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Document 62021TO0778

Ordonnance du Tribunal (dixième chambre) du 9 février 2023.
Rommert Folkertsma contre Commission européenne.
Recours en indemnité – Contrat d’assistance technique pour soutenir la transition à Bangsamoro (Subatra) – Demande de la Commission tendant au remplacement du requérant comme expert – Résiliation du contrat entre l’adjudicataire et le requérant – Responsabilité non contractuelle – Violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit conférant des droits aux particuliers – Lien de causalité – Recours manifestement dépourvu de tout fondement en droit.
Affaire T-778/21.

ECLI identifier: ECLI:EU:T:2023:58

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (dixième chambre)

9 février 2023 (*)

« Recours en indemnité – Contrat d’assistance technique pour soutenir la transition à Bangsamoro (Subatra) – Demande de la Commission tendant au remplacement du requérant comme expert – Résiliation du contrat entre l’adjudicataire et le requérant – Responsabilité non contractuelle – Violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit conférant des droits aux particuliers – Lien de causalité – Recours manifestement dépourvu de tout fondement en droit »

Dans l’affaire T‑778/21,

Rommert Folkertsma, demeurant à Zierikzee (Pays-Bas), représenté par Mes L. Levi et P. Baudoux, avocates,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. C. Giolito et T. Van Noyen, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (dixième chambre),

composé de Mme O. Porchia (rapporteure), présidente, MM. M. Jaeger et S. Verschuur, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la phase écrite de la procédure,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son recours fondé sur l’article 268 TFUE, le requérant,  M. Rommert Folkertsma, demande réparation des préjudices financier et moral qu’il aurait subis à la suite de la demande de la Commission européenne de le remplacer en tant qu’expert dans le cadre d’un projet d’assistance technique de l’Union européenne en faveur de la République des Philippines.

 Antécédents du litige

2        Le 1er juillet 2020, l’Union, représentée par la Commission, et le gouvernement de la République des Philippines ont conclu une convention de financement intitulée « Assistance à la transition de Bangsamoro (Subatra, ci-après le « projet Subatra ») » visant à promouvoir la paix et le développement durables dans le sud des Philippines.

3        Aux fins de la mise en œuvre du projet Subatra, le 1er août 2020, l’Union, représentée par la Commission, a conclu, au nom et pour le compte du gouvernement de la République des Philippines, le contrat de service ACA/2020/417-948, avec la société de droit allemand A, dont l’intitulé était « Assistance technique à la transition de Bangsamoro » (ci-après le « contrat principal »).

4        Le contrat principal comprend, par ordre de priorité, les conditions particulières dudit contrat (ci-après les « conditions particulières ») et une série d’annexes, parmi lesquelles l’annexe I, contenant les conditions générales régissant ce même contrat (ci-après les « conditions générales ») et l’annexe II contenant les termes de référence avec leurs propres annexes (ci-après les « termes de référence »).

5        En vertu de l’article 19 des conditions particulières, la période d’exécution du contrat principal était de 54 mois.

6        En outre, l’article 40 des conditions particulières, confère compétence exclusive aux tribunaux de Bruxelles (Belgique) pour le règlement de tous différends qui naissent du contrat principal, ou qui sont en rapport avec celui-ci, et qui ne peuvent être réglés à l’amiable.

7        Le point 6.1.1 des termes de référence donne des précisions quant au profil des experts qui doivent être recrutés pour exécuter les tâches prévues par le contrat principal. L’emploi de trois experts y est prévu, à savoir un expert en gouvernance, nommé chef d’équipe, un expert en administration publique et un expert du Parlement. Ce point précise également que « tous les experts doivent être indépendants et libres de conflits d’intérêts dans les responsabilités qu’ils assument ».

8        En outre, l’article 16, paragraphe 6, des conditions générales précise que « [l]e recrutement d’un expert par le contractant ne peut créer de relations contractuelles entre l’expert et le pouvoir adjudicateur ».

