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Document 62014FJ0134
Judgment of the Civil Service Tribunal of 17 December 2015.#T v European Commission.#Civil service — Social security — Occupational disease — Article 73 of the Staff Regulations — Application for recognition of the occupational origin of a disease — Causal link — Claim for damages for the non-material harm suffered as a result of the time taken by the institution to acknowledge the occupational origin of the disease — Obligation to adjudicate within a reasonable time — Non-material damage.#Case F-134/14.
Sodba Sodišča za uslužbence z dne 17. decembra 2015.
T proti Evropska komisija.
Javni uslužbenci – Socialna varnost – Poklicna bolezen – Člen 73 Kadrovskih predpisov – Predlog za priznanje poklicnega izvora bolezni – Vzročna zveza – Zahtevek za povrnitev nepremoženjske škode, nastale zaradi roka, ki ga je institucija potrebovala za priznanje, da je bolezen poklicne narave – Obveznost sprejetja odločitve v razumnem roku – Nepremoženjska škoda.
Zadeva F-134/14.
Sodba Sodišča za uslužbence z dne 17. decembra 2015.
T proti Evropska komisija.
Javni uslužbenci – Socialna varnost – Poklicna bolezen – Člen 73 Kadrovskih predpisov – Predlog za priznanje poklicnega izvora bolezni – Vzročna zveza – Zahtevek za povrnitev nepremoženjske škode, nastale zaradi roka, ki ga je institucija potrebovala za priznanje, da je bolezen poklicne narave – Obveznost sprejetja odločitve v razumnem roku – Nepremoženjska škoda.
Zadeva F-134/14.
Court reports – Reports of Staff Cases
ECLI identifier: ECLI:EU:F:2015:157
ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE (juge unique)
17 décembre 2015 ( * )
«Fonction publique — Sécurité sociale — Maladie professionnelle — Article 73 du statut — Demande de reconnaissance de l’origine professionnelle de la maladie — Lien de causalité — Demande de réparation d’un dommage moral subi du fait du délai pris par l’institution pour reconnaître l’origine professionnelle de la maladie — Obligation de statuer dans un délai raisonnable — Préjudice moral»
Dans l’affaire F‑134/14,
ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,
T, ancienne fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Domsjö (Suède), représentée par Mes S. Rodrigues et A. Tymen, avocats,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée initialement par M. J. Currall et Mme C. Ehrbar, en qualité d’agents, puis par Mme C. Ehrbar, en qualité d’agent,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE (juge unique),
juge : M. R. Barents,
greffier : M. S. Vert, assistant,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 20 octobre 2015,
rend le présent
Arrêt
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1 |
Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 18 novembre 2014, T demande, d’une part, l’annulation de la décision de la Commission européenne du 8 août 2014, confirmant la décision du 3 février 2014 n’ayant fait que partiellement droit à sa demande indemnitaire visant à réparer son préjudice moral découlant du non-respect d’un délai raisonnable dans le cadre de la procédure de reconnaissance de maladie professionnelle ouverte au titre de l’article 73 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), et, d’autre part, la réparation du préjudice moral qu’elle estime avoir subi. |
Cadre juridique
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2 |
Le cadre juridique de la présente affaire est constitué de l’article 41, paragraphe 1, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, de l’article 73 du statut et des articles 17 et 22 de la réglementation commune relative à la couverture des risques d’accident et de maladie professionnelle des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après la « réglementation commune »). |
Faits à l’origine du litige
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3 |
La requérante est devenue fonctionnaire de la Commission le 16 octobre 2001. |
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4 |
Par lettre du 15 avril 2005, la requérante a présenté une demande de mise en invalidité. |
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5 |
Le 11 mai 2005, suite à sa demande de mise en invalidité, la requérante a été convoquée pour un examen médical par le docteur X du service médical de la Commission. |
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6 |
Par lettre du 11 juillet 2005, la requérante a adressé une demande de reconnaissance de maladie professionnelle au chef du secteur « Assurance accidents et maladies professionnelles » de l’Office « Gestion et liquidation des droits individuels » (PMO) de la Commission (ci-après le « chef de secteur »). |
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7 |
