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Document 62019CJ0651

    Arrêt de la Cour (première chambre) du 9 septembre 2020.
    JP contre Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides.
    Demande de décision préjudicielle, introduite par le Conseil d'État (Belgique).
    Renvoi préjudiciel – Politique d’asile – Procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale – Directive 2013/32/UE – Article 46 – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Article 47 – Droit à un recours effectif – Recours contre une décision de rejet d’une demande ultérieure de protection internationale comme étant irrecevable – Délai de recours – Modalités de notification.
    Affaire C-651/19.

    Recueil – Recueil général

    Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2020:681

     ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

    9 septembre 2020 ( *1 )

    « Renvoi préjudiciel – Politique d’asile – Procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale – Directive 2013/32/UE – Article 46 – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Article 47 – Droit à un recours effectif – Recours contre une décision de rejet d’une demande ultérieure de protection internationale comme étant irrecevable – Délai de recours – Modalités de notification »

    Dans l’affaire C‑651/19,

    ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Conseil d’État (Belgique), par décision du 1er août 2019, parvenue à la Cour le 2 septembre 2019, dans la procédure

    JP

    contre

    Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides,

    LA COUR (première chambre),

    composée de M. J.-C. Bonichot, président de chambre, Mme R. Silva de Lapuerta (rapporteure), vice-présidente de la Cour, MM. M. Safjan, L. Bay Larsen et N. Jääskinen, juges,

    avocat général : M. P. Pikamäe,

    greffier : M. A. Calot Escobar,

    vu la procédure écrite,

    considérant les observations présentées :

    pour JP, par Me D. Andrien, avocat,

    pour le gouvernement belge, par Mmes C. Pochet, M. Van Regemorter et C. Van Lul, en qualité d’agents,

    pour le gouvernement français, par M. D. Dubois et Mme A.-L. Desjonquères, en qualité d’agents,

    pour la Commission européenne, par Mmes M. Condou-Durande et A. Azema, en qualité d’agents,

    vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

    rend le présent

    Arrêt

    1

    La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 46 de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale (JO 2013, L 180, p. 60), ainsi que de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

    2

    Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant JP au Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides (Belgique, ci-après le « Commissaire général ») au sujet de la décision de ce dernier déclarant irrecevable la demande ultérieure de protection internationale introduite par JP.

    Le cadre juridique

    Le droit de l’Union

    3

    Les considérants 18, 20, 23, 25, 50 et 60 de la directive 2013/32 énoncent :

    « (18)

    Il est dans l’intérêt à la fois des États membres et des demandeurs d’une protection internationale que les demandes de protection internationale fassent l’objet d’une décision aussi rapide que possible, sans préjudice de la réalisation d’un examen approprié et exhaustif.

    [...]

    (20)

    Dans des circonstances bien définies, lorsqu’une demande est susceptible d’être infondée [...], les États membres devraient pouvoir accélérer la procédure d’examen, notamment en instaurant des délais plus courts, mais raisonnables, pour certaines étapes de la procédure, sans préjudice de la réalisation d’un examen approprié et exhaustif et de l’accès effectif du demandeur aux garanties et principes fondamentaux prévus par la présente directive.

    [...]

    (23)

    Dans le cadre des procédures de recours, les demandeurs devraient pouvoir bénéficier, sous réserve de certaines conditions, d’une assistance juridique et d’une représentation gratuites par des personnes compétentes pour assurer cette assistance et cette représentation en vertu du droit national. En outre, les demandeurs devraient, à tous les stades de la procédure, avoir le droit de consulter, à leurs frais, des conseils juridiques ou des conseillers reconnus en tant que tels ou autorisés à cette fin en vertu du droit national.

    [...]

    (25)

    Afin de pouvoir déterminer correctement les personnes qui ont besoin d’une protection en tant que réfugiés au sens de l’article 1er de la [convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 [Recueil des traités des Nations unies, vol. 189, p. 150, no 2545 (1954)], complétée et amendée par le protocole relatif au statut des réfugiés, conclu à New York le 31 janvier 1967] ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, chaque demandeur devrait avoir un accès effectif aux procédures, pouvoir coopérer et communiquer de façon appropriée avec les autorités compétentes afin de présenter les faits pertinents le concernant, et disposer de garanties de procédure suffisantes pour faire valoir sa demande à tous les stades de la procédure. Par ailleurs, la procédure d’examen de sa demande de protection internationale devrait, en principe, donner au demandeur au moins : le droit de rester sur le territoire dans l’attente de la décision de l’autorité responsable de la détermination, l’accès aux services d’un interprète pour présenter ses arguments s’il est interrogé par les autorités, la possibilité de communiquer avec un représentant du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et avec les organisations qui fournissent aux demandeurs d’une protection internationale des conseils ou des orientations, le droit à une notification correcte d’une décision et à une motivation de cette décision en fait et en droit, la possibilité de consulter un conseil juridique ou tout autre conseiller, le droit d’être informé de sa situation juridique aux stades décisifs de la procédure, dans une langue qu’il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu’il la comprend, et, en cas de décision négative, le droit à un recours effectif devant une juridiction.

    [...]

