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Document 62022CJ0595

Απόφαση του Δικαστηρίου (έβδομο τμήμα) της 16ης Νοεμβρίου 2023.
Jean-Marc Colombani κατά Ευρωπαϊκής Υπηρεσίας Εξωτερικής Δράσης (ΕΥΕΔ).
Υπόθεση C-595/22 P.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2023:884

ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

16 novembre 2023 (*)

« Pourvoi – Fonction publique – Fonctionnaire du Service européen pour l’action extérieure (SEAE) – Procédures de sélection – Poste de directeur Afrique du Nord et Moyen-Orient – Poste de chef de la délégation de l’Union européenne au Canada – Décisions de rejet des candidatures de ce fonctionnaire – Recours en annulation – Irrecevabilité des conclusions visant l’annulation d’une de ces décisions de rejet – Accord amiable excluant la possibilité de contester les décisions de nomination prises dans le cadre de ces procédures de sélection – Caractère indissociable desdites décisions de rejet et de ces décisions de nomination – Rejet des conclusions visant l’annulation de l’autre décision de rejet et, partant, rejet de ce recours dans son intégralité »

Dans l’affaire C‑595/22 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 15 septembre 2022,

Jean-Marc Colombani, demeurant à Auderghem (Belgique), représenté par Me N. de Montigny, avocate,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Service européen pour l’action extérieure (SEAE), représenté par MM. S. Marquardt et R. Spáč, en qualité d’agents, assistés de Mes L. Lence de Frutos et M. Troncoso Ferrer, abogados,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. F. Biltgen (rapporteur), président de chambre, M. J. Passer et Mme M. L. Arastey Sahún, juges,

avocat général : Mme L. Medina,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, M. Jean-Marc Colombani demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 6 juillet 2022, Colombani/SEAE (T‑129/21, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2022:424), par lequel celui-ci a rejeté son recours fondé sur l’article 270 TFUE et tendant à l’annulation de la décision du 17 avril 2020 par laquelle le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) a rejeté sa candidature pour le poste de directeur Afrique du Nord et Moyen-Orient (ci-après « ANMO ») (avis de vacance 2020/48) (ci-après la « décision de rejet de candidature du 17 avril 2020 ») ainsi que de la décision du 6 juillet 2020 par laquelle le SEAE a rejeté sa candidature pour le poste de chef de la délégation de l’Union européenne au Canada (avis de vacance 2020/134) (ci-après la « décision de rejet de candidature du 6 juillet 2020 ») (ci-après, ensemble, les « décisions de rejet de candidature des 17 avril et 6 juillet 2020 »).

 Les antécédents du litige

2        Les antécédents du litige, pour autant qu’ils sont pertinents aux fins du présent pourvoi, sont résumés comme suit aux points 2 à 19 de l’arrêt attaqué :

« 2      Le requérant est fonctionnaire au sein du SEAE.

3      Le requérant a commencé sa vie professionnelle dans le service diplomatique français. Le 1er mai 1990, il est entré au service de la Commission européenne. [Au mois de] septembre 2010, il a été affecté au SEAE, où il a d’abord dirigé le bureau du secrétaire général du SEAE. Du 1er juin au 31 décembre 2016, il a été conseiller du secrétaire général du SEAE. Depuis le 1er janvier 2017, il exerce des fonctions de conseiller auprès du secrétaire général adjoint chargé de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) et de la réponse aux crises.

4      N’ayant pas été inclus dans la liste des fonctionnaires proposés à la promotion au grade AD 14 dans le cadre de l’exercice de promotion 2017, le requérant a formé un recours devant le Tribunal pour contester la décision du SEAE du 9 novembre 2017 de ne pas le promouvoir. Par arrêt du 10 octobre 2019, Colombani/SEAE (T‑372/18, [...] EU:T:2019:734), le Tribunal a annulé ladite décision au motif que les dispositions générales d’exécution appliquées par le SEAE à l’exercice de promotion 2017 étaient irrégulières en ce qu’elles ne permettaient pas un examen comparatif et objectif des mérites des fonctionnaires.

5      [Au cours de l’année] 2020, le requérant a présenté ses candidatures, d’une part, pour le poste de directeur [ANMO] et, d’autre part, pour le poste de chef de la délégation de l’Union [européenne] au Canada. Ces postes ont fait l’objet, respectivement, de l’avis de vacance 2020/48 et de l’avis de vacance 2020/134.

[...]

9      S’agissant des “Dispositions générales” relatives aux “Critères d’éligibilité”, l’avis de vacance 2020/134, relatif au poste de chef de la délégation de l’Union au Canada, prévoyait ce qui suit :

“Outre les conditions énoncées à l’article 28 du statut des fonctionnaires [de l’Union européenne] ou à l’article 12 du régime applicable aux autres agents [de l’Union européenne] (RAA), les candidats doivent :

[...]

2.      être fonctionnaires des institutions de l’Union ou agents temporaires auxquels s’applique l’article 2, sous e), du [RAA], ou encore agents des services diplomatiques des États membres ;

[...]

4.      avoir une expérience d’encadrement d’au moins sept ans à un niveau pertinent, correspondant aux responsabilités du poste ;

[...]

6.      Les candidats qui au moment de leur candidature sont fonctionnaires de l’[Union], indépendamment de leur statut administratif (y compris les fonctionnaires en congé de convenance personnelle), ne peuvent pas demander à être recrutés en tant qu’agents temporaires auxquels s’applique l’article 2, sous e), du RAA, c’est-à-dire le personnel détaché des services diplomatiques nationaux des États membres.”

10      S’agissant des “Critères d’éligibilité spécifiques pour les fonctionnaires de l’[Union] et les agents temporaires des services diplomatiques nationaux auxquels s’applique l’article 2, sous e), du RAA (‘Personnel de l’[Union]’)”, l’avis de vacance 2020/134 prévoyait ce qui suit :

“1.      Les membres du personnel de l’[Union] [c’est-à-dire les fonctionnaires de l’[Union] et les agents temporaires auxquels s’applique l’article 2, sous e), du RAA] doivent :

–      avoir le grade AD 14 ou AD 15 et occuper un poste au niveau de directeur ou une fonction équivalente, ou

–      avoir le grade AD 14 et occuper ou avoir occupé un poste d’encadrement intermédiaire pendant au moins [deux] ans, ou

–      avoir le grade AD 13 et occuper ou avoir occupé un poste d’encadrement intermédiaire ou une fonction équivalente pendant au moins [deux] ans, avec au moins [deux] ans d’ancienneté dans le grade AD 13.

