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Document 61992TJ0098

Wyrok Sądu pierwszej instancji (czwarta izba) z dnia 22 czerwca 1994 r.
Lello Di Marzio i Giorgio Lebedef przeciwko Komisji Wspólnot Europejskich.
Urzędnicy.
Sprawy połączone T-98/92 oraz T-99/92.

ECLI identifier: ECLI:EU:T:1994:70

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

22 juin 1994 ( *1 )

«Fonctionnaires - Modalités d'adaptation annuelle des rémunérations -Contribution temporaire»

Dans les affaires jointes T-98/92 et T-99/92,

Lello Di Marzio et Giorgio Lebedef, fonctionnaires de la Commission des Communautés européennes, représentés par Me Luc Govaert, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Lucy Dupong, 14 A, rue des Bains,

parties requérantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. Gianluigi Valsesia, conseiller juridique principal, en qualité d'agent, assisté de Me Denis Waelbroeck, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Georgios Kremlis, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande tendant à ce que le Tribunal annule le bulletin de rémunération des requérants du mois de janvier 1992, déclare invalides et inapplicables les règlements (CECA, CEE, Euratom) nos 3830/91, 3831/91,3833/91 et 3834/91 du Conseil, du 19 décembre 1991, déclare sans effet à partir du 1er janvier 1993 le règlement (CECA, CEE, Euratom) no 3832/91 du Conseil, du même jour, et ordonne le remboursement des montants illégalement retenus en application desdits règlements,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de MM. C. P. Briët, président, A. Saggio et C. W. Bellamy, juges,

greffier: M. H. Jung,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 19 janvier 1994,

rend le présent

Arrêt

Les faits à l'origine du litige

1

L'article 65 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après «statut») prévoit que le Conseil de l'Union européenne (ci-après «Conseil») procède annuellement à un examen du niveau des rémunérations des fonctionnaires afin de décider, sur proposition de la Commission, si une adaptation des rémunérations est appropriée. Ces modifications se font dans le cadre d'une méthode d'adaptation des rémunérations (ci-après «méthode») adoptée par le Conseil.

2

Par décision 81/1061/Euratom, CECA, CEE, du 15 décembre 1981, portant modification de la méthode d'adaptation des rémunérations des fonctionnaires et autres agents des Communautés (JO L 386, p. 6, ci-après «décision 81/1061»), le Conseil a précisé les modalités selon lesquelles il allait appliquer l'article 65 du statut pour la période du 1er juillet 1981 au 30 juin 1991.

3

A la même occasion, il a également été instauré, par le règlement (Euratom, CECA, CEE) no 3821/81 du Conseil, du 15 décembre 1981, modifiant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le régime applicable aux autres agents de ces Communautés (JO L 386, p. 1, ci-après «règlement no 3821/81»), à titre temporaire et pour une période expirant le 1er juillet 1991, un prélèvement sur les rémunérations, dit «prélèvement de crise». Les modalités de ce prélèvement ont été incorporées dans le statut sous la forme de son article 66 bis.

4

Le prélèvement de crise et la méthode adoptés en 1981 venant à expiration le 30 juin 1991, des négociations ont eu lieu entre la Commission, les organisations syndicales et professionnelles (ci-après «OSP») représentant le personnel et le Conseil, portant notamment sur le renouvellement de la méthode. N'ayant pas abouti avant cette date, ces négociations se sont poursuivies pendant le second semestre de 1991.

5

A la suite des négociations, un compromis a été dressé le 15 octobre 1991, prévoyant notamment:

le renouvellement de la méthode, avec certaines modifications, pour la période du 1er juillet 1991 au 30 juin 2001;

l'adaptation des rémunérations une fois par an;

la pondération de l'indice commun prévu à l'article 65 du statut de façon à incorporer pour 25 % l'indice belge (composante Bruxelles-capitale);

l'augmentation, à partir du 1er janvier 1993, de la contribution au régime des pensions (de 6,75 % à 8,25 %);

l'instauration, du 1er janvier 1992 au 30 juin 2001, d'une contribution temporaire au taux brut de 5,83 % calculée selon les modalités du prélèvement en vigueur jusqu'au 30 juin 1991;

l'insertion dans le statut de la nouvelle méthode et de la contribution temporaire.

6

Ce compromis a été soumis au personnel des institutions par référendum. Le référendum organisé pour le personnel de la Commission a eu lieu le 18 octobre 1991 et, à la question posée, «acceptez-vous le compromis de la présidence du Conseil?», il a été répondu «oui» à 61 % et «non» à 36 % (2 % de votes nuls ou blancs). Le résultat pour l'ensemble des institutions était de 57 % de «oui», 41 % de «non» et 2 % de bulletins «nuls ou blancs».

7

Finalement, le 19 décembre 1991, le Conseil a adopté les règlements (CECA, CEE, Euratom) nos 3830/91, 3831/91, 3832/91, modifiant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes et le régime applicable aux autres agents de ces Communautés, respectivement, en ce qui concerne les modalités d'adaptation des rémunérations, en vue de l'instauration d'une contribution temporaire et en ce qui concerne la contribution au régime des pensions, le règlement (CECA, CEE, Euratom) no 3833/91, rectifiant à compter du 1er juillet 1990 les rémunérations et les pensions des fonctionnaires et autres agents des Communautés européennes, et le règlement (CECA, CEE, Euratom) no 3834/91, adaptant à compter du 1er juillet 1991 les rémunérations et les pensions des fonctionnaires et autres agents des Communautés européennes ainsi que les coefficients correcteurs dont sont affectés ces rémunérations et pensions (JOL 361, respectivement p. 1, 7, 9, 10 et 13, ci-après «règlement no 3830/91», «règlement no 3831/91», «règlement no 3832/91», «règlement no 3833/91» et «règlement no 3834/91»). Ces règlements ont notamment:

renouvelé la méthode précédente pour dix ans, avec certaines modifications, tout en l'incorporant au statut en tant qu'annexe XI (règlement no 3830/91);

instauré une contribution temporaire au taux brut de 5,83 % à compter du 1er janvier 1992 par l'insertion dans le statut d'un nouvel article 66 bis (règlement no 3831/91);

relevé le taux de contribution au régime des pensions de 6,75 % à 8,25 % à compter du 1er janvier 1993 par une modification de l'article 83, paragraphe 2, du statut (règlement no 3832/91);

ajusté rétroactivement les montants figurant au barème des rémunérations (règlements nos 3833/91 et 3834/91).

8

Une des modifications de la méthode introduites par le règlement no 3830/91 a été la pondération de l'indice commun prévu à l'article 65 du statut de façon à incorporer pour 25 % l'indice belge (composante Bruxelles-capitale).

9

Vers la fin du mois de décembre 1991, les requérants ont reçu chacun un bulletin supplémentaire, concernant les rappels qui leur ont été versés à cette même époque à la suite des modifications apportées rétroactivement à leur salaire de base.

