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Document 62011FJ0110

A Közszolgálati Törvényszék (harmadik tanács) 2012. december 5-i ítélete.
Giorgio Lebedef és társai kontra Európai Bizottság.
Közszolgálat - Tisztviselők - Díjazás - Súlyozási tényező - Sérelmet okozó aktus - Egyenlő bánásmód.
F-110/11. sz. ügy

Court reports – Reports of Staff Cases

ECLI identifier: ECLI:EU:F:2012:174

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (troisième chambre)

5 décembre 2012 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Rémunération – Article 64 du statut – Article 3, paragraphe 5, premier alinéa, de l’annexe XI du statut – Coefficient correcteur – Acte faisant grief – Égalité de traitement »

Dans l’affaire F‑110/11,

ayant pour objet un recours introduit au titre l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

Giorgio Lebedef, Trevor Jones, Joaquin Gonzales Gonzales et Maddalena Lebedef-Caponi, fonctionnaires de la Commission européenne, demeurant respectivement à Senningerberg (Luxembourg), à Ernzen (Luxembourg), à Lottert (Belgique) et à Senningerberg, représentés par MF. Frabetti, avocat,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. J. Currall et D. Martin, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. M. Bauer et J. Herrmann, en qualité d’agents,

partie intervenante,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(troisième chambre),

composé de M. S. Van Raepenbusch (rapporteur), président, Mme I. Boruta et M. E. Perillo, juges,

greffier : Mme X. Lopez Bancalari, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 juillet 2012,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 octobre 2011, MM. Lebedef, Jones, Gonzales Gonzales et Mme Lebedef-Caponi demandent l’annulation de leurs bulletins de rémunération du mois de décembre 2010 et des mois subséquents.

 Cadre juridique

2        Aux termes de l’article 64 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») :

« La rémunération du fonctionnaire exprimée en euros, après déduction des retenues obligatoires visées au présent statut ou aux règlements pris pour son application, est affectée d’un coefficient correcteur supérieur, inférieur ou égal à 100 %, selon les conditions de vie aux différents lieux d’affectation.

[…] Le coefficient correcteur applicable à la rémunération des fonctionnaires affectés aux sièges provisoires des Communautés est, à la date du 1er janvier 1962, égal à 100 %. »

3        L’article 65 bis du statut prévoit :

« Les modalités d’application des articles 64 et 65 sont définies à l’annexe XI. »

4        L’article 1er de l’annexe XI du statut dispose :

« 1. Rapport de l’Office statistique de l’Union européenne (Eurostat)

Aux fins de l’examen prévu à l’article 65, paragraphe 1, du statut, Eurostat établit chaque année avant la fin du mois d’octobre un rapport portant sur l’évolution du coût de la vie à Bruxelles, sur les parités économiques entre Bruxelles et certains lieux d’affectation dans les États membres et sur l’évolution du pouvoir d’achat des rémunérations des fonctionnaires nationaux des administrations centrales.

[…]

3. Évolution du coût de la vie en dehors de Bruxelles (parités économiques et indices implicites)

[…]

d)      L’évolution du coût de la vie à l’extérieur de la Belgique et du Luxembourg au cours de la période de référence est mesurée à l’aide des indices implicites. Ces indices correspondent au produit de l’indice international de Bruxelles et de la variation de la parité économique.

[…] »

5        L’article 3, paragraphe 5, premier alinéa, de l’annexe XI du statut dispose :

« Aucun coefficient correcteur n’est applicable pour la Belgique et pour le Luxembourg. »

6        Aux termes de l’article 5, paragraphe 3, de l’annexe XI du statut :

« Pour chacun des lieux d’affectation ayant fait l’objet de la fixation d’un coefficient correcteur (à l’exclusion de la Belgique et du Luxembourg), une estimation valable pour le mois de décembre des parités économiques mentionnées à l’article 1er, paragraphe 3, est établie. L’évolution du coût de la vie est calculée selon les modalités définies à l’article 1er, paragraphe 3. »

 Antécédents du litige

7        Les requérants estiment que le pouvoir d’achat des fonctionnaires affectés au Luxembourg donne des signes de diminution constante depuis quelques années par rapport à celui des fonctionnaires affectés à Bruxelles (Belgique). Ils se réfèrent, à cet égard, au salaire minimum national, au prix de location des bureaux des institutions, des maisons et appartements des particuliers, aux chiffres de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) et à certains calculs informels qui auraient été obtenus d’Eurostat.

8        Aucun sondage n’ayant jamais été effectué au Luxembourg par Eurostat, permettant de disposer d’un indice international du coût de la vie, il serait impossible, selon les requérants, de produire d’autres preuves que celles produites. Rejeter ces dernières reviendrait à leur refuser le droit à un recours effectif.

9        Par courrier du 12 septembre 2008, deux des requérants, MM. Lebedef et Jones, ont introduit une réclamation à l’encontre de leurs bulletins de rémunération de juin 2008, lesquels comportaient une correction de l’adaptation des rémunérations qui avait eu lieu à la fin de l’année 2007, sans toutefois contenir de coefficient correcteur propre à leur lieu d’affectation, ainsi que contre les bulletins de rémunération des mois suivants.