Si leur candidature est retenue, les agents de l’[Union] des grades AD 14 et AD 15 seront nommés au même grade. Les agents de l’[Union] de grade AD 13 seront promus au grade AD 14.”

11      S’agissant des “Critères d’éligibilité spécifiques pour les candidats issus des services diplomatiques des États membres”, l’avis de vacance 2020/134 disposait ce qui suit :

“Conformément à l’article 12 du RAA et en fonction des besoins du service, les candidats des services diplomatiques des États membres de l’Union doivent :

[...]

2.      Avoir au moins [quinze] ans d’expérience professionnelle à temps plein. [...]

Les candidats issus des services diplomatiques nationaux et les agents temporaires actuels en vertu de l’article 2, sous e), du RAA doivent être en mesure de reprendre le service actif dans leur État membre à la fin de leur période d’engagement au sein du SEAE. Le candidat doit fournir une attestation délivrée par son ministère des Affaires étrangères confirmant son appartenance à un service diplomatique et indiquant le poste pour lequel il a postulé ainsi que mentionnant la garantie de réintégration des candidats après un éventuel contrat avec le SEAE. Si les candidats ne sont pas en mesure de fournir ce document de leur ministère, leur candidature sera réputée non recevable.

En outre, les candidats issus des services diplomatiques nationaux et les agents temporaires actuels en vertu de l’article 2, sous e), du RAA doivent être en mesure de servir pendant toute la durée de leur affectation dans le cadre de la durée maximale d’engagement au sein du SEAE, comme le prévoient l’article 50 [ter], paragraphe 2, du [RAA] et la [décision 2010/427/UE du Conseil, du 26 juillet 2010, fixant l’organisation et le fonctionnement du service européen pour l’action extérieure (JO 2010, L 201, p. 30)].

3.      Les candidats issus des services diplomatiques nationaux des États membres doivent être en activité dans leur service diplomatique au moment de la candidature.”

12      Par lettre du 17 avril 2020, le SEAE a informé le requérant de la décision de ne pas retenir sa candidature pour le poste de directeur [ANMO] [...] Dans cette lettre, l’autorité investie du pouvoir de nomination du SEAE [...] a relevé que le requérant avait soumis sa candidature en tant que membre du service diplomatique français et que, dès lors, conformément aux critères d’éligibilité établis dans l’avis de vacance 2020/48, le requérant, qui était au moment de sa candidature fonctionnaire de l’Union au grade AD 13 en service actif au SEAE, ne pouvait pas chercher à être recruté en tant qu’agent temporaire. Par ailleurs, dans la même lettre, le SEAE a relevé, à titre subsidiaire, que la candidature du requérant avait néanmoins été examinée en tant que candidature d’un fonctionnaire de l’Union ayant le grade AD 13, mais qu’il ne satisfaisait pas au critère d’éligibilité spécifique relatif à une expérience d’encadrement intermédiaire d’au moins deux ans, avec au moins deux ans d’ancienneté dans le grade AD 13.

13      Par lettre du 6 juillet 2020, l’[l’autorité investie du pouvoir de nomination du SEAE] a informé le requérant que sa candidature au poste de chef de la délégation de l’Union au Canada n’avait pas pu être retenue au motif qu’il ne satisfaisait pas au critère d’éligibilité spécifique relatif à une expérience d’encadrement intermédiaire d’au moins deux ans, avec au moins deux ans d’ancienneté dans le grade AD 13 [...]

14      Le 15 juillet 2020, le requérant a introduit une réclamation contre les décisions de rejet de candidature des 17 avril et 6 juillet 2020.

15      Le 6 août 2020, le requérant a saisi le Tribunal d’un recours en annulation de la prétendue décision du SEAE de ne pas exécuter l’arrêt du 10 octobre 2019, Colombani/SEAE (T‑372/18, [...] EU:T:2019:734), ainsi que des décisions de rejet de ses candidatures respectives pour les postes de chef de délégation de l’Union en Corée, en Ouzbékistan et en Macédoine du Nord. Il a également demandé l’annulation de la décision du SEAE de ne pas lui accorder l’accès aux documents liés à ces procédures, notamment aux données comparatives des candidats retenus lors de la procédure de présélection. Par ordonnance du 12 février 2021, Colombani/SEAE (T‑507/20, [...] EU:T:2021:95), cette affaire a été radiée du registre du Tribunal à la suite d’un accord entre les parties, intervenu le 9 février 2021 [ci-après l’« accord amiable »] dans le cadre d’un règlement amiable au titre de l’article 125 bis du règlement de procédure du Tribunal.

16      À la suite dudit accord, le SEAE a promu le requérant au grade AD 14, échelon 1, avec effet rétroactif au 1er janvier 2018 (point 1 [de l’accord amiable]). Le SEAE s’est en outre engagé à fournir au requérant les éléments liés aux qualifications et à l’expérience professionnelle des candidats retenus lors des procédures de présélection pour les postes de chef de délégation de l’Union, respectivement, en Macédoine du Nord, en Algérie, en Azerbaïdjan et en Norvège ainsi que pour le poste de directeur [ANMO] au sein du SEAE (point 2 de l’accord amiable). Le requérant s’est engagé en contrepartie à ne pas contester les décisions de nomination prises dans le cadre des procédures de sélection visées au point 2 de l’accord (point 3 de l’accord amiable).

17      Par décision du 16 novembre 2020, le SEAE a rejeté la réclamation visée au point 14 ci-dessus [...] S’agissant de la candidature pour le poste de directeur [ANMO], le SEAE a précisé que la candidature du requérant devait être rejetée au stade de l’éligibilité au motif que, au moment du dépôt de sa candidature, le requérant était fonctionnaire du SEAE au grade AD 13 et que, conformément au point 3 des “Critères d’éligibilité spécifiques pour les fonctionnaires de l’[Union] et les agents temporaires des services diplomatiques nationaux auxquels s’applique l’article 2, sous e), du RAA (‘Personnel de l’[Union]’)” de l’avis de vacance 2020/48, il ne pouvait pas soumettre sa candidature pour être recruté en tant qu’agent temporaire. S’agissant de la candidature pour le poste de chef de la délégation de l’Union au Canada, le SEAE [a relevé] que, si la décision de rejet de candidature du 6 juillet 2020 invoque pour motif de rejet le fait que le requérant n’avait pas occupé de poste relevant de l’encadrement intermédiaire ou une fonction équivalente pendant au moins deux ans, avec au moins deux années d’ancienneté dans le grade AD 13, il n’en restait pas moins qu’il ne satisfaisait pas au critère général d’éligibilité relatif à une expérience d’encadrement à un niveau pertinent d’au moins sept ans.

