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Document 62019CO0058

Postanowienie Trybunału (siódma izba) z dnia 22 października 2019 r.
Mykola Yanovych Azarov przeciwko Radzie Unii Europejskiej.
Odwołanie – Środki ograniczające przyjęte w związku z sytuacją na Ukrainie – Zamrożenie środków finansowych i zasobów gospodarczych – Wykaz osób, podmiotów i organów, w odniesieniu do których ma zastosowanie zamrożenie środków finansowych i zasobów gospodarczych – Pozostawienie nazwiska skarżącego – Decyzja wydana przez organ państwa trzeciego – Spoczywający na Radzie Unii Europejskiej obowiązek zweryfikowania, czy decyzja ta została wydana z poszanowaniem prawa do obrony i prawa do skutecznej ochrony sądowej – Obowiązek uzasadnienia.
Sprawa C-58/19 P.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2019:890

ORDONNANCE DE LA COUR (septième chambre)

22 octobre 2019 (*)

« Pourvoi – Mesures restrictives prises au regard de la situation en Ukraine – Gel de fonds et de ressources économiques – Liste des personnes, entités et organismes auxquels s’applique le gel des fonds et des ressources économiques – Maintien du nom du requérant – Décision d’une autorité d’un État tiers – Obligation du Conseil de l’Union européenne de vérifier que cette décision a été prise dans le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective – Obligation de motivation »

Dans l’affaire C‑58/19 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 25 janvier 2019,

Mykola Yanovych Azarov, demeurant à Kiev (Ukraine), représenté par Mes A. Egger et G. Lansky, Rechtsanwälte,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. J.-P. Hix et F. Naert, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. P. G. Xuereb, président de chambre, MM. T. von Danwitz (rapporteur) et A. Kumin, juges,

avocat général : M. G. Hogan,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, les parties et l’avocat général entendus, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 182 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, M. Mykola Yanovych Azarov demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 13 décembre 2018, Azarov/Conseil (T‑247/17, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2018:931), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision (PESC) 2017/381 du Conseil, du 3 mars 2017, modifiant la décision 2014/119/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes au regard de la situation en Ukraine (JO 2017, L 58, p. 34), et du règlement d’exécution (UE) 2017/374 du Conseil, du 3 mars 2017, mettant en œuvre le règlement (UE) no 208/2014 concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes au regard de la situation en Ukraine (JO 2017, L 58, p. 1), en ce qu’ils le concernent (ci-après les « actes litigieux »).

 Les antécédents du litige

2        Le 5 mars 2014, le Conseil de l’Union européenne a adopté la décision 2014/119/PESC, concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes au regard de la situation en Ukraine (JO 2014, L 66, p. 26). Aux termes de l’article 1er, paragraphes 1 et 2, de cette décision :

« 1.      Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant aux personnes qui ont été identifiées comme étant responsables de détournement de fonds appartenant à l’État ukrainien et à des personnes responsables de violations des droits de l’homme en Ukraine, ainsi qu’à des personnes physiques ou morales, à des entités ou à des organismes qui leur sont liés, dont la liste figure à l’annexe, de même que tous les fonds et ressources que ces personnes, entités ou organismes possèdent, détiennent ou contrôlent.

2.      Aucun fonds ni aucune ressource économique n’est, directement ou indirectement, mis à la disposition des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes dont la liste figure à l’annexe, ou mis à leur profit. »

3        Ce même 5 mars 2014, le Conseil a adopté le règlement (UE) no 208/2014, concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes eu égard à la situation en Ukraine (JO 2014, L 66, p. 1), qui met en œuvre, en ce qui concerne l’Union européenne, les mesures restrictives prévues par la décision 2014/119.

