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Document 62024TJ0300
Judgment of the General Court (Sixth Chamber) of 10 September 2025.#Geos Atlas ltd. v EUCAP Somalia.#Case T-300/24.
Sodba Splošnega sodišča (šesti senat) z dne 10. septembra 2025.
Geos Atlas ltd. proti EUCAP Somalia.
Zadeva T-300/24.
Sodba Splošnega sodišča (šesti senat) z dne 10. septembra 2025.
Geos Atlas ltd. proti EUCAP Somalia.
Zadeva T-300/24.
ECLI identifier: ECLI:EU:T:2025:860
ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)
10 septembre 2025 (*)
« Marchés publics de services – Procédure d’appel d’offres – Prestations de services de sécurité – Rejet de l’offre d’un soumissionnaire – Critères de sélection – Transparence – Égalité de traitement – Erreur manifeste d’appréciation – Obligation de motivation »
Dans l’affaire T‑300/24,
Geos Atlas ltd., établie à Balzan (Malte), représentée par Me L. Vidal, avocat,
partie requérante,
contre
EUCAP Somalia, représentée par Me E. Raoult, avocate,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL (sixième chambre),
composé de Mme M. J. Costeira, présidente, M. P. Zilgalvis et Mme E. Tichy‑Fisslberger (rapporteure), juges,
greffier : M. L. Ramette, administrateur,
vu l’ordonnance du 8 août 2024, Geos Atlas/EUCAP Somalia (T‑300/24 R, non publiée, EU:T:2024:563),
vu la phase écrite de la procédure,
à la suite de l’audience du 9 avril 2025,
rend le présent
Arrêt
1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Geos Atlas ltd., demande l’annulation de la décision d’EUCAP Somalia du 24 mai 2024 rejetant l’offre du consortium de sociétés dont elle est la cheffe de file dans le cadre de l’appel d’offres PROC‑ECS‑2023‑023‑R (ci-après la « décision attaquée »).
Antécédents du litige
Sur l’appel d’offres en cause
2 En mars 2024, EUCAP Somalia a, sous la référence PROC‑ECS‑2023‑023‑R, lancé une procédure d’appel d’offres intitulée « Framework Service Contract for Security Services » concernant un contrat-cadre de services de sécurité afin de garantir un « système de sécurité et de protection effectif et efficient pour [son] personnel (y compris les visiteurs), [s]es actifs et [s]es biens dans toute la Somalie » (ci-après l’« appel d’offres en cause »).
3 L’avis de marché concernant l’appel d’offres en cause (ci-après l’« avis de marché en cause ») indiquait, à ses points 2 et 10, qu’il s’agissait d’une procédure négociée qui n’était ouverte qu’aux soumissionnaires invités. Pour la sélection des soumissionnaires, il prévoyait, à son point 16, des critères de sélection relatifs à, premièrement, la capacité économique et financière, deuxièmement la capacité professionnelle et, troisièmement, la capacité technique. Pour l’attribution du marché, le point 17 de cet avis de marché prévoyait que l’offre économiquement la plus avantageuse était déterminée en application de la méthode d’attribution du meilleur rapport qualité-prix.
4 Le critère de sélection relatif à la capacité professionnelle du soumissionnaire, tel que prévu au point 16 de l’avis de marché en cause, exigeait ce qui suit :
– des licences d’exploitation d’entreprise de sécurité privée et des licences commerciales (ou équivalentes) en cours de validité, telles que jugées applicables par l’autorité contractante, et, le cas échéant, étayées par des documents pertinents ; toutes les licences et tous les autres documents doivent être délivrés par les autorités compétentes des lieux d’exécution du contrat en Somalie (y compris le Puntland et le Somaliland), conformément à la législation en vigueur ;
– un permis de port d’armes à feu en cours de validité délivré pour les sites concernés par les opérations de la mission et par les autorités compétentes pour le contrat en Somalie (y compris le Puntland et le Somaliland), conformément à la législation en vigueur, ou une preuve écrite que les permis de port d’armes à feu seront dûment obtenus au moment de l’attribution du contrat ;
– une assurance responsabilité civile valide pour la Somalie, délivrée par un prestataire de services d’assurance ; l’opérateur économique doit détenir une assurance adéquate et valide pour l’ensemble du personnel impliqué dans l’exécution du contrat.
Sur la requérante et le consortium
5 La requérante, une filiale de la société GEOS, est une entreprise maltaise active dans le domaine de la sécurité, de la sûreté et du conseil et spécialisée dans la sûreté diplomatique.
6 La société GEOS, une entreprise française, est la société mère du groupe GEOS, qui est un acteur historique de la sécurité en zone à haut risque et un membre du groupe ADIT, actif dans l’intelligence économique.
7 La société G4S Secure Solutions (Somalia) Limited (ci-après « G4S SSS ») est une filiale du groupe international G4S, active en Somalie.
8 La requérante, la société GEOS et G4S SSS forment ensemble un consortium de sociétés spécialisées dans les activités privées de sécurité, dont la requérante est la cheffe de file (ci-après le « consortium »).
Sur la participation du consortium à l’appel d’offres en cause
9 Le 19 mars 2024, l’unité de passation des marchés d’EUCAP Somalia a invité la requérante à participer à l’appel d’offres en cause.
10 Le 29 mars 2024, la requérante a adressé une demande de clarification à EUCAP Somalia.
11 Le 16 avril 2024, le consortium a déposé une offre pour l’appel d’offres en cause auprès d’EUCAP Somalia (ci-après l’« offre du consortium »).
