Choose the experimental features you want to try

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 62015CJ0348

    Arrêt de la Cour (première chambre) du 17 novembre 2016.
    Stadt Wiener Neustadt contre Niederösterreichische Landesregierung.
    Demande de décision préjudicielle, introduite par le Verwaltungsgerichtshof.
    Renvoi préjudiciel – Évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement – Directive 85/337/CEE – Directive 2011/92/UE – Champ d’application – Notion d’“acte législatif national spécifique” – Absence d’évaluation des incidences sur l’environnement – Autorisation définitive – Régularisation législative a posteriori de l’absence d’évaluation environnementale – Principe de coopération – Article 4 TUE.
    Affaire C-348/15.

    Court reports – general

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2016:882

    ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

    17 novembre 2016 ( *1 )

    «Renvoi préjudiciel — Évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement — Directive 85/337/CEE — Directive 2011/92/UE — Champ d’application — Notion d’“acte législatif national spécifique” — Absence d’évaluation des incidences sur l’environnement — Autorisation définitive — Régularisation législative a posteriori de l’absence d’évaluation environnementale — Principe de coopération — Article 4 TUE»

    Dans l’affaire C‑348/15,

    ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative, Autriche), par décision du 25 juin 2015, parvenue à la Cour le 10 juillet 2015, dans la procédure

    Stadt Wiener Neustadt

    contre

    Niederösterreichische Landesregierung,

    en présence de :

    .A.S.A. Abfall Service AG,

    LA COUR (première chambre),

    composée de Mme R. Silva de Lapuerta, président de chambre, MM. E. Regan, J.‑C. Bonichot (rapporteur), A. Arabadjiev et S. Rodin, juges,

    avocat général : Mme J. Kokott,

    greffier : M. A. Calot Escobar,

    vu la procédure écrite,

    considérant les observations présentées :

    pour la Stadt Wiener Neustadt, par Me E. Allinger, Rechtsanwalt,

    pour .A.S.A. Abfall Service, par Me H. Kraemmer, Rechtsanwalt,

    pour la Commission européenne, par Mme L. Pignataro-Nolin et M. C. Hermes, en qualité d’agents,

    ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 8 septembre 2016,

    rend le présent

    Arrêt

    1

    La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 1er, paragraphe 5, de la directive 85/337/CEE du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (JO 1985, L 175, p. 40), telle que modifiée par la directive 97/11/CE du Conseil, du 3 mars 1997 (JO 1997, L 73, p. 5) (ci-après la « directive 85/337 »), de l’article 1er, paragraphe 4, de la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (JO 2012, L 26, p. 1), ainsi que des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime.

    2

    Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la Stadt Wiener Neustadt (ville de Wiener Neustadt, Autriche) à la Niederösterreichische Landesregierung (gouvernement du Land de Basse-Autriche) au sujet de la légalité de la décision par laquelle cette dernière a considéré que l’exploitation par .A.S.A. Abfall Service d’une installation de traitement de combustibles de substitution devait être considérée comme autorisée.

    Le cadre juridique

    Le droit de l’Union

    3

    L’article 1er, paragraphe 1, de la directive 85/337, dont la teneur a été reprise à l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2011/92, prévoit :

    « La présente directive concerne l’évaluation des incidences sur l’environnement des projets publics et privés susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement. »

    4

    L’article 1er, paragraphe 2, de la directive 85/337, dont la teneur a été reprise en substance à l’article 1er, paragraphe 2, sous c), de la directive 2011/92, dispose :

    « Au sens de la présente directive, on entend par :

    [...]

    autorisation :

    la décision de l’autorité ou des autorités compétentes qui ouvre le droit du maître d’ouvrage de réaliser le projet ;

    [...] »

    5

    L’article 1er, paragraphe 5, de la directive 85/337, dont la teneur a été reprise en substance à l’article 1er, paragraphe 4, de la directive 2011/92, énonce :

    « La présente directive ne s’applique pas aux projets qui sont adoptés en détail par un acte législatif national spécifique, les objectifs poursuivis par la présente directive, y compris l’objectif de la mise à disposition d’informations, étant atteints à travers la procédure législative. »

    6

    Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 85/337 :

    « Les États membres prennent les dispositions nécessaires pour que, avant l’octroi de l’autorisation, les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, soient soumis à une procédure d’autorisation et à une évaluation en ce qui concerne leurs incidences. Ces projets sont définis à l’article 4. »