    (50)

    Conformément à un principe fondamental du droit de l’Union, les décisions prises en ce qui concerne une demande de protection internationale [...] font l’objet d’un recours effectif devant une juridiction.

    [...]

    (60)

    La présente directive respecte les droits fondamentaux et observe les principes reconnus par la Charte. Elle vise en particulier à garantir le plein respect de la dignité humaine et à favoriser l’application des articles 1er, 4, 18, 19, 21, 23, 24 et 47 de la Charte, et doit être mise en œuvre en conséquence. »

    4

    L’article 11 de cette directive prévoit :

    « 1.   Les États membres veillent à ce que les décisions portant sur les demandes de protection internationale soient communiquées par écrit.

    2.   Les États membres veillent en outre à ce que, lorsqu’une demande ayant trait au statut de réfugié et/ou au statut conféré par la protection subsidiaire est rejetée, la décision soit motivée en fait et en droit et que les possibilités de recours contre une décision négative soient communiquées par écrit.

    [...] »

    5

    Aux termes de l’article 12, paragraphe 1, de ladite directive :

    « En ce qui concerne les procédures prévues au chapitre III, les États membres veillent à ce que tous les demandeurs bénéficient des garanties suivantes :

    [...]

    e)

    ils sont avertis dans un délai raisonnable de la décision prise par l’autorité responsable de la détermination concernant leur demande. Si un conseil juridique ou un autre conseiller représente légalement le demandeur, les États membres peuvent choisir de l’avertir de la décision plutôt que le demandeur ;

    f)

    ils sont informés du résultat de la décision prise par l’autorité responsable de la détermination dans une langue qu’ils comprennent ou dont il est raisonnable de supposer qu’ils la comprennent lorsqu’ils ne sont pas assistés ni représentés par un conseil juridique ou un autre conseiller. Les informations communiquées indiquent les possibilités de recours contre une décision négative, conformément aux dispositions de l’article 11, paragraphe 2. »

    6

    En vertu de l’article 13, paragraphe 2, sous c), de la même directive, les États membres peuvent prévoir que « les demandeurs doivent informer les autorités compétentes de leur lieu de résidence ou de leur adresse ainsi que de toute modification de ceux-ci le plus rapidement possible. Les États membres peuvent prévoir que le demandeur devra accepter de recevoir toute communication au dernier lieu de résidence ou à la dernière adresse qu’il a indiqué de la sorte ».

    7

    L’article 20, paragraphe 1, de la directive 2013/32 prévoit :

    « Les États membres veillent à ce que l’assistance juridique et la représentation gratuites soient accordées sur demande dans le cadre des procédures de recours visées au chapitre V [...] »

    8

    L’article 22 de cette directive reconnaît le droit des demandeurs d’une protection internationale à l’assistance juridique et à la représentation à toutes les étapes de la procédure.

    9

    L’article 23 de ladite directive énonce, à son paragraphe 1 :

    « Les États membres veillent à ce que le conseil juridique ou un autre conseiller reconnu en tant que tel ou autorisé à cette fin en vertu du droit national, qui assiste ou représente un demandeur en vertu du droit national, ait accès aux informations versées au dossier du demandeur sur la base duquel une décision est prise ou le sera. »

    10

    Aux termes de l’article 33, paragraphe 2, de la même directive :

    « Les États membres peuvent considérer une demande de protection internationale comme irrecevable uniquement lorsque :

    [...]

    d)

    la demande concernée est une demande ultérieure, dans laquelle n’apparaissent ou ne sont présentés par le demandeur aucun élément ou fait nouveau relatifs à l’examen visant à déterminer si le demandeur remplit les conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale en vertu de la directive [2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection (JO 2011, L 337, p. 9)]

    [...] »

    11

    L’article 40 de la directive 2013/32, intitulé « Demandes ultérieures », prévoit :

    « 1.   Lorsqu’une personne qui a demandé à bénéficier d’une protection internationale dans un État membre fait de nouvelles déclarations ou présente une demande ultérieure dans ledit État membre, ce dernier examine ces nouvelles déclarations ou les éléments de la demande ultérieure dans le cadre de l’examen de la demande antérieure ou de l’examen de la décision faisant l’objet d’un recours juridictionnel ou administratif, pour autant que les autorités compétentes puissent, dans ce cadre, prendre en compte et examiner tous les éléments étayant les nouvelles déclarations ou la demande ultérieure.

    2.   Afin de prendre une décision sur la recevabilité d’une demande de protection internationale en vertu de l’article 33, paragraphe 2, point d), une demande de protection internationale ultérieure est tout d’abord soumise à un examen préliminaire visant à déterminer si des éléments ou des faits nouveaux sont apparus ou ont été présentés par le demandeur, qui se rapportent à l’examen visant à déterminer si le demandeur remplit les conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale en vertu de la [directive 2011/95].

    3.   Si l’examen préliminaire visé au paragraphe 2 aboutit à la conclusion que des éléments ou des faits nouveaux sont apparus ou ont été présentés par le demandeur et qu’ils augmentent de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale en vertu de la [directive 2011/95], l’examen de la demande est poursuivi conformément au chapitre II. Les États membres peuvent également prévoir d’autres raisons de poursuivre l’examen d’une demande ultérieure.