12 Le 29 avril 2024, le comité d’évaluation d’EUCAP Somalia a adressé au consortium des demandes de clarification, dont la troisième demande concernait, d’une part, les licences d’exploitation d’entreprise de sécurité privée et les licences commerciales ou équivalentes et, d’autre part, le permis de port d’armes à feu en cours de validité. Il a été précisé que, sur la base des documents soumis, le comité d’évaluation n’était pas en mesure d’identifier de telles licences pour le Puntland et le Somaliland ni un tel permis pour la Somalie, y compris le Somaliland et le Puntland.
13 Le 1er mai 2024, la requérante a répondu à EUCAP Somalia. En substance, d’une part, elle a indiqué que, bien que G4S SSS détenait une licence de sécurité valide pour la Somalie, la situation sur le terrain exigeait des licences de sécurité distinctes pour le Puntland et le Somaliland. La requérante a précisé que, si G4S SSS ne possédait pas de licence d’entreprise de sécurité pour le Puntland et le Somaliland, elle avait établi des connexions fiables pour s’assurer que le processus, qui prendrait jusqu’à trois semaines, puisse commencer dès l’attribution du contrat et soit achevé avant la période de mobilisation. La requérante a ajouté que, dans le cas peu probable où le processus serait retardé, G4S SSS assurerait une couverture de sécurité efficace par l’intermédiaire d’un sous-traitant de confiance pour toutes les tâches requises au Puntland et au Somaliland. D’autre part, elle a informé EUCAP Somalia que, en Somalie, la licence d’entreprise de sécurité privée équivalait également au permis de port d’armes à feu et qu’il n’existait pas de permis distinct.
14 Le 24 mai 2024, EUCAP Somalia a, par la décision attaquée, rejeté l’offre du consortium pour l’appel d’offres en cause.
Sur la décision attaquée
15 EUCAP Somalia a considéré que le consortium ne répondait pas au critère de sélection relatif à la capacité professionnelle dès lors qu’il ne disposait pas de licence d’exploitation d’entreprise de sécurité ni de licence commerciale valide (ou équivalente), ni de permis de port d’armes à feu valide pour l’ensemble du territoire de la Somalie, les licences pour le Puntland et le Somaliland étant manquantes.
Sur les échanges subséquents entre le consortium et EUCAP Somalia
16 Par lettre du 29 mai 2024, le consortium a contesté la décision attaquée auprès d’EUCAP Somalia au motif que cette décision avait été adoptée sur la base d’une analyse partielle du critère de sélection relatif à la capacité professionnelle. En particulier, le consortium a noté que, selon les termes de l’avis de marché en cause, les candidats avaient le choix entre, d’une part, posséder des licences valides pour tout ou partie des sites concernés par le marché au cours de la procédure de sélection ou, d’autre part, fournir la preuve que les licences manquantes seraient dûment obtenues lors de l’attribution du marché.
17 Par lettre du 30 mai 2024, EUCAP Somalia a répondu, en renvoyant à la décision attaquée et en rappelant les critères de sélection énumérés au point 16 de l’avis de marché en cause, que le consortium ne disposait pas de licence d’exploitation d’entreprise de sécurité ni de licence commerciale valide (ou équivalente), ni de permis de port d’armes à feu valide pour l’ensemble du territoire de la Somalie compte tenu du fait que des licences pour le Puntland et le Somaliland étaient manquantes. S’agissant de la réponse de la requérante du 1er mai 2024 aux demandes de clarification, EUCAP Somalia a relevé que la requérante n’avait pas ajouté ou joint de preuves concernant son affirmation selon laquelle des connexions fiables avaient été établies pour s’assurer que les licences manquantes seraient obtenues, ni fourni de garanties concernant leur durée d’obtention. EUCAP Somalia a estimé que cette réponse ne pouvait être considérée comme une preuve écrite.
18 Par lettre adressée à EUCAP Somalia le 1er juin 2024, le consortium a réitéré l’argument selon lequel la décision attaquée faisait une application partielle des critères de sélection pertinents dans la mesure où l’avis de marché en cause offrait aux soumissionnaires la possibilité de détenir les licences requises ou de fournir une preuve écrite de leur obtention au moment de l’attribution du marché. En ce qui concerne la réponse d’EUCAP Somalia dans sa lettre du 30 mai 2024, le consortium a notamment rappelé que le pouvoir adjudicateur était lié par les motifs formellement invoqués pour rejeter l’offre d’un soumissionnaire et ne pouvait les compléter a posteriori. En outre, il a avancé des arguments supplémentaires pour contester la décision attaquée.
19 Par lettre datée du 5 juin 2024, EUCAP Somalia a répondu que la décision attaquée était maintenue. En particulier, d’une part, elle a rappelé que le consortium ne disposait pas de licence d’exploitation d’entreprise de sécurité ni de licence commerciale ou équivalente valide, ni de permis de port d’armes à feu valide pour l’ensemble du territoire de la Somalie, les licences pour le Puntland et le Somaliland étant manquantes. D’autre part, EUCAP Somalia a relevé que les déclarations du consortium ne suffisaient pas, à elles seules, comme preuve de la capacité à obtenir les licences requises.
Conclusions des parties
20 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– ordonner à EUCAP Somalia de procéder à une nouvelle évaluation de l’ensemble des offres reçues dans le cadre de l’appel d’offres en cause, y compris l’offre du consortium ;
– condamner EUCAP Somalia à l’ensemble des dépens.
21 EUCAP Somalia conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
Sur la compétence du Tribunal pour connaître du deuxième chef de conclusions de la requérante
22 Par son deuxième chef de conclusions, la requérante demande au Tribunal d’ordonner « à EUCAP Somalia de procéder à une nouvelle évaluation de l’ensemble des offres reçues dans le cadre de l’appel d’offres en cause, y compris l’offre du consortium ».
