dans l'UE. Le réapprovisionnement de leurs réservoirs de carburant peut très bien s'effectuer dans des ports qui ne sont pas situés sur le territoire de l'Union et le calcul de leur consommation entre deux escales repose sur de simples estimations. Vu cet état de fait, l'attribution des quotas d'émission pourrait bien faire intervenir plusieurs pays, en l'occurrence ceux de l'armateur, de l'exploitant et de l'affréteur du bâtiment, ou encore du propriétaire ou du destinataire de la cargaison. En outre, un système communautaire d'échange de quotas d'émission devrait alors être mis en œuvre pour tous les navires qui accostent dans les ports européens, avec, dans cette hypothèse, un risque réel que des pays tiers qui n'appliquent pas ce dispositif d'échange prennent des mesures de rétorsion au nom des vaisseaux naviguant sous leur pavillon.

5.9.   Une taxe sur le carbone (carburants de soute) ou toute autre forme de prélèvement pourraient s'avérer tout aussi «efficaces» et bien plus faciles à gérer. En outre, il serait plus aisé, dans cette hypothèse, de s'assurer que les fonds prélevés sont bien investis dans des initiatives d'«écologisation».

5.10.   Dans notre horizon de prévisibilité, les systèmes de propulsion des navires continueront à être dominés par les carburants à base de carbone. Dans un premier temps, le gaz offrira une solution de substitution et son utilisation se répandra plus largement à mesure que les infrastructures de distribution deviendront disponibles. Les études de faisabilité effectuées sur des piles à combustibles alimentées par le gaz naturel ont indiqué une réduction significative des émissions de CO2. Dans ses travaux ultérieurs, l'Organisation maritime internationale portera par ailleurs son attention sur la réduction du bruit imputable aux bateaux.

5.11.   Il n'est guère vraisemblable qu'au cours des vingt prochaines années, le transport maritime dispose de suffisamment de biocarburant durable, ni que l'hydrogène ou la capture et le stockage du carbone produisent des effets significatifs dans le domaine de la marine. Si elles ne propulseront pas à eux seuls les bateaux, les technologies éoliennes, comme les voiles Skysails et l'énergie solaire pourraient assister les moteurs. Raccorder au réseau électrique terrestre les bâtiments à quai («alimentation à quai») leur permettra de fonctionner de manière plus respectueuse de l'environnement lorsqu'ils sont au port. La propulsion nucléaire, quant à elle, requiert des équipements spécifiques et des capacités de réaction à des situations d'urgence, de sorte qu'elle ne constitue pas une option viable pour la marine marchande.

6.   L'«écologisation» du transport fluvial

6.1.   La navigation intérieure joue un rôle non négligeable dans les acheminements internes à l'Europe, puisque le transport sur fleuves et canaux constitue un mode de transport qui compte pour 5,3 % du volume total transporté sur le territoire de l'UE, ce pourcentage pouvant parfois atteindre plus de 40 % dans les régions dotées de grandes voies navigables. Acheminer des marchandises par la navigation fluviale est une démarche fiable, intéressante au regard de ses coûts, sûre et efficace d'un point de vue énergétique. La promotion du transport fluvial pourrait aider l'UE à atteindre ses principaux objectifs de politique environnementale. Son utilisation plus intensive constitue l'une des clés pour réduire les émissions de CO2 du secteur des transports. Une telle approche va dans le sens de la volonté de l'UE d'affronter le problème de l'encombrement excessif du réseau routier.

6.2.   Traditionnellement, la navigation intérieure a été soumise à une réglementation par le biais des règles de la Commission centrale pour la navigation du Rhin (CCNR), qui a instauré des normes strictes dans le domaine technique comme dans celui de la sécurité. Des dispositions concernant ce dernier aspect, ainsi que les questions de responsabilité et de prévention des pollutions, figurent dans la Convention de Mannheim, qui est applicable aux pays riverains du fleuve. Du fait de ces impératifs sévères, la navigation intérieure se distingue par un niveau très homogène de qualité et de sécurité, tant pour l'équipement de ses bâtiments que pour la formation de ses équipages. C'est en se fondant sur la réglementation découlant de cette convention que l'UE a récemment promulgué, par la directive 2006/87/CE, un ensemble complet de conditions auxquels doivent satisfaire les bateaux de navigation intérieure.

6.3.   La législation communautaire (16) fixe des limites pour certains polluants atmosphériques, ainsi que pour la qualité du carburant utilisé par les bâtiments de navigation fluviale. Dans sa proposition concernant la teneur en soufre des carburants (17), la Commission européenne préconisait des réductions de ce taux qui se seraient appliquées aux bâtiments de transport tant maritime que fluvial. Le secteur de la batellerie s'est dit favorable à l'abaissement de cette concentration de 1 000 à 10 parties par million (ppm) en une seule étape. Le Parlement a récemment accepté cette dernière proposition et décidé qu'à partir de 2011, ce chiffre serait ramené en une fois à 10 ppm. Dans un avenir qui n'est guère éloigné, la navigation intérieure pourra bénéficier de dispositifs qui ne produisent aucune émission de carbone, telles les piles à combustibles. Des innovations allemandes comme la barge de navigation intérieure CompoCaNord, le pétrolier Futura ou, aux Pays-Bas, le remorqueur portuaire à propulsion hybride à hydrogène, dont les rejets sont proches de zéro, en fournissent déjà des exemples concrets. En outre, de nouveaux textes de loi (18) réglementent le transport des marchandises dangereuses par route, chemin de fer et voie navigable à l'intérieur des États membres ou entre plusieurs États membres.