10      Par décision du 17 décembre 2008, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a rejeté ladite réclamation.

11      Par la suite, MM. Lebedef et Jones ont introduit un recours devant le Tribunal dans lequel ils concluaient à l’annulation de la « décision » implicite de refus de porter le pouvoir d’achat des rémunérations au Luxembourg à un niveau équivalent à celui du pouvoir d’achat des rémunérations à Bruxelles et, subsidiairement, de leurs bulletins de rémunération émis pour la période à partir du 15 juin 2008. Ce recours a été enregistré sous la référence F‑29/09.

12      Par arrêt du 30 septembre 2010, Lebedef et Jones/Commission (F‑29/09, ci-après l’« arrêt Lebedef et Jones »), le Tribunal a :

–        d’une part, rejeté le recours en tant que dirigé contre la prétendue décision implicite de refus de porter le pouvoir d’achat des fonctionnaires affectés au Luxembourg à un niveau équivalent à celui du pouvoir d’achat des fonctionnaires affectés à Bruxelles comme irrecevable, pour non-respect de la procédure précontentieuse, telle qu’elle est organisée par les articles 90 et 91 du statut, (points 25 à 27), et

–        d’autre part, rejeté le recours en tant que dirigé contre les bulletins de rémunération des requérants délivrés à partir de juin 2008 comme non fondé, en estimant notamment que les requérants s’étaient bornés à formuler des considérations essentiellement abstraites sans fournir un début de preuve de nature à établir, à tout le moins, une apparence de distorsion sensible du pouvoir d’achat des fonctionnaires affectés au Luxembourg par rapport à celui de leurs collègues travaillant à Bruxelles pouvant justifier le lancement d’enquêtes statistiques par Eurostat (points 69 et 70).

13      Par arrêt du 13 avril 2011, Lebedef et Jones/Commission (F‑29/09 REV), le Tribunal a rejeté la demande en révision de l’arrêt Lebedef et Jones présentée par les requérants de cette affaire.

14      Par courriel du 14 mars 2011, enregistré le même jour par l’administration, les requérants ont introduit une réclamation à l’encontre de leurs bulletins de rémunération de décembre 2010, lesquels, en application du règlement (UE) no 1239/2010 du Conseil, du 20 décembre 2010, adaptant, avec effet au 1er juillet 2010, les rémunérations et les pensions des fonctionnaires et autres agents de l’Union européenne ainsi que les coefficients correcteurs dont sont affectées ces rémunérations et pensions (JO L 338, p. 1), comportaient une correction de l’adaptation des rémunérations sans toutefois contenir de coefficient correcteur propre à leur lieu d’affectation, ainsi que contre les bulletins de rémunération des mois suivants.

15      Par décision du 12 juillet 2011, l’AIPN a rejeté ladite réclamation.

 Conclusions des parties et procédure

16      Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler leurs bulletins de rémunération du mois de décembre 2010, ainsi que ceux des mois suivants ;

–        condamner la Commission aux dépens.

17      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable et, en tout hypothèse, comme non fondé ;

–        condamner les requérants aux dépens.

18      Par courrier parvenu au greffe du Tribunal le 20 décembre 2011, le Conseil de l’Union européenne a demandé à intervenir dans l’affaire, au soutien des conclusions de la Commission. Le président de la troisième chambre du Tribunal a fait droit à cette demande par ordonnance du 8 février 2012.

19      Par son mémoire en intervention, parvenu au greffe du Tribunal le 7 mai 2012, le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours comme irrecevable et, en toute hypothèse, comme non fondé.

 Sur la recevabilité du recours

 Arguments des parties

20      La Commission estime que le recours est irrecevable, tout en marquant son désaccord avec le raisonnement du Tribunal dans l’arrêt Lebedef et Jones. Elle fait valoir que, selon une jurisprudence constante, les conditions relatives à la procédure précontentieuse et aux délais de recours sont d’ordre public et ne sont pas à la disposition du juge, même quand sont en cause des droits fondamentaux, y compris quand ceux-ci sont garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950.

21      Elle rappelle également que l’article 3, paragraphe 5, de l’annexe XI du statut existe, dans sa formulation actuelle, depuis l’entrée en vigueur de la réforme du statut en 2004. Les requérants auraient ainsi attendu respectivement quatre et six ans pour attaquer, par le biais du recours ayant donné lieu à l’arrêt Lebedef et Jones et par celui du présent recours, un bulletin de rémunération concrétisant la règle générale contenue dans cette disposition. Faire droit au présent recours impliquerait que des fonctionnaires soient recevables à attaquer, à n’importe quel moment, un de leurs bulletins de rémunération ultérieurs dans la mesure où ils estimeraient que leur rémunération n’est pas affectée d’un coefficient correcteur adéquat.