18      Le 18 février 2021, le requérant a introduit une demande d’assistance au titre de l’article 24 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne visant, en tant que ses supérieurs hiérarchiques successifs, l’ancienne secrétaire générale du SEAE, l’un des anciens secrétaires généraux adjoints du SEAE et l’un des secrétaires généraux adjoints actuels du SEAE ainsi que le directeur général du budget et de l’administration du SEAE.

19      Le 23 février 2021, le requérant a adressé un courrier au délégué à la protection des données du SEAE visant à obtenir la communication des curriculum vitae des candidats présélectionnés dans le cadre des procédures de sélection visées au point 2 de l’accord [amiable], à savoir les curriculum vitae des candidats présélectionnés pour les postes de chef de délégation [de l’Union] en Macédoine du Nord, en Algérie, en Azerbaïdjan et en Norvège ainsi que pour le poste de directeur [ANMO]. »

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

3        Par une requête déposée au greffe du Tribunal le 1er mars 2021, le requérant a introduit un recours visant à obtenir l’annulation des décisions de rejet de candidature des 17 avril et 6 juillet 2020 ainsi que de la décision de rejet de sa réclamation contre ces décisions.

4        À l’appui de ce recours, le requérant a soulevé cinq moyens dont le quatrième n’est pas pertinent aux fins du présent pourvoi. Dans sa réplique, il a soulevé un moyen supplémentaire tiré d’un détournement de procédure, d’un abus de pouvoir et d’une violation du principe d’impartialité tant subjective qu’objective (ci-après le « moyen supplémentaire »).

5        Au point 44 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a accueilli l’exception d’irrecevabilité du recours, en tant qu’il visait la décision de rejet de candidature du 17 avril 2020, soulevée par le SEAE. À cet égard, le Tribunal a, aux points 36 à 38 de cet arrêt, jugé que l’engagement pris par le requérant, dans l’accord amiable, de ne pas contester la décision de nomination prise à l’issue de la procédure de sélection relative au poste de directeur ANMO doit être interprété comme constituant une renonciation globale du requérant à la contestation de cette procédure de sélection dans son intégralité, ce qui exclut la possibilité de contester de manière isolée, dans le cadre de son recours, la légalité de la décision de rejet de sa candidature à ce poste.

6        Aux points 47 et 48 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté comme étant inopérants le premier moyen, tiré de l’illégalité du rejet de la candidature du requérant en tant que diplomate national, et la première branche du troisième moyen, tirée d’une atteinte aux principes d’égalité de traitement et de non-discrimination ainsi qu’aux principes de sécurité juridique et de prévisibilité. Il a relevé qu’il ne ressortait pas du dossier que le requérant aurait soumis sa candidature au poste de chef de la délégation de l’Union au Canada, faisant l’objet de la décision de rejet de candidature du 6 juillet 2020, en sa qualité de diplomate national ou que, dans cette décision, le SEAE aurait appliqué la règle selon laquelle un fonctionnaire de l’Union en service actif ne peut pas soumettre sa candidature en sa qualité de membre d’un service diplomatique national en vue d’un recrutement en tant qu’agent temporaire. En effet, selon le Tribunal, ladite décision a été prise au motif que le requérant ne satisfaisait pas au critère d’éligibilité relatif à l’expérience d’encadrement.

7        Aux points 89 et 90 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté comme étant non fondés les deuxième et cinquième moyens, tirés d’erreurs manifestes dans l’appréciation de l’expérience professionnelle du requérant, en concluant à l’absence de telles erreurs.

8        Au point 92 de cet arrêt, le Tribunal a rejeté comme étant non fondée la seconde branche du troisième moyen, tirée d’une violation du principe d’égalité de traitement en raison d’une interprétation différenciée de la notion de « fonctions d’encadrement » d’un candidat à l’autre. Il a constaté que l’argumentation du requérant visait exclusivement la décision de rejet de candidature du 17 avril 2020, de sorte qu’elle n’était ni étayée ni, partant, fondée concernant la décision de rejet de candidature du 6 juillet 2020.

9        Enfin, le Tribunal a, au point 97 dudit arrêt, rejeté le moyen supplémentaire comme étant irrecevable, au motif que ce moyen avait été soulevé pour la première fois au stade de la réplique.

10      Tous les moyens du requérant ayant été écartés, le Tribunal a rejeté ses conclusions visant la décision de rejet de candidature du 6 juillet 2020 et, partant, le recours dans son intégralité.

 Les conclusions des parties devant la Cour

11      Le requérant demande à la Cour :

–        d’accueillir le pourvoi et d’annuler l’arrêt attaqué ;

–        d’évoquer l’affaire et d’annuler les décisions de rejet de candidature des 17 avril et 6 juillet 2020, et

–        de condamner le SEAE aux dépens supportés par le requérant dans le cadre de la présente procédure et de la procédure de première instance.

12      Le SEAE demande à la Cour de déclarer le pourvoi irrecevable ou, à tout le moins, non fondé, de confirmer l’arrêt attaqué dans tous ses termes ainsi que de condamner le requérant à supporter les frais et dépens de la présente procédure et de la procédure de première instance.

 Sur le pourvoi

13      À l’appui de son pourvoi, le requérant soulève quatre moyens.

14      À titre liminaire, le SEAE met en cause la recevabilité du pourvoi dans son ensemble, en affirmant, notamment, que l’intitulé des moyens soulevés ne correspond pas aux arguments avancés à l’appui de ceux-ci et que, par ce pourvoi, le requérant demande un nouvel examen des faits, soulève des moyens nouveaux et invoque des faits nouveaux. Il convient d’examiner chacun des motifs d’irrecevabilité spécifiques ainsi invoqués dans le cadre de l’appréciation des moyens auxquels ils se rapportent.

 Sur le premier moyen

15      Par son premier moyen, le requérant invoque, en substance, des erreurs que le Tribunal aurait commises en jugeant que ses conclusions en annulation visant la décision de rejet de candidature du 17 avril 2020 étaient irrecevables. Ce moyen s’articule en quatre branches.