    4.   Les États membres peuvent prévoir de ne poursuivre l’examen de la demande que si le demandeur concerné a été, sans faute de sa part, dans l’incapacité de faire valoir, au cours de la précédente procédure, les situations exposées aux paragraphes 2 et 3 du présent article, en particulier en exerçant son droit à un recours effectif en vertu de l’article 46.

    5.   Lorsque l’examen d’une demande ultérieure n’est pas poursuivi en vertu du présent article, ladite demande est considérée comme irrecevable conformément à l’article 33, paragraphe 2, point d).

    6.   La procédure visée au présent article peut également être appliquée dans le cas :

    a)

    d’une personne à charge qui introduit une demande après avoir, conformément à l’article 7, paragraphe 2, consenti à ce que son cas soit traité dans le cadre d’une demande introduite en son nom ; et/ou

    b)

    d’un mineur non marié qui introduit une demande après qu’une demande a été introduite en son nom conformément à l’article 7, paragraphe 5, point c).

    En pareil cas, l’examen préliminaire visé au paragraphe 2 consistera à déterminer s’il existe des éléments de fait se rapportant à la situation de la personne à charge ou du mineur non marié de nature à justifier une demande distincte.

    7.   Lorsqu’une personne à l’égard de laquelle une décision de transfert doit être exécutée en vertu du règlement (UE) no 604/2013 [du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (JO 2013, L 180, p. 31)] fait de nouvelles déclarations ou présente une demande ultérieure dans l’État membre procédant au transfert, ces déclarations ou demandes ultérieures sont examinées par l’État membre responsable au sens dudit règlement, conformément à la présente directive. »

    12

    Aux termes de l’article 46, paragraphes 1 et 4, de cette directive :

    « 1.   Les États membres font en sorte que les demandeurs disposent d’un droit à un recours effectif devant une juridiction contre les actes suivants :

    a)

    une décision concernant leur demande de protection internationale, y compris :

    [...]

    ii)

    les décisions d’irrecevabilité de la demande en application de l’article 33, paragraphe 2 ;

    [...]

    [...]

    4.   Les États membres prévoient des délais raisonnables et énoncent les autres règles nécessaires pour que le demandeur puisse exercer son droit à un recours effectif en application du paragraphe 1. Les délais prévus ne rendent pas cet exercice impossible ou excessivement difficile. »

    Le droit belge

    13

    L’article 39/2, paragraphe 1, de la loi sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers, du 15 décembre 1980 (Moniteur belge du 31 décembre 1980, p. 14584) dans sa version en vigueur à la date des faits au principal (ci-après la « loi du 15 décembre 1980 »), dispose :

    « Le Conseil [du contentieux des étrangers] statue, par voie d’arrêts, sur les recours introduits à l’encontre des décisions du [Commissaire général].

    [...] »

    14

    Aux termes de l’article 39/57 de la loi du 15 décembre 1980 :

    « § 1er. Les recours visés à l’article 39/2 sont introduits par requête, dans les trente jours suivant la notification de la décision contre laquelle ils sont dirigés.

    La requête est introduite dans les dix jours suivant la notification de la décision contre laquelle le recours est dirigé :

    [...]

    3o lorsque le recours est dirigé contre une décision d’irrecevabilité visée à l’article 57/6, § 3, alinéa 1er. La requête est toutefois introduite dans les cinq jours suivant la notification de la décision contre laquelle elle est dirigée lorsqu’il s’agit d’une décision d’irrecevabilité prise sur la base de l’article 57/6, § 3, alinéa 1er, 5°, et que l’étranger se trouve, au moment de sa demande, dans un endroit déterminé visé aux articles 74/8 et 74/9 ou qu’il est mis à la disposition du gouvernement.

    [...]

    § 2. Les délais de recours visés au § 1er commencent à courir :

    [...]

    2o lorsque la notification est effectuée par pli recommandé ou par courrier ordinaire, le troisième jour ouvrable qui suit celui où le courrier a été remis aux services de la poste, sauf preuve contraire du destinataire ;

    [...]

    Le jour de l’échéance est compris dans le délai. Toutefois, lorsque ce jour est un samedi, un dimanche ou un jour férié, le jour de l’échéance est reporté au plus prochain jour ouvrable.

    [...] »

    15

    L’article 51/2 de cette loi énonce :

    « L’étranger qui introduit une demande de protection internationale conformément à l’article 50, § 3, doit élire domicile en Belgique.

    À défaut d’élection de domicile, le demandeur est réputé avoir élu domicile au Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides.

    [...]

    Toute modification du domicile élu doit être communiquée sous pli recommandé à la poste au [Commissaire général] ainsi qu’au [ministre qui a l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers dans ses compétences].

    Sans préjudice d’une notification à personne, toute notification est valablement faite au domicile élu, sous pli recommandé à la poste ou par porteur avec accusé de réception. Lorsque l’étranger a élu domicile chez son conseil, la notification peut également être valablement envoyée par télécopieur ou par tout autre moyen de notification autorisé par arrêté royal.

    [...] »

    16

    L’article 57/6, paragraphe 3, de ladite loi prévoit :

    « Le [Commissaire général] peut déclarer irrecevable une demande de protection internationale lorsque :

    [...]

