This document is an excerpt from the EUR-Lex website
Document 62016CC0112
Opinion of Advocate General Kokott delivered on 30 March 2017.#Persidera SpA v Autorità per le Garanzie nelle Comunicazioni and Ministero dello Sviluppo Economico delle Infrastrutture e dei Trasporti.#Request for a preliminary ruling from the Consiglio di Stato.#Reference for a preliminary ruling — Electronic communications — Telecommunication services — Directives 2002/20/EC, 2002/21/EC and 2002/77/EC — Equal treatment — Determination of the number of digital radio frequencies to be granted to each operator which already has analogue radio frequencies — Taking into consideration analogue radio frequencies used unlawfully — Correspondence between the number of analogue radio frequencies held and the number of digital radio frequencies obtained.#Case C-112/16.
Conclusions de l'avocat général Mme J. Kokott, présentées le 30 mars 2017.
Persidera SpA contre Autorità per le Garanzie nelle Comunicazioni et Ministero dello Sviluppo Economico delle Infrastrutture e dei Trasporti.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Consiglio di Stato.
Renvoi préjudiciel – Communications électroniques – Services de télécommunications – Directives 2002/20/CE, 2002/21/CE et 2002/77/CE – Égalité de traitement – Détermination du nombre de radiofréquences numériques à octroyer à chaque opérateur déjà titulaire de radiofréquences analogiques – Prise en considération de radiofréquences analogiques utilisées illégalement – Correspondance entre le nombre de radiofréquences analogiques détenues et le nombre de radiofréquences numériques obtenues.
Affaire C-112/16.
Conclusions de l'avocat général Mme J. Kokott, présentées le 30 mars 2017.
Persidera SpA contre Autorità per le Garanzie nelle Comunicazioni et Ministero dello Sviluppo Economico delle Infrastrutture e dei Trasporti.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Consiglio di Stato.
Renvoi préjudiciel – Communications électroniques – Services de télécommunications – Directives 2002/20/CE, 2002/21/CE et 2002/77/CE – Égalité de traitement – Détermination du nombre de radiofréquences numériques à octroyer à chaque opérateur déjà titulaire de radiofréquences analogiques – Prise en considération de radiofréquences analogiques utilisées illégalement – Correspondance entre le nombre de radiofréquences analogiques détenues et le nombre de radiofréquences numériques obtenues.
Affaire C-112/16.
Court reports – general
ECLI identifier: ECLI:EU:C:2017:250
CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
MME JULIANE KOKOTT
présentées le 30 mars 2017 ( 1 )
Affaire C‑112/16
Persidera SpA
contre
Autorità per le Garanzie nelle Comunicazioni et
Ministero dello Sviluppo Economico, delle Infrastrutture
e dei Trasporti
[demande de décision préjudicielle formée par le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie)]
« Renvoi préjudiciel – Réseaux et services de communications électroniques – Directives 2002/20/CE, 2002/21/CE et 2002/77/CE – Passage de la télévision analogique à la télévision numérique – Détermination du nombre de fréquences numériques à octroyer aux titulaires de fréquences analogiques – Prise en considération de fréquences analogiques utilisées illégalement – Rapport de conversion – Facteur de conversion – Égalité de traitement, non-discrimination et proportionnalité »
I. Introduction
1. |
On ne saurait suffisamment souligner, à l’époque actuelle, le rôle fondamental que jouent la diversité et l’intégrité des médias dans une société libre et démocratique. Les réseaux et services de communications électroniques, notamment, sont aujourd’hui utilisés par presque chacun de nous au quotidien et, en ce qu’ils constituent la condition d’une démocratie moderne, ainsi que de l’information et de l’instruction de la population, sans oublier la vie culturelle, sont devenus des outils dont on n’imagine plus pouvoir se passer. En même temps, la fragilité et la complexité des mécanismes sur lesquels reposent de tels réseaux et services se rappellent à nous de manière récurrente. |
2. |
La République italienne a souvent été le théâtre, ces dernières décennies, de débats virulents sur le pluralisme à la télévision. Il n’est par conséquent guère étonnant que le passage de la télévision analogique à la télévision numérique ait lui aussi donné lieu, dans ce pays, à des litiges relatifs à l’attribution équitable des nouvelles fréquences de télévision numérique. |
3. |
La présente affaire porte plus particulièrement sur l’attribution des fréquences numériques que l’État avait expressément réservées à la poursuite des programmes télévisuels analogiques existants. Dans le cadre de la conversion des fréquences analogiques en fréquences numériques, Persidera SpA (anciennement Telecom Italia Media Broadcasting – TIMB) ( 2 ), un des opérateurs de réseau italiens, se sent désavantagée par rapport à ses concurrentes, qui ne sont autres que la Rai et Mediaset, les leaders du marché. |
4. |
Dans la présente affaire, la Cour va devoir préciser quelles sont les exigences d’une attribution de fréquences équitable au regard du droit de l’Union. Il faudra ce faisant prendre en considération le fait que la République italienne, dans le cadre de la méthode d’attribution de fréquences ici litigieuse, devait notamment tenir compte des réserves exprimées par la Commission européenne dans une procédure d’infraction en cours ( 3 ) et d’un arrêt rendu par la Cour dans une affaire préjudicielle ( 4 ). |
5. |
Les règles pertinentes pour apprécier cette situation sont les dispositions du « nouveau cadre réglementaire commun » en vigueur depuis l’année 2002, lequel est constitué de plusieurs directives adoptées par le législateur de l’Union européenne, ainsi que les principes généraux du droit de l’Union. |
6. |
La présente procédure dans l’affaire C‑112/16 est étroitement liée à la procédure préjudicielle dans l’affaire C‑560/15, dans laquelle nous présentons également nos conclusions aujourd’hui. Bien que les questions juridiques soulevées dans cette seconde affaire se rapportent en substance aux mêmes dispositions et principes du droit de l’Union, elles ne concernent pas la conversion d’anciennes fréquences analogiques en nouvelles fréquences numériques, ici litigieuse, et soulèvent des problèmes juridiques nettement différents par ailleurs. |
II. Le cadre juridique
7. |
Le cadre juridique de l’Union dans lequel s’inscrit la présente affaire est défini par trois directives de l’année 2002 sur les réseaux et services de communications électroniques, qui appartiennent toutes au nouveau cadre réglementaire commun aux services de communications électroniques, aux réseaux de communications électroniques ainsi qu’aux ressources et aux services associés : la directive 2002/21/CE ( 5 ), la directive 2002/20/CE ( 6 ), et la directive 2002/77/CE ( 7 ). Les deux premières directives susmentionnées s’appliquent telles que modifiées par la directive 2009/140/CE ( 8 ). |
A. La directive-cadre
8. |
En guise d’introduction, il convient de faire référence aux considérants 6 et 19 de la directive-cadre, qui énoncent ce qui suit :
[…]
|
9. |
Plus loin, sous l’intitulé « Objectifs généraux et principes réglementaires », l’article 8, paragraphes 1 et 2, de la directive-cadre prévoit notamment ce qui suit : « 1. Les États membres veillent, dans l’accomplissement des tâches de réglementation spécifiées dans la présente directive ainsi que dans les directives particulières, à ce que les autorités réglementaires nationales prennent toutes les mesures raisonnables visant à la réalisation des objectifs définis aux paragraphes 2, 3 et 4. Ces mesures sont proportionnées à ces objectifs. […] 2. Les autorités réglementaires nationales promeuvent la concurrence dans la fourniture des réseaux de communications électroniques, des services de communications électroniques et des ressources et services associés, notamment : […]
[…]
|
10. |
