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Asiakirja 62024CC0513
Opinion of Advocate General Rantos delivered on 25 September 2025.###
Conclusions de l'avocat général M. A. Rantos, présentées le 25 septembre 2025.
Conclusions de l'avocat général M. A. Rantos, présentées le 25 septembre 2025.
ECLI-tunnus: ECLI:EU:C:2025:736
Édition provisoire
CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. ATHANASIOS RANTOS
présentées le 25 septembre 2025 (1)
Affaire C‑513/24
Oblastní nemocnice Kolín, a. s., nemocnice Středočeského kraje
contre
Odvolací finanční ředitelství
[demande de décision préjudicielle formée par le Nejvyšší správní soud (Cour administrative suprême, République tchèque)]
« Renvoi préjudiciel – Harmonisation des législations fiscales – Directive 2006/112/CE – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Droit à déduction de la TVA – Article 173, paragraphe 1 – Prorata de déduction – Notion de “frais généraux” – Équipement technique et matériel minimal des établissements de santé conditionnant l’obtention de l’autorisation de fournir des services de santé n’ouvrant pas droit à déduction, mais nécessaires pour la fourniture des services ouvrant droit à déduction »
Introduction
1. La présente demande de décision préjudicielle introduite par le Nejvyšší správní soud (Cour administrative suprême, République tchèque) porte, en substance, sur l’interprétation de l’article 173, paragraphe 1, de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la « directive TVA ») (2).
2. Cette demande s’inscrit dans le cadre d’un litige opposant Oblastní nemocnice Kolín, a. s., nemocnice Středočeského kraje (Oblastní nemocnice Kolín, a. s., établissement hospitalier de la région de Bohême centrale, République tchèque) (ci-après le « requérant au principal ») à l’Odvolací finanční ředitelství (direction des finances d’appel, République tchèque) (ci-après la « direction des finances ») au sujet du droit à déduction de la TVA s’agissant de services liés à la santé.
3. Plus particulièrement, la juridiction de renvoi s’interroge sur le point de savoir si, dans le cadre d’opérations ouvrant droit à déduction de la TVA acquittée en amont, un assujetti peut déduire une partie de la TVA grevant l’acquisition de biens et de services qui, en vertu de la réglementation nationale applicable, constituent l’équipement minimal requis pour obtenir l’autorisation de fourniture de services n’ouvrant pas droit à déduction (à savoir, des services de santé), fourniture qui est également nécessaire pour l’exercice des services ouvrant droit à déduction.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
4. L’article 132, paragraphe 1, sous b), de la directive TVA énonce :
« Les États membres exonèrent les opérations suivantes :
[...]
b) l’hospitalisation et les soins médicaux ainsi que les opérations qui leur sont étroitement liées, assurés par des organismes de droit public ou, dans des conditions sociales comparables à celles qui valent pour ces derniers, par des établissements hospitaliers, des centres de soins médicaux et de diagnostic et d’autres établissements de même nature dûment reconnus. »
5. L’article 168, sous a), de cette directive prévoit :
« Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti a le droit, dans l’État membre dans lequel il effectue ces opérations, de déduire du montant de la taxe dont il est redevable les montants suivants :
a) la TVA due ou acquittée dans cet État membre pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront fournis par un autre assujetti. »
6. L’article 173, paragraphe 1, de ladite directive dispose :
« En ce qui concerne les biens et les services utilisés par un assujetti pour effectuer à la fois des opérations ouvrant droit à déduction visées aux articles 168, 169 et 170 et des opérations n’ouvrant pas droit à déduction, la déduction n’est admise que pour la partie de la TVA qui est proportionnelle au montant afférent aux premières opérations.
Le prorata de déduction est déterminé, conformément aux articles 174 et 175, pour l’ensemble des opérations effectuées par l’assujetti. »
Le droit tchèque
7. L’article 1er, paragraphe 1, de la vyhláška č. 92/2012 Sb., o požadavcích na minimální technické a věcné vybavení zdravotnických zařízení a kontaktních pracovišť domácí péče (arrêté no 92/2012 sur les exigences relatives à l’équipement technique et matériel minimal des établissements de santé et des points de contact pour les soins à domicile), du 15 mars 2012 (ci-après l’« arrêté no 92/2012 ») (3), en vigueur à l’époque des faits au principal, prévoit, en substance, que les exigences générales relatives à l’équipement technique et matériel minimal (ci-après l’« équipement technique et matériel ») des établissements de santé figurent en annexe de cet arrêté.
