EUR-Lex Access to European Union law

Back to EUR-Lex homepage

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 61983CC0154

Conclusions de l'avocat général Lenz présentées le 5 juillet 1984.
Josef Hoche et Roomboterfabriek "De Beste Boter" contre Bundesanstalt für landwirtschaftliche Marktordnung.
Demandes de décision préjudicielle: Hessischer Verwaltungsgerichtshof - Allemagne.
Vente à prix réduit de beurre - Conditions de libération de la caution.
Affaires jointes 154 et 155/83.

Recueil de jurisprudence 1985 -01215

ECLI identifier: ECLI:EU:C:1984:248

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. CARL OTTO LENZ

présentées le 5 juillet 1984 ( *1 )

Sommaire

 

A — Faits et procédure

 

1. Dispositions du droit communautaire

 

2. Faits controversés

 

3. Procédure préliminaire

 

4. Questions préjudicielles

 

B — Notre opinion

 

1. Sur l'étendue de l'obligation mise à la charge de l'acheteur de ne faire transformer le beurre à prix réduit qu'en certains produits définis

 

a) L'interprétation de l'article 6 bis du règlement no 1259/72

 

b) L'interprétation des termes « ne que » de l'article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement no 1259/72

 

c) Conclusion

 

2. Sur les conditions de la libération de la caution (obligation de preuve)

 

a) La preuve de la fabrication du produit final

 

b) La preuve de la fabrication dans les délais du produit alimentaire

 

3. Sur la transformation du produit intermédiaire

 

4. Sur l'addition de caséinate de sodium

 

a) Recevabilité

 

b) Obligation de preuve relative au sort ultérieur du produit

 

C — Conclusion

Monsieur le Président,

Messieurs ies Juges,

La procédure à titre préjudiciel, sur laquelle nous sommes présentement appelé à conclure, porte sur l'interprétation de certaines dispositions adoptées en vue de réduire les excédents de beurre existant dans la Communauté: dans ce cadre, le beurre peut être vendu à prix réduit à certaines entreprises de transformation. Cette réglementation vise à rendre le beurre stocké par les organismes d'intervention concurrentiel par rapport à d'autres matières grasses — moins chères — utilisées d'ordinaire dans l'industrie de la transformation.

A —

Pour la compréhension des deux demandes de décision à titre préjudiciel qui nous occupent aujourd'hui, nous dirons ici de cette réglementation — dans sa version de 1974 — ce qui suit.

1.

Conformément à l'article 2 du règlement no 1259/72 relatif à la mise à disposition de beurre à prix réduit à certaines entreprises de transformation de la Communauté (JO 1972, L 139, p. 18 et suiv.), modifié par le règlement no 2815/72 (JO L 297, p. 3 et suiv.), la vente de beurre a lieu selon la procédure d'adjudication. D'après l'article 6 de ce règlement, le soumissionnaire ne peut participer à l'adjudication que s'il prend une série d'engagements par écrit, à savoir:

faire transformer dans un établissement agréé le beurre en beurre concentré et, à cette occasion, y faire incorporer certains composants (entre autres un produit provenant de la vanille ou du sucre) ;

ne faire transformer les produits ainsi obtenus qu'en produits de la boulangerie fine, de la pâtisserie et de la biscuiterie relevant de la position 19.08 du tarif douanier commun ou en glaces alimentaires relevant des sous-positions ex 18.06 B et ex 21.07 C du tarif douanier commun, ou en préparations en poudre relevant des sous-positions ex 18.06 D ou ex 21.07 F du tarif douanier commun « pour la confection de glaces alimentaires » (pour lesquelles il est ajouté qu'elles doivent être aptes à la consommation « sans aucune autre opération que l'addition d'eau et la congélation ») [voir règlement (CEE) no 2815/72, article 6, loc. cit].

L'article 6 prévoit, en outre, que la transformation doit être effectuée dans un délai de quatre mois, que le soumissionnaire doit tenir une comptabilité matières faisant apparaître les acheteurs du produit obtenu à la suite des premières opérations de transformation (beurre concentré avec certains additifs) et veiller, en cas de vente ultérieure de ce produit intermédiaire, à ce que l'obligation de le transformer en produits finis cités ainsi que l'obligation mentionnée en matière de tenue de comptabilité soient reprises dans le contrat de vente. Par la suite, un article 6 bis a encore été inséré dans cette réglementation (à savoir par le règlement no 1910/73, JO 1973, L 196, p. 10 et suiv.) aux termes duquel une transformation ultérieure des produits visés n'est admise que dans la mesure où les produits obtenus relèvent d'une des positions tarifaires visées « sans que, d'une phase intermédiaire de cette transformation, il puisse résulter un produit relevant d'une autre position tarifaire ».

En application de l'article 9 du règlement no 1259/72, il est fixé, compte tenu des offres reçues, un prix minimal de vente et le montant de la caution de transformation à constituer par l'adjudicataire (laquelle est destinée à couvrir la différence entre le prix du marché du beurre et le prix minimal). Avant la prise en charge du beurre, l'adjudicataire n'a, en principe, à verser que le montant correspondant à son offre (suivant les termes de l'article 11 du règlement).

L'article 15 du règlement en question stipule que, dès la sortie de stock et jusqu'à sa transformation en produits visés à l'article 6, paragraphe 1, sous c), le beurre est soumis à un contrôle douanier ou à un contrôle administratif présentant des garanties équivalentes. Enfin, l'article 18 du règlement (dans la version du règlement no 1237/73, JO 1973, L 128, p. 1 et suiv.) dispose que la caution de transformation n'est libérée que pour les quantités pour lesquelles « l'adjudicataire a apporté la preuve que les conditions visées à l'article 6 ont été respectées » et précise également que — lorsque la transformation est effectuée dans l'État membre vendeur — cette preuve est apportée « par la production d'un document déterminé par l'État membre vendeur ».

2.

La réglementation précitée intéresse les cas d'espèce à traiter dans le cadre de la procédure au principal pour les raisons. suivantes.

La demanderesse dans la première affaire a acheté du beurre à l'organisme d'intervention allemand au mois de mars 1974 à la condition — garantie par une caution de transformation — de transformer ce beurre en beurre concentré qui devait lui-même servir à la fabrication, entre autres, de poudre destinée à la confection de glaces alimentaires. Elle a vendu un lot de beurre à l'entreprise Suwelack — appelée en cause — qui s'est engagée par écrit envers la demanderesse à transformer ce beurre conformément aux dispositions précitées. Au mois de juillet 1974, après la transformation du beurre concentré, l'entreprise Suwelack a remis aux autorités douanières un certificat d'utilisation de matières premières (prévu par la législation allemande), ainsi qu'une déclaration de transformation aux termes de laquelle elle avait fabriqué une préparation en poudre destinée à la confection de glaces alimentaires des sous-positions 18.06 D ou 21.07 F du tarif douanier commun. Or (d'après l'ordonnance de renvoi, dont l'exactitude a, il est vrai, été contestée par la demanderesse et la partie appelée en cause), d'importantes parties de cette préparation ont été vendues, non à des fabricants de glaces alimentaires, mais, entre autres, à une entreprise qui en séparait d'abord le sucre (pour le vendre à une fabrique de chocolat) et transformait le reste en mélanges de poudre de lait à diverses teneurs en poudre de glace citées dans l'ordonnance de renvoi. Ces mélanges de poudre de lait ont ensuite été vendus à un certain nombre d'entreprises et on ne sait apparemment pas ce qu'il en est finalement advenu (en tout état de cause — comme le soulignait la requérante —, il n'a pas été établi qu'il n'y avait pas eu fabrication de glaces alimentaires).