    5o le demandeur introduit une demande ultérieure de protection internationale pour laquelle aucun élément ou fait nouveau au sens de l’article 57/6/2 n’apparaît ni n’est présenté par le demandeur ;

    [...] »

    17

    En vertu de l’article 57/6/2, paragraphe 1, de la même loi, « [a]près réception de la demande ultérieure transmise par le ministre ou son délégué sur la base de l’article 51/8, le [Commissaire général] examine en priorité si de nouveaux éléments ou faits apparaissent, ou sont présentés par le demandeur, qui augmentent de manière significative la probabilité qu’il puisse prétendre à la reconnaissance comme réfugié au sens de l’article 48/3 ou à la protection subsidiaire au sens de l’article 48/4. En l’absence de ces éléments ou faits, le [Commissaire général] déclare la demande irrecevable ».

    Le litige au principal et la question préjudicielle

    18

    Après le rejet d’une première demande d’asile, le requérant au principal a introduit une seconde demande de protection internationale qui a été déclarée irrecevable par une décision du 18 mai 2018 du Commissaire général, sur le fondement de l’article 57/6/2 de la loi du 15 décembre 1980 (ci-après la « décision contestée »).

    19

    Dès lors que le requérant au principal n’avait pas élu domicile en Belgique, en application du droit national, la décision contestée lui a été notifiée, le mardi 22 mai 2018, sous pli recommandé au siège du Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides.

    20

    Conformément au droit belge, le délai de dix jours pour introduire un recours contre cette décision a commencé à courir le troisième jour ouvrable suivant celui où le courrier a été remis aux services de la poste, à savoir le vendredi 25 mai 2018. Le jour de l’échéance de ce délai étant un dimanche, celle-ci a été reportée au lundi 4 juin 2018.

    21

    Le requérant au principal s’est présenté au siège du Commissaire général le 30 mai 2018 et a, à cette date, accusé réception du pli recommandé concernant la décision contestée.

    22

    Le 7 juin 2018, le requérant au principal a introduit un recours contre cette décision devant le Conseil du contentieux des étrangers (Belgique). Par un arrêt du 9 octobre 2018, cette juridiction a rejeté ce recours en raison de son caractère tardif.

    23

    Le 18 octobre 2018, le requérant au principal s’est pourvu en cassation contre cet arrêt devant la juridiction de renvoi, le Conseil d’État (Belgique).

    24

    Dans ces conditions, le Conseil d’État a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

    « L’article 46 de la [directive 2013/32], selon lequel les demandeurs doivent disposer d’un droit de recours effectif à l’encontre des décisions “concernant leur demande de protection internationale”, et l’article 47 de la [Charte] doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une règle de procédure nationale, telle que l’article 39/57 de la [loi du 15 décembre 1980], lu en combinaison avec l’article 51/2, l’article 57/6, paragraphe 3, premier alinéa, sous 5, ainsi que l’article 57/6/2, paragraphe 1, de la même loi, fixant à dix jours “calendrier” à partir de la notification de la décision administrative, le délai de recours contre une décision d’irrecevabilité d’une demande ultérieure de protection internationale introduite par un ressortissant d’un pays tiers, en particulier alors que la notification a été faite au [Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides] où le requérant est “réputé” par la loi avoir élu domicile ? »

    Sur la question préjudicielle

    25

    Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 46 de la directive 2013/32, lu à la lumière de l’article 47 de la Charte, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation d’un État membre soumettant le recours contre une décision d’irrecevabilité d’une demande ultérieure de protection internationale à un délai de forclusion de dix jours, incluant les jours fériés et chômés, à compter de la notification d’une telle décision, y compris lorsque, en l’absence d’élection de domicile dans cet État membre par le demandeur concerné, une telle notification est effectuée au siège de l’autorité nationale compétente pour examiner ces demandes.

    26

    L’article 46 de la directive 2013/32 impose aux États membres de garantir le droit à un recours effectif devant une juridiction contre la décision de rejet d’une demande de protection internationale, y compris contre les décisions qui déclarent la demande irrecevable.

    27

    Les caractéristiques du recours prévu à l’article 46 de la directive 2013/32 doivent être déterminées en conformité avec l’article 47 de la Charte, aux termes duquel toute personne dont les droits et les libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues audit article (arrêt du 18 octobre 2018, E. G., C‑662/17, EU:C:2018:847, point 47 et jurisprudence citée).

    Sur la notification au siège de l’autorité compétente

    28

    Il convient, dans un premier temps, de vérifier si l’article 46 de la directive 2013/32 s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle les décisions concernant les demandeurs de protection internationale n’ayant pas élu domicile dans l’État membre concerné sont notifiées au siège de l’autorité nationale compétente pour examiner ces demandes, une telle notification faisant courir le délai de recours légal contre ces décisions.

    29

    La notification des décisions portant sur les demandes de protection internationale aux demandeurs concernés est essentielle pour garantir leur droit à un recours effectif, en ce qu’elle permet à ces demandeurs de prendre connaissance de ces décisions, et, le cas échéant, si la décision notifiée est négative, de la contester en justice dans le délai de recours prévu par le droit national.

    30

    Si la directive 2013/32 mentionne, à son considérant 25, le fait que les demandeurs d’une protection internationale devraient se voir reconnaître le droit à une notification correcte des décisions relatives à leurs demandes, cette directive ne prévoit toutefois pas les modalités concrètes de notification de ces décisions.