L’article 9 de la directive-cadre contient en outre les dispositions suivantes, concernant la gestion des radiofréquences pour les services de communications électroniques : « 1. Tenant dûment compte du fait que les radiofréquences sont un bien public qui possède une importante valeur sociale, culturelle et économique, les États membres veillent à la gestion efficace des radiofréquences pour les services de communications électroniques sur leur territoire conformément aux articles 8 et 8 bis. Ils veillent à ce que l’attribution du spectre aux fins des services de communications électroniques et l’octroi des autorisations générales ou des droits individuels d’utilisation de telles radiofréquences par les autorités nationales compétentes soient fondés sur des critères objectifs, transparents, non discriminatoires et proportionnés. Lors de l’application du présent article, les États membres respectent les accords internationaux applicables, y compris le règlement de l’UIT relatif aux radiocommunications, et peuvent tenir compte de considérations d’intérêt public. […] 4. […] Les mesures imposant qu’un service de communications électroniques soit fourni dans une bande de fréquences spécifique disponible pour les services de communications électroniques se justifient par la nécessité d’assurer la réalisation d’un objectif d’intérêt général tel que défini par les États membres conformément à la législation communautaire, tel que notamment, mais non exclusivement :
[…] 7. Sans préjudice des dispositions des directives particulières et compte tenu de la situation en la matière au niveau national, les États membres peuvent fixer des règles pour prévenir la thésaurisation de fréquences, notamment en établissant des délais impératifs pour l’exploitation effective des droits d’utilisation par leur titulaire et en appliquant des sanctions, y compris des sanctions financières ou le retrait des droits d’utilisation, en cas de non-respect des délais. Les règles sont établies et appliquées d’une façon proportionnée, non discriminatoire et transparente. » |
B. La directive « autorisation »
11. |
L’article 3, paragraphe 1, de la directive « autorisation », relatif à l’autorisation générale applicable aux réseaux et aux services de communications électroniques, est libellé en les termes suivants : « 1. Les États membres garantissent la liberté de fournir des réseaux et des services de communications électroniques, sous réserve des conditions fixées dans la présente directive. À cette fin, les États membres n’empêchent pas une entreprise de fournir des réseaux ou des services de communications électroniques, sauf pour les raisons visées à l’article 46, paragraphe 1, du traité. » |
12. |
L’article 5 de la directive « autorisation » contient notamment les dispositions suivantes concernant les droits d’utilisation de radiofréquences et de numéros : « 1. Les États membres facilitent l’utilisation des radiofréquences en vertu d’autorisations générales. Le cas échéant, les États membres peuvent octroyer des droits individuels pour : […]
2. Lorsqu’il est nécessaire d’octroyer des droits individuels d’utilisation des radiofréquences et des numéros, les États membres les octroient, sur demande, à toute entreprise pour la fourniture de réseaux ou de services dans le cadre de l’autorisation générale visée à l’article 3, sous réserve des dispositions des articles 6 et 7 et de l’article 11, paragraphe 1, point c), de la présente directive, et de toute autre règle garantissant l’emploi efficace de ces ressources, conformément à la directive 2002/21/CE (directive “cadre”). Sans préjudice des critères et procédures particuliers adoptés par les États membres pour octroyer le droit d’utilisation des radiofréquences à des fournisseurs de services de contenus de radio ou de télédiffusion en vue de poursuivre des objectifs d’intérêt général conformément à la législation communautaire, les droits d’utilisation de radiofréquences et de numéros sont octroyés par le biais de procédures ouvertes, objectives, transparentes, non discriminatoires et proportionnées et, dans le cas des radiofréquences, conformément aux dispositions de l’article 9 de la directive 2002/21/CE (directive “cadre”). Les procédures peuvent, exceptionnellement, ne pas être ouvertes lorsque l’octroi de droits individuels d’utilisation de radiofréquences aux fournisseurs de services de contenus de radio ou de télédiffusion est nécessaire à la réalisation d’un objectif d’intérêt général défini par les États membres conformément à la législation communautaire. […] […] 5. Les États membres ne limitent le nombre des droits d’utilisation à octroyer que dans la mesure qui se révèle nécessaire pour garantir l’emploi efficace des radiofréquences conformément à l’article 7. 6. Les autorités nationales compétentes veillent à ce que les radiofréquences soient effectivement et efficacement utilisées conformément à l’article 8, paragraphe 2, et à l’article 9, paragraphe 2, de la directive 2002/21/CE (directive “cadre”). Elles veillent aussi à ce que la concurrence ne soit pas faussée du fait d’une cession ou de l’accumulation de droits d’utilisation de radiofréquences. […] » |
13. |
En outre, l’article 7 de la directive « autorisation », à propos de la procédure visant à limiter le nombre des droits d’utilisation des radiofréquences à octroyer, énonce ce qui suit : « 1. Lorsqu’un État membre examine s’il convient de limiter le nombre de droits d’utilisation des radiofréquences à octroyer, ou de proroger des droits existants selon des modalités autres que celles prévues par lesdits droits, il doit notamment :
[…] 3. Lorsque l’octroi des droits d’utilisation de radiofréquences doit être limité, les États membres accordent ces droits sur la base de critères de sélection objectifs, transparents, non discriminatoires et proportionnés. Ces critères de sélection doivent dûment prendre en considération la réalisation des objectifs de l’article 8 de la directive 2002/21/CE (directive “cadre”) ainsi que les exigences de l’article 9 de cette directive. […] » |
C. La directive « concurrence »
14. |
Sous l’intitulé « Droits exclusifs et spéciaux pour les réseaux et les services de communications électroniques », l’article 2 de la directive « concurrence » énonce, entre autres, les dispositions suivantes : « […] 2. Les États membres prennent toutes les mesures nécessaires afin de garantir à toute entreprise le droit de fournir des services de communications électroniques ou de mettre en place, d’étendre et d’exploiter des réseaux de communications électroniques. […] 4. Les États membres garantissent que l’autorisation générale accordée à une entreprise pour la fourniture de services de communications électroniques ou l’établissement et/ou l’exploitation de réseaux de communications électroniques, ainsi que les conditions dont elle est assortie, se fondent sur des critères objectifs, non discriminatoires, proportionnés et transparents. […] » |
15. |
Enfin, l’article 4 de la directive 2002/77 contient la disposition suivante, concernant les « [d]roits d’utilisation des fréquences » : « Sans préjudice des procédures et des critères particuliers qu’ils ont adoptés pour octroyer des droits d’utilisation des radiofréquences aux fournisseurs de contenu de radio ou de télédiffusion, en vue de réaliser des objectifs d’intérêt général conformément au droit communautaire : […]
|
III. Les faits et la procédure au principal
16. |
En Italie, le passage de la télévision analogique à la télévision numérique a nécessité la mise en place d’une procédure aux fins de l’attribution des nouvelles fréquences de diffusion numérique, qui sont plus performantes que les fréquences de diffusion analogique ( 9 ). À cette fin, l’Autorità per le Garanzie nelle Comunicazioni ( 10 ) [Autorité de garantie des communications (AGCOM)] a adopté le 7 avril 2009 la décision 181/09/CONS ( 11 ), dans laquelle elle a fixé les critères de la numérisation intégrale des réseaux terrestres et, simultanément, institué un mécanisme pour l’attribution des fréquences à répartir dans ce cadre. Cette décision est intervenue alors qu’était en cours, parallèlement, une procédure d’infraction ( 12 ) dans laquelle la Commission a exhorté la République italienne à ne pas avantager, lors de l’attribution de ses fréquences numériques, les opérateurs de chaînes de télévision analogiques déjà présents sur le marché. |
17. |
Cette décision prévoyait l’attribution de fréquences numériques sous la forme de 21 « multiplex » pour une diffusion terrestre nationale ( 13 ). Un multiplex permet de regrouper différents signaux audio, vidéo et signaux de données en un flux de données commun, ce qui permet d’optimiser l’utilisation des fréquences et lignes disponibles. |