La demanderesse dans la seconde procédure a acheté du beurre à l'office d'intervention allemand au mois de juin 1974, également à la condition de transformer celui-ci en beurre concentré et de fabriquer à partir de ce dernier, entre autres, de la poudre destinée à la confection de glaces alimentaires. Elle a vendu un lot de ce beurre à la demanderesse dans la première procédure (qui était autorisée à transformer celui-ci en beurre concentré) et celle-ci a, à son tour, cédé le beurre concentré à l'entreprise Suwelack — là encore, avec l'engagement écrit de la part de cette dernière de respecter l'obligation précitée. De même, après transformation du beurre concentré, l'entreprise Suwelack a, au mois de juillet 1974, remis aux autorités douanières un certificat d'utilisation de matières premières et une déclaration de transformation de même teneur que celle précitée.

Or, là aussi, il semble (d'après l'ordonnance de renvoi, à propos de laquelle la demanderesse a exprimé des réserves) que d'importantes parties du produit fabriqué n'ont pas été vendues à des fabricants de glaces alimentaires, mais à d'autres entreprises dont l'une a séparé le sucre de la préparation et a vendu ce dernier, tandis qu'elle transformait le reste en des mélanges de poudre de lait dont on ne sait ce qu'il est advenu, une fois vendus à un certain nombre d'entreprises.

Lors d'un examen d'échantillons de la poudre fabriquée par l'entreprise Suwelack, il a été constaté qu'il s'agissait de crème de lait en poudre sucrée relevant de la position tarifaire 04.02 du tarif douanier commun. Là-dessus, le prédécesseur du Bundesanstalt für landwirtschaftliche Marktordnung a, au début de l'année 1975, déclaré acquise la caution de transformation constituée, pour utilisation non conforme du beurre concentré fabriqué par les demanderesses.

3.

Les intéressées ont, d'abord, formé sans succès une réclamation contre cette décision et, ensuite, saisi le Verwaltungsgericht qui a fait droit à leur demande. Dans le jugement qu'il a rendu au mois de décembre 1980, ce dernier a retenu, eu égard à la question principale du litige qui était de savoir si la poudre fabriquée par l'entreprise Suwelack était conforme aux prescriptions des positions tarifaires 18.06 D ou 21.07 F, que les rapports qui ont concouru à la déchéance de la caution étaient sans valeur parce que les échantillons de poudre de glaces alimentaires sur lesquels ils reposaient étaient vieux de neuf mois déjà. Par ailleurs, le Verwaltungsgericht a considéré que la faible teneur en substances aromatiques n'entraîne pas forcément qu'une glace alimentaire fabriquée à partir de cette poudre n'est pas apte à la consommation, que l'addition du stabilisant appelé caséinate de sodium est inoffensive parce que admise dans les États du Benelux et qu'il importe peu de savoir si une telle poudre peut être commercialisée en Allemagne (où cet additif n'est pas autorisé). Le Verwaltungsgericht est en outre parti de l'idée qu'il est sans importance que la poudre fabriquée par l'entreprise Suwelack ait été transformée par des tiers non en glaces alimentaires, mais en d'autres produits, car le règlement no 1259/72 ne vise que la fabrication de poudres pour la confection de glaces alimentaires et non l'utilisation finale du produit. A cet égard, le tribunal a également considéré le fait que l'entreprise Suwelack avait produit la déclaration de transformation précitée. Il lui a semblé qu'elle avait de la sorte renversé la charge de la preuve d'autant plus que le législateur allemand n'avait pas encore déterminé le document visé à l'article 18, paragraphe 2, du règlement no 1259/72, même si, dans la pratique suivie par le Bundesanstalt für landwirtschaftliche Marktordnung, la déclaration de transformation a toujours été considérée comme le document visé par cette disposition.

Par mémoires respectivement déposés en février et mars 1981, le Bundesanstalt a interjeté appel de ces jugements devant le Verwaltungsgerichthof de Hesse. Il a fait, d'une part, valoir que la déchéance de la caution a été prononcée à bon droit, faute de production de poudre destinée à la confection de glaces alimentaires apte à la consommation. En effet, la poudre n'avait pas un goût suffisamment sucré et aromatisé et la glace fabriquée à partir de cette poudre n'avait pas une consistance satisfaisante. De l'avis du Bundesanstalt, il importe, d'autre part, que la transformation de la poudre en glaces alimentaires soit prouvée. A cette fin, la production de la déclaration de transformation produite par l'entreprise Suwelack, déclaration qui ne répondait pas aux exigences de l'article 18 du règlement no 1259/72 à défaut de certificat de douane, ne suffit assurément pas. En outre, le Bundesanstalt souligne qu'en droit communautaire, il est obligé d'étendre le contrôle au stade de transformation suivant la production de poudre et conteste avoir eu pour pratique de n'accorder aucune importance à la transformation ultérieure de la poudre destinée à la confection de glaces. Cependant, toujours selon le Bundesanstalt, s'il a, en règle générale, limité son contrôle au deuxième stade de la transformation et s'il a, dans le passé, libéré la caution après la fabrication de poudre destinée à la confection de glaces alimentaires, les demanderesses ne sauraient en aucun cas en tirer un droit à voir cette pratique poursuivie; celle-ci n'interdit assurément pas au Bundesanstalt de tenir compte d'une utilisation finale de la poudre fabriquée non conforme à sa destination.

A l'opposé, les intimées ont souligné, d'une part — en ce qui concerne les propriétés de la poudre fabriquée —, que, d'après la jurisprudence de la Cour, pour pouvoir être apte à la consommation, la poudre doit être sucrée ou aromatisée, condition que remplissaient précisément les mélanges de poudre litigieux de manière perceptible. Elles sont, en outre, d'avis qu'il importe peu de savoir en quel produit final la poudre destinée à la confection de glaces a été transformée, l'unique point déterminant étant, au contraire, de savoir si la poudre destinée à la confection de glaces alimentaires répondait — comme dans son cas — aux dispositions de l'article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement no 1259/72. La poudre destinée à la confection de glaces alimentaires doit être considérée comme le produit final et telle est la raison pour laquelle le Bundesanstalt a lui-même estimé la transformation ultérieure sans importance, et c'est d'ailleurs pourquoi aucun contrôle de ce qu'il advient de la poudre n'est prescrit, pas plus qu'il n'existe d'obligation. d'imposer des restrictions d'utilisation à l'acheteur de la poudre en question. Les intimées se sont fiées à la poursuite de cette pratique et au reste — d'après elles — l'article 6 bis précité du règlement no 1259/72 n'est manifestement pas applicable à leur cas, car les considérants du règlement no 1910/73 qui précèdent cette disposition ne se réfèrent expressément qu'aux produits de la position tarifaire 19.08 du tarif douanier commun (produits de la boulangerie fine, de la pâtisserie et de la biscuiterie).