8. L’article 2, paragraphe 1, dudit arrêté est libellé comme suit :
« Un établissement de santé dans lequel un prestataire de services de santé (ci-après dénommé “le prestataire”) est autorisé à fournir des services de santé à la date d’entrée en vigueur du présent arrêté doit être équipé techniquement et matériellement conformément au présent arrêté. [...] »
9. Les annexes du même arrêté comportent plusieurs centaines d’éléments d’équipement technique et matériel dont différents types d’établissements de santé doivent disposer. Parmi ces éléments figurent, notamment, des exigences relatives aux locaux (salle de consultation, salle d’attente, toilettes pour les patients, zones de stockage), à l’équipement de ces locaux (fauteuils, lavabos, armoires, chaises, tables), aux instruments (stéthoscope, loupe), aux équipements simples (tonomètre, balance, glucomètre) ainsi qu’aux équipements plus complexes (électrocardiogramme, échographe, laryngostroboscope, moniteurs de fonctions vitales).
Le litige au principal, la question préjudicielle et la procédure devant la Cour
10. Le requérant au principal est un établissement hospitalier situé en République tchèque, dont l’activité économique principale consiste à fournir des services de santé n’ouvrant pas droit à déduction de la TVA (ci-après les « services de santé »), tout en fournissant également d’autres services ouvrant droit à déduction (ci-après les « services additionnels ») (4). Selon la réglementation nationale applicable (à savoir l’arrêté no 92/2012), pour pouvoir fournir des services de santé, ce requérant est soumis à l’obtention d’une autorisation pour chaque domaine particulier des soins de santé et, en vue d’obtenir cette autorisation, doit garantir la présence d’un équipement minimal.
11. Le 18 janvier 2019, ledit requérant a déposé une déclaration fiscale complémentaire pour le mois de décembre 2016, dans le cadre de laquelle il a exercé son droit à déduction partielle (au prorata) de la TVA pour un montant s’élevant à 4 176 327 couronnes tchèques (CZK) (environ 164 500 euros). Le 5 février 2021, l’administration fiscale lui a délivré un avis de redressement fiscal, par lequel elle a reconnu une partie de la déduction revendiquée, tout en excluant de celle-ci le montant de 3 287 723 CZK (environ 129 500 euros), qui correspond à des prestations pour la fourniture de services de santé.
12. À la suite de sa réclamation contre cet avis de redressement fiscal, partiellement accueillie par décision de la direction des finances, et d’un recours juridictionnel introduit contre cette décision qui a été rejeté par le Krajský soud v Praze (cour régionale de Prague, République tchèque) (5), le même requérant s’est pourvu en cassation devant le Nejvyšší správní soud (Cour administrative suprême), lequel a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
« L’article 173, paragraphe 1, de la [directive TVA] doit-il être interprété en ce sens que, si la réalisation d’une opération ouvrant droit à déduction est subordonnée à la détention d’une autorisation d’effectuer des opérations n’ouvrant pas droit à déduction (en l’occurrence, des services de santé), les biens et les services afférents à ces derniers qui, en vertu de la réglementation nationale, constituent un équipement technique et matériel minimal des établissements de santé et conditionnent la prestation de services de santé correspondent à des frais généraux (indirects) entretenant un lien direct et immédiat avec l’ensemble de l’activité économique de l’assujetti et ouvrant donc droit à déduction au prorata de la taxe ? »
13. Des observations écrites ont été présentées à la Cour par le requérant au principal, le gouvernement tchèque et la Commission européenne. Ces parties, ainsi que la direction des finances, ont également formulé des observations orales lors de l’audience de plaidoiries qui s’est tenue le 12 juin 2025.
Analyse
14. Par sa question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande, en substance, à la Cour si, dans le cadre d’opérations ouvrant droit à déduction de la TVA acquittée en amont, un assujetti peut déduire une partie de la TVA grevant l’acquisition de biens et de services qui, en vertu de la réglementation nationale applicable, constituent l’équipement minimal exigé pour obtenir l’autorisation de fournir des services n’ouvrant pas droit à déduction (à savoir, des services de santé), la fourniture de ces services étant également nécessaire pour l’exercice des services ouvrant droit à déduction (à savoir, des services additionnels).