22      Selon la Commission, les bulletins de rémunération litigieux auraient été légaux à la date de leur établissement, puisqu’ils auraient été établis en conformité avec la réglementation applicable à l’époque, et d’ailleurs encore actuellement. Tant que celle-ci n’est pas déclarée illégale, la Commission aurait une compétence liée, de sorte que, même en cas d’annulation par le Tribunal, elle serait tenue d’adopter une décision identique à celle qui est aujourd’hui contestée. Or, il n’entrerait pas dans les compétences du Tribunal de déclarer illégal, dans le cadre d’une affaire dirigée contre les seuls bulletins de rémunération, l’article 3, paragraphe 5, de l’annexe XI du statut, sachant par ailleurs que son contenu résulte d’une analyse économique complexe qui doit être fournie par Eurostat.

23      La Commission rappelle enfin que, pas plus que dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Lebedef et Jones, les requérants n’ont introduit de demande au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut tendant à ce qu’il soit procédé à une enquête par Eurostat sur la nécessité de proposer un coefficient correcteur pour le Luxembourg et ont choisi, à tort, la procédure de la réclamation contre leurs bulletins de rémunération. En cas de refus, il leur aurait été loisible d’introduire une réclamation contre ce refus et, par la suite, d’en contester la légalité devant le Tribunal, sans qu’il soit besoin de recourir à l’article 265 TFUE.

24      Le Conseil partage l’analyse de la Commission, en particulier quant à la possibilité pour les requérants de demander, au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut, qu’Eurostat procède à une enquête sur les pouvoirs d’achat à Bruxelles et au Luxembourg.

25      Les requérants estiment que le recours est recevable. La procédure précontentieuse aurait été pleinement respectée, une réclamation ayant été introduite dans les délais à l’encontre du premier bulletin de rémunération qui faisait application d’un règlement portant adaptation du montant des rémunérations en violation du principe d’égalité de traitement entre fonctionnaires quant à leur pouvoir d’achat.

 Appréciation du Tribunal

26      Il apparaît à la lecture des arguments des requérants que ces derniers critiquent, en substance, la persistance de la Commission à faire application de l’article 3, paragraphe 5, premier alinéa, de l’annexe XI du statut sans avoir fait procéder à une étude sur l’éventuelle distorsion entre les pouvoirs d’achat respectifs des fonctionnaires affectés à Bruxelles et au Luxembourg, alors qu’ils invoquent l’apparition de circonstances économiques nouvelles, lesquelles ne justifieraient plus, au regard notamment du principe de l’égalité de traitement, l’application de cette disposition.

27      Dans ces conditions, la Commission et le Conseil soutiennent qu’il incombait aux requérants, dans le cadre du système des voies de recours tel qu’il est organisé aux articles 90 et 91 du statut, plutôt que d’exercer directement un recours à l’encontre de leur bulletin de rémunération de décembre 2010, d’introduire une demande préalable, au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut, tendant à ce que l’AIPN fasse procéder à une enquête sur l’existence d’une éventuelle distorsion entre les pouvoirs d’achat à Bruxelles et au Luxembourg.

28      Une telle position ne saurait être admise. En effet, ainsi que le Tribunal l’a déjà relevé au point 40 de l’arrêt Lebedef et Jones/Commission, précité, l’article 90, paragraphe 1, du statut permet seulement aux fonctionnaires de demander à l’administration, agissant en qualité d’AIPN, d’adopter une décision à leur égard. Or, en l’espèce, il n’appartient pas à l’AIPN, en tant que telle, de faire procéder à une étude sur une éventuelle distorsion entre les pouvoirs d’achat à Bruxelles et au Luxembourg, voire de faire une proposition visant à ce que soit adopté un coefficient correcteur pour le Luxembourg. S’il est vrai que la Commission dispose d’un pouvoir d’initiative dans ces matières, elle n’en dispose qu’en tant qu’institution participant à la procédure législative au sein de l’Union européenne et pas en sa qualité d’employeur.

29      D’ailleurs la possibilité que le bulletin de salaire révèle une abstention de l’institution de faire procéder à une étude ou de faire une proposition fixant un coefficient correcteur pour le Luxembourg ne pourrait en tout état de cause pas être envisagée dans le cas d’un fonctionnaire affecté au Luxembourg mais relevant d’une autre institution que la Commission. Or, il serait contraire au principe d’égalité de traitement que des fonctionnaires se voyant appliquer le même coefficient correcteur du fait qu’ils relèvent du même lieu d’affectation puissent disposer ou non d’un droit au recours selon que leur employeur participe ou non à la procédure d’adoption des règlements statutaires.

30      Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutiennent la Commission et le Conseil, les requérants ne seraient pas recevables à introduire auprès de l’AIPN une demande tendant, notamment, à ce que la Commission prenne les initiatives politiques nécessaires pour que soit, le cas échéant, établi, dans l’avenir, un coefficient correcteur spécifique pour le Luxembourg, ce qui suppose l’abrogation de l’article 3, paragraphe 5, premier alinéa, de l’annexe XI du statut. Une telle demande sortirait du champ d’application de l’article 90, paragraphe 1, du statut, puisque de telles initiatives ne sauraient être qualifiées de « décisions prises par l’AIPN à l’égard d’un fonctionnaire ».

31      Il convient, à présent, de vérifier si le recours, lequel est dirigé contre les fiches de rémunération des requérants délivrées à partir de décembre 2010, répond pour autant aux exigences des articles 90 et 91 du statut.