18. |
Pour assurer une répartition équitable de ces multiplex numériques qui prenne en compte non seulement les exploitants existants de chaînes de télévision analogiques, mais aussi les opérateurs qui avaient déjà investi auparavant dans la création de réseaux numériques et, au-delà, les nouveaux entrants, les 21 unités ont été divisées en trois groupes régis par des critères d’attribution différents. Il a en outre été prévu qu’aucun opérateur ne pourrait à lui seul disposer de plus de cinq multiplex ; ce plafonnement à cinq multiplex correspondait d’ailleurs à ce qu’avait recommandé la Commission dans le cadre de la procédure d’infraction. |
19. |
Concrètement, la répartition des 21 multiplex en question devait être effectuée de la manière suivante :
|
20. |
C’est sur cette base que le Ministero dello Sviluppo economico (ministère du Développement économique) ( 15 ) a procédé à l’attribution des multiplex numériques. |
21. |
Dans la présente affaire, le litige au principal ne porte que sur une partie de ces multiplex, à savoir ceux du premier groupe. TIMB, estimant que la méthode de conversion des fréquences analogiques en fréquences numériques ( 16 ) l’avait désavantagée par rapport à ses concurrents plus importants, a introduit un recours devant le Tribunale Amministrativo Regionale per il Lazio ( 17 ) (tribunal administratif régional pour le Latium, Italie) dans l’objectif d’obtenir un multiplex supplémentaire au titre de ce premier groupe, ainsi que des dommages et intérêts. |
22. |
Devant le Tribunale Amministrativo Regionale per il Lazio (tribunal administratif régional pour le Latium), TIMB a notamment fait valoir que, dans son cas, la conversion des fréquences analogiques existantes avait débouché sur un rapport de conversion moins avantageux que celui dont avaient bénéficié la Rai et Mediaset : en effet, tandis qu’elle-même avait obtenu un multiplex pour deux fréquences analogiques, soit un rapport de conversion de 50 %, la Rai et Mediaset avaient chacune obtenu deux multiplex pour trois chaînes de télévision analogiques, ce qui correspond à un rapport de conversion plus avantageux de 66,67 %. En outre, TIMB s’est plainte de ce que, dans le cas de la Rai et de Mediaset, la conversion en fréquences numériques aurait été effectuée en prenant en compte des chaînes de télévision qui avaient jusqu’à présent été exploitées par ces deux opérateurs de réseau en méconnaissance des seuils de concentration légaux et, partant, de manière illégale. |
23. |
À la suite du rejet de son recours en première instance ( 18 ), TIMB a saisi le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie) ( 19 ), la juridiction de renvoi, d’un appel. Au cours de cette procédure d’appel devant le Consiglio di Stato (Conseil d’État), TIMB a fusionné avec Rete A, qui détenait elle-même déjà deux multiplex. La nouvelle entreprise issue de la fusion, dénommée « Persidera », dispose depuis lors de cinq multiplex au total, ce qui, comme cela a été précédemment indiqué, correspond en Italie au plafond légal autorisé pour chaque opérateur. |
IV. La demande de décision préjudicielle et la procédure devant la Cour
24. |
Par décision du 2 juillet 2015, parvenue à la Cour le 24 février 2016, le Consiglio di Stato (Conseil d’État) a sursis à statuer et a soumis à la Cour, en application de l’article 267 TFUE, les questions préjudicielles suivantes :
|
25. |
Persidera, la Rai et Reti televisive italiane (RTI) ( 20 ), les gouvernements italien et slovène ainsi que la Commission ont participé à la procédure devant la Cour en présentant des observations écrites. À l’exception de la République de Slovénie, ces mêmes parties étaient également représentées à l’audience du 2 février 2017, qui a eu lieu juste après l’audience tenue dans l’affaire C‑560/15. |
V. Appréciation
A. Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle
26. |
En application de l’article 94 du règlement de procédure de la Cour de justice ( 21 ), la demande de décision préjudicielle doit, outre le texte des questions préjudicielles, également contenir les indications nécessaires relatives au contexte factuel et juridique dans lequel s’inscrit le litige au principal. La juridiction de renvoi doit également exposer quel est le lien entre les dispositions du droit de l’Union à interpréter et le litige au principal, ainsi que les raisons qui l’ont conduite à s’interroger sur l’interprétation ou la validité de ces dispositions. D’après la jurisprudence, les indications relatives au contexte factuel et juridique sont particulièrement importantes dans les procédures en matière de concurrence ( 22 ). |
1. Les dispositions de droit primaire ne sont pas pertinentes pour l’issue du litige
27. |
Ainsi que RTI et le gouvernement italien le font à juste titre observer, la demande de décision préjudicielle ne contient dans le cas présent aucune explication permettant de comprendre en quoi les dispositions de droit primaire des articles 56, 101, 102 et 106 TFUE seraient pertinentes pour résoudre le litige au principal. |
28. |
Plus particulièrement en ce qui concerne l’article 56 TFUE, il convient de faire observer que tous les éléments du litige au principal sont cantonnés à l’intérieur d’un seul État membre et que la juridiction de renvoi, en l’espèce, ne souhaite pas recourir à l’interdiction de la discrimination à rebours contenue dans la Constitution italienne, contrairement à ce qui avait été le cas dans l’affaire Centro Europa 7 ( 23 ). Par conséquent, on ne voit pas comment la Cour, par l’interprétation de l’article 56 TFUE qui lui est demandée, pourrait contribuer à résoudre le litige au principal. |
29. |
S’agissant des dispositions des articles 101, 102 et 106 TFUE en matière de droit de la concurrence, il suffit de faire observer que celles-ci se rapportent au comportement d’entreprises alors que, dans le cas présent, c’est le comportement d’organes étatiques lors de l’attribution de fréquences de télévision qui est en cause. Certes, les dispositions combinées de l’article 102, paragraphe 1, TFUE, et de l’article 106, paragraphe 1, TFUE, interdisent aux États membres de créer une situation permettant à certaines entreprises – la Rai et Mediaset, en l’occurrence – d’abuser plus facilement de leur supposée position dominante collective sur le marché ( 24 ). Toutefois, cela conduirait trop loin que de considérer qu’un comportement anticoncurrentiel de la Rai et de Mediaset est probable ou même inévitable uniquement parce que des organes étatiques italiens ont peut-être commis des erreurs lors de l’attribution des fréquences de télévision numérique. |
30. |
Si l’intention de la juridiction de renvoi était seulement d’introduire dans le débat l’idée de concurrence en général, nous ferons observer que la Cour pourra traiter de ce thème à suffisance dans le cadre des trois directives, la directive-cadre, la directive « autorisation » et la directive « concurrence » ; une interprétation spécifique des articles 101, 102 et 106 TFUE n’est pas nécessaire pour cela. |
31. |
Par conséquent, les questions préjudicielles doivent être déclarées irrecevables pour autant qu’elles visent à l’interprétation des articles 56, 101, 102 et 106 TFUE. |
2. Sur la pertinence des questions préjudicielles concernant Persidera
32. |
Le gouvernement italien considère en outre que la demande de décision préjudicielle n’est pas déterminante pour l’issue du litige car Persidera a entretemps de toute façon obtenu le nombre maximal de cinq multiplex avec fréquences d’émission pour la télévision numérique. |
33. |
Il est exact qu’une demande de décision préjudicielle doit être considérée comme irrecevable lorsqu’il est établi qu’il n’y a plus lieu à statuer sur le litige au principal ( 25 ). Dans le cas présent, il n’y a toutefois pas d’éléments qui étayent suffisamment l’hypothèse d’une disparition de l’objet du litige ni, à plus forte raison, qui la rendent manifeste. Il ressort au contraire du dossier que Persidera réclame aux juridictions administratives nationales non seulement l’attribution d’un multiplex numérique supplémentaire, mais aussi des dommages et intérêts. Étant donné qu’il n’est pas exclu que cette entreprise puisse se voir accorder des dommages et intérêts en raison d’un comportement illégal des autorités italiennes par le passé, la présomption de pertinence dont bénéficient les questions préjudicielles reste valable ( 26 ). |