4        Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, de ce règlement :

« Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant aux personnes physiques ou morales, entités ou organismes énumérés à l’annexe I, de même que tous les fonds et ressources économiques que ces personnes, entités ou organismes possèdent, détiennent ou contrôlent. »

5        L’article 3, paragraphe 1, dudit règlement prévoit :

« L’annexe I comprend les personnes qui, conformément à l’article 1er de la décision 2014/119/PESC, ont été identifiées par le Conseil comme étant responsables du détournement de fonds appartenant à l’État ukrainien, et les personnes responsables de violations des droits de l’homme en Ukraine, ainsi que les personnes physiques ou morales, les entités ou les organismes qui leur sont liés. »

6        Le requérant, identifié comme étant le « Premier ministre de l’Ukraine jusqu’en janvier 2014 », était inscrit sur les listes des personnes, des entités et des organismes dont les fonds et les ressources économiques sont gelés, figurant, respectivement, à l’annexe de la décision 2014/119 et à l’annexe I du règlement no 208/2014. Les motifs de son inscription sur ces listes étaient identiques et libellés comme suit :

« Personne faisant l’objet d’une enquête en Ukraine pour participation à des infractions liées au détournement de fonds publics ukrainiens et à leur transfert illégal hors d’Ukraine. »

7        Par la décision (PESC) 2015/143, du 29 janvier 2015, modifiant la décision 2014/119 (JO 2015, L 24, p. 16), le Conseil a modifié le libellé de l’article 1er, paragraphe 1, de cette dernière décision comme suit :

« Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant aux personnes ayant été identifiées comme étant responsables de détournement de fonds appartenant à l’État ukrainien et aux personnes responsables de violations des droits de l’homme en Ukraine, ainsi qu’aux personnes physiques ou morales, aux entités ou aux organismes qui leur sont liés, dont la liste figure à l’annexe, de même que tous les fonds et ressources que ces personnes, entités ou organismes possèdent, détiennent ou contrôlent.

Aux fins de la présente décision, les personnes identifiées comme étant responsables de détournement de fonds appartenant à l’État ukrainien incluent des personnes faisant l’objet d’une enquête des autorités ukrainiennes :

a)      pour détournement de fonds ou d’avoirs publics ukrainiens, ou pour complicité dans un tel détournement ; ou

b)      pour abus de pouvoir en qualité de titulaire de charge publique dans le but de se procurer à lui-même ou de procurer à un tiers un avantage injustifié, causant ainsi une perte pour les fonds ou avoirs publics ukrainiens, ou pour complicité dans un tel abus. »

8        Par le règlement (UE) 2015/138, du 29 janvier 2015, modifiant le règlement no 208/2014 (JO 2015, L 24, p. 1), le Conseil a modifié le libellé de l’article 3 de ce dernier règlement dans des termes similaires.

9        Par la décision (PESC) 2015/364, du 5 mars 2015, modifiant la décision 2014/119 (JO 2015, L 62, p. 25), et le règlement d’exécution (UE) 2015/357, du 5 mars 2015, mettant en œuvre le règlement no 208/2014 (JO 2015, L 62, p. 1), le Conseil a maintenu le nom du requérant sur ces listes sur la base d’un réexamen et prorogé l’application des mesures restrictives prises contre lui jusqu’au 6 mars 2016, pour les motifs suivants :

« Personne faisant l’objet d’une procédure pénale de la part des autorités ukrainiennes pour détournement de fonds ou d’avoirs publics. »

10      Par la décision (PESC) 2016/318, du 4 mars 2016, modifiant la décision 2014/119 (JO 2016, L 60, p. 76), et le règlement d’exécution (UE) 2016/311, du 4 mars 2016, mettant en œuvre le règlement no 208/2014 (JO 2016, L 60, p. 1), le Conseil a maintenu le nom du requérant sur lesdites listes sur la base d’un réexamen et prorogé l’application des mesures restrictives prises contre lui jusqu’au 6 mars 2017, sans modification de ces motifs.

11      Par les actes litigieux, le Conseil a maintenu le nom du requérant sur ces mêmes listes sur la base d’un réexamen et prorogé l’application des mesures restrictives prises contre lui jusqu’au 6 mars 2018, sans modification desdits motifs.