32      Selon l’article 90, paragraphe 2, du statut, la réclamation et, par conséquent, le recours ne peuvent être dirigés que contre un acte faisant grief émanant de l’AIPN, qu’il s’agisse d’une décision ou d’une abstention de prendre une mesure imposée par le statut.

33      Selon une jurisprudence constante, un acte faisant grief, au sens de l’article 90, paragraphe 2, et de l’article 91, paragraphe 1, du statut, est celui qui produit des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci (arrêt du Tribunal du 28 juin 2006, Grünheid/Commission, F‑101/05, point 33, et la jurisprudence citée).

34      Or, une fiche de rémunération, par sa nature et son objet, ne présente pas les caractéristiques d’un acte faisant grief dès lors qu’elle ne fait que traduire en termes pécuniaires la portée de décisions administratives antérieures, relatives à la situation personnelle et juridique du fonctionnaire (arrêts du Tribunal du 23 avril 2008, Pickering/Commission, F‑103/05, point 72, et Bain e.a./Commission, F‑112/05, point 73).

35      Toutefois, dans la mesure où elle fait apparaître clairement l’existence et le contenu d’une décision administrative de portée individuelle, passée jusqu’alors inaperçue, dès lors qu’elle n’avait pas été formellement notifiée à l’intéressé, la fiche de rémunération, contenant le décompte des droits pécuniaires, a pour effet de faire courir les délais de réclamation et de recours contre la décision administrative prise à l’égard du fonctionnaire concerné et reflétée dans la fiche (arrêts Pickering/Commission, précité, point 75, et Bain e.a./Commission, précité, point 76).

36      Il en va de même lorsque la fiche de rémunération matérialise, pour la première fois, la mise en œuvre d’un nouvel acte de portée générale concernant la fixation de droits pécuniaires, tels une décision modifiant la méthode de calcul des frais de voyage (arrêt du Tribunal de première instance du 18 septembre 2003, Lebedef e.a./Commission, T‑221/02, points 24 et 25), une décision appliquant un barème de contributions parentales pour les services de crèche (arrêt du Tribunal de première instance du 29 janvier 1997, Vanderhaeghen/Commission, T‑297/94, point 24), un règlement modifiant des coefficients correcteurs (arrêt du Tribunal de première instance du 8 novembre 2000, Bareyt e.a./Commission, T‑175/97 ; arrêts Pickering/Commission, précité, et Bain e.a./Commission, précité), un règlement adaptant le montant des rémunérations (arrêt du Tribunal de première instance du 22 juin 1994, Di Marzio et Lebedef/Commission, T‑98/92 et T‑99/92) ou un règlement instaurant une contribution exceptionnelle de crise ou une contribution temporaire (arrêt de la Cour du 3 juillet 1985, Abrias e.a./Commission, 3/83 ; arrêt du Tribunal de première instance du 22 juin 1994, Rijnoudt et Hocken/Commission, T‑97/92 et T‑111/92).

37      Dans ces dernières hypothèses, le premier bulletin de rémunération faisant suite à l’entrée en vigueur de l’acte de portée générale, modifiant les droits pécuniaires d’une catégorie abstraite de fonctionnaires, traduit nécessairement, à l’égard de son destinataire, l’adoption d’une décision administrative de portée individuelle produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts du fonctionnaire concerné. Par contre, les bulletins de rémunération suivants se bornent, quant à eux, à rendre compte de la poursuite dans le temps des effets de cette décision administrative de portée individuelle initiale. À supposer que de tels bulletins de rémunération puissent plutôt être regardés comme révélant l’adoption de décisions administratives de portée individuelle confirmatives, il est constant, en tout état de cause, qu’une décision confirmative ne constitue pas un acte faisant grief (arrêt de la Cour du 11 janvier 1996, Zunis Holding e.a./Commission, C‑480/93 P, point 14).

38      En l’espèce, d’une part, la mesure matérialisée par les bulletins de rémunération contestés concerne, en substance, l’application aux rémunérations des requérants d’un coefficient correcteur de 100, ce qui équivaut à une absence de coefficient correcteur. Cette mesure est assurément conforme à l’article 3, paragraphe 5, premier alinéa, de l’annexe XI du statut, lequel prévoit qu’aucun coefficient correcteur n’est applicable pour le Luxembourg.

39      D’autre part, si les bulletins de rémunération contestés, lesquels datent, au plus tôt, de décembre 2010, n’ont pas matérialisé pour la première fois la mise en œuvre de la règle prévue à l’article 3, paragraphe 5, premier alinéa, de l’annexe XI du statut, issue de la réforme du statut de 2004, en revanche, lesdits bulletins de rémunération mettent en application, pour la première fois, le règlement no 1239/2010. Or, les requérants reprochent précisément au législateur et à la Commission, en particulier, de ne pas avoir reconsidéré, avant d’adapter, notamment au regard du règlement susmentionné, les rémunérations et pensions à la fin de l’année 2010, la portée de l’article 3, paragraphe 5, premier alinéa, de l’annexe XI du statut, lequel, s’il apparaissait justifié au moment de son adoption lors de la réforme du statut en 2004, serait devenu, selon les requérants, contraire au principe d’égalité de traitement, en raison d’un changement de circonstances économiques.