    Le droit autrichien

    7

    L’article 3, paragraphe 6, de l’Umweltverträglichkeitsprüfungsgesetz (UVP-G 2000) [loi sur l’évaluation de l’incidence sur l’environnement de 2000 (UVP‑G 2000), BGBl. 697/1993], dans sa version applicable aux faits au principal (ci-après l’« UVP-G 2000 »), prévoit :

    « Aucune autorisation ne doit être délivrée avant la finalisation de l’évaluation des incidences sur l’environnement, ou de l’évaluation au cas par cas pour les projets soumis à évaluation conformément aux paragraphes 1, 2 ou 4, et les déclarations effectuées en vertu de dispositions administratives avant la finalisation de l’évaluation des incidences sur l’environnement sont dépourvues d’effets juridiques. Les autorisations accordées en violation de la présente disposition peuvent être déclarées nulles dans un délai de trois ans par l’autorité compétente conformément à l’article 39, paragraphe 3. »

    8

    L’article 46, paragraphe 20, point 4, de l’UVP-G 2000 dispose :

    « Les dispositions suivantes s’appliquent à l’entrée en vigueur des dispositions refondues ou ajoutées par la loi fédérale publiée au BGBl. I, 87/2009 ainsi qu’à la transition vers la nouvelle situation légale :

    [...]

    4.

    Les projets dont l’autorisation n’est plus exposée au risque de nullité découlant de l’article 3, paragraphe 6, à la date d’entrée en vigueur de la loi fédérale publiée au BGBl. I, 87/2009 sont considérés comme autorisés en vertu de la loi. »

    9

    Il ressort de la décision de renvoi que la version de l’article 46, paragraphe 20, point 4, de l’UVP-G 2000, telle que mentionnée au point 8 du présent arrêt, est issue du Bundesgesetz, mit dem das Umweltverträglichkeitsprüfungsgesetz 2000 geändert wird (UVP‑G‑Novelle 2009) [loi fédérale modifiant la loi sur l’évaluation de l’incidence sur l’environnement de 2000 (UVP‑G-Novelle 2009), BGBl. I, 87/2009], entré en vigueur le 19 août 2009.

    Les faits du litige au principal et la question préjudicielle

    10

    .A.S.A. Abfall Service exploite sur le territoire de la ville de Wiener Neustadt une installation de traitement de combustibles de substitution, qui traite pour l’essentiel des déchets plastiques en les réduisant en petits morceaux jusqu’à l’obtention d’un combustible principalement destiné à l’industrie du ciment. Un traitement physique de déchets non dangereux est effectué dans cette installation.

    11

    Au cours des années 1986 et 1993, le maire de cette ville a accordé des autorisations d’exploitation permettant une capacité de traitement de 9990 tonnes par an.

    12

    Par décision du 10 décembre 2002, le chef du gouvernement du Land de Basse‑Autriche a autorisé l’augmentation de la capacité maximale de traitement à 34000 tonnes par an, au titre de la législation sur la gestion des déchets. Cette augmentation de capacité devait être réalisée par l’extension de la ligne de traitement existante ainsi que par la construction d’une seconde ligne de traitement.

    13

    Cette autorisation a été accordée sans que le projet d’extension ait fait l’objet de l’évaluation des incidences sur l’environnement prévue par l’UVP-G 2000.

    14

    Par lettre du 30 avril 2014, l’Umweltanwalt (médiateur pour l’environnement) du Land de Basse-Autriche a demandé au gouvernement de ce même Land de déterminer si cette installation devait être soumise à l’évaluation des incidences sur l’environnement, conformément à l’UVP-G 2000.

    15

    Par décision du 27 juin 2014, le gouvernement de ce Land a répondu par la négative à cette question, estimant que cette installation devait être considérée comme autorisée en vertu de l’article 46, paragraphe 20, point 4, de l’UVP-G 2000.

    16

    La ville de Wiener Neustadt a saisi le Bundesverwaltungsgericht (tribunal administratif fédéral, Autriche) d’une demande d’annulation de cette décision.

    17

    Par un jugement du 12 septembre 2014, cette dernière juridiction a rejeté ce recours comme étant non fondé.

