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Document 62011CO0582

Ordonnance de la Cour (huitième chambre) du 10 juillet 2012.
Rügen Fisch AG contre Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI).
Pourvoi - Règlement (CE) nº 40/94 - Article 7, paragraphes 1 et 2 - Marque communautaire - Marque verbale SCOMBER MIX - Cause de nullité absolue - Caractère descriptif.
Affaire C-582/11 P.

Recueil de jurisprudence 2012 -00000

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2012:434

ORDONNANCE DE LA COUR (huitième chambre)

10 juillet 2012 (*)

«Pourvoi – Règlement (CE) nº 40/94 – Article 7, paragraphes 1 et 2 – Marque communautaire – Marque verbale SCOMBER MIX – Cause de nullité absolue – Caractère descriptif»

Dans l’affaire C‑582/11 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 22 novembre 2011,

Rügen Fisch AG, établie à Sassnitz (Allemagne), représentée par Mes O. Spuhler et M. Geitz, Rechtsanwälte,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant:

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. G. Schneider, en qualité d’agent,

partie défenderesse en première instance,

Schwaaner Fischwaren GmbH, établie à Schwaan (Allemagne), représentée par Mes A. Jaeger-Lenz et T. Bösling, Rechtsanwälte,

partie intervenante en première instance,

LA COUR (huitième chambre),

composée de Mme A. Prechal, président de chambre, M. K. Schiemann et Mme C. Toader (rapporteur), juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: M. A. Calot Escobar,

l’avocat général entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Rügen Fisch AG (ci-après «Rügen Fisch») demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 21 septembre 2011, Rügen Fisch/OHMI – Schwaaner Fischwaren (SCOMBER MIX) (T‑201/09, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), du 20 mars 2009 (affaire R 230/2007-4, ci-après la «décision litigieuse»), ayant fait droit à une demande en nullité partielle de la marque communautaire SCOMBER MIX.

 Le cadre juridique

2        Le règlement (CE) nº 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), a été abrogé et remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1), entré en vigueur le 13 avril 2009. Le présent litige est toutefois régi par le règlement n° 40/94.

3        L’article 7 du règlement n° 40/94 disposait:

«1.      Sont refusés à l’enregistrement:

[...]

b)      les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif;

c)      les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci;

[...]

2.       Le paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de la Communauté.

[...]»

4        Sous l’intitulé «Causes de nullité absolue», l’article 51, paragraphe 1, de ce règlement prévoyait:

«La nullité de la marque communautaire est déclarée, sur demande présentée auprès de l’[OHMI] ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon:

a)      lorsque la marque communautaire a été enregistrée contrairement aux dispositions de l’article 5 ou de l’article 7;

[...]»

 Les antécédents du litige

5        Le 16 juin 2003, Rügen Fisch a présenté à l’OHMI une demande d’enregistrement, en tant que marque communautaire, du signe verbal «SCOMBER MIX».

6        Les produits et services pour lesquels l’enregistrement était demandé relèvent des classes 29 et 35 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié (ci-après l’«arrangement de Nice»). La classe 29 de cet arrangement couvre les produits suivants: «Poisson en conserve; conserves de poisson; préparation à base de poisson, également avec utilisation d’épices, extraits d’épices, salades et légumes; plats préparés et semi-préparés à base de poisson». La classe 35 dudit arrangement couvre pour sa part la «Publicité».

7        Le 25 janvier 2005, l’OHMI a enregistré le signe verbal «SCOMBER MIX» (ci-après la «marque litigieuse») en tant que marque communautaire pour les produits et les services demandés.

8        Le 26 août 2005, Schwaaner Fischwaren GmbH (ci-après «Schwaaner Fischwaren») a présenté une demande en nullité de la marque litigieuse en faisant valoir que, s’agissant des produits relevant de la classe 29 de l’arrangement de Nice, celle-ci était descriptive ainsi que non distinctive, de sorte qu’elle aurait été enregistrée en violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 40/94.

