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Document 61982CC0116

    Conclusions de l'avocat général Mischo présentées le 17 avril 1986.
    Commission des Communautés européennes contre République fédérale d'Allemagne.
    Manquement - Réglementation nationale de l'élaboration des v.q.p.r.d..
    Affaire 116/82.

    Recueil de jurisprudence 1986 -02519

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:1986:153

    CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

    M. JEAN MISCHO

    présentées le 17 avril 1986

    Monsieur le Président,

    Messieurs les Juges,

    1. Introduction

    La présente affaire en manquement est venue devant vous presque quatre ans après que la requête a été déposée, et plus de treize ans après l'ouverture de la procédure d'infraction par la Commission. Celle-ci a demandé, à plusieurs reprises, de ne pas fixer l'audience en raison de négociations entre les parties tendant à résoudre le différend.

    2. Les infractions reprochées

    Dans sa requête, la Commission a reproché à la République fédérale d'Allemagne que, en adoptant et en appliquant certaines dispositions de la loi vinicole du 14 juillet 1971 (BGBl. 1971 I, p. 893) et du règlement d'application du 15 juillet 1971 (BGBl. 1971 I, p. 926), elle a violé la réglementation communautaire sur l'organisation commune du marché vitivinicole.

    Il s'agit des manquements suivants:

    1)

    violation du principe de la libre circulation des marchandises qui sert de base à l'organisation commune des marchés du vin en interdisant l'importation du vin qui n'a pas été produit selon les dispositions législatives en vigueur dans l'État membre producteur [article 18, paragraphe 1, point 1, sous a) et b), de la loi vinicole];

    2)

    violation de l'article 43, paragraphe 4, du règlement n° 337/79 en interdisant de couper des vins de liqueur étrangers avec du vin de liqueur originaire d'autres pays (article 23, paragraphe 2, de la loi vinicole) ;

    3)

    violation de l'article 2, paragraphe 1, du règlement n° 1689/70 en continuant d'accorder des autorisations permettant l'élaboration de v.q.p.r.d. en dehors des régions déterminées ou des régions situées à proximité immédiate (article 64 de la loi vinicole) ;

    4)

    violation de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 338/79 en raison d'une délimitation imprécise des régions aptes à la production de v.q.p.r.d. (annexe IV, partie I, du règlement d'application « vin »).

    En ce qui concerne les infractions figurant sous les points 1 et 2 ci-dessus, la Commission a renoncé, dans sa réplique, à poursuivre la constatation en manquement, considérant qu'elles avaient été réglées par la loi modificative du 27 août 1982 (BGBl. 1982 I, p. 1177), tout en insistant sur la condamnation de la République fédérale d'Allemagne aux dépens pour ces deux chefs. Par lettre du 18 décembre 1985, la Commission a renoncé également à faire constater l'existence d'un manquement concernant l'infraction énoncée au point 4.

    Mais, sur ce point aussi, elle demande la condamnation de la République fédérale d'Allemagne aux dépens. Par conséquent, mes conclusions ne concernent que le manquement visé au point 3.

    3. La législation communautaire applicable

    Le règlement n° 817/70 du Conseil (JO 1971, L 99, p. 20) a établi les dispositions particulières relatives aux vins de qualité produits dans des régions déterminées. Le deuxième considérant de ce règlement prévoit le développement d'une politique de qualité:

    « considérant que le développement d'une politique de qualité dans le domaine agricole et, tout spécialement, dans le domaine vinicole ne peut que contribuer à l'amélioration des conditions du marché et, par la même, à l'accroissement des débouchés; que l'adoption de disciplines communes complémentaires, par rapport au règlement (CEE) n° 816/70 et concernant la production et le contrôle des vins de qualité produits dans des régions déterminées, s'inscrit dans le cadre de la politique visée précédemment, et qu'elle est de nature à contribuer à la réalisation des objectifs évoqués ci-dessus... ».