23 Or, le Tribunal n’est pas compétent pour prononcer des injonctions à l’encontre des institutions, des organes et des organismes de l’Union européenne (voir, en ce sens, ordonnance du 26 octobre 1995, Pevasa et Inpesca/Commission, C‑199/94 P et C‑200/94 P, EU:C:1995:360, point 24 et jurisprudence citée), et il incombe à ces derniers de prendre, en vertu de l’article 266 TFUE, les mesures que comporte l’exécution d’un arrêt d’annulation (voir arrêt du 25 septembre 2018, Amicus Therapeutics UK et Amicus Therapeutics/EMA, T‑33/17, non publié, EU:T:2018:595, point 19 et jurisprudence citée).
24 Il s’ensuit que ce deuxième chef de conclusions doit être rejeté pour cause d’incompétence.
Résumé des moyens d’annulation
25 À l’appui de sa demande d’annulation de la décision attaquée, la requérante invoque trois moyens, tirés, le premier, de la violation du principe de transparence et d’une application manifestement erronée d’un critère de sélection, le deuxième, du caractère irrecevable et infondé des justifications postérieures avancées par EUCAP Somalia, et, le troisième, de la violation du principe d’égalité de traitement entre les soumissionnaires.
26 Le Tribunal estime opportun d’examiner, d’abord, conjointement, les premier et troisième moyens et, ensuite, le deuxième moyen.
Sur les premier et troisième moyens, tirés de la violation des principes de transparence et d’égalité de traitement ainsi que d’une application manifestement erronée d’un critère de sélection
27 En premier lieu, la requérante soutient que, en sa qualité de pouvoir adjudicateur, EUCAP Somalia est soumise à des obligations de transparence dont découle l’obligation de clarté dans la définition des critères de sélection et l’obligation de fournir une information éclairée aux soumissionnaires. Elle serait donc tenue d’éclairer l’interprétation des critères de sélection en donnant toute information technique nécessaire à la compréhension raisonnable et éclairée de l’avis de marché en cause par tous les soumissionnaires.
28 En deuxième lieu, la requérante soutient que le rejet de l’offre du consortium, par la décision attaquée, au motif que cette offre ne répondait pas au critère de sélection relatif à la capacité professionnelle, repose sur une application partielle dudit critère, tel que défini dans les documents de marché concernant l’appel d’offres en cause.
29 Plus précisément, la requérante considère que les deux sous-critères concernant, d’une part, les licences d’exploitation d’entreprise de sécurité privée et les licences commerciales ou équivalentes valides et, d’autre part, le permis de port d’armes à feu en cours de validité doivent en fait être lus comme un seul critère dès lors que les autorités compétentes en Somalie ne délivrent pas de permis de port d’armes à feu, mais seulement des licences d’entreprise de sécurité privée, permettant aux détenteurs de porter et d’utiliser de telles armes. Elle avance que, pour démontrer leur capacité professionnelle, les soumissionnaires avaient, en vertu du point 16 de l’avis de marché en cause, le choix entre la production, d’une part, de licences valides au moment du dépôt de leur offre et, d’autre part, de la preuve que les licences manquantes seraient dûment obtenues lors de l’attribution du marché. En ne prenant pas en compte le fait que le consortium s’était appuyé sur cette dernière possibilité, EUCAP Somalia aurait fait une application partielle de l’un des critères de sélection de l’avis de marché en cause.
30 En troisième lieu, la requérante fait valoir, en renvoyant à l’arrêt du 19 mars 2010, Evropaïki Dynamiki/Commission (T‑50/05, EU:T:2010:101), qu’EUCAP Somalia avait l’obligation de maintenir l’égalité de traitement entre les soumissionnaires et de les informer si elle estimait que leur interprétation des documents de l’avis de marché en cause était erronée.
31 La requérante précise qu’EUCAP Somalia avait été informée, dès la soumission de l’offre du consortium le 16 avril 2024, et au plus tard par la réponse aux demandes de clarification du 1er mai 2024, que le consortium entendait s’appuyer sur la seconde possibilité du critère relatif à la capacité professionnelle, telle que prévue par le point 16 de l’avis de marché en cause. Le silence gardé par EUCAP Somalia sur l’interprétation à retenir de ce critère crucial aurait conduit à une rupture d’égalité entre les candidats disposant de licences pour l’ensemble des territoires somaliens et ceux, comme le consortium, qui entendaient s’appuyer sur ladite possibilité.
32 EUCAP Somalia conteste cette argumentation.
33 À titre liminaire, il convient d’observer que, aux termes de l’article 12 bis de la décision 2012/389/PESC du Conseil, du 16 juillet 2012, relative à la mission de l’Union européenne visant au renforcement des capacités en Somalie (EUCAP Somalia) (JO 2012, L 187, p. 40), telle que modifiée par la décision (PESC) 2022/2445 du Conseil, du 12 décembre 2022 (JO 2022, L 319, p. 91), applicable au moment de l’adoption de la décision attaquée, « EUCAP Somalia a la capacité d’acheter des services et des fournitures, de conclure des contrats et des arrangements administratifs, d’employer du personnel, de détenir des comptes bancaires, d’acquérir et d’aliéner des biens et de liquider son passif, ainsi que d’ester en justice, dans la mesure nécessaire à la mise en œuvre de [cette] décision ».
34 L’article 13, paragraphe 2, de la décision 2012/389 dispose ce qui suit :
« L’ensemble des dépenses [d’EUCAP Somalia] est géré conformément aux règles et procédures applicables au budget général de l’Union. La participation de personnes physiques et morales à la passation de marchés par EUCAP Somalia est ouverte sans restrictions […] »
35 Au moment de l’adoption de la décision attaquée, ces règles et procédures étaient prévues par le règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union modifiant les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE, Euratom) 2022/2434 du Parlement européen et du Conseil, du 6 décembre 2022 (JO 2022, L 319, p. 1) (ci-après le « règlement financier »).