    18

    Le Bundesverwaltungsgericht, a, en effet, considéré qu’il n’y avait pas lieu d’examiner si l’extension de la capacité de traitement, telle qu’autorisée par la décision du 10 décembre 2002, aurait dû être préalablement soumise à l’évaluation des incidences sur l’environnement au titre de l’UVP-G 2000, dès lors que l’article 46, paragraphe 20, point 4, de l’UVP‑G 2000 permettait de considérer qu’une telle autorisation était réputée avoir été légalement accordée pour l’exploitation en cause au principal. En outre, cette disposition ne serait pas contraire au droit de l’Union.

    19

    La ville de Wiener Neustadt a introduit un recours en Revision contre ce jugement devant le Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative, Autriche). Elle soutient que l’article 46, paragraphe 20, point 4, de l’UVP-G 2000 est contraire au droit de l’Union. Elle considère, en particulier, que les conditions en vertu desquelles un projet peut être exclu par une législation nationale du champ d’application de la directive 85/337 ou de celui de la directive 2011/92 ne sont pas remplies dans l’affaire au principal.

    20

    Dans ces conditions, le Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

    « Le droit de l’Union, en particulier la directive 2011/92, et notamment son article 1er, paragraphe 4, ou la directive 85/337, et notamment son article 1er, paragraphe 5, s’oppose-t-il à une disposition nationale en vertu de laquelle les projets soumis à une obligation d’évaluation de l’incidence sur l’environnement, qui ne disposaient cependant pas d’une autorisation en vertu de l’UVP-G 2000, mais seulement d’autorisations octroyées sur le fondement de différentes lois sectorielles [comme l’Abfallwirtschaftsgesetz (loi sur la gestion des déchets)], qui, au 19 août 2009 [...], ne pouvaient plus être déclarées nulles en raison de l’expiration du délai de trois ans prévu à cet égard par le droit national (article 3, paragraphe 6, de l’UVP-G 2000), sont considérés comme autorisés conformément à l’UVP-G 2000 ou une telle règle est-elle conforme aux principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime consacrés par le droit de l’Union ? »

    Sur la question préjudicielle

    21

    À titre liminaire, il importe de relever que le projet d’augmentation de la capacité de traitement de l’installation en cause au principal était, compte tenu de la date à laquelle il a été autorisé au titre de la législation sur la gestion des déchets, soit le 10 décembre 2002, susceptible de relever du droit de l’Union et, à ce titre, de faire l’objet d’une évaluation de ses incidences sur l’environnement. Tel n’est pas le cas, en revanche, des autorisations d’exploitation accordées au cours des années 1986 et 1993, soit avant l’adhésion de la République d’Autriche à l’Union.

    22

    Il importe également de préciser qu’il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier si un tel projet aurait dû être soumis à une évaluation de ses incidences sur l’environnement, conformément à l’article 2, paragraphe 1, de la directive 85/337, et, le cas échéant, si, comme le soutient l’exploitant, l’autorisation sectorielle accordée par la décision du 10 décembre 2002 au titre de la législation sur la gestion des déchets, a permis de respecter, en pratique, les exigences environnementales prévues par cette directive.

    23

    Il convient, enfin, de souligner que, compte tenu de la date des décisions en cause dans l’affaire au principal, il n’y a pas lieu de se référer à la directive 2011/92.

    24

    Il y a, dès lors, lieu de considérer que, par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, en premier lieu, si l’article 1er, paragraphe 5, de la directive 85/337 doit être interprété en ce sens qu’il exclut du champ d’application de celle-ci une disposition législative telle que l’article 46, paragraphe 20, point 4, de l’UVP‑G 2000, en vertu de laquelle un projet qui a fait l’objet d’une décision prise en violation de l’obligation d’évaluation de ses incidences sur l’environnement, à l’égard de laquelle le délai de recours en annulation a expiré, doit être considéré comme légalement autorisé.

    25

    De manière plus générale, la juridiction de renvoi cherche également à savoir, en second lieu, si une telle disposition législative peut être justifiée en droit de l’Union par les principes de sécurité juridique et de confiance légitime.

