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Document 62021CJ0370

Arrêt de la Cour (huitième chambre) du 1er décembre 2022.
DOMUS-Software-AG contre Marc Braschoß Immobilien GmbH.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Landgericht München I.
Renvoi préjudiciel – Directive 2011/7/UE – Lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales – Indemnisation pour les frais de recouvrement exposés par le créancier en cas de retard de paiement du débiteur – Article 6 – Montant forfaitaire minimal de 40 euros – Retard de plusieurs paiements en rémunération de fournitures de marchandises ou de prestations de services à caractère périodique effectuées en exécution d’un seul et même contrat.
Affaire C-370/21.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2022:947

 ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

1er décembre 2022 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Directive 2011/7/UE – Lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales – Indemnisation pour les frais de recouvrement exposés par le créancier en cas de retard de paiement du débiteur – Article 6 – Montant forfaitaire minimal de 40 euros – Retard de plusieurs paiements en rémunération de fournitures de marchandises ou de prestations de services à caractère périodique effectuées en exécution d’un seul et même contrat »

Dans l’affaire C‑370/21,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Landgericht München I (tribunal régional de Munich I, Allemagne), par décision du 19 avril 2021, parvenue à la Cour le 15 juin 2021, dans la procédure

DOMUS-Software-AG

contre

Marc Braschoß Immobilien GmbH,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. N. Piçarra (rapporteur), faisant fonction de président de chambre, MM. N. Jääskinen et M. Gavalec, juges,

avocat général : M. A. Rantos,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour DOMUS-Software-AG, par Me T. Schwartz, Rechtsanwalt,

pour la Commission européenne, par MM. G. Gattinara et C. Hermes, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des dispositions combinées de l’article 6, paragraphes 1 et 2, et de l’article 3 de la directive 2011/7/UE du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 2011, concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales (JO 2011, L 48, p. 1).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant DOMUS‑Software‑AG (ci‑après « Domus ») à Marc Braschoß Immobilien GmbH (ci‑après « MBI ») au sujet d’une demande d’indemnisation forfaitaire pour les frais de recouvrement exposés en conséquence de retards de paiement successifs dans le cadre d’un seul et même contrat.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Les considérants 3, 17, 19 et 22 de la directive 2011/7 énoncent :

« (3)

Dans les transactions commerciales entre des opérateurs économiques ou entre des opérateurs économiques et des pouvoirs publics, de nombreux paiements sont effectués au‑delà des délais convenus dans le contrat ou fixés dans les conditions générales de vente. Bien que les marchandises aient été livrées ou les services fournis, bon nombre de factures y afférentes sont acquittées bien au‑delà des délais. Ces retards de paiement ont des effets négatifs sur les liquidités des entreprises et compliquent leur gestion financière. Ils sont également préjudiciables à leur compétitivité et à leur rentabilité dès lors que le créancier doit obtenir des financements externes en raison de ces retards de paiement. [...]

[...]

(17)

Le paiement d’un débiteur devrait être considéré comme en retard, aux fins de l’exigibilité d’intérêts pour retard de paiement, si le créancier ne dispose pas de la somme due à la date convenue, alors qu’il a rempli ses obligations contractuelles et légales.

[...]

(19)

Il est nécessaire de prévoir une indemnisation équitable des créanciers pour les frais de recouvrement exposés en cas de retard de paiement de manière à décourager lesdits retards de paiement. Les frais de recouvrement devraient également inclure la récupération des coûts administratifs et l’indemnisation pour les coûts internes encourus du fait de retards de paiement, pour lesquels la présente directive devrait fixer un montant forfaitaire minimal susceptible d’être cumulé aux intérêts pour retard de paiement. L’indemnisation par un montant forfaitaire devrait tendre à limiter les coûts administratifs et internes liés au recouvrement. [...]

[...]

(22)

La présente directive ne devrait pas empêcher les paiements par tranches ou échelonnés. Cependant, il convient que chaque tranche ou versement soit réglé selon les termes convenus et reste soumis aux dispositions de la présente directive concernant le retard de paiement. »

4

L’article 1er de cette directive, intitulé « Objet et champ d’application », prévoit, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1.   Le but de la présente directive est la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales, afin d’assurer le bon fonctionnement du marché intérieur, en améliorant ainsi la compétitivité des entreprises et en particulier des [petites et moyennes entreprises (PME)].