Par lettre du 13 juillet 2005, le chef de secteur a répondu à la requérante que, en application de l’article 17 de la réglementation commune dans sa version en vigueur jusqu’au 31 décembre 2005, elle devait faire une déclaration spécifiant la nature de son affection et l’accompagner de certificats médicaux ou de toute autre pièce. Il était également indiqué dans ce courrier que, dès réception de la déclaration et des certificats requis, le secteur « Assurance accidents et maladies professionnelles » du PMO procéderait à une enquête permettant d’établir la nature de l’affection de la requérante, son origine professionnelle ainsi que les circonstances dans lesquelles elle s’était déclarée. |
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8 |
Le 26 juillet 2005, la commission d’invalidité a rendu un avis selon lequel la requérante était atteinte d’une invalidité permanente considérée comme totale la mettant dans l’impossibilité d’exercer des fonctions correspondant à un emploi de sa carrière. La commission d’invalidité précisait également dans son avis qu’elle n’avait pas tranché la question de l’origine professionnelle de la maladie de la requérante. |
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9 |
Par décision de la Commission du 23 août 2005, la requérante a été mise à la retraite et admise au bénéfice d’une allocation d’invalidité à compter du 1er septembre 2005. |
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10 |
Par lettre du 17 octobre 2005 accompagnée de trois rapports médicaux, de l’avis de la commission d’invalidité du 26 juillet 2005 et de la décision de la Commission du 23 août 2005, la requérante a répondu au chef de secteur que la lettre qu’elle lui avait adressée le 11 juillet 2005 constituait déjà une demande de reconnaissance de maladie professionnelle et contenait une déclaration, mais que le courrier qu’il lui avait adressé le 13 juillet 2005 laissait planer un doute quant à l’ouverture de la procédure de reconnaissance de maladie professionnelle. Elle a donc demandé au chef de secteur de confirmer qu’une procédure avait bien été ouverte à son égard. |
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11 |
Par lettre du 25 octobre 2005, le chef de secteur a informé la requérante que sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle était complète et que le secteur « Assurance accidents et maladies professionnelles » du PMO allait procéder à une enquête afin de recueillir tous les éléments permettant d’établir la nature de son affection, son origine professionnelle ainsi que les circonstances dans lesquelles elle s’était déclarée. |
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12 |
Dans le cadre de la procédure ouverte au titre de l’article 73 du statut, la Commission a désigné un médecin, le docteur C. |
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13 |
Le 3 novembre 2005, la Commission a contacté le service médical et l’Office d’investigation et de discipline (IDOC). Ce dernier l’a informée qu’une enquête administrative avait déjà été finalisée, suite à la demande d’assistance de la requérante pour actes de harcèlement, et lui a envoyé une copie du rapport d’enquête. |
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14 |
Le 23 décembre 2005, la Commission a informé la requérante qu’elle devait prendre contact avec le docteur C. L’examen médical a eu lieu le 7 février 2006. |
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15 |
Par lettre du 16 février 2006, la requérante a envoyé au docteur C. ses commentaires sur le rapport d’enquête. |
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16 |
Après un rappel de la Commission en date du 7 juin 2006, le docteur C. a finalisé son rapport le 6 octobre 2006. |
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17 |
Par lettre du 27 novembre 2006, la requérante a reçu un projet de décision envisageant le rejet de sa demande de reconnaissance de l’origine professionnelle de sa maladie. Ce projet est devenu définitif le 26 janvier 2007 (ci-après la « décision du 26 janvier 2007 »). |
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18 |
Le 12 février 2007, la requérante a introduit une réclamation contre la décision du 26 janvier 2007. |
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19 |
Le 7 mai 2007, la Commission a retiré la décision du 26 janvier 2007 au motif que le docteur C. n’avait pas « suffisamment motivé ses conclusions par rapport aux constatations reprises dans son rapport ». |
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20 |
Le 21 mai 2007, le docteur C. a établi un rapport médical complémentaire. |
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21 |
