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Document 62024TO0668
Order of the General Court (Sixth Chamber) of 1 July 2025.#Santos SAS v European Union Intellectual Property Office.#Case T-668/24.
Ordinanza del Tribunale (Sesta Sezione) del 1° luglio 2025.
Santos SAS contro Ufficio dell’Unione europea per la proprietà intellettuale.
Causa T-668/24.
Ordinanza del Tribunale (Sesta Sezione) del 1° luglio 2025.
Santos SAS contro Ufficio dell’Unione europea per la proprietà intellettuale.
Causa T-668/24.
ECLI identifier: ECLI:EU:T:2025:668
ORDONNANCE DU TRIBUNAL (sixième chambre)
1er juillet 2025 (*)
« Recours en annulation – Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne tridimensionnelle – Forme d’un presse-agrumes – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif acquis par l’usage – Article 7, paragraphe 3, du règlement (UE) 2017/1001 – Recours manifestement dépourvu de tout fondement en droit »
Dans l’affaire T‑668/24,
Santos SAS, établie à Vaulx-en-Velin (France), représentée par Me C. Bey, avocate,
partie requérante,
contre
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. V. Ruzek, en qualité d’agent,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL (sixième chambre),
composé de Mmes M. J. Costeira, présidente, M. Kancheva et M. P. Zilgalvis (rapporteur), juges,
greffier : M. V. Di Bucci,
rend la présente
Ordonnance
1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Santos SAS, demande l’annulation de la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 11 octobre 2024 (affaire R 1561/2023‑1) (ci-après la « décision attaquée »).
Antécédents du litige
2 Le 3 janvier 2019, la requérante a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’EUIPO, en vertu du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).
3 La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe tridimensionnel reproduit ci-après :
4 La requérante a revendiqué les couleurs jaune Pantone 1235 C et vert NCS : S 30 50 G 50 Y.
5 La marque demandée désignait les produits relevant, après la limitation intervenue devant l’examinateur, de la classe 7 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant à la description suivante : « Presse-agrumes pour professionnels de l’hôtellerie, des bars et de la restauration ».
6 Par décision du 13 décembre 2019, l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement de ladite marque, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.
7 Le 5 février 2020, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de l’examinateur.
8 Par décision du 29 novembre 2021, la première chambre de recours a rejeté le recours et renvoyé l’affaire à l’examinateur pour poursuivre l’examen de la demande subsidiaire de la requérante, à savoir apprécier l’existence du caractère distinctif acquis par l’usage de la marque demandée. En substance, elle a considéré que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif pour les produits visés par celle-ci en ce que les consommateurs professionnels pertinents ne percevront pas la forme du produit déposée, dans une combinaison de couleurs, comme une indication d’origine desdits produits. Le recours introduit par la requérante contre cette décision a été rejeté par ordonnance du 29 juillet 2022, Santos/EUIPO (Forme de presse-agrumes) (T‑51/22, non publiée, EU:T:2022:490).
9 Par décision du 31 mai 2023 (ci-après la « deuxième décision de l’examinateur »), l’examinateur a rejeté la demande subsidiaire de la requérante, fondée sur l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, au motif que la marque demandée n’avait pas acquis un caractère distinctif par l’usage au sens de cette disposition.
10 Le 21 juillet 2023, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la deuxième décision de l’examinateur.
11 Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours contre la deuxième décision de l’examinateur. En substance, elle a considéré que, bien que les éléments de preuve soumis par la requérante étaient susceptibles de démontrer l’acquisition du caractère distinctif par l’usage de la marque demandée en France, ils ne permettaient pas de pallier l’insuffisance des preuves notamment pour les pays dits « touristiques » tels que la Grèce, l’Espagne, Chypre et le Portugal, pour lesquels ces preuves étaient moins concluantes, voire totalement insuffisantes, aux fins de la démonstration du caractère distinctif acquis par l’usage de la marque demandée dans l’ensemble de l’Union européenne.
Conclusions des parties
12 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– condamner l’EUIPO aux dépens, y compris ceux exposés lors de la procédure de recours.
13 L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens dans l’hypothèse où une audience serait organisée.
En droit
14 Aux termes de l’article 126 du règlement de procédure du Tribunal, lorsqu’un recours est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sur proposition du juge rapporteur, à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.
15 En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de cet article, de statuer sans poursuivre la procédure, et ce même si une partie a demandé la tenue d’une audience [voir ordonnance du 15 octobre 2020, Lotto24/EUIPO (LOTTO24), T‑38/20, non publiée, EU:T:2020:496, point 10 et jurisprudence citée].
16 À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, en soutenant, de manière globale, qu’elle a démontré que la marque demandée avait acquis un caractère distinctif en raison de son usage important et constant, depuis plusieurs décennies, dans les 27 États membres de l’Union. Ce moyen s’articule en trois branches. Par la première branche, il est reproché à la chambre de recours d’avoir procédé à une appréciation superficielle et parcellaire des preuves soumises. Par la deuxième branche, la requérante avance que la chambre de recours a commis une erreur manifeste d’appréciation en n’ayant pas considéré que le marché en cause était un marché de niche. La troisième branche est tirée d’une appréciation erronée des facteurs pouvant être pris en compte aux fins d’établir le caractère distinctif acquis par l’usage.
17 L’EUIPO conteste les allégations de la requérante.
18 En vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, les motifs absolus de refus visés à l’article 7, paragraphe 1, sous b) à d), de ce règlement, ne s’opposent pas à l’enregistrement d’une marque si celle‑ci a acquis, pour les produits ou les services pour lesquels l’enregistrement est demandé, un caractère distinctif après l’usage qui en a été fait.