9        Enfin, l’article 17 des conditions générales décrit le régime régissant le remplacement du personnel. Ainsi l’article 17, paragraphe 2, stipule que, « pendant l’exécution du marché, le pouvoir adjudicateur peut exiger le remplacement du personnel convenu » et que « [c]ela doit être effectué sur la base d’une demande écrite et justifiée en réponse à laquelle le contractant et le personnel convenu auront eu la possibilité de soumettre leurs observations ».

10      Aux fins de la mise en œuvre du contrat principal, le 1er août 2020, A a signé avec le requérant un contrat de service par lequel ce dernier a été recruté en tant que chef d’équipe expert en gouvernance (ci‑après le « contrat de service »). Le contrat de service comprend les conditions particulières, les conditions générales ainsi que les termes de référence du contrat principal qui en font partie intégrante d’après l’article 1er du contrat de service.

11      Avant de signer le contrat de service, le requérant a annulé son contrat, en cours à l’époque, conclu dans le cadre du programme des Nations unies pour le développement (PNUD) (ci-après le « contrat PNUD »).

12      L’article 2, paragraphe 1, du contrat de service prévoyait que la durée initiale de ce contrat s’étendait du 1er août 2020 au 31 janvier 2025.

13      En outre, l’article 9, paragraphe 2, du contrat de service prévoyait que « [l]es cas dans lesquels [A] peut résilier le présent contrat avec le Contractant avec effet immédiat et avec la réduction correspondante des missions et de la rémunération du Contractant, comprennent, mais sans s’y limiter, les suivants : […] le pouvoir adjudicateur ou un client demande à [A] de remplacer ou de retirer le Contractant pour quelque motif que ce soit ou exprime un mécontentement grave à l’égard des services fournis par le contractant ».

14      Enfin, l’article 10, paragraphe 1, du contrat de service dispose que « ce contrat est basé sur le droit allemand » et que, « [p]ar conséquent, le tribunal saisi en cas de litige relatif au présent contrat sera le tribunal du lieu du siège social de [A] ».

15      Quelque temps après le début de la mise en œuvre du projet Subatra, la Commission a reçu plusieurs plaintes concernant le requérant de la part des bénéficiaires du projet.

16      Par courrier électronique du 27 novembre 2020, dont A a accusé réception le même jour, la Commission a informé cette dernière de ces plaintes et lui a demandé des suggestions sur les suites à y donner.

17      Lors d’une réunion du 3 décembre 2020, la Commission et A ont examiné lesdites plaintes. Le même jour, immédiatement après cette réunion, A en a informé le requérant lors d’une conversation en ligne et d’un entretien par Skype ultérieur d’une durée d’une heure et demie avec le directeur et le coordinateur du projet Subatra. Au cours de cet entretien, A a exposé les plaintes, a entendu le point de vue du requérant au regard de celles-ci et a discuté avec lui de la manière d’améliorer la situation.

18      Par courrier électronique du même jour, A a confirmé à la Commission qu’elle « prendr[ait] toutes les mesures pour clarifier la question avec [le requérant] et améliorer la situation » et qu’elle fournirait un retour la semaine suivante.

19      Par courrier électronique du 4 décembre 2020, la Commission a souligné auprès d’A que ces plaintes devaient « être traitées très rapidement, d’une manière ou d’une autre », dès lors que « [r]egagner la confiance du bénéficiaire et des principales parties prenantes [était] crucial à ce stade et d’une importance capitale pour la réussite du programme ».

20      Le 11 décembre 2020, la Commission a envoyé un courrier électronique à A, auquel cette dernière a répondu, en mettant le requérant en copie invisible. Par ce courrier, A indiquait avoir « eu de nombreuses réunions et discussions […] depuis [qu’elle avait] reçu ce retour très alarmant ». Elle précisait également qu’« une réunion de clarification [avait] eu lieu entre le [requérant] et le directeur de projet ».

21      Le 14 décembre 2020, une réunion a été organisée entre la délégation de l’Union aux Philippines et A. Pendant cette réunion, A a informé la Commission des discussions qu’elle avait eues avec le requérant, qui avait présenté ses observations sur les plaintes. Lors de cette réunion, A et la Commission ont convenu qu’il était dans le meilleur intérêt du projet de remplacer le requérant en tant que chef d’équipe.