    31

    En effet, d’une part, à son article 11, paragraphes 1 et 2, la directive 2013/32 se limite à indiquer que les États membres veillent à ce que les décisions portant sur les demandes de protection internationale ainsi que les possibilités de recours contre une décision négative soient communiquées par écrit aux demandeurs concernés. D’autre part, parmi les garanties prévues par cette directive en faveur de ces demandeurs, celle-ci se borne à mentionner, sans autre forme de précision, respectivement aux points e) et f) de son article 12, en premier lieu, celle d’être avertis dans un délai raisonnable de la décision prise par l’autorité compétente concernant leurs demandes, ainsi que, en second lieu, celle d’être informés du résultat de la décision prise par l’autorité compétente dans une langue qu’ils comprennent et des possibilités de recours contre une décision négative, conformément aux dispositions de l’article 11, paragraphe 2, de ladite directive.

    32

    Par ailleurs, il convient de relever que l’article 13, paragraphe 2, sous c), de la directive 2013/32 permet aux États membres d’imposer aux demandeurs de protection internationale l’obligation d’indiquer leur lieu de résidence ou leur adresse aux fins des communications concernant leurs demandes. Toutefois, aucune disposition de cette directive ne prévoit les éventuelles conséquences que les États membres faisant usage de cette possibilité devraient tirer de l’absence d’une telle indication aux fins desdites communications.

    33

    Enfin, l’article 46, paragraphe 4, de la directive 2013/32 laisse aux États membres le soin de prévoir les règles nécessaires pour que les demandeurs d’une protection internationale puissent exercer leur droit à un recours effectif.

    34

    Or, il y a lieu de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, en l’absence de règles de l’Union en la matière, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de régler les modalités procédurales des recours en justice destinés à assurer la sauvegarde des droits des justiciables, en vertu du principe de l’autonomie procédurale, à condition, toutefois, qu’elles ne soient pas moins favorables que celles régissant des situations similaires soumises au droit interne (principe d’équivalence) et qu’elles ne rendent pas impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par le droit de l’Union (principe d’effectivité) [arrêt du 19 mars 2020, LH (Tompa), C‑564/18, EU:C:2020:218, point 63 et jurisprudence citée].

    35

    Partant, les règles de procédure concernant la notification des décisions relatives aux demandes de protection internationale relèvent du principe de l’autonomie procédurale des États membres, dans le respect des principes d’équivalence et d’effectivité.

    36

    En ce qui concerne, en premier lieu, le principe d’équivalence, il ressort de la jurisprudence de la Cour que le respect de celui-ci requiert un traitement égal des recours fondés sur une violation du droit national et de ceux, similaires, fondés sur une violation du droit de l’Union [arrêt du 26 septembre 2018, Staatssecretaris van Veiligheid en justitie (Effet suspensif de l’appel), C‑180/17, EU:C:2018:775, point 37 et jurisprudence citée].

    37

    Ainsi, il convient, d’une part, d’identifier les procédures ou les recours comparables et, d’autre part, de déterminer si les recours fondés sur le droit national sont traités d’une manière plus favorable que les recours ayant trait à la sauvegarde des droits que les particuliers tirent du droit de l’Union [arrêt du 26 septembre 2018, Staatssecretaris van Veiligheid en justitie (Effet suspensif de l’appel), C‑180/17, EU:C:2018:775, point 38 et jurisprudence citée].

    38

    S’agissant du caractère comparable des recours, il appartient à la juridiction nationale, qui a une connaissance directe des modalités procédurales applicables, de vérifier la similitude des recours concernés sous l’angle de leur objet, de leur cause et de leurs éléments essentiels [arrêt du 26 septembre 2018, Staatssecretaris van Veiligheid en justitie (Effet suspensif de l’appel), C‑180/17, EU:C:2018:775, point 39 et jurisprudence citée].

    39

    En ce qui concerne le traitement similaire des recours, il convient de rappeler que chaque cas où se pose la question de savoir si une disposition procédurale nationale concernant les recours fondés sur le droit de l’Union est moins favorable que celles concernant des recours similaires de nature interne doit être analysé par la juridiction nationale en tenant compte de la place des règles concernées dans l’ensemble de la procédure, du déroulement de ladite procédure et des particularités de ces règles, devant les diverses instances nationales [arrêt du 26 septembre 2018, Staatssecretaris van Veiligheid en justitie (Effet suspensif de l’appel), C‑180/17, EU:C:2018:775, point 40 et jurisprudence citée].

    40

    En l’occurrence, le requérant au principal fait valoir que la réglementation nationale en cause au principal viole le principe d’équivalence en ce que, d’une part, la jurisprudence du Conseil d’État ne révèle pas, sauf en matière d’asile, qu’une notification au domicile réputé élu, par l’effet de la loi nationale, au siège d’une autorité nationale, permet de faire courir un délai de forclusion, et que, d’autre part, conformément à cette jurisprudence, s’agissant d’un acte ne devant être ni publié ni notifié, c’est la connaissance suffisante de cet acte qui fait courir le délai de recours.