9        Par décision du 15 décembre 2006, la division d’annulation de l’OHMI a rejeté la demande en nullité essentiellement au motif que le nom du maquereau en latin, à savoir Scomber, était inconnu du consommateur moyen concerné par les produits relevant de la classe 29 de l’arrangement de Nice et que, en outre, il n’y avait pas lieu à cet égard de prendre en considération les professionnels utilisant des noms latins pour désigner précisément les espèces de poissons dans le langage scientifique ou administratif. La division d’annulation a également estimé que Schwaaner Fischwaren n’avait pas établi la probabilité d’une évolution de l’utilisation de la dénomination «scomber» en tant qu’indication descriptive connue du public. En outre, la marque litigieuse était, de l’avis de la division d’annulation, également distinctive en tant que combinaison de mots inhabituelle.

10      Le 5 février 2007, Schwaaner Fischwaren a formé un recours à l’encontre de la décision de la division d’annulation en faisant valoir que la marque litigieuse avait été enregistrée contrairement aux dispositions de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 40/94.

11      Par la décision litigieuse, la quatrième chambre de recours de l’OHMI a annulé la décision de la division d’annulation et a déclaré nulle la marque litigieuse pour les produits relevant de la classe 29 de l’arrangement de Nice, au motif que celle-ci était descriptive de ces produits au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, ce qui suffisait en soi pour qu’elle soit refusée à l’enregistrement.

12      À cet égard, la chambre de recours a en substance considéré que le terme «scomber» désignait, en zoologie, les maquereaux et ne devait donc pas être simplement considéré comme un mot latin désignant le maquereau et pour lequel il y aurait lieu de s’interroger sur le niveau de connaissance du latin du consommateur moyen. La chambre de recours a également relevé, d’une part, que le terme «scomber» était utilisé dans la nomenclature combinée du tarif douanier commun et, d’autre part, que Rügen Fisch expliquait elle-même, dans sa publicité, la signification des termes «scomber mix» utilisés sur l’emballage de ses conserves de maquereaux.

13      Par ailleurs, la chambre de recours a infirmé la position de la division d’annulation de l’OHMI selon laquelle le terme «scomber» était peut-être connu des spécialistes, mais ne l’était pas du grand public considéré comme public pertinent. À cet égard, la chambre de recours a en effet souligné, d’une part, que, dans la langue italienne, le mot utilisé pour désigner le maquereau est le mot «sgombro». D’autre part, la chambre de recours a pris en compte les documents produits par Schwaaner Fischwaren concernant l’utilisation du terme «scomber» dans le secteur de l’économie ainsi que les définitions de ce terme dans les dictionnaires.

14      Selon la décision litigieuse, le terme «mix» était pour sa part un terme compris dans le sens de «mélange» dans la plupart des langues de l’Union européenne et, à tout le moins, en langues allemande, anglaise, française et néerlandaise.

15      La chambre de recours a ainsi conclu que le syntagme «SCOMBER MIX» désignait uniquement l’espèce des produits relevant de la classe 29 de l’arrangement de Nice, indiquant qu’il s’agit de poissons et de conserves de poisson, y compris sous la forme de plats préparés à base de maquereau («scomber») avec d’autres ingrédients («mix»).

 Le recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

16      Le 22 mai 2009, Rügen Fisch a introduit devant le Tribunal un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse en invoquant deux moyens tirés, respectivement, d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 et, à titre subsidiaire, d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de ce règlement.

17      S’agissant du premier moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), dudit règlement, le Tribunal a notamment rappelé qu’un signe verbal doit se voir opposer un refus d’enregistrement en tant que marque communautaire si, dans au moins l’une de ses significations potentielles, il désigne une caractéristique des produits ou des services concernés.