2.   La présente directive s’applique à tous les paiements effectués en rémunération de transactions commerciales. »

5

Aux termes de l’article 2 de ladite directive :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

1)

“transactions commerciales”, toute transaction entre des entreprises ou entre des entreprises et les pouvoirs publics qui conduit à la fourniture de marchandises ou à la prestation de services contre rémunération ;

[...]

4)

“retard de paiement”, tout paiement non effectué dans le délai de paiement contractuel ou légal et lorsque les conditions spécifiées à l’article 3, paragraphe 1, ou à l’article 4, paragraphe 1, sont remplies ;

[...] »

6

L’article 3 de la même directive, intitulé « Transactions entre entreprises », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Les États membres veillent à ce que, dans les transactions commerciales entre entreprises, le créancier soit en droit de réclamer des intérêts pour retard de paiement sans qu’un rappel soit nécessaire quand les conditions suivantes sont remplies :

a)

le créancier a rempli ses obligations contractuelles et légales ; et

b)

le créancier n’a pas reçu le montant dû à l’échéance, sauf si le débiteur n’est pas responsable du retard. »

7

Aux termes de l’article 5 de la directive 2011/7, intitulé « Échéanciers » :

« La présente directive ne préjuge pas de la faculté, pour les parties, de convenir entre elles, sous réserve des dispositions pertinentes applicables du droit national, d’un échéancier fixant les montants à payer par tranches. En ce cas, si un paiement n’est pas réglé à l’échéance, les intérêts et l’indemnisation prévus par la présente directive sont calculés sur la base des seuls montants exigibles. »

8

L’article 6 de cette directive, intitulé « Indemnisation pour les frais de recouvrement », dispose :

« 1.   Les États membres veillent à ce que, lorsque des intérêts pour retard de paiement sont exigibles dans des transactions commerciales conformément à l’article 3 ou à l’article 4, le créancier soit en droit d’obtenir du débiteur, comme minimum, le paiement d’un montant forfaitaire de 40 [euros].

2.   Les États membres veillent à ce que le montant forfaitaire visé au paragraphe 1 soit exigible sans qu’un rappel soit nécessaire et vise à indemniser le créancier pour les frais de recouvrement qu’il a encourus.

3.   Le créancier est en droit de réclamer au débiteur, outre le montant forfaitaire visé au paragraphe 1, une indemnisation raisonnable pour tous les autres frais de recouvrement venant en sus dudit montant forfaitaire et encourus par suite d’un retard de paiement du débiteur. Ces frais peuvent comprendre, notamment, les dépenses engagées pour faire appel à un avocat ou à une société de recouvrement de créances. »

9

L’article 7 de ladite directive, intitulé « Clauses contractuelles et pratiques abusives », énonce, à son paragraphe 1 :

« Les États membres prévoient qu’une clause contractuelle ou une pratique relative à la date ou au délai de paiement, au taux d’intérêt pour retard de paiement ou à l’indemnisation pour les frais de recouvrement, ne soit pas applicable, ou donne lieu à une action en réparation du dommage lorsqu’elle constitue un abus manifeste à l’égard du créancier.

Pour déterminer si une clause contractuelle ou une pratique constitue un abus manifeste à l’égard du créancier, au sens du premier alinéa, tous les éléments de l’espèce sont pris en considération, y compris :

[...]

c)

si le débiteur a une quelconque raison objective de déroger [...] au montant forfaitaire visé à l’article 6, paragraphe 1. »

Le droit allemand

10

L’article 286, paragraphes 1 et 3, du Bürgerliches Gesetzbuch (code civil, ci‑après le « BGB ») est ainsi libellé :

« (1)   Si le débiteur ne s’acquitte pas de son obligation sur un rappel du créancier, émis après l’échéance, il est constitué en demeure par l’effet de ce rappel. L’introduction d’une action en vue d’obtenir l’exécution de la prestation et la notification d’une injonction de payer dans le cadre de la procédure correspondante sont assimilées à un rappel.

[...]