19 L’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage de la marque exige qu’au moins une fraction significative du public pertinent identifie grâce à celle-ci les produits ou les services concernés comme provenant d’une entreprise déterminée [voir arrêt du 15 décembre 2005, BIC/OHMI (Forme d’un briquet à pierre), T‑262/04, EU:T:2005:463, point 61 et jurisprudence citée ; voir également, par analogie, arrêt du 4 mai 1999, Windsurfing Chiemsee, C‑108/97 et C‑109/97, EU:C:1999:230, point 52].
20 La charge de la preuve du caractère distinctif acquis par l’usage, en application de l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, repose sur le demandeur de la marque [voir arrêt du 25 janvier 2023, Scania CV/EUIPO (V8), T‑320/22, non publié, EU:T:2023:21, point 53 et jurisprudence citée].
21 Conformément à l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, le caractère distinctif doit avoir été acquis par un usage de la marque antérieur à la date de la demande d’enregistrement (arrêt du 11 juin 2009, Imagination Technologies/OHMI, C‑542/07 P, EU:C:2009:362, point 49).
22 Le caractère distinctif acquis par l’usage d’une marque doit être apprécié par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement de la marque est demandé et en tenant compte de la perception qu’en a le public pertinent [voir, en ce sens, arrêt du 5 mars 2003, Alcon/OHMI – Dr. Robert Winzer Pharma (BSS), T‑237/01, EU:T:2003:54, point 51 et jurisprudence citée].
23 Selon la jurisprudence, pour déterminer si une marque a acquis un caractère distinctif après l’usage qui en a été fait, l’autorité compétente doit procéder à un examen concret et apprécier globalement les éléments qui peuvent démontrer que ladite marque est devenue apte à identifier le produit ou le service concerné comme provenant d’une entreprise déterminée (voir arrêt du 19 juin 2014, Oberbank e.a., C‑217/13 et C‑218/13, EU:C:2014:2012, point 40 et jurisprudence citée).
24 Les éléments de preuve produits doivent permettre de démontrer que la marque est devenue de nature à identifier le produit concerné comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises. L’appréciation du caractère distinctif de la marque faisant l’objet d’une demande d’enregistrement peut s’effectuer en prenant en considération des éléments tels que les parts de marché détenues par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de l’usage de cette marque, l’importance des investissements faits par l’entreprise pour la promouvoir, la proportion des milieux intéressés qui identifie le produit comme provenant d’une entreprise déterminée grâce à la marque ainsi que les déclarations de chambres de commerce et d’industrie ou d’autres associations professionnelles [voir arrêt du 6 mars 2024, Lidl Stiftung/EUIPO – MHCS (Nuance de la couleur orange), T‑652/22, non publié, EU:T:2024:152, point 99 et jurisprudence citée].
25 Toutefois, certains éléments sont considérés comme jouissant d’une force probante plus importante que d’autres. En particulier, les chiffres de ventes et le matériel publicitaire ne peuvent être considérés que comme des preuves secondaires qui peuvent corroborer, le cas échéant, les preuves directes du caractère distinctif acquis par l’usage, telles que rapportées par des enquêtes ou des études de marché ainsi que des déclarations d’associations professionnelles ou des déclarations du public spécialisé (voir arrêt du 6 mars 2024, Nuance de la couleur orange, T‑652/22, non publié, EU:T:2024:152, point 100 et jurisprudence citée).
26 De surcroît, il résulte de la jurisprudence que la preuve du caractère distinctif acquis par l’usage ne saurait être apportée par la seule production des volumes de vente et du matériel publicitaire. De même, le seul fait que le signe ait été utilisé sur le territoire de l’Union depuis un certain temps ne suffit pas non plus à démontrer que le public visé par les produits en cause le perçoit comme une indication d’origine commerciale (voir arrêt du 6 mars 2024, Nuance de la couleur orange, T‑652/22, non publié, EU:T:2024:152, point 101 et jurisprudence citée).
27 S’agissant de l’étendue géographique de la preuve du caractère distinctif acquis par l’usage, il convient de rappeler qu’un signe ne peut être enregistré en tant que marque de l’Union, en vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, que si la preuve est rapportée qu’il a acquis, par l’usage qui en a été fait, un caractère distinctif dans la partie de l’Union dans laquelle il n’avait pas ab initio un tel caractère, au sens du paragraphe 1, sous b), du même article. Il s’ensuit que, s’agissant d’une marque dépourvue de caractère distinctif ab initio dans l’ensemble des États membres, une telle marque ne peut être enregistrée en vertu de l’article 7, paragraphe 3, de ce règlement que s’il est démontré qu’elle a acquis un caractère distinctif par l’usage dans l’ensemble du territoire de l’Union (voir arrêt du 25 juillet 2018, Société des produits Nestlé e.a./Mondelez UK Holdings & Services, C‑84/17 P, C‑85/17 P et C‑95/17 P, EU:C:2018:596, points 75 et 76 et jurisprudence citée).
28 À cet égard, la Cour a précisé qu’il serait excessif d’exiger que la preuve de l’acquisition du caractère distinctif par l’usage soit apportée pour chaque État membre pris individuellement (voir arrêt du 24 mai 2012, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli/OHMI, C‑98/11 P, EU:C:2012:307, point 62).