18      S’agissant de la marque litigieuse composée de deux éléments, à savoir «SCOMBER» et «MIX», le Tribunal a relevé qu’il était constant entre les parties que le terme «mix» était compris de manière générale dans le sens de «mélange» dans la plupart des langues de l’Union. Il a alors relevé, au point 24 de l’arrêt attaqué, que c’était finalement la nature descriptive de l’élément «scomber» qui faisait l’objet d’un désaccord entre les parties et que, par ailleurs, les produits visés par la marque litigieuse étaient «des conserves contenant un mélange fait de poissons, notamment de maquereaux, et d’autres ingrédients».

19      En ce qui concerne le mot «scomber», le Tribunal a rappelé, au point 25 de l’arrêt attaqué, qu’il s’agissait d’un terme technique qui constitue le nom spécifique du maquereau dans le domaine de la zoologie. Quant au public pertinent, le Tribunal a estimé, au point 26 de cet arrêt, que celui-ci était constitué essentiellement des consommateurs moyens, étant donné qu’il s’agissait de biens de consommation courante du domaine alimentaire.

20      S’appuyant notamment sur des copies de publicité produites devant l’OHMI par Schwaaner Fischwaren, le Tribunal a jugé, au point 27 dudit arrêt, que le terme «scomber», désignant le maquereau dans le langage scientifique, pouvait être utilisé, le cas échéant avec l’appellation spécifique de l’espèce de maquereaux concernée, aux fins de l’identification exacte, sur les emballages visés par la marque en cause ou dans les publicités relatives à ces produits, du poisson contenu dans ces produits, et, par conséquent, dans un sens descriptif.

21      Le Tribunal en a ainsi déduit, au point 28 de l’arrêt attaqué, que les consommateurs pouvaient percevoir l’utilisation d’une appellation «scomber» pour les produits de la pêche comme une description de ces produits, d’autant plus que la prise de conscience des consommateurs par rapport aux ingrédients et à la provenance géographique des aliments qu’ils consomment est croissante.

22      Au point 29 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a alors jugé qu’il était clair que, en ce qui concerne le mot «scomber», il ne s’agissait pas d’une expression de fantaisie. En témoignait à cet égard le fait que, dans sa publicité, Rügen Fisch expliquait elle-même que «le mot scomber vient du latin et signifie maquereau» («das Wort Scomber kommt aus dem Lateinischen und bedeutet Makrele»).

23      Par ailleurs, le Tribunal a jugé que, étant donné que le terme «scomber» était suffisamment proche, sur le plan phonétique, du mot «sgombro», signifiant «maquereau» en langue italienne, les consommateurs italophones étaient en mesure de comprendre la signification de ce terme et pouvaient ainsi percevoir ledit terme, immédiatement et sans aucune autre réflexion, comme une description de l’un des ingrédients du produit en cause. Or, le Tribunal rappelait à cet égard que, selon l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 40/94, les motifs absolus de refus d’enregistrement d’un signe en tant que marque communautaire figurant au paragraphe 1 du même article sont applicables même s’ils n’existent que dans une partie de l’Union.

24      En ce qui concerne la marque litigieuse dans son ensemble, le Tribunal a jugé, au point 31 de l’arrêt attaqué, que le simple fait d’accoler les éléments «scomber» et «mix» ne créait pas une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion des deux mots en cause, et ce en raison de l’absence de caractère inhabituel de leur combinaison. Ainsi, le signe «SCOMBER MIX» indiquerait simplement que les produits visés sont composés de maquereaux («scomber») mélangés avec d’autres ingrédients («mix»).

25      Le Tribunal a ainsi rejeté le premier moyen de Rügen Fisch, confirmant la légalité de la décision de la chambre de recours d’annuler la marque litigieuse pour les produits relevant de la classe 29 de l’arrangement de Nice. Par ailleurs, le Tribunal a jugé qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le second moyen présenté par Rügen Fisch, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, étant donné que la décision litigieuse n’était fondée que sur l’article 7, paragraphe 1, sous c), de ce règlement.