34. |
Dans ces conditions, il convient de rejeter l’exception d’irrecevabilité que le gouvernement italien tire de ce qu’il n’y aurait plus lieu à statuer sur le litige au principal. |
3. Sur les indications suffisantes quant à la prétendue illégalité de deux chaînes de télévision
35. |
Enfin, il convient de se pencher sur le point de savoir si la demande de décision préjudicielle peut éventuellement être déclarée irrecevable au motif qu’elle contient trop peu d’explications sur l’illégalité, alléguée par Persidera, de l’exploitation de deux chaînes de télévision de ses concurrentes. Cette illégalité est la prémisse sur laquelle repose l’ensemble de la demande de décision préjudicielle : tant la première que la seconde question préjudicielle s’y rattachent expressément. |
36. |
Force est d’admettre que la décision de renvoi du Consiglio di Stato (Conseil d’État) n’est pas, sur ce point, un modèle de clarté et de précision. On aurait pu espérer que la décision de renvoi indique de manière plus concrète et plus structurée d’où provenait exactement l’illégalité alléguée, et quels sont les effets qu’elle produit. Or, la décision de renvoi ne contient à ce sujet que des indications de fait et de droit très succinctes. |
37. |
Nous sommes néanmoins d’avis que la demande de décision préjudicielle – malgré ses lacunes incontestables – indique de manière suffisamment claire de quel type d’illégalité il s’agit. Il ressort en effet de l’énoncé même des deux questions préjudicielles que cette illégalité résulterait d’une « violation des seuils en matière de concentrations fixés par la réglementation nationale » et du fait que les réseaux de télévision en question seraient « dépourvus de concession ». |
38. |
Ainsi qu’il ressort par ailleurs du dossier, les deux chaînes de télévision dont il est allégué qu’elles auraient été exploitées illégalement sont, d’une part, la chaîne « Rai 3 » de la société publique de télévision Rai et, d’autre part, la chaîne « Rete 4 » du groupe privé Mediaset. Persidera fait en substance valoir que, lors du passage de la télévision analogique à la télévision numérique, la prise en compte de ces deux chaînes aurait conduit à avantager de manière injustifiée la Rai et Mediaset par rapport à leurs concurrents plus modestes. La Rai et Mediaset auraient, de cette façon, obtenu plus de fréquences numériques sous forme de multiplex que celles auxquelles elles auraient eu droit en principe. |
39. |
La Cour dispose ainsi d’indications suffisantes sur ce point pour donner une réponse utile aux questions préjudicielles. En attestent, d’ailleurs, les observations que les nombreuses parties à la procédure ont présentées à la Cour dans la présente affaire ( 27 ). |
40. |
Par conséquent, la demande de décision préjudicielle doit être considérée comme étant recevable au regard de l’illégalité alléguée de deux chaînes de télévision. |
41. |
Peu importe à cet égard que plusieurs parties à la procédure – à savoir la Rai, RTI et le gouvernement italien – affirment avec insistance qu’il n’y aurait en réalité aucune illégalité en ce qui concerne « Rai 3 » et « Rete 4 ». En effet, en vertu d’une jurisprudence constante ( 28 ), la Cour doit, pour ce qui concerne la situation en droit et en fait pertinente pour l’affaire au principal, s’en tenir exclusivement à la description faite par la juridiction de renvoi, dont elle ne vérifie pas l’exactitude ( 29 ), quand bien même celle-ci serait mise en doute par certaines parties à la procédure telles que, en l’occurrence, la Rai, RTI et le gouvernement italien. |
4. Conclusion intermédiaire
42. |
Pour résumer, la demande de décision préjudicielle n’est donc irrecevable que pour autant qu’elle se rapporte aux articles 56, 101, 102 et 106 TFUE. Elle doit en revanche être considérée comme étant recevable quant au reste. |
B. Sur l’examen sur le fond des questions préjudicielles
43. |
Le litige au principal se caractérise par un degré élevé de complexité, tant en ce qui concerne les faits que le droit applicable. Malheureusement, ni la juridiction de renvoi ni les parties à la procédure ne se sont appliquées à éclaircir les zones d’ombre. Leur exposé a plutôt contribué à compliquer inutilement l’affaire et à détourner l’attention de l’essentiel. |
44. |
Ainsi que nous l’avons déjà énoncé, la présente procédure doit être considérée dans le contexte du passage de la télévision analogique à la télévision numérique en Italie. Elle met en lumière, d’un point de vue juridique, une partie de ce processus de transition : elle concerne exclusivement le calcul des fréquences d’émission numériques qui devaient être attribuées aux opérateurs déjà présents auparavant sur le marché de la télévision analogique. Dans quelle mesure était-il licite, lors du calcul de ces fréquences, de prendre en considération le nombre des chaînes de télévision analogiques qui étaient jusqu’à présent diffusées par les entreprises respectives ? Des chaînes de télévision analogiques dont il est allégué qu’elles ont été exploitées illégalement pouvaient-elles être prises en compte dans ce calcul (première question préjudicielle), et ce calcul pouvait-il, d’un point de vue arithmétique, déboucher sur des rapports de conversion différents selon les opérateurs (seconde question préjudicielle) ? |
45. |
Selon nous, les deux questions posées par le Consiglio di Stato (Conseil d’État) sont si étroitement liées qu’il convient de les examiner conjointement. |
1. Sur les dispositions et principes juridiques pertinents du droit de l’Union
46. |
Tout d’abord, différentes dispositions de droit dérivé issues du nouveau cadre réglementaire commun sont pertinentes pour répondre à ces deux questions, à savoir les articles 8 et 9 de la directive-cadre, les articles 3, 5 et 7 de la directive « autorisation », ainsi que les articles 2 et 4 de la directive « concurrence ». Il ressort de l’ensemble de ces dispositions, lues conjointement, que les États membres disposent, lors de l’attribution de fréquences, d’une certaine marge de manœuvre dont ils doivent toutefois user en tenant compte des principes généraux du droit de l’Union de non-discrimination, de transparence et de proportionnalité, tout en veillant à la gestion et à l’utilisation efficaces des fréquences et en tenant dûment compte de l’idée de concurrence et du pluralisme des médias. |
47. |
Les dispositions et principes juridiques susmentionnés doivent être respectés non seulement lors de la première attribution de fréquences, mais aussi lors de toute attribution ultérieure – y compris lors du passage, comme en l’espèce, de fréquences analogiques à des fréquences numériques ( 30 ). D’une part en effet, le nouveau cadre réglementaire commun s’applique à tous les processus qui conduisent à l’attribution de fréquences ( 31 ) ; sinon, il ne serait pas possible d’atteindre l’objectif fixé par le droit de l’Union, qui est de créer durablement une situation conforme aux exigences du nouveau cadre réglementaire commun. D’autre part, le passage à la nouvelle technologie de la télévision numérique a conduit en réalité à attribuer pour la première fois ce nouveau type de fréquences d’émission. |
48. |
Dans la présente affaire, la méthode appliquée en Italie pour convertir en fréquences numériques les fréquences de télévision analogiques jusqu’alors utilisées était claire et compréhensible. Par conséquent, le problème ne provient pas tant d’un éventuel manque de transparence du processus de conversion que du fait que Persidera se sent désavantagée par rapport à ses concurrentes plus importantes – à savoir la Rai et Mediaset – en raison de la méthode de conversion retenue par les organes étatiques italiens. Le litige tourne donc en définitive autour du principe d’égalité de traitement ou de non-discrimination ( 32 ), lors de l’application duquel les autres principes sur lesquels repose le nouveau cadre réglementaire commun, de même que les considérations de proportionnalité, jouent bien évidemment eux aussi un rôle important. |
49. |