36 En vertu de l’article 160, paragraphe 1, du règlement financier, tous les marchés financés totalement ou partiellement par le budget de l’Union doivent respecter notamment les principes de transparence et d’égalité de traitement.
37 Le principe d’égalité de traitement entre les soumissionnaires a pour objectif de favoriser le développement d’une concurrence saine et effective entre les entreprises participant à un marché public. Il impose notamment que tous les soumissionnaires se trouvent sur un pied d’égalité aussi bien au moment où ils préparent leurs offres qu’au moment où celles-ci sont évaluées (voir arrêt du 24 novembre 2005, ATI EAC e Viaggi di Maio e.a., C‑331/04, EU:C:2005:718, point 22 et jurisprudence citée).
38 Le principe d’égalité de traitement implique également une obligation de transparence afin de permettre de vérifier son respect (arrêt du 12 décembre 2002, Universale-Bau e.a., C‑470/99, EU:C:2002:746, point 91).
39 Conformément à l’article 166, paragraphe 2, du règlement financier, le pouvoir adjudicateur est tenu de préciser, notamment, les critères de sélection et d’attribution dans les documents de marché.
40 L’article 166, paragraphe 2, du règlement financier vise à garantir le respect du principe d’égalité de traitement et de l’obligation de transparence, consacrés à l’article 160, paragraphe 1, dudit règlement, à tous les stades de la procédure d’attribution d’un marché public, notamment celui de la sélection des soumissionnaires et celui de la sélection des offres en vue de l’attribution du marché. Il tend également à permettre à tous les soumissionnaires raisonnablement informés et normalement diligents d’interpréter tant les critères de sélection que les critères d’attribution de la même manière (voir, par analogie, arrêt du 8 juillet 2010, Evropaïki Dynamiki/AEE, T‑331/06, non publié, EU:T:2010:292, point 60 et jurisprudence citée).
41 Le principe d’égalité de traitement et l’obligation de transparence exigent que l’objet et les critères d’attribution des marchés publics soient clairement déterminés dès le début de la procédure de passation de ceux-ci (arrêt du 10 mai 2012, Commission/Pays-Bas, C‑368/10, EU:C:2012:284, point 56). Ils impliquent également que le pouvoir adjudicateur doit s’en tenir à la même interprétation des critères d’attribution tout au long de la procédure (voir arrêt du 18 octobre 2001, SIAC Construction, C‑19/00, EU:C:2001:553, point 43 et jurisprudence citée), et, à plus forte raison, qu’il ne doit pas modifier les critères d’attribution au cours de celle-ci (arrêt du 4 décembre 2003, EVN et Wienstrom, C‑448/01, EU:C:2003:651, point 93). Cela est applicable mutatis mutandis aux critères de sélection (voir, en ce sens, arrêt du 21 avril 2021, Intering e.a./Commission, T‑525/19, EU:T:2021:202, points 55, 56 et 58 et jurisprudence citée), qui sont en cause dans la présente affaire.
42 Le principe d’égalité de traitement et l’obligation de transparence ne sauraient, en principe, s’opposer au rejet de l’offre d’un opérateur économique dans le cadre de la procédure de passation d’un marché public en raison du non-respect, par celui-ci, d’une obligation expressément imposée, sous peine de rejet de l’offre, par les documents afférents à cette procédure. Une telle considération s’impose d’autant plus que, selon une jurisprudence constante de la Cour, dans l’hypothèse où des obligations auraient été clairement imposées dans les documents relatifs au marché public sous peine de rejet de l’offre, le pouvoir adjudicateur ne pourrait admettre des rectifications quelconques à des omissions auxdites obligations (voir arrêt du 19 octobre 2022, Lenovo Global Technology Belgium/Entreprise commune EuroHPC, T‑717/20, non publié, EU:T:2022:640, point 32 et jurisprudence citée).
43 Le pouvoir adjudicateur dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant aux éléments à prendre en considération en vue de prendre la décision de passer un marché à la suite d’un appel d’offres. Le contrôle du Tribunal doit donc se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits ainsi que de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir. Ce large pouvoir d’appréciation est reconnu aux pouvoirs adjudicateurs tout au long de la procédure de passation du marché, y compris en ce qui concerne le choix et l’évaluation des critères de sélection (voir arrêts du 28 janvier 2016, Zafeiropoulos/Cedefop, T‑537/12, non publié, EU:T:2016:36, point 36 et jurisprudence citée, et du 6 octobre 2021, Global Translation Solutions/Parlement, T‑7/20, non publié, EU:T:2021:649, point 34 et jurisprudence citée).
44 Afin d’établir si, dans l’appréciation des faits, le pouvoir adjudicateur a commis une erreur à ce point manifeste qu’elle est de nature à justifier l’annulation de la décision litigieuse, les éléments de preuve apportés par la partie requérante doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations retenues dans la décision en cause (voir arrêt du 6 septembre 2023, Sopra Steria Benelux et Unisys Belgium/Commission, T‑108/22, non publié, EU:T:2023:495, point 62 et jurisprudence citée).
45 En outre, toute atteinte à l’égalité des chances et au principe de transparence constitue une irrégularité viciant la procédure d’octroi (voir arrêt du 15 avril 2011, IPK International/Commission, T‑297/05, EU:T:2011:185, point 125 et jurisprudence citée).
46 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les arguments de la requérante, par lesquels cette dernière remet en cause, en substance, comme elle l’a confirmé en réponse à une question orale posée par le Tribunal lors de l’audience, l’interprétation et l’application, par EUCAP Somalia, du critère de sélection relatif à la capacité professionnelle figurant au point 16 de l’avis de marché en cause.