L'entreprise Suwelack, appelée en cause, a en substance développé des arguments du même ordre. Au surplus, elle a fait remarquer que l'article 18, paragraphe 2, du règlement no 1259/72 ne fait pas référence à l'article 6 bis, et elle pense également que la seule conclusion que l'on puisse tirer du fait que l'article 18 ne prévoit aucune sanction à l'égard des transformations ultérieures est que l'utilisation ultérieure d'un mélange de poudre destinée à faire des glaces est sans importance dans le régime communautaire.

4.

Ce litige pose au Verwaltungsgerichtshof de Hesse différents problèmes d'interprétation de droit communautaire qui — comme on l'a montré dans le détail — semblent importants pour rendre sa décision. En conséquence, il a, par ordonnance du 30 mai 1983, décidé de surseoir à statuer et, en application de l'article 177 du traité CEE, saisi la Cour des questions préjudicielles suivantes s'appliquant aux deux procédures.

a)

Les conditions posées à l'article 6, paragraphe 1, sous c) (troisième solution), du règlement (CEE) no 1259/72 du 16 juin 1972 (JO L 139, p. 18), dans la version modifiée par l'article 1er, paragraphe 2, du règlement (CEE) no 2161/72 du 10 octobre 1972JO L 231, p. 12), doivent-elles être considérées comme respectées même lorsque la préparation en poudre pour la confection de glaces alimentaires, relevant des sous-positions ex 18.06 D ou ex 21.07 F du tarif douanier commun n'a, en fin de compte, pas été utilisée pour la confection de glaces alimentaires, mais lorsque, au contraire, les éléments de cette préparation de poudre ont été séparés, lors de stades ultérieurs de transformation, et que ces éléments ont ensuite été transformés en mélanges de poudre de lait et en chocolat?

b)

L'obligation d'apporter la preuve qui est imposée à l'adjudicataire par l'article 18, paragraphe 2, première phrase, du règlement (CEE) no 1259/72, dans la version modifiée par l'article 3 du règlement (CEE) no 1237/73 du 10 mai 1973QO L 128, p. 1), s'étend-elle également aux opérations de transformation consécutives à la fabrication de la préparation en poudre visée à l'article 6, paragraphe 1, sous c) (troisième solution), du règlement (CEE) no 1259/72, modifié par l'article 1er, point 2, du règlement (CEE) no 2161/72?

c)

L'article 6 bis dans la version du règlement (CEE) no 1910/73 du 13 juillet 1973JO L 196, p. 10) s'applique-t-il, conformément aux termes du considérant, seulement aux produits de la position 19.08 du tarif douanier commun ou également aux glaces alimentaires des sous-positions ex 18.06 D ou ex 21.07 F du tarif douanier commun?

d)

Les « préparations en poudre relevant des sous-positions ex 18.06 D ou 21.07 F du tarif douanier commun », visées à l'article 6, paragraphe 1, sous c), dans la version du règlement (CEE) no 2161/72, constituent-elles le seul mode d'utilisation admis ou est-il possible de fabriquer, dans le cadre de la transformation ultérieure autorisée par l'article 6 bis dans la version du règlement (CEE) no 1910/73, tous les produits des sous-positions 18.06 D et 21.07 F sans que la caution soit perdue?

e)

L'absence de référence dans l'article 18, paragraphe 2 [dans la version modifiée par le règlement (CEE) no 1237/73], à l'article 6 bis du règlement (CEE) no 1910/73 doit-elle être interprétée en ce sens qu'une violation de l'article 6 bis est sans importance pour la libération de la caution ou cette libération doit-elle également être refusée si l'on constate une violation de l'article 6 bis?

f)

L'addition du stabilisant appelé « caséinate de sodium » est-elle contraire à l'objectif de l'article 6, paragraphe 1, sous c) (troisième solution), du règlement (CEE) no 1259/72, qui vise à favoriser la fabrication d'une poudre pour la confection de glaces alimentaires qui soit apte à la consommation lorsque l'addition du stabilisant précité aboutit à la confection d'un produit dont l'utilisation pour la confection de glaces alimentaires est autorisée dans certains États membres, mais est interdite en République fédérale d'Allemagne, aux termes de la réglementation applicable aux denrées alimentaires?

g)

Lorsque l'addition de caséinate de sodium n'a aucune conséquence préjudiciable, le fait que l'adjudicataire ne soit pas en mesure de prouver que les préparations en poudre additionnées de caséinate de sodium ont été expédiées dans des Etats membres qui — à l'instar de la Belgique, du Luxembourg et des Pays-Bas — autorisent l'usage de ce stabilisant, y compris dans la fabrication de poudre destinée à la confection de glaces alimentaires, revêt-il de l'importance pour la libération de la caution au titre de l'article 18, paragraphe 2, première phrase, du règlement (CEE) no 1259/72, dans la version modifiée par l'article 3 du règlement (CEE) no 1237/73?

B —

Nous souhaitons à cet égard formuler les observations suivantes.

1.

Une première série de questions a trait à la portée de l'obligation faite à un acheteur de beurre à prix réduit de le faire transformer dans un certain délai (de 120 jours) uniquement en certains produits précis (glaces alimentaires, poudres alimentaires et boulangerie fine) [article 6, paragraphe 1, sous c), troisième solution, du règlement no 1259/72, dans lequel il est question de la fabrication de préparations en poudre pour la confection de glaces alimentaires relevant des sous-positions ex 18.06 D ou ex 21.07 F]. Sur ce point, la juridiction de renvoi souhaiterait notamment savoir si l'obligation susmentionnée est également considérée comme respectée lorsque la poudre n'est pas utilisée pour la confection de glaces alimentaires, mais lorsqu'elle est décomposée et que ses composants sont ensuite transformés en mélanges de poudre de lait et en chocolat. Il apparaît ainsi clairement que, dans ce contexte aussi, un rôle appréciable revient à l'article 6 bis du règlement no 1259/72 — cité à maintes reprises — dont il y a lieu de définir la portée, entre autres, dans le cadre de la question c).