Le 20 juin 2007, la requérante a reçu un nouveau projet de décision envisageant le rejet de sa demande de reconnaissance de l’origine professionnelle de sa maladie. |
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22 |
Le 17 juillet 2007, la requérante a contesté le projet de décision du 20 juin 2007. Elle a demandé que soit consultée une commission médicale composée conformément à l’article 22 de la réglementation commune dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2006 et a désigné le docteur S. pour la représenter. |
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23 |
Le 5 octobre 2007, la Commission a adressé un courrier au docteur S., lui demandant de prendre contact avec le docteur C. afin de procéder à la désignation du troisième médecin de la commission médicale. |
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24 |
Après avoir essayé en vain, à plusieurs reprises, de contacter le docteur C. par téléphone pour discuter de la désignation du troisième médecin, le docteur S. lui a adressé, en date du 27 novembre 2007, une lettre recommandée, dans laquelle il lui proposait le nom d’un troisième médecin pour la commission médicale. |
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25 |
Le 30 janvier 2008, le docteur C. a notifié à la Commission son désaccord avec le docteur S. quant au nom du troisième médecin. |
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26 |
Le 1er février 2008, conformément à l’article 22 de la réglementation commune dans sa version alors en vigueur, la Commission s’est adressée au président de la Cour de justice des Communautés européennes pour qu’il commette d’office un troisième médecin. |
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27 |
Le 3 avril 2008, la Cour de justice a informé la Commission que le professeur D. avait accepté sa désignation en tant que troisième médecin commis d’office au sein de la commission médicale. |
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28 |
Par lettre du 21 avril 2008, la Commission a communiqué au professeur D. le texte du mandat de la commission médicale tout en lui rappelant les modalités de son fonctionnement. Dans cette lettre, la Commission exprimait également le souhait que le rapport final, signé par chacun des membres de la commission médicale, lui parvienne dans un délai de six mois, ce délai ne revêtant cependant pas un caractère contraignant et pouvant être dépassé selon les exigences de l’expertise ou la complexité du dossier. |
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29 |
Le 31 octobre 2008, la Commission s’est adressée au professeur D. pour lui rappeler la mission qui lui avait été confiée et la nécessité de faire avancer les travaux de la commission médicale afin de pouvoir rendre son rapport. |
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30 |
Le 30 décembre 2008, une première réunion a eu lieu, en présence du professeur D. et du docteur C. Le docteur S. et la requérante n’y ont pas participé. |
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31 |
Le 13 janvier 2009, le docteur C. a établi un rapport précisant notamment que la requérante avait indiqué au professeur D. qu’elle ne pourrait pas être présente à la réunion du 30 décembre 2008. |
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32 |
Le 3 février 2009, la Commission a interrogé le docteur S. sur les raisons de son absence à la réunion du 30 décembre 2008. |
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33 |
Le 10 février 2009, le docteur S. a informé la Commission qu’il n’avait pas pu assister à la réunion du 30 décembre 2008, n’y ayant pas été invité et n’ayant donc eu connaissance ni de la date, ni du lieu de la réunion. |
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34 |
Le 26 novembre 2009, une nouvelle demande a été adressée par la Commission au professeur D. afin que les travaux de la commission médicale suivent leur cours. La requérante était en copie de cette lettre, tout comme les autres membres de la commission médicale. |
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35 |
Par courrier électronique du 8 décembre 2009, le professeur D. a répondu qu’il « rencontr[ait] de grandes difficultés à entrer en communication avec le [docteur S.] et [que s]on emplo[i] du temps ne [lui] permet[tait] pas toujours de surmonter ces embûches ». |
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36 |
Le 13 juillet 2010, la Commission a adressé un rappel à tous les membres de la commission médicale. La requérante était en copie de ce rappel. |
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37 |
En l’absence de réaction de la part des membres de la commission médicale, la Commission leur a envoyé un autre rappel le 24 janvier 2011. La requérante était également en copie de cette lettre de rappel. |