40      Il y a lieu de rappeler à cet égard que toute autorité normative est, d’une part, tenue de vérifier, sinon en permanence du moins périodiquement, que les règles qu’elle a posées répondent encore aux besoins pour lesquels elles ont été conçues et, d’autre part, de modifier ou même d’abroger les règles qui ont perdu toute justification et en sont arrivées à n’être plus en adéquation avec le contexte nouveau dans lequel elles doivent produire leurs effets (conclusions de l’avocat général M. Mischo sous l’arrêt de la Cour du 22 octobre 2002, National Farmers’ Union, C‑241/01, point 51 ; voir également en ce sens, conclusions de l’avocat général M. Jacobs sous l’arrêt de la Cour du 17 juillet 1997 SAM Schiffahrt et Stapf, C‑248/95 et C‑249/95, point 38). Une telle vérification s’impose, en particulier, lors de l’actualisation des coefficients correcteurs.

41      Il convient donc d’analyser le recours des requérants, dirigé contre leurs bulletins de rémunération de décembre 2010 notamment, comme soulevant une exception d’illégalité à l’encontre de l’article 3, paragraphe 5, premier alinéa, de l’annexe XI du statut, disposition qu’il aurait incombé au législateur d’abroger avant l’adoption du règlement no 1239/2010, pour garantir l’égalité de traitement entre fonctionnaires, plutôt que de poursuivre automatiquement son application à l’occasion de cette adoption.

42      Une telle interprétation de la portée du recours permet, sans pour autant méconnaître le principe de sécurité juridique, de garantir le droit des fonctionnaires à une protection juridictionnelle effective dans le cadre du système des voies de recours organisé par les articles 90 et 91 du statut, lequel a vocation à être complet s’agissant des litiges entre l’Union et ses agents (voir, en ce sens, de façon plus générale, conclusions précitées de l’avocat général M. Mischo, points 52 et 53).

43      Il découle de tout ce qui précède que l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission et le Conseil doit être rejetée.

 Sur le fond

44      À l’appui de leur recours, les requérants invoquent trois moyens, tirés respectivement de la violation du principe d’égalité de traitement et de non-discrimination, de la violation de l’article 64 du statut, et de la violation du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation du principe d’égalité de traitement et de non-discrimination

 Arguments des parties

45      Les requérants font valoir que le coût de la vie au Luxembourg est plus élevé qu’à Bruxelles. Ils invoquent, à l’appui de cette affirmation, des données diffusées par la banque UBS, des calculs informels effectués par des statisticiens d’Eurostat ainsi que les appréciations de collègues et de l’un des requérants dont ils demandent le témoignage devant le Tribunal.

46      Selon les requérants, il ressort, premièrement, des enquêtes diligentées par la banque UBS que le pouvoir d’achat des fonctionnaires affectés au Luxembourg est en constante régression par rapport au pouvoir d’achat de leurs collègues affectés à Bruxelles. De 2006 à 2011, l’écart, sans prise en compte des loyers, aurait été respectivement de 5,6 %, 6,2 %, 6,9 %, 7 % et 7,2 % ; il aurait été de 11,7 %, 12,4 %, 3,3 %, 3,3 % et 3,7 % avec prise en compte des loyers. Les requérants observent que seul Eurostat serait en mesure de procéder à une étude pleinement fiable sur l’ampleur et la durabilité de la distorsion entre le coût de la vie à Bruxelles et le coût de la vie au Luxembourg.

47      Deuxièmement, les requérants invoquent une déclaration faite par M. D., représentant d’Eurostat, au cours d’une réunion du groupe de travail « Rémunérations », groupe de travail institué par l’administration pour le suivi des rémunérations, qui s’est tenue le 16 septembre 2010. Selon les requérants, ce représentant d’Eurostat aurait déclaré qu’il ressortirait d’estimations d’Eurostat, encore provisoires, que le niveau des prix au Luxembourg en juillet 2010 était supérieur de 7 % au niveau des prix à Bruxelles à la même date. Ce même représentant d’Eurostat aurait déclaré qu’un résultat similaire avait été calculé trois années auparavant dans le cadre d’une étude effectuée par l’OCDE.

48      Ces estimations confirmeraient à la fois l’ampleur et la durabilité de la distorsion entre les pouvoirs d’achat respectifs des fonctionnaires affectés à Bruxelles et au Luxembourg.

49      Troisièmement, les requérants demandent au Tribunal d’ordonner l’audition de M. D. et de M. L., ainsi que de l’un d’eux, M. Jones, en leur qualité de membres du groupe de travail susmentionné, pour qu’ils témoignent de la teneur des discussions au sein de ce groupe de travail et des difficultés pour les requérants d’effectuer les calculs nécessaires à l’appui de leur thèse.

50      La Commission rétorque, s’agissant des données émanant de la banque UBS, que les requérants ne fournissent que des chiffres bruts concernant le niveau des prix, sans fournir d’indications ou d’explications quant à la manière dont la banque UBS aurait déterminé ce niveau des prix. En considérant que seul Eurostat pourrait « faire le calcul pour confirmer ou non la nécessité d’équilibrer les pouvoirs d’achat des deux lieux d’affectation », les requérants auraient admis que leur requête est privée de tout fondement, à défaut précisément d’enquête diligentée par Eurostat, seuls les résultats d’une telle enquête pouvant justifier une demande d’annulation.