29 Ainsi, il est possible que des éléments de preuve de l’acquisition, par un signe déterminé, d’un caractère distinctif par l’usage présentent une pertinence en ce qui concerne plusieurs États membres, voire l’ensemble de l’Union. Notamment, il est possible que, pour certains produits ou services, les opérateurs économiques aient regroupé plusieurs États membres au sein du même réseau de distribution et aient traité ces États membres, en particulier du point de vue de leurs stratégies marketing, comme s’ils constituaient un seul et même marché national. Dans cette hypothèse, les éléments de preuve de l’usage d’un signe sur un tel marché transfrontalier sont susceptibles de présenter une pertinence pour tous les États membres concernés. Il en ira de même lorsque, en raison de la proximité géographique, culturelle ou linguistique entre deux États membres, le public pertinent du premier possède une connaissance suffisante des produits ou des services présents sur le marché national du second (voir, en ce sens, arrêt du 25 juillet 2018, Société des produits Nestlé e.a./Mondelez UK Holdings & Services, C‑84/17 P, C‑85/17 P et C‑95/17 P, EU:C:2018:596, points 80 à 82).
30 S’il n’est donc pas nécessaire, aux fins de l’enregistrement, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, d’une marque dépourvue ab initio de caractère distinctif dans l’ensemble des États membres de l’Union, que la preuve soit apportée, pour chaque État membre pris individuellement, de l’acquisition par cette marque d’un caractère distinctif par l’usage, les preuves apportées doivent néanmoins permettre de démontrer une telle acquisition dans l’ensemble des États membres de l’Union. En effet, dans le cas d’une marque qui ne possède pas un caractère distinctif intrinsèque dans l’ensemble de l’Union, le caractère distinctif acquis par l’usage de cette marque doit être démontré dans l’ensemble de ce territoire, et non seulement dans une partie substantielle ou la majorité du territoire de l’Union, de sorte que, bien qu’une telle preuve puisse être rapportée de façon globale pour tous les États membres concernés ou bien de façon séparée pour différents États membres ou groupes d’États membres, il n’est en revanche pas suffisant que celui à qui en incombe la charge se borne à produire des éléments de preuve d’une telle acquisition qui ne couvriraient pas une partie de l’Union, même consistant en un seul État membre [voir arrêt du 19 octobre 2022, Louis Vuitton Malletier/EUIPO – Wisniewski (Représentation d’un motif à damier II), T‑275/21, non publié, EU:T:2022:654, point 28 et jurisprudence citée].
31 Enfin, il importe de souligner que la charge de la preuve imposée au demandeur de la marque de démontrer le caractère distinctif acquis par l’usage de cette marque ne doit pas être déraisonnable. Cette exigence fait partie des principes généraux de droit de l’Union et, notamment, du droit à une bonne administration, inscrit également à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (voir arrêt du 19 octobre 2022, Représentation d’un motif à damier II, T‑275/21, non publié, EU:T:2022:654, point 31 et jurisprudence citée).
32 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le présent moyen.
33 En l’espèce, après que la décision de l’examinateur constatant que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif intrinsèque au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 est devenue définitive (voir points 6 à 8 ci-dessus), l’examinateur et, ensuite, la chambre de recours ont examiné la demande de la requérante, fondée sur l’article 7, paragraphe 3, du même règlement, selon laquelle ladite marque, constituée par le presse-agrumes no 11, avait acquis un caractère distinctif par l’usage.
34 À cet égard, la chambre de recours a relevé que, en l’absence de données statistiques permettant de quantifier la taille globale du marché des presse-agrumes à destination des professionnels du secteur de l’hôtellerie, des bars et de la restauration (ci-après le « secteur “horeca” ») en France, la requérante avait fourni d’autres éléments qui étaient pertinents et de nature à appuyer la conclusion qu’à tout le moins une partie significative des cercles professionnels intéressés en France reconnaissait le signe demandé comme une marque en raison de l’usage qui en a été fait. Parmi les éléments mentionnés, la chambre de recours a identifié les déclarations émanant de tiers indépendants, à savoir le syndicat professionnel UIMM-France et une société ayant mené une étude sur les presse-agrumes professionnels, la présence continue du produit en cause sur le marché français depuis 1981 attestée par différents catalogues, la participation de la requérante à des salons professionnels, la campagne publicitaire d’un fournisseur d’électricité, la présence de ce produit dans de nombreux établissements parisiens et, enfin, les nombreuses mentions élogieuses dans la presse française et sur les sites Internet de tiers.
35 Cependant la chambre de recours a considéré que les conclusions relatives à la perception de la marque demandée en France ne pouvaient pas être extrapolées à l’ensemble des pays de l’Union et, notamment, aux pays dits « touristiques », à savoir la Grèce, l’Espagne, Chypre et le Portugal, dans la mesure où les éléments de preuve relatifs à ces pays, qui étaient sensiblement moins nombreux, attestaient un usage d’une intensité et d’une durée moindres qu’en France.
36 Par ailleurs, la chambre de recours a relevé que la requérante n’avait pas commercialisé le produit en cause au sein du même réseau de distribution ni traité, en particulier du point de vue de sa stratégie marketing, l’ensemble des États membres comme s’ils constituaient un seul et même marché national. Au contraire, il ressortirait des éléments de preuve que ce produit était commercialisé, dans chaque pays ou dans chaque marché régional constitué de pays qui en raison de leur proximité linguistique, culturelle et géographique pouvaient être desservis par le même distributeur, par des réseaux de distributeurs différents. Ladite chambre a ajouté que, précisément en raison de la distance géographique et des différences linguistiques et culturelles, il était improbable, voire difficilement concevable, que les pays dits « touristiques » puissent avoir été traités par la requérante, aux fins de sa stratégie de commercialisation, comme un seul marché national avec la France, par exemple.