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38 |
Le 29 mars 2011, une réunion de la commission médicale, en présence des trois médecins la composant, a eu lieu. Il y a été décidé d’entendre la requérante et de l’examiner lors d’une prochaine réunion. Par courrier électronique du même jour, le professeur D., au nom de la commission médicale, a convoqué la requérante à une consultation dans son cabinet à Bruxelles (Belgique) le 24 mai 2011. |
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39 |
Dans un courrier électronique du 16 avril 2011, la requérante a demandé au professeur D. que la commission médicale examine la possibilité de remplir son mandat sans tenir de consultation en sa présence ou de tenir une consultation par téléphone ou vidéoconférence ou de lui faire passer un examen en Suède, étant donné que, depuis l’été 2008, elle résidait à Domsjö (Suède), à 600 km au nord de Stockholm (Suède). |
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40 |
Par courrier électronique du 17 avril 2011, le professeur D. a expliqué à la requérante que le mandat que les médecins de la commission médicale avaient reçu indiquait explicitement qu’ils devaient organiser un examen clinique en sa présence et proposait de maintenir la réunion à la date initialement prévue, soit le 24 mai 2011. |
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41 |
Par courrier électronique du 18 avril 2011, adressé au professeur D. et à la Commission, la requérante a maintenu sa demande tendant à ce que la commission médicale examine à nouveau la question de sa présence à Bruxelles. |
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42 |
Par courrier électronique du 28 avril 2011, le professeur D. a indiqué à la requérante que, « [s]uite à [son] argumentation, [la commission médicale] établir[ait son] rapport sur [la] base des documents [mis] à sa disposition ». |
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43 |
Le 10 mai 2011, la Commission a informé la requérante, par courrier électronique, que sa présence était toutefois nécessaire. |
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44 |
En conséquence, par courrier électronique du 11 mai 2011, le professeur D. a informé la requérante qu’il maintenait le rendez-vous du 24 mai 2011 à Bruxelles et lui a rappelé que ses frais de déplacement seraient pris en charge par la Commission, confirmant ainsi ce que cette dernière avait indiqué à la requérante le 18 avril 2011. |
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45 |
La requérante ne s’est pas présentée au rendez-vous du 24 mai 2011. En son absence, le professeur D. a, dans un rapport du 31 mai 2011, conclu à l’impossibilité de remplir correctement et objectivement son mandat. |
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46 |
Le 8 novembre 2011, la Commission a adressé au professeur D. un rappel. Le même jour, le professeur D. a répondu que la commission médicale allait rédiger un rapport de carence. |
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47 |
N’ayant reçu aucun rapport, malgré un rappel en ce sens le 27 janvier 2012, la Commission s’est à nouveau adressée au professeur D., le 19 avril 2012, sollicitant l’envoi du rapport de carence. |
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48 |
Le 20 avril 2012, le professeur D. a informé la Commission que, compte tenu du déroulement des travaux de la commission médicale et de l’impossibilité d’examiner le statut médical actuel de la requérante, il était dans l’incapacité de remplir sa mission. |
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49 |
Suite à deux lettres qui lui avaient été envoyées par le docteur C. les 11 mai et 13 juin 2012, le professeur D. a informé la Commission, le 21 juin 2012, de la décision de la commission médicale de convoquer une nouvelle fois la requérante à Bruxelles. |
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50 |
La commission médicale s’est finalement réunie à Bruxelles le 19 octobre 2012, en présence de la requérante. |
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51 |
Le 25 avril 2013, le professeur D. a transmis à la Commission le rapport de la commission médicale du 19 octobre 2012 signé par lui-même et le docteur C. et accompagné de l’avis dissident du 15 mars 2013 signé par le docteur S. |
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52 |
Par lettre recommandée du 21 mai 2013, le chef de secteur a envoyé à la requérante le rapport de la commission médicale et lui a fait savoir que la Commission avait reconnu l’origine professionnelle de sa maladie et que son état de santé était consolidé au 19 octobre 2012, sans reconnaissance d’un taux d’invalidité permanente partielle. La requérante n’a pas contesté cette décision. |
