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Document 62021CO0113
Order of the Court (Sixth Chamber) of 6 September 2022.#Maen Haikal v Council of the European Union.#Appeal – Article 181 of the Rules of Procedure of the Court of Justice – Common foreign and security policy – Restrictive measures taken against the Syrian Arab Republic – Measures directed against leading businesspersons operating in Syria – Lists of persons subject to the freezing of funds and economic resources – Proof that the inclusion of the appellant’s name on those lists is well founded – Appeal manifestly inadmissible or manifestly unfounded.#Case C-113/21 P.
Ordonnance de la Cour (sixième chambre) du 6 septembre 2022.
Maen Haikal contre Conseil de l'Union européenne.
Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de la République arabe syrienne – Mesures dirigées contre des hommes et des femmes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie – Listes des personnes auxquelles s’applique le gel de fonds et de ressources économiques – Preuve du bien-fondé de l’inscription du nom du requérant sur ces listes – Pourvoi manifestement irrecevable ou manifestement non fondé.
Affaire C-113/21 P.
Ordonnance de la Cour (sixième chambre) du 6 septembre 2022.
Maen Haikal contre Conseil de l'Union européenne.
Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de la République arabe syrienne – Mesures dirigées contre des hommes et des femmes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie – Listes des personnes auxquelles s’applique le gel de fonds et de ressources économiques – Preuve du bien-fondé de l’inscription du nom du requérant sur ces listes – Pourvoi manifestement irrecevable ou manifestement non fondé.
Affaire C-113/21 P.
Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2022:640
ORDONNANCE DE LA COUR (sixième chambre)
6 septembre 2022 (*)
« Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de la République arabe syrienne – Mesures dirigées contre des hommes et des femmes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie – Listes des personnes auxquelles s’applique le gel de fonds et de ressources économiques – Preuve du bien-fondé de l’inscription du nom du requérant sur ces listes – Pourvoi manifestement irrecevable ou manifestement non fondé »
Dans l’affaire C‑113/21 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 23 février 2021,
Maen Haikal, demeurant à Damas (Syrie), représenté par Me S. Koev, advokat,
partie requérante,
l’autre partie à la procédure étant :
Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. B. Karaleev et V. Piessevaux, en qualité d’agents,
partie défenderesse en première instance,
LA COUR (sixième chambre),
composée de Mme I. Ziemele, présidente de chambre, M. A. Arabadjiev (rapporteur), président de la première chambre, et M. A. Kumin, juge,
avocat général : M. A. M. Collins,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,
rend la présente
Ordonnance
1 Par son pourvoi, M. Maen Haikal demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 16 décembre 2020, Haikal/Conseil (T‑189/19, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2020:607), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision d’exécution (PESC) 2019/87 du Conseil, du 21 janvier 2019, mettant en œuvre la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2019, L 18 I, p. 13, et rectificatif JO 2019, L 229, p. 25), du règlement d’exécution (UE) 2019/85 du Conseil, du 21 janvier 2019, mettant en œuvre le règlement (UE) no 36/2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2019, L 18 I, p. 4, et rectificatif JO 2019, L 229, p. 24), de la décision (PESC) 2019/806 du Conseil, du 17 mai 2019, modifiant la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2019, L 132, p. 36), et du règlement d’exécution (UE) 2019/798 du Conseil, du 17 mai 2019, mettant en œuvre le règlement (UE) no 36/2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2019, L 132, p. 1), pour autant que ces actes concernent le requérant (ci-après les « actes litigieux »).
Le cadre juridique
2 Les considérants 3 et 5 de la décision 2013/255/PESC du Conseil, du 31 mai 2013, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2013, L 147, p. 14), telle que modifiée par la décision (PESC) 2015/1836 du Conseil, du 12 octobre 2015 (JO 2015, L 266, p. 75), énoncent :
« (3) Le Conseil [de l’Union européenne] a constaté à plusieurs reprises avec une vive préoccupation que le régime syrien tentait de contourner les mesures restrictives de l’Union [européenne] afin de continuer à financer et à soutenir sa politique de répression violente exercée contre la population civile.