15. S’agissant des biens et des services fournis pour réaliser à la fois des opérations ouvrant droit à déduction et des opérations n’ouvrant pas droit à déduction de la TVA, l’article 173, paragraphe 1, de la directive TVA prévoit, pour l’essentiel, que la déduction n’est admise que pour la partie de la TVA qui est proportionnelle au montant afférent aux premières opérations et que le prorata de déduction est déterminé pour l’ensemble des opérations économiques effectuées par l’assujetti, en suivant la méthodologie visée aux articles 174 et 175 de cette directive.
16. Selon une jurisprudence constante de la Cour, pour qu’un droit à déduction (6) soit reconnu à un assujetti (7), il est, en principe, nécessaire qu’il existe un lien direct et immédiat entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction. Le droit à déduction de la TVA grevant l’acquisition de biens ou de services en amont présuppose que les dépenses effectuées pour acquérir ceux-ci fassent partie des éléments constitutifs du prix des opérations taxées en aval ouvrant droit à déduction (8).
17. Cependant, un droit à déduction est également admis, même en l’absence de lien direct et immédiat entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction, lorsque les coûts des biens et des services en cause font partie des frais généraux de cet assujetti et sont, en tant que tels, des éléments constitutifs du prix des biens ou des services qu’il fournit. De tels coûts entretiennent, en effet, un lien direct et immédiat avec l’ensemble de l’activité économique de l’assujetti (9). En revanche, lorsque des biens ou des services acquis par un assujetti ont un lien avec des opérations exonérées ou ne relèvent pas du champ d’application de la TVA, il ne saurait y avoir ni perception de taxe en aval ni déduction de celle-ci en amont (10).
18. Partant, l’existence du droit à déduction est déterminée en fonction des opérations en aval auxquelles les opérations en amont sont affectées (11) et, lorsque l’activité économique de l’assujetti consiste à la fois en des opérations taxées et des opérations exonérées de la TVA, il y a lieu d’appliquer aux frais généraux de celui-ci le régime de déduction prévu à l’article 173, paragraphe 1, de la directive TVA (12).
19. La Cour a, en outre, précisé que l’existence de liens entre des opérations doit être appréciée au regard du contenu objectif de celles-ci. Plus particulièrement, il importe de prendre en considération toutes les circonstances dans lesquelles se sont déroulées les opérations concernées et de tenir compte des seules opérations qui sont objectivement liées à l’activité imposable de l’assujetti. En ce sens, il convient de tenir compte de l’utilisation effective des biens et des services acquis par l’assujetti et de la cause exclusive de l’opération en question, cette dernière devant être considérée comme constituant un critère de détermination du contenu objectif (13).
20. À cet égard, l’existence d’une obligation réglementaire d’achat de biens ou de services n’a pas, en elle-même, été considérée par la Cour comme un élément décisif ou pertinent dans le cadre de l’appréciation du lien direct et immédiat entre cet achat et les opérations en aval ouvrant droit à déduction de la TVA ou l’ensemble de l’activité économique de l’assujetti. Par exemple, dans son arrêt Portugal Telecom (14), la Cour a considéré que le droit à déduction de l’intégralité de la TVA acquittée en amont ne pouvait être limité au seul motif que la réglementation nationale qualifie les opérations taxées d’accessoires à leur activité principale (15), tandis que, dans son arrêt Becker (16), elle a estimé que la circonstance que le droit civil national oblige une entreprise à supporter les frais liés à la défense, au pénal, des intérêts de ses organes est dépourvue de pertinence lors de la qualification d’opérations liées à cette défense (17). Certes, dans son arrêt PPG Holdings (18), la Cour, examinant la possibilité de déduire le coût dérivant de l’achat de prestations fournies pour assurer le fonctionnement d’un fonds de pension, a mentionné l’existence d’une obligation légale, pour l’entreprise holding assujettie, de constituer ce fonds de pension pour les employés de ses entreprises. Toutefois, il me semble que cette obligation légale n’a pas joué un rôle décisif dans l’appréciation de la Cour, qui a précisé que de tels coûts étaient déductibles dans la mesure où ils faisaient partie des frais généraux de l’entreprise en question (19).