(3)   Le débiteur d’une créance de rémunération est constitué en demeure au plus tard trente jours après l’échéance et la réception d’une facture ou d’une demande de paiement équivalente s’il n’a pas payé auparavant ; [...] »

11

L’article 288, paragraphe 5, de ce code prévoit :

« Dans le cas d’une créance de rémunération, le créancier est, en outre, en droit d’obtenir du débiteur constitué en demeure, qui n’est pas un consommateur, le paiement d’un montant forfaitaire de 40 euros. Cela vaut également dans l’hypothèse où cette créance consiste dans un acompte ou une autre forme de versement échelonné. Le montant forfaitaire prévu dans la première phrase sera déduit du montant d’une indemnisation due, pour autant que cette indemnisation vise à compenser les coûts encourus par le créancier pour faire valoir ses droits. »

Le litige au principal et la question préjudicielle

12

Le 21 août 2019, Domus et MBI, deux entreprises de droit allemand, ont conclu un contrat ayant pour objet la maintenance d’un logiciel acquis par la seconde entreprise contre le paiement mensuel d’un montant de 135 euros majorés de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), qui était dû au début de chaque période de facturation.

13

Le 11 septembre 2019, le 1er octobre 2019 et le 1er janvier 2020, Domus a successivement émis, en vertu de ce contrat, des factures portant sur, respectivement, le mois de septembre 2019 (133,04 euros), les mois d’octobre à décembre 2019 (399,13 euros) et les mois de janvier à mars 2020 (399,13 euros). À chaque fois, MBI s’est vu remettre les factures le lendemain de leur émission.

14

Ces factures n’ayant pas été réglées à l’échéance, Domus a saisi l’Amtsgericht München (tribunal de district de Munich, Allemagne) d’un recours tendant à ce que MBI soit condamnée à lui payer la créance principale restant due, assortie d’intérêts de retard, ainsi que d’une indemnisation forfaitaire de 40 euros pour chacune des trois factures impayées, soit 120 euros au total, sur le fondement de l’article 288, paragraphe 5, du BGB, au titre de frais de recouvrement encourus.

15

Cette juridiction a fait droit à Domus en ce qui concerne la créance principale restant due. Toutefois, elle n’a condamné MBI au paiement, avec intérêts, que d’un seul montant forfaitaire de 40 euros. Ladite juridiction a considéré que, s’agissant d’un seul et même contrat dont découlent des paiements périodiques, Domus n’avait droit, en vertu d’une interprétation téléologique de l’article 288, paragraphe 5, du BGB, qui transpose l’article 6 de la directive 2011/7 dans le droit allemand, qu’à un seul montant forfaitaire.

16

Domus a interjeté appel de ce jugement devant le Landgericht München I (tribunal régional de Munich I, Allemagne), la juridiction de renvoi, en demandant la condamnation de MBI au paiement de la somme de 80 euros, correspondant aux deux autres montants forfaitaires sollicités.

17

La juridiction de renvoi indique qu’elle est encline à interpréter la directive 2011/7 en ce sens qu’une pluralité de créances procédant d’un seul et même contrat, nées de retards de paiement des rémunérations périodiques, donne droit, au minimum, au paiement d’un montant forfaitaire de 40 euros pour chaque créance distincte.

18

C’est dans ces conditions que le Landgericht München I (tribunal régional de Munich I) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Les dispositions combinées de l’article 6, paragraphes 1 et 2, et de l’article 3 de la directive [2011/7] doivent‑elles être interprétées en ce sens que les créances périodiques de rémunération procédant d’une seule et même relation contractuelle donnent droit, comme minimum, à un paiement d’un montant forfaitaire de 40 euros pour chaque créance distincte de rémunération [?] »

Sur la question préjudicielle

19

Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2011/7, lu en combinaison avec l’article 3 de celle-ci, doit être interprété en ce sens que, lorsqu’un seul et même contrat prévoit des fournitures de marchandises ou des prestations de services à caractère périodique, chacune devant être payée dans un délai déterminé, le montant forfaitaire minimal de 40 euros est dû pour chaque retard de paiement, à titre d’indemnisation du créancier pour frais de recouvrement, ou si elle est due une seule fois, indépendamment du nombre de paiements en retard.

20

À cet égard, il convient de rappeler, en premier lieu, que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2011/7 impose aux États membres de veiller à ce que, lorsque des intérêts pour retard de paiement sont exigibles dans des transactions commerciales, le créancier soit en droit d’obtenir du débiteur, comme minimum, le paiement d’un montant forfaitaire de 40 euros, à titre d’indemnisation pour les frais de recouvrement. En outre, à son paragraphe 2, cet article fait obligation aux États membres de veiller à ce que ce montant forfaitaire minimal soit dû automatiquement, même en l’absence d’un rappel au débiteur, et à ce qu’il vise à indemniser le créancier pour les frais de recouvrement encourus. Enfin, à son paragraphe 3, ledit article reconnaît au créancier le droit de réclamer au débiteur, outre le montant forfaitaire minimal de 40 euros, une indemnisation raisonnable pour tous les autres frais de recouvrement venant en sus dudit montant forfaitaire et encourus par suite d’un retard de paiement du débiteur.