Sur l’interprétation du critère de sélection relatif à la capacité professionnelle et l’obligation de transparence
47 Conformément à l’article 167, paragraphe 2, du règlement financier, les critères de sélection définis dans les documents de marché ne peuvent porter que sur la capacité à exercer l’activité professionnelle d’un point de vue légal et réglementaire, la capacité économique et financière et la capacité technique et professionnelle.
48 Ainsi, le point 16 de l’avis de marché en cause prévoyait des « critères de sélection pour chaque soumissionnaire » relatifs à, premièrement, la capacité économique et financière, deuxièmement, la capacité professionnelle et, troisièmement, la capacité technique du soumissionnaire (voir point 3 ci-dessus).
49 Le critère de sélection relatif à la capacité professionnelle était libellé de manière suivante (voir point 4 ci-dessus) :
« La période de référence prise en compte sera les trois dernières années précédant la date limite de soumission.
– Des licences d’exploitation d’entreprise de sécurité privée et des licences commerciales (ou équivalentes) en cours de validité, telles que jugées applicables par l’autorité contractante, et, le cas échéant, étayées par des documents pertinents. Toutes les licences et tous les autres documents doivent être délivrés par les autorités compétentes des lieux d’exécution du contrat en Somalie (y compris le Puntland et le Somaliland), conformément à la législation en vigueur.
– Un permis de port d’armes à feu en cours de validité délivré pour les sites concernés par les opérations de la mission et par les autorités compétentes des sites concernés par le contrat en Somalie (y compris le Puntland et le Somaliland), conformément à la législation en vigueur, ou une preuve écrite que les permis de port d’armes à feu seront dûment obtenus au moment de l’attribution du contrat.
– Une assurance responsabilité civile valide pour la Somalie, délivrée par un prestataire de services d’assurance ; l’opérateur économique doit détenir une assurance adéquate et valide pour l’ensemble du personnel impliqué dans l’exécution du contrat. »
50 Il découle de cette définition du critère relatif à la capacité professionnelle, notamment de sa subdivision en trois tirets, qu’un soumissionnaire raisonnablement informé et normalement diligent pouvait comprendre qu’il devait cumulativement satisfaire trois conditions distinctes pour remplir ce critère.
51 En effet, cette subdivision en trois tirets implique sans ambiguïté qu’un soumissionnaire était tenu de disposer, premièrement, des licences d’exploitation d’entreprise de sécurité privée et des licences commerciales ou équivalentes en cours de validité, deuxièmement, d’un permis de port d’armes à feu en cours de validité et, troisièmement, d’une assurance responsabilité civile valide.
52 À la lecture des trois tirets énumérant ces trois conditions distinctes, un soumissionnaire raisonnablement informé et normalement diligent devait également constater que l’avis de marché en cause prévoyait des exigences spécifiques pour chacune desdites conditions qui étaient précisées dans le tiret correspondant. Grâce à la séparation de ces conditions par des tirets, ledit avis de marché évitait ainsi des confusions entre les différentes conditions et leurs exigences spécifiques.
53 En ce qui concerne notamment ces exigences spécifiques, il y a lieu d’observer que, s’agissant des licences d’exploitation d’entreprise de sécurité privée et des licences commerciales ou équivalentes en cours de validité, le point 16 de l’avis de marché en cause précisait que « [t]outes [c]es licences […] devaient être délivré[e]s par les autorités compétentes des lieux d’exécution du contrat en Somalie (y compris le Puntland et le Somaliland), conformément à la législation en vigueur ». De manière similaire, s’agissant de l’assurance responsabilité civile valide pour la Somalie, ce point 16 exigeait qu’elle soit « délivrée par un prestataire de services d’assurance » et précisait que « l’opérateur économique [devait] détenir une assurance adéquate et valide pour l’ensemble du personnel impliqué dans l’exécution du contrat ». En revanche, s’agissant du permis de port d’armes à feu en cours de validité, ledit point 16 prévoyait « [que ce permis devait être] délivré pour les sites concernés par les opérations de la mission et par les autorités compétentes des sites concernés par le contrat en Somalie (y compris le Puntland et le Somaliland), conformément à la législation en vigueur » ou la possibilité de fournir « [la] preuve écrite que les permis de port d’armes à feu ser[aie]nt dûment obtenus au moment de l’attribution du contrat ».
54 Il s’ensuit que, si un soumissionnaire devait être en possession des licences d’exploitation d’entreprise de sécurité privée et des licences commerciales ou équivalentes en cours de validité (première condition) ainsi que d’une assurance responsabilité civile valide pour la Somalie (troisième condition), tel n’était pas le cas pour le permis de port d’armes (deuxième condition), dont la possession n’était pas indispensable. En effet, en l’absence d’un tel permis, le soumissionnaire pouvait, comme autre possibilité, également apporter la preuve écrite que ce permis serait dûment obtenu au moment de l’attribution du contrat. En d’autres termes, en ce qu’elles prévoyaient cette autre possibilité, les exigences à remplir pour la condition relative au permis de port d’armes à feu étaient plus souples que celles relatives aux autres conditions.
55 Eu égard à ces différences et contrairement à ce que soutient la requérante, un soumissionnaire raisonnablement informé et normalement diligent devait comprendre que, pour remplir la première condition du critère relatif à la capacité professionnelle prévu au point 16 de l’avis de marché en cause, à savoir celle relative aux licences d’exploitation d’entreprise de sécurité privée et aux licences commerciales ou équivalentes, il n’était, contrairement à la deuxième condition de ce critère, pas possible, en cas de licences manquantes, de fournir la preuve écrite que ces licences seraient dûment obtenues au moment de l’attribution du contrat.
