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Document 61995CJ0134

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 16 janvier 1997.
Unità Socio-Sanitaria Locale nº 47 di Biella (USSL) contre Istituto nazionale per l'assicurazione contro gli infortuni sul lavoro (INAIL).
Demande de décision préjudicielle: Pretura circondariale di Biella - Italie.
Travailleurs - Service du placement des travailleurs - Monopole légal.
Affaire C-134/95.

Recueil de jurisprudence 1997 I-00195

ECLI identifier: ECLI:EU:C:1997:16

61995J0134

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 16 janvier 1997. - Unità Socio-Sanitaria Locale nº 47 di Biella (USSL) contre Istituto nazionale per l'assicurazione contro gli infortuni sul lavoro (INAIL). - Demande de décision préjudicielle: Pretura circondariale di Biella - Italie. - Travailleurs - Service du placement des travailleurs - Monopole légal. - Affaire C-134/95.

Recueil de jurisprudence 1997 page I-00195


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


1 Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Question visant à permettre au juge national d'apprécier la compatibilité avec le droit communautaire d'une disposition nationale ne commandant pas la solution du litige au principal

(Traité CE, art. 177)

2 Libre circulation des personnes - Travailleurs - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Dispositions du traité - Inapplicabilité dans une situation purement interne à un État membre

(Traité CE, art. 48, 52 et 59)

Sommaire


3 La Cour ne peut statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale lorsqu'il apparaît de manière manifeste que l'interprétation d'une règle communautaire, demandée par cette juridiction, n'a aucun rapport avec la réalité ou l'objet du litige au principal, ou encore lorsque le problème est de nature hypothétique et que la Cour ne dispose pas des éléments de fait ou de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées.

Tel est le cas lorsqu'il est demandé à la Cour de fournir à la juridiction nationale les éléments d'interprétation relevant du droit communautaire permettant à cette dernière d'apprécier la compatibilité avec le droit communautaire d'une disposition de droit national dont les informations dont dispose la Cour ne font pas apparaître qu'elle devra être appliquée par la juridiction de renvoi pour trancher le litige au principal.

4 Les articles 48, 52 et 59 du traité ne s'appliquent pas à une situation, telle celle dans laquelle une société ayant son siège dans un État membre fournit, sans recourir, ni même envisager de recourir, à des travailleurs ressortissants d'autres États membres, des prestations à un organisme public établi dans le même État membre, dont tous les éléments se cantonnent à l'intérieur d'un seul État membre.

Parties


Dans l'affaire C-134/95,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE, par la Pretura circondariale di Biella (Italie) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Unità socio-sanitaria locale n_ 47 di Biella (USSL)

et

Istituto nazionale per l'assicurazione contro gli infortuni sul lavoro (INAIL),

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation des articles 48, 49, 54 et 90 du traité CE,

LA COUR

(sixième chambre),

composée de MM. J. L. Murray, président de la quatrième chambre faisant fonction de président de la sixième chambre, C. N. Kakouris, P. J. G. Kapteyn (rapporteur), G. Hirsch et H. Ragnemalm, juges,

avocat général: M. M. B. Elmer,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur,

considérant les observations écrites présentées:

- pour l'Unità Socio-Sanitaria Locale n_ 47 di Biella (USSL), par Me Marco Bozzalla, avocat au barreau de Biella,

- pour l'INAIL, par Mes Pasquale Varone, Pasquale Napolitano et Vittorio Lai, avocats au barreau de Rome,

- pour le gouvernement italien, par M. le professeur Umberto Leanza, chef du service du contentieux diplomatique du ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent, assisté de M. Danilo del Gaizo, avvocato dello Stato,

- pour le gouvernement allemand, par MM. Ernst Röder, Ministerialrat au ministère fédéral de l'Économie, et Gereon Thiele, Assessor au même ministère, en qualité d'agents,

- pour la Commission des Communautés européennes, par M. Enrico Traversa, membre du service juridique, en qualité d'agent,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales de l'INAIL, du gouvernement italien et de

la Commission à l'audience du 26 septembre 1996,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 24 octobre 1996,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par ordonnance du 30 mars 1995, parvenue à la Cour le 24 avril suivant, la Pretura circondariale di Biella a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE, deux questions préjudicielles relatives à l'interprétation des principes communautaires visés aux articles 48, 49, 54 et 90 du traité CE.

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant l'Unità Socio-Sanitaria Locale n_ 47 di Biella (ci-après l'«USSL») à l'Istituto nazionale per l'assicurazione contro gli infortuni sul lavoro (ci-après l'«INAIL»), organisme public d'assurance contre les accidents de travail, au sujet du paiement de cotisations de sécurité sociale.