    41

    Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, à la lumière de la jurisprudence de la Cour évoquée aux points 36 à 39 du présent arrêt, si la réglementation nationale en cause au principal respecte le principe d’équivalence.

    42

    Quant au respect, en second lieu, de la condition tenant au principe d’effectivité s’agissant d’une réglementation nationale telle que celle en cause au principal, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, chaque cas dans lequel se pose la question de savoir si une disposition procédurale nationale rend impossible ou excessivement difficile l’application du droit de l’Union doit être analysé en tenant compte de la place de cette disposition dans l’ensemble de la procédure, de son déroulement et des particularités de celle-ci, devant les diverses instances nationales. Dans cette perspective, il y a lieu, notamment, de prendre en considération, le cas échéant, la protection des droits de la défense, le principe de la sécurité juridique et le bon déroulement de la procédure (arrêt du 24 octobre 2018, XC e.a., C‑234/17, EU:C:2018:853, point 49 ainsi que jurisprudence citée).

    43

    À cet égard, il convient de relever qu’une règle de procédure nationale prévoyant que, en l’absence d’élection d’un domicile par le demandeur de protection internationale, la décision adoptée à son égard lui sera notifiée au siège de l’autorité nationale compétente pour examiner ces demandes, pareille notification faisant courir le délai imparti par le droit national pour introduire un recours contre ladite décision, peut, en principe, être justifiée pour des raisons tenant à la sécurité juridique et au bon déroulement de la procédure d’examen des demandes de protection internationale.

    44

    En effet, à défaut d’une telle règle, les décisions concernant les demandeurs n’ayant pas élu un domicile ne pourraient leur être officiellement notifiées et déployer ainsi leurs effets. Par ailleurs, si la notification effectuée au siège de ladite autorité ne faisait pas courir les délais de recours impartis au regard des décisions concernant ces demandeurs, ces décisions pourraient être contestées en justice sans limite de temps, voire ne jamais devenir définitives, de telle sorte que les autorités nationales compétentes seraient empêchées de tirer les conséquences nécessaires des décisions négatives en ce qui concerne, notamment, le séjour des demandeurs concernés.

    45

    Par ailleurs, ainsi que le gouvernement belge l’a relevé dans ses observations écrites, une réglementation nationale telle que celle en cause au principal offre aux demandeurs qui ne sont pas en mesure d’indiquer aux autorités compétentes une adresse postale sûre la possibilité de remédier à cet inconvénient majeur, puisque ceux-ci bénéficient d’un mécanisme légal permettant que les décisions, les convocations et les autres demandes de renseignement les concernant soient mises à leur disposition en un lieu sûr, qu’ils ont, en principe, déjà fréquenté. Dans cette perspective, une telle réglementation facilite l’exercice du droit au recours effectif de ces demandeurs et contribue au respect de leurs droits de la défense.

    46

    Cette réglementation ne peut toutefois avoir un tel effet qu’à la double condition que, d’une part, le demandeur soit dûment informé que, à défaut de communiquer une adresse dans l’État membre concerné, les courriers que lui adressera l’administration compétente dans le cadre de l’examen de sa demande de protection internationale lui seront adressés au siège du Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides et que, d’autre part, les conditions d’accès à ce siège ne rendent pas la réception desdits courriers excessivement difficile.

    47

    Il résulte de ce qui précède que l’article 46 de la directive 2013/32 ne s’oppose pas à une réglementation nationale en vertu de laquelle les décisions concernant les demandeurs de protection internationale n’ayant pas élu domicile dans l’État membre concerné sont notifiées au siège de l’autorité nationale compétente pour examiner ces demandes, pour autant, en premier lieu, que ces demandeurs soient informés que, à défaut d’avoir élu domicile aux fins de la notification de la décision concernant leur demande, ils seront réputés avoir élu domicile à ces fins au siège de l’autorité nationale compétente pour l’examen de ces demandes, en deuxième lieu, que les conditions d’accès desdits demandeurs à ce siège ne rendent pas excessivement difficile la réception par ces derniers des décisions les concernant, et, en troisième lieu, que le principe d’équivalence soit respecté. Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si la réglementation nationale en cause au principal répond à ces exigences.

    Sur le délai de recours de forclusion de dix jours, incluant les jours fériés et chômés

    48

    Il convient, dans un second temps, de vérifier si l’article 46 de la directive 2013/32 s’oppose à une réglementation nationale impartissant un délai de forclusion de dix jours, incluant les jours fériés et chômés, pour introduire un recours contre une décision d’irrecevabilité d’une demande ultérieure de protection internationale.

    49

    L’article 46, paragraphe 4, de la directive 2013/32 laisse aux États membres le soin de prévoir des délais raisonnables pour que les demandeurs d’une protection internationale puissent exercer leur droit à un recours effectif, en précisant que les délais prévus ne doivent pas rendre cet exercice impossible ou excessivement difficile.

    50

    Ainsi qu’il ressort du point 34 du présent arrêt, la fixation des délais de recours dans le cadre de la procédure de protection internationale relève du principe d’autonomie procédurale des États membres, dans le respect des principes d’équivalence et d’effectivité.