10

Le 15 janvier 1992, les requérants ont reçu leur bulletin de rémunération pour le mois de janvier 1992. Celui-ci avait été établi en tenant compte des dispositions des règlements précités du 19 décembre 1991, sauf en ce qui concerne l'augmentation des cotisations au régime des pensions prévue par le règlement no 3832/91, qui ne devait s'appliquer qu'à partir du 1er janvier 1993.

11

Le 13 avril 1992, en ce qui concerne M. Lebedef, et le 14 avril 1992, en ce qui concerne M. Di Marzio, les requérants ont introduit chacun, à l'encontre de leur bulletin, une réclamation identique dans laquelle ils mettaient en cause la légalité des règlements nos 3830/91, 3831/91 et 3833/91 et demandaient, d'une part, que leur rémunération soit complétée d'un pourcentage de 0,7 % , correspondant à l'évolution en baisse du pouvoir d'achat des fonctionnaires nationaux, et d'un pourcentage de 0,1 %, correspondant à l'intégration de l'indice belge, composante Bruxelles-capitale, d'autre part, que soit supprimée la retenue correspondant à la contribution temporaire et, enfin, que soient remboursées les sommes indûment retenues.

12

Ces réclamations sont restées sans réponse de la part de la partie défenderesse.

La procédure

13

Par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 10 novembre 1992, les requérants ont introduit les présents recours.

14

Par ordonnance du Tribunal (quatrième chambre) du 7 décembre 1993, les affaires T-98/92 et T-99/92 ont été jointes aux fins de la procédure orale et de l'arrêt.

15

Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables. La procédure orale s'est déroulée le 19 janvier 1994.

Conclusions des parties

16

Les parties requérantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal:

déclarer les recours recevables et fondés;

annuler la décision implicite de rejet de la réclamation dirigée contre la décision liquidant les droits pécuniaires des requérants sur la base des règlements nos 3830/91, 3831/91 et 3834/91, et plus particulièrement annuler leur bulletin de rémunération pour le mois de janvier 1992;

prononcer l'invalidité et l'inapplicabilité du règlement no 3830/91 dans la mesure où il prévoit un parallélisme même en baisse, contrairement à l'article 65 du statut, et un indice correcteur Bruxelles-capitale;

prononcer l'invalidité et l'inapplicabilité du règlement no 3831/91;

prononcer l'invalidité et l'inapplicabilité des règlements nos 3833/91 et 3834/91, dans la mesure où ils portent application du règlement no 3830/91;

par conséquent, déclarer, à partir du 1er janvier 1993, sans effet le règlement no 3832/91 pour cause de connexité avec les règlements mentionnés;

à titre subsidiaire, en cas de rejet des deuxième et troisième chefs de conclusions, reconnaître qu'il faut interpréter le règlement no 3830/91 de façon à ce qu'il soit au moins compatible avec l'article 65 du statut et la jurisprudence de la Cour;

ordonner le remboursement des montants illégalement retenus à cause de l'application des règlements mentionnés;

condamner la partie défenderesse aux dépens.

La partie défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

rejeter les recours;

comme irrecevables en ce qui concerne la prétendue illégalité des règlements nos 3830/91, 3832/91, 3833/91 et 3834/91 et en tout cas comme non fondés; et

comme recevables en ce qui concerne la prétendue illégalité du règlement no 3831/91, mais non fondés;

statuer comme de droit sur les dépens.

Sur les conclusions relatives au règlement no 3833/91

17

Les requérants concluent, entre autres, à ce qu'il plaise au Tribunal de prononcer l'invalidité et ľ inapplicabilité du règlement no 3833/91, dans la mesure où celui-ci porte application du règlement no 3830/91.

18

Or, l'objet du règlement no 3833/91 est de rectifier, avec effet à partir du 1er juillet 1990, le tableau des traitements mensuels de base en vigueur à partir de cette dernière date, en tenant compte de chiffres qui n'étaient pas disponibles auparavant. Il ressort de son préambule que sa base légale n'est pas le règlement no 3830/91, mais la décision 81/1061, précitée.

19

Il est donc clair que le règlement no 3833/91 ne porte pas application du règlement no 3830/91. Dans ces conditions, le Tribunal estime que les conclusions des requérants concernant le règlement no 3833/91 sont sans objet.

Sur la recevabilité des conclusions relatives aux règlements nos 3830/91 et 3834/91

Arguments des parties

20

La défenderesse considère que les conclusions tendant à voir déclarer inapplicable la nouvelle méthode établie par le règlement no 3830/91 et mise en œuvre par le règlement no 3834/91 sont irrecevables pour cause de tardiveté. La première application de ces règlements aurait été le rappel de rémunération opéré à la fin du mois de décembre 1991, confirmé par le bulletin supplémentaire y afférent, qui constituerait l'acte faisant grief pour les besoins du calcul du délai de recours, ainsi que par une communication explicative au personnel, également du mois de décembre 1991. Les réclamations des 13 et 14 avril 1992 auraient donc été introduites après l'expiration du délai de trois mois prévu au statut. Le fait que les règlements n'ont été publiés au Journal officiel que le 31 décembre 1991 serait sans importance car, en tout état de cause, les requérants auraient disposé de tous les éléments pertinents avant le 15 janvier 1992. La communication au personnel et le fait que les requérants étaient membres actifs d'une OSP directement impliquée dans le dossier salarial constitueraient des preuves supplémentaires à cet égard.

21

En réponse, les requérants considèrent que le rappel de rémunération opéré au mois de décembre 1991 n'a pas donné lieu à l'établissement d'un bulletin de rémunération, mais à une simple opération comptable, effectuée avant même l'adoption ou la publication de l'acte qui en constituait le fondement. En tout cas, il ne s'agirait pas d'une fiche faisant apparaître clairement l'existence de la décision sur la base de laquelle elle a été établie (voir l'arrêt de la Cour du 27 juin 1989, Giordani/Commission, 200/87, Rec. p. 1877) et une comparaison avec les fiches normales n'aurait pu être effectuée qu'avec le bulletin de rémunération du 15 janvier 1992, après avoir pris connaissance des règlements en cause, tels que publiés au Journal officiel du 31 décembre 1991. En ce qui concerne la communication au personnel, les requérants soulignent que c'est la publication qui conditionne l'entrée en vigueur des règlements, et non pas une annonce informelle. Par ailleurs, cette communication ne serait ni motivée, ni datée, et n'aurait pas été portée individuellement à la connaissance des requérants.

Appréciation du Tribunal

22

Le Tribunal constate, tout d'abord, que le document intitulé «bollettino di stipendio», produit par la défenderesse (en annexe 12 au mémoire en défense) a été distribué à chacun des requérants avant que les règlements leur servant de base légale ne soient entrés en vigueur et avant que Iesdits règlements n'aient été publiés. Il en résulte, d'une part, que les bulletins constatant les rappels dont ont bénéficié les requérants au mois de décembre 1991 ont été émis en l'absence de toute base légale en vigueur au moment de leur émission et, d'autre part, que les requérants n'étaient pas en mesure, au moment où ils les ont reçus, d'avoir pleinement connaissance du contexte juridique pertinent.