12      Par arrêt du 19 décembre 2018, Azarov/Conseil (C‑530/17 P, EU:C:2018:1031), la Cour a annulé l’arrêt du Tribunal du 7 juillet 2017, Azarov/Conseil (T‑215/15, EU:T:2017:479), ainsi que la décision 2015/364 et le règlement d’exécution 2015/357, en ce qu’ils concernaient le requérant.

13      Par arrêt du 11 juillet 2019, Azarov/Conseil (C‑416/18 P, non publié, EU:C:2019:602), la Cour a annulé l’arrêt du Tribunal du 26 avril 2018, Azarov/Conseil (T‑190/16, non publié, EU:T:2018:232), ainsi que la décision 2016/318 et le règlement d’exécution 2016/311, en ce qu’ils concernaient le requérant.

 Le recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

14      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 27 avril 2017, le requérant a introduit un recours tendant à l’annulation des actes litigieux, en invoquant deux moyens, tirés, le premier, de la violation des droits fondamentaux et, le second, d’une erreur manifeste d’appréciation commise par le Conseil en adoptant ces actes.

15      Le Tribunal a écarté chacun de ces moyens et a, par voie de conséquence, rejeté le recours dans son ensemble.

 Les conclusions du requérant devant la Cour

16      Le requérant demande à la Cour :

–        d’annuler l’arrêt attaqué ;

–        de trancher elle-même le litige de manière définitive en annulant les actes litigieux en ce qu’ils le concernent et en condamnant le Conseil aux dépens de la procédure devant la Cour et le Tribunal ;

–        subsidiairement, de renvoyer l’affaire au Tribunal pour qu’il statue, conformément à l’appréciation juridique de la Cour, et de réserver les dépens.

 Sur le pourvoi

 Sur l’application de l’article 182 du règlement de procédure de la Cour

17      En vertu de l’article 182 du règlement de procédure de la Cour, lorsque la Cour a déjà statué sur une ou plusieurs questions de droit identiques à celles soulevées par les moyens du pourvoi, principal ou incident, et qu’elle considère que le pourvoi est manifestement fondé, elle peut, sur proposition du juge rapporteur, les parties et l’avocat général entendus, décider de déclarer le pourvoi manifestement fondé par voie d’ordonnance motivée comportant référence à la jurisprudence pertinente.

18      Le requérant avance que les conditions d’application de cet article sont réunies, dans la mesure où, premièrement, l’arrêt attaqué est motivé en des termes quasiment identiques à ceux de l’arrêt du Tribunal du 7 juillet 2017, Azarov/Conseil (T‑215/15, EU:T:2017:479), que la Cour a annulé par l’arrêt du 19 décembre 2018, Azarov/Conseil (C‑530/17 P, EU:C:2018:1031). Deuxièmement, les questions de droit sur lesquelles la Cour a statué dans le cadre de ce dernier arrêt seraient identiques à celles soulevées par les moyens du présent pourvoi.

19      Le Conseil estime qu’il ne serait pas opportun de faire application dudit article, l’arrêt du 19 décembre 2018, Azarov/Conseil (C‑530/17 P, EU:C:2018:1031), ne pouvant être directement transposé en l’espèce, en particulier sur le point de savoir si la Cour peut, en cas d’annulation de l’arrêt attaqué, statuer sur le recours. À cet égard, le Conseil soutient que le requérant n’aurait pas fondé son recours en première instance sur un défaut de motivation des actes litigieux et le pourvoi ne contiendrait aucun moyen correspondant. Il ressortirait également du contexte de l’adoption de ces actes que le Conseil se serait penché sur la question du respect du droit à une protection juridictionnelle effective en Ukraine, en aurait informé le requérant avant l’adoption desdits actes et aurait démontré que les enquêtes menées par le procureur général de l’Ukraine étaient soumises au contrôle des tribunaux ukrainiens. Il conviendrait d’examiner ce recours en tenant compte de ces circonstances.