6.4.   Depuis le récent élargissement, le réseau des voies navigables de l'UE s'étend désormais de la mer du Nord à la mer Noire, via la liaison interfluviale Rhin-Danube. Elles ouvrent de larges perspectives pour un acheminement fiable de marchandises et supportent avantageusement la comparaison avec les autres modes de transport, souvent affectés par des problèmes d'encombrement et de capacités.

6.5.   Il ne serait pas réaliste de traiter la navigation intérieure de la même manière que des activités nationales susceptibles d'être régies par la législation du pays ou de la zone qui sont concernés. Des bâtiments de navigation intérieure battant pavillon croate, ukrainien, serbe ou moldave évoluent d'ores et déjà sur les fleuves et les canaux de l'Union, tandis que la libéralisation de la batellerie sur le réseau fluvial de Russie et l'ouverture de son accès aux intervenants de l'UE et vice versa ajouteront également une dimension internationale au dossier de la navigation intérieure communautaire.

6.6.   Parmi les conditions et les défis primordiaux qui s'imposent pour assurer la fiabilité de la navigation intérieure, on relèvera l'amélioration des infrastructures physiques, de façon à éliminer les goulots d'étranglement (19), ainsi que les travaux d'entretien requis. Le Comité renvoie à l'avis qu'il a adopté antérieurement et espère que les actions entreprises sous l'égide du projet Naiades (20) vont revitaliser ce mode de transport et permettront de financer les projets de développement d'infrastructures.

6.7.   Étant un mode de transport relativement peu utilisé, la navigation intérieure n'a pas à jouer un rôle de précurseur en matière d'internalisation des coûts externes. Toute politique qui imposerait une taxe carbone sur ce secteur se heurterait inévitablement à des problèmes juridiques, dans la mesure où, aux termes de la Convention de Mannheim (1868), il n'est pas possible d'appliquer des prélèvements à la batellerie rhénane – et l'on remarquera, sur un plan pratique, que le bassin du Rhin compte actuellement pour 80 % du trafic de navigation intérieure. Le Comité relève que l'incompatibilité des régimes juridiques découlant du traité sur le Rhin et de celui sur le Danube crée des problèmes en ce qui concerne la législation environnementale pour le second de ces fleuves. Il suggère que l'UE redouble d'efforts pour une uniformisation future des règles, environnementales, sociales ou techniques, afin de faciliter par ce biais la navigation intérieure.

Bruxelles, le 13 mai 2009.

Le Président du Comité économique et social européen

Mario SEPI


(1)  COM(2008) 433 final, SEC(2008) 2206.

(2)  COM(2008) 435 final.

(3)  L'expression de «transport par eau» (waterborne), qui peut s'appliquer au maritime comme au fluvial, ne se rapporte qu'au milieu dans lequel il s'effectue, sans se référer ni à ses modalités, ni à ses implications pour l'environnement. Que la direction générale «Transport et énergie» ait rangé la route et le rail mais non la navigation intérieure dans la catégorie des transports intérieurs ne change rien à cet état de fait.

(4)  JO C 168 du 20.7.2007, p. 50; JO C 211 du 19.8.2008, p. 31.

(5)  Voir note 4.

(6)  Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE), Emplois verts.

(7)  SEC(2007) 1278.

(8)  OMI, Mise à jour de l'étude de 2000 sur les émissions de gaz à effet de serre imputables aux bateaux.

(9)  COM(2008) 763.

(10)  JO C 211 du 19.8.2008, p. 31.

(11)  La prévention de la pollution provoquée par les bateaux sera encore améliorée avec la future mise en œuvre des récentes conventions internationales sur les systèmes antisalissures, les eaux de ballast, l'enlèvement des épaves, les hydrocarbures de soute et le recyclage des bateaux (adoption prévue en 2009).

(12)  Fondée en 1981, l'association Helmepa a servi de modèle à la création d'autres initiatives de ce type (Cymepa, Turmepa, Ausmepa, Namepa, Ukrmepa et Intermepa).

(13)  Ces prix ont été institués en 2005 par l'Association internationale des armateurs pétroliers indépendants (Intertanko).

(14)  D'origine britannique (info@flyingforest.org).

(15)  Ces certificats ont été créés aux Pays-Bas (www.greenaward.org).

(16)  Directive 2004/26/CE, JO L 225 du 25.6.2004, p. 3COM(2007) 18.

(17)  COM(2007) 18.

(18)  Directive 2004/26/CE JO L 260 du 30.9.2008, p. 13.

(19)  Rapport du CESE sur «L'optimisation du Danube en tant que corridor paneuropéen de réseau paneuropéen de transport» (2002), (rapporteuse: Mme BREDIMA), comité consultatif mixte UE-Roumanie.

(20)  JO C 318 du 23.12.2006, p. 218.


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