23

En outre, le Tribunal relève que le «bollettino di stipendio» de décembre 1991 n'est pas facile à interpréter et qu'il semble faire état de diverses adaptations, tant positives que négatives, couvrant la période de 18 mois allant de juillet 1990 à décembre 1991. Sans autre indication, il était difficile de comprendre sur quelles bases et pour quelles raisons il avait été procédé à chacune de ces adaptations. Par ailleurs, la date précise de la communication de ce document et du versement du rappel n'a pas été établie, bien qu'il soit constant qu'elle se situe avant la publication et l'entrée en vigueur des règlements nos 3830/91 et 3834/91.

24

Dans ces conditions, le Tribunal estime que ce document intitulé «bollettino di stipendio» ne remplit pas les critères posés dans la jurisprudence de la Cour et du Tribunal selon laquelle la communication de la fiche mensuelle de traitement a pour effet de faire courir les délais de recours contre une décision administrative lorsque cette fiche fait apparaître clairement la portée de cette décision (voir, en dernier lieu, l'arrêt du Tribunal du 1er octobre 1992, Schavoir/Conseil, T-7/91, Rec. p. II-2307, point 34).

25

Dans ces circonstances, le Tribunal estime que les bulletins constatant les rappels dont ont bénéficié les requérants au mois de décembre 1991 ne leur sont pas opposables aux fins du calcul des délais de procédure.

26

La publication ultérieure des règlements en cause ne modifie pas cette conclusion. Le Tribunal estime qu'un bulletin de rémunération qui n'est pas clair, et dont les actes normatifs de base font défaut au moment où il a été reçu, n'est pas de nature à faire courir le délai prévu par l'article 90, paragraphe 2, du statut.

27

Il en va de même en ce qui concerne la communication informelle au personnel de décembre 1991, invoquée par la Commission. Par ailleurs, la Commission n'a pas démontré si, ou à quelle date, cette communication à été portée à la connaissance des requérants.

28

Il s'ensuit que les conclusions des requérants relatives aux règlements nos 3830/91 et 3834/91 sont recevables.

Sur le fond

Sur les griefs et moyens avancés par les requérants

29

A l'appui de leurs demandes d'annulation de leur bulletin de rémunération de janvier 1992 les requérants avancent, en substance, quatre moyens tirés respectivement d'une violation de l'article 65, paragraphe 1, du statut, d'une violation de l'article 190 du traité CE, d'une violation du principe d'équité ainsi que des principes de sollicitude et de bonne administration et d'une violation du principe de confiance légitime.

30

Néanmoins, il ressort de leurs mémoires écrits que les requérants contestent, en fait, trois groupes de dispositions distinctes, à savoir: les dispositions introduites dans le statut par le règlement no 3830/91 selon lesquelles l'adaptation des rémunérations des fonctionnaires communautaires tient compte de l'évolution parallèle en baisse du pouvoir d'achat des fonctionnaires nationaux (I), la disposition, également introduite par règlement no 3830/91, selon laquelle l'indice commun prévu à l'article 65 du statut est pondéré de façon à incorporer pour 25 % la composante Bruxelles-capitale de l'indice belge (II), et l'instauration d'une contribution temporaire par le règlement no 3831/91 (III).

31

Étant donné que les requérants n'invoquent pas tous leurs moyens contre chacun de ces trois groupes de dispositions, il convient de considérer séparément chaque groupe de dispositions attaquées et les moyens y afférents.

I — Sur la prise en compte, dans l'adaptation des rémunérations des fonctionnaires communautaires, de l'évolution en baisse du pouvoir d'achat des fonctionnaires nationaux

32

Il convient d'abord de préciser que, selon l'annexe XI du statut, insérée par le règlement no 3830/91, l'adaptation annuelle des rémunérations des fonctionnaires communautaires prévue par l'article 65 du statut doit prendre en compte deux éléments principaux, à savoir 1) l'évolution du coût de la vie supportée par les fonctionnaires communautaires à Bruxelles, telle que mesurée par un indice commun établi par l'Office statistique des Communautés européennes et 2) l'évolution du pouvoir d'achat des rémunérations des fonctionnaires nationaux, mesurée par des indicateurs spécifiques, également établis par l'Office statistique des Communautés européennes (voir notamment l'article 1er, paragraphes 1 à 4, et l'article 3, paragraphe 2, de l'annexe XI).

33

En ce qui concerne la prise en compte de l'évolution du pouvoir d'achat des rémunérations des fonctionnaires nationaux (principe dit du parallélisme), le quatrième considérant du règlement no 3830/91 prévoit «qu'il convient de réaffirmer le principe de l'évolution parallèle, en hausse et en baisse, du pouvoir d'achat des rémunérations des fonctionnaires nationaux des administrations centrales et des fonctionnaires des Communautés européennes». Ensuite, l'article 1er, paragraphe 4, de l'annexe XI du statut précise les modalités de l'établissement des indicateurs spécifiques «aux fins de mesurer en pourcentage l'évolution en hausse et en baisse du pouvoir d'achat des rémunérations dans les fonctions publiques nationales».

34

A cet égard, les requérants font valoir, en substance, que les dispositions susvisées du règlement no 3830/91 et de l'annexe XI du statut sont illégales dans la mesure où elles incluent, dans l'adaptation annuelle des rémunérations des fonctionnaires communautaires, la prise en compte des baisses éventuelles des salaires des fonctionnaires nationaux et non seulement des hausses. A l'appui de cette thèse, les requérants invoquent les quatre moyens indiqués ci-dessus.

Sur le moyen tiré de la violation de l'article 65, paragraphe 1, du statut

— Arguments des parties

35

Selon les requérants, la prise en compte, dans l'adaptation des salaires communautaires, des baisses éventuelles des salaires nationaux, et non seulement des hausses, est incompatible avec le droit des fonctionnaires communautaires à l'adaptation de leur rémunération au coût de la vie, tout en tenant compte des seules augmentations des salaires des fonctionnaires nationaux. Ce droit est consacré, selon eux, par l'article 65, paragraphe 1, du statut et par la jurisprudence de la Cour y afférente. Ils citent, à cet égard, les arrêts de la Cour du 5 juin 1973, Commission/Conseil (81/72, Rec. p. 575, point 10), du 26 juin 1975, Commission/Conseil (70/74, Rec. p. 795), du 6 octobre 1982, Commission/Conseil (59/81, Rec. p. 3329), et du 3 juillet 1985, Abrias e.a./Commission (3/83, Rec. p. 1995). En matière de rémunération, ces arrêts s'exprimeraient seulement en termes positifs tels que «augmentation», «relèvement» et «faire bénéficier».