    Le principe essentiel de cette politique est la garantie que l'obtention des raisins et leur transformation soient authentiques. Ce principe est exprimé plus clairement dans le texte français qui parle de « vins de qualité produits dans une région déterminée », à la différence du texte allemand qui parle de « Qualitätsweine bestimmter Anbaugebiete » ( 1 ). C'est seulement à titre exceptionnel que l'on peut tenir compte des pratiques traditionnelles, comme indiqué par le quatrième considérant de ce règlement:

    « considérant que, s'il est nécessaire de tenir compte des conditions traditionnelles de production, il importe cependant que soit réalisé un effort commun d'harmonisation en ce qui concerne les exigences de qualité... ».

    En ce qui concerne l'obtention et la transformation, l'article 5 prévoit que:

    « 1)

    a)

    Les v.q.p.r.d. ne sont obtenus qu'à partir de raisins issus de cépages figurant sur la liste visée au paragraphe 1 de l'article 3 et récoltés à l'intérieur de la région déterminée.

    La disposition qui précède ne fait pas obstacle à ce qu'un v.q.p.r.d. soit obtenu dans les conditions visées à l'article 3, paragraphe 3, ou produit selon des pratiques traditionnelles.

    b)

    ...

    2)

    La transformation des raisins visés au paragraphe 1, sous a), en moûts et du moût en vin est assurée à l'intérieur de la région déterminée où ils ont été récoltés.

    Toutefois, elle peut avoir lieu en dehors de cette région, sous réserve de dispositions adéquates en matière de contrôle et lorsque la réglementation de l'État membre producteur l'autorise.

    3)

    Les modalités d'application du présent article sont arrêtées selon la procédure prévue à l'article 7 du règlement n° 24.

    Elles portent notamment sur:

    les dispositions selon lesquelles les États membres peuvent autoriser des dérogations à la règle en application de laquelle la transformation de raisins en moûts et du moût en vin a lieu à l'intérieur de la région déterminée;

    la liste des v.q.p.r.d. faisant l'objet des pratiques traditionnelles visées au paragraphe 1. »

    Cette disposition correspond, en substance, à l'article 6 du règlement n° 338/79 du Conseil, du 5 février 1979 (JO 1979, L 54, p. 48), qui a remplacé et complété le règlement n° 817/70.

    La règle de l'article 5, paragraphe 2, alinéa 1, a repris la réglementation, jusque-là habituelle, des droits français et italien. Les modalités d'application relatives à l'exception, contenue dans l'alinéa 2, ont été définies dans le règlement n° 1698/70 de la Commission (JO 1971, L 150, p. 4) relatif à certaines dérogations concernant l'élaboration des v.q.p.r.d.

    L'article 1er de ce règlement prévoit que:

    « Lors de l'élaboration d'un v.q.p.r.d., la transformation des raisins en moûts ou des moûts en vin, dans les conditions prévues à l'article 5, paragraphe 2, alinéa 2, du règlement (CEE) n° 817/70, ne peut être effectuée que si elle est autorisée. »

    Selon l'article 2, paragraphe 1:

    « L'autorisation de transformation visée à l'article 1er ne peut être donnée par l'organisme compétent des États membres producteurs qu'aux vinificateurs mettant en œuvre des raisins ou des moûts de raisins destinés à obtenir un v.q.p.r.d. dans leurs établissements et situés à proximité immédiate de la région déterminée en cause.»

    Ces régions situées à proximité immédiate peuvent se trouver dans d'autres régions viticoles ou tout à fait en dehors des régions viticoles. La nécessité de la « proximité immédiate » est motivée au troisième considérant de ce règlement par les risques de fraude que comporte la transformation.

    4. Les dispositions allemandes contestées et le véritable objet du litige

    Le Weingesetz (la loi vinicole) prévoit, dans son paragraphe 5, ce qui suit:

    « Verarbeitung zu Qualitätswein außerhalb des bestimmten Anbaugebietes

    1.