21. En l’occurrence, conformément à la réglementation nationale en cause au principal, d’une part, pour disposer d’une autorisation en vue de la fourniture de services de santé, les établissements doivent répondre à des exigences techniques et matérielles minimales, ce qui impose l’acquisition, la réparation, la révision et l’entretien des équipements nécessaires à ces fins (20), et, d’autre part, pour pouvoir assurer des services additionnels, ces établissements doivent remplir les conditions requises pour la prestation des services de santé.
22. Dès lors, il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, conformément à la jurisprudence de la Cour rappelée aux points 16 et 17 des présentes conclusions, si, en l’absence d’un lien direct et immédiat entre les services acquis en amont et les opérations en aval ouvrant droit à déduction, les premiers font partie des frais généraux du requérant au principal, de telle sorte qu’ils doivent être considérés comme des éléments constitutifs du prix des biens ou des services qu’il fournit. Cela étant précisé, afin que cette juridiction puisse statuer de manière définitive sur cette question en procédant à une appréciation des faits au principal, il appartient à la Cour de lui fournir des indications utiles à cet égard.
23. À titre liminaire, j’observe que le lien mis en exergue par ladite juridiction dans sa décision de renvoi concerne non pas un lien commercial entre les opérations en amont et celles en aval, mais un lien juridique, à savoir l’obligation, que la réglementation nationale en cause impose au requérant au principal, d’acquérir un certain nombre de biens et de services pour pouvoir prester les services de santé et, indirectement, les services additionnels.
24. À cet égard, j’estime que la seule existence d’une obligation juridique d’achat ne constitue pas un élément suffisant pour que celle-ci puisse établir un lien direct et immédiat avec l’ensemble de l’activité économique de l’assujetti, eu égard à la jurisprudence de la Cour, selon laquelle ce lien doit être apprécié au regard du contenu objectif des opérations en question (21).
25. Toutefois, la réglementation nationale en cause au principal constitue un élément, parmi d’autres, à prendre en compte dans l’appréciation de ce lien direct et immédiat, de sorte que les frais pour l’achat des biens et des services concernés, imposés par cette réglementation pour obtenir l’autorisation de fournir des services de santé, pourraient être considérés comme étant affectés aux mêmes services. Dans les circonstances de l’espèce, ce n’est pas tant l’existence d’une obligation réglementaire qui importe, mais plutôt le fait que, en vertu de ladite réglementation, les biens et les services concernés sont acquis pour être affectés à la prestation des services de santé (22).
26. Cette constatation trouve également à s’appliquer lorsque – ainsi que le fait valoir le requérant au principal et sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi – certains services non exonérés qu’il fournit, tout en étant soumis à la TVA, sont qualifiés de services de santé et relèvent ainsi de l’obligation réglementaire en question. Dans ce cas, les frais pour l’achat des biens et des services en cause pourront être répartis entre, d’une part, les services de santé exonérés et, d’autre part, les services de santé soumis à la TVA et déduits au prorata (23).
27. En revanche, il en va autrement en ce qui concerne les services additionnels. Même à supposer que la prestation des services de santé soit nécessaire pour pouvoir fournir ces services additionnels, je relève que, dans la mesure où l’obligation imposée par la réglementation nationale en cause au principal semble être conçue uniquement en vue de la fourniture des services de santé et non des services additionnels, il ne saurait être présumé que les biens et les services dont l’achat est imposé sont affectés à la prestation des services additionnels. En effet, le lien entre, d’une part, les biens et les services en amont et, d’autre part, la prestation des services additionnels en aval n’est pas suffisamment direct et immédiat, ce qui implique que les dépenses engagées pour l’acquisition de ces biens et de ces services ne peuvent pas être assimilées à des frais généraux au seul motif que leur acquisition est imposée par cette réglementation nationale (24).
28. En tout état de cause, le fait que l’obligation réglementaire ne permette pas, de manière automatique, d’établir un lien direct et immédiat entre les opérations imposées en amont par la réglementation nationale en cause au principal et les opérations en aval ouvrant droit à déduction de la TVA n’empêche pas que l’existence d’un tel lien puisse être démontrée, au cas par cas, selon les principes énoncés par la jurisprudence de la Cour mentionnée aux points 16 à 20 des présentes conclusions. En effet, dans la mesure où une partie des biens et des services litigieux est également nécessaire à la fourniture des services additionnels, leur acquisition présente un lien direct et immédiat avec ces activités, ce qui implique que le droit à déduction peut être attribué à celles-ci au prorata. À cet égard, je considère que l’élément déterminant pour que les opérations en aval ouvrent droit à une déduction au prorata des opérations en amont est, contrairement à ce que semble suggérer la juridiction de renvoi, non pas l’utilisation effective ou régulière des biens et services acquis en amont, mais plutôt la possibilité de cette utilisation (25).