36

Le Conseil ne serait pas libre d'introduire des dispositions contraires aux objectifs de l'article 65 du statut ainsi interprété par la Cour, son pouvoir d'appréciation étant limité aux augmentations en valeur réelle. Même si le Conseil avait eu la faculté de déroger aux critères antérieurs, il aurait dû le motiver clairement, en précisant que le règlement portait modification et non application de l'article 65.

37

Par ailleurs, même si le principe du parallélisme en hausse et en baisse était déjà inscrit dans la méthode précédente (qui aurait conduit huit fois à un résultat négatif), la légalité de celle-ci n'aurait jamais été examinée par la Cour, n'ayant pas été contestée dans les trois mois suivant son introduction.

38

En réponse, la partie défenderesse fait valoir, premièrement, que ni la Commission ni le Conseil ne sont liés par les méthodes précédentes; deuxièmement, il ne serait pas possible de mettre en cause la légalité d'une modification statutaire sur la base d'une autre disposition du statut (voir l'arrêt Abrias e.a./Commission, précité, point 20); troisièmement, il ressortirait du terme «notamment», utilisé à l'article 65, paragraphe 1, du statut, que le Conseil peut également tenir compte d'autres facteurs que l'augmentation des traitements publics; et, quatrièmement, les requérants auraient une conception erronée du principe du parallélisme qui n'impliquerait pas d'indexation automatique et ne constituerait pas un principe supérieur de droit (voir, à cet égard, les conclusions de l'avocat général M. VerLoren van Themaat sous l'arrêt du 6 octobre 1982, Commission/Conseil, précité, Rec. p. 3329, 3361, 3364, et les conclusions de l'avocat général M. Darmon sous l'arrêt Abrias e.a./Commission, précité. Rec. p. 1995, 1996, 2001 et suivantes).

39

La partie défenderesse souligne, en particulier, que le principe du parallélisme signifie que l'évolution du pouvoir d'achat moyen des fonctionnaires communautaires doit aller de pair avec celle des fonctionnaires nationaux, ce qui impliquerait nécessairement une évolution en hausse et en baisse. Ce fait serait précisé explicitement au quatrième considérant du règlement no 3830/91 ainsi que dans la méthode précédente (titre II, point 1.2., de l'annexe à la décision 81/1061 et deuxième considérant de celle-ci). La jurisprudence citée par le requérant ne contredirait pas cette interprétation.

— Appréciation du Tribunal

40

L'article 65, paragraphe 1, du statut se lit comme suit:

«Le Conseil procède annuellement à un examen du niveau des rémunérations des fonctionnaires et des autres agents des Communautés. Cet examen aura lieu en septembre sur base d'un rapport commun présenté par la Commission et fondé sur la situation au 1er juillet et dans chaque pays des Communautés, d'un indice commun établi par l'Office statistique des Communautés européennes en accord avec les services nationaux de statistiques des États membres.

Au cours de cet examen, le Conseil étudie s'il est approprié, dans le cadre de la politique économique et sociale des Communautés, de procéder à une adaptation des rémunérations. Sont notamment prises en considération l'augmentation éventuelle des traitements publics et les nécessités du recrutement.»

41

Le Tribunal constate qu'il ressort du libellé de cette disposition, premièrement, que le Conseil dispose d'une large marge d'appréciation quant à l'opportunité d'opérer une adaptation des rémunérations des fonctionnaires communautaires et quant aux facteurs à prendre en compte à cet égard et, deuxièmement, que l'augmentation des traitements publics dans les États membres ne constitue qu'un seul de ces facteurs, la prise en compte de leur diminution n'étant nullement exclue.

42

Le Tribunal estime, dans ces conditions, que les dispositions contestées de l'annexe XI du statut ne présentent aucune incompatibilité ou incohérence avec l'article 65, paragraphe 1, du statut.

43

Le Tribunal souligne, en outre, que la prise en compte de la diminution éventuelle des traitements publics nationaux a déjà été prévue dans la méthode précédente établie par la décision 81/1061. Le point 1.2. du titre II de l'annexe à cette décision, intitulé «Évolution des revenus réels des fonctionnaires nationaux — indicateurs spécifiques», se lit ainsi: «L'objet poursuivi est de mesurer en pourcentage l'évolution en hausse et en baisse du pouvoir d'achat des rémunérations dans les fonctions publiques nationales.»

44

Par ailleurs, le Tribunal considère que la notion même d'une «évolution parallèle» implique nécessairement qu'une diminution du pouvoir d'achat des fonctionnaires nationaux se reflète dans l'adaptation des rémunérations communautaires. Interprété en ce sens, le principe même du parallélisme va à l'encontre des arguments des requérants.

45

Enfin, si la jurisprudence de la Cour invoquée par les requérants se réfère au principe du parallélisme en termes positifs seulement (voir ci-dessus point 36), il faut reconnaître que la tendance économique générale à cette époque allait toujours dans le sens d'augmentations salariales et il est donc naturel que la Cour, tout comme le statut, se soit exprimée en termes reflétant cette situation. Toutefois, l'exclusion de la prise en compte de tout élément négatif ne peut être déduite simplement d'un tel choix de termes positifs, en l'absence d'une quelconque affirmation explicite en ce sens.

46

Il s'ensuit que le moyen tiré d'une violation de l'article 65, paragraphe 1, du statut doit être écarté.

Sur le moyen tiré d'une violation de l'article 190 du traité

— Arguments des parties

47

Pour les requérants, la motivation du règlement no 3830/91 est d'abord insuffisante, dans la mesure où la reaffirmation du «principe de l'évolution parallèle, en hausse et en baisse, du pouvoir d'achat des rémunérations» dans le quatrième considérant introduirait des différences fondamentales et non motivées par rapport à la formulation précédemment employée dans la décision 81/1061, laquelle visait à garantir une «évolution parallèle des rémunérations».

48

Ensuite, les requérants font valoir que la motivation du règlement no 3830/91 est contradictoire. Les termes «confirmer» et «préciser» dans le troisième considérant du règlement no 3830/91, se référant aux modalités précédentes, seraient trompeurs, car les modalités antérieures ne seraient ni confirmées ni précisées. Par ailleurs, le principe de l'évolution parallèle, même en baisse, introduit par le quatrième considérant du règlement no 3830/91, pourrait amener à ne pas prendre en compte le coût de la vie effectivement supporté, en contradiction avec le cinquième considérant et les dispositions de la nouvelle annexe XI du statut.