    Bei der Herstellung eines Qualitätsweines b. A. kann nach Maßgabe des Artikels 5 Absatz 2 Unterabsatz 2 der Verordnung (EWG) Nr. 817/70 und der zu seiner Durchführung erlassenen Verordnungen des Rates oder der Kommission der Europäischen Gemeinschaften genehmigt werden, daß die Verarbeitung von Weintrauben zu Traubenmost und des Traubenmostes zu Wein auch außerhalb des bestimmten Anbaugebietes vorgenommen wird, in dem die Weintrauben geerntet worden sind. Die Landesregierungen der weinbautreibenden Länder, in deren Gebiet die Verarbeitung vorgenommen werden soll, bestimmen die für die Erteilung der Genehmigung zuständigen Stellen. »

    En traduction française:

    « Élaboration de vins de qualité en dehors d'une région déterminée

    1.

    Conformément aux dispositions de l'article 5, paragraphe 2, alinéa 2, du règlement (CEE) n° 817/70 et des règlements d'application, arrêtées par le Conseil et par la Commission des Communautés européennes, la transformationdes raisins en moûts et du moût en vin en vue de l'élaboration d'un v.q.p.r.d. peut être autorisée également en dehors de la région déterminée où lesdits raisins ont été récoltés. Les gouvernements des Länder viticoles sur le territoire desquels doit se faire la transformation désignent les organismes compétents pour délivrer l'autorisation. »

    En apparence, cette disposition n'est pas en contradiction avec l'article 2, paragraphe 1, du règlement n° 1698/70 puisque, d'après son texte, elle n'est applicable qu'en conformité (nach Maßgabe) avec les règlements d'application arrêtés par le Conseil et par la Commission.

    Au cours de la procédure écrite, la Commission a cependant souligné qu'il en allait autrement dans la pratique, l'article 5 de la loi vinicole allemande devant être lu à la lumière de la situation de fait qui sous-tend l'article 64 de la même loi (der dem § 64 unterliegende Sachverhalt).

    L'article 64 en question prévoit que:

    « Verarbeitung

    Bis zum 31. August 1976 kann eine Genehmigung nach § 5 bei Qualitätswein (§ 11) auch für eine Verarbeitung innerhalb des deutschen Weinanbaugebietes (§10 Absatz 8) erteilt werden, sofern dies traditioneller Praxis im Sinne des Artikels 5 Absatz 1 Buchstabe a zweiter Unterabsatz der Verordnung (EWG) Nr. 817/70 entspricht.»

    En traduction française:

    « Elaboration

    L'autorisation au sens de celle prévue à l'article 5 pour le vin de qualité (article 11) peut être accordée jusqu'au 31 août 1976 même pour une élaboration effectuée à l'intérieur de la région viticole allemande (article 10, paragraphe 8), pour autant que cela corresponde à une pratique traditionnelle au sens de l'article 5, paragraphe 1, sous a), alinéa 2, du règlement (CEE) n° 817/70.»

    A ce point, il y a lieu de faire deux remarques:

    1)

    L'article 64 de la loi vinicole allemande est manifestement basé sur une confusion en ce sens qu'il établit un lien entre 1« élaboration » du vin en dehors des « régions déterminées », prévue à l'article 5 de la même loi vinicole, et le critère des « pratiques traditionnelles » au sens de l'article 5, paragraphe 1, sous a), alinéa 2, du règlement n° 817/70. Les « pratiques traditionnelles » en question ne concernent pas, en effet, le problème de la localisation géographique de la transformation des raisins en moûts ou des moûts en vin, mais certaines méthodes d'obtention.

    Au cours de la procédure orale, la République fédérale a d'ailleurs déclaré qu'elle n'entendait pas limiter l'élaboration des v.q.p.r.d. à ceux des endroits situés en dehors des « régions déterminées » où cela se faisait d'une façon traditionnelle.

    Elle a aussi indiqué qu'elle n'entendait même pas limiter cette élaboration à des localités situées à l'intérieur de la région viticole allemande, contrairement à ce qui est indiqué à l'article 64, précité.