20      En l’occurrence, il y a lieu de constater que les moyens du pourvoi soulèvent des questions de droit identiques à celles sur lesquelles la Cour a statué dans les arrêts du 19 décembre 2018, Azarov/Conseil (C‑530/17 P, EU:C:2018:1031), et du 11 juillet 2019, Azarov/Conseil (C‑416/18 P, non publié, EU:C:2019:602). Par conséquent, il convient de faire application de l’article 182 du règlement de procédure dans la présente affaire.

 Sur le fond

21      Le requérant soulève deux moyens au soutien de son pourvoi, tirés, le premier, d’une erreur de droit commise par le Tribunal en ayant constaté que le Conseil n’avait commis aucune erreur manifeste d’appréciation en adoptant les actes litigieux et, le second, d’une violation, par le Tribunal, du droit à une procédure équitable visé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

 Argumentation du requérant

22      Par son premier moyen, le requérant fait valoir que le Tribunal a estimé, à tort, aux points 103 à 166 de l’arrêt attaqué, que le Conseil n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en adoptant les actes litigieux. À cet égard, le requérant invoque, d’une part, les points 20, 22 et 26 de l’arrêt du 19 décembre 2018, Azarov/Conseil (C‑530/17 P, EU:C:2018:1031), concernant les obligations de contrôle du Tribunal et de vérification du Conseil lorsque ce dernier se fonde sur la décision d’un État tiers. Il soutient, d’autre part, que le Tribunal a commis une erreur de droit quant à l’obligation de motivation du Conseil, rappelée aux points 29 et 30 de cet arrêt, et souligne que les actes litigieux ne font pas état de ce que le Conseil aurait vérifié le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective du requérant. Ce dernier ajoute que le Tribunal a méconnu les règles relatives à la répartition de la charge de la preuve et l’importance de la protection des droits fondamentaux, son raisonnement concernant l’incidence de cette protection sur la légalité du maintien des mesures restrictives en cause, tel qu’exposé aux points 161 et 162 de l’arrêt attaqué, étant erroné. Se fondant sur l’arrêt du 19 décembre 2018, Azarov/Conseil (C‑530/17 P, EU:C:2018:1031), le requérant soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant, contrairement à ce que la Cour a jugé dans l’arrêt du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE (C‑599/14 P, EU:C:2017:583), que le Conseil n’était pas tenu de vérifier que la décision d’un État tiers sur laquelle il entend fonder l’adoption de mesures restrictives a été prise dans le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective.

 Appréciation de la Cour

23      Selon la jurisprudence de la Cour, lors du contrôle de mesures restrictives, les juridictions de l’Union doivent assurer un contrôle, en principe complet, de la légalité de l’ensemble des actes de l’Union au regard des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union, au rang desquels figurent, notamment, le respect des droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective (arrêts du 19 décembre 2018, Azarov/Conseil, C‑530/17 P, EU:C:2018:1031, points 20 et 21 ainsi que jurisprudence citée, et du 11 juillet 2019, Azarov/Conseil, C‑416/18 P, non publié, EU:C:2019:602, point 22).

24      L’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux exige, ainsi que le Tribunal l’a rappelé à juste titre au point 108 de l’arrêt attaqué, que, au titre du contrôle de la légalité des motifs sur lesquels est fondée la décision d’inscrire ou de maintenir le nom d’une personne sur la liste des personnes faisant l’objet de mesures restrictives, le juge de l’Union s’assure que cette décision, qui revêt une portée individuelle pour cette personne, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur le point de savoir si ces motifs, ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir lesdits actes, sont étayés (arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 119 ; du 18 juin 2015, Ipatau/Conseil, C‑535/14 P, EU:C:2015:407, point 42 ; du 19 décembre 2018, Azarov/Conseil, C‑530/17 P, EU:C:2018:1031, point 22, ainsi que du 11 juillet 2019, Azarov/Conseil, C‑416/18 P, non publié, EU:C:2019:602, point 23).