37 En conclusion, la chambre de recours a indiqué que ni la circonstance que le presse-agrumes no 11, correspondant à la marque demandée, a été utilisé à destination de professionnels du secteur « horeca » dans tous les États membres de l’Union depuis au moins dix ans avant la date de dépôt de la demande de marque, avec une intensité très variable selon les pays, ni le succès de ce produit en France ne suffisaient pour établir que la marque demandée avait acquis un caractère distinctif par l’usage, conformément à l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, dans toute l’Union, notamment dans les pays dits « touristiques » tels que la Grèce, l’Espagne, Chypre et le Portugal.
Sur la première branche, relative à l’appréciation superficielle et parcellaire des preuves soumises
38 La requérante soutient que la chambre de recours a fait une appréciation superficielle et parcellaire des preuves soumises. Elle reproche, d’une part, à ladite chambre d’avoir choisi, en contradiction avec la jurisprudence, d’écarter l’ensemble des preuves postérieures à la date de dépôt de la demande de marque. D’autre part, la requérante estime que la chambre de recours n’a pris en compte les preuves fournies que pour une minorité d’États membres en omettant de mentionner les éléments de preuve qu’elle avait produits pour seize États membres. De surcroît, elle reproche à la chambre de recours d’avoir considéré que les preuves fournies concernaient surtout le marché français alors qu’elle avait produit des preuves pour chacun des États membres.
39 L’EUIPO conteste les allégations de la requérante.
40 S’agissant, premièrement, de la prise en compte des éléments de preuve postérieurs à la date de dépôt de la demande de marque, à savoir le 3 janvier 2019, la chambre de recours a considéré, au point 58 de la décision attaquée, que les éléments du dossier relatifs à la période de 2019 à 2023 étaient manifestement dépourvus de pertinence, étant postérieurs à la date pertinente.
41 À cet égard, il doit être rappelé que, aux fins de l’application de l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, il doit être démontré que le caractère distinctif de la marque a été acquis par un usage antérieur à la date du dépôt de la demande d’enregistrement. Toutefois cette interprétation n’exclut pas la possibilité, pour l’autorité compétente, de prendre en considération des éléments qui, bien que postérieurs à la date du dépôt de la demande d’enregistrement, permettent de tirer des conclusions sur la situation telle qu’elle se présentait avant cette même date [voir arrêt du 15 décembre 2016, Mondelez UK Holdings & Services/EUIPO – Société des produits Nestlé (Forme d’une tablette de chocolat), T‑112/13, non publié, EU:T:2016:735, point 115 et jurisprudence citée].
42 En l’espèce, les éléments de preuve écartés par la chambre de recours sont des factures de ventes et des catalogues portant une date postérieure au 3 janvier 2019, des chiffres concernant les ventes du produit en cause par pays de 2019 à 2023, ainsi qu’un article sur les effets de la crise sanitaire de 2020. Or, force est de constater, à l’instar de la chambre de recours, que, à tout le moins sans explications supplémentaires de la part de la requérante, ces éléments ne sont pas de nature à illustrer la situation pendant la période pertinente au sens de la jurisprudence citée au point 41 ci-dessus. Il en va tout particulièrement ainsi des informations relatives à l’impact de la crise sanitaire due à la pandémie de COVID-19 sur le secteur « horeca » dans la mesure où cette crise a commencé, s’agissant de l’Union, en 2020. Dans ces conditions, la requérante ne saurait utilement reprocher à la chambre de recours d’avoir écarté, en l’espèce, les éléments de preuve postérieurs à la date pertinente, à savoir le 3 janvier 2019.
43 Deuxièmement, s’agissant du reproche selon lequel la chambre de recours n’aurait pas examiné les éléments de preuve concernant seize des États membres, il doit être rappelé, que, en vertu de la jurisprudence citée au point 27 ci-dessus, lorsqu’une marque est dépourvue de caractère distinctif intrinsèque dans l’ensemble des États membres, elle ne peut être enregistrée que s’il est démontré qu’elle a acquis un caractère distinctif par l’usage dans l’ensemble du territoire de l’Union.
44 En l’espèce, ainsi qu’il ressort du point 37 ci-dessus, la chambre de recours a considéré que le caractère distinctif acquis par l’usage de la marque demandée n’avait pas été démontré notamment dans les pays dits « touristiques », à savoir la Grèce, l’Espagne, Chypre et le Portugal.
45 Ces considérations de la chambre de recours sont exemptes d’erreur d’appréciation et conformes à la jurisprudence rappelée aux points 27 à 30 ci-dessus. En particulier, il doit être relevé que la chambre de recours était fondée à affirmer que les éléments de preuve concernant la Grèce, l’Espagne, Chypre et le Portugal consistant en des catalogues de vente, des factures et des extraits de sites de vente en ligne (point 75 de la décision attaquée) n’étaient pas de nature à établir que la marque demandée avait acquis un caractère distinctif par l’usage. En effet, conformément à la jurisprudence citée au point 26 ci-dessus, la preuve du caractère distinctif acquis par l’usage ne saurait être apportée par la seule production des volumes de vente et du matériel publicitaire. L’extrait de magazine concernant la Grèce, figurant à l’annexe A6 bis 16 de la requête, doit, à cet égard, être considéré comme étant un matériel publicitaire. Il convient d’ajouter que, concernant les quatre pays en question, la requérante n’a pas apporté de déclarations d’associations professionnelles ou d’études de marché (voir la jurisprudence citée au point 25 ci-dessus).