49

En réponse, la partie défenderesse rappelle que le principe de l'évolution en hausse et en baisse du pouvoir d'achat apparaissait déjà dans la décision 81/1061. Il n'y aurait pas de différences fondamentales entre le régime établi par cette décision et celui établi par le règlement no 3830/91. Quant au troisième considérant du règlement no 3830/91, il résulterait d'une lecture combinée de ses termes mêmes et des deux premiers considérants que le Conseil a simplement précisé et confirmé son approche antérieure afin de maintenir de bonnes relations avec les fonctionnaires. En ce qui concerne la prise en compte du coût de la vie, la défenderesse ne décèle aucune contradiction dans la motivation du règlement no 3830/91.

— Appréciation du Tribunal

50

Comme il a été déjà jugé ci-dessus, au point 43, le principe de la prise en compte de la diminution éventuelle des traitements publics nationaux a été prévu par la décision 81/1061 et, à cet égard, le Tribunal ne peut déceler aucune différence fondamentale entre la décision 81/1061 et le règlement no 3830/91. C'est donc à juste titre que le quatrième considérant du règlement no 3830/91 dit «qu'il convient de réaffirmer le principe d'évolution parallèle, en hausse et en baisse, du pouvoir d'achat...».

51

Il est également clair que les termes «confirmer» et «préciser» utilisés dans le troisième considérant du règlement no 3830/91 n'étaient pas trompeurs, étant donné que, de l'avis du Tribunal, l'objectif général du règlement no 3830/91 était de proroger la méthode précédente pour une période de dix ans tout en apportant certaines modifications aux modalités d'application, sans changer en rien les principes de base. En outre, le huitième considérant précise expressément «que le principe de parallélisme permet de prendre en compte la situation économique et sociale dans la même mesure que les États membres en ont tenu compte pour les fonctionnaires nationaux par leurs décisions relatives aux adaptations salariales».

52

Enfin, le Tribunal considère que la prise en compte dans l'adaptation annuelle des rémunérations communautaires de l'évolution en hausse et en baisse des traitements publics nationaux ne présente aucune contradiction avec la prise en compte, mentionnée au cinquième considérant du règlement no 3830/91, des «évolutions du coût de la vie effectivement supportées par les fonctionnaires». Comme il a déjà été indiqué ci-dessus (point 32), il est procédé à l'adaptation annuelle sur la base de ces deux éléments indépendants, qui sont tous les deux pris en considération conformément à l'article 3, paragraphe 2, de l'annexe XI du statut.

53

Il s'ensuit que ce moyen n'est pas fondé.

Sur les moyens tirés d'une violation du principe d'équité ainsi que des principes de sollicitude et de bonne administration

— Arguments des parties

54

Les requérants font valoir que le principe du parallélisme en hausse ou en baisse conduit à comparer de manière arbitraire des situations juridiques différentes, à savoir celle des fonctionnaires nationaux et celle des fonctionnaires communautaires, en contradiction avec les dispositions du traité concernant le statut et le traitement des fonctionnaires communautaires. Par ailleurs, le droit, garanti par l'article 65 du statut, de percevoir une rémunération adaptée à l'augmentation du coût de la vie ne devrait pas dépendre de circonstances aléatoires et propres à un État membre, telles que l'augmentation de la fiscalité ou de l'inflation. Les requérants soulignent à nouveau que, selon l'article 65, seules les augmentations des traitements nationaux peuvent être prises en considération.

55

Le parallélisme appliqué à la baisse, qui rendrait au moins partiellement aléatoire l'adaptation des rémunérations, serait également incompatible avec le devoir de l'institution, en dehors de l'article 65 du statut, d'indemniser le fonctionnaire de l'augmentation du coût de la vie et de lui permettre d'exercer ses fonctions sans être entravé par des obstacles économiques.

56

La défenderesse rappelle que la prise en considération de l'évolution des traitements publics nationaux se rapporte à l'un des éléments expressément prévus à l'article 65, paragraphe 1, du statut, qui ne se limiterait pas aux seules augmentations. Elle ne voit aucune contradiction avec les dispositions du traité et renvoie aux considérations qu'elle a déjà avancées à propos du principe du parallélisme (voir les points 38 et 39 ci-dessus). En tout état de cause, les arguments des requérants seraient sans lien avec les principes d'équité, de sollicitude ou de bonne administration.

— Appréciation du Tribunal

57

Le Tribunal a déjà jugé au point 42 ci-dessus que le principe du parallélisme en hausse et en baisse, établi depuis au moins 1981, n'est pas incompatible avec l'article 65 du statut et les requérants n'ont cité aucune autre disposition avec laquelle il présenterait une incohérence.

58

Le Tribunal ne considère pas qu'une disposition statutaire régulièrement adoptée par le Conseil puisse être mise en cause au motif d'une prétendue violation des principes d'équité, de sollicitude ou de bonne administration (voir par exemple, les arrêts du Tribunal du 17 juin 1993, Arauxo-Dumay/Commission, T-65/92, Rec. p. II-597, point 37, et du 30 juin 1993, Devillez e.a./Parlement, T-46/90 Rec. p. II-699, point 37).

59

Par ailleurs, le Tribunal n'estime nullement inéquitable ni contraire aux principes de sollicitude et de bonne administration un système qui prévoit que les adaptations des rémunérations des fonctionnaires communautaires tiennent compte, entre autres, des fluctuations du pouvoir d'achat des fonctionnaires nationaux (voir, à cet égard, le huitième considérant du règlement no 3830/91, précité).

60

Il s'ensuit que ces moyens doivent être rejetés.

Sur le moyen tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime

— Arguments des parties

61

Les requérants soutiennent que le personnel peut placer une confiance légitime dans l'application correcte des dispositions du statut, et notamment de son article 65. Or, l'adoption d'une disposition prévoyant un parallélisme en baisse comme en hausse constituerait une modalité d'application dudit article 65 mais n'en respecterait ni le texte ni l'esprit.

62

Par ailleurs, ils auraient placé une confiance légitime dans le maintien d'une certaine valeur effective de leur rémunération par rapport au coût de la vie, confiance fondée sur le point IV.4. de certaines dispositions communes aux concours généraux et contenues dans l'avis du concours sur la base duquel ils ont été recrutés, selon lequel «la rémunération d'un fonctionnaire est affectée d'un coefficient correcteur correspondant aux fluctuations du coût de la vie». Cette disposition régirait l'acte de nomination et constituerait un élément important dans l'évaluation faite par chaque fonctionnaire avant de décider d'entrer au service des Communautés.

63

Enfin, la défenderesse ne pourrait pas se prévaloir à cet égard du référendum du 18 octobre 1991, qui aurait été illégal, n'étant prévu par aucune réglementation ni convention et ayant été organisé par la Commission elle-même et non par le personnel, dans un délai trop court pour permettre aux partisans du «non» de se mobiliser. En outre, la question aurait été posée de manière à pouvoir laisser croire que le fait de voter «non» équivalait à voter contre le principe même d'une méthode.