Les demanderesses et l'entreprise appelée en cause estimaient, à cet égard, qu'un acheteur de beurre à prix réduit n'a, dans un cas comme celui de l'espèce, que l'obligation de fabriquer de la poudre destinée à la confection de glaces alimentaires; d'après les termes de ces dispositions et le système qu'elles mettent en place, il y a lieu de voir dans cette poudre le produit final; par contre, en l'absence de dispositions régissant l'utilisation ultérieure et compte tenu du fait que les conditions d'achat convenues ne portent pas sur l'utilisation finale de la marchandise, l'utilisation ultérieure du produit n'a aucune incidence sur l'obligation de l'acheteur et celui-ci n'est donc pas tenu d'imposer à ses clients des obligations en conséquence. En revanche, selon le Bundesanstalt für landwirtschaftliche Marktordnung et la Commission, le règlement relatif à la mise à disposition de beurre à prix réduit doit — étant donné qu'il s'agit d'une réglementation d'exception — être interprete de manière étroite et stricte. D'après eux, c'est bien la destination finale du beurre qui est en jeu; il s'agit d'exclure que le produit revienne sur le marché du beurre normal et y entraîne des distorsions dans la concurrence. Le règlement no 1259/72 régit de manière définitive et exclusive l'utilisation du beurre. L'idée est donc de s'assurer que la préparation en poudre, qui ne peut être considérée que comme un produit intermédiaire (sous réserve de ce qui résulte de l'article 6 bis), soit transformée en glaces alimentaires.

En ce qui concerne l'article 6 bis précité, de l'avis des demanderesses et de l'appelée en cause, le fait que les considérants du règlement no 1910/73 ne font référence qu'à des produits de la position tarifaire 19.08 du tarif douanier commun (boulangerie fine) et, par ailleurs, que l'article 6, paragraphe 1, sous c), prévoit deux autres possibilités^ de transformation implique forcément que l'article 6 bis ne s'applique pas à la troisième solution visée par l'article 6, paragraphe 1, sous c), à savoir la fabrication de préparations en poudre pour la confection de glaces alimentaires. Elles ont, en outre, soutenu que même en reconnaissant une large portée à l'article 6 bis, on ne saurait leur imputer une infraction à cet article. En effet, il n'a nullement été établi de manière incontestée que le sucre a été séparé de la préparation en poudre fabriquée par l'entreprise Suwelack et — en partant de cette hypothèse — un tel processus (modification de la teneur en sucre) ne conduit pas pour autant à l'application de l'article 6 bis, car il s'agissait après encore de poudre destinée à la confection de glaces alimentaires et aucun autre produit n'a été créé à une phase intermédiaire de la transformation.

Le Bundesanstalt et la Commission sont, au contraire, d'avis que l'élément déterminant pour interpréter l'article 6 bis ne réside pas dans les considérants du règlement qui lui servaient d'introduction (car ces considérants ne sont pas toujours exhaustifs), mais dans les termes mêmes de la disposition dont il ressort tout à fait clairement qu'elle n'est pas limitée à la boulangerie fine, mais comprend tous les produits cités dans l'article 6, paragraphes, sous c), et donc également la poudre destinée aux glaces. Au surplus, dans cette interprétation et en se basant sur la description des faits donnée par la juridiction de renvoi, il y a lieu d'admettre que l'article 6 bis et ses conditions — applicables cumulativement — s'appliquent au cas d'espèce précisément parce que, en décomposant la poudre destinée aux glaces, on a obtenu du sucre qui a été vendu, c'est-à-dire un produit qui, relevant du chapitre 17 du tarif douanier commun, doit être classé dans une autre position tarifaire au sens de l'article 6 bis.

a)

En abordant l'appréciation de ce litige par le dernier problème cité, c'est-à-dire l'interprétation de l'article 6 bis, on constate d'emblée d'après les termes de cette disposition qu'elle entendait régir la seule transformation ultérieure admissible de tous les produits cités dans l'article 6, paragraphe 1, sous c), et non pas seulement les produits de boulangerie fine de la position 19.08 du tarif douanier commun. Le libellé de cette disposition étant tout à fait clair, les considérants du règlement no 1910/73 sont, à l'évidence, de peu de poids par rapport à celle-ci et ne peuvent certainement pas aboutir à en restreindre la portée. Au reste, les considérants s'expliquent par le fait qu'apparemment des tentatives de détournement de la réglementation s'appliquant à la boulangerie fine ont en pratique motivé l'adoption de la disposition de l'article 6 bis. Toutefois, si — comme on peut le déduire de ces considérants — cette disposition vise à éviter les détournements lors de l'utilisation finale du beurre transformé, cet objectif suggère précisément une interprétation large, car il est clair que — comme le montre également le cas présent — ce danger de détournement existe pour tous les produits cités à l'article 6, paragraphe 1, sous c). On peut, par conséquent, déduire de l'article 6 bis le traitement admis uniquement pour les produits visés à l'article 6, paragraphe 1, sous c), et cela suffit donc à mettre en lumière que le sort ultérieur des produits intermédiaires tirés du beurre et leur utilisation finale ne sont en aucun cas sans intérêt dans le cadre de cette réglementation. On peut encore ajouter que si les faits relatés par la juridiction de renvoi sont exacts (ce qu'il ne nous appartient pas de vérifier maintenant) et si, lors d'une transformation ultérieure, du sucre a effectivement été extrait des préparations en poudre fabriquées par l'entreprise appelée en cause, il y a manifestement là matière à parler d'une violation de l'article 6 bis. A cet égard, il n'est, en effet, pas important de savoir si les préparations en poudre restantes peuvent encore être considérées comme de la poudre pour glaces — peu sucrée; ce qui compte, c'est uniquement qu'au cours d'une transformation ultérieure il a été obtenu du sucre, c'est-à-dire un produit qui ne relève certainement pas des positions tarifaires visées à l'article 6, paragraphe 1, sous c).

b)

D'après le sens impératif des termes de l'article 6 bis, il est, au fond, déjà clair que la thèse principale défendue par les demanderesses et l'appelée en cause, selon laquelle seule importe la fabrication d'une préparation en poudre, son sort ultérieur n'intéressant pas la réglementation en question, n'est pas défendable. Mais on peut encore avancer d'autres arguments à l'appui de l'opinion défendue par la Commission et le Bundesanstalt.

L'important est que l'article 6 impose l'obligation de « ne » faire transformer le beurre concentré « qu' » en certains produits définis, à savoir ceux qui sont énumérés sous c), ce qui signifie de toute évidence qu'aucune autre destination n'est autorisée. Dans ce cadre, il ressort clairement de la troisième solution possible — préparations en poudre pour la confection de glaces alimentaires aptes à la consommation sans aucune autre opération que l'addition d'eau et la congélation — que les préparations en poudre (sous réserve des dispositions de l'article 6 bis précité) doivent être destinées à cette fin et que, donc, un acheteur de beurre qui n'entreprend pas lui-même la transformation doit veiller à ce que le produit reçoive cette affectation.