[...]
(5) Le Conseil a estimé que, en raison du contrôle étroit exercé sur l’économie par le régime syrien, un cercle restreint de femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie n’est en mesure de maintenir son statut que grâce à des liens étroits avec le régime et au soutien de celui-ci, ainsi qu’à l’influence exercée en son sein. Le Conseil estime qu’il devrait prévoir des mesures restrictives pour imposer des restrictions à l’admission des femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie, identifiés par le Conseil et dont la liste figure à l’annexe I, ainsi que pour geler tous les fonds et ressources économiques qui leur appartiennent, qui sont en leur possession, ou qui sont détenus ou contrôlés par eux, afin de les empêcher de fournir un soutien matériel ou financier au régime et, par l’influence qu’ils exercent, d’accroître la pression sur le régime lui-même afin qu’il modifie sa politique de répression. »
3 Aux termes de l’article 27 de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836 :
« 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour empêcher l’entrée ou le passage en transit sur leur territoire des personnes responsables de la répression violente exercée contre la population civile en Syrie, des personnes bénéficiant des politiques menées par le régime ou soutenant celui-ci, et des personnes qui leur sont liées, dont la liste figure à l’annexe I.
2. Conformément aux évaluations et aux constatations faites par le Conseil dans le contexte de la situation en Syrie énoncées aux considérants 5 à 11, les États membres prennent aussi les mesures nécessaires pour empêcher l’entrée ou le passage en transit sur leur territoire :
a) des femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie ;
[...]
3. Les personnes relevant de l’une des catégories visées au paragraphe 2 ne sont pas inscrites ou maintenues sur la liste des personnes et entités qui figurent à l’annexe I s’il existe des informations suffisantes indiquant qu’ils ne sont pas, ou ne sont plus, liées au régime ou qu’elles n’exercent aucune influence sur celui-ci ou qu’elles ne sont pas associées à un risque réel de contournement.
4. Toutes les décisions d’inscription sur la liste sont prises sur une base individuelle et au cas par cas en tenant compte de la proportionnalité de la mesure.
[...] »
4 Les paragraphes 5 à 11 de cet article 27 prévoient différentes exceptions aux restrictions instituées aux paragraphes 1 et 2 de celui-ci.
5 L’article 28, paragraphes 1 à 5, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, dispose :
« 1. Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant à des personnes responsables de la répression violente exercée contre la population civile en Syrie, à des personnes et entités bénéficiant des politiques menées par le régime ou soutenant celui-ci et à des personnes et entités qui leur sont liées, dont les listes figurent aux annexes I et II, de même que tous les fonds et ressources économiques qu’elles possèdent, détiennent ou contrôlent.
2. Conformément aux évaluations et aux constatations faites par le Conseil dans le contexte de la situation en Syrie énoncées aux considérants 5 à 11, sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant aux personnes relevant des catégories suivantes, de même que tous les fonds et ressources économiques qu’elles possèdent, détiennent ou contrôlent, à savoir :
a) les femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie ;
[...]
3. Les personnes, entités ou organismes relevant de l’une des catégories visées au paragraphe 2 ne sont pas inscrits ou maintenus sur les listes des personnes et entités qui figurent à l’annexe I s’il existe des informations suffisantes indiquant qu’ils ne sont pas, ou ne sont plus, liés au régime ou qu’ils n’exercent aucune influence sur celui-ci ou qu’ils ne sont pas associés à un risque réel de contournement.
4. Toutes les décisions d’inscription sur la liste sont prises sur une base individuelle et au cas par cas en tenant compte de la proportionnalité de la mesure.