3 L'article 1er, paragraphe 1, de la loi n_ 1369 du 23 octobre 1960 (ci-après la «loi de 1960») interdit aux chefs d'entreprise de confier à un intermédiaire ou à un sous-traitant, ou sous toute autre forme, y compris à une société coopérative, l'exécution de simples prestations de travail faisant appel à une main-d'oeuvre engagée et payée par l'intermédiaire ou par le sous-traitant, quelle que soit la nature du travail ou du service auquel correspondent les prestations.

4 L'USSL a conclu un contrat de prestations d'assistance sociale avec la coopérative La Famiglia pour toute la durée de l'année 1987.

5 Le 21 décembre 1993, l'INAIL a notifié à l'USSL une lettre de mise en demeure, lui enjoignant de payer une somme de 9 200 105 LIT à titre de cotisations de sécurité sociale sur les salaires versés aux travailleurs occupés dans le cadre de ce contrat, pendant la période allant du 1er janvier au 31 décembre 1987.

6 L'INAIL a en effet estimé que le contrat conclu entre l'USSL et la coopérative La Famiglia constituait un placement fictif de main-d'oeuvre, interdit par l'article 1er, paragraphe 1, de la loi de 1960, dans la mesure où les travailleurs membres de la coopérative exerçaient en réalité leurs activités sous la direction du personnel de l'USSL. Selon l'INAIL, ces travailleurs auraient dû être considérés comme dépendant directement de l'USSL, laquelle serait dès lors tenue, en sa qualité d'employeur effectif, de verser des cotisations à l'assurance contre les accidents sur le lieu de travail et les maladies professionnelles.

7 L'USSL a fait opposition à la mise en demeure de l'INAIL par requête déposée le 21 janvier 1994 devant le Pretore di Biella.

8 Dans son ordonnance de renvoi, ce dernier se réfère à l'article 1er, paragraphe 1, de la loi de 1960 ainsi qu'à l'article 11, paragraphe 1, de la loi italienne n_ 264 du 29 octobre 1949 (ci-après la «loi de 1949»), selon lequel le placement de main-d'oeuvre ainsi que toute autre activité en tant qu'intermédiaire entre l'offre et la demande de main-d'oeuvre salariée sont interdits en dehors des services de placement publics, même lorsque l'activité est exercée à titre gratuit.

9 Il constate que la protection prévue par la loi italienne agit indépendamment de l'expression par le travailleur d'une volonté contraire et que son application aurait pour conséquence, dans la situation économique et politique actuelle, de réduire encore plus les possibilités sur le marché du travail, en rendant illégales les formes associatives qui garantissent précisément une plus grande compétitivité sur le marché lui-même.

10 En conséquence, les dispositions combinées de l'article 1er, paragraphe 1, de la loi de 1960 et de l'article 11 de la loi de 1949 qui prévoient de réserver le placement des travailleurs à un monopole public lui semblent contraires aux principes fondamentaux du droit communautaire européen, concernant la liberté du travail, de l'initiative économique, de l'établissement, ainsi que la libre rencontre entre l'offre et la demande, et la libre concurrence, énoncés aux articles 48, 49, 54 et 90 du traité CEE, étant donné que, en tout état de cause, l'État italien ne parvient pas à satisfaire la demande dans le cadre du marché du travail.

11 Estimant que, dans ces conditions, la solution de l'espèce dépendait de l'interprétation des dispositions communautaires précitées, le Pretore di Biella a suspendu la procédure et a posé à la Cour les questions suivantes:

1) «Les dispositions combinées de l'article 1er, paragraphe 1, de la loi n_ 1369 du 23 octobre 1960 et de l'article 11, paragraphe 1, de la loi n_ 264 du 29 octobre 1949 sont-elles compatibles avec les principes communautaires visés aux articles 48, 49, 54 et 90 du traité CEE?»

2) «Ces principes sont-ils d'application directe avec pour conséquence que la réglementation italienne ne s'applique pas?»

12 Eu égard au contexte dans lequel le juge de renvoi a posé les questions préjudicielles, il convient, à titre préliminaire, de rappeler en premier lieu que, selon une jurisprudence bien établie, la Cour ne peut statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale, lorsqu'il apparaît de manière manifeste que l'interprétation d'une règle communautaire, demandée par cette juridiction, n'a aucun rapport avec la réalité ou l'objet du litige, ou encore lorsque le problème est de nature hypothétique et que la Cour ne dispose pas des éléments de fait ou de droit, nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêt du 15 décembre 1995, Bosman, C-415/93, Rec. p. I-4921, point 61).