 Sur la première branche du premier moyen

–       Argumentation des parties

16      Par la première branche de son premier moyen, le requérant soutient que c’est à tort que le Tribunal a considéré, aux points 37 et 38 de l’arrêt attaqué, qu’une décision de rejet de candidature d’un candidat et une décision subséquente de nomination d’un autre candidat sont normalement indissociables, de sorte qu’il y avait lieu d’interpréter l’accord amiable comme constituant une renonciation globale du requérant à la contestation de la procédure de sélection relative au poste de directeur ANMO dans son intégralité.

17      D’une part, une telle conclusion constituerait une dénaturation du sens de cet accord, rendant ce dernier sans intérêt pour le requérant, en violation des principes de droit contractuel relatifs à l’interprétation et à la validité des conventions. L’interprétation extensive et erronée dudit accord aurait méconnu le choix opéré par le requérant, lors des négociations, de distinguer la décision de l’exclure de la procédure de présélection de celle de nommer le candidat finalement sélectionné et, ainsi, la volonté du requérant, clairement exprimée durant les discussions devant le juge rapporteur, de se réserver la possibilité de contester la première décision si la communication de documents prévue par le même accord révélait une illégalité.

18      D’autre part, en interprétant l’accord amiable comme constituant une telle renonciation globale, le Tribunal se serait appuyé à tort sur le point 45 de l’arrêt du 9 décembre 2010, Commission/Strack (T‑526/08 P, EU:T:2010:506). En effet, cette jurisprudence reposerait sur l’hypothèse inverse, à savoir celle dans laquelle l’acte de nomination n’est pas détachable de l’acte qui a abouti à l’exclusion des autres candidats. Or, même si, pour attaquer une décision de nomination, un candidat évincé doit également introduire un recours contre la décision de rejet de sa candidature afin d’avoir un intérêt à agir, il ressortirait du point 26 de l’arrêt du 1er juin 2022, OG/AED (T‑632/20, EU:T:2022:308), que ce candidat est autorisé à introduire un recours contre cette dernière décision uniquement. Il en serait d’autant plus ainsi que, en introduisant un recours contre cette décision de nomination, ledit candidat se verrait confronté aux attentes légitimes du candidat finalement retenu.

19      Le SEAE soutient que la première branche du premier moyen n’est pas fondée.

–       Appréciation de la Cour

20      Le requérant conteste essentiellement la constatation du Tribunal selon laquelle, dans une procédure de sélection, une décision de rejet de candidature d’un candidat et celle subséquente de nomination d’un autre candidat présentent un caractère indissociable ainsi que la conclusion qu’il en a tirée selon laquelle l’accord amiable, par lequel le requérant renonçait à contester la décision de nomination prise à l’issue de la procédure de sélection relative au poste de directeur ANMO, l’empêchait de contester de manière isolée la légalité de la décision de rejet de candidature du 17 avril 2020.

21      À cet égard, il y a lieu de relever que la jurisprudence sur laquelle le Tribunal s’est appuyé pour parvenir à cette conclusion, à savoir le point 45 de son arrêt du 9 décembre 2010, Commission/Strack (T‑526/08 P, EU:T:2010:506), est à son tour fondée, notamment, sur le point 46 de l’arrêt du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission (C‑362/05 P, EU:C:2007:322).

22      Aux points 45 et 46 de ce dernier arrêt, la Cour a jugé que la décision de nomination d’un autre candidat étant indissociable de la décision de rejet de la candidature du requérant concerné, la seconde procédure de sélection avait, en ce qui concerne ce requérant, privé de leurs effets toutes les décisions attaquées par ce dernier, y compris cette décision de rejet de candidature.

23      Il s’ensuit que c’est à juste titre que le Tribunal a, au point 37 de l’arrêt attaqué, considéré comme étant indissociables la décision de rejet de candidature d’un candidat et celle de nomination d’un autre candidat dans le cadre d’une procédure de sélection [voir, par analogie, arrêt du 14 juillet 2022, Italie et Comune di Milano/Conseil et Parlement (Siège de l’Agence européenne des médicaments), C‑106/19 et C‑232/19, EU:C:2022:568, point 67].

24      C’est également sans commettre d’erreur de droit que, au point 38 de l’arrêt attaqué, le Tribunal en a conclu qu’il y avait lieu d’interpréter l’accord amiable comme constituant une renonciation globale du requérant à la contestation de la procédure de sélection au poste de directeur ANMO dans son intégralité, ce qui excluait la possibilité de contester de manière isolée la légalité de la décision de rejet de la candidature du requérant à ce poste. En effet, la contestation de cette dernière décision reviendrait inévitablement à remettre en cause la légalité de la procédure de sélection, y compris celle de la décision de nomination du candidat finalement sélectionné.

25      Cette conclusion n’est pas infirmée par la jurisprudence, invoquée par le requérant, selon laquelle, lorsqu’une juridiction de l’Union statue sur les conséquences découlant de l’annulation d’une mesure relative aux procédures de sélection du personnel de l’Union, elle doit chercher à concilier les intérêts des candidats désavantagés par une irrégularité commise lors de cette procédure et les intérêts des autres candidats, en prenant en considération non seulement la nécessité de rétablir les candidats lésés dans leurs droits, mais également la confiance légitime des candidats sélectionnés (arrêt du 8 mai 2019, Entreprise commune Fusion for Energy/Galocha, C‑243/18 P, EU:C:2019:378, point 46 et jurisprudence citée). En effet, cette jurisprudence porte sur les conséquences de l’annulation d’une décision prise dans le cadre d’une procédure de sélection, et non pas sur la possibilité même d’attaquer une telle décision.

26      Il découle de ces considérations que, en jugeant que le requérant était irrecevable à contester la légalité de la décision de rejet de candidature du 17 avril 2020, le Tribunal n’a pas, contrairement aux affirmations du requérant, dénaturé le sens de l’accord amiable ou méconnu la volonté des parties à ce dernier, mais en a correctement apprécié les conséquences juridiques.