    51

    En l’occurrence, s’agissant, en premier lieu, du respect du principe d’équivalence, le requérant au principal fait valoir que la réglementation nationale fixant à dix jours, incluant les jours fériés et chômés, le délai de recours contre une décision d’irrecevabilité d’une demande ultérieure de protection internationale viole ce principe en ce que, conformément au droit national, d’une part, les recours en annulation contre les décisions administratives à portée individuelle autres que celles adoptées en application des lois sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers doivent être introduits dans un délai de 60 jours après la publication, la notification ou la prise de connaissance de la décision concernée, et, d’autre part, les décisions prises en matière d’accueil des demandeurs d’asile sont susceptibles d’un recours devant le tribunal du travail dans un délai de trois mois à compter de leur notification.

    52

    Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, à la lumière de la jurisprudence de la Cour évoquée aux points 36 à 39 du présent arrêt, si la réglementation nationale en cause au principal, en ce qu’elle prévoit, d’une part, un délai de dix jours pour former un recours, et, d’autre part, que ce délai inclut les jours fériés et chômés, respecte le principe d’équivalence.

    53

    En second lieu, quant au principe d’effectivité, il y a lieu de rappeler que la Cour a reconnu la compatibilité avec le droit de l’Union de la fixation de délais raisonnables de recours à peine de forclusion dans l’intérêt de la sécurité juridique, de tels délais n’étant pas de nature à rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union. La Cour a également jugé qu’il appartient aux États membres de déterminer, pour les réglementations nationales qui entrent dans le champ d’application du droit de l’Union, des délais en rapport avec, notamment, l’importance pour les intéressés des décisions à prendre, la complexité des procédures et de la législation à appliquer, le nombre de personnes susceptibles d’être concernées et les autres intérêts publics ou privés qui doivent être pris en considération (arrêt du 29 octobre 2009, Pontin, C‑63/08, EU:C:2009:666, point 48 et jurisprudence citée).

    54

    À cet égard, le fait que les recours contre les décisions d’irrecevabilité d’une demande ultérieure de protection internationale sont soumis à un délai plus court est conforme à l’objectif de célérité dans le traitement des demandes de protection internationale, répondant à l’intérêt à la fois des États membres et des demandeurs d’une telle protection, conformément au considérant 18 de la directive 2013/32.

    55

    Par ailleurs, en ce qu’elle assure un traitement plus rapide des demandes de protection internationale irrecevables, le raccourcissement d’un tel délai de recours permet un traitement plus efficace des demandes présentées par les personnes qui sont bien fondées à bénéficier du statut de réfugié (voir, en ce sens, arrêt du 28 juillet 2011, Samba Diouf, C‑69/10, EU:C:2011:524, point 65) et contribue, ainsi, au bon déroulement de la procédure d’examen des demandes de protection internationale.

    56

    Ainsi, une réglementation nationale prévoyant que le délai de recours contre une décision d’irrecevabilité d’une demande de protection internationale est fixé à dix jours, y compris les jours fériés et chômés, peut, en principe, être justifiée eu égard à l’objectif de célérité auquel tend la directive 2013/32, au principe de sécurité juridique et au bon déroulement de la procédure d’examen des demandes de protection internationale.

    57

    Toutefois, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, afin de respecter les exigences du principe d’effectivité, ce délai doit être matériellement suffisant pour préparer et former un recours effectif (voir, en ce sens, arrêt du 26 septembre 2013, Texdata Software, C‑418/11, EU:C:2013:588, point 80 et jurisprudence citée).

    58

    À cet égard, il importe, en premier lieu, de relever, d’une part, que toute demande ultérieure de protection internationale est précédée d’une première demande qui a été définitivement rejetée, dans le cadre de laquelle l’autorité compétente s’est livrée à un examen exhaustif en vue de déterminer si le demandeur concerné remplissait les conditions pour bénéficier d’une protection internationale. D’autre part, avant que la décision de rejet ait acquis un caractère définitif, ce demandeur aura bénéficié d’un droit de recours contre celle-ci.

    59

    Dans ce contexte, il convient d’observer que, ainsi qu’il ressort de l’article 40 de la directive 2013/32, une demande ultérieure de protection internationale tend à la présentation, par le demandeur concerné, d’éléments ou de faits nouveaux par rapport à ceux examinés dans le cadre de la demande précédente, qui augmentent de manière significative la probabilité que ce demandeur remplisse les conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale. Lorsque l’examen préliminaire auquel une telle demande est soumise révèle que de tels éléments ou de tels faits nouveaux sont apparus ou ont été présentés par le demandeur, l’examen de la demande est poursuivi, conformément aux dispositions du chapitre II de cette directive. En revanche, lorsque cet examen préliminaire ne révèle pas de tels éléments ou de tels faits, ladite demande est déclarée irrecevable, conformément à l’article 33, paragraphe 2, point d), de cette directive.

    60

    Ainsi, la juridiction saisie d’un recours contre une décision d’irrecevabilité d’une demande ultérieure de protection internationale doit se limiter à vérifier si, contrairement à ce que l’autorité compétente a décidé, l’examen préliminaire de cette demande fait apparaître des éléments ou des faits nouveaux, au sens indiqué au point précédent. Il en découle que, dans sa requête devant cette juridiction, le demandeur doit, en substance, se borner à établir qu’il était fondé à considérer qu’il existerait des éléments ou des faits nouveaux par rapport à ceux qui ont été examinés dans le cadre de sa demande précédente.