64

La partie défenderesse rappelle d'abord ses arguments concernant l'article 65 du statut, déjà résumés ci-dessus. Elle souligne ensuite que les fonctionnaires communautaires sont engagés sous un régime statutaire, par acte unilatéral, et non par les liens d'un contrat représentant un concours de volontés. En raison de ce lien réglementaire, le fonctionnaire ne pourrait se prévaloir d'une confiance légitime dans le maintien inchangé des règles statutaires et le fait que la nomination trouve sa source primaire dans un avis de concours ne changerait pas cette situation. Quant au référendum, la défenderesse estime que celui-ci était opportun et s'est déroulé dans des conditions régulières. Elle cite à cet égard l'ordonnance de la Cour du 3 décembre 1992, TAO/AFI/Commission (C-322/91, Rec. p. I-6373).

— Appréciation du Tribunal

65

Le Tribunal rappelle qu'il a déjà jugé (ci-dessus, point 42) que le principe du parallélisme en hausse et en baisse ne présente aucune contradiction avec l'article 65 du statut et estime que ce principe ne peut donc pas violer une quelconque confiance légitime dans l'application correcte de cette disposition.

66

Quant à la confiance légitime qu'ils auraient placée dans le respect des dispositions de l'avis de concours qu'ils auraient pris en considération lorsqu'ils ont décidé d'entrer dans la fonction publique communautaire, il y a lieu de relever que les requérants n'ont produit aucun document reproduisant les dispositions en cause, ni identifié le ou les concours au(x)quel(s) ils ont participé et sur la base du ou desquel(s) ils ont été recrutés. En outre, il semble que la citation des requérants, qui se réfère aux «coefficients correcteurs» appliqués à «la rémunération ... d'un fonctionnaire», ne vise pas l'adaptation annuelle des rémunérations qui fait l'objet du litige.

67

Par ailleurs, le Tribunal a déjà constaté que le règlement no 3830/91 a simplement prorogé le principe du parallélisme en hausse et en baisse déjà prévu par la décision 81/1061. Les requérants ne sauraient donc se prévaloir d'une violation de leur confiance légitime plus de dix ans après l'adoption du principe en cause.

68

En tout état de cause, même dans l'hypothèse d'une modification du régime statutaire — ce qui n'est pas le cas en l'espèce — un fonctionnaire ne peut se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime pour s'opposer à la légalité d'une disposition réglementaire nouvelle, surtout dans un domaine dont l'objet comporte une constante adaptation en fonction des variations de la situation économique (voir notamment l'arrêt de la Cour du 14 juin 1988, Christianos/Cour de justice, 33/87, Rec. p. 2995, point 23, et l'arrêt du Tribunal du 26 octobre 1993, Reinarz/Commission, T-6/92 et T-52/92, Rec. p. II-1047, point 85).

69

Il en découle que ce moyen doit être écarté.

II — Sur la pondération de l'indice commun de façon à incorporer pour 25 % l'indice belge (composante Bruxelles-capitale)

70

Les requérants contestent la légalité du règlement no 3830/91 dans la mesure où il dispose que l'indice commun prévu à l'article 65 du statut doit être pondéré de façon à incorporer pour 25 % l'indice belge (composante Bruxelles-capitale). Ils contestent également la légalité du règlement no 3834/91 dans la mesure où il porte application du règlement no 3830/91.

71

Pour mieux cerner la portée des arguments des parties, il y a lieu de préciser que, selon l'article 65, paragraphe 1, et l'article 1er, paragraphe 2, de l'annexe XI du statut, l'indice commun est établi par l'Office statistique des Communautés européennes afin de mesurer l'évolution du coût de la vie supportée par les fonctionnaires communautaires à Bruxelles. L'article 3, paragraphe 2, de l'annexe XI du statut, introduit par le règlement no 3830/91, a pour effet de pondérer l'indice commun ainsi établi à hauteur de 25 % par l'indice belge (composante Bruxelles-capitale). Il est constant que certaines différences existent entre l'indice commun et l'indice belge, notamment en ce qui concerne le traitement des loyers. Toutefois, à titre d'exemple, il ressort de l'annexe 13 au mémoire en défense ainsi que des déclarations faites par la partie défenderesse à l'audience, qui n'ont pas été contredites par les requérants, que l'effet de la pondération contestée pour les adaptations de 1991 et de 1993 a été le suivant:

Évolution du coût de la vie

 

Indice Commun

Indice belge (Bruxelles-capitale)

1991

+ 4,2 %

+ 3,9 %

1993

+ 2,1 %

+ 2,4 %

Adaptation au titre du coût de la vie

1991

4,2 % x 75 % + 3,9 % x 25 %

= 4,1 %

1993

2,1 % x 75 % + 2,4 % x 25 %

= 2,2 %

Il apparaît, donc, qu'en 1991 la pondération contestée a eu un effet légèrement négatif sur l'adaptation des rémunérations des fonctionnaires (- 0,1 %), tandis qu'en 1993 l'effet était légèrement positif (+ 0,1 %).

Arguments des parties

72

Les requérants font valoir, d'abord, que le règlement no 3830/91 n'est pas suffisamment motivé. L'incorporation de l'indice belge, composante Bruxelles-capitale, ne serait pas motivée autrement que par les mots «il est apparu opportun» dans le septième considérant; même les objectifs généraux du règlement no 3830/91 n'auraient pas été indiqués. Les requérants ne pourraient pas connaître cette motivation, puisqu'ils n'auraient pas été associés personnellement au processus d'élaboration du règlement; l'association des OSP à ce processus n'aurait pas été suffisante et, par ailleurs, le personnel n'aurait pas été suffisamment informé.

73

Les requérants font ensuite valoir que l'incorporation de cet indice est en contradiction avec le principe du parallélisme et avec l'article 65 du statut, disposition que le Conseil n'aurait pas le droit de modifier sans motivation. Même si cet article ne définit pas l'indice commun, il ne justifierait pas non plus l'utilisation de l'indice Bruxelles-capitale. Il s'agirait d'une innovation négative, car ne reflétant pas les habitudes de consommation des fonctionnaires communautaires.

74

Enfin, ils font valoir que la pondération est contraire à la prise en considération du coût de la vie effectif supporté par les fonctionnaires communautaires et incompatible avec la situation de ceux-ci, qu'ils soient affectés ou non à Bruxelles. Elle serait conçue pour faire baisser systématiquement l'indice commun et aurait pour effet de ne plus prendre en considération intégralement le coût de la vie.

75

La partie défenderesse rappelle d'abord la jurisprudence de la Cour selon laquelle la portée de l'obligation de motiver dépend de la nature de l'acte en cause, tout en citant les arrêts de la Cour Abrias e.a./Commission, précité, point 30, du 23 février 1978, An Bord Bainne (92/77, Rec. p. 497), du 27 septembre 1979, Eridania (230/78. Rec. p. 2749), et du 11 décembre 1980, Acciaierie e Ferriere Lucchini/Commission (1252/79, Rec. p. 3753).