27      Dès lors, il y a lieu d’écarter la première branche du premier moyen comme étant non fondée.

 Sur la deuxième branche du premier moyen

–       Argumentation des parties

28      Par la deuxième branche de son premier moyen, le requérant soutient, ainsi qu’il prétend l’avoir fait dans sa réplique en première instance, que son engagement, au point 3 de l’accord amiable, de ne pas contester la décision de nomination prise à l’issue de la procédure de sélection au poste de directeur ANMO était subordonné à la condition que le SEAE fournisse les documents visés au point 2 de cet accord, condition que ce service n’aurait pas respectée. En ne se prononçant pas sur cette condition dans l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait statué infra petita.

29      Le SEAE excipe de l’irrecevabilité de cette deuxième branche du premier moyen en tant que l’argumentation qui y est avancée n’a pas été soulevée devant le Tribunal. Dans sa requête devant cette juridiction, le requérant n’aurait pas allégué un prétendu non-respect de la condition énoncée au point 2 de l’accord amiable. Il l’aurait fait dans sa réplique non pas pour défendre la recevabilité de sa contestation de la décision de rejet de candidature du 17 avril 2020, mais pour demander la production des documents énumérés à ce point 2. En tout état de cause, la deuxième branche du premier moyen serait inopérante dans la mesure où le requérant aurait reçu ces documents le 13 octobre 2021.

–       Appréciation de la Cour

30      Ainsi que le relève le SEAE, l’argumentation du requérant selon laquelle son engagement de ne pas contester la décision de nomination prise dans le cadre de la procédure de sélection au poste de directeur ANMO était subordonné, dans l’accord amiable, à la réception de certains documents n’a pas été avancée devant le Tribunal pour répondre à l’exception d’irrecevabilité soulevée par ce service. En effet, dans sa réplique devant le Tribunal, le requérant a mentionné ces documents non pas dans le cadre de sa contestation de cette exception d’irrecevabilité, mais dans la partie initiale de cette réplique, et ce aux seules fins de demander au Tribunal d’ordonner leur production.

31      Or, outre le fait que, dans ces conditions, il ne saurait être reproché au Tribunal de ne pas avoir statué sur cette argumentation, il convient de rappeler que, conformément à l’article 170, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement de procédure de la Cour, le pourvoi ne peut modifier l’objet du litige devant le Tribunal. Ainsi, selon une jurisprudence constante, permettre à une partie de soulever pour la première fois devant la Cour des moyens et des arguments qu’elle n’a pas soulevés devant le Tribunal reviendrait à l’autoriser à saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal. Dans le cadre d’un pourvoi, la compétence de la Cour est donc limitée à l’examen de l’appréciation par le Tribunal des moyens et des arguments qui ont été débattus devant lui (arrêt du 22 décembre 2022, Universität Koblenz-Landau/EACEA, C‑288/21 P, EU:C:2022:1027, points 76 et 77 ainsi que jurisprudence citée).

32      Par conséquent, la deuxième branche du premier moyen doit être écartée comme étant irrecevable.

 Sur la troisième branche du premier moyen

–       Argumentation des parties

33      Par la troisième branche de son premier moyen, le requérant conteste le point 39 de l’arrêt attaqué, auquel le Tribunal a jugé que l’irrecevabilité de ses conclusions en annulation visant la décision de rejet de candidature du 17 avril 2020 n’était pas remise en cause par son allégation selon laquelle le constat de l’illégalité de cette décision aurait été indispensable pour l’appréciation de sa demande d’assistance au titre de l’article 24 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, relative à sa plainte pour harcèlement. Plus particulièrement, le requérant conteste qu’il puisse autrement rapporter la preuve de ses allégations de harcèlement, étant donné que la notion de harcèlement vise un ensemble d’actes ou de comportements qui s’inscrivent dans la durée, incluant notamment le rejet systématique et illégal de candidatures. Dans son mémoire en réplique, le requérant précise que, par son argumentation, il ne se limite pas à répéter celle qu’il a avancée devant le Tribunal, mais reproche à ce dernier une dénaturation des éléments de preuve qu’il lui a soumis.

34      Le SEAE soutient que la troisième branche du premier moyen est irrecevable dans la mesure où, par celle-ci, le requérant se limite à répéter l’argumentation qu’il a avancée devant le Tribunal sans critiquer le raisonnement suivi par ce dernier dans l’arrêt attaqué.

–       Appréciation de la Cour

35      Il importe de rappeler que, bien que les conditions de recevabilité d’un recours devant la Cour doivent être interprétées à la lumière des valeurs et des droits fondamentaux du droit de l’Union, ceux-ci ne sauraient toutefois aboutir à modifier le système de contrôle juridictionnel prévu par les traités, et notamment les règles relatives à la recevabilité des recours formés directement devant la juridiction de l’Union (arrêt du 24 mars 2022, Wagenknecht/Commission, C‑130/21 P, EU:C:2022:226, point 52 et jurisprudence citée).

36      Il en découle que ces règles ne sauraient être modifiées au motif qu’il serait nécessaire que le Tribunal statue sur le recours du requérant pour que ce dernier puisse mener à bien un autre contentieux, tel que la plainte pour harcèlement qu’il invoque.

37      Par conséquent, et indépendamment du point de savoir si l’argumentation avancée par le requérant dans le cadre de la troisième branche de son premier moyen est irrecevable au motif que, comme le SEAE le prétend, elle constitue une simple répétition des arguments avancés par le requérant devant le Tribunal, force est de relever que ces derniers, à les supposer fondés, ne seraient pas susceptibles de remettre en cause l’irrecevabilité des conclusions en annulation visant la décision de rejet de candidature du 17 avril 2020, constatée par le Tribunal.

38      Il s’ensuit que la troisième branche du premier moyen doit être écartée comme étant inopérante.

 Sur la quatrième branche du premier moyen

–       Argumentation des parties

39      Par la quatrième branche de son premier moyen, le requérant critique les points 40 à 43 de l’arrêt attaqué, auxquels le Tribunal a jugé qu’il ne saurait remettre en cause la validité de l’accord amiable au motif que ce dernier serait entaché d’un vice de consentement. Selon le requérant, même s’il avait connaissance de la teneur de la note du directeur général du budget et de l’administration du SEAE du 19 décembre 2018 plusieurs mois avant la date de la signature de cet accord, le Tribunal a négligé le fait que ce n’est qu’après cette dernière date qu’il a été en mesure de produire cette note et, ainsi, d’apporter la preuve matérielle des déclarations frauduleuses du SEAE.