Il est également capital que les considérants du règlement no 1259/72 mentionnent qu'il est nécessaire de s'assurer « que le beurre n'est pas détourné de sa destination». Il s'ensuit qu'il y a lieu d'être attentif — le cas échéant, en insérant des stipulations en ce sens — à ce que la transformation conduise à débarrasser définitivement de ce produit le marché du beurre et des produits laitiers; il faut, par conséquent, s'assurer que les produits de transformation ne reviennent pas sur le marché normal sous une autre forme (par exemple sous forme de lait en poudre), ce qui serait cependant impossible dès lors qu'on n'accorderait aucune importance au sorţ ultérieur d'une préparation en poudre fabriquée en application de l'article 6, paragraphe 1, sous c).

On peut, en outre, renvoyer à la jurisprudence antérieure en la matière. Nous songeons, par exemple, à l'arrêt rendu dans les affaires 99 et 100/76 ( 1 ), dans lequel la Cour constate qu'il y a lieu d'assurer que le beurre vendu à prix réduit ne parvienne pas sur le marché normal (Rec. 1977, p. 872, point 7 des motifs). Nous pensons à une déclaration analogue faite par la Cour dans l'arrêt qu'elle a rendu dans l'affaire 217/78 ( 2 ) (assurer que le beurre ainsi cédé soit utilisé conformément à sa destination et ne soit pas librement commercialisé, Rec. 1979, p. 2300, point 9 des motifs). Nous rappelons que dans l'arrêt rendu dans l'affaire 64/81 ( 3 ), la Cour a souligné que l'aptitude à la consommation en tant que glace alimentaire au sens du règlement no 1259/79 se définit par un degré d'élaboration du produit de base qui permette comme seule utilisation possible la fabrication de glace alimentaire (Rec. 1982, p. 25, point 9 des motifs).

Les arguments qu'opposent à cela les demanderesses et l'entreprise appelée en cause pour étayer leur opinion n'apportent rien de décisif.

Lorsqu'elles comprennent les termes « ne que» de l'article 6, paragraphe 1, sous c), en ce sens que l'obligation de l'acheteur ne s'étend dans le cadre de la troisième solution qu'à la fabrication du produit intermédiaire, on doit leur objecter que ce serait là non seulement perdre de vue l'esprit et la finalité manifeste de cette réglementation tels qu'ils ressortent des considérants, mais également la cohérence du système et, en particulier, le fait que, aux termes des considérants du règlement no 1910/73, l'article 6 bis n'a fait que préciser l'affectation du beurre (ce qui prouve qu'une transformation non prévue était déjà exclue dans le cadre du règlement no 1259/72).

Certes, il convient d'admettre que, dans le cas de la fabrication de poudre destinée à la confection de glaces, les obligations mises à la charge du vendeur en matière de comptabilité, de dépôt et de coopération (en particulier telles qu'elles résultent des dispositions nationales) prennent fin avec la fabrication du produit intermédiaire, que les textes communautaires ne contiennent aucune réglementation particulière concernant la fabrication du produit final « glaces » et que cette réglementation n'est pas soumise à un contrôle officiel ni assortie d'un délai. Or, cela signifie, évidemment, simplement qu'il a été tenu compte à cet égard de certaines contraintes administratives et également à caractère économique; toutefois, on ne peut en déduire — contrairement au sens et à la finalité de ces dispositions — que l'obligation de l'acheteur eu égard au but poursuivi par cette réglementation disparaît avec la fabrication du produit intermédiaire.

Par ailleurs, lorsqu'il a été fait référence aux dispositions de l'article 18, paragraphe 2, alinéa 3, aux termes duquel les États membres peuvent prévoir que la preuve est considérée comme apportée pour, de petites quantités lorsqu'une déclaration d'utilisation est produite, il a été noté à juste titre sur ce point (nous reviendrons sur l'étendue de l'obligation de preuve) que le fait de faciliter l'administration de la preuve n'implique rien quant à la portée des obligations de fond.

Enfin, il est clair que l'argument des demanderesses faisant appel aux prétendues déclarations de fonctionnaires de la Commission — lesquelles ont fait l'objet de contestations à l'audience (et d'après lesquelles il n'est pas tenu compte de l'utilisation ultérieure de la poudre destinée à la confection de glaces alimentaires) — est sans valeur. Dans l'hypothèse où l'obligation de garantie de l'acheteur s'étend à la fabrication du produit final, il n'est pas non plus possible de parler d'une violation du principe de proportionnalité (l'acheteur étant ainsi tenu, éventuellement pendant une période relativement longue et à plusieurs stades commerciaux, de contrôler lui-même ce qu'il advient du produit intermédiaire). En effet, le principe précité ne s'applique qu'aux actes administratifs imposant une charge, alors que, dans le cadre du règlement no 1259/72, il s'agit d'obligations imposées par des contrats de vente de droit privé. Mais, cela mis à part, il ne semble pas non plus excessif d'exiger la conclusion d'accords en ce sens lors de la cession de produits intermédiaires ni l'adoption de mesures aux fins de garantir que la réglementation remplit son objectif.

c)

Eu égard à la première série de questions, on retiendra donc qu'en application du règlement no 1259/72, qui comporte à cet égard nombre de dispositions d'une évidente clarté, l'obligation mise à la charge de l'acheteur par l'article 6, paragraphe 1, sous c), lors de la fabrication de poudre destinée à la confection de glaces n'est remplie que lorsque la préparation en poudre donne effectivement lieu à la confection de glaces alimentaires [ou de l'un des produits cités à l'article 6, sous a)], mais qu'il y a violation de l'obligation contractée lorsque ladite poudre est décomposée dans ses différents éléments et que le sucre qui en est tiré est vendu séparément.

2.

La deuxième série de questions que nous abordons maintenant se rapporte aux conditions de preuves régies par l'article 18, paragraphe 2, du règlement no 1259/72 (modifié par le règlement no 1237/73) qui doivent être remplies pour qu'intervienne la libération de la caution de transformation. Sur ce point, la juridiction de renvoi désire savoir si l'obligation de preuve de l'acheteur s'étend aux stades de transformation faisant suite à la fabrication de poudre destinée à la confection de glaces, c'est-à-dire si, lorsque sans transformer lui-même cette poudre, il la vend, l'acheteur doit prouver que l'un des acquéreurs ultérieurs a effectivement confectionné des glaces alimentaires. La question e), qui vise à savoir si une violation de l'article 6 bis est sans importance pour la libération de la caution du fait de l'absence de référence dans l'article 18, paragraphe 2, à cette disposition, se rattache également à ce contexte.

Les demanderesses et la partie appelée en cause ont exposé à cet égard que, dans le cadre de l'article 6, paragraphe 1, sous c) (troisième solution), seule importe la confection de la préparation en poudre; il n'y a donc pas lieu de s'enquérir des transformations ultérieures avant de procéder à la libération de la caution. En ce qui concerne l'article 6 bis et sa violation éventuelle, ils n'entrent pas en considération dans le cadre de l'article 18, paragraphe 2, d'une part, parce que cet article (6 bis) n'y est pas cité et, d'autre part, aussi parce que la transformation de la préparation en poudre — qui n'est soumise à aucun délai — est normalement effectuée longtemps après l'examen précédant la libération de la caution, laquelle doit, au reste, être libérée immédiatement après la fabrication du produit de transformation en application de l'article 18, paragraphe 3.