    26

    S’agissant du premier aspect de la question préjudicielle, il résulte d’une jurisprudence constante de la Cour que l’article 1er, paragraphe 5, de la directive 85/337 soumet à deux conditions l’exclusion d’un projet du champ d’application de cette directive. En premier lieu, le projet doit être adopté en détail par un acte législatif spécifique. En second lieu, les objectifs de cette directive, y compris celui de la mise à disposition d’informations, doivent être atteints à travers la procédure législative (arrêts du 16 septembre 1999, WWF e.a.,C‑435/97, EU:C:1999:418, point 57, ainsi que du 18 octobre 2011, Boxus e.a.,C‑128/09 à C‑131/09, C‑134/09 et C‑135/09, EU:C:2011:667, point 37).

    27

    La première condition implique que l’acte législatif présente les mêmes caractéristiques qu’une autorisation au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 85/337. Il doit notamment ouvrir au maître d’ouvrage le droit de réaliser le projet et doit comporter, à l’instar d’une autorisation, après leur prise en compte par le législateur, tous les éléments du projet pertinents au regard de l’évaluation des incidences sur l’environnement (voir, en ce sens, arrêts du 16 septembre 1999, WWF e.a.,C‑435/97, EU:C:1999:418, points 58 et 59, ainsi que du 18 octobre 2011, Boxus e.a.,C‑128/09 à C‑131/09, C‑134/09 et C‑135/09, EU:C:2011:667, points 38 et 39). L’acte législatif doit ainsi attester que les objectifs de la directive 85/337 ont été atteints en ce qui concerne le projet concerné (arrêt du 18 octobre 2011, Boxus e.a.,C‑128/09 à C‑131/09, C‑134/09 et C‑135/09, EU:C:2011:667, point 39 ainsi que jurisprudence citée).

    28

    Tel n’est pas le cas lorsque l’acte ne comporte pas les éléments nécessaires à l’évaluation des incidences de l’autorisation de ce projet sur l’environnement (voir, en ce sens, arrêts du 16 septembre 1999, WWF e.a.,C‑435/97, EU:C:1999:418, point 62, ainsi que du 18 octobre 2011, Boxus e.a.,C‑128/09 à C‑131/09, C‑134/09 et C‑135/09, EU:C:2011:667, point 40).

    29

    La seconde condition implique que les objectifs de la directive 85/337 soient atteints à travers la procédure législative. Il résulte, en effet, de l’article 2, paragraphe 1, de cette directive que son objectif essentiel est de garantir que les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation soient, « avant l’octroi d’une autorisation », soumis à une évaluation en ce qui concerne leurs incidences sur l’environnement (voir, en ce sens, arrêt du 18 octobre 2011, Boxus e.a.,C‑128/09 à C‑131/09, C‑134/09 et C‑135/09, EU:C:2011:667, point 41 et jurisprudence citée).

    30

    Il en résulte que le législateur doit avoir à sa disposition, au moment de l’adoption du projet, une information suffisante. À cet égard, les informations à fournir par le maître d’ouvrage comportent au minimum une description du projet comprenant des informations relatives à son site, à sa conception et à ses dimensions, une description des mesures envisagées pour éviter et réduire des effets négatifs importants et, si possible, y remédier, ainsi que les données nécessaires pour identifier et évaluer les effets principaux que le projet est susceptible d’avoir sur l’environnement (voir, en ce sens, arrêt du 18 octobre 2011, Boxus e.a.,C‑128/09 à C‑131/09, C‑134/09 et C‑135/09, EU:C:2011:667, point 43).

    31

    S’il revient au juge national de déterminer si ces conditions ont été respectées, en tenant compte tant du contenu de l’acte législatif adopté que de l’ensemble de la procédure législative qui a conduit à son adoption et notamment des actes préparatoires et des débats parlementaires (arrêt du 18 octobre 2011, Boxus e.a.,C‑128/09 à C‑131/09, C‑134/09 et C‑135/09, EU:C:2011:667, point 47), il semble, toutefois, qu’une disposition législative telle que l’article 46, paragraphe 20, point 4, de l’UVP-G 2000 ne respecte pas ces exigences.

    32

    Il ressort en effet du dossier soumis à la Cour que cette disposition ne présente pas, pour les projets qu’elle vise, les mêmes caractéristiques qu’une autorisation au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 85/337.

    33

    Il n’apparaît pas non plus que les objectifs de cette directive puissent être atteints à travers l’article 46, paragraphe 20, point 4, de l’UVP‑G 2000, dès lors que le législateur national ne disposait pas, lorsqu’il a adopté cette disposition, d’informations sur les incidences sur l’environnement des projets qu’elle est susceptible de concerner et que, en tout état de cause, cette disposition a vocation à s’appliquer à des projets déjà réalisés.