51      Le Conseil ajoute que les chiffres ressortant des enquêtes de la banque UBS et présentés dans la requête sont contradictoires et tendent à établir le résultat inverse de celui avancé par les requérants, puisque l’écart entre les pouvoirs d’achat des fonctionnaires, affectés respectivement à Bruxelles et au Luxembourg, calculé en prenant en compte les loyers, a diminué depuis 2008. Le Conseil invoque également l’autorité de la chose jugée, les données en cause ayant déjà été présentées en grande partie dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Lebedef et Jones.

52      Par ailleurs, les éléments fournis par les statisticiens d’Eurostat et de l’OCDE auraient été rejetés par le Tribunal dans l’arrêt en révision Lebedef et Jones/Commission, précité. Le Conseil observe que le chiffre de 7 % en question présente un caractère provisoire et ne concerne que l’année 2010.

 Appréciation du Tribunal

53      Les requérants reprochent, en substance, à la Commission de ne pas avoir, nonobstant l’article 3, paragraphe 5, premier alinéa, de l’annexe XI du statut, chargé Eurostat de procéder à des enquêtes statistiques permettant d’établir l’existence, ou non, d’une distorsion sensible du pouvoir d’achat des fonctionnaires et agents affectés au Luxembourg par rapport au pouvoir d’achat constaté à Bruxelles. Ils estiment que, par sa carence et malgré les indices qu’ils ont produits, lesquels indices laisseraient apparaître, ces dernières années, une augmentation sensible du coût de la vie au Luxembourg, la Commission a violé le principe d’égalité de traitement.

54      Ainsi, l’argumentation des requérants, comme déjà exposé au point 41 du présent arrêt, tend à mettre en cause principalement la légalité de l’article 3, paragraphe 5, premier alinéa, de l’annexe XI du statut en ce que cette disposition ferait obstacle non seulement à la possibilité d’établir un coefficient correcteur pour le Luxembourg, mais également à ce que la Commission charge Eurostat d’effectuer les enquêtes statistiques nécessaires pour démontrer l’existence d’une éventuelle distorsion entre le coût de la vie à Bruxelles et le coût de la vie au Luxembourg, alors même que les indices fournis par les requérants justifieraient le lancement de pareilles enquêtes.

55      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la finalité des coefficients correcteurs affectant les rémunérations des fonctionnaires, prévus par les articles 64 et 65 du statut, est de garantir le maintien d’un pouvoir d’achat équivalent pour tous les fonctionnaires, quel que soit leur lieu d’affectation, conformément au principe de l’égalité de traitement (arrêt Lebedef et Jones, point 62, et la jurisprudence citée). Il appartient au Conseil, conformément à l’article 65, paragraphe 2, du statut, lorsqu’il constate une variation sensible du coût de la vie, d’en tirer les conséquences en adaptant les coefficients correcteurs (arrêt Lebedef et Jones, point 62). La Cour a ajouté, à propos d’une variation sensible du coût de la vie avérée entre un lieu d’affectation, autre que la capitale de l’État membre considéré, et celle-ci, que le Conseil ne disposait d’aucune marge d’appréciation quant à la nécessité d’introduire un coefficient correcteur spécifique pour un lieu d’affectation (arrêt de la Cour du 23 janvier 1992, Commission/Conseil, C‑301/90, point 25).

56      Il convient également de rappeler que le principe d’égalité de traitement, que vise à garantir l’établissement de coefficients correcteurs, prévus par les articles 64 et 65 du statut, s’impose également au législateur, ainsi que le reconnaît la Commission.

57      En l’espèce, ainsi que le Tribunal l’a déjà constaté s’agissant du recours ayant donné lieu à l’arrêt Lebedef et Jones, il est clair que les requérants, qui allèguent un traitement discriminatoire à l’encontre des fonctionnaires affectés au Luxembourg, du fait de l’absence de coefficient correcteur spécifique pour cet État membre, en vertu de l’article 3, paragraphe 5, premier alinéa, de l’annexe XI du statut, se trouvent devant le Tribunal dans une situation particulièrement difficile en ce qui concerne l’établissement de la preuve, en raison des difficultés techniques liées au relevé et à l’élaboration de données statistiques suffisamment fiables (arrêt Lebedef et Jones, point 64).

58      Dans ces conditions, la Commission ne saurait se borner à faire valoir que les requérants n’ont pas démontré l’existence d’un écart sensible et durable entre le Luxembourg et Bruxelles, à l’appui de leur moyen tiré d’une violation de l’égalité de traitement, tout en arguant de ce qu’il lui est impossible de demander à Eurostat de diligenter des enquêtes statistiques à cet égard, au motif que l’article 3, paragraphe 5, premier alinéa, de l’annexe XI du statut interdit l’établissement d’un coefficient correcteur spécifique pour le Luxembourg. Un tel raisonnement circulaire, s’il était suivi par le Tribunal, ne permettrait pas de garantir le respect de l’égalité de traitement entre fonctionnaires en matière de rémunération et, en particulier, l’exigence du maintien d’un pouvoir d’achat équivalent pour tous les fonctionnaires (arrêt Lebedef et Jones, point 65).