Comme tous les autres principes généraux du droit de l’Union, tant le principe d’égalité de traitement que le principe de proportionnalité doivent être respectés par les États membres lorsqu’ils exécutent le droit de l’Union ( 33 ). Les États membres ne peuvent pas se fonder sur une interprétation des directives pertinentes qui entrerait en conflit avec les principes généraux du droit de l’Union ( 34 ). Le nouveau cadre réglementaire commun rappelle d’ailleurs quant à lui, au niveau du droit dérivé, cette obligation de droit primaire, et la concrétise notamment à l’article 8, paragraphe 1, à l’article 9, paragraphe 1, seconde phrase, et au considérant 19 de la directive-cadre, ainsi qu’à l’article 5, paragraphe 2, deuxième alinéa, et à l’article 7, paragraphe 3, de la directive « autorisation », et, enfin, à l’article 2, paragraphe 4, et à l’article 4, point 2, de la directive « concurrence» ( 35 ). |
2. Sur le principe d’égalité de traitement
50. |
En vertu d’une jurisprudence constante, le principe d’égalité de traitement du droit de l’Union, qui a d’ailleurs été entretemps consacré aux articles 20 et 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié ( 36 ). |
a) Sur l’inégalité de traitement
51. |
Le caractère comparable de situations doit notamment être apprécié à la lumière de l’objet et du but de l’acte qui institue la distinction en cause. Doivent, en outre, être pris en considération les principes et objectifs du domaine dont relève l’acte en cause ( 37 ). |
52. |
Dans la présente affaire, il convient par conséquent d’examiner la situation de la Rai, de Mediaset et de Persidera au regard de l’attribution des huit multiplex qui devaient être attribués dans le premier groupe de fréquences de télévision numériques ( 38 ). Comme cela a déjà été indiqué, ces fréquences servaient à garantir la continuité de l’offre télévisuelle et devaient être attribuées exclusivement à des opérateurs qui proposaient déjà avant des chaînes de télévision analogiques. |
53. |
Tout particulièrement en ce qui concerne l’attribution de ces huit multiplex et les objectifs ainsi poursuivis, la Rai, Mediaset et Persidera se trouvaient, pour autant qu’on puisse en juger, dans une situation tout à fait comparable : ces entreprises avaient en effet toutes les trois déjà exploité des chaînes de télévision analogiques en Italie. Ainsi, d’après le plan d’attribution des fréquences mis en place pour l’Italie, chacune de ces entreprises pouvait prétendre à des fréquences numériques au titre du premier groupe de huit multiplex, qui devaient lui permettre de poursuivre la diffusion de ses programmes de télévision respectifs. |
54. |
Certes, sur un plan formel, il n’y a pas eu d’inégalité de traitement entre la Rai, Mediaset et Persidera dans ce cadre. En effet, la même méthode de conversion a été appliquée à tous les exploitants existants de chaînes de télévision analogiques en Italie. Par la suite, tous les opérateurs de réseau qui proposaient déjà jusqu’alors de la télévision analogique ont obtenu au moins un multiplex numérique, et ceux d’entre eux qui avaient jusqu’alors disposé de plusieurs chaînes de télévision analogiques se sont vu respectivement attribuer un multiplex de moins que le nombre de leurs chaînes analogiques. |
55. |
Le principe d’égalité de traitement ne vise toutefois pas que les inégalités de traitement formelles (directes, immédiates), mais aussi les inégalités de traitement matérielles (indirectes, dissimulées), dans le cadre desquelles l’application d’un critère en apparence neutre joue en pratique particulièrement en défaveur d’une personne déterminée ou d’un groupe de personnes déterminé ( 39 ). |
56. |
Dans le cas présent, la méthode de conversion en question a joué particulièrement en défaveur de Persidera qui, à la différence des deux gros opérateurs de réseau, la Rai et Mediaset, proposait jusqu’alors non pas trois, mais seulement deux chaînes de télévision analogiques. En effet, alors que la Rai et Mediaset ont bénéficié d’un rapport de conversion de 66,67 % (chacune ayant obtenu deux multiplex pour trois chaînes de télévision analogiques), ce rapport de conversion n’a été que de 50 % dans le cas de Persidera (celle-ci ayant obtenu un seul multiplex numérique pour ses deux chaînes de télévision analogiques). |
57. |
Ainsi, la méthode utilisée par la République italienne pour convertir des fréquences analogiques existantes en fréquences numériques s’est traduite par une inégalité de traitement manifeste en défaveur de Persidera par rapport à ses deux concurrents plus importants, la Rai et Mediaset, non pas au niveau, certes, de la méthode de conversion proprement dite, mais au niveau du résultat de cette conversion. |
b) Justification
58. |
Le nouveau cadre réglementaire commun permet expressément aux autorités nationales de prendre, dans le cadre de l’attribution et de l’utilisation de fréquences, des mesures en vue de poursuivre des objectifs d’intérêt général (voir en particulier l’article 9, paragraphe 1, second alinéa, et paragraphe 4, deuxième alinéa, de la directive-cadre, ainsi que l’article 5, paragraphe 1, seconde phrase, dernier tiret, et paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive « autorisation ») ( 40 ). |
59. |
Lors de la procédure devant la Cour, deux raisons principales ont été avancées pour justifier cette inégalité de traitement : d’une part, la République italienne voulait garantir la continuité de l’offre télévisuelle ( 41 ). D’autre part, il était impossible d’obtenir exactement le même rapport de conversion pour chaque opérateur de réseau, étant donné que, compte tenu de l’indivisibilité des fréquences, aucune entreprise n’aurait pu se voir attribuer des fractions de multiplex. Nous nous pencherons ci-après sur chacun de ces objectifs séparément et examinerons si les mesures qui ont été adoptées pour parvenir à ces objectifs sont proportionnées. |
60. |
Le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les actes adoptés ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés ( 42 ). |
61. |
De manière nettement plus élégante mais exprimant en substance la même règle, la jurisprudence constante des juridictions françaises énonce qu’une mesure doit être « adaptée, nécessaire et proportionnée à la finalité qu’elle poursuit» ( 43 ). Tout aussi concise est la formule de la jurisprudence allemande, qui exige qu’une atteinte à un droit fondamental « serve un objectif légitime et constitue un moyen adapté, nécessaire et approprié d’atteindre cet objectif» ( 44 ). |
62. |
Étant donné que, dans le cas présent, c’est, avec la liberté et le pluralisme des médias, une des valeurs fondamentales du « vivre ensemble » dans une société démocratique qui est touchée (voir également l’article 11, paragraphe 2, de la Charte), il convient d’appliquer des critères stricts lors de l’examen de proportionnalité ( 45 ). Une inégalité de traitement ne peut être acceptée que si elle est indispensable pour atteindre des objectifs d’intérêt général d’une manière cohérente et systématique. |
1) Sur la garantie de la continuité de l’offre télévisuelle
63. |
Tout d’abord, il convient de relever que la garantie de la continuité de l’offre télévisuelle est un intérêt légitime sur lequel les autorités nationales pouvaient s’appuyer lors de l’établissement de leur plan de répartition des fréquences. |
64. |
Cette continuité sert notamment la protection des consommateurs, laquelle est évoquée en bonne place au considérant 6, notamment, de la directive-cadre et se reflète en outre dans le postulat de l’« [apport d’]un maximum d’avantages aux utilisateurs » [article 7, paragraphe 1, sous a), de la directive « autorisation »]. Des consommateurs qui, malgré le passage de la télévision analogique à la télévision numérique, continuent de disposer de leurs chaînes de télévision habituelles pourront plus facilement exercer leur droit fondamental à la liberté d’information (article 11, paragraphe 1, seconde phrase, de la Charte) et satisfaire leurs besoins culturels. |
65. |
Le fait que les autorités nationales compétentes réservent un groupe de multiplex numériques aux opérateurs de réseau qui proposaient déjà avant des chaînes de télévision analogiques et leur ouvrent la perspective de l’obtention d’un nombre suffisant de fréquences numériques pour maintenir sous forme numérique leur offre analogique existante favorise sans doute cette continuité de l’offre télévisuelle. |
66. |
Toutefois, selon une jurisprudence constante, une mesure n’est propre à garantir la réalisation de l’objectif invoqué que si elle répond véritablement au souci de l’atteindre d’une manière cohérente et systématique ( 46 ). |