    2)

    La Commission, pour sa part, a précisé, au cours de la procédure orale, que l'objet de sa requête était de faire constater que, en continuant d'accorder, après la date d'entrée en vigueur du règlement (CEE) n° 1698/70 de la Commission (à savoir le 29 août 1970), de nouvelles autorisations permettant à des entreprises non situées « à proximité immédiate de la région déterminée en cause » d'élaborer des v.q.p.r.d., la République fédérale d'Allemagne avait violé ses obligations résultant du traité.

    Les autorisations accordées antérieurement à cette date ne sont donc pas mises en cause par la Commission.

    Il résulte de tout cela qu'à mon avis la Cour n'a besoin de s'attarder ni à la question des « pratiques traditionnelles », ni à l'article 64 de la loi vinicole allemande (qui est cependant clairement contraire au droit communautaire), ni à la façon dont la Commission avait formulé le grief au point 22 de sa requête du 31 mars 1982 (où elle avait indiqué qu'elle entendait faire constater que le maintient, au-delà du 31 août 1976, de la réglementation d'exception pour les vins de qualité constituait une infraction au traité).

    Il nous reste, maintenant, à examiner la réaction de la République fédérale d'Allemagne à la requête de la Commission ainsi précisée.

    La République fédérale d'Allemagne fait valoir que les dérogations accordées sont pleinement conformes à l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 817/70.

    Elle soutient que l'article 2, paragraphe 1, du règlement n° 1698/70 de la Commission, qui prescrit que de telles dérogations ne peuvent être accordées qu'à des établissements situés à proximité immédiate de la région déterminée en cause, est invalide parce qu'il:

    ne respecte pas les limites du mandat assigné à la Commission,

    viole le principe de proportionnalité,

    viole certains droits fondamentaux de la personne humaine.

    Examinons successivement ces trois moyens.

    5. Le premier et le deuxième moyen: violation des limites de l'habilitation et du principe de proportionnalité

    Selon l'avis de la République fédérale d'Allemagne, l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 817/70 réserverait, sans limitation, aux États membres la compétence d'autoriser la vinification en dehors des régions déterminées. La tâche de la Commission, en vertu de l'article 5, paragraphe 3 (arrêt des modalités d'application), serait uniquement de veiller à ce que cette compétence ne soit pas utilisée de façon abusive. La Commission, en arrêtant l'article 2, paragraphe 1, du règlement n° 1698/70, aurait largement vidé de sa substance et de son contenu cette compétence des États membres et donc outrepassé les limites de son mandat.

    En outre, le choix du critère de la « proximité immédiate » ne serait pas proportionnel à l'objectif poursuivi.

    Le risque de fraude résultant de la distance de transport, invoqué par la Commission pour justifier ce critère, existerait tout autant à l'intérieur des régions déterminées.

    De l'avis du gouvernement allemand, d'autres moyens, moins contraignants, tels qu'une surveillance renforcée des entreprises concernées et des transports, auraient pu être choisis pour atteindre le but recherché.

    Que faut-il penser de cette argumentation?

    La dérogation prévue à l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 817/70 (ou à l'article 6, paragraphe 2, du règlement n° 338/79 qui est formulée différemment, mais dont le contenu est identique) doit être vue dans le contexte d'ensemble du règlement dont elle fait partie.

    Par ce règlement, le Conseil a entendu développer une politique de qualité dans le domaine vitivinicole, et il a créé, à cet effet, une catégorie particulière de vins, définis comme étant les « vins de qualité produits dans des régions déterminées ».

    Le Conseil aurait pu, tout aussi bien, s'il l'avait voulu, choisir une autre définition telle que « vins de qualité produits à partir de raisins récoltés dans une région déterminée ».

    Il ne l'a pas fait, et les États membres doivent respecter cette décision à l'adoption de laquelle ils ont participé.

    Le Conseil a cependant prévu la possibilité de déroger au principe selon lequel la transformation des raisins en moûts et du moût en vin doit être assurée à l'intérieur de la région déterminée où ils ont été récoltés.