59      Compte tenu des difficultés techniques liées à la définition et au choix des données de base et des méthodes statistiques, il ne saurait être exigé des requérants qu’ils démontrent devant le Tribunal, à suffisance de droit, l’existence d’une hausse sensible et durable du coût de la vie au Luxembourg, par rapport à Bruxelles, de nature à établir l’existence d’une inégalité de traitement entre fonctionnaires, selon leur lieu d’affectation. Il leur incombe, seulement, d’apporter un faisceau d’indices suffisamment significatif laissant apparaître une possible distorsion du pouvoir d’achat, de nature à déplacer la charge de la preuve sur la Commission et à justifier, le cas échéant, le lancement d’enquêtes administratives par Eurostat (arrêt Lebedef et Jones, point 66).

60      Il est vrai qu’il ressort de l’article 65, paragraphe 2, du statut que seule une augmentation sensible du coût de la vie au Luxembourg, par rapport à Bruxelles, serait susceptible de justifier l’adoption de mesures d’adaptation aux fins de garantir l’équivalence du pouvoir d’achat entre les fonctionnaires affectés au Luxembourg et leurs collègues travaillant à Bruxelles. Le principe d’égalité de traitement ne saurait, en effet, imposer une parfaite identité du pouvoir d’achat des fonctionnaires, quel que soit leur lieu d’affectation, mais une correspondance substantielle du coût de la vie entre les lieux d’affectation considérés. Le législateur dispose, à cet égard, compte tenu de la complexité de la matière, d’une large marge d’appréciation, l’intervention du juge devant se limiter à examiner si les institutions sont restées dans des limites raisonnables par rapport aux considérations qui les ont inspirées et n’ont pas usé de leur pouvoir de manière manifestement erronée (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 7 décembre 1995, Abello e.a./Commission, T‑544/93 et T‑566/93, point 76 ; arrêt Lebedef et Jones, point 67).

61      Toutefois, dès lors que le grief principal avancé à l’appui du présent recours semble bien être la persistance du législateur à imposer la règle de l’article 3, paragraphe 5, premier alinéa, de l’annexe XI du statut sans que la Commission ait jugé utile de faire procéder à une étude sur l’éventuelle distorsion du pouvoir d’achat entre Bruxelles et le Luxembourg, le contrôle du juge n’est pas limité à la vérification de l’erreur manifeste d’appréciation, mais porte sur le point de savoir si les intéressés ont, ou non, fourni les indices suffisants, tels que des études chiffrées ou d’autres études, de source autorisée, suffisamment étayées, justifiant le lancement d’une enquête.

62      Or, force est de constater, en l’espèce, que les requérants se bornent à formuler, comme dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Lebedef et Jones, des considérations essentiellement abstraites sans fournir un début de preuve de nature à établir, à tout le moins, une apparence de distorsion sensible pouvant justifier le lancement d’enquêtes statistiques par Eurostat. En effet, dans leur requête, les requérants font uniquement état :

–        de données globales diffusées par la banque UBS, sans que ces données soient explicitées ni la méthodologie qui a été suivie, décrite ;

–        de « calculs informels, obtenus par des statisticiens d’Eurostat » et présentés comme provisoires, au cours d’une réunion de travail, également sans autres commentaires ;

–        d’une offre de témoignages de trois fonctionnaires, dont l’un des requérants, ayant participé à la réunion de travail susmentionnée.

63      De tels indices ne suffisent pas à établir une apparence de différence sensible et durable du coût de la vie entre les deux lieux d’affectation en cause, de nature à justifier que la Commission demande à Eurostat de procéder à une enquête afin de lui permettre de vérifier si, à défaut de coefficient correcteur spécifique pour le Luxembourg, une telle différence diminuerait de façon substantielle le pouvoir d’achat des fonctionnaires affectés au Luxembourg par rapport à celui de leurs collègues travaillant à Bruxelles. Il est vrai que les requérants ont annexé à leur requête les analyses effectuées par la banque UBS, mais il incombe à toute partie requérante, selon une jurisprudence constante, d’intégrer dans la requête elle-même les arguments pertinents qu’elle avance à l’appui de ses conclusions, sans que le Tribunal soit conduit à devoir les rechercher à la lecture des annexes [arrêt du Tribunal de première instance du 1er mars 2005, Sergio Rossi/OHMI‑Sissi Rossi (SISSI ROSSI), T‑169/03, points 30 et 31, et la jurisprudence citée].

64      Il y a lieu, en conséquence, de rejeter le premier moyen.

 En ce qui concerne le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 64 du statut

 Arguments des parties

65      Les requérants observent que, selon l’article 64, deuxième alinéa, du statut, le coefficient correcteur « applicable à la rémunération des fonctionnaires affectés aux sièges provisoires des Communautés est, à la date du 1er janvier 1962, égal à 100 % ». Cela signifierait qu’avec les années le coefficient du Luxembourg peut changer, les dispositions de l’annexe XI ne pouvant pas limiter la portée dudit article 64.