5. Aucun fonds ou aucune ressource économique n’est mis, directement ou indirectement, à la disposition des personnes physiques ou morales ou entités dont les listes figurent aux annexes I et II, ni utilisé à leur profit. »
6 L’article 15, paragraphes 1 bis et 1 ter, du règlement (UE) no 36/2012 du Conseil, du 18 janvier 2012, concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie et abrogeant le règlement (UE) no 442/2011 (JO 2012, L 16, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) 2015/1828 du Conseil, du 12 octobre 2015 (JO 2015, L 266, p. 1), prévoit :
« 1 bis. La liste figurant à l’annexe II comprend également les personnes physiques ou morales, les entités et les organismes qui, conformément à l’article 28, paragraphe 2, de la [décision 2013/255], ont été identifiés par le Conseil comme relevant de l’une des catégories suivantes :
a) les femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie ;
[...]
1 ter. Les personnes, les entités ou les organismes relevant de l’une des catégories visées au paragraphe 1 bis ne sont pas inscrits ou maintenus sur la liste des personnes, entités et organismes figurant à l’annexe II s’il existe des informations suffisantes qu’ils ne sont pas, ou ne sont plus, associés au régime ou qu’ils n’exercent aucune influence sur celui-ci ou qu’ils ne sont pas associés à un risque réel de contournement. »
Les antécédents du litige
7 Le requérant est un homme d’affaires de nationalité syrienne dont le nom a été ajouté par la décision d’exécution 2019/87 et par le règlement d’exécution 2019/85 respectivement à la ligne 273 du tableau A de la liste figurant à l’annexe I de la décision 2013/255 et à la ligne 273 du tableau A de la liste figurant à l’annexe II du règlement no 36/2012, énumérant les noms des personnes dont les avoirs sont gelés (ci-après, ensemble, les « listes litigieuses »), en l’identifiant comme étant « l’actionnaire secondaire de la société Exceed [for] Development and Investment [LLC] », pour des motifs identiques libellés comme suit :
« Homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie, détenant une participation de 33 % dans Exceed [for] Development and Investment [LLC], qui a conclu un accord de coentreprise d’une valeur de 17,7 millions de dollars des États-Unis pour la construction de Marota City, un projet immobilier et commercial haut de gamme appuyé par le régime. Du fait de sa participation au projet de Marota City, Maen Rizk Allah [Haikal] profite du régime syrien et/ou soutient ce dernier. »
8 Par la décision 2019/806 et par le règlement d’exécution 2019/798, le Conseil a décidé, sur la base d’un réexamen, de maintenir le nom du requérant sur les listes litigieuses, jusqu’au 1er juin 2020 en vertu de cette décision.
9 Par la décision (PESC) 2020/719 du Conseil, du 28 mai 2020, modifiant la décision 2013/255 (JO 2020, L 168, p. 66) et par le règlement d’exécution (UE) 2020/716 du Conseil, du 28 mai 2020, mettant en œuvre le règlement no 36/2012 (JO 2020, L 168, p. 1), le Conseil a décidé, sur la base d’un réexamen, de retirer le nom du requérant des listes litigieuses.
Le recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
10 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 3 avril 2019, le requérant a introduit un recours en annulation contre la décision d’exécution 2019/87 et le règlement d’exécution 2019/85.
11 Le Conseil ayant adopté, en cours d’instance, la décision 2019/806 et le règlement d’exécution 2019/798, le requérant a adapté cette requête de façon à ce que son recours vise également l’annulation de ces actes, en tant qu’ils le concernaient.
12 À l’appui de ce recours, le requérant a invoqué sept moyens tirés, le premier, de la violation des droits de la défense et du droit à un procès équitable, le deuxième, d’une violation de l’obligation de motivation, le troisième, d’une violation du droit à une protection juridictionnelle effective, le quatrième, d’une erreur d’appréciation du Conseil, le cinquième, d’une violation du droit de propriété, du principe de proportionnalité et de la liberté d’exercer une activité économique, le sixième, d’une violation du droit à des conditions de vie normales et, le septième, d’une violation du droit à la réputation.
13 Après avoir indiqué, à titre liminaire, aux points 26 à 29 de l’arrêt attaqué, que le Conseil avait adopté « la décision 2015/1836, selon laquelle être un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie constitue un critère juridique pour l’application des mesures restrictives en cause », que cette décision avait modifié les articles 27 et 28 de la décision 2013/255 et que c’était à la lumière de ce contexte juridique qu’il convenait d’examiner les sept moyens soulevés, le Tribunal a écarté, aux points 31 à 85 de cet arrêt, les trois premiers moyens.