    Ce faisant, il a, évidemment, créé un problème, car, si une proportion importante des vins bénéficiant du label « vins de qualité produits dans une région déterminée » n'étaient, en réalité, pas produits dans la région en question, l'appellation contrôlée pourrait être vidée d'une grande partie de son contenu et l'effet qu'elle vise à susciter auprès du public pourrait être manqué.

    Compte tenu de la définition et de l'appellation choisies, le consommateur est, en effet, normalement en droit de s'attendre à ce que les v.q.p.r.d. aient effectivement été produits dans la région en question. Le consommateur aura même, à tort ou à raison, tendance à associer à cette notion l'image d'une élaboration du vin selon des méthodes typiques à la région, voire celle de la petite entreprise familiale où une certaine tradition se transmet de père en fils.

    Si le Conseil a néanmoins prévu la possibilité de déroger au principe de l'élaboration du vin dans la région où les raisins sont récoltés, c'est sans doute essentiellement parce qu'il a voulu protéger les intérêts d'entreprises situées en dehors de ces régions, mais qui avaient obtenu, antérieurement à l'adoption du règlement n° 817/70, l'autorisation de procéder à l'élaboration de vins de qualité.

    La Commission aurait été bien avisée, à mon sens, d'insérer une référence expresse à ces entreprises dans son règlement n° 1698/70 sur les modalités d'application de la dérogation. Donnons, en tout cas, acte à la Commission qu'elle ne conteste pas que ces « anciens cas » ont droit à la dérogation.

    Ce qui ne serait, par contre, pas acceptable, pour les raisons indiquées ci-dessus, c 'est que les États membres puissent continuer, après l'adoption du règlement du Conseil, à accorder sans aucune limitation géographique ou quantitative de telles autorisations, dérogatoires au droit commun.

    Certes, comme le libellé de l'article 5, paragraphe 2, alinéa 2, du règlement n° 817/70 ne limite pas la possibilité d'obtenir une dérogation aux entreprises ayant, pour ainsi dire, des droits acquis, la possibilité d'accorder de nouvelles dérogations ne peut pas être exclue en principe.

    Mais, si on veut éviter le danger de vider de son contenu la notion de « vins de qualité produits dans une région déterminée », cette possibilité doit nécessairement être circonscrite.

    J'estime que les termes de la clause d'habilitation de l'article 5, paragraphe 3, du règlement n° 817/70 permettent à la Commission de faire cela, et non seulement de « concrétiser » la portée de la dérogation, comme le soutient l'Allemagne. Je rappelle que cette disposition est libellée comme suit:

    « Les modalités d'application du présent article sont arrêtées selon la procédure prévue à l'article 7 du règlement n° 24.

    Elles portent notamment sur:

    les dispositions selon lesquelles les États membres peuvent autoriser des dérogations à la règle en application de laquelle la transformation de raisins en moûts et du moût en vin a lieu à l'intérieur de la région déterminée;

    la liste des v.q.p.r.d. faisant l'objet des pratiques traditionnelles visées au paragraphe 1. »

    L'habilitation est donc très large puisqu'elle couvre toutes les modalités d'application de l'article 5.

    Le Conseil a tenu à mettre tout particulièrement l'accent non pas sur les règles de procédure ou les mesures de contrôle, concernant, par exemple, le transport, l'enregistrement ou le stockage des raisins, mesures que la Commission a, d'ailleurs, également arrêtées, mais sur « les dispositions selon lesquelles les États membres peuvent autoriser des dérogations à la règle ».

    Il importe de noter aussi que le deuxième tiret précité attribue à la Commission la compétence d'adopter des règles concernant le champ d'application de l'autre dérogation prévue à l'article 5, celle figurant à l'alinéa 2 du paragraphe 1, sous a). Cela constitue un argument supplémentaire tendant à prouver que l'habilitation visée au premier tiret peut, elle aussi, porter sur le champ d'application de la clause à laquelle elle se réfère.