66      Dès lors qu’il ressort des développements avancés à l’appui du premier moyen que le législateur aurait illégalement considéré que les conditions de vie à Bruxelles et au Luxembourg ne justifiaient pas l’établissement de coefficients correcteurs distincts, les requérants estiment que l’article 3, paragraphe 5, premier alinéa, de l’annexe XI méconnaît l’article 64 du statut.

67      La Commission rétorque que les requérants ne fournissent aucune argumentation au soutien de leur deuxième moyen, ce qui devrait conduire à rejeter ce moyen comme irrecevable au regard de l’article 35, paragraphe 1, sous d) et e), du règlement de procédure.

 Appréciation du Tribunal

68      Les requérants font, en substance, valoir que les dispositions de l’annexe XI du statut, et notamment son article 3, paragraphe 5, premier alinéa, ne sauraient s’écarter de l’article 64 du statut, dont la lettre et l’esprit impliqueraient obligatoirement la possibilité de modifier les coefficients correcteurs affectant la rémunération des fonctionnaires, selon les conditions de vie des différents lieux d’affectation.

69      À cet égard, ainsi que le Tribunal l’a déjà jugé au point 83 de l’arrêt Lebedef et Jones, il est vrai que « [l]’article 65 bis du statut prévoit que les modalités d’application des articles 64 et 65 sont définies à l’annexe XI ». Il est possible d’en inférer que lesdites modalités d’application ne sauraient s’écarter des règles de base inscrites aux articles 64 et 65 du statut. De plus, de façon générale, s’il n’existe pas à proprement parler de hiérarchie formelle entre les règles organiques du statut et ses annexes, les deux catégories de normes étant adoptées par le Conseil, il pourrait exister, selon le cas, entre celles-ci, une hiérarchie substantielle, les annexes devant être interprétées en tenant compte des fondements et du système de la fonction publique de l’Union européenne, tels qu’ils sont fixés par le statut proprement dit.

70      Toutefois, en l’espèce, les requérants n’ont pas établi que les dispositions de l’annexe XI et, en particulier, son article 3, paragraphe 5, premier alinéa, méconnaissent une règle essentielle, contenue à l’article 64 du statut, les requérants n’ayant pas démontré que le législateur avait illégalement estimé que les conditions de vie à Bruxelles et au Luxembourg ne justifiaient pas l’établissement de coefficients correcteurs distincts. La question de savoir si une telle appréciation méconnaît le principe d’égalité de traitement a précisément été examinée dans le cadre du premier moyen invoqué à l’appui du recours.

71      Compte tenu de ce qui précède, il convient de rejeter le deuxième moyen.

 En ce qui concerne le troisième moyen, tiré de la violation du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude

 Arguments des parties

72      Les requérants reprochent à la Commission d’avoir rejeté leur réclamation alors qu’elle aurait été pleinement informée de l’existence d’une distorsion des prix entre le Luxembourg et Bruxelles et donc d’une différence de pouvoir d’achat entre les fonctionnaires affectés dans ces lieux. En dissimulant ainsi la vérité, la Commission aurait adopté un comportement vexatoire et méconnu le principe de bonne administration ainsi que son devoir de sollicitude, lequel lui imposerait de prendre en compte l’intérêt des fonctionnaires concernés au même titre que l’intérêt du service.

73      La Commission rétorque que les bulletins de rémunération attaqués ont été établis en conformité avec la législation existante, la Commission agissant dans le cadre d’une compétence liée. Il serait donc exclu qu’elle ait pu de la sorte méconnaître le principe de bonne administration.

 Appréciation du Tribunal

74      Quant à la prétendue violation du principe de bonne administration, il suffit de rappeler que, en tout état de cause, une disposition statutaire régulièrement adoptée par le Conseil ne peut être utilement mise en cause au motif d’une prétendue violation d’un tel principe (arrêts du Tribunal de première instance du 15 février 2005, Pyres/Commission, T‑256/01, point 66, et du 29 novembre 2006, Campoli/Commission, T‑135/05, point 149). Il en va de même de la prétendue méconnaissance du devoir de sollicitude.

75      Compte tenu de ce qui précède, il convient de rejeter le troisième moyen et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

76      Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

77      Il résulte des motifs énoncés ci-dessus que les requérants ont succombé en leur recours. En outre, la Commission a, dans ses conclusions, expressément demandé que les requérants soient condamnés aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, les requérants doivent supporter leurs propres dépens et sont condamnés à supporter les dépens exposés par la Commission.

78      Par ailleurs, aux termes de l’article 89, paragraphe 4, du règlement de procédure, l’intervenant supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      MM. Lebedef, Jones, Gonzales Gonzales et Mme Lebedef-Caponi supportent leurs propres dépens et sont condamnés à supporter les dépens exposés par la Commission européenne.

3)      Le Conseil de l’Union européenne, partie intervenante, supporte ses propres dépens.

Van Raepenbusch

Boruta

Perillo

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 5 décembre 2012.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       S. Van Raepenbusch


* Langue de procédure : le français.

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