56 La requérante ne saurait donc prétendre que les première et deuxième conditions du critère relatif à la capacité professionnelle devaient être lues comme constituant en réalité une seule condition ni qu’il convenait d’appliquer les mêmes exigences à ces deux conditions. En effet, aucun élément dans le texte du point 16 de l’avis de marché en cause, tel qu’exposé au point 49 ci-dessus, qui est sans ambiguïté, notamment grâce à la subdivision des trois conditions et de leurs exigences spécifiques par tirets, ne corrobore la thèse de la requérante.
57 Il découle de ce qui précède que les trois conditions du critère relatif à la capacité professionnelle figurant au point 16 de l’avis de marché en cause ainsi que leurs exigences spécifiques, qu’EUCAP Somalia a choisies dans l’exercice de son large pouvoir d’appréciation en tant que pouvoir adjudicateur et qui ont été déterminées dès le début de la procédure de passation du marché, étaient formulées de manière claire, précise et univoque, permettant à tous les soumissionnaires raisonnablement informés et normalement diligents de comprendre leur portée exacte, de les interpréter de la même manière et, ainsi, de soumettre leur offre.
58 Il convient de constater que, par son argumentation, la requérante cherche, en réalité, à procéder à une réinterprétation du critère de sélection relatif à la capacité professionnelle à sa propre convenance, qui n’a aucun fondement dans le texte de l’avis de marché en cause et qui est contraire à l’objectif de l’appel d’offres en cause consistant à garantir une protection effective du personnel, des actifs et des biens d’EUCAP Somalia dans l’ensemble de la Somalie (voir point 2 ci-dessus).
59 Dès lors, la requérante n’est pas fondée, en invoquant l’obligation de transparence, à remettre en cause en l’espèce l’interprétation des conditions et des exigences énoncées dans l’avis de marché en cause ni à soutenir qu’il convenait de les préciser davantage.
Sur le respect du critère de sélection relatif à la capacité professionnelle par le consortium
60 Il convient de relever que, conformément à l’article 167, paragraphe 2, du règlement financier, le pouvoir adjudicateur était tenu d’appliquer le critère de sélection relatif à la capacité professionnelle figurant au point 16 de l’avis de marché en cause afin d’évaluer la capacité du consortium à exercer l’activité professionnelle requise d’un point de vue légal et réglementaire.
61 En l’espèce, la requérante admet elle-même que le consortium n’a pas produit, dans le cadre de son offre, des licences d’exploitation d’entreprise de sécurité privée et des licences commerciales ou équivalentes pour le Puntland et le Somaliland, mais uniquement de telles licences émises par le gouvernement central pour le reste de la Somalie.
62 Or, conformément aux exigences de la première condition du critère de sélection relatif à la capacité professionnelle, figurant au point 16 de l’avis de marché en cause, un soumissionnaire devait être en possession des licences d’exploitation d’entreprise de sécurité privée et des licences commerciales ou équivalentes « délivré[e]s par les autorités compétentes des lieux d’exécution du contrat en Somalie (y compris le Puntland et le Somaliland) » (voir points 49, 53 et 54 ci-dessus).
63 L’avis de marché en cause ne prévoyant pas la possibilité d’apporter la preuve écrite que ces licences manquantes seraient dûment obtenues au moment de l’attribution du contrat (voir point 55 ci-dessus), il est dénué de pertinence que la requérante ait indiqué, dans sa réponse du 1er mai 2024 à la demande de clarification d’EUCAP Somalia (voir point 13 ci-dessus), en fournir la preuve. Le consortium ne remplissait donc pas la première condition du critère relatif à la capacité professionnelle.
64 Dans la mesure où toutes les conditions de ce critère sont cumulatives (voir point 50 ci-dessus), l’absence des licences d’exploitation d’entreprise de sécurité privée et des licences commerciales ou équivalentes pour le Puntland et le Somaliland était, à elle seule, une raison suffisante pour constater que le consortium ne disposait pas de la capacité professionnelle pour exécuter le marché en cause.
65 En outre, s’agissant de la deuxième condition du critère relatif à la capacité professionnelle, il convient de constater que le consortium n’a produit, lors de la soumission de son offre, ni un permis de port d’armes à feu ni la preuve écrite que ce permis manquant serait dûment obtenu au moment de l’attribution du contrat, conformément aux deux options existant dans le cadre de cette condition (voir points 53 et 54 ci-dessus).
66 La requérante s’est contentée d’affirmer, dans sa réponse du 1er mai 2024 à la demande de clarification d’EUCAP Somalia (voir point 13 ci-dessus) et dans ses écritures devant le Tribunal, que les autorités compétentes en Somalie ne délivraient pas un tel permis et que des licences d’entreprise de sécurité privée équivalaient à ce permis. Or, elle n’a pas fourni le moindre élément de preuve pour étayer ces affirmations.
67 Dans ces conditions, et en tout état de cause, le consortium ne remplissait pas non plus la deuxième condition du critère de sélection relatif à la capacité professionnelle du soumissionnaire, tel que figurant au point 16 de l’avis de marché en cause.
68 L’argumentation de la requérante se fonde donc sur une prémisse doublement erronée selon laquelle, d’une part, les licences d’exploitation d’entreprise de sécurité privée peuvent remplacer l’absence du permis de port d’armes à feu et, d’autre part, une preuve écrite attestant que ces licences seraient dûment obtenues au moment de l’attribution du contrat peut pallier l’absence de leur production pour le Puntland et le Somaliland.
69 Dès lors, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation qu’EUCAP Somalia a considéré que le consortium ne répondait pas au critère de sélection relatif à la capacité professionnelle et, par conséquent, a rejeté son offre.
Sur l’égalité de traitement entre les soumissionnaires
70 En premier lieu, il convient d’observer que la requérante ne prétend pas que certains soumissionnaires disposaient de plus d’informations que le consortium en ce qui concernait les conditions et les exigences du critère de sélection relatif à la capacité professionnelle prévu au point 16 de l’avis de marché en cause.