14 Dans le cadre de l’examen du quatrième moyen, aux points 99 et 100 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que l’inscription du requérant sur les listes litigieuses était fondée sur deux motifs tirés, le premier, de son statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie, en vertu du critère visé à l’article 27, paragraphe 2, sous a), et à l’article 28 de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, ainsi qu’à l’article 15, paragraphe 1 bis, sous a), du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828 (ci-après le « critère relatif à la qualité d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie »), et, le second, de son lien avec le régime syrien. Aux points 159 et 160 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a conclu que ce premier motif d’inscription était suffisamment étayé, de sorte que, au regard de ce critère, cette inscription était fondée et qu’il y avait lieu de rejeter le quatrième moyen sans qu’il fût besoin d’examiner les arguments du requérant visant à remettre en cause le second motif d’inscription.
15 Le Tribunal a ensuite rejeté, aux points 161 à 177 de l’arrêt attaqué, les cinquième à septième moyens et, par voie de conséquence, le recours dans son ensemble.
Les conclusions des parties
16 Le requérant demande à la Cour :
– d’annuler dans sa totalité l’arrêt attaqué ;
– d’annuler les actes litigieux en ce qu’ils le concernent ;
– à défaut, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal afin que celui-ci statue sur le fond, et
– de condamner le Conseil à supporter tous ses dépens, frais, honoraires et autres, liés au présent pourvoi et à la procédure devant le Tribunal.
17 Le Conseil demande à la Cour :
– de rejeter le pourvoi et
– de condamner le requérant aux dépens.
Sur le pourvoi
18 En vertu de l’article 181 de son règlement de procédure, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de rejeter ce pourvoi, totalement ou partiellement, par voie d’ordonnance motivée.
19 Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.
Argumentation des parties
20 Le requérant soulève trois moyens à l’appui de son pourvoi.
21 Par son premier moyen, le requérant soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que le Conseil a correctement appliqué la présomption d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie, alors que cette présomption est dépourvue de fondement juridique et disproportionnée par rapport à l’objectif poursuivi par le législateur. À cet égard, le Tribunal aurait erronément considéré, aux points 108 et suivants de l’arrêt attaqué, que les éléments de preuve apportés par le Conseil étaient suffisamment fiables et concluants pour étayer les motifs de l’inscription du requérant sur les listes litigieuses, alors que leur analyse n’avait pas révélé de circonstance indiquant qu’il était un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie et que le Conseil n’avait pas examiné s’il était lié au gouvernement ou avait la possibilité d’influencer celui-ci. Le requérant ajoute qu’il n’a jamais participé à la vie politique en Syrie et que ni lui ni les membres de sa famille ne sont des hommes d’affaires influents dans cet État. Cette circonstance serait corroborée par le retrait de son nom des listes litigieuses au mois de mai 2020.
22 Par son deuxième moyen, le requérant fait valoir que le Tribunal a considéré à tort que les mesures restrictives qui lui ont été imposées par les actes litigieux étaient conformes au principe de proportionnalité et justifiées au regard de la protection de la vie et de la santé de la population pacifique en Syrie.
23 Par son troisième moyen, le requérant allègue que le Tribunal a violé les règles d’administration des preuves en raison de l’absence de preuve aux fins de l’application de la présomption visée au point 21 de la présente ordonnance et du refus d’appliquer l’article 27, paragraphe 3, et l’article 28, paragraphe 3, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836. À cet égard, le Conseil ne serait pas parvenu à prouver l’existence d’un quelconque lien actuel entre le requérant et le gouvernement syrien. Les preuves présentées seraient des articles de presse parus sur Internet ainsi que des points de vue personnels et le Tribunal aurait érigé en présomption irréfragable l’affirmation selon laquelle la participation au projet Marota City n’est ouverte qu’aux hommes d’affaires influents de Syrie.