26      Partant, le Tribunal a rejeté le recours de Rügen Fisch dans son ensemble.

 Les conclusions des parties

27      Rügen Fisch demande à la Cour, à titre principal, d’annuler l’arrêt attaqué et la décision litigieuse ainsi que de condamner l’OHMI aux dépens. À titre subsidiaire, elle demande l’annulation de cet arrêt et le renvoi de l’affaire devant le Tribunal.

28      L’OHMI demande à la Cour de rejeter le pourvoi comme irrecevable ou, à tout le moins, comme non fondé et de condamner Rügen Fisch aux dépens.

29      Schwaaner Fischwaren conclut également au rejet du pourvoi et à la condamnation de Rügen Fisch aux dépens.

 Sur le pourvoi

30      À l’appui de son pourvoi, Rügen Fisch invoque un moyen unique tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94.

31      Aux termes de l’article 119 de son règlement de procédure, lorsqu’un pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur rapport du juge rapporteur, l’avocat général entendu, rejeter totalement ou partiellement ce pourvoi par voie d’ordonnance motivée, et ce sans ouvrir la procédure orale. La Cour estime qu’il y a lieu de faire usage de cette disposition dans la présente affaire.

 Argumentation des parties

32      Rügen Fisch reproche au Tribunal, premièrement, d’avoir fondé son arrêt sur un exposé des faits erroné au motif que, au point 24 de l’arrêt attaqué, celui-ci a jugé que les produits visés par la marque litigieuse étaient des conserves contenant un mélange fait de poissons, notamment de maquereaux et d’autres ingrédients. Or, Rügen Fisch fait valoir à cet égard que les produits visés étaient l’ensemble des produits relevant de la classe 29 de l’arrangement de Nice, en l’occurrence le poisson en conserve, les conserves de poisson, les préparations à base de poisson, également avec utilisation d’épices, salades et légumes, ainsi que les plats préparés et semi-préparés à base de poisson. Cette manière de présenter les choses aurait ainsi été incomplète.

33      Deuxièmement, le Tribunal aurait fondé l’arrêt attaqué sur une contradiction dans l’appréciation qu’il a portée quant au caractère descriptif du signe verbal «SCOMBER MIX». En effet, alors même que le Tribunal avait défini le public pertinent comme étant le consommateur moyen, il se serait toutefois appuyé sur le fait que l’élément «SCOMBER» était un terme scientifique spécialisé désignant le maquereau. Or, Rügen Fisch conteste que la constatation du caractère descriptif d’un terme utilisé dans le langage scientifique puisse permettre de conclure que le consommateur moyen, qui n’est pas familier à ce langage, percevra également ce terme comme étant descriptif des produits pour lesquels l’enregistrement d’une marque est demandé. En outre, elle relève que, sur le plan zoologique, la famille des Scombridae comprend plus de 45 espèces de poissons de type Scomber, de sorte que les cercles spécialisés n’utiliseront jamais ce terme isolément, mais se référeront davantage, par exemple, au Scomber scombrus pour le maquereau européen ou au Scomber australasicus pour le maquereau de l’océan Pacifique.

34      Troisièmement, Rügen Fisch fait valoir que le Tribunal a commis une erreur dans son appréciation de l’impression produite par le syntagme «scomber mix» sur le public pertinent, à savoir le consommateur moyen. En effet, compte tenu de sa faible maîtrise de la langue latine, ce que le Tribunal aurait reconnu au point 39 de son arrêt du 12 mars 2008, Compagnie générale de diététique/OHMI (GARUM) (T‑341/06), et du fait qu’il ne connaît pas la littérature scientifique, le consommateur moyen n’identifierait pas dans le signe verbal SCOMBER MIX une notion zoologique spécialisée, mais identifierait celui-ci comme un terme fantaisiste, et donc non descriptif des produits en cause. S’agissant du fait que le terme «sgombro» désigne le maquereau dans la langue italienne, Rügen Fisch fait valoir que ce terme est différent du terme «scomber» et, a fortiori, du syntagme «scomber mix», confirmant le caractère fantaisiste de ce dernier.