71 En outre, il ressort du caractère clair, précis et univoque des trois conditions du critère de sélection relatif à la capacité professionnelle et de leurs exigences spécifiques, qui sont restées inchangées au cours de la procédure (voir point 57 ci-dessus), que tous les soumissionnaires étaient soumis aux mêmes conditions et disposaient des mêmes chances dans le cadre de l’appel d’offres en cause.
72 Or, en l’absence de toute disparité d’information en l’espèce, la requérante ne saurait utilement invoquer l’arrêt du 19 mars 2010, Evropaïki Dynamiki/Commission (T‑50/05, EU:T:2010:101, point 62), dans lequel le Tribunal a examiné si certains soumissionnaires avaient disposé, dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, d’informations que d’autres soumissionnaires n’avaient pas eues.
73 En second lieu, en ce que la requérante reproche à EUCAP Somalia de ne pas avoir explicitement informé le consortium que ce dernier s’était fondé sur une prémisse erronée, il y a lieu de relever que le comité d’évaluation d’EUCAP Somalia avait adressé au consortium, le 29 avril 2024, des demandes de clarification (voir point 12 ci-dessus) et que la troisième demande rappelait les première et deuxième conditions du critère relatif à la capacité professionnelle prévu au point 16 de l’avis de marché en cause et leurs exigences spécifiques.
74 Il en ressortait que, d’une part, des licences d’exploitation d’entreprise de sécurité privée et des licences commerciales ou équivalentes manquaient pour le Puntland et le Somaliland et, d’autre part, un permis de port d’armes à feu valide manquait pour la Somalie dans son ensemble, y compris le Puntland et le Somaliland. À la lecture de cette demande de clarification, le consortium aurait dû se rendre compte que son interprétation du critère relatif à la capacité professionnelle n’était pas correcte.
75 Contrairement à ce qu’estime la requérante, EUCAP Somalia n’était pas tenue de fournir au consortium davantage d’informations ou d’éclaircissements. À l’inverse, EUCAP Somalia aurait, comme elle l’a indiqué, à juste titre, dans sa lettre du 5 juin 2024, méconnu le principe d’égalité de traitement des soumissionnaires en fournissant au consortium des informations ou des clarifications supplémentaires ayant pour conséquence que l’offre du consortium, qui ne répondait pas aux conditions et aux exigences du critère de sélection relatif à la capacité professionnelle prévu au point 16 de l’avis de marché en cause (voir point 69 ci-dessus), remplisse ces conditions et ces exigences. En effet, en tant que pouvoir adjudicateur, EUCAP Somalia était tenue d’appliquer lesdites conditions et lesdites exigences, qu’elle avait elle-même fixées dans ledit avis de marché, de manière objective et uniforme à tous les soumissionnaires (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2021, Global Translation Solutions/Parlement, T‑7/20, non publié, EU:T:2021:649, point 63 et jurisprudence citée).
76 Dès lors, il convient de rejeter les arguments de la requérante tirés d’une violation du principe d’égalité de traitement entre les soumissionnaires.
77 Au vu de tout ce qui précède, les premier et troisième moyens doivent être rejetés dans leur ensemble.
Sur le deuxième moyen, tiré du caractère irrecevable et infondé des justifications postérieures avancées par EUCAP Somalia
78 La requérante reproche à EUCAP Somalia d’avoir complété, par les courriers des 30 mai et 5 juin 2024, la motivation initiale de la décision attaquée, afin de combler des manquements de cette dernière en démontrant que la seconde possibilité prévue par l’avis de marché en cause pour le critère de sélection relatif à la capacité professionnelle n’avait pas non plus été remplie par le consortium.
79 D’une part, la requérante considère qu’une telle motivation complémentaire est irrecevable et que l’appréciation de la légalité de la décision attaquée devrait se limiter à sa motivation initiale. D’autre part, elle soutient que cette motivation complémentaire est également erronée. En effet, aucun des documents de marché en cause n’aurait exigé, même implicitement, que les preuves écrites de la capacité d’obtention de licences manquantes soient obligatoirement émises par les différentes autorités compétentes. Le point 16 de l’avis de marché en cause aurait simplement prévu que, si le soumissionnaire ne disposait pas des permis de port d’armes à feu et donc de la licence d’exploitation requise, il pouvait présenter des preuves écrites que ces permis seraient dûment obtenus au moment de l’attribution du contrat. L’imprécision d’une condition ne saurait bénéficier à l’autorité adjudicatrice pour exclure arbitrairement un candidat. En outre, la requérante estime qu’il est impossible d’exiger, a posteriori, des preuves écrites émises par des autorités compétentes établissant que les permis de port d’armes à feu seraient dûment obtenus au moment de l’attribution du contrat.
80 EUCAP Somalia conteste cette argumentation.
81 Selon l’article 170, paragraphe 2, du règlement financier, le pouvoir adjudicateur communique à tout soumissionnaire les motifs de rejet de sa demande de participation ou du rejet de son offre.
82 Le point 31.1, premier et deuxième alinéas, de l’annexe I dudit règlement dispose ce qui suit :
« Le pouvoir adjudicateur informe, par voie électronique, tous les candidats ou soumissionnaires, simultanément et individuellement, des décisions prises concernant l’issue de la procédure dès que possible […]
Le pouvoir adjudicateur indique dans chaque cas les motifs du rejet de l’offre ou de la demande de participation ainsi que les voies de recours disponibles. »
83 Selon la jurisprudence, lorsque, comme en l’espèce, une institution dispose d’un large pouvoir d’appréciation, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives revêt une importance d’autant plus fondamentale. Parmi ces garanties figure, notamment, l’obligation pour l’institution compétente de motiver de façon suffisante ses décisions. C’est seulement ainsi que le juge de l’Union est en mesure de vérifier si les éléments de fait et de droit dont dépend l’exercice du pouvoir d’appréciation ont été réunis (voir arrêt du 14 décembre 2022, Esedra/Parlement, T‑46/22, non publié, EU:T:2022:803, point 23 et jurisprudence citée).