76

A la lumière de cette jurisprudence, le règlement no 3830/91 serait suffisamment motivé par ses sixième et septième considérants concernant la pondération. En outre, le règlement no 3830/91 renverrait explicitement au rapport de la commission de concertation, qui se référerait expressément aux discussions sur l'indice commun. Le long processus de négociation avant l'adoption des règlements litigieux aurait été accompagné d'une information systématique du personnel et les requérants eux-mêmes auraient été membres actifs de l'une des OSP concernées.

77

Quant à la question de la compatibilité de la pondération retenue avec le principe du parallélisme et avec l'article 65 du statut, la défenderesse rappelle ses arguments déjà présentés et souligne, d'une part, que le statut ne contient aucune définition de l'indice commun et, d'autre part, que le règlement no 3830/91 n'a pas modifié l'article 65 du statut. En tout état de cause, les légères différences de structure entre les deux indices n'entraîneraient que des modifications mineures pouvant agir dans les deux sens.

78

Pour le reste, la défenderesse estime que les griefs des requérants sont trop imprécis ou procèdent d'une compréhension erronée des mécanismes d'adaptation des rémunérations.

Appréciation du Tribunal

79

En ce qui concerne la motivation du règlement no 3830/91 à l'égard de l'introduction de la pondération contestée, le Tribunal rappelle que dans son arrêt Abrias e.a./Commission, précité, la Cour a estimé que la motivation d'un acte d'application générale peut se borner à indiquer, d'une part, la situation d'ensemble qui a conduit à son adoption et, d'autre part, les objectifs généraux qu'il se propose d'atteindre (points 30 et 31).

80

En l'espèce, les sixième et septième considérants du règlement no 3830/91 se lisent comme suit:

«considérant toutefois que des travaux d'analyse des problèmes existants en vue de favoriser une meilleure comparabilité des indices de prix seront entrepris sous l'égide de l'Office statistique des Communautés européennes, afin d'accélérer la rationalisation de la méthodologie d'établissement de ces indices;

considérant que, dans ce contexte, il est apparu opportun que l'adaptation annuelle soit réalisée sur la base de l'indice commun prévu à l'article 65 du statut, pondéré de façon à incorporer pour 25 % l'indice belge (composante Bruxelles-capitale)».

81

Le Tribunal estime que ces considérants, en indiquant que la pondération contestée a été introduite dans le cadre des efforts pour améliorer l'efficacité des indices en cause, répondent aux exigences de l'article 190 du traité. D'ailleurs, ledit article 190 n'exige pas une motivation détaillée des aspects techniques des modalités de calcul dans un règlement d'exécution (voir l'arrêt de la Cour du 30 novembre 1978, Welding, 87/78, Rec. p. 2457, point 11).

82

En ce qui concerne les autres arguments des requérants, il convient de noter d'abord que l'article 65, paragraphe 2, du statut ne contient aucune définition de l'indice commun. Par conséquent, rien n'empêchait le Conseil, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, d'adopter l'article 3, paragraphe 2, de l'annexe XI du statut en définissant ainsi les modalités d'application de l'article 65 du statut (voir également l'arrêt Abrias e. a./Commission, précité, point 20). Par ailleurs, s'agissant d'un ajustement technique relativement mineur de l'indice commun, le Tribunal ne peut déceler aucune contradiction entre, d'une part, l'article 3, paragraphe 2, de l'annexe XI du statut et, d'autre part, l'article 65 du statut et les autres dispositions de l'annexe XI.

III — Sur la contribution temporaire introduite par le règlement no 3831/91

83

Les requérants avancent, en substance, deux moyens à l'encontre de la contribution temporaire introduite par le règlement no 3831/91, l'un tiré d'une motivation insuffisante et contradictoire en violation de l'article 190 du traité et l'autre tiré d'un détournement de procédure et d'un abus de pouvoir.

Sur le moyen tiré d'une violation de l'article 190 du traité

— Arguments des parties

84

Les requérants font valoir qu'il n'est pas possible de dégager la motivation du règlement no 3831/91 de ses considérants.

85

En ce qui concerne la référence à une solution d'ensemble dans le premier considérant du règlement no 3831/91, les requérants maintiennent que la motivation est contradictoire, cette solution ne correspondant pas à la qualification de contrepartie donnée au prélèvement dans l'arrêt Abrias e.a./Commission, précité, et les éléments interdépendants évoqués étant négatifs. La prétendue contrepartie sous forme d'autolimitation de son pouvoir d'appréciation par le Conseil ne serait pas réelle, car ce pouvoir se limiterait à l'octroi d'augmentations réelles. En outre, à la différence de l'affaire Abrias e.a./Commission, il ne serait pas fait référence, dans la présente espèce, aux difficultés particulières de la situation économique et sociale. La survenance ultérieure d'une crise ne pourrait servir de justification a posteriori. Enfin, l'utilisation du terme «temporaire» pour se référer à une durée globale de 20 ans serait contradictoire.

86

En ce qui concerne la référence faite aux travaux de la commission de concertation, les requérants font valoir que les négociations et la procédure de concertation ont été interrompues. Par ailleurs, la question de savoir si les requérants ont été personnellement associés aux discussions serait sans pertinence, un acte normatif de portée générale devant être motivé pour tous ses destinataires.

87

La partie défenderesse maintient que les conditions essentielles posées par la jurisprudence de la Cour (voir le point 74 ci-dessus) sont réunies également pour le règlement no 3831/91. En effet, les circonstances auraient été à tel point notoires qu'une explication plus poussée aurait été superflue: la contribution temporaire serait une mesure de modération salariale rendue nécessaire par une situation sociale et économique difficile, dans laquelle de nombreuses mesures similaires affectaient les fonctionnaires nationaux. A cet égard, la défenderesse se réfère à ses rapports annuels 1990/1991 et 1991/1992 sur la situation économique de la Communauté (respectivement JO 1991, L 252, p. 17, et JO 1992, L 85, p. 1).

88

Par ailleurs, la référence faite aux étapes essentielles ayant précédé l'entrée en vigueur du règlement rendrait suffisante, conformément à l'opinion de l'avocat général M. Darmon sous l'arrêt Abrias e.a./Commission, précité, une motivation succincte. Les discussions avec les OSP se seraient accompagnées d'une information systématique de l'ensemble du personnel, et l'appartenance des requérants à l'une de ces OSP leur aurait, en plus, permis de connaître d'autant mieux les finalités de la mesure attaquée.

89

En ce qui concerne le caractère prétendument contradictoire de la motivation, la défenderesse souligne que les travaux et négociations ont abouti à une décision d'ensemble, dans laquelle il a été tenu compte du fait qu'il serait équitable de faire supporter par les fonctionnaires communautaires les mêmes efforts de freinage sur le plan des salaires que dans les États membres ainsi que du fait que le Conseil limitait considérablement, pendant dix ans, son pouvoir d'appréciation en la matière, cette autolimitation constituant la contrepartie dont il est question dans l'arrêt Abrias e.a./Commission. La contribution temporaire constituerait donc un sacrifice de la part des fonctionnaires, ainsi qu'il ressortirait du premier considérant du règlement no 3831/91.