24 Enfin, dans son mémoire en réplique, le requérant soutient que l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure ne contient pas de condition d’irrecevabilité. Par ailleurs, il aurait indiqué de manière claire et rigoureuse les parties contestées des motifs de l’arrêt attaqué. Il ajoute que le Tribunal a dénaturé les éléments de preuve recueillis et que le retrait de son nom des listes litigieuses, au mois de mai 2020, prouve soit qu’il n’a jamais été un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie, soit que les éléments de preuve qu’il avait produits étaient suffisants pour renverser ladite présomption.
25 Le Conseil considère que tous les moyens doivent être rejetés comme étant irrecevables, de même que, par suite, le pourvoi. En tout état de cause, ces moyens devraient être rejetés comme étant non fondés.
Appréciation de la Cour
26 S’agissant du premier moyen, il convient de rappeler que, conformément à l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure, les moyens et les arguments de droit invoqués au soutien d’un pourvoi doivent identifier avec précision les points de motifs de la décision du Tribunal qui sont contestés.
27 En effet, un pourvoi dépourvu de telles caractéristiques n’est pas susceptible de faire l’objet d’une appréciation juridique permettant à la Cour d’exercer la mission qui lui incombe dans le domaine considéré et d’effectuer son contrôle de légalité (ordonnance du 19 juin 2015, Makhlouf/Conseil, C‑136/15 P, non publiée, EU:C:2015:411, point 25, ainsi que arrêt du 17 décembre 2020, Inpost Paczkomaty/Commission, C‑431/19 P et C‑432/19 P, EU:C:2020:1051, point 31 ainsi que jurisprudence citée).
28 Selon la jurisprudence de la Cour, il résulte de l’article 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que de l’article 168, paragraphe 1, sous d), et de l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les points critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande, sous peine d’irrecevabilité du pourvoi ou du moyen concerné (arrêt du 23 novembre 2021, Conseil/Hamas, C‑833/19 P, EU:C:2021:950, point 50 et jurisprudence citée).
29 Dans la mesure où, à l’appui de son premier moyen, le requérant fait tout d’abord valoir que le Tribunal a estimé, à tort, que le Conseil avait correctement appliqué la présomption d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie, il y a lieu de relever que le requérant n’identifie pas de façon précise le ou les points critiqués de l’arrêt attaqué ni n’explique spécifiquement en quoi cette présomption serait dépourvue de fondement juridique et disproportionnée par rapport à l’objectif poursuivi par le législateur.
30 En outre, pour autant que, par son argumentation, le requérant entend contester la légalité du critère relatif à la qualité d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie, au regard duquel le Tribunal a considéré, dans le cadre de l’examen du quatrième moyen de première instance, ainsi qu’il a été indiqué au point 14 de la présente ordonnance, que l’inscription de son nom sur les listes litigieuses était fondée, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort du point 143 de l’arrêt attaqué, le requérant n’a pas soulevé un tel moyen devant le Tribunal et que, dans son pourvoi, il ne contredit pas cette appréciation du Tribunal ni ne critique ce point 143.
31 Or, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la compétence de la Cour, dans le cadre du pourvoi, est limitée à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens débattus devant les premiers juges. Une partie ne saurait donc soulever pour la première fois devant la Cour un moyen qu’elle n’a pas invoqué devant le Tribunal, dès lors que cela reviendrait à lui permettre de saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal (arrêts du 29 juillet 2019, Bayerische Motoren Werke et Freistaat Sachsen/Commission, C‑654/17 P, EU:C:2019:634, point 69 ainsi que jurisprudence citée, et du 11 septembre 2019, HX/Conseil, C‑540/18 P, non publié, EU:C:2019:707, point 37).
32 Dans ces conditions, en vertu de la jurisprudence visée aux points 28 et 31 de la présente ordonnance, une telle argumentation est manifestement irrecevable.