40      En outre, le requérant fait valoir que, s’il n’avait pas accepté l’accord amiable, il aurait été exposé à une « menace immédiate et certaine de continuer à subir des pressions et [des] intimidations, ainsi qu’à un nouvel échec de ses tentatives d’obtenir une affectation lui permettant de reprendre le cours d’une carrière normale ».

41      Le SEAE invoque l’irrecevabilité de la quatrième branche du premier moyen en affirmant que l’allégation relative à un vice de consentement dont serait entaché l’accord amiable en raison de pressions et d’intimidations que le requérant aurait subies avant la signature de cet accord n’a pas été soulevée devant le Tribunal.

–       Appréciation de la Cour

42      Dans la mesure où le requérant critique les points 40 à 43 de l’arrêt attaqué, il y a lieu de relever qu’il ne reproche au Tribunal aucune erreur de droit. Tout au plus, son argumentation constitue une contestation des constatations d’ordre factuel énoncées par le Tribunal à ces points.

43      À cet égard, il résulte de l’article 256 TFUE ainsi que de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne que le pourvoi est limité aux questions de droit. Le Tribunal est, dès lors, seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que pour apprécier les éléments de preuve. L’appréciation de ces faits et de ces éléments de preuve ne constitue donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi. Une telle dénaturation doit apparaître de manière manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (arrêt du 27 avril 2023, PL/Commission, C‑537/21 P, EU:C:2023:363, point 71 et jurisprudence citée).

44      Par conséquent, aucune dénaturation n’ayant été alléguée et encore moins démontrée, l’argumentation du requérant est irrecevable en tant qu’elle vise les points 40 à 43 de l’arrêt attaqué.

45      S’agissant de l’allégation d’un vice de consentement en raison des pressions et des intimidations auxquelles le requérant a prétendument été exposé, il suffit de constater que, dès lors que cette allégation n’a pas été soulevée dans le cadre de son recours devant le Tribunal, elle est, conformément à la jurisprudence citée au point 31 du présent arrêt, irrecevable au stade du pourvoi.

46      Il en découle que la quatrième branche du premier moyen doit être écartée comme étant irrecevable.

47      Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter le premier moyen du pourvoi.

 Sur le deuxième moyen

48      Le deuxième moyen, dirigé contre le rejet, par le Tribunal, des premier et troisième moyens du recours du requérant devant cette juridiction, se divise en quatre branches.

 Sur la première branche du deuxième moyen

–       Argumentation des parties

49      Par la première branche de son deuxième moyen, le requérant fait valoir que le Tribunal a, au point 47 de l’arrêt attaqué, dénaturé les faits en constatant qu’il ne ressortait pas du dossier que le SEAE aurait appliqué, dans la décision de rejet de candidature du 6 juillet 2020, la règle selon laquelle un fonctionnaire de l’Union en service actif ne peut pas soumettre sa candidature en sa qualité de membre d’un service diplomatique national en vue d’un recrutement en tant qu’agent temporaire. Selon le requérant, c’est au contraire ce que le SEAE a indiqué devant le Tribunal.

50      En outre, contrairement à ce que le Tribunal a considéré, le requérant aurait soumis sa candidature tant au poste de chef de la délégation de l’Union au Canada qu’à celui de directeur ANMO en sa qualité de diplomate national, ce que le SEAE n’aurait d’ailleurs pas contesté. En traitant de manière différente ses deux candidatures pourtant identiques, le Tribunal aurait statué ultra petita.

51      Le SEAE estime que la première branche du deuxième moyen n’est pas fondée.

–       Appréciation de la Cour

52      S’agissant de l’allégation relative à une dénaturation des faits par le Tribunal, résumée au point 49 du présent arrêt, il importe de relever qu’une telle dénaturation ne ressort de la lecture ni de la décision de rejet de candidature du 6 juillet 2020, ni des mémoires soumis au Tribunal, ni encore de l’arrêt attaqué. Au contraire, il découle de ces documents que cette candidature a été rejetée au motif que le requérant ne remplissait pas certains critères d’éligibilité spécifiques et généraux.

53      Quant à l’allégation selon laquelle le Tribunal aurait statué ultra petita en constatant que le requérant n’avait pas soumis sa candidature au poste de chef de la délégation de l’Union au Canada en sa qualité de diplomate national, elle est inopérante, dès lors que, ainsi qu’il ressort du point 47 de l’arrêt attaqué, cette candidature a été rejetée pour les motifs mentionnés au point précédent du présent arrêt.

54      Partant, il convient d’écarter la première branche du deuxième moyen comme étant, en partie, non fondée et, en partie, inopérante.

 Sur la deuxième branche du deuxième moyen

–       Argumentation des parties

55      Par la deuxième branche de son deuxième moyen, le requérant reproche au Tribunal de ne pas avoir censuré, aux points 47 et 48 de l’arrêt attaqué, une inégalité de traitement opérée par le SEAE en ce que ce dernier a considéré que le requérant devait, en tant que fonctionnaire de l’Union, satisfaire à un critère d’éligibilité spécifique additionnel, relatif à une expérience d’encadrement intermédiaire au sein de l’Union d’au moins deux ans, avec au moins deux ans d’ancienneté dans le grade AD 13, alors que, concernant les candidats ayant soumis une candidature en leur qualité de diplomates nationaux, leur expérience en cette qualité était prise en compte.

56      Selon le requérant, non seulement une telle argumentation n’est pas inopérante, contrairement à ce que le Tribunal a affirmé au point 48 de l’arrêt attaqué, mais, si elle avait été accueillie, elle aurait obligé le requérant à démontrer qu’il justifiait d’une expérience d’encadrement de sept années aux niveaux national et/ou européen.

57      Le SEAE estime que la deuxième branche du deuxième moyen est irrecevable dans la mesure où l’argumentation qui y est avancée n’a pas été soulevée devant le Tribunal. Elle serait, en tout état de cause, inopérante.

–       Appréciation de la Cour

58      Dans la mesure où, par la première branche du troisième moyen de son recours devant le Tribunal, le requérant a, en substance, invoqué une inégalité de traitement au motif que le SEAE aurait considéré que, en tant que fonctionnaire de l’Union, il pouvait uniquement faire état d’une expérience professionnelle acquise au sein d’une institution de l’Union, à l’exclusion de celle acquise au sein d’un service diplomatique national, il y a lieu de rejeter l’exception d’irrecevabilité de la deuxième branche du deuxième moyen du pourvoi soulevée par le SEAE.