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53 |
Le 16 octobre 2013, la requérante a introduit une demande indemnitaire au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut, visant à réparer son préjudice moral, découlant du délai déraisonnable qu’avait pris, selon elle, la Commission pour établir l’origine professionnelle de sa maladie, estimé à 18000 euros (ci-après la « demande en indemnité »). |
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54 |
Par décision du 3 février 2014, la Commission a informé la requérante qu’une somme de 2000 euros lui serait octroyée à titre de compensation pour l’incertitude qu’elle avait pu connaître quant à la reconnaissance de l’origine professionnelle de sa maladie et « qui aurait pu être évitée si le rapport de la commission médicale était intervenu plus tôt » (ci-après la « décision de rejet partiel de la demande en indemnité »). |
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55 |
Le 24 avril 2014, la requérante a introduit une réclamation contre la décision de rejet partiel de la demande en indemnité et a demandé qu’une somme de 18000 euros lui soit octroyée en compensation du préjudice moral subi en raison du retard dans la procédure ouverte au titre de l’article 73 du statut. |
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56 |
Par décision du 8 août 2014, envoyée le même jour par courrier électronique, la Commission a rejeté la réclamation (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »). Cette décision a été notifiée à la requérante sous pli recommandé avec accusé de réception le 23 septembre 2014. L’accusé de réception a été signé par la requérante le 1er octobre 2014. |
Conclusions des parties et procédure
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57 |
La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
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58 |
La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
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59 |
En application de l’article 15 du règlement de procédure, la première chambre du Tribunal, à laquelle l’affaire avait été attribuée, a décidé à l’unanimité, les parties entendues, que l’affaire serait jugée par le juge rapporteur statuant en tant que juge unique. |
En droit
Sur l’objet des conclusions
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60 |
S’agissant des conclusions en annulation de la décision de rejet partiel de la demande en indemnité, ainsi que de celles de la décision de rejet de la réclamation, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la décision d’une institution portant rejet d’une demande en indemnité et la décision portant rejet de la réclamation qui s’en est suivie font partie intégrante de la procédure administrative qui précède un recours en responsabilité formé devant le Tribunal et que, par conséquent, les conclusions en annulation de ces décisions ne peuvent être appréciées de manière autonome par rapport aux conclusions indemnitaires du recours. En effet, l’acte contenant la prise de position de l’institution pendant la phase précontentieuse a uniquement pour effet de permettre à la partie qui aurait subi un préjudice de saisir le Tribunal d’une demande en indemnité (arrêts du 11 mai 2010, Maxwell/Commission,F‑55/09, EU:F:2010:44, point 48, et du 19 juin 2013, Goetz/Comité des régions,F‑89/11, EU:F:2013:83, point 91). |
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61 |
Il s’ensuit qu’il convient d’examiner uniquement les conclusions indemnitaires visant à réparer le préjudice moral qu’aurait subi la requérante du fait de la violation du délai raisonnable dans la procédure de reconnaissance de maladie professionnelle. |
Sur les conclusions indemnitaires
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62 |
À l’appui de ses conclusions, la requérante invoque un seul moyen, tiré de l’erreur manifeste d’appréciation, de la violation du principe du respect d’un délai raisonnable, de la violation du principe de bonne administration et de la violation de l’article 41 de la Charte et du devoir de sollicitude. |
Arguments des parties
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63 |
Après avoir rappelé la jurisprudence relative au respect d’un délai raisonnable dans la conduite des procédures administratives, la requérante observe que la procédure ouverte au titre de l’article 73 du statut aurait duré près de sept ans et onze mois, à savoir du 11 juillet 2005 au 3 juin 2013. Tout en se basant sur le découpage chronologique opéré par la Commission dans la décision de rejet de la réclamation, la requérante fait une distinction entre une première période, allant du 11 juillet 2005 au 20 juin 2007 (ci-après la « première période »), et une seconde période, allant du 20 juin 2007 au 3 juin 2013, date à laquelle elle soutient avoir reçu la lettre du 21 mai 2013 par laquelle la Commission l’informait qu’elle avait reconnu l’origine professionnelle de sa maladie (ci-après la « seconde période »). |