46 De surcroît, force est de constater que la requérante n’a pas avancé d’arguments de nature à remettre en cause les considérations de la chambre de recours visées au point 44 ci-dessus. En effet, elle s’est limitée à soutenir, au point 35 de la requête, qu’une analyse circonstanciée, exhaustive et approfondie des preuves de l’usage versées dès 2019 et complétées en 2023 aurait dû l’amener à constater l’importance de l’usage de la marque demandée, au cours des dernières décennies, dans l’ensemble des États membres de l’Union et pas uniquement en France. Or ces allégations, outre le fait qu’elles concernent une période postérieure à la date pertinente (voir point 42 ci-dessus), sont vagues et ne sont aucunement étayées.
47 Par ailleurs, la chambre de recours a également considéré, sans que la requérante ne le conteste, que les conclusions relatives à la perception de la marque demandée en France ne pouvaient pas être extrapolées à l’ensemble des pays de l’Union et, notamment, aux pays dits « touristiques », à savoir la Grèce, l’Espagne, Chypre et le Portugal, dans la mesure où les éléments de preuve relatifs à ces pays, qui étaient sensiblement moins nombreux, attestaient un usage d’une intensité et d’une durée moindres qu’en France. De même, il convient de constater que, aux points 83 et 84 de la décision attaquée (voir point 36 ci-dessus), la chambre de recours a examiné si les critères permettant une extrapolation d’éléments de preuve à plusieurs États membres, cités dans la jurisprudence rappelée au point 29 ci-dessus, étaient en l’espèce réunis. L’ensemble de ces considérations sont également exemptes d’erreur d’appréciation.
48 Étant donné que les considérations de la chambre de recours selon lesquelles, d’une part, les éléments de preuve relatifs aux pays dits « touristiques » n’étaient pas de nature à démontrer l’acquisition de caractère distinctif par l’usage de la marque demandée dans ces pays et, d’autre part, les conclusions concernant la France ne pouvaient pas être extrapolées à ces pays sont exemptes d’erreur d’appréciation, ladite chambre a pu, dans ces conditions, en application de la jurisprudence citée au point 27 ci-dessus, ne pas examiner les éléments de preuve relatifs aux autres États membres. Il s’ensuit que l’argument de la requérante relatif à l’absence de prise en compte des éléments de preuve pour seize de ces autres États membres est nécessairement inopérant, comme le soutient l’EUIPO.
49 Enfin, en ce qui concerne la constatation de la chambre de recours faite au point 97 de la décision attaquée selon laquelle les éléments de preuve soumis concernaient « surtout le marché français », l’allégation de la requérante à cet égard procède d’une lecture erronée de ce point. Force est de constater que la chambre de recours n’a aucunement soutenu que la requérante n’avait pas apporté de preuves concernant les autres États membres de l’Union. En effet, elle s’est limitée à relever que le nombre de preuves concernant la France était plus important que celui concernant les autres États membres, ce qui est notamment attesté par les considérations figurant au point 73 de la décision attaquée et par l’annexe A6 bis 0 de la requête.
50 Il s’ensuit que la première branche du moyen unique est manifestement dépourvue de tout fondement en droit et doit être écartée.
Sur la deuxième branche, relative à la qualification du marché des presse-agrumes à destination des professionnels du secteur « horeca »
51 La requérante avance que la chambre de recours a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que le marché en cause n’était pas un marché de niche ou, à tout le moins, un marché restreint et spécialisé et en écartant, par conséquent, l’application de l’arrêt du 28 octobre 2009, BCS/OHMI – Deere (Combinaison des couleurs verte et jaune) (T‑137/08, EU:T:2009:417). Selon elle, dans la mesure où les presse-agrumes sont destinés au cercle restreint des professionnels du secteur « horeca », dotés d’un niveau d’attention élevé, et sont commercialisés par l’intermédiaire de distributeurs et de revendeurs spécialisés, le marché pertinent est circonscrit et spécialisé. En conséquence, elle conteste l’appréciation figurant au point 38 de la décision attaquée selon laquelle le marché des presse-agrumes à destination des professionnels de ce secteur n’est pas un marché visant un public très spécialisé. Par ailleurs, la requérante avance que la chambre de recours n’a pas pris en compte le fait que sa stratégie marketing était adaptée au caractère spécialisé du marché en cause et que l’influence des habitudes de consommation dans chaque État membre expliquait que les ventes des presse-agrumes no 11 étaient plus limitées dans certains États membres.
52 En outre, le raisonnement de la chambre de recours, s’appuyant sur des définitions que celle-ci aurait elle-même introduites, violerait les dispositions de l’article 95 du règlement 2017/1001 et serait en contradiction avec l’ensemble des constatations antérieures de l’EUIPO dans la même procédure, étant donné que celui-ci aurait reconnu, à plusieurs reprises, que le public pertinent était un public professionnel spécialisé, doté d’un niveau d’attention élevé.