84 L’obligation de motivation implique, conformément l’article 296 TFUE, que l’auteur d’un acte doit faire apparaître, d’une façon claire et non équivoque, le raisonnement sous-tendant ledit acte, de façon à permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de faire valoir leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle (voir arrêt du 16 mai 2019, Transtec/Commission, T‑228/18, EU:T:2019:336, point 91 et jurisprudence citée).
85 Il convient de rappeler que l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications (voir arrêt du 14 décembre 2022, Esedra/Parlement, T‑46/22, non publié, EU:T:2022:803, point 26 et jurisprudence citée).
86 En l’espèce, EUCAP Somalia a communiqué au consortium, par la décision attaquée, les motifs du rejet de son offre rédigés comme suit :
« Votre offre n’était pas administrativement recevable pour les raisons suivantes :
Votre offre ne répond pas aux critères de capacité professionnelle, car le consortium ne possède pas de licence d’exploitation d’entreprise de sécurité ni de licence commerciale valide (ou équivalente), ni de permis d’armes à feu valide pour l’ensemble du territoire de la Somalie (le Puntland et le Somaliland sont manquants) […] »
87 Il en ressort que le consortium ne remplissait pas les première et deuxième conditions du critère de sélection relatif à la capacité professionnelle, prévu au point 16 de l’avis de marché en cause, relatives, d’une part, à la licence d’exploitation d’entreprise de sécurité privée et aux licences commerciales ou équivalentes valides et, d’autre part, au permis de port d’armes à feu.
88 S’agissant de la première condition du critère de sélection relatif à la capacité professionnelle, il y a lieu de rappeler que, comme la requérante l’admet elle-même, le consortium n’a pas produit, lors de la soumission de son offre, des licences d’exploitation d’entreprise de sécurité privée ni des licences commerciales ou équivalentes valides pour le Puntland et le Somaliland, mais a fourni de telles licences seulement pour le reste de la Somalie (voir point 61 ci-dessus). Or, ainsi qu’il est indiqué au point 55 ci-dessus, l’avis de marché en cause ne prévoyait pas la possibilité d’apporter la preuve écrite que des licences manquantes seraient dûment obtenues au moment de l’attribution du contrat. En l’absence de fourniture de ces licences pour le Puntland et le Somaliland, l’offre du consortium ne remplissait donc pas la première condition (voir point 63 ci-dessus).
89 La décision attaquée fait apparaître de façon claire et non équivoque cette circonstance en ce qu’elle indique, d’une part, que « le consortium ne possède pas de licence d’exploitation d’entreprise de sécurité et de licence commerciale valide (ou équivalente) » et, d’autre part, entre parenthèses, que le Puntland et le Somaliland sont manquants. En revanche, la possibilité d’apporter la preuve que des licences manquantes seraient dûment obtenues au moment de l’attribution du contrat, telle qu’invoquée par la requérante, n’existant pas dans le cadre de cette première condition, il n’y avait pas besoin de fournir une motivation à son égard.
90 S’agissant de la deuxième condition du critère de sélection relatif à la capacité professionnelle, il convient de constater non seulement que le consortium n’a produit, lors de la soumission de son offre, ni un permis de port d’armes à feu ni la preuve écrite que ce permis manquant serait dûment obtenu au moment de l’attribution du contrat, mais également que la requérante a affirmé, dans sa réponse du 1er mai 2024, que les autorités compétentes ne délivraient pas un tel permis (voir points 65 et 66 ci-dessus).
91 Dans ces circonstances, il est suffisant que la décision attaquée fasse apparaître de façon claire et non équivoque le non-respect de la deuxième condition du critère de sélection relatif à la capacité professionnelle, en indiquant que « le consortium ne possède pas […] de permis d’armes à feu valide pour l’ensemble du territoire de la Somalie ».
92 Dès lors, force est de constater que la décision attaquée fournit, conformément aux principes exposés aux points 81 à 85 ci-dessus, suffisamment d’informations pour permettre au consortium de comprendre le rejet de son offre et de contester cette décision sur le fond. De même, les motifs énoncés dans la décision attaquée permettent au Tribunal d’exercer son contrôle, ce que démontre l’analyse des premier et troisième moyens par lesquels la requérante conteste le bien-fondé de cette décision.
93 La motivation de la décision attaquée étant suffisante en tant que telle et la question de savoir si le consortium avait prouvé que les licences et les permis manquants seraient obtenus au moment de l’attribution de contrat n’étant pas pertinente dès lors qu’elle repose sur des prémisses erronées (voir point 68 ci-dessus), EUCAP Somalia n’était pas tenue de fournir une motivation quant à cette question. Ainsi, les lettres des 30 mai et 5 juin 2024 ne constituent pas une motivation complémentaire, mais une simple réponse aux contestations du consortium des 29 mai et 1er juin 2024 dans le cadre des échanges ayant suivi l’adoption de ladite décision (voir points 16 et 18 ci-dessus). L’argumentation de la requérante relative à ces lettres est donc inopérante.
94 Compte tenu de tout ce qui précède, le deuxième moyen doit être rejeté, et, par conséquent, le recours dans son ensemble.
Sur les dépens
95 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure en référé, conformément aux conclusions d’EUCAP Somalia.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (sixième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Geos Atlas ltd. est condamnée aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure en référé.
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Costeira |
Zilgalvis |
Tichy-Fisslberger |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 septembre 2025.
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Le greffier |
Le président |
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V. Di Bucci |
R. Mastroianni |
* Langue de procédure : le français.