29. Le bien-fondé de l’analyse qui précède me paraît d’autant plus clair si l’on prend en compte l’exemple, évoqué par cette juridiction, de l’achat d’un défibrillateur en tant qu’équipement obligatoire destiné à une unité de soins intensifs (et donc pour la prestation de services de santé).
30. D’une part, il est très peu probable qu’un défibrillateur puisse être considéré comme un élément lié à l’ensemble de l’activité économique du requérant au principal. En effet, le lien entre l’achat de cet équipement et certaines prestations en aval, telles que la réalisation d’études cliniques ou la fourniture de stages à des médecins en formation (services additionnels), n’est pas évident. Ce lien ne saurait donc être présumé pour les services qui ne nécessitent en aucun cas l’utilisation d’un défibrillateur et dont le seul rapport avec l’achat de cet instrument se limite au fait qu’ils ne peuvent être fournis qu’en combinaison avec une activité susceptible de nécessiter l’utilisation d’un tel instrument.
31. D’autre part, il ne saurait être exclu qu’un défibrillateur puisse être utilisé dans le cadre d’interventions médicales soumises à la TVA, comme dans le cas des services de santé gynécologiques sous anesthésie générale qui sont mentionnés par le requérant au principal dans ses observations écrites. Dans une telle situation, bien que le même équipement soit destiné à être utilisé de manière plus régulière par l’unité de soins intensifs que par les services gynécologiques, celui-ci pourrait néanmoins être nécessaire dans ce second cas, en tant qu’équipement qui peut être utilisé si besoin, de sorte qu’il existe un lien entre son acquisition et l’activité exercée (26). En effet, ainsi que cela ressort notamment de l’arrêt Iberdrola Inmobiliaria Real Estate Investments (27), un lien entre les opérations en amont et celles en aval ne doit pas être exclusif et peut concerner des activités en amont qui bénéficient également à d’autres opérations en aval ou à d’autres personnes (28).
32. En définitive, je suis d’avis que l’article 173, paragraphe 1, de la directive TVA doit être interprété en ce sens que les coûts engagés par un assujetti pour l’acquisition de biens ou de services qui, en vertu de la réglementation nationale applicable, constituent un équipement technique et matériel minimal pour l’exercice d’activités n’ouvrant pas droit à déduction de la TVA (en l’occurrence, des services de santé) ne correspondent pas, de ce seul fait, à des frais généraux entretenant un lien direct et immédiat avec l’ensemble de l’activité économique de cet assujetti et donnant donc droit à déduction au prorata de la TVA, y compris pour la réalisation d’une opération ouvrant droit à déduction qui est subordonnée à la détention d’une autorisation d’effectuer les activités n’ouvrant pas droit à déduction, à moins qu’il soit démontré que ces biens et ces services entretiennent un lien direct et immédiat avec l’ensemble de l’activité économique dudit assujetti.
Conclusion
33. Au vu des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre à la question préjudicielle posée par le Nejvyšší správní soud (Cour administrative suprême, République tchèque) de la manière suivante :
L’article 173, paragraphe 1, de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée,
doit être interprété en ce sens que :
les coûts engagés par un assujetti pour l’acquisition de biens ou de services qui, en vertu de la réglementation nationale applicable, constituent un équipement technique et matériel minimal pour l’exercice d’activités n’ouvrant pas droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) (en l’occurrence, des services de santé) ne correspondent pas, de ce seul fait, à des frais généraux entretenant un lien direct et immédiat avec l’ensemble de l’activité économique de cet assujetti et donnant donc droit à déduction au prorata de la TVA, y compris pour la réalisation d’une opération ouvrant droit à déduction qui est subordonnée à la détention d’une autorisation d’effectuer les activités n’ouvrant pas droit à déduction, à moins qu’il soit démontré que ces biens et services entretiennent un lien direct et immédiat avec l’ensemble de l’activité économique dudit assujetti.
1 Langue originale : le français.
2 JO 2006, L 347, p. 1.
3 36/2012 Sb.