53 L’EUIPO conteste les allégations de la requérante.
54 En l’espèce, la chambre de recours a considéré que le marché des presse-agrumes à destination des professionnels du secteur « horeca » au sein de l’Union ne constituait pas un « marché étroit correspondant à un produit très spécialisé » où « le[s] volumes de ventes potentiels sont naturellement plus faibles et limités » qui devrait être qualifié de « marché de niche ». Ladite chambre a estimé que, même si le public visé par les produits en cause était limité aux cercles professionnels du secteur « horeca », le marché visé n’était toutefois pas un marché « très restreint », de taille limitée, visant un public « très spécialisé ». Au contraire, il comprendrait l’ensemble des professionnels du secteur « horeca », lequel constituerait un vaste secteur de marché dans tous les États membres de l’Union, voire un secteur moteur de l’économie dans des pays touristiques, tels que la Grèce, l’Espagne, la France, l’Italie ou le Portugal. La chambre de recours a, en outre, retenu que le volume des ventes n’était pas « par nature limité » et « inélastique », comme le prétendait la requérante, étant donné que, malgré le fait que chaque établissement du secteur ne possédait qu’un seul presse-agrumes et que le taux de renouvellement de ce produit était relativement faible, il s’agissait d’un outil qui s’adressait à un grand nombre de clients potentiels et non pas à un cercle limité de clients. Ladite chambre a également considéré que, tout en admettant que le presse-agrumes no 11 ait été un produit haut de gamme, de bonne qualité, robuste et apprécié pour ses qualités esthétiques, de telles caractéristiques ne sauraient suffire pour le qualifier de produit « de niche ». De même, elle a retenu que son prix, variant de 120 à 300 euros, se situait dans les limites ordinaires pour du petit outillage de qualité. Quant à la durée prétendument extraordinairement longue de ce produit, la chambre de recours a relevé que cette assertion reposait uniquement sur les affirmations de la requérante.
55 S’agissant, en particulier, de la transposition de l’arrêt du 28 octobre 2009, Combinaison des couleurs verte et jaune (T‑137/08, EU:T:2009:417), la chambre de recours a considéré qu’une telle transposition n’était pas possible, étant donné que le marché des biens de production lourds et spécialisés comme les tracteurs agricoles visés dans cet arrêt n’était comparable au marché du petit outillage professionnel, tel que les presse-agrumes à destination du vaste secteur « horeca », ni quant à la taille du marché et la spécialisation des cercles professionnels visés, ni quant à la nature et la durée de vie des produits concernés, ni, enfin, quant à l’importance de l’investissement requis pour les acquérir.
56 Il doit être relevé que les considérations de la chambre de recours que la requérante conteste sont formulées par rapport à la pertinence, en l’espèce, de l’arrêt du 28 octobre 2009, Combinaison des couleurs verte et jaune (T‑137/08, EU:T:2009:417). Dans cet arrêt, le Tribunal a jugé que sur un marché constitué par des biens de production dont le prix est élevé et dont l’acquisition est précédée d’un processus lors duquel le consommateur s’informe attentivement sur la gamme de l’offre en comparant et en inspectant les différents modèles concurrents, il n’était pas nécessaire qu’une marque atteigne une part de marché importante pour qu’il puisse être conclu qu’elle a été gardée en mémoire par les consommateurs pertinents. Il suffit pour cela qu’il soit établi que la marque contestée a eu une présence solide et prolongée sur le marché (arrêt du 28 octobre 2009, Combinaison des couleurs verte et jaune, T‑137/08, EU:T:2009:417, points 43 et 44).
57 La position de la requérante consiste à soutenir, en substance, que, dans la mesure où le marché visé par les presse-agrumes professionnels est un marché de niche, il n’était pas nécessaire d’apporter des éléments relatifs aux parts de marché détenues par la marque demandée.
58 Or, à cet égard, la chambre de recours a considéré, à juste titre, que le marché des tracteurs agricoles et celui des presse-agrumes destinés aux professionnels du secteur « horeca » n’étaient pas comparables, notamment en ce qui concerne l’importance de l’investissement requis pour acquérir les produits concernés (voir point 55 ci-dessus). Force est de constater que la requérante n’a pas avancé d’arguments susceptibles de remettre en cause cette appréciation.
59 De même, il doit être relevé que, au point 44 de l’arrêt du 28 octobre 2009, Combinaison des couleurs verte et jaune (T‑137/08, EU:T:2009:417), le Tribunal a indiqué que pour démontrer l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage dans le contexte du marché des tracteurs agricoles, il était nécessaire d’établir que la marque contestée a eu une présence solide et prolongée sur le marché. Or, ainsi qu’il ressort notamment du point 81 de la décision attaquée, la requérante n’a pas apporté une telle preuve notamment en ce qui concerne les pays dits « touristiques », à savoir la Grèce, l’Espagne, Chypre et le Portugal.
60 En outre, il y a lieu de relever que le Tribunal est parvenu à la conclusion figurant au point 44 de l’arrêt du 28 octobre 2009, Combinaison des couleurs verte et jaune (T‑137/08, EU:T:2009:417), dans des circonstances où le titulaire de la marque concernée avait fourni des informations relatives aux parts de marché détenues par cette marque. Or, en l’espèce, la requérante n’a pas produit d’éléments relatifs aux parts de marché détenues par le presse-agrumes no 11, mais uniquement les chiffres d’affaires réalisés dans différents États membres. Ainsi, en l’absence d’informations relatives aux parts de marché détenues par la marque demandée, la chambre de recours n’aurait pas pu tirer les mêmes conclusions que celles auxquelles est parvenu le Tribunal dans ledit arrêt.
61 S’agissant de l’allégation selon laquelle les considérations de la chambre de recours seraient contradictoires, il doit être relevé, à l’instar de l’EUIPO, que, aux points 35 à 38 de la décision attaquée, cette chambre a reconnu, en substance, que, si les presse-agrumes pour les professionnels du secteur « horeca » s’adressaient à un public spécialisé, cette circonstance ne permettait pas de qualifier le marché concerné de marché de niche visant un public très spécialisé. Force est de constater que ces considérations ne sont aucunement contradictoires.