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64 |
En ce qui concerne la première période, la requérante reproche, tout d’abord, à la Commission la durée qui s’est écoulée entre la demande de reconnaissance de sa maladie professionnelle, datant du 11 juillet 2005, et son examen médical effectué par le docteur C., le 7 février 2006, durée qui ne saurait être justifiée par un prétendu laps de temps nécessaire à la réunion d’éléments pertinents, dans la mesure où les seuls éléments utilisés par le docteur C., avant de la rencontrer, auraient été exclusivement ceux ayant déjà été établis préalablement. |
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65 |
Ensuite, la requérante soutient que le docteur C. n’aurait établi son rapport, suite à l’examen médical du 7 février 2006, que le 6 octobre 2006. Selon elle, aucun élément ne permettrait d’affirmer que son affection serait atypique. De plus, le docteur C. étant à ce moment le seul médecin en charge de son examen, il ne saurait être question de divergences entre médecins. De même, son état n’aurait connu aucune aggravation. |
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66 |
En ce qui concerne la durée de la seconde période, la requérante fait valoir qu’entre sa demande du 17 juillet 2007 de pouvoir consulter une commission médicale et la communication par la Commission, le 21 avril 2008, du mandat de mission à ladite commission neuf mois se sont écoulés. Elle reproche également à la Commission le fait que huit autres mois se sont écoulés entre la communication dudit mandat à la commission médicale et la première réunion de celle-ci, à savoir le 30 décembre 2008. En outre, elle constate qu’il a encore fallu attendre deux ans et trois mois pour que la commission médicale se réunisse en formation complète une première fois, soit le 29 mars 2011. Enfin, la requérante critique le fait que la réunion du 19 octobre 2012, lors de laquelle elle a été entendue par la commission médicale, s’est tenue un an et sept mois après la réunion précédente de la commission et le fait que plus de six mois se sont de nouveau écoulés entre la réunion du 19 octobre 2012 et l’établissement du rapport médical final, à savoir le 25 avril 2013. |
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67 |
La Commission estime, pour sa part, qu’aucun retard ne lui est imputable s’agissant du déclenchement de la procédure ouverte au titre de l’article 73 du statut. Même si la durée totale semble à première vue excessive pour une procédure qui se limite à un examen médical de la requérante, celle-ci pourrait s’expliquer par un certain nombre de raisons, à savoir, premièrement, la complexité de l’affaire, le dossier médical de la requérante étant très volumineux ; deuxièmement, les délais entre chaque étape de la procédure, les responsabilités devant être partagées puisque la requérante et son médecin portent une part de responsabilité dans les difficultés d’organisation des différentes réunions, dues à leurs absences respectives ; troisièmement, la situation personnelle de la requérante, son état de santé s’étant nettement amélioré depuis sa mise en invalidité ; quatrièmement, le comportement des parties compte tenu d’un manque de communication entre la requérante et son médecin et de l’absence injustifiée de cette dernière à l’examen médical du 24 mai 2011. Enfin, la Commission soutient que la requérante ne serait pas fondée à prétendre avoir souffert d’un sentiment d’injustice du fait d’avoir dû introduire un recours alors que sa demande avait déjà été partiellement accueillie. Selon la Commission, la requérante n’aurait pas apporté le moindre commencement de preuve d’un éventuel dommage provoqué par la responsabilité alléguée. |
Appréciation du Tribunal
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68 |
À titre liminaire, il convient de rappeler que l’obligation d’observer un délai raisonnable dans la conduite des procédures administratives constitue un principe général du droit de l’Union dont le juge assure le respect et qui est repris comme une composante du droit à une bonne administration par l’article 41, paragraphe 1, de la Charte (arrêt du 11 avril 2006, Angeletti/Commission,T‑394/03, EU:T:2006:111, point 162). |
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69 |