    34

    Par conséquent, une disposition législative, telle que l’article 46, paragraphe 20, point 4, de l’UVP-G 2000, ne paraît pas répondre aux conditions posées à l’article 1er, paragraphe 5, de la directive 85/337, de sorte qu’elle n’a pu avoir pour effet d’exclure les opérations qu’elle vise du champ d’application de cette dernière. Il appartient toutefois à la juridiction de renvoi de le vérifier au regard de l’ensemble des caractéristiques du droit national et de la portée exacte qu’il convient de donner à la disposition en cause.

    35

    S’agissant du second aspect de la question préjudicielle, relatif à la possibilité de justifier en droit de l’Union, par les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, une disposition législative telle que celle en cause au principal, il y a lieu d’apporter les précisions suivantes.

    36

    Le droit de l’Union ne s’oppose pas à ce que les règles nationales permettent, dans certains cas, de régulariser des opérations ou des actes irréguliers au regard de celui-ci. Une telle possibilité est toutefois subordonnée à la condition qu’elle n’offre pas aux intéressés l’occasion de contourner les règles du droit de l’Union ou de se dispenser de les appliquer et donc qu’elle demeure exceptionnelle (arrêt du 3 juillet 2008, Commission/Irlande,C‑215/06, EU:C:2008:380, point 57).

    37

    Partant, la Cour a jugé qu’une législation qui donne à un permis de régularisation, qui peut être délivré en dehors même de toutes circonstances exceptionnelles, les mêmes effets que ceux attachés à une autorisation d’urbanisme méconnaît les exigences de la directive 85/337. En effet, les projets pour lesquels une évaluation des incidences sur l’environnement est requise doivent, en vertu de l’article 2, paragraphe 1, de cette directive, être identifiés puis soumis, avant l’octroi de l’autorisation et, en conséquence, nécessairement avant d’être réalisés, à une demande d’autorisation et à ladite évaluation (arrêt du 3 juillet 2008, Commission/Irlande,C‑215/06, EU:C:2008:380, point 61).

    38

    Il en va de même d’une mesure législative, telle que l’article 46, paragraphe 20, point 4, de l’UVP-G 2000, qui semble permettre, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, sans même imposer d’évaluation ultérieure, et en dehors de toutes circonstances exceptionnelles particulières, qu’un projet qui aurait dû faire l’objet d’une évaluation des incidences sur l’environnement, au sens de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 85/337, soit réputé avoir fait l’objet d’une telle évaluation.

    39

    Il est vrai que la disposition en cause au principal ne vise que « les projets dont l’autorisation n’est plus exposée au risque de nullité » du fait de l’expiration du délai de recours de trois ans prévu à l’article 3, paragraphe 6, de l’UVP-G 2000.

    40

    Toutefois, cette seule circonstance ne saurait modifier la conclusion qui précède. Il résulte, certes, d’une jurisprudence constante de la Cour que, en l’absence de réglementation du droit de l’Union en la matière, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours en justice destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union, pour autant que lesdites modalités ne soient pas moins favorables que celles régissant les recours similaires fondés sur le droit interne (principe d’équivalence) et qu’elles ne rendent pas en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union (principe d’effectivité).

    41

    La Cour considère également que la fixation de délais raisonnables de recours dans l’intérêt de la sécurité juridique, qui protège à la fois le particulier et l’administration concernés, est compatible avec le droit de l’Union. En particulier, elle juge que de tels délais ne sont pas de nature à rendre en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 15 avril 2010, Barth,C‑542/08, EU:C:2010:193, point 28, et du 16 janvier 2014, Pohl,C‑429/12, EU:C:2014:12, point 29).

    42

    Par conséquent, le droit de l’Union, qui ne prévoit pas de règles relatives aux délais de recours contre les autorisations délivrées en violation de l’obligation d’évaluation préalable des incidences sur l’environnement, visée à l’article 2, paragraphe 1, de la directive 85/337, ne s’oppose pas, en principe, et sous réserve du respect du principe d’équivalence, à la fixation par l’État membre concerné d’un délai de recours de trois ans, tel que celui prévu à l’article 3, paragraphe 6, de l’UVP-G 2000, auquel renvoie l’article 46, paragraphe 20, point 4, de l’UVP‑G 2000.