62 En tout état de cause, il convient de constater que la chambre de recours n’a commis aucune erreur d’appréciation en considérant, au point 37 de la décision attaquée, que le marché des presse-agrumes destinés aux professionnels du secteur « horeca » était certes plus étroit que le marché des produits de consommation courante, adressés au public « au sens large », mais qu’il ne s’agissait pas pour autant d’un marché très restreint, de taille limitée, visant un public « très spécialisé ». À cet égard, elle a notamment indiqué, à juste titre, au point 38 de la décision attaquée, que le secteur « horeca » était un vaste secteur de marché dans tous les États membres de l’Union, voire qu’il constituait un secteur moteur de l’économie dans des pays touristiques, tels que la Grèce, l’Espagne, la France, l’Italie ou le Portugal. La chambre de recours a ajouté que les presse-agrumes en cause s’adressaient à un grand nombre de clients potentiels.
63 Quant à la violation alléguée de l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 par la chambre de recours en ce qu’elle a cité, de sa propre initiative, différentes définitions d’un « marché de niche », il y a lieu de constater que, en vertu de cette disposition, d’une part, l’EUIPO procède à l’examen d’office des faits, mais, d’autre part, dans les procédures concernant les motifs relatifs de refus d’enregistrement et dans les procédures de nullité engagées sur le fondement de l’article 59 dudit règlement, il limite son examen aux moyens invoqués par les parties. Or, comme le soutient à juste titre l’EUIPO, la présente procédure est une procédure d’enregistrement dans laquelle l’EUIPO doit procéder à l’examen d’office des faits. De surcroît, il doit être relevé que la chambre de recours a consulté les différents dictionnaires pour répondre à l’argument de la requérante selon lequel le marché en cause était un marché de niche. Il s’ensuit qu’aucune violation de l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 ne saurait être constatée en l’espèce.
64 Au vu de l’ensemble de considérations ci-dessus, la deuxième branche du moyen unique est manifestement dépourvue de tout fondement en droit et ne peut qu’être écartée.
Sur la troisième branche, relative à l’appréciation erronée des facteurs à prendre en considération aux fins d’établir le caractère distinctif acquis par l’usage
65 La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir appliqué des facteurs erronés aux fins d’établir le caractère distinctif acquis par l’usage d’une marque. Premièrement, selon elle, la chambre de recours aurait entrepris d’établir une hiérarchie des facteurs pouvant être pris en considération afin d’établir le caractère distinctif acquis par l’usage. Ladite chambre aurait fondé essentiellement sa motivation sur le fait que la part de marché détenue par les produits concernés par la marque demandée n’aurait pas été démontrée, faisant de la définition et de l’existence d’une part de marché un facteur prépondérant, en l’absence duquel il serait impossible d’établir qu’une marque a acquis un caractère distinctif par l’usage. Or, une telle approche serait partielle, biaisée et contraire à la jurisprudence. La requérante ajoute que la marque demandée détient une part significative ou, à tout le moins, non négligeable du marché des presse-agrumes à destination des professionnels du secteur « horeca ». En tout état de cause, conformément à la jurisprudence qui serait écartée à tort par la chambre de recours, dans des circonstances comme en l’espèce, il ne serait pas nécessaire qu’une marque atteigne une part de marché importante pour qu’il puisse être conclu qu’elle a été gardée en mémoire par les consommateurs pertinents.
66 Deuxièmement, en considérant que, en raison des disparités « sidérantes » dans l’intensité de l’usage de la marque dans les différents États membres de l’Union, toute extrapolation à l’ensemble de l’Union des preuves pertinentes pour établir la reconnaissance de la marque en raison de son usage en France paraissait a priori arbitraire, voire impossible, la chambre de recours aurait exigé, à tort, une homogénéité d’usage de la marque demandée dans l’ensemble de l’Union. La requérante ajoute qu’il est habituel que les preuves fournies fluctuent d’un pays à l’autre et que, dans la mesure où elle est une entreprise française, créée en 1954, il est naturel que l’intensité de l’usage de la marque demandée soit plus prononcée en France.
67 Troisièmement, la chambre de recours, en écartant l’argument relatif aux caractéristiques esthétiques du presse-agrumes no 11, aurait refusé, à tort, de tenir compte de la combinaison de couleurs de ce presse-agrumes en tant qu’élément d’identification d’origine.
68 L’EUIPO conteste les allégations de la requérante.
69 En premier lieu, s’agissant de l’allégation selon laquelle la chambre de recours aurait établi une hiérarchie dans les facteurs pertinents pour démontrer l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage, il y a lieu de relever que ladite chambre, au point 71 de la décision attaquée, a considéré que, en l’absence d’indication concernant la taille globale du marché du produit concerné, il n’était pas possible d’apprécier objectivement, sur la base des seuls chiffres concernant les ventes de ce produit, si la condition essentielle pour l’application de l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001 était remplie.
70 D’emblée, il y a lieu de constater que l’expression « condition essentielle » figurant au point 71 de la décision attaquée vise la démonstration du caractère distinctif acquis par l’usage au sens de l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001 et non pas la part de marché détenue par les produits concernés, de sorte que l’argument de la requérante repose sur une lecture erronée de ce point.
71 De même, contrairement aux allégations de la requérante, il ne saurait être valablement soutenu que, par les considérations figurant au point 71 de la décision attaquée, la chambre de recours ait établi une hiérarchie entre les facteurs pouvant être pris en considération afin d’établir le caractère distinctif acquis par l’usage. En effet, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 24 ci-dessus, l’appréciation du caractère distinctif de la marque faisant l’objet d’une demande d’enregistrement peut s’effectuer en prenant en considération des éléments tels que les parts de marché détenues par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de l’usage de cette marque, l’importance des investissements faits par l’entreprise pour la promouvoir, la proportion des milieux intéressés qui identifie le produit comme provenant d’une entreprise déterminée grâce à la marque ainsi que les déclarations de chambres de commerce et d’industrie ou d’autres associations professionnelles. Il ressort en particulier de la jurisprudence citée au point 26 ci-dessus que la preuve du caractère distinctif acquis par l’usage ne saurait être apportée par la seule production des volumes de vente et du matériel publicitaire.