— Appréciation du Tribunal

90

Le Tribunal relève d'abord que, à la différence de celle du règlement no 3821/81, dont il était question dans l'arrêt Abrias e.a./Commission, précité, la motivation du règlement no 3831/91 ne fait pas référence aux difficultés particulières de la situation économique et sociale. En outre, le rapport de la commission de concertation du 29 octobre 1991 - qui est cité dans le préambule du règlement no 3831/91 et qui est le seul document que la partie défenderesse a versé au dossier attestant des travaux de ladite commission - se borne à indiquer que l'instauration de la contribution temporaire faisait partie d'un compromis avancé par la présidence néerlandaise. La majeure partie de ce rapport est consacrée aux positions des OSP.

91

Néanmoins, conformément à la jurisprudence de la Cour dans l'arrêt Abrias ca./Commission, précité, la motivation d'un règlement comme celui de l'espèce peut être succincte (voir également l'arrêt de la Cour du 4 février 1982, Adam/Commission, 828/79, Rec. p. 269, point 37).

92

A cet égard, le Tribunal relève, en premier lieu, que les considérants du règlement no 3831/91 indiquent clairement que le Conseil entendait instaurer, sous forme d'une contribution temporaire, «une mesure affectant ... les rémunérations versées par les Communautés aux fonctionnaires», ce qui implique nécessairement qu'il avait comme objectif l'introduction d'une mesure de modération salariale, comme l'a fait valoir la Commission.

93

En deuxième lieu, il est notoire - et confirmé par les considérants susvisés du règlement no 3831/91 - que la contribution litigieuse a été adoptée dans le contexte des longues négociations menées entre les Communautés et leur personnel, au cours desquelles les parties ont cherché à trouver une «solution d'ensemble» pour certains éléments interdépendants dans le domaine délicat des rémunérations. Ces négociations ont finalement abouti à un compromis dans lequel l'instauration de la contribution a été accompagnée notamment par le renouvellement de la méthode et son incorporation dans le statut, ce qui a satisfait à l'une des demandes principales des OSP. C'est dans ce cadre spécifique que tous les éléments importants de la contribution, à savoir son niveau, ses modalités d'application et sa durée, ont également été négociés, comme le confirme le deuxième considérant du règlement no 3831/91.

94

En troisième lieu, il n'est pas nié que les intéressés - à savoir, non seulement les requérants mais l'ensemble des fonctionnaires communautaires - ont été tenus au courant du contenu et de la portée des négociations entreprises.

95

Dans un tel contexte et eu égard aux circonstances spécifiques du cas d'espèce — qui présentent, à de nombreux égards, les caractéristiques d'une négociation collective entre un employeur et ses employés —, le Tribunal considère que la motivation du règlement no 3831/91 donne une indication suffisante de la situation d'ensemble qui a conduit à son adoption ainsi que de ses objectifs généraux.

96

Quant à l'argument selon lequel la motivation du règlement litigieux est contradictoire, le Tribunal ne peut déceler aucune contradiction dans les considérants en cause. Le fait que les requérants estiment que les éléments compris dans «la solution d'ensemble», à laquelle se réfère le premier considérant du règlement no 3831/91, sont défavorables aux fonctionnaires ne suffit pas à établir le contraire.

97

Il s'ensuit que la motivation du règlement no 3831/91 n'a pas violé l'article 190 du traité et que, partant, ce moyen n'est pas fondé.

Sur le moyen tiré d'un détournement de procédure et d'un abus de pouvoir

98

Selon les requérants, la contribution temporaire, ayant la même finalité, la même structure et la même nature que l'ancien prélèvement de crise et représentant en volume global, en tenant compte de l'augmentation des contributions de pensions, un sacrifice comparable pour les fonctionnaires, constitue en fait une reconduction de ce prélèvement. La durée globale du régime «prélèvement-contribution» étant par ailleurs de 20 ans, il s'ensuivrait que la contribution temporaire est en réalité une taxe instaurée pour une durée indéterminée mais au moins supérieure à la moitié de la carrière d'un fonctionnaire. Le Conseil aurait donc pratiqué un détournement de procédure et commis un abus de pouvoir en introduisant, sans justification, un régime exceptionnel de prélèvement.

99

Pour la partie défenderesse, l'instauration de la contribution temporaire était légale et justifiée et les requérants n'ont pas apporté la preuve, par des indices objectifs, pertinents et concordants, que le règlement litigieux a été adopté pour atteindre des fins autres que celles excipées ou pour éluder une procédure (arrêt de la Cour du 20 juin 1991, Cargill/Commission, C-248/89, Rec. p. I-2987).

100

Le Tribunal souligne que l'article 66 bis du statut instaurant la contribution litigieuse, pour une durée déterminée, a été adopté par le Conseil dans l'exercice de son pouvoir législatif, conformément à l'article 24, paragraphe 1, deuxième alinéa, du traité instituant un Conseil unique et une Commission unique des Communautés européennes. En outre, comme le Tribunal l'a déjà jugé, la contribution a été instaurée dans le cadre d'un compromis complexe dans le domaine des rémunérations qui a été longuement négocié entre les Communautés et leur personnel. Dans ces circonstances, le Tribunal ne peut déceler aucun élément susceptible d'étayer les arguments des requérants concernant un abus de pouvoir ou un détournement de procédure.

101

Ce moyen doit donc être écarté.

IV — Sur les autres conclusions des requérants

102

Les requérants concluent également à ce que le Tribunal «déclare sans effet» le règlement no 3832/91 pour cause de connexité avec les autres règlements dont ils invoquent l'illégalité. Il ressort explicitement de leurs mémoires que ce chef de conclusions n'est pas autonome, mais subordonné à l'hypothèse que le Tribunal déclare inapplicables les autres règlements contestés.

103

Les requérants ont également conclu à ce que le Tribunal ordonne le remboursement des montants illégalement retenus en application des règlements contestés et, à titre subsidiaire, à ce que le Tribunal interprète le règlement no 3830/91 de façon à ce qu'il soit compatible avec l'article 65 du statut et la jurisprudence de la Cour.

104

Il découle de tout ce qui précède que ces conclusions sont devenues sans objet ou non fondées, sans qu'il soit nécessaire d'examiner leur recevabilité, et, par conséquent, que les recours doivent être rejetés dans leur intégralité.

Sur les dépens

105

Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, selon l'article 88 de ce même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs aģents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête:

 

1)

Les recours sont rejetés.

 

2)

Chacune des parties supportera ses propres dépens.

 

Briët

Saggio

Bellamy

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 juin 1994.

Le greffier

H. Jung

Le président

C. P. Briët


( *1 ) Langue de procédurc: le français

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