59      Cela étant, en reprochant au Tribunal d’avoir considéré, au point 47 de l’arrêt attaqué, que seule une expérience d’encadrement intermédiaire acquise au sein d’une institution de l’Union pouvait être invoquée par le requérant, ce dernier procède à une lecture erronée de ce point 47. En effet, le Tribunal y a relevé que le SEAE avait rejeté sa candidature au poste de chef de la délégation de l’Union au Canada au motif qu’il ne satisfaisait ni au critère d’éligibilité spécifique applicable aux fonctionnaires de l’Union, relatif à une expérience d’encadrement intermédiaire d’au moins deux ans, avec deux ans d’ancienneté dans le grade AD 13, ni au critère d’éligibilité général applicable à tous les candidats indépendamment de leur statut, relatif à une expérience d’encadrement d’au moins sept ans.

60      Dans ces conditions, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant, au point 48 de l’arrêt attaqué, que le premier moyen et la première branche du troisième moyen du recours s’avéraient inopérants, au motif que le requérant ne satisfaisait pas au critère d’éligibilité relatif à l’expérience d’encadrement.

61      Il s’ensuit que la deuxième branche du deuxième moyen doit être écartée comme étant non fondée.

 Sur la troisième branche du deuxième moyen

–       Argumentation des parties

62      Par la troisième branche de son deuxième moyen, le requérant reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en ce qu’il n’aurait pas constaté une violation, par le SEAE, de l’obligation d’égalité de traitement entre les fonctionnaires de l’Union et les diplomates nationaux prévue à l’article 6 de la décision 2010/427, dès lors que ce service a appliqué non seulement des critères d’éligibilité différents à un poste donné, mais aussi des modalités d’examen différentes concernant le critère relatif à une expérience d’encadrement. En effet, ledit service aurait tenu compte de la substance des responsabilités exercées par les diplomates nationaux, alors que, s’agissant des fonctionnaires de l’Union, il se serait limité à un examen formel sur la base de la nomenclature ou des organigrammes, et ce en ce qui concerne les critères d’éligibilité tant spécifiques que généraux. Or, seule l’interprétation plus souple de ces critères appliquée aux diplomates nationaux devrait être considérée comme légale.

63      Selon le requérant, une telle inégalité de traitement ressort de la procédure de sélection pour le poste de directeur ANMO, dans la mesure où le SEAE a affirmé que le candidat finalement retenu satisfaisait au critère d’éligibilité général applicable à tous les candidats indépendamment de leur statut, relatif à une expérience d’encadrement d’au moins sept ans, alors que, au regard des règles applicables aux candidats fonctionnaires de l’Union, il n’en avait accompli que quatre. Par conséquent, contrairement à ce que le Tribunal a constaté aux points 78 et 89 de l’arrêt attaqué, le SEAE aurait commis une erreur manifeste dans l’appréciation de l’expérience professionnelle du requérant.

64      Par ailleurs, s’agissant du rejet, au point 92 de l’arrêt attaqué, de la seconde branche du troisième moyen de son recours devant le Tribunal, au motif qu’elle était dirigée exclusivement contre la décision de rejet de candidature du 17 avril 2020, le requérant soutient que des critères de sélection identiques ont été appréciés de la même manière, par le SEAE, lors de la procédure de sélection relative au poste de chef de la délégation de l’Union européenne au Canada et de celle relative au poste de directeur ANMO.

65      Le SEAE considère que la troisième branche du deuxième moyen doit être rejetée, en invoquant le caractère irrecevable ou inopérant des arguments avancés par le requérant.

–       Appréciation de la Cour

66      Dans la mesure où les allégations du requérant relatives à une inégalité de traitement se fondent sur la procédure de sélection relative au poste de directeur ANMO ainsi que sur la décision de rejet de candidature du 17 avril 2020, elles doivent être écartées comme étant irrecevables, conformément à ce qui a été constaté au point 26 du présent arrêt.

67      Pour autant que le requérant critique les points 78 et 89 de l’arrêt attaqué, auxquels le Tribunal a, dans le cadre de son examen des deuxième et cinquième moyens de son recours, conclu à l’absence d’erreur manifeste d’appréciation, par le SEAE, dans son évaluation de l’expérience professionnelle du requérant, ce dernier cherche, en réalité, à remettre en cause les appréciations d’ordre factuel opérées par le Tribunal à cet égard, ce qui, ainsi qu’il découle de la jurisprudence citée au point 43 du présent arrêt, ne relève pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, du contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi.

68      Il en va de même s’agissant de la critique, par le requérant, du point 92 de l’arrêt attaqué, dès lors que le Tribunal y a rejeté la seconde branche du troisième moyen de son recours devant cette juridiction en jugeant que l’argumentation invoquée à l’appui de celle-ci visait exclusivement la décision de rejet de candidature du 17 avril 2020, de telle sorte qu’elle n’était pas étayée et, partant, n’était pas fondée concernant la décision de rejet de candidature du 6 juillet 2020.

69      Par conséquent, il y a lieu d’écarter la troisième branche du deuxième moyen comme étant irrecevable.

 Sur la quatrième branche du deuxième moyen

–       Argumentation des parties

70      Par la quatrième branche de son deuxième moyen, le requérant reproche au Tribunal un vice de motivation, au motif que ce dernier n’aurait ni examiné ni statué sur son argument, présenté dans le cadre du troisième moyen de son recours devant cette juridiction, selon lequel « l’interprétation réservée aux différentes fonctions exercées par les candidats et le traitement différent de celles-ci selon qu’elles sont des fonctions nationales ou européennes étaient illégaux en ce qu’ils ne sont pas annoncés ni contrôlables », contrairement aux principes de prévisibilité et de sécurité juridique.

71      Le SEAE répond que la quatrième branche du deuxième moyen n’est pas fondée.

–       Appréciation de la Cour

72      S’agissant du vice de motivation allégué, qui résulterait du fait que le Tribunal ne se serait pas prononcé sur l’argumentation du requérant relative à une violation des principes de prévisibilité et de sécurité juridique, il importe de relever que, après avoir fait mention de cette prétendue violation dans l’intitulé de la première branche du troisième moyen du recours en annulation du requérant, le Tribunal a, au point 48 de l’arrêt attaqué, écarté cette dernière comme étant inopérante dans la mesure où elle ne pouvait remettre en cause la validité de la décision de rejet de candidature du 6 juillet 2020, prise au motif que le requérant ne satisfaisait pas au critère d’éligibilité relatif à l’expérience d’encadrement.