25      En l’occurrence, comme le Tribunal l’a relevé aux points 56 et 103 à 105 de l’arrêt attaqué, les mesures restrictives prises à l’encontre du requérant ont été maintenues par les actes litigieux sur la base du critère d’inscription figurant à l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2014/119, telle que modifiée par la décision 2015/143, et à l’article 2, paragraphe 1, lu en combinaison avec l’article 3 du règlement no 208/2014, tel que modifié par le règlement 2015/138. Ce critère prévoit le gel des fonds des personnes qui ont été identifiées comme étant responsables de détournement de fonds publics, en ce compris les personnes faisant l’objet d’une enquête des autorités ukrainiennes.

26      À cet égard, il ressort des points 105, 106 et 123 à 132 de l’arrêt attaqué que, pour adopter ces mesures restrictives, le Conseil s’est fondé sur la circonstance que le requérant faisait l’objet d’« une procédure pénale de la part des autorités ukrainiennes pour détournement de fonds ou d’avoirs publics », ainsi que l’établissaient, notamment, les lettres émanant du bureau du procureur général de l’Ukraine adressées au haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité les 17 août et 16 novembre 2016, faisant état de procédures d’enquête ouvertes par l’administration judiciaire ukrainienne contre l’intéressé.

27      Il en résulte que le maintien, par les actes litigieux, des mesures restrictives prises à l’encontre du requérant repose sur la décision d’une autorité d’un État tiers, compétente à cet égard, d’engager et de mener des procédures d’enquête pénale portant sur des infractions de détournement de fonds publics. À cet égard, est dépourvue de pertinence la circonstance, relevée au point 155 de l’arrêt attaqué, que l’existence d’une telle décision constitue non pas le critère d’inscription fixé à l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2014/119, telle que modifiée par la décision 2015/143, mais la base factuelle sur laquelle reposent les mesures restrictives en cause (voir, en ce sens, arrêts du 19 décembre 2018, Azarov/Conseil, C‑530/17 P, EU:C:2018:1031, point 25, et du 11 juillet 2019, Azarov/Conseil, C‑416/18 P, non publié, EU:C:2019:602, point 26).

28      Or, il incombe au Conseil, avant de se fonder sur une décision d’une autorité d’un État tiers, de vérifier si celle-ci a été adoptée dans le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective (arrêts du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, point 24 ; du 19 décembre 2018, Azarov/Conseil, C‑530/17 P, EU:C:2018:1031, point 26, et du 11 juillet 2019, Azarov/Conseil, C‑416/18 P, non publié, EU:C:2019:602, point 27).

29      En effet, selon une jurisprudence bien établie, le Conseil est tenu, lorsqu’il adopte des mesures restrictives, de respecter les droits fondamentaux faisant partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union, au rang desquels figurent, comme il a été indiqué au point 23 de la présente ordonnance, le respect des droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective (voir, en ce sens, arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, points 97 et 98 ; du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, point 25 ; du 19 décembre 2018, Azarov/Conseil, C‑530/17 P, EU:C:2018:1031, point 27, ainsi que du 11 juillet 2019, Azarov/Conseil, C‑416/18 P, non publié, EU:C:2019:602, point 28).

30      À cet égard, l’exigence de vérification, par le Conseil, que les décisions des États tiers sur lesquelles il fonde l’inscription d’une personne ou d’une entité sur une liste de personnes et d’entités dont les avoirs sont gelés ont été prises dans le respect de ces droits vise à assurer qu’une telle inscription n’ait lieu que sur une base factuelle suffisamment solide et, ainsi, à protéger les personnes ou les entités concernées (voir, en ce sens, arrêts du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, point 26 ; du 19 décembre 2018, Azarov/Conseil, C‑530/17 P, EU:C:2018:1031, point 28, ainsi que du 11 juillet 2019, Azarov/Conseil, C‑416/18 P, non publié, EU:C:2019:602, point 29).