4 Parmi ces services figurent, notamment, des études cliniques sur les effets des médicaments, l’hébergement des personnes accompagnant les patients, des services supplémentaires pour les patients hospitalisés, des stages de médecine, un service de stérilisation d’outils pour des tiers, des examens radiographiques, échographiques et vétérinaires. Le requérant au principal a précisé dans ses observations écrites que ses activités devraient plutôt être scindées en trois catégories : tout d’abord, les services de santé ayant pour but la protection de la santé (exonérés de la TVA), ensuite, les services de santé ayant un but autre que la protection de la santé (soumis à la TVA) et, enfin, les autres services.
5 Cette juridiction a rejeté le recours au motif qu’il n’y avait pas lieu de considérer comme des frais généraux les coûts de l’ensemble des équipements matériels et techniques dont les établissements hospitaliers doivent disposer pour assurer leur fonctionnement ainsi que la fourniture de l’ensemble de leurs services (soins de santé et services imposables), mais seulement les coûts qui assurent le fonctionnement normal de l’établissement hospitalier en cause au principal et qui, à tout le moins dans une certaine mesure, ont été effectivement engagés pour la prestation des services non exonérés.
6 Ce droit fait partie intégrante du mécanisme de la TVA et ne peut, en principe, être limité. Il s’exerce directement pour la totalité des taxes ayant grevé les opérations effectuées en amont. Le régime des déductions vise à soulager entièrement l’entrepreneur du poids de la TVA due ou acquittée dans le cadre de toutes ses activités économiques. Le système commun de TVA garantit ainsi la neutralité quant à la charge fiscale de toutes les activités économiques, quels que soient les buts ou les résultats de celles-ci, à condition que lesdites activités soient, en principe, elles-mêmes soumises à la TVA (voir arrêt du 4 octobre 2024, Voestalpine Giesserei Linz, C‑475/23, ci-après l’« arrêt Voestalpine Giesserei Linz », EU:C:2024:866, points 16 et 17 ainsi que jurisprudence citée).
7 Il ressort de l’article 168 de la directive TVA que, pour pouvoir bénéficier du droit à déduction, deux conditions doivent être remplies : premièrement, l’intéressé doit être un « assujetti », au sens de cette directive ; deuxièmement, les biens ou les services invoqués pour fonder ce droit doivent être utilisés en aval par l’assujetti pour les besoins de ses propres opérations taxées et, en amont, ces biens doivent être livrés ou ces services doivent être rendus par un autre assujetti (voir arrêt Voestalpine Giesserei Linz, point 19 et jurisprudence citée).
8 Voir arrêt Voestalpine Giesserei Linz (point 20 et jurisprudence citée).
9 Voir arrêt Voestalpine Giesserei Linz (point 21 et jurisprudence citée).
10 Voir arrêt du 8 septembre 2022, Finanzamt R (Déduction de TVA liée à une contribution d’associé) (C‑98/21, EU:C:2022:645, point 48 et jurisprudence citée).
11 L’existence d’un lien direct et immédiat présuppose que le coût des prestations en amont est incorporé respectivement dans le prix d’opérations particulières en aval ou dans le prix des biens ou des services fournis par l’assujetti dans le cadre de ses activités économiques (voir arrêt du 25 novembre 2021, Amper Metal, C‑334/20, EU:C:2021:961, point 33 et jurisprudence citée).
12 Voir point 15 des présentes conclusions.
13 Voir arrêt du 8 septembre 2022, Finanzamt R (Déduction de TVA liée à une contribution d’associé) (C‑98/21, EU:C:2022:645, point 49 et jurisprudence citée).
14 Arrêt du 6 septembre 2012 (C‑496/11, EU:C:2012:557, point 45).
15 En l’espèce, il s’agissait de services acquis par Portugal Telecom, une société holding, auprès de consultants sous le régime de la TVA et facturés à ses filiales. Toutefois, les circonstances de cette dernière affaire se distinguent de celles faisant l’objet du présent litige, en ce que la réglementation nationale en question ne concernait pas l’imposition d’opérations d’achat mais simplement la qualification de celles-ci.
16 Arrêt du 21 février 2013 (C‑104/12, EU:C:2013:99, point 32).
17 En l’espèce, il s’agissait de l’acquisition par M. Becker, gérant et associé principal d’une entreprise à responsabilité limitée, de services d’avocat liés à l’ouverture d’une instruction pénale à son encontre ainsi qu’à l’égard d’un autre gérant pour corruption ou complicité dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres.