À cet égard, il est de jurisprudence constante que la Commission est responsable de la célérité des travaux des médecins qu’elle désigne ainsi que de celle de la commission médicale mandatée pour émettre les conclusions prévues par la réglementation commune (voir, par analogie, arrêt du 11 avril 2006, Angeletti/Commission,T‑394/03, EU:T:2006:111, point 152, et, en ce sens, arrêt du 1er juillet 2010, Füller-Tomlinson/Parlement,F‑97/08, EU:F:2010:73, point 167). |
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70 |
Par exception à la règle exposée au point 68 ci‑dessus, il y a lieu de considérer que, dans la mesure où il est établi qu’un retard dans les travaux d’une commission médicale est attribuable au comportement dilatoire voire obstructionniste du fonctionnaire ou du médecin que celui-ci a désigné, la Commission ne doit pas être réputée responsable de ce retard (arrêt du 11 avril 2006, Angeletti/Commission,T‑394/03, EU:T:2006:111, point 154). |
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71 |
Il est également de jurisprudence constante que l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, notamment dans les litiges relevant des relations entre l’Union et ses agents, suppose la réunion de trois conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions de l’Union, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement critiqué et le préjudice invoqué. Les trois conditions précitées d’engagement de la responsabilité de l’Union sont cumulatives, ce qui implique que, dès lors que l’une de celles-ci n’est pas satisfaite, la responsabilité de l’Union ne peut être engagée (arrêts du 12 septembre 2007, Combescot/Commission,T‑249/04, EU:T:2007:261, point 49 ; du 2 mai 2007, Giraudy/Commission,F‑23/05, EU:F:2007:75, point 88, et du 9 octobre 2007, Bellantone/Cour des comptes,F‑85/06, EU:F:2007:171, point 87, et la jurisprudence citée). |
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72 |
En l’espèce, la durée totale de la procédure de reconnaissance de l’origine professionnelle de la maladie de la requérante a duré près de huit ans, à savoir du 11 juillet 2005, date de la demande de reconnaissance de maladie professionnelle, au 3 juin 2013, date à laquelle la requérante soutient avoir reçu la lettre la Commission du 21 mai 2013 l’informant de la reconnaissance de l’origine professionnelle de sa maladie. Aux fins de la présente analyse, il y a lieu de faire une distinction entre la première et la seconde période. |
– Sur la première période
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73 |
En ce qui concerne la première période, il convient tout d’abord de constater que la demande de reconnaissance de maladie professionnelle de la requérante du 11 juillet 2005 était incomplète. Contrairement à ce qu’exigeait l’article 17 de la réglementation commune dans sa version alors en vigueur, celle-ci n’était pas accompagnée de certificats médicaux ou de toute autre pièce. Ce n’est que le 17 octobre 2005 que la requérante a fourni les documents nécessaires. Ensuite, contrairement à ce que prétend cette dernière, dans sa lettre du 25 octobre 2005, le chef de secteur l’a informée de la procédure standard à suivre en cas de demande de reconnaissance de maladie professionnelle en lien avec des actes de harcèlement. Il s’ensuit que la requérante ne saurait prétendre que la période écoulée entre le 25 octobre 2005 et le 7 février 2006 était déraisonnable. Il convient, par conséquent, de rejeter le premier argument de la requérante. |
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74 |
En ce qui concerne le second argument de la requérante, il y a lieu de constater que, même à supposer que son dossier ait été jugé volumineux et que les appréciations relatives à son état soient complexes, un délai de huit mois pour établir un rapport de sept pages ne saurait être considéré comme raisonnable. De plus, du fait que la Commission a retiré la décision du 26 janvier 2007, celle-ci étant selon elle insuffisamment motivée, ce n’est que le 20 juin 2007 que la requérante a reçu un projet de décision envisageant le rejet de sa demande de reconnaissance de l’origine professionnelle de sa maladie. Force est donc de constater que l’élaboration dudit projet a pris seize mois sans que soient apparues des circonstances spéciales. Le second argument de la requérante est donc fondé. |
– Sur la seconde période
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75 |
L’argument tiré de la durée des périodes est également fondé en ce qui concerne, tout d’abord, la période allant du 17 juillet 2007 au 30 janvier 2008. En effet, la Commission n’a fourni aucune explication sur le fait que, après la désignation par la requérante, le 17 juillet 2007, du docteur S. pour la représenter au sein de la commission médicale, elle n’a invité le docteur S. à prendre contact avec le docteur C. que le 5 octobre 2007. La Commission n’a pas non plus expliqué le délai de près de quatre mois, du 5 octobre 2007 au 30 janvier 2008, pour constater un désaccord entre ces deux médecins. |