31      La Cour a également considéré que le Conseil est tenu de faire état, dans l’exposé des motifs relatifs à une décision d’inscription d’une personne ou d’une entité sur une liste de personnes et d’entités dont les avoirs sont gelés et aux décisions subséquentes, ne serait-ce que de manière succincte, des raisons pour lesquelles il considère que la décision de l’État tiers sur laquelle il entend se fonder a été adoptée dans le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective (voir, notamment, arrêts du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, points 31 et 33 ; du 19 décembre 2018, Azarov/Conseil, C‑530/17 P, EU:C:2018:1031, point 29, ainsi que du 11 juillet 2019, Azarov/Conseil, C‑416/18 P, non publié, EU:C:2019:602, point 30).

32      Ainsi, il incombe au Conseil, afin de satisfaire à son obligation de motivation, de faire apparaître, dans la décision imposant des mesures restrictives, qu’il a vérifié que la décision de l’État tiers sur laquelle il fonde ces mesures a été adoptée dans le respect de ces droits (voir, en ce sens, arrêts du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, point 37 ; du 19 décembre 2018, Azarov/Conseil, C‑530/17 P, EU:C:2018:1031, point 30, ainsi que du 11 juillet 2019, Azarov/Conseil, C‑416/18 P, non publié, EU:C:2019:602, point 31).

33      Or, il y a lieu de constater que le Tribunal, au point 153 de l’arrêt attaqué, a considéré que le Conseil n’était pas soumis aux exigences visées aux points 28, 31 et 32 de la présente ordonnance, dans la mesure où il a estimé que la jurisprudence citée à ces points, issue de l’arrêt du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE (C‑599/14 P, EU:C:2017:583), ne s’appliquait pas au cas de mesures restrictives prises au regard de la situation en Ukraine.

34      Le Tribunal a précisé, au point 161 de l’arrêt attaqué, que « ce ne serait que si le choix politique du Conseil de soutenir le nouveau régime ukrainien [...] se révélait être manifestement erroné [...] que le prétendu manque de correspondance entre la protection des droits fondamentaux en Ukraine et celle existant dans l’Union pourrait avoir une incidence sur la légalité [des actes litigieux] ». Pour parvenir à une telle conclusion, le Tribunal s’est fondé, ainsi qu’il ressort des points 159 et 160 de l’arrêt attaqué, sur la jurisprudence issue de l’arrêt du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil (C‑605/13 P, EU:C:2015:248, point 41), selon laquelle la Cour reconnaît au législateur de l’Union une large marge d’appréciation en ce qui concerne la définition des critères généraux d’inscription à retenir pour appliquer des mesures restrictives.

35      Un tel raisonnement est entaché d’une erreur de droit, ainsi que la Cour l’a constaté dans les arrêts du 19 décembre 2018, Azarov/Conseil (C‑530/17 P, EU:C:2018:1031, points 31 à 33), et du 11 juillet 2019, Azarov/Conseil (C‑416/18 P, non publié, EU:C:2019:602, points 32 à 34).

36      En effet, le Conseil ne saurait considérer qu’une décision d’inscription repose sur une base factuelle suffisamment solide qu’après avoir vérifié lui-même que les droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective ont été respectés lors de l’adoption de la décision de l’État tiers concerné sur laquelle il entend fonder l’adoption de mesures restrictives (arrêts du 19 décembre 2018, Azarov/Conseil, C‑530/17 P, EU:C:2018:1031, point 34 , et du 11 juillet 2019, Azarov/Conseil, C‑416/18 P, non publié, EU:C:2019:602, point 35).

37      En l’occurrence, s’il est vrai que le critère d’inscription visé au point 25 de la présente ordonnance permet au Conseil de fonder des mesures restrictives sur la décision d’un État tiers, telle que celle dont font état, notamment, les lettres des 17 août et 16 novembre 2016 mentionnées au point 26 de la présente ordonnance, il n’en reste pas moins que l’obligation, pesant sur cette institution, de respecter les droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective implique celle de s’assurer du respect desdits droits par les autorités de l’État tiers ayant adopté cette décision (voir, en ce sens, arrêts du 19 décembre 2018, Azarov/Conseil, C‑530/17 P, EU:C:2018:1031, point 35, et du 11 juillet 2019, Azarov/Conseil, C‑416/18 P, non publié, EU:C:2019:602, point 36).