21

La notion de « retard de paiement » qui est à l’origine du droit du créancier à obtenir du débiteur non seulement des intérêts pour retard de paiement, en vertu de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2011/7, mais aussi un montant forfaitaire minimal de 40 euros, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, de cette directive, est définie à l’article 2, point 4, de ladite directive comme étant tout paiement non effectué dans le délai de paiement contractuel ou légal. Dès lors que la même directive couvre, conformément à son article 1er, paragraphe 2, « tous les paiements effectués en rémunération de transactions commerciales », cette notion de « retard de paiement » est applicable à chaque transaction commerciale considérée individuellement (voir, en ce sens, arrêt du 20 octobre 2022, BFF Finance Iberia, C‑585/20, EU:C:2022:806, point 28).

22

En deuxième lieu, l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2011/7 définit les conditions d’exigibilité du montant forfaitaire minimal de 40 euros en renvoyant, pour ce qui est des transactions commerciales entre entreprises, à l’article 3 de cette directive. Ce dernier article prévoit, à son paragraphe 1, que les États membres veillent à ce que, dans ces transactions commerciales, un créancier qui a rempli ses obligations et qui n’a pas reçu le montant dû à l’échéance soit en droit de réclamer des intérêts pour retard de paiement, sans qu’un rappel soit nécessaire, sauf si le débiteur n’est pas responsable de ce retard (voir, par analogie, arrêt du 20 octobre 2022, BFF Finance Iberia, C‑585/20, EU:C:2022:806, point 31 et jurisprudence citée).

23

Il ressort de ce qui précède, d’une part, que le droit à obtenir des intérêts pour retard de paiement, prévu à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2011/7, ainsi que le droit à un montant forfaitaire minimal, prévu à l’article 6, paragraphe 1, de cette directive, qui naissent d’un « retard de paiement », au sens de l’article 2, point 4, de ladite directive, s’attachent à des « transactions commerciales » considérées individuellement. D’autre part, ces intérêts, tout comme ce montant forfaitaire, deviennent exigibles automatiquement à l’expiration du délai de paiement prévu à l’article 3, paragraphes 3 à 5, de la même directive, pourvu que les conditions figurant au paragraphe 1 de celui-ci soient satisfaites. Le considérant 17 de la directive 2011/7 précise, à cet égard, que « [l]e paiement d’un débiteur devrait être considéré comme en retard, aux fins de l’exigibilité d’intérêts pour retard de paiement, si le créancier ne dispose pas de la somme due à la date convenue, alors qu’il a rempli ses obligations contractuelles et légales » (voir, en ce sens, arrêt du 20 octobre 2022, BFF Finance Iberia, C‑585/20, EU:C:2022:806, point 32).

24

S’agissant des conditions d’exigibilité respectivement des intérêts pour retard de paiement et du montant forfaitaire minimal, ni l’article 3, paragraphe 1, ni l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2011/7 ne comportent de distinction selon que les paiements non acquittés à l’échéance procèdent ou non d’un seul et même contrat. Dès lors, le libellé de ces dispositions ne saurait venir au soutien de l’interprétation selon laquelle, dans le cas d’un seul contrat, le montant forfaitaire minimal de 40 euros, à titre d’indemnisation pour les frais de recouvrement, ne serait dû au créancier qu’une seule fois, indépendamment du nombre de paiements distincts qui sont en retard.

25

Ce constat est corroboré par l’article 5 de la directive 2011/7, qui porte sur un cas de figure comparable, aux fins de l’application de cette directive, à celui en cause au principal. En effet, il résulte de cet article, lu à la lumière du considérant 22 de ladite directive, que, lorsque les parties ont convenu d’un échéancier fixant les montants à payer par tranches, un montant forfaitaire minimal de 40 euros, à titre d’indemnisation pour les frais de recouvrement, est exigible pour chaque tranche de paiement non réglée à l’échéance.