Le Bundesanstalt a d'abord soutenu dans son mémoire qu'il est nécessaire d'étendre l'obligation de preuve à la transformation ultérieure du produit intermédiaire « poudre destinée à la confection de glaces » et que, à cet effet, il n'est pas nécessaire que l'article 18, paragraphe 2, reprenne les dispositions de l'article 6 bis, ce dernier n'ayant apporté qu'une précision à l'article 6, paragraphe 1, sous c). A l'audience, cette opinion semble avoir été légèrement tempérée, en ce sens que le Bundesanstalt a prétendu qu'il ne fallait pas mettre sur un pied d'égalité les conditions de libération de la caution et celles de l'exécution du contrat, une éventuelle perte du droit à garantie ne conduisant pas à la déchéance du droit garanti au paiement de la totalité du prix de vente comme lorsque le beurre ne reçoit pas la destination qui lui est assignée. La Commission a un point de vue tout à fait analogue. Dans ses observations écrites, elle a jugé insuffisante la preuve de la fabrication d'une préparation en poudre et s'est montrée d'avis que la preuve devait s'étendre aux phases postérieures à la fabrication de la préparation en poudre. Elle y expose également que l'absence de référence à l'article 6 bis dans l'article 18 ne joue aucun rôle parce que cette obligation est évidente, ainsi qu'il résulte de son intégration ultérieure dans le règlement no 232/75 (on pourrait tout au plus admettre qu'il n'y a pas de conditions formelles de preuve dans le cadre de l'article 6 bis). A l'audience, elle a modulé ce point de vue en disant qu'en règle générale la preuve de la fabrication d'une préparation en poudre est suffisante (car elle fait présumer que cette opération a été suivie par la confection de glaces alimentaires); si, par contre, certains éléments laissaient croire à des irrégularités commises dans l'utilisation finale de la poudre destinée aux glaces, les autorités compétentes nationales pourraient procéder à une enquête (ce qui pourrait donner lieu, dans un tel contexte, à un retournement de la charge de la preuve) et, en tout état de cause, il y a lieu de prononcer la déchéance de la caution lorsqu'il est établi que le produit n'a pas reçu une utilisation conforme à sa destination ou que les dispositions de l'article 6 bis n'ont pas été respectées.

a)

En ce qui concerne la première branche de cette série de questions, on pourrait être tenté d'admettre, eu égard au libellé de l'article 18, paragraphe 2 (qui est, quant à lui, relatif à la preuve du respect des conditions posées à l'article 6), et après ce qui a été dit à propos de la première question sur la portée de l'obligation mise à la charge de l'acheteur de beurre à prix réduit, qu'il s'agit de rapporter la preuve de la fabrication du produit final — donc des glaces, dans le cas de poudre destinée à la confection de glaces. Toutefois, plusieurs considérations, parmi lesquelles notamment la cohérence des normes, mettent en évidence que telle n'a pu être en réalité l'intention du législateur.

Ainsi, c'est à bon droit que les demanderesses ont invoqué l'arrêt rendu dans les affaires 99 et 100/76 ( 4 ) aux termes duquel il suffit, pour obtenir la libération de la caution de transformation, d'établir la preuve « que les produits de transformation sont conformes aux conditions définies par [l'article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement et qu'ils ont été fabriqués dans le délai fixé par cette disposition » (Rec. 1977, p. 872, point 8). Or — pour ce qui a trait aux procédures au principal —, l'article 6, paragraphe 1, sous c), ne mentionne pas seulement les glaces alimentaires, mais également les préparations en poudre destinées à la confection de glaces alimentaires. Il doit donc suffire de prouver la fabrication du dernier produit cité.

S'il n'est peut-être pas absolument obligatoire d'établir un lien entre le contrôle opéré par la puissance publique en ce qui concerne la transformation du beurre et l'obligation de preuve mise à la charge de l'acheteur, il est en tout état de cause significatif que, s'agissant de poudre destinée à la confection de glaces, le premier prenne fin conformément à l'article 15 du règlement no 1259/72 avec la fabrication de ce produit. On est tenté de conclure, dans ces conditions, qu'il n'est pas possible d'en réclamer plus à un fabricant en matière de preuves aux fins d'obtenir la libération de la caution que ce que l'administration est elle-même raisonnablement tenue de faire dans ce domaine.

En substance, il convient de ne pas oublier que le délai de transformation — ainsi qu'il résulte clairement de l'article 6, paragraphe 1, sous c) — ne s'applique en ce qui concerne la poudre destinée aux glaces qu'à la fabrication de ce produit. Il peut, ensuite, être stocké par le fabricant, être par la suite revendu — le cas échéant plusieurs fois — et être transformé à un moment quelconque (puisque aucun délai n'est prévu à cet effet) en glaces alimentaires par l'un des acquéreurs. Par ailleurs, l'article 18, paragraphe 3, prescrit que la caution de transformation est libérée immédiatement, c'est-à-dire dès que la personne qui a constitué la caution a apporté la preuve qui lui incombe. Si la preuve portait sur la fabrication de glaces alimentaires à partir de la préparation en poudre produite en premier lieu, la libération de la caution pourrait, dans certaines circonstances, n'intervenir que des années après. Or, cela ne serait certainement pas conforme au principe mentionné de la libération immédiate de la caution, qu'on peut éventuellement rapprocher du délai visé à l'article 6.

En conséquence, il y a lieu d'admettre — ainsi que le laisse présumer la possibilité déjà mentionnée, prévue à l'article 18, paragraphe 2, pour de petites quantités, de faciliter l'administration de la preuve — que, dans le cas de la fabrication de poudre destinée à la confection de glaces, il suffit pour obtenir la libération de la caution de rapporter la preuve de la fabrication de ce produit intermédiaire, mais que, par contre, on ne saurait exiger la preuve de l'utilisation finale, qui peut, dans certains cas, se heurter à des difficultés considérables. S'il s'avère ensuite — l'acheteur devant assurément collaborer selon ses moyens à la manifestation de la vérité — qu'en dépit du fait que (comme il y est tenu — ainsi que nous l'avons montré — par l'article 6) l'acheteur a répercuté l'obligation de ne fabriquer que l'un des produits visés à l'article 6, paragraphe 1, sous c), ce résultat n'a pas été atteint, les autorités nationales compétentes peuvent toujours faire valoir un droit au versement de la totalité du prix — précisément parce que la disparition du moyen de garantie que constitue la « caution de transformation » ne conduit pas nécessairement à l'extinction du droit garanti — au motif que la transformation n'a pas eu l'issue promise, c'est-à-dire que l'une des conditions fixées en cas de vente de beurre n'a pas été remplie. Dans ce contexte, il revient sans doute au droit national de déterminer si une mesure d'exécution particulière est nécessaire à cet effet ou si — lorsque la caution n'est pas libérée — il est possible d'opérer par voie de compensation avec le droit à la libération de la caution.

b)

Ces considérations devraient également nous avoir livré tous les éléments nécessaires pour répondre à la seconde partie des questions qui nous intéressent à présent.