38      Certes, ainsi que le Tribunal l’a relevé au point 159 de l’arrêt attaqué, l’Ukraine compte au nombre des États ayant adhéré à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950. Toutefois, si une circonstance de cette nature implique un contrôle, par la Cour européenne des droits de l’homme, des droits fondamentaux garantis par cette convention, lesquels, conformément à l’article 6, paragraphe 3, TUE, font partie du droit de l’Union en tant que principes généraux, celle-ci ne saurait rendre superflue la vérification, de la part du Conseil, que la décision d’un tel État tiers sur laquelle il fonde des mesures restrictives est intervenue dans le respect des droits fondamentaux et notamment des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective (arrêts du 19 décembre 2018, Azarov/Conseil, C‑530/17 P, EU:C:2018:1031, point 36, et du 11 juillet 2019, Azarov/Conseil, C‑416/18 P, non publié, EU:C:2019:602, point 37).

39      La Cour a également considéré que cette conclusion ne saurait être remise en cause au motif que la jurisprudence issue de l’arrêt du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE (C‑599/14 P, EU:C:2017:583), est intervenue dans le contexte de mesures restrictives fondées sur la position commune 2001/931/PESC du Conseil, du 27 décembre 2001, relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme (JO 2001, L 344, p. 93) (voir, en ce sens, arrêts du 19 décembre 2018, Azarov/Conseil, C‑530/17 P, EU:C:2018:1031, point 37, et du 11 juillet 2019, Azarov/Conseil, C‑416/18 P, non publié, EU:C:2019:602, point 38).

40      Il convient d’ajouter, s’agissant de la considération du Tribunal résumée au point 34 de la présente ordonnance, que la définition de critères généraux d’inscription permettant l’adoption de mesures restrictives n’est pas en cause en l’occurrence. En revanche, il s’agit bien de la décision de maintenir, par les actes litigieux, le gel des avoirs du requérant, qui revêt une portée individuelle pour ce dernier. Or, conformément à la jurisprudence citée au point 24 de la présente ordonnance, dans le cadre de son contrôle de la légalité des motifs sur la base desquels est fondée une telle décision, le juge de l’Union doit s’assurer que, à tout le moins, l’un de ces motifs est suffisamment précis et concret, qu’il est étayé et qu’il constitue en soi une base suffisante pour soutenir cette décision (voir, en ce sens, arrêts du 28 novembre 2013, Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft, C‑348/12 P, EU:C:2013:776, point 72 ; du 19 décembre 2018, Azarov/Conseil, C‑530/17 P, EU:C:2018:1031, point 38, ainsi que du 11 juillet 2019, Azarov/Conseil, C‑416/18 P, non publié, EU:C:2019:602, point 39).

41      En outre, c’est à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne concernée, et non à cette dernière d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs (arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 121 ; du 28 novembre 2013, Conseil/Fulmen et Mahmoudian, C‑280/12 P, EU:C:2013:775, point 66 ; du 19 décembre 2018, Azarov/Conseil, C‑530/17 P, EU:C:2018:1031, point 39, ainsi que du 11 juillet 2019, Azarov/Conseil, C‑416/18 P, non publié, EU:C:2019:602, point 40).

42      La Cour a également précisé que, eu égard à la jurisprudence constante citée aux points 29, 30 et 41 de la présente ordonnance, il ne saurait être inféré des arrêts du 19 octobre 2017, Yanukovych/Conseil (C‑598/16 P, non publié, EU:C:2017:786), et du 19 octobre 2017, Yanukovych/Conseil (C‑599/16 P, non publié, EU:C:2017:785), auxquels s’était référé le Conseil, que ce dernier n’est pas tenu de vérifier que la décision d’un État tiers sur laquelle il entend fonder l’adoption de mesures restrictives a été prise dans le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective (voir, en ce sens, arrêts du 19 décembre 2018, Azarov/Conseil, C‑530/17 P, EU:C:2018:1031, point 40, et du 11 juillet 2019, Azarov/Conseil, C‑416/18 P, non publié, EU:C:2019:602, point 41).