26

Partant, il ressort d’une interprétation littérale et contextuelle de l’article 6, paragraphes 1 et 2, de la directive 2011/7 que le montant forfaitaire minimal de 40 euros, à titre d’indemnisation pour les frais de recouvrement, est dû à un créancier qui a rempli ses obligations pour chaque paiement non effectué à l’échéance en rémunération d’une transaction commerciale, attestée dans une facture ou demande de paiement équivalente, y compris lorsque plusieurs paiements en rémunération de fournitures de marchandises ou de prestations de services à caractère périodique effectuées en exécution d’un seul et même contrat sont en retard, à moins que le débiteur ne soit pas responsable de ces retards (voir, en ce sens, arrêt du 20 octobre 2022, BFF Finance Iberia, C‑585/20, EU:C:2022:806, point 34).

27

En troisième lieu, cette interprétation de l’article 6 de la directive 2011/7 est confirmée par la finalité de celle-ci. Il résulte en effet de l’article 1er, paragraphe 1, de cette directive, lu à la lumière de son considérant 3, qu’elle vise non seulement à décourager les retards de paiement, en évitant qu’ils soient financièrement intéressants pour le débiteur, en raison du faible niveau ou de l’absence d’intérêts facturés dans une telle situation, mais aussi à protéger efficacement le créancier contre de tels retards, en lui assurant une indemnisation la plus complète possible des frais de recouvrement qu’il a exposés. À cet égard, le considérant 19 de ladite directive précise, d’une part, que les frais de recouvrement devraient également inclure la récupération des coûts administratifs et l’indemnisation pour les coûts internes encourus du fait de retards de paiement et, d’autre part, que l’indemnisation par un montant forfaitaire devrait tendre à limiter les coûts administratifs et internes liés au recouvrement (voir, en ce sens, arrêt du 20 octobre 2022, BFF Finance Iberia, C‑585/20, EU:C:2022:806, points 35 et 36).

28

Dans cette perspective, l’accumulation, dans le chef du débiteur, de plusieurs retards dans le paiement de fournitures de marchandises ou de prestations de services à caractère périodique, en exécution d’un seul et même contrat, ne saurait avoir pour effet de réduire le montant forfaitaire minimal dû à titre d’indemnisation des frais de recouvrement pour chaque retard de paiement à un montant forfaitaire unique. Cette réduction reviendrait, tout d’abord, à priver d’effet utile l’article 6 de la directive 2011/7, dont l’objectif est, ainsi qu’il a été souligné au point précédent, non seulement de décourager ces retards de paiement mais aussi d’indemniser, par ces montants, « le créancier pour les frais de recouvrement qu’il a encourus », ces frais tendant à augmenter à proportion du nombre de paiements et des montants dont le débiteur ne s’acquitte pas à l’échéance. Ladite réduction équivaudrait, ensuite, à accorder au débiteur une dérogation au droit au montant forfaitaire visé à l’article 6, paragraphe 1, de cette directive, sans que cette dérogation soit justifiée par une quelconque « raison objective », au sens de l’article 7, paragraphe 1, second alinéa, sous c), de ladite directive. La réduction en cause reviendrait, enfin, à exonérer le débiteur d’une partie de la charge financière découlant de son obligation de verser, au titre de chaque paiement non réglé à l’échéance, le montant forfaitaire de 40 euros, prévu à cet article 6, paragraphe 1 (voir, en ce sens, arrêt du 20 octobre 2022, BFF Finance Iberia, C‑585/20, EU:C:2022:806, point 37).

29

Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2011/7, lu en combinaison avec l’article 3 de cette directive, doit être interprété en ce sens que, lorsqu’un seul et même contrat prévoit des livraisons de marchandises ou des prestations de services à caractère périodique, chacune devant être payée dans un délai déterminé, le montant forfaitaire minimal de 40 euros à titre d’indemnisation pour les frais de recouvrement est dû au créancier pour chaque retard de paiement.

Sur les dépens

30

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit :

 

L’article 6, paragraphe 1, de la directive 2011/7/UE du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 2011, concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales, lu en combinaison avec l’article 3 de cette directive,

 

doit être interprété en ce sens que :

 

lorsqu’un seul et même contrat prévoit des fournitures de marchandises ou des prestations de services à caractère périodique, chacune devant être payée dans un délai déterminé, le montant forfaitaire minimal de 40 euros à titre d’indemnisation pour les frais de recouvrement est dû au créancier pour chaque retard de paiement.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.

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