35      S’agissant de la circonstance que Rügen Fisch décrit, dans sa publicité, le contenu des produits qu’elle désigne par «scomber mix», celle-ci fait valoir que, contrairement à ce qu’en a déduit le Tribunal, cet élément ne confirme pas le caractère descriptif de la marque litigieuse, mais démontre précisément que, en lui-même, le terme n’est pas suffisamment évocateur pour le consommateur moyen, ce qui exclut per se qu’il soit qualifié de descriptif des produits en question.

36      L’OHMI fait valoir que, par son pourvoi, Rügen Fisch met en cause les appréciations de faits opérées par le Tribunal dans l’arrêt attaqué. Il en irait ainsi s’agissant, premièrement, du niveau de connaissance de la langue latine par le consommateur moyen, retenu comme étant le public pertinent, deuxièmement, de la désignation sous les termes «conserves contenant un mélange fait de poissons, notamment de maquereaux, et d’autres ingrédients» des produits relevant de la classe 29 de l’arrangement de Nice, ainsi que, troisièmement, du point de savoir si le consommateur moyen est en mesure de reconnaître le terme zoologique «scomber» alors même que les spécialistes en zoologie se référaient davantage à des espèces concrètes, telles que le Scomber australasicus. Ainsi, Rügen Fisch ne reprocherait pas au Tribunal une erreur de droit mais des erreurs dans l’appréciation des faits.

37      S’agissant du point de savoir s’il était possible de s’appuyer sur la perception du terme «scomber» par le public spécialisé alors même que le consommateur moyen avait été retenu comme public pertinent, l’OHMI relève que le Tribunal a évité de prendre position à cet égard. En effet, celui-ci se serait fondé de manière décisive sur le fait que le public italien comprendrait le mot latin «scomber» en raison de sa proximité du mot italien «sgombro», ce qui suffisait à établir que le terme «scomber», et par voie de conséquence les termes «scomber mix», revêtait une nature descriptive à tout le moins pour une partie de l’Union. Or, étant donné que Rügen Fisch n’a pas invoqué de dénaturation des faits à cet égard, son pourvoi serait finalement inopérant.

38      En tout état de cause, l’OHMI estime que c’est à bon droit que la chambre de recours a retenu, pour écarter l’argumentation de Rügen Fisch, que le public spécialisé, composé non pas des scientifiques mais des fabricants, des distributeurs et des autres personnes intervenant dans la commercialisation des produits concernés, reconnaîtrait la signification descriptive du terme «scomber» et utiliserait un tel terme dans un tel sens descriptif. Ainsi, selon l’OHMI, il était dépourvu d’importance que le consommateur européen moyen connaisse ou non l’appellation scientifique du maquereau ou encore la nomenclature combinée du tarif douanier commun.

39      Schwaaner Fischwaren soutient également que, par son pourvoi, Rügen Fisch cherche à ce que la Cour substitue sa propre appréciation des faits à celle opérée par le Tribunal. En particulier, tel serait le cas s’agissant de la constatation par le Tribunal du fait que les termes «scomber mix» seront perçus de manière descriptive non seulement par les professionnels, mais également par le public visé, en l’occurrence le consommateur moyen, comme visant des produits contenant du maquereau.

40      S’agissant de la circonstance que, au point 24 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a, pour des raisons de simplification linguistique, regroupé et examiné les produits concernés par la marque litigieuse sous un terme générique approprié, Schwaaner Fischwaren fait valoir que, ainsi que cela ressort du point 3 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est prononcé au regard de l’ensemble des produits visés par la demande d’enregistrement. Une telle pratique consistant à regrouper, aux fins de l’examen du recours, lesdits produits sous une appellation générique serait légale et aurait été admise par la Cour dans son ordonnance du 9 décembre 2009, Prana Haus/OHMI (C‑494/08 P, point 46). Le Tribunal n’aurait par ailleurs pas commis d’erreur de droit en jugeant qu’une désignation qui est effectivement utilisée en tant qu’indication descriptive peut également servir à cette même fin, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94.