    61

    Dès lors, le contenu utile de la requête dans le cadre d’un tel recours est non seulement limité aux éléments évoqués au point précédent, mais également étroitement lié à celui de la demande ultérieure ayant donné lieu à la décision de rejet, de telle sorte que, contrairement à ce que le requérant au principal fait valoir dans ses observations écrites, la rédaction d’une telle requête ne présente pas, a priori, une complexité particulière exigeant un délai supérieur à dix jours, incluant les jours fériés et chômés.

    62

    En second lieu, il importe de rappeler que, dans le cadre du recours juridictionnel prévu à l’article 46 de la directive 2013/32, un certain nombre de droits procéduraux spécifiques sont garantis aux requérants, dont, notamment, ainsi qu’il ressort des articles 20 et 22 de la directive 2013/32, lus à la lumière du considérant 23 de celle-ci, la possibilité d’une assistance juridique et d’une représentation gratuites, ainsi que l’accès à un conseil juridique. Par ailleurs, l’article 23 de ladite directive assure au conseil juridique du demandeur l’accès aux informations versées au dossier de ce dernier sur la base duquel une décision est ou sera prise.

    63

    Par conséquent, un délai de recours ne saurait être considéré comme étant matériellement suffisant pour préparer et former un recours effectif que pour autant que l’accès du demandeur aux garanties procédurales mentionnées au point précédent soit assuré dans un tel délai, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

    64

    À cet égard, et sous réserve desdites vérifications, un délai de dix jours incluant les jours fériés et chômés n’apparaît pas matériellement insuffisant pour préparer et former un recours effectif contre une décision d’irrecevabilité d’une demande ultérieure de protection internationale.

    65

    Une telle considération s’impose d’autant plus, en l’occurrence, que, ainsi qu’il ressort du point 14 du présent arrêt, la réglementation nationale en cause au principal prévoit que, d’une part, lorsque la notification est effectuée par pli recommandé, ce délai est augmenté de trois jours ouvrables et, d’autre part, lorsque le jour de l’échéance du délai est un samedi, un dimanche ou un jour férié, cette échéance est reportée au plus prochain jour ouvrable, ces règles ayant d’ailleurs été appliquées en l’occurrence.

    66

    Dans ces conditions, l’article 46 de la directive 2013/32 ne s’oppose pas à une réglementation nationale impartissant un délai de forclusion de dix jours, incluant les jours fériés et chômés, pour introduire un recours contre une décision d’irrecevabilité d’une demande ultérieure de protection internationale, pour autant que l’accès effectif des demandeurs concernés par une telle décision aux garanties procédurales reconnues aux demandeurs de protection internationale par le droit de l’Union soit assuré dans un tel délai, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

    67

    Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 46 de la directive 2013/32, lu à la lumière de l’article 47 de la Charte, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation d’un État membre soumettant le recours contre une décision d’irrecevabilité d’une demande ultérieure de protection internationale à un délai de forclusion de dix jours, incluant les jours fériés et chômés, à compter de la notification d’une telle décision, y compris lorsque, à défaut d’élection de domicile dans cet État membre par le demandeur concerné, une telle notification est effectuée au siège de l’autorité nationale compétente pour examiner ces demandes, pour autant que, premièrement, ces demandeurs soient informés que, à défaut d’avoir élu domicile aux fins de la notification de la décision concernant leur demande, ils seront réputés avoir élu domicile à ces fins au siège de cette autorité nationale, deuxièmement, les conditions d’accès desdits demandeurs à ce siège ne rendent pas excessivement difficile la réception par ces derniers des décisions les concernant, troisièmement, l’accès effectif aux garanties procédurales reconnues aux demandeurs de protection internationale par le droit de l’Union leur soit assuré dans un tel délai, et, quatrièmement, le principe d’équivalence soit respecté. Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si la réglementation nationale en cause au principal répond à ces exigences.

    Sur les dépens

    68

    La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

     

    Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

     

    L’article 46 de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale, lu à la lumière de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation d’un État membre soumettant le recours contre une décision d’irrecevabilité d’une demande ultérieure de protection internationale à un délai de forclusion de dix jours, incluant les jours fériés et chômés, à compter de la notification d’une telle décision, y compris lorsque, à défaut d’élection de domicile dans cet État membre par le demandeur concerné, une telle notification est effectuée au siège de l’autorité nationale compétente pour examiner ces demandes, pour autant que, premièrement, ces demandeurs soient informés que, à défaut d’avoir élu domicile aux fins de la notification de la décision concernant leur demande, ils seront réputés avoir élu domicile à ces fins au siège de cette autorité nationale, deuxièmement, les conditions d’accès desdits demandeurs à ce siège ne rendent pas excessivement difficile la réception par ces derniers des décisions les concernant, troisièmement, l’accès effectif aux garanties procédurales reconnues aux demandeurs de protection internationale par le droit de l’Union leur soit assuré dans un tel délai, et, quatrièmement, le principe d’équivalence soit respecté. Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si la réglementation nationale en cause au principal répond à ces exigences.

     

    Signatures


    ( *1 ) Langue de procédure : le français.

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