43      Il résulte de ce qui précède que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant, contrairement à ce que la Cour a jugé dans l’arrêt du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE (C‑599/14 P, EU:C:2017:583), que le Conseil n’était pas tenu de vérifier que la décision d’un État tiers sur laquelle il entend fonder l’adoption de mesures restrictives a été prise dans le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective, ni a fortiori de faire apparaître, ainsi que le fait valoir à juste titre le requérant, dans la motivation des actes litigieux, qu’il a procédé à cette vérification.

44      À ce dernier égard, il convient de préciser que, selon une jurisprudence constante, un défaut ou une insuffisance de motivation constitue un moyen d’ordre public devant être soulevé d’office par le juge de l’Union et dont l’examen peut avoir lieu à tout stade de la procédure (voir, en ce sens, arrêts du 20 février 1997, Commission/Daffix, C‑166/95 P, EU:C:1997:73, points 24 et 25 ; du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C‑341/06 P et C‑342/06 P, EU:C:2008:375, points 48 et 49, ainsi que du 15 juin 2017, Espagne/Commission, C‑279/16 P, non publié, EU:C:2017:461, point 22). Dans ces conditions, contrairement à ce qu’avance le Conseil, il ne saurait être reproché au requérant d’invoquer pour la première fois au stade du pourvoi un tel défaut de motivation des actes litigieux, lequel peut être constaté à ce stade.

45      Eu égard à l’ensemble de ces considérations, il y a lieu d’accueillir le premier moyen du pourvoi comme étant manifestement fondé et d’annuler l’arrêt attaqué sans qu’il soit besoin d’examiner le second moyen du pourvoi.

46      Il résulte de ce qui précède que le pourvoi est manifestement fondé, au sens de l’article 182 du règlement de procédure.

 Sur le recours devant le Tribunal

47      Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lorsque le pourvoi est fondé, la Cour annule la décision du Tribunal. Elle peut alors statuer elle-même définitivement sur le litige lorsque celui-ci est en état d’être jugé.

48      En l’espèce, la Cour dispose des éléments nécessaires pour statuer définitivement sur le recours en annulation des actes litigieux introduit par le requérant devant le Tribunal.

49      À cet égard, il ne ressort nullement de la motivation des actes litigieux que le Conseil aurait vérifié le respect, par l’administration judiciaire ukrainienne, des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle du requérant.

50      Dans ces conditions, il suffit de relever que, pour les motifs énoncés aux points 25 à 32 et 36 à 44 de la présente ordonnance, le recours est fondé et qu’il y a lieu d’annuler les actes litigieux, en ce qu’ils concernent le requérant.

 Sur les dépens

51      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

52      Conformément à l’article 184, paragraphe 2, dudit règlement, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens.

53      Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du même règlement, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

54      Le requérant ayant conclu à la condamnation du Conseil et celui-ci ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens exposés au titre tant de la procédure de première instance que du présent pourvoi.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) ordonne :

1)      Le pourvoi est manifestement fondé.

2)      L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 13 décembre 2018, Azarov/Conseil (T247/17, non publié, EU:T:2018:931), est annulé.

3)      La décision (PESC) 2017/381 du Conseil, du 3 mars 2017, modifiant la décision 2014/119/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes au regard de la situation en Ukraine, et le règlement d’exécution (UE) 2017/374 du Conseil, du 3 mars 2017, mettant en œuvre le règlement (UE) no 208/2014 concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes au regard de la situation en Ukraine, sont annulés, en ce qu’ils concernent M. Mykola Yanovych Azarov.

4)      Le Conseil de l’Union européenne est condamné aux dépens exposés au titre tant de la procédure de première instance que du présent pourvoi.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.

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