41      S’appuyant sur l’ordonnance du 13 février 2008, Indorata-Serviços e Gestão/OHMI (C‑212/07 P, points 37 à 39), Schwaaner Fischwaren soutient que les questions de savoir, d’une part, si le public ciblé attribue à un signe une signification particulière et, d’autre part, si ce signe présente un rapport direct et concret suffisant avec les produits et les services pour lesquels l’enregistrement d’une marque est demandé sont, elles aussi, des questions de fait qui ne relèvent pas du contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi.

42      Par ailleurs, Rügen Fisch n’aurait pas invoqué de dénaturation des faits au soutien de son pourvoi, en particulier en ce qui concerne la constatation du Tribunal selon laquelle le terme «scomber» était suffisamment proche du mot italien «sgombro», signifiant maquereau, pour que les consommateurs italophones de l’Union soient en mesure de comprendre la signification de ce terme, lui conférant ainsi une portée descriptive.

43      S’agissant, enfin, de la prétendue utilisation habituelle par les cercles spécialisés des désignations des variétés composant l’espèce Scomber plutôt que du terme générique de cette espèce, Schwaaner Fischwaren fait valoir que cet aspect est dénué de pertinence aux fins de déterminer si le terme «scomber» est en lui-même descriptif.

 Appréciation de la Cour

44      À l’appui de son moyen, Rügen Fisch tente notamment de démontrer, sans alléguer à cet égard de dénaturation des faits, que le Tribunal a, de manière erronée, conclu à l’existence d’un rapport suffisamment direct et concret entre le signe verbal «SCOMBER MIX» et les produits pour lesquels l’enregistrement de la marque litigieuse avait été annulé par la chambre de recours.

45      Tel est en particulier le cas en ce qui concerne la constatation faite par le Tribunal, au point 30 de l’arrêt attaqué, selon laquelle les consommateurs italophones, en raison de la proximité phonétique entre les mots «scomber» et «sgombro», étaient en mesure de comprendre la signification dudit terme «scomber». Il en va également ainsi s’agissant des constatations du Tribunal, aux points 27 et 29 de ce même arrêt, par lesquelles il a jugé que le terme «scomber» ne constituait nullement un terme fantaisiste, de même que de la constatation du Tribunal, notamment au point 31 dudit arrêt, selon laquelle la combinaison des mots «scomber» et «mix» ne créait pas d’impression d’ensemble suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion de ces deux mots descriptifs des produits concernés et, en l’occurrence, commercialisés par Rügen Fisch. De même, en faisant valoir que les cercles spécialisés se référeraient aux variétés appartenant à l’espèce générique Scombridae et non au terme «scomber» isolément, Rügen Fisch tend à remettre en cause une appréciation de faits du Tribunal.

46      À cet égard, il y a toutefois lieu de rappeler qu’il ressort des articles 256, paragraphe 1, TFUE et 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne que le pourvoi est limité aux questions de droit et que le Tribunal est, dès lors, seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que les éléments de preuve. La constatation de ces faits et l’appréciation de ces éléments ne constituent donc pas, sous réserve de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (arrêt du 17 juillet 2008, L & D/OHMI, C‑488/06 P, Rec. p. I‑5725, point 40, ainsi que ordonnance du 14 mai 2012, Timehouse/OHMI, C‑453/11 P, point 35).

47      Par conséquent, étant donné que Rügen Fisch n’a pas invoqué de dénaturation des faits à cet égard, son argumentation relative aux appréciations factuelles du Tribunal, telle que rappelée, en substance, aux points 44 et 45 de la présente ordonnance, doit être rejetée comme manifestement irrecevable.