Il est déterminant que la transformation autorisée à l'article 6 bis ne soit soumise à aucun délai et qu'elle puisse donc être entreprise après l'expiration du délai fixé à l'article 6 pour la fabrication des produits énumérés au paragraphe 1, sous c). En principe donc, la caution doit être libérée lorsqu'il est prouvé que la poudre pour glace a été fabriquée dans les délais, et on ne peut exiger de l'acheteur qu'il rapporte la preuve que les dispositions de l'article 6 bis ont été respectées au cours de la transformation postérieure du produit par un acheteur ultérieur. En tout état de cause, on peut admettre que si, au cours de l'examen de la demande de libération de la caution, le service national compétent devait relever des éléments de nature à établir une violation de l'article 6 bis, il procède à des investigations (auxquelles l'acheteur du beurre à prix réduit doit collaborer selon ses moyens) et qu'après constatation d'une infraction à l'article 6 bis (prouvant en même temps que l'obligation résultant de l'article 6 n'a pas été correctement remplie), il renonce à libérer la caution.

Dans cette analyse, il est inutile d'examiner la portée de l'absence de référence à l'article 6 bis dans l'article 18, paragraphe 2, et de rechercher si on peut effectivement la déclarer sans conséquence en se fondant sur des versions ultérieures (règlements nos 232/75 et 262/79) ou au motif qu'il est évident (comme le montrent les considérants du règlement no 1910/73) qu'en tant que disposition dérogatoire à l'article 6, l'article 6 bis relève du même domaine d'application. De même, il n'est alors plus nécessaire d'aborder la question de savoir s'il serait compatible avec le principe de proportionnalité de lier la déchéance de la caution au défaut de preuve du respect de l'article 6 bis.

3.

Une autre question, à savoir la question d), se rapporte également à l'article 6 bis du règlement no 1259/72. Elle tend à savoir si, dans le cadre de la transformation autorisée des produits visés à l'article 6, paragraphe 1, sous c), il est possible de fabriquer tous les produits des sous-positions 18.06 D et 21.07 F ou si seules sont admises les préparations en poudre relevant des sous-positions ex 18.06 et ex 21.07 F au sens de l'article 6, paragraphe 1, sous c).

Nous pourrons être bref sur ce point. A supposer que les faits exposés par les ordonnances de renvoi soient établis (à savoir que les préparations en poudre fabriquées par l'entreprise appelée en cause ont été transformées de manière à en séparer le sucre pour ensuite le vendre séparément), il s'ensuit que — nous l'avons déjà dit — il y a eu infraction à l'article 6 bis (précisément parce que la transformation a donné naissance à un produit relevant d'une autre position tarifaire) et il devient alors superflu de rechercher si les mélanges en poudre restants étaient encore conformes aux prescriptions de l'article 6 bis.

On peut ajouter simplement, à titre de précision, qu'il n'est possible de répondre à cette question que dans le sens préconisé par le Bundesanstalt, à savoir qu'il n'est pas permis de fabriquer n'importe quel produit des sous-positions 18.06 D et 21.07 F. Le fait que l'article 6 fixe des conditions très précises pour les préparations en poudre destinées à la confection de glaces (en ce qui concerne la teneur en matières grasses provenant du lait et l'aptitude à la consommation) surfit à s'en convaincre; elles seraient de toute évidence sans objet dans une interprétation large de l'article 6 bis. Rappelons à cet égard aussi que l'article 6 bis a été introduit pour éviter que la réglementation concernant les débouchés ne soit tournée. Or, il est clair que de tels détournements seraient précisément facilités s'il était possible de fabriquer tous les produits relevant des sous-positions 18.06 D et 21.07 F et si, donc, on pouvait transformer les produits visés à l'article 6, paragraphe 1, sous c), en n'importe quelle préparation alimentaire de teneur en matières grasses du lait très différente.

4.

Enfin, il nous reste encore à aborder la série de questions portant sur l'addition du stabilisant appelé caséinate de sodium dans les préparations en poudre destinées à la confection de glaces. Dans ce contexte, le problème qui se pose est, d'une part, celui de la compatibilité de ces mélanges en poudre avec l'article 6, paragraphe 1, sous c) (troisième solution), du règlement no 1259/72 lorsque l'utilisation des préparations en poudre confectionnées de la sorte pour la fabrication de glaces alimentaires n'est autorisée que dans certains États membres, mais cependant pas en République fédérale d'Allemagne. Il convient, d'autre part, d'examiner si, à supposer que ces préparations ne soient pas toxiques, il importe au regard de la libération de la caution que l'adjudicataire ne puisse pas prouver que ces préparations en poudre ont été expédiées dans un État membre qui autorise son utilisation dans la fabrication de glaces alimentaires.

a)

Quant à la première partie de cette série de questions, toutes les parties au litige se sont accordées à dire que l'application de l'article 6, paragraphe 1, sous c) (troisième solution), ne dépend pas des possibilités d'écoulement de la préparation en poudre dans tous les États membres; il suffit, au contraire, que son utilisation soit admise dans un État membre. Le Bundesanstalt a expliqué à ce propos que la réglementation peut certainement aussi remplir son objectif lorsque les produits de transformation visés ne peuvent pas être commercialisés dans tous les États membres. Les demanderesses et la partie appelée en cause ont ajouté à cela qu'étant donné que la Commission s'appuie dans sa réglementation sur le tarif douanier commun, il suffit que ses prescriptions soient remplies. Or, il est déterminant à cet égard que, selon les notes explicatives relatives à la nomenclature du conseil de coopération douanière, dont la portée s'étend également au tarif douanier commun, l'utilisation de caséinate de sodium est effectivement admise dans la confection de glaces alimentaires.

Nous ne pouvons que souscrire à cette opinion. Pour en souligner le bien-fondé, on peut, tout au plus, encore renvoyer à l'arrêt rendu dans l'affaire 64/81 ( 5 ) Dans ce dernier, la Cour a, en effet, mis en lumière que la préparation en poudre, fabriquée à partir de beurre, doit répondre aux conditions autorisant le classement du produit dans l'une des deux sous-positions du tarif douanier commun indiquées et la Cour a, en outre, fait ressortir que le sens et la portée du règlement no 1259/72 ne sauraient être définis au moyen d'un renvoi au droit des États membres (Rec. 1982, p. 23 et 24, points 5 et 8).

b)

Pour ce qui a trait à la seconde partie de la dernière série de questions, les opinions émises à cet égard sont, par contre, partagées.