13 En l'occurrence, il résulte du dossier au principal que le cadre concret du litige pendant devant le juge national est défini par l'article 1er, paragraphe 1, de la loi de 1960, qui interdit la médiation et l'interposition dans les relations de travail.

14 Or, les questions préjudicielles ont une portée plus ample en ce qu'elles soulèvent également le problème de la compatibilité avec le droit communautaire de l'article 11, paragraphe 1, de la loi de 1949, qui pose le principe de l'interdiction de toute médiation, même gratuite, dès lors que le placement est confié aux bureaux autorisés.

15 S'il est vrai que le juge de renvoi explique les doutes qu'il a éprouvés quant à la compatibilité de l'effet que comporte l'application combinée des deux dispositions précitées sur le marché du travail italien, ni l'ordonnance de renvoi ni les observations écrites ne fournissent à la Cour les éléments de fait et de droit qui lui permettraient d'interpréter le droit communautaire, notamment en matière de concurrence, au regard de la situation ainsi créée sur le marché italien.

16 Étant donné que le juge de renvoi omet également d'exposer en quoi l'article 11, paragraphe 1, de la loi de 1949 devra être appliqué en tant que tel dans le cadre du litige qui lui est soumis, il n'y a lieu de statuer sur la question que dans la mesure où elle concerne l'article 1er, paragraphe 1, de la loi de 1960 et soulève, sous ce rapport, un problème d'interprétation des dispositions du traité en matière de libre circulation des personnes et de libre prestation des services.

17 En second lieu, il résulte d'une jurisprudence constante que, dans le cadre d'une procédure introduite en vertu de l'article 177 du traité, la Cour n'est pas compétente pour statuer sur la compatibilité d'une mesure nationale avec le droit communautaire. Elle est toutefois compétente pour fournir à la juridiction nationale tous les éléments d'interprétation relevant du droit communautaire qui peuvent lui permettre d'apprécier cette compatibilité pour le jugement de l'affaire dont elle est saisie (voir, notamment, arrêt du 12 juillet 1979, Grosoli, 223/78, Rec. p. 2621, point 3).

18 Eu égard à la référence faite par le Pretore di Biella aux principes de la libre circulation des personnes et de la libre prestation de services, il y a lieu de comprendre les questions préjudicielles comme tendant en substance à déterminer si les articles 48, 52 et 59 s'opposent à une disposition nationale qui interdit la médiation et l'interposition dans les relations de travail (première question) et si ces dispositions ont un effet direct (seconde question).

Sur la première question

19 Selon une jurisprudence constante, les articles 48, 52 et 59 du traité ne sont pas applicables à des activités dont l'ensemble des éléments pertinents se cantonnent à l'intérieur d'un seul État membre (arrêts du du 23 avril 1991, Höfner et Elser, C-41/90, Rec. p. I-1979, point 37; du 28 janvier 1992, Steen, C-332/90, Rec. p. I-341, point 9; et du 16 février 1995, Aubertin e.a., C-29/94 à C-35/94, Rec. p. I-301, point 9).

20 Or, il ressort de l'ordonnance de renvoi que la coopérative La Famiglia est une société de services qui a son siège en Italie et qu'elle a fourni des prestations à un organisme public, l'USSL, également établi en Italie.

21 De plus, ainsi que M. l'avocat général l'a observé au point 24 de ses conclusions, rien dans le dossier n'indique que les prestations concernées ont été effectuées par des travailleurs d'autres États membres ni même qu'une telle perspective a été envisagée.

22 Une telle situation ne présente aucun élément de rattachement à l'une des situations envisagées par le droit communautaire dans le domaine de la libre circulation des personnes et des services.

23 Dans ces circonstances, il convient de répondre à la première question préjudicielle que les articles 48, 52 et 59 du traité ne s'appliquent pas à une situation, telle que celle au principal, dont tous les éléments se cantonnent à l'intérieur d'un seul État membre.

Sur la seconde question

24 Vu les réponses données à la première question préjudicielle, il n'y a pas lieu de statuer sur la seconde question.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

25 Les frais exposés par les gouvernements italien et allemand, ainsi que par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR

(sixième chambre),

statuant sur les questions à elle soumises par la Pretura circondariale di Biella, par ordonnance du 30 mars 1995, dit pour droit:

Les articles 48, 52 et 59 du traité CE ne s'appliquent pas à une situation dont tous les éléments se cantonnent à l'intérieur d'un seul État membre.

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