    43

    Toutefois, ne serait pas compatible avec cette directive une disposition nationale dont il résulterait, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, que les projets dont l’autorisation n’est plus exposée à un recours contentieux direct, du fait de l’expiration du délai de recours prévu par la législation nationale, sont purement et simplement considérés comme légalement autorisés au regard de l’obligation d’évaluation des incidences sur l’environnement.

    44

    Ainsi que l’a relevé, en substance, Mme l’avocat général aux points 42 à 44 de ses conclusions, la directive 85/337 s’oppose déjà en tant que telle à une disposition de cette nature, ne serait-ce que parce que cette dernière a pour effet juridique de dispenser les autorités compétentes de l’obligation de tenir compte du fait qu’un projet au sens de cette directive a été réalisé sans que ses incidences sur l’environnement aient fait l’objet d’une évaluation et de veiller à ce qu’une telle évaluation soit réalisée, lorsque des travaux ou des interventions physiques liés à ce projet nécessiteraient une autorisation ultérieure (voir, en ce sens, arrêt du 17 mars 2011, Brussels Hoofdstedelijk Gewest e.a.,C‑275/09, EU:C:2011:154, point 37).

    45

    En outre, il résulte d’une jurisprudence bien établie de la Cour que les États membres sont tenus de réparer tout préjudice causé par l’omission d’une évaluation des incidences sur l’environnement (arrêt du 7 janvier 2004, Wells,C‑201/02, EU:C:2004:12, point 66).

    46

    À cet effet, les autorités nationales compétentes doivent prendre toutes les mesures générales ou particulières afin de remédier à une telle omission (arrêt du 7 janvier 2004, Wells,C‑201/02, EU:C:2004:12, point 68).

    47

    À cet égard, il convient de préciser que, si les conditions d’une telle action en réparation, en particulier celles relatives au point de savoir si toute illégalité doit être considérée comme fautive ainsi que celles relatives à l’établissement du lien de causalité, relèvent, en l’absence de disposition du droit de l’Union, du droit national, et si une telle action peut, ainsi qu’il résulte d’une jurisprudence constante de la Cour, être enfermée dans un certain délai, sous réserve du respect des principes d’équivalence et d’effectivité, il n’en demeure pas moins que cette action doit pouvoir, en vertu du principe d’effectivité, être exercée dans des conditions raisonnables.

    48

    Il résulte de ce qui précède que, si une disposition nationale empêche, à l’expiration d’un délai donné, toute action en réparation de la violation de l’obligation d’évaluation des incidences sur l’environnement, visée à l’article 2, paragraphe 1, de la directive 85/337, alors même que le délai de recours dans lequel le droit national enferme l’action en réparation n’aurait pas expiré, elle serait, également pour ce motif, incompatible avec le droit de l’Union.

    49

    Il convient, par conséquent, de répondre à la question posée que l’article 1er, paragraphe 5, de la directive 85/337 doit être interprété en ce sens qu’il n’exclut pas du champ d’application de celle-ci un projet visé par une disposition législative telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle un projet qui a fait l’objet d’une décision prise en violation de l’obligation d’évaluation de ses incidences sur l’environnement, à l’égard de laquelle le délai de recours en annulation a expiré, doit être considéré comme légalement autorisé. Le droit de l’Union s’oppose à une telle disposition législative en ce qu’elle prévoit qu’une évaluation préalable des incidences sur l’environnement doit être réputée avoir été réalisée pour un tel projet.

    Sur les dépens

    50

    La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

     

    Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

     

    L’article 1er, paragraphe 5, de la directive 85/337/CEE du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, telle que modifiée par la directive 97/11/CE du Conseil, du 3 mars 1997, doit être interprété en ce sens qu’il n’exclut pas du champ d’application de celle-ci un projet visé par une disposition législative telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle un projet qui a fait l’objet d’une décision prise en violation de l’obligation d’évaluation de ses incidences sur l’environnement, à l’égard de laquelle le délai de recours en annulation a expiré, doit être considéré comme légalement autorisé. Le droit de l’Union s’oppose à une telle disposition législative en ce qu’elle prévoit qu’une évaluation préalable des incidences sur l’environnement doit être réputée avoir été réalisée pour un tel projet.

     

    Signatures


    ( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.

    Top