Selon la Commission, il est nécessaire de rapporter la preuve que la préparation en poudre a été vendue dans un État membre dans lequel elle peut être utilisée pour la fabrication de glaces alimentaires. Le Bundesanstalt estime pareillement que ces préparations en poudre sont autorisées à la condition de n'être commercialisées que dans un État membre dans lequel le mélange est admis et il y a, par conséquent, lieu d'exiger la preuve que le produit a été commercialisé et utilisé dans un tel État membre.

En revanche, d'après les demanderesses, on ne peut exiger aucune preuve ni contrôle qui serait incompatible avec le principe de la libération immédiate de la caution et/ou devant être considéré comme impraticable tant pour l'administration que pour les entreprises concernées. L'entreprise appelée en cause est également d'avis qu'il n'y a pas lieu de rapporter la preuve que la préparation en poudre a été vendue dans un État membre dans lequel on puisse le transformer en glace, et ce, d'une part, parce que la législation communautaire n'en limite aucunement la commercialisation et, d'autre part, eu égard au fait que la commercialisation ne permet pas d'établir si la préparation en poudre reste dans l'État membre concerné ou si elle est réexpédiée vers un autre pays.

Nous avons le sentiment qu'une juste appréciation de ce problème découle de ce que nous avons déjà exposé sur l'administration de la preuve et les conditions de la libération de la caution. Si — lors de la fabrication de préparations en poudre destinées à la confection de glaces — il importe seulement que les dispositions de l'article 6, paragraphe 1, sous c) (troisième solution), du règlement no 1259/72 aient été respectées sans que le sort ultérieur du produit n'ait d'importance (parce que la revente intervient dans certains cas longtemps après l'expiration du délai de l'article 6), on ne peut assurément pas subordonner la libération de la caution à la preuve que l'exportation d'une préparation en poudre avec l'incorporation citée a été effectuée dans un État membre dans lequel on peut transformer. celle-ci en glaces sans violer le droit national applicable en matière de denrées alimentaires. Étant donné que, comme on l'a montré, l'acheteur a l'obligation de fond de veiller à ce qu'une préparation en poudre pour glaces soit définitivement transformée en glaces (ou l'un des autres produits visés à l'article 6 bis), ces éléments ne permettent naturellement pas de répondre à l'autre question de savoir si, pour établir que le but recherché a été atteint (élément dont dépend le fait de savoir si on en reste au paiement du beurre à prix réduit) l'acheteur est tenu de coopérer selon ses moyens à la réunion des informations nécessaires et, dans ce cadre, de fournir des indications sur ce qu'il est advenu ultérieurement de la préparation en poudre. Il n'est cependant pas nécessaire de rechercher ici les conséquences qui résultent de la violation d'une obligation de cette nature.

C —

Sur la base des considérations qui précèdent, nous proposons de répondre aux questions posées par le Verwaltungsgerichtshof de Hesse en ce sens :

a)

Lorsqu'un acheteur de beurre à prix réduit en application de l'article 6, paragraphe 1, sous c) (troisième solution), du règlement no 1259/72 (modifié par le règlement no 2161/72) s'oblige à faire, produire des préparations en poudre relevant des sous-positions ex 18.06 D ou ex 21.07 F du tarif douanier commun pour la confection de glaces alimentaires, il doit veiller de manière active à ce que ce but soit effectivement atteint — sans préjudice de la possibilité de transformation prévue par l'article 6 bis; les conditions posées à l'article 6, paragraphe 1, sous c) (troisième solution), ne peuvent pas être considérées comme respectées lorsque ces préparations en poudre ont été à des stades ultérieurs décomposées en différents éléments et que ces derniers ont ensuite été transformés en mélanges de poudre de lait et en chocolat.

b)

L'obligation de preuve mise à la charge de l'adjudicataire par l'article 18, paragraphe 2, première phrase, du règlement no 1259/72 (modifié par le règlement no 1237/73) ne s'étend pas aux phases de transformation qui font suite à la fabrication de la préparation en poudre visée à l'article 6, paragraphe 1, sous c) (troisième solution), du règlement no 1259/72 (modifié par le règlement no 2161/72).

c)

L'article 6 bis du règlement no 1259/72 ne s'applique pas seulement aux produits de la position 19.08 du tarif douanier commun, mais également aux glaces alimentaires des sous-positions ex 18.06 D ou ex 21.07 F du tarif douanier commun.

d)

La transformation autorisée par l'article 6 bis ne peut donner lieu qu'à la fabrication des produits visés à l'article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement no 1259/72, mais non, en revanche, à la confection de tous les produits des sous-positions 18.06 D et 21.07 F du tarif douanier commun.

e)

Une violation de l'article 6 bis n'a aucune incidence sur la libération de la caution en application de l'article 18, paragraphe 2, lorsque la transformation illégale d'une préparation en poudre régulièrement fabriquée au sens de l'article 6, paragraphe 1, sous c), n'intervient qu'après la décision sur la libération de la caution en application de l'article 18, paragraphe 3.

f)

L'addition du stabilisant appelé caséinate de sodium n'est pas contraire à l'objectif de l'article 6, paragraphe 1, sous c) (troisième solution), du règlement no 1259/72 lorsque l'utilisation de la préparation en poudre ainsi confectionnée est admise dans la fabrication de glaces alimentaires aptes à la consommation en vertu du droit de la consommation en vigueur dans un État membre, même lorsque tel n'est pas le cas en République fédérale d'Allemagne.

g)

La libération de la caution conformément à l'article 18, paragraphe 2, du règlement no 1259/72 (dans la version du règlement no 1273/73) n'et pas subordonnée au fait que l'adjudicataire puisse prouver — en cas d'addition de caséinate de sodium dans la production d'une préparation en poudre destinée aux glaces en République fédérale d'Allemagne — que la préparation en poudre a été expédiée dans un État membre qui autorise l'usage de ce stabilisant.


( *1 ) Traduit de l'allemand.

( 1 ) Arrêt rendu le 11 mai 1977, dans les affaires jointes 99 et 100/76, NV Roomboterfabriek « De Beste Boter »et Josef Hoche, Butterschmelzwerk/Bundesanstalt für landwirtschaftliche Marktordnung, Rec. 1977, p. 861.

( 2 ) Arret rendu le 28 juin 1979, dans l'affaire 217/78, SA Nicolas Corman & Fils/Hauptzollamt Aachen-Süd, Rec. 1979, p. 2287.

( 3 ) Arrêt rendu le 14 janvier 1982, dans l'affaire 64/81, Nicolas Corman & Fils/Hauptzollamt Gronau, Rec. 1982, p. 25.

( 4 ) Arrêt rendu It 11 mai 1977, dans les affaires jointes 99 et 100/76. NV Roomboterfabriek « De Beste Boter» et Josef Hoche, Butterschmclzwerk/Bundesanstalt für landwirtschaftliche Marktordnung, Rec. 1977, p. 861.

( 5 ) Arrêt rendu It 14 janvier 1982, dans l'affaire 64/81, Nicolas Corman & Fils/Hauptzollamt Gronau, Rec. 1982, p. 25.

Top