    Compte tenu des termes de cette habilitation et compte tenu du fait que le principe de l'application uniforme du droit communautaire exclut que les États membres puissent disposer d'un pouvoir discrétionnaire pour déterminer eux-mêmes les limites d'une telle dérogation, j'estime donc que la Commission était habilitée à définir ces limites.

    Le critère retenu par elle présente, notamment, les deux avantages suivants:

    un vin élaboré à proximité immédiate de la région déterminée peut être considéré comme un vin élaboré « presque » dans la région en cause; le consommateur aura donc moins de raisons de se plaindre;

    le danger d'une fraude portant sur l'origine des raisins en cours de transport (mélange avec d'autres raisins par exemple) est moins grand, la distance parcourue étant, en règle générale, et sauf exceptions, moins longue que lorsque les raisins sont transformés loin de la région déterminée.

    Je suis donc d'avis que la Commission n'a pas outrepassé les limites de son mandat et qu'elle a choisi une solution raisonnable, proportionnelle au but recherché.

    6. Le troisième moyen: violation des droits fondamentaux

    Finalement, la République fédérale d'Allemagne fait valoir que la mesure en question viole les droits fondamentaux des entreprises concernées, en particulier le droit à la propriété et le droit au libre choix de la profession.

    Quant au droit à la propriété, il suffit, à mon avis, de rappeler que le grief de la Commission ne porte que sur les autorisations postérieures au 29 août 1970, et de se référer à votre arrêt dans l'affaire 44/79 (Hauer, Rec. 1979, p. 3727). Comme vous l'avez indiqué dans cet arrêt, il faut envisager une mesure comme la présente dans le contexte de l'organisation commune du marché. L'adoption du critère de « proximité immédiate » fait partie d'une politique de qualité du vin qui constitue une partie intégrante de l'organisation commune. Cette organisation vise à atteindre les buts de l'article 39 du traité. Ainsi conçue, une telle mesure est justifiée par les objectifs d'intérêt général poursuivis par la Communauté et ne porte pas atteinte à la substance du droit de propriété tel qu'il est reconnu et garanti dans l'ordre juridique communautaire.

    En ce qui concerne le droit au libre choix de la profession, en l'occurrence celui d'élaborer des v.q.p.r.d. en dehors de la région de production des raisins, il y a lieu de noter, tout d'abord, qu'un particulier ne saurait dériver des droits d'autorisations accordées par un État membre en violation de la législation communautaire.

    En second lieu, je voudrais rappeler, outre l'arrêt Hauer déjà cité, votre arrêt dans l'affaire 4/73 (Nold, Rec. 1974, p. 491) dans lequel vous avez dit pour droit qu'il est légitime de réserver, à l'égard du droit au libre exercice du commerce, du travail et d'autres activités professionnelles, l'application de certaines limites justifiées par les objectifs d'intérêt général poursuivis par la Communauté, dès lors qu'il n'est pas porté atteinte à la substance de ces droits.

    En l'occurrence, les entreprises se livrant à la transformation du vin, non situées à proximité immédiate des régions déterminées, pourront continuer à élaborer des vins de table et à stocker, tirer en bouteilles et vendre aussi bien des v.q.p.r.d. que des vins de table.

    7. Conclusions

    Compte tenu de tout ce qui précède, je vous propose:

    1)

    dé dire pour droit que la République fédérale d'Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité en violant l'article 2, paragraphe 1, du règlement n° 1698/70 de la Commission, du 25 août 1970, du fait qu'elle a continué à accorder, après le 29 août 1970, des autorisations permettant l'élaboration de v.q.p.r.d. en dehors des régions déterminées ou des régions situées à proximité immédiate;

    2)

    de condamner la République fédérale d'Allemagne aux dépens pour ce qui est des quatre manquements qui lui ont été reprochés par la Commission dans sa requête du 31 mars 1982, l'État membre en question n'ayant mis fin aux premier, deuxième et quatrième manquements qu'après l'ouverture de l'instance judiciaire.


    ( 1 ) La notion « vins produits dans » figure dans toutes les versions linguistiques, sauf les versions allemande et danoise.

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