73      Dans ses conditions, le Tribunal n’était pas tenu de fournir une motivation plus spécifique au regard de cette argumentation.

74      Il s’ensuit que la quatrième branche du deuxième moyen doit être écartée comme étant non fondée.

75      Dès lors, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen du pourvoi.

 Sur le troisième moyen

 Argumentation des parties

76      Par son troisième moyen, le requérant conteste le rejet des deuxième et cinquième moyens de son recours devant le Tribunal, tirés d’erreurs manifestes dans l’appréciation de son expérience professionnelle. Il fait valoir que le Tribunal a, notamment au point 75 de l’arrêt attaqué, dénaturé les faits et les éléments de preuve qui lui avaient été soumis par les parties, en tant qu’il n’a pas exigé de preuves quant à la véracité des affirmations du SEAE relatives à l’expérience d’encadrement du requérant. Ainsi, il aurait accueilli les explications non étayées du SEAE relatives à l’affirmation selon laquelle, à la différence du poste de l’actuel chef de cabinet du secrétaire général du SEAE, l’emploi du requérant au sein de ce cabinet ne comportait pas de fonctions d’encadrement.

77      Ce faisant, le Tribunal aurait fait preuve d’un traitement inégalitaire entre les parties, en faisant peser sur le requérant une charge de la preuve plus lourde que celle exigée du SEAE. À cet égard, le Tribunal aurait accepté les affirmations de ce dernier quant à la qualification de « responsabilités d’encadrement » des responsabilités du candidat retenu pour le poste de directeur ANMO lorsqu’il était un diplomate national.

78      Le SEAE soulève une exception obscuri libelli, en faisant valoir que le manque de développement du troisième moyen ne lui permet pas de comprendre ce qui est reproché au Tribunal. Il considère que ce moyen n’est, en tout état de cause, pas fondé.

 Appréciation de la Cour

79      Il convient de rejeter l’exception obscuri libelli invoquée par le SEAE, dès lors que les critiques adressées au Tribunal dans le cadre du troisième moyen ressortent à suffisance de droit du pourvoi.

80      S’agissant de l’allégation d’une dénaturation des faits et des éléments de preuve, il suffit de constater que, contrairement à ce que fait valoir le requérant, une telle dénaturation ne saurait résulter du seul fait que le Tribunal n’a prétendument pas exigé de preuves quant à la véracité des affirmations du SEAE relatives à l’expérience d’encadrement du requérant. La dénaturation alléguée n’apparaît pas non plus de manière manifeste des pièces du dossier, tel que cela est requis par la jurisprudence citée au point 43 du présent arrêt.

81      Force est de constater que, par cette allégation, le requérant tente en réalité de remettre en cause l’appréciation des éléments de preuve opérée par le Tribunal dans le cadre de son examen des deuxième et cinquième moyens de son recours en annulation. Or, ainsi qu’il a également été rappelé au point 43 du présent arrêt, cette appréciation du Tribunal ne constitue pas une question de droit soumise, en tant que telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi.

82      Il s’ensuit que le troisième moyen doit être rejeté comme étant irrecevable.

 Sur le quatrième moyen

 Argumentation des parties

83      Par son quatrième moyen, le requérant reproche au Tribunal d’avoir rejeté son moyen supplémentaire comme étant irrecevable. Il critique la constatation faite par cette juridiction au point 93 de l’arrêt attaqué, selon laquelle ce n’est qu’au stade de la réplique qu’il a allégué que les décisions de rejet de candidature des 17 avril et 6 juillet 2020 résultaient d’une intention malveillante de sa hiérarchie, en soulignant qu’une telle allégation figurait aux points 11 à 13 de sa requête devant ladite juridiction et qu’il l’a complétée dans sa réplique.

84      En outre, le requérant fait valoir que, contrairement à ce que le Tribunal a relevé au point 95 de l’arrêt attaqué, les témoignages mentionnés à ce point avaient été non pas produits avant la date d’introduction de son recours devant cette juridiction, à savoir le 1er mars 2021, mais transmis à l’administration pour la première fois le 12 mars 2021.

85      Le SEAE considère que le quatrième moyen est manifestement non fondé.

 Appréciation de la Cour

86      Ainsi que le SEAE le relève, le requérant a, dans sa réplique devant le Tribunal, lui-même qualifié son moyen supplémentaire de « nouveau moyen ». Il importe de relever également que le requérant n’avait fait mention d’une prétendue intention malveillante de sa hiérarchie que dans la première partie de sa requête en annulation, dans laquelle les faits à l’origine du litige étaient résumés, sans qu’une telle allégation ait fait l’objet d’un des moyens invoqués à l’appui de son recours.

87      Or, ainsi que le Tribunal l’a rappelé au point 94 de l’arrêt attaqué, conformément à l’article 84, paragraphe 1, de son règlement de procédure, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite, à moins qu’ils ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

88      À ce dernier égard, bien que le requérant fasse valoir que les témoignages visés au point 95 de l’arrêt attaqué et invoqués à l’appui de son moyen supplémentaire n’ont pas été produits ou transmis à l’administration avant la date d’introduction de son recours, il n’en demeure pas moins qu’il ne conteste pas la constatation, faite par le Tribunal à ce point 95, que les documents sur lesquels ce moyen est fondé datent d’avant cette date et que le requérant en connaissait l’existence avant cette dernière.

89      Dans ces conditions, c’est à juste titre que le Tribunal a jugé le moyen supplémentaire comme étant irrecevable, au motif que ce moyen avait été soulevé pour la première fois au stade de la réplique.

90      Par conséquent, il y a lieu de rejeter le quatrième moyen comme étant non fondé.

91      Aucun des quatre moyens invoqués par le requérant n’ayant été accueilli, il y a lieu de rejeter le pourvoi dans son ensemble.

 Sur les dépens

92      En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. Conformément à l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

93      Le SEAE ayant conclu à la condamnation du requérant aux dépens et celui-ci ayant succombé en son pourvoi, il y a lieu de condamner ce dernier aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) déclare et arrête :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      M. Jean-Marc Colombani est condamné aux dépens.

Biltgen

Passer

Arastey Sahún


Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 novembre 2023.

Le greffier

 

Le président de chambre

A. Calot Escobar

 

F. Biltgen


*      Langue de procédure : le français.

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