48      Quant à la circonstance que le Tribunal, au point 24 de l’arrêt attaqué, s’est référé, s’agissant des produits visés par la marque litigieuse, à des «conserves contenant un mélange fait de poissons, notamment de maquereaux, et d’autres ingrédients» plutôt qu’au libellé littéral complet des produits demandés relevant de la classe 29 de l’arrangement de Nice, force est de constater que, eu égard au rappel qui avait été fait au point 3 de l’arrêt attaqué, il apparaît clairement que ce choix rédactionnel du Tribunal tenait avant tout à un souci de simplification et de concrétisation de l’examen du recours. Or, Rügen Fisch n’explique pas en quoi ce choix rédactionnel, qu’elle qualifie d’«exposé incorrect des faits», mais qui correspond pourtant, en substance, au libellé des produits demandés relevant de la classe 29 de cet arrangement, a eu une quelconque influence sur l’appréciation du caractère descriptif du signe verbal «SCOMBER MIX».

49      Rügen Fisch conteste par ailleurs que le Tribunal pouvait s’appuyer sur le fait que le terme «scomber» était utilisé dans le langage scientifique pour en déduire que le consommateur moyen percevrait également ce terme de manière descriptive. Or, force est de relever que c’est de la circonstance que ce terme, effectivement tiré du langage scientifique, était utilisé à des fins descriptives dans des publicités pour des produits dérivés du maquereau que le Tribunal a déduit, au point 27 de l’arrêt attaqué, que le consommateur moyen pourrait percevoir l’usage d’un tel terme comme descriptif des produits ainsi commercialisés. L’argument présenté par Rügen Fisch est dès lors manifestement non fondé.

50      En outre, indépendamment de cette constatation, le Tribunal a également jugé, au point 30 de l’arrêt attaqué, que ce terme était suffisamment proche, sur le plan phonétique, du mot italien «sgombro», signifiant maquereau, pour que les consommateurs italophones soient en mesure de comprendre sa signification.

51      Or, d’une part, de telles constatations relatives à l’attention, à la perception ou à l’attitude des consommateurs effectuées dans l’arrêt attaqué relèvent du domaine des appréciations factuelles (voir arrêt du 4 octobre 2007, Henkel/OHMI, C‑144/06 P, Rec. p. I‑8109, point 51, ainsi que ordonnance du 11 mai 2012, LAN Airlines/OHMI, C‑198/11 P, point 32), de sorte qu’elles ne constituent pas en tant que telles une question de droit pouvant être soumise au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi.

52      D’autre part, il ressort du libellé de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 qu’il suffit que l’un des motifs absolus de refus énumérés à cette disposition s’applique pour que le signe en cause ne puisse être enregistré comme marque communautaire (voir arrêt du 19 septembre 2002, DKV/OHMI, C‑104/00 P, Rec. p. I‑7561, point 29, ainsi que ordonnance Indorata-Serviços e Gestão/OHMI, précitée, point 18). En outre, il résulte du paragraphe 2 de cet article 7 que le paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union.

53      Il s’ensuit que la constatation du caractère descriptif du terme «scomber» pour le public italophone était en elle-même suffisante pour que le Tribunal puisse conclure, au point 31 de l’arrêt attaqué, que le signe «SCOMBER MIX» indiquait simplement, à tout le moins pour ce public, que les produits visés étaient composés de maquereaux («scomber») mélangés avec d’autres ingrédients («mix»), ce qui suffisait déjà en soi à justifier que, en application de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 40/94, la marque soit annulée, pour les produits relevant de la classe 29 de l’arrangement de Nice, au regard de l’article 7, paragraphe 1, sous c), de ce règlement.

54      Compte tenu des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le pourvoi comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.

 Sur les dépens

55      Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’OHMI et Schwaaner Fischwaren ayant conclu à la condamnation de Rügen Fisch et celle-ci ayant succombé en son moyen, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) ordonne:

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Rügen Fisch AG est condamnée aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.

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