18 Arrêt du 18 juillet 2013 (C‑26/12, EU:C:2013:526, point 25).
19 Dans un souci d’exhaustivité, j’estime opportun de reproduire ce dernier point, selon lequel, « [e]n constituant le fonds, PPG a répondu à une obligation légale lui incombant en tant qu’employeur et, dans la mesure où les coûts des prestations acquises par PPG dans ce cadre font partie de ses frais généraux, ce qu’il revient à la juridiction de renvoi de vérifier, ils sont, en tant que tels, des éléments constitutifs du prix des produits de PPG ».
20 Ainsi que cela a été exposé dans la décision de renvoi, l’arrêté no 92/2012 prévoit à son article 1er, paragraphe 1, des exigences générales relatives à l’équipement des établissements de santé et au paragraphe 2, sous c), de celui-ci des exigences supplémentaires concernant l’équipement des établissements de soins hospitaliers. En outre, les annexes à cet arrêté décrivent les exigences relatives à l’équipement des différents types d’établissements de santé et leurs services.
21 Voir points 17 et 19 des présentes conclusions. Cette constatation est, selon moi, également en accord avec la jurisprudence de la Cour exposée au point 20 des présentes conclusions.
22 En d’autres termes, l’affectation de ces biens et services aux services de santé étant déterminée directement par ladite réglementation en fonction de leur (possible) utilisation, il pourrait être présumé que lesdits biens et services sont affectés à l’activité concernée.
23 En effet, dans la mesure où les biens et les services dont l’achat est imposé ne sont pas liés à toutes les activités prestées par le requérant au principal, il appartiendra à celui-ci de démontrer que ces biens ou ces services sont affectés aux services de santé qu’il fournit. À cet égard, les règles relatives à la charge de la preuve, relevant du droit national conformément au principe d’autonomie procédurale, jouent un rôle déterminant, sans préjudice des principes d’équivalence et d’effectivité. En effet, si cette charge repose initialement sur l’assujetti, qui est tenu d’apporter les éléments permettant d’établir un lien direct et immédiat entre les dépenses en amont qu’il entend déduire et leur affectation aux opérations soumises à la TVA en aval, l’existence d’une obligation réglementaire prévoyant elle-même cette affectation pourrait suffire à transférer la charge de la preuve à l’administration fiscale.
24 Autrement dit, ainsi que l’a souligné la Commission dans ses observations écrites, la seule circonstance qu’un établissement ne puisse exercer son activité principale (consistant en la réalisation d’opérations exonérées) qu’en raison de l’acquisition de certains biens et services – et qu’il puisse en outre exercer des activités relatives à la réalisation d’opérations taxées – ne suffit pas à démontrer l’existence d’un tel lien.
25 Par ailleurs, en ce qui concerne les méthodes ou les critères pour la répartition des frais en amont, à défaut de règles explicitement prévues dans la directive TVA, il incombe aux États membres, suivant les instructions et les méthodes énoncées à l’article 173, paragraphe 2, ainsi qu’aux articles 174 et 175 de cette directive, de veiller à ce que la déduction de la TVA acquittée en amont ne soit autorisée qu’au prorata du montant des opérations ouvrant droit à déduction (voir, notamment, en ce sens, Terra B., Kajus J., A Guide to the European VAT Directives, IBFD, 2024, en particulier p. 1124).
26 À l’évidence, dans une telle hypothèse, il incombe au requérant au principal de démontrer que ce défibrillateur peut être utilisé dans le cadre de ses activités liées à la santé.
27 Voir arrêt du 14 septembre 2017 (C‑132/16, EU:C:2017:683, point 40).
28 En l’espèce, une société du groupe Iberdrola avait, d’une part, réalisé, par l’intermédiaire d’une société tierce, des travaux de remise en état d’une station de pompage d’une commune bulgare et, d’autre part, projeté de construire des immeubles qui pourraient être raccordés à cette même station de pompage. Même si ces travaux avaient également bénéficié à la commune concernée, la Cour a néanmoins reconnu qu’ils étaient également, du moins en partie, nécessaires aux besoins des immeubles construits par cette société, de sorte qu’un droit à déduction des coûts desdits travaux pouvait, à tout le moins au prorata, lui être accordé à l’égard de ses opérations immobilières en question.