67. |
S’il devait résulter des constatations de la juridiction de renvoi dans la procédure au principal – restant, le cas échéant, à effectuer – que la Rai et Mediaset, en se voyant attribuer trois multiplex chacune, ont été surdotées parce qu’elles ont reçu davantage de fréquences que ce qui aurait été indispensable au maintien de leurs chaînes de télévision analogiques existantes ( 47 ), alors qu’à l’inverse Persidera a obtenu moins de fréquences numériques que nécessaire ou, en tout cas, n’a pas été servie avec la même générosité, cela révélerait un manque de cohérence de la méthode de conversion appliquée par les autorités italiennes, laquelle, dès lors, ne saurait résister à un test de proportionnalité. |
68. |
En outre, une surdotation des deux leaders du marché, la Rai et Mediaset, serait contraire à l’idée de concurrence. Le nouveau cadre réglementaire commun s’attache en effet notamment à promouvoir la concurrence [voir notamment l’article 7, paragraphe 1, sous a), de la directive « autorisation », ainsi que l’article 8, paragraphe 2, de la directive-cadre] ( 48 ) et à éviter les distorsions de concurrence dans le domaine des réseaux et services de communications électroniques [voir notamment l’article 5, paragraphe 6, de la directive « autorisation », et l’article 8, paragraphe 2, sous b), de la directive-cadre], en s’efforçant parallèlement de favoriser le pluralisme des médias [voir, à ce sujet, l’article 8, paragraphe 1, troisième alinéa, ainsi que l’article 9, paragraphe 4, deuxième alinéa, sous d), et le considérant 6 de la directive 2002/21, de même que l’article 11, paragraphe 2, de la Charte]. L’idée de concurrence et le pluralisme des médias se reflètent très concrètement dans la liberté, garantie par le droit de l’Union, de fournir des réseaux et des services de communications électroniques (article 3, paragraphe 1, de la directive « autorisation » et article 2, paragraphe 2, de la directive « concurrence »). Dans ce contexte, les autorités nationales sont expressément tenues de veiller à ce que la concurrence ne soit pas faussée du fait de l’accumulation de droits d’utilisation de radiofréquences (article 5, paragraphe 6, deuxième phrase, de la directive « autorisation »), et peuvent prendre des mesures contre la thésaurisation de radiofréquences (article 9, paragraphe 7, de la directive-cadre). |
69. |
Or, si les deux entreprises de loin les plus importantes sur le marché de la télévision italien – la Rai et Mediaset – se voient octroyer plus de multiplex numériques que ce qui serait nécessaire pour maintenir leur offre télévisuelle analogique existante, une telle surdotation est de nature à entraîner une accumulation de fréquences dans les mains des deux leaders du marché et à renforcer encore davantage une position concurrentielle pourtant déjà éminente par rapport à leurs concurrents de taille plus modeste ( 49 ), ce qui a tendance à réduire les possibilités de choix des consommateurs et, en définitive, à se traduire par un affaiblissement du pluralisme des médias. |
70. |
L’idée de concurrence serait bafouée de manière particulièrement grave en cas de confirmation de la véracité de la prémisse du Consiglio di Stato (Conseil d’État) qui figure expressément dans la décision de renvoi, à savoir que deux chaînes de télévision illégalement exploitées – « Rai 3 » et « Rete 4 » – ont également été prises en compte lors de la conversion des fréquences analogiques en fréquences numériques ( 50 ). En effet, dans ce cas, la Rai et Mediaset, les deux entreprises leaders du marché italien, devraient en définitive à un comportement anticoncurrentiel le rapport de conversion particulièrement avantageux de 66,67 % dont elles ont bénéficié (deux multiplex numériques pour chacune, pour respectivement trois chaînes de télévision analogiques). Or, un tel avantage qui, en définitive, ne serait fondé que sur la perpétuation d’une situation illégale, devrait être considéré comme étant anticoncurrentiel. |
71. |
Ainsi, tant une éventuelle surdotation de la Rai et de Mediaset en fréquences numériques qu’une possible prise en compte, lors de la conversion des fréquences analogiques en fréquences numériques, de chaînes de télévision illégalement exploitées, seraient diamétralement contraires à l’objectif visant à promouvoir la concurrence dans le domaine des réseaux et services de communications électroniques et du renforcement du pluralisme des médias. |
72. |
Dans de telles conditions, la garantie de la continuité du programme télévisuel ne saurait constituer un motif justifiant valablement l’inégalité de traitement entre la Rai et Mediaset, d’une part, et Persidera, d’autre part. |
2) Sur la préservation de l’indivisibilité des fréquences
73. |
Ensuite, en ce qui concerne l’indivisibilité des fréquences, force est de constater qu’il s’agit là d’une contrainte matérielle qui, par la force des choses, pouvait et devait elle aussi être prise en compte lors du passage de l’ancien système des fréquences d’émission analogiques au nouveau système de fréquences numériques. En effet, faire en sorte d’attribuer les fréquences en évitant les résultats fractionnaires est un des aspects de la gestion et de l’utilisation efficaces des fréquences de télévision auxquelles les États membres doivent veiller en application de l’article 8, paragraphe 2, sous d), et de l’article 9, paragraphe 1, et paragraphe 4, deuxième alinéa, sous c), de la directive-cadre, ainsi qu’en application de l’article 5, paragraphe 2, premier alinéa, paragraphes 5 et 6, première phrase, de la directive « autorisation » . |
74. |
Il ne fait aucun doute que la solution consistant à attribuer à la Rai et à Mediaset un troisième multiplex numérique était apte à assurer la répartition, entre tous les opérateurs qui pouvaient y prétendre, des huit multiplex disponibles du premier groupe en préservant leur indivisibilité et sans produire de résultats fractionnaires. |
75. |
L’attribution d’un troisième multiplex numérique, respectivement, à la Rai et à Mediaset ne constituait toutefois pas le seul moyen de préserver l’indivisibilité des fréquences. Cette préoccupation aurait également pu être prise en compte par d’autres méthodes comportant moins d’incidences négatives sur la concurrence. |
76. |
En particulier, les autorités italiennes auraient pu attribuer d’éventuels multiplex excédentaires dans le premier groupe ( 51 ), en fonction de critères objectifs, à l’opérateur ou aux opérateurs de réseau auquel ou auxquels ces fréquences auraient été le plus utiles sous l’angle d’un renforcement de la concurrence et pour la poursuite de leurs programmes analogiques existants. Il n’est nullement certain qu’il se serait agi des deux entreprises leaders du marché, la Rai et Mediaset. |
77. |
Une autre solution aurait pu consister à ce que les autorités italiennes, le cas échéant – et sous réserve de constatations supplémentaires de la part de la juridiction de renvoi –, attribuent les multiplex excédentaires du premier groupe à plusieurs opérateurs aux fins d’une utilisation partagée avec, pour chacun de ces opérateurs, la certitude de pouvoir disposer des fréquences numériques contenues dans ces multiplex pendant certaines plages définies à l’avance soit pendant certains jours de la semaine, soit pendant certaines heures de la journée, afin de diffuser ses programmes télévisuels. |
78. |
Dès lors que, si l’on en croit l’exposé concordant des parties à la procédure, chaque multiplex numérique permet la diffusion de plusieurs programmes télévisuels, la juridiction de renvoi devra en outre examiner s’il n’était pas possible d’utiliser un seul et même multiplex pour plusieurs programmes télévisuels de prestataires de services différents. |
79. |
On retiendra en tout état de cause que la préservation de l’indivisibilité des fréquences se saurait justifier à suffisance de droit une inégalité de traitement telle que celle ici observée entre la Rai et Mediaset, d’une part, et Persidera, d’autre part. |
VI. Conclusion
80. |
Au vu des considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de répondre ainsi à la demande de décision préjudicielle du Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie) :
|
( 1 ) Langue originale : l’allemand.