72 Or, en l’espèce, la requérante n’a pas produit d’informations relatives aux parts de marché détenues par le produit concerné, mais s’est limitée à apporter les éléments relatifs aux volumes de vente. Dans ces conditions, la chambre de recours a pu, sans commettre d’erreur de droit ni d’appréciation, considérer que les seuls chiffres concernant les ventes de ce produit ne permettaient pas de conclure que la marque demandée avait acquis un caractère distinctif par l’usage.
73 À cet égard, il doit être rappelé que, ainsi qu’il ressort des points 58 à 60ci-dessus, la conclusion formulée dans l’arrêt du 28 octobre 2009, Combinaison des couleurs verte et jaune (T‑137/08, EU:T:2009:417, points 43 et 44), n’est pas transposable en l’espèce.
74 En outre, il doit être précisé que, au point 72 de la décision attaquée, la chambre de recours a ajouté que, même lorsque les chiffres de vente paraissent à première vue significatifs, le demandeur d’une marque doit apporter des preuves additionnelles permettant de conclure objectivement qu’à tout le moins une partie significative des cercles professionnels intéressés reconnaît le signe visé comme une marque en raison de l’usage qui en a été fait. Or, ces considérations sont conformes à la jurisprudence citée au point 25 ci-dessus, selon laquelle les chiffres de ventes et le matériel publicitaire ne peuvent être considérés que comme des preuves secondaires qui peuvent corroborer, le cas échéant, les preuves directes du caractère distinctif acquis par l’usage.
75 De surcroît, il ressort également des points 74 et 80 de la décision attaquée que la chambre de recours n’a pas considéré que la définition et l’existence d’une part de marché était un facteur prépondérant, en l’absence duquel il serait impossible d’établir qu’une marque a acquis un caractère distinctif par l’usage. En effet, dans ces points, la chambre de recours a admis que, en l’absence de données permettant de quantifier la taille globale du marché des presse-agrumes à destination du secteur « horeca » dans chacun des États membres, il était néanmoins possible de démontrer qu’une partie significative des cercles professionnels reconnaissait le signe visé comme une marque en raison de l’usage qui en avait été fait en apportant d’autres types de preuves pertinentes.
76 Il s’ensuit que c’est à tort que la requérante allègue que la chambre de recours a établi une hiérarchie entre les facteurs à prendre en compte en vue de démontrer l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage.
77 En deuxième lieu, s’agissant de l’allégation selon laquelle la chambre de recours aurait exigé une homogénéité de l’usage de la marque demandée dans l’ensemble de l’Union, force est de constater qu’elle résulte d’une lecture erronée ou à tout le moins partielle de la décision attaquée.
78 En effet, au point 80 de la décision attaquée, la chambre de recours a indiqué qu’en raison des disparités « sidérantes » sur le plan de l’intensité de l’usage de la marque dans les différents États membres de l’Union, toute extrapolation à l’ensemble de l’Union des preuves pertinentes pour établir la reconnaissance de la marque en raison de son usage en France paraissait a priori arbitraire, voire impossible.
79 S’il est vrai que la chambre de recours a relevé qu’il existait une grande disparité dans l’intensité de l’usage de la marque demandée dans les différents États membres, elle n’a pas, pour autant, exigé une quelconque homogénéité dans l’usage de cette marque. En réalité, elle s’est limitée à indiquer que cette disparité empêchait toute extrapolation des conclusions relatives à la France aux autres pays de l’Union. Or, cette conclusion est non seulement dépourvue d’erreur d’appréciation, mais n’est pas non plus valablement contestée par la requérante (voir point 47 ci-dessus).
80 En troisième lieu, en ce qui concerne les allégations de la requérante figurant au point 67 ci-dessus, il suffit de rappeler que, ainsi qu’il est indiqué au point 19 ci-dessus, l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage d’une marque exige qu’au moins une fraction significative du public pertinent identifie grâce à elle les produits ou les services visés comme provenant d’une entreprise déterminée. Dans ces conditions, la chambre de recours était fondée à indiquer, au point 92 de la décision attaquée, que l’argument selon lequel les qualités esthétiques du design du presse-agrumes en question, dont la combinaison de couleurs est restée inchangée depuis 1954, étaient capables de constituer un élément d’identification d’origine de ce produit permettant de l’enregistrer comme marque était dépourvu de pertinence. Il doit être ajouté, à l’instar de l’EUIPO, que l’absence de caractère distinctif intrinsèque de la marque demandée a été établie par l’ordonnance du 29 juillet 2022, Forme de presse-agrumes (T‑51/22, non publiée, EU:T:2022:490).
81 Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu d’écarter la troisième branche du moyen unique et, partant, de rejeter ledit moyen, ainsi que le recours dans son ensemble comme étant manifestement dépourvus de tout fondement en droit.
Sur les dépens
82 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
83 Bien que la requérante ait succombé, l’EUIPO n’a conclu à la condamnation de celle-ci aux dépens qu’en cas de convocation à une audience. En l’absence d’organisation d’une audience, il convient de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (sixième chambre)
ordonne :
1) Le recours est rejeté comme étant manifestement dépourvu de tout fondement en droit.
2) Chaque partie supportera ses propres dépens.
Fait à Luxembourg, le 1er juillet 2025.
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Le greffier |
La présidente |
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V. Di Bucci |
M. J. Costeira |
* Langue de procédure : le français.