33 Ensuite, si le requérant reproche au Tribunal d’avoir considéré, à tort, que les éléments de preuve apportés par le Conseil étaient suffisamment fiables et concluants pour étayer les motifs d’inscription de son nom sur les listes litigieuses, alors que leur analyse n’avait pas révélé de circonstance indiquant qu’il était un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre d’un pourvoi, la Cour n’est pas compétente pour constater les faits ni, en principe, pour examiner les preuves que le Tribunal a retenues à l’appui de ces faits. En effet, dès lors que ces preuves ont été obtenues régulièrement, que les principes généraux du droit et les règles de procédure applicables en matière de charge et d’administration de la preuve ont été respectés, il appartient au seul Tribunal d’apprécier la valeur qu’il convient d’attribuer aux éléments qui lui ont été soumis. Cette appréciation ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve produits devant le Tribunal, une question de droit soumise au contrôle de la Cour. En revanche, le pouvoir de contrôle de la Cour sur les constatations de fait opérées par le Tribunal s’étend, notamment, à la question de savoir si les règles en matière de charge et d’administration de la preuve ont été respectées (arrêt du 29 novembre 2018, Bank Tejarat/Conseil, C‑248/17 P, EU:C:2018:967, point 37 et jurisprudence citée).
34 À cet égard, il y a lieu de relever que, dans son pourvoi, le requérant se limite à alléguer que les éléments de preuve qui ont été soumis au Tribunal ne permettaient pas de démontrer qu’il était un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie, sans préciser en quoi l’appréciation à laquelle celui-ci s’est livré à cet égard serait erronée ni invoquer une dénaturation des faits et de ces éléments.
35 En outre, si ce dernier a invoqué une dénaturation des éléments de preuve dans son mémoire en réplique, il suffit de rappeler que, selon l’article 127, paragraphe 1, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 190, paragraphe 1, de ce règlement, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite, à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure (voir, en ce sens, arrêt du 3 septembre 2020, Vereniging tot Behoud van Natuurmonumenten in Nederland e.a./Commission, C‑817/18 P, EU:C:2020:637, point 116).
36 Or, d’une part, le requérant pouvait soulever l’argument tiré d’une telle dénaturation dans sa requête en pourvoi et, d’autre part, il s’est borné à alléguer l’existence de cette dénaturation sans indiquer de façon précise les éléments qui auraient été dénaturés par le Tribunal ni a fortiori démontrer les éventuelles erreurs d’analyse qui, dans son appréciation, auraient conduit celui-ci à ladite dénaturation.
37 Il convient d’ajouter que, ainsi qu’il ressort des points 86 à 88 de l’arrêt attaqué, le requérant avait déjà soumis au Tribunal les arguments selon lesquels il ne serait pas un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie et n’aurait jamais participé à la vie politique en Syrie, et qu’il se borne à répéter ceux-ci dans son pourvoi. Ainsi, ces arguments constituent en réalité une demande visant à obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant le Tribunal, ce qui échappe à la compétence de la Cour (voir, en ce sens, arrêts du 10 septembre 2020, Hamas/Conseil, C‑386/19 P, non publié, EU:C:2020:691, point 54, ainsi que du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C‑453/19 P, EU:C:2021:608, point 96 et jurisprudence citée).
38 De même, en invoquant le retrait de son nom des listes litigieuses par la décision 2020/719 et par le règlement d’exécution 2020/716, intervenu le 28 mai 2020 à la suite, selon les indications figurant dans le mémoire en réponse présenté par le Conseil devant la Cour, non contestées dans le mémoire en réplique, de la dissolution de la coentreprise visée au point 7 de la présente ordonnance, le requérant cherche à obtenir une nouvelle appréciation des faits et des éléments de preuve par la Cour, ce qui, conformément à la jurisprudence visée au point 33 de la présente ordonnance, échappe à la compétence de celle-ci. En effet, si l’arrêt attaqué a été prononcé après cette date, cette circonstance n’est pas mentionnée dans celui-ci et le requérant n’indique pas, dans le cadre de son pourvoi, que celle-ci aurait été soumise au Tribunal.