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76 |
Il ressort, ensuite, du dossier que la Commission, tout en souhaitant que le rapport final de la commission médicale lui parvienne dans un délai de six mois à compter du 21 avril 2008, n’a adressé à cette commission, après l’avoir contactée une première fois le 31 octobre 2008 pour lui rappeler les termes de son mandat, que trois rappels sur une période de plus de deux ans, le premier en date du 26 novembre 2009, le deuxième en date du 13 juillet 2010 et le troisième en date du 24 janvier 2011, avant que celle-ci ne tienne une première réunion. |
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77 |
En ce qui concerne, enfin, la durée des autres périodes, il suffit de constater que la Commission a reconnu que la requérante avait subi un préjudice moral et qu’à ce titre elle a versé à cette dernière la somme de 2000 euros. |
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78 |
Il résulte de tout ce qui précède que, même en tenant compte de certains retards imputables à la requérante, tant pendant la première que pendant la seconde période, le principe du délai raisonnable n’a pas été respecté et la responsabilité de la Commission est susceptible d’être engagée. |
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79 |
Une faute dans le chef de la Commission ayant été constatée, il convient par suite d’examiner si elle a produit des conséquences dommageables pour la requérante. |
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80 |
À cet égard, il y a lieu de relever que, contrairement à ce que prétend la Commission, s’agissant d’un préjudice moral, la requérante n’a pas à prouver l’existence de celui-ci ou d’un lien de causalité, ceux-ci pouvant être déduits des circonstances et de la nature de la faute ayant été constatée. Ainsi, il est constant que le sentiment d’injustice et les tourments qu’occasionne le fait, pour une personne, de devoir mener une procédure précontentieuse, puis contentieuse, afin de voir ses droits reconnus constitue un préjudice qui peut être déduit du seul fait que l’administration a commis une illégalité. |
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81 |
Par conséquent, compte tenu de la constatation de la violation par la Commission du principe du respect du délai raisonnable (voir point 77 du présent arrêt), notamment du fait du comportement de la commission médicale, dont la Commission doit répondre dans le cadre de la présente procédure, le Tribunal considère que la requérante a effectivement subi un préjudice moral qu’il appartient à cette institution d’indemniser. Évaluant ce préjudice ex æquo et bono, le Tribunal estime que l’allocation d’une somme de 7000 euros constitue une indemnisation adéquate de la requérante (voir, en ce sens, arrêt du 11 avril 2006, Angeletti/Commission,T‑394/03, EU:T:2006:111, point 167). |
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82 |
Par conséquent, déduction faite des 2000 euros déjà payés, la Commission doit être condamnée à payer à la requérante la somme de 5000 euros. |
Sur les dépens
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83 |
Aux termes de l’article 101 du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe supporte ses propres dépens et est condamnée aux dépens exposés par l’autre partie, s’il est conclu en ce sens. En vertu de l’article 102, paragraphe 1, du même règlement, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe supporte ses propres dépens, mais n’est condamnée que partiellement aux dépens exposés par l’autre partie, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre. |
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84 |
Il résulte des motifs énoncés dans le présent arrêt que la Commission est la partie qui succombe. En outre, la requérante a, dans ses conclusions, expressément demandé que la Commission soit condamnée aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure, la Commission doit supporter ses propres dépens et est condamnée à supporter les dépens exposés par la requérante. |
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Par ces motifs, LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE (juge unique) déclare et arrête : |
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Barents Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 décembre 2015. Le greffier W. Hakenberg Le juge R. Barents |
( * ) Langue de procédure : le français.