( 2 ) Avant le passage définitif à la télévision numérique, Persidera – ou TIMB, la société à laquelle elle a succédé – exploitait en Italie deux chaînes de télévision analogiques (« La 7 » et « MTV ») et deux numériques (« TIMB1 » et « MBONE »).
( 3 ) Procédure d’infraction no 2005/5086 (voir à ce propos les communiqués de presse de la Commission IP/06/1019 du 19 juillet 2006 et IP/07/1114 du 18 juillet 2007) ; cette procédure, dans laquelle la Commission a, au mois de juillet 2007, émis un avis motivé au sens de l’article 258, paragraphe 1, TFUE (ex-article 226, paragraphe 1, CE), n’est pas encore clôturée à ce jour.
( 4 ) Arrêt du 31 janvier 2008, Centro Europa 7 (C‑380/05, EU:C:2008:59).
( 5 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre ») (JO 2002, L 108, p. 33).
( 6 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l’autorisation de réseaux et de services de communications électroniques (directive « autorisation ») (JO 2002, L 108, p. 21).
( 7 ) Directive de la Commission du 16 septembre 2002 relative à la concurrence dans les marchés des réseaux et des services de communications électroniques (directive « concurrence ») (JO 2002, L 249, p. 21).
( 8 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 modifiant les directives 2002/21/CE relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques, 2002/19/CE relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu’à leur interconnexion, et 2002/20/CE relative à l’autorisation des réseaux et services de communications électroniques (JO 2009, L 337, p. 37, rectifiée au JO 2013, L 241, p. 8).
( 9 ) L’un des principaux avantages de la télévision numérique est qu’elle permet, à la différence de la télévision analogique, la transmission de plusieurs programmes sur une seule et même plage de fréquence.
( 10 ) Note sans objet pour la version en langue française des présentes conclusions.
( 11 ) Cette décision s’est vu conférer force de loi par le decreto-legge n. 59/2008 (décret-loi no 59/2008), en lien avec la loi no 101/2008.
( 12 ) Voir ci-dessus, note 3.
( 13 ) Certaines parties à la procédure parlent d’un total de 22 multiplex. La question de savoir qui a raison peut toutefois rester en suspens aux fins de la présente demande de décision préjudicielle.
( 14 ) Voir, concernant la notion de « dividende numérique », considérant 26 de la directive 2009/140 ; voir également point 1 de la communication de la Commission du 13 novembre 2007, « Tirer pleinement parti du dividende numérique en Europe : pour une démarche commune d’utilisation du spectre libéré par le passage au numérique » [COM(2007) 700 final].
( 15 ) Note sans objet pour la version française des présentes conclusions.
( 16 ) Voir ci-dessus, premier tiret du point 19 des présentes conclusions.
( 17 ) Note sans objet pour la version française des présentes conclusions.
( 18 ) Voir, à ce sujet, jugement no 1398/2014 du Tribunale Amministrativo Regionale per il Lazio (tribunal administratif régional pour le Latium).
( 19 ) Note sans objet pour la version française des présentes conclusions.
( 20 ) RTI appartient au groupe Mediaset.
( 21 ) La Cour insiste sur la nécessité de respecter l’article 94 du règlement de procédure, notamment dans l’ordonnance du 12 mai 2016, Security Service e.a. (C‑692/15 à C‑694/15, EU:C:2016:344, point 18). Cela étant, des exigences de recevabilité en substance identiques s’appliquaient déjà auparavant aux demandes de décision préjudicielle en vertu d’une jurisprudence constante de la Cour ; voir notamment, parmi une jurisprudence fournie, arrêts du 24 avril 2012, Kamberaj (C‑571/10, EU:C:2012:233, point 42), ainsi que du 21 décembre 2016, Vervloet e.a. (C‑76/15, EU:C:2016:975, points 56 et 57).
( 22 ) Voir, en ce sens, ordonnance du 8 octobre 2002, Viacom (C‑190/02, EU:C:2002:569, points 21 et 22), ainsi qu’arrêts du 26 janvier 1993, Telemarsicabruzzo e.a. (C‑320/90 à C‑322/90, EU:C:1993:26, point 7) ; du 31 janvier 2008, Centro Europa 7 (C‑380/05, EU:C:2008:59, point 58) ; du 21 novembre 2013, Deutsche Lufthansa (C‑284/12, EU:C:2013:755, point 20), ainsi que du 13 février 2014, Airport Shuttle Express e.a. (C‑162/12 et C‑163/12, EU:C:2014:74, point 38).
( 23 ) Arrêt du 31 janvier 2008, Centro Europa 7 (C‑380/05, EU:C:2008:59, points 64 à 71, en particulier point 69).
( 24 ) Voir, en ce sens, arrêts du 18 juin 1991, ERT (C‑260/89, EU:C:1991:254, point 37) ; du 31 janvier 2008, Centro Europa 7 (C‑380/05, EU:C:2008:59, point 60), et du 1er juillet 2008, MOTOE (C‑49/07, EU:C:2008:376, point 50) ; voir aussi nos conclusions dans l’affaire Taricco e.a. (C‑105/14, EU:C:2015:293, point 60).
( 25 ) Arrêts du 20 janvier 2005, García Blanco (C‑225/02, EU:C:2005:34), et du 24 octobre 2013, Stoilov i Ko (C‑180/12, EU:C:2013:693), ainsi qu’ordonnance du 14 octobre 2010, Reinke (C‑336/08, non publiée, EU:C:2010:604).
( 26 ) Arrêts du 7 septembre 1999, Beck et Bergdorf (C‑355/97, EU:C:1999:391, point 22) ; du 16 juin 2015, Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400, point 25) ; du 6 septembre 2016, Petruhhin (C‑182/15, EU:C:2016:630, point 20), et du 21 décembre 2016, Vervloet e.a. (C‑76/15, EU:C:2016:975, point 57).
( 27 ) Voir notamment, en ce sens, arrêt du 18 octobre 2011, Boxus e.a. (C‑128/09 à C‑131/09, C‑134/09 et C‑135/09, EU:C:2011:667, point 27).
( 28 ) Voir notamment arrêts du 25 janvier 2011, Neukirchinger (C‑382/08, EU:C:2011:27, point 41), et du 6 octobre 2015, Târșia (C‑69/14, EU:C:2015:662, point 13).
( 29 ) Jurisprudence constante, voir notamment arrêts du 13 octobre 2016, Prezes Urzędu Komunikacji Elektronicznej et Petrotel (C‑231/15, EU:C:2016:769, point 16), et du 31 janvier 2017, Lounani (C‑573/14, EU:C:2017:71, point 56).
( 30 ) Voir, de manière analogue, sur l’application de la directive « autorisation » à la reconduction des droits d’utilisation de radiofréquences déjà attribués, arrêt du 21 mars 2013, Belgacom e.a. (C‑375/11, EU:C:2013:185, points 37 à 39).
( 31 ) C’est ce que suggère, par exemple, l’article 7, paragraphe 2, de la directive « autorisation », où il est question de l’octroi de droits d’utilisation de radiofréquences « supplémentaires ».
( 32 ) En ce qui concerne cette terminologie, voir notamment arrêt du 12 septembre 2006, Eman et Sevinger (C‑300/04, EU:C:2006:545, point 57) ; dans un souci de simplification, nous ferons ci‑après systématiquement référence au principe d’égalité de traitement.
( 33 ) Voir, de manière fondamentale, sur l’obligation de respecter les principes généraux du droit de l’Union, arrêts du 26 avril 2005, « Goed Wonen » (C‑376/02, EU:C:2005:251, point 32), et du 10 mars 2009, Heinrich (C‑345/06, EU:C:2009:140, point 45, deuxième phrase) ; sur le principe d’égalité de traitement en particulier, arrêt du 11 juillet 2006, Chacón Navas (C‑13/05, EU:C:2006:456, point 56, première et deuxième phrases), ainsi que, sur le principe de proportionnalité, arrêts du 10 mars 2005, Tempelman et van Schaijk (C‑96/03 et C‑97/03, EU:C:2005:145, point 46), et du 9 mars 2010, ERG e.a. (C‑379/08 et C‑380/08, EU:C:2010:127, point 86).