39 Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que de nouveaux éléments de preuve ne sauraient être pris en compte aux fins d’une dénaturation (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2015, Allemagne/Commission, C‑360/14 P, non publié, EU:C:2015:457, point 78 et jurisprudence citée).
40 À supposer que l’argumentation selon laquelle le Conseil n’aurait pas examiné si le requérant était lié au gouvernement syrien ou s’il avait la possibilité d’influencer celui-ci vise à contester le respect des règles relatives à la charge et à l’administration de la preuve, qui, conformément à la jurisprudence rappelée au point 33 de la présente ordonnance, relève du pouvoir de contrôle de la Cour, cette argumentation est manifestement inopérante. En effet, ainsi qu’il résulte des points 159 et 160 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que l’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses sur le fondement du critère relatif à la qualité d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie était fondée, de sorte qu’il n’a pas examiné si le second motif d’inscription identifié au point 99 de cet arrêt, tiré du lien du requérant avec le régime syrien, justifiait également cette inscription. Or, le requérant ne remet pas en cause cette appréciation du Tribunal dans son pourvoi.
41 En outre, ainsi que la Cour l’a déjà jugé, la seule circonstance d’appartenir à la catégorie des hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie suffit pour prendre les mesures restrictives nécessaires, sans qu’il soit nécessaire de rapporter la preuve d’un lien entre la qualité d’homme d’affaires influent et le régime syrien, ni non plus entre celle d’homme d’affaires influent et le soutien à ce régime ou le bénéfice qui en est tiré (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2020, Haswani/Conseil, C‑241/19 P, EU:C:2020:545, point 66).
42 Enfin, dans la mesure où, par son argumentation, le requérant reproche au Tribunal de ne pas avoir vérifié si les conditions énoncées à l’article 27, paragraphe 3, et à l’article 28, paragraphe 3, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, conditions reprises, en ce qui concerne le gel des fonds et des ressources économiques, à l’article 15, paragraphe 1 ter, du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828, étaient réunies, il convient de constater que le Tribunal a bien effectué cette vérification, ainsi qu’il ressort des points 153 à 156 de l’arrêt attaqué, et exclu que tel fût le cas, de sorte que cette argumentation procède d’une lecture erronée de cet arrêt.
43 Il s’ensuit que le premier moyen doit être rejeté comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.
44 S’agissant du deuxième moyen, il y a lieu de constater que le pourvoi ne mentionne aucun point critiqué de l’arrêt attaqué et n’indique pas de façon précise les éléments contestés de cet arrêt. Par conséquent, en vertu de la jurisprudence citée au point 28 de la présente ordonnance, ce moyen doit être écarté comme étant manifestement irrecevable.
45 Quant au troisième moyen, le pourvoi ne comporte pas non plus de référence aux points critiqués de l’arrêt attaqué et n’identifie pas avec la précision requise par cette jurisprudence les motifs de cet arrêt qui sont contestés dans ce cadre, de sorte que ce moyen est également manifestement irrecevable.
46 En tout état de cause, dans la mesure où ledit moyen paraît se recouper avec le premier moyen et viser à contester les considérations du Tribunal relatives au quatrième moyen de première instance mentionné au point 12 de la présente ordonnance, selon lesquelles l’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses, au regard du critère relatif à la qualité d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie, était fondée, il convient de constater que l’argumentation du requérant correspond, en substance, à celle développée à l’appui du premier moyen et qu’elle doit, dès lors, être écartée pour les mêmes motifs.
47 Eu égard à ce qui précède, il convient de rejeter le pourvoi comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.
Sur les dépens
48 Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.
49 Conformément à l’article 138, paragraphe 1, dudit règlement, également applicable à la procédure de pourvoi en vertu de cet article 184, paragraphe 1, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
50 Le Conseil ayant conclu à la condamnation du requérant et celui-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Conseil.
Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) ordonne :
1) Le pourvoi est rejeté comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.
2) M. Maen Haikal supporte, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne.
Signatures
* Langue de procédure : le bulgare.