( 34 ) Arrêts du 6 novembre 2003, Lindqvist (C‑101/01, EU:C:2003:596, point 87) ; du 26 juin 2007, Ordre des barreaux francophones et germanophone e.a. (C‑305/05, EU:C:2007:383, point 28, deuxième phrase) ; du 21 décembre 2011, N. S. e.a. (C‑411/10 et C‑493/10, EU:C:2011:865, point 77), et du 19 septembre 2013, Réexamen Commission/Strack (C‑579/12 RX–II, EU:C:2013:570, point 40).
( 35 ) L’article 2, paragraphe 4, et l’article 4, point 2, de la directive « concurrence » parlent de critères « proportionnés », ce qui n’est toutefois rien d’autre qu’une référence au principe de proportionnalité.
( 36 ) Arrêts du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a. (C‑127/07, EU:C:2008:728, point 23) ; du 14 septembre 2010, Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission (C‑550/07 P, EU:C:2010:512, points 54 et 55), et du 21 décembre 2016, Vervloet e.a. (C‑76/15, EU:C:2016:975, point 74).
( 37 ) Arrêts du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a. (C‑127/07, EU:C:2008:728, points 25 et 26) ; du 1er mars 2011, Association Belge des Consommateurs Test-Achats e.a. (C‑236/09, EU:C:2011:100, point 29) ; du 11 juillet 2013, Ziegler/Commission (C‑439/11 P, EU:C:2013:513, point 167), et du 6 novembre 2014, Feakins (C‑335/13, EU:C:2014:2343, point 51).
( 38 ) Voir point 19 des présentes conclusions.
( 39 ) Voir en ce sens, notamment, sous l’angle de l’interdiction de discrimination dans le cadre de la libre circulation des travailleurs, arrêt du 14 février 1995, Schumacker (C‑279/93, EU:C:1995:31, point 49). Voir également, à titre complémentaire, sur les notions de « discrimination formelle » et de « discrimination matérielle », conclusions de l’avocat général Lagrange dans l’affaire Italie/Commission (13/63, non publiées, EU:C:1963:9), et de l’avocat général VerLoren van Themaat dans les affaires jointes Seco et Desquenne & Giral (62/81 et 63/81, non publiées, EU:C:1981:305).
( 40 ) Voir également considérant 36 de la directive 2009/140.
( 41 ) La Rai invoque en outre son obligation spécifique de fournir un service d’intérêt général. Toutefois, la juridiction de renvoi n’en fait pas un thème du débat et, pour cette raison, nous n’approfondirons pas non plus cette question dans la suite de nos développements. Nous nous bornons ici à indiquer que nos propos sur la garantie de la continuité de l’offre télévisuelle et en particulier ceux concernant la proportionnalité peuvent être transposés à l’attribution de fréquences dans l’objectif de garantir la fourniture de services d’intérêt général.
( 42 ) Arrêts du 11 juillet 1989, Schräder HS Kraftfutter (265/87, EU:C:1989:303, point 21) ; du 3 juillet 2003, Lennox (C‑220/01, EU:C:2003:390, point 76), ainsi que du 10 mars 2005, Tempelman et van Schaijk (C‑96/03 et C‑97/03, EU:C:2005:145, point 47) ; voir, dans le même sens, arrêts du 9 mars 2010, ERG e.a. (C‑379/08 et C‑380/08, EU:C:2010:127, point 86), ainsi que du 16 juin 2015, Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400, points 67 et 91).
( 43 ) Voir notamment Conseil constitutionnel (France), décisions no 2015-527 QPC du 22 décembre 2015 (FR:CC:2015:2015.527.QPC, points 4 et 12), ainsi que no 2016-536 QPC du 19 février 2016 (FR:CC:2016:2016.536.QPC, points 3 et 10) ; voir de même Conseil d’État (France), arrêt no 317827 du 26 octobre 2011 (FR:CEASS:2011:317827.20111026).
( 44 ) Voir à cet égard notamment la jurisprudence la plus récente du Bundesverfassungsgericht (Cour constitutionnelle fédérale, Allemagne), notamment BVerfGE 120, 274, 318 f. (DE:BVerfG:2008:rs20080227.1bvr037007, point 218). Le terme « approprié » est dans ce contexte un synonyme des termes « proportionné au sens strict ».
( 45 ) Voir, dans ce sens, arrêt du 8 avril 2014, Digital Rights Ireland e.a. (C‑293/12 et C‑594/12, EU:C:2014:238, point 47), où la Cour souligne que l’étendue du pouvoir d’appréciation du législateur de l’Union peut s’avérer limitée en fonction d’un certain nombre d’éléments, parmi lesquels figurent, notamment, le domaine concerné, la nature du droit en cause garanti par la Charte, la nature et la gravité de l’ingérence ainsi que la finalité de celle-ci.
( 46 ) Arrêts du 10 mars 2009, Hartlauer (C‑169/07, EU:C:2009:141, point 55) ; du 17 novembre 2009, Presidente del Consiglio dei Ministri (C‑169/08, EU:C:2009:709, point 42), et du 13 juillet 2016, Pöpperl (C‑187/15, EU:C:2016:550, point 34). Cette jurisprudence intervenue à propos des libertés fondamentales est nécessairement valable également en ce qui concerne le nouveau cadre réglementaire commun, constitué de textes de droit dérivé, d’autant que celui-ci contribue notamment à la mise en œuvre de libertés fondamentales.
( 47 ) Plusieurs parties à la procédure ont fait observer devant la Cour, tant dans le cadre de la procédure écrite que de la procédure orale, que les fréquences numériques permettent de diffuser en même temps plusieurs chaînes de télévision. Les chiffres avancés étaient d’un multiplex pour quatre chaînes, voire six, en fonction de la qualité de la transmission. Ainsi, la question qui s’impose à l’esprit est de savoir si l’attribution d’un seul multiplex numérique respectivement n’aurait pas déjà suffi à permettre à la Rai et à Mediaset de maintenir leur offre télévisuelle existante, laquelle, d’après les indications des parties à la procédure, comprenait pour chacune trois chaînes analogiques. La Rai et Mediaset, lors de l’audience, se sont élevées contre une telle vision des choses. C’est à la juridiction de renvoi qu’il appartiendra en définitive de procéder à toutes les constatations de fait utiles à ce sujet et d’en tirer les conclusions qui s’imposent. Elle devra ce faisant tenir compte du fait que les fréquences numériques du premier groupe ici litigieuses devaient servir exclusivement à la poursuite et non, par exemple, au développement ou à une amélioration fondamentale de l’offre télévisuelle existante (en dehors de l’amélioration qui peut déjà résulter du passage à la technologie numérique).
( 48 ) Voir également arrêt du 23 avril 2015, Commission/Bulgarie (C‑376/13, non publié, EU:C:2015:266, point 69).
( 49 ) Voir sur ce point également arrêt du 31 janvier 2008, Centro Europa 7 (C‑380/05, EU:C:2008:59, points 98 et 99), dans lequel la Cour souligne que des mesures qui ont pour effet de figer les structures du marché national et de protéger la position des opérateurs nationaux déjà actifs sur ledit marché sont incompatibles avec les directives qui constituent le nouveau cadre réglementaire commun.
( 50 ) Il n’appartient pas à la Cour, dans le cadre de la procédure préjudicielle, d’apprécier si, effectivement, les chaînes de télévision « Rai 3 » et « Rete 4 » ont été ou sont illégalement exploitées. Aux fins de la présente procédure de décision préjudicielle, la Cour doit en effet construire son analyse à partir de la prémisse qui a été formulée par le Consiglio di Stato (Conseil d’État).
( 51 ) Voir à cet égard, encore une fois, point 19 des présentes conclusions.