22      Par courrier électronique du même jour, envoyé au requérant immédiatement après la clôture de ladite réunion, A a informé celui-ci de l’issue de cette réunion, afin de lui permettre de « tout préparer de [son] côté », et l’a invité à discuter sur Skype s’il le souhaitait. En particulier, par ce courrier, A a fait part au requérant du fait que la délégation de l’Union lui aurait envoyé une lettre officielle en lui demandant de le remplacer en tant que chef d’équipe du projet Subatra.

23      Par lettre du 15 décembre 2020, la Commission a officiellement demandé à A de remplacer le requérant (ci-après la « demande de remplacement »), en précisant les motifs pour lesquels elle estimait qu’il était dans l’intérêt du programme qu’elle demandât le remplacement adéquat du requérant.

24      Par lettre du 16 décembre 2020, le directeur d’A a informé le requérant du fait que, comme cela lui avait été annoncé le 14 décembre 2020 (voir point 22 ci-dessus), ils avaient reçu un courrier officiel de la délégation de l’Union aux Philippines leur demandant son remplacement au poste de chef d’équipe. Par conséquent, par cette lettre, le contrat de service était résilié, avec effet immédiat, conformément à l’article 9, paragraphe 2, de ce même contrat (voir point 13 ci-dessus).

25      Le requérant a demandé à la Commission, par l’intermédiaire de sa délégation de l’Union aux Philippines, la tenue d’une réunion bilatérale, laquelle a eu lieu le 18 décembre 2020. Au cours de cette réunion, selon la Commission, le requérant a formulé les mêmes observations que celles qu’il avait précédemment soulevées avec A et que cette dernière avait partagées avec la Commission.

26      Ensuite, conformément à l’article 10, paragraphe 1, du contrat de service (voir point 14 ci-dessus), le requérant a saisi le tribunal allemand compétent afin de contester la nature de ce contrat et de fixer la date exacte à laquelle il aurait pris fin. Le requérant a également demandé une indemnisation en raison de la violation des certaines dispositions du contrat de service. Le 21 avril 2021, les parties ont conclu une transaction (ci-après la « transaction »), par laquelle elles ont convenu que le contrat de service avait pris fin le 31 mars 2021. En outre, A s’est engagée à payer au requérant une compensation financière visant à mettre fin à toutes les prétentions réciproques issues du rapport de droit entre les parties et nées à l’occasion de sa cessation, qu’elles soient connues ou inconnues et quel qu’en soit le fondement juridique.

27      Par lettre du 8 janvier 2021, A a proposé un nouveau chef d’équipe qui a été approuvé par la Commission le 14 janvier 2021.

28      Le 24 août 2021, la Commission a reçu une lettre des avocates du requérant, dans lesquelles celles-ci affirmaient, tout d’abord, que le requérant avait été licencié par A le 16 décembre 2020 et qu’il n’avait pas eu la possibilité de soumettre ses observations conformément à l’article 17, paragraphe 2, des conditions générales. Ensuite, elles indiquaient que le requérant n’était pas en mesure de comprendre les raisons de son remplacement et contestait toutes les allégations le concernant. Enfin, elles relevaient que la délégation de l’Union aux Philippines avait adopté un comportement illégal et causant un grave préjudice à la réputation et un grave préjudice financier au requérant.

29      La Commission a accusé réception de cette lettre le 13 septembre 2021 et a consulté A. Dans sa réponse, A a notamment informé la Commission que le requérant avait engagé une procédure judiciaire à son égard, en Allemagne, mais que la transaction avait été conclue (voir point 26 ci-dessus).

30      Dans sa réponse du 5 octobre 2021 (ci-après la « lettre du 5 octobre 2021 ») aux avocates du requérant, la Commission a notamment souligné qu’il n’existait aucune relation contractuelle entre elle-même et le requérant, que le licenciement du requérant était imputable à A, qu’il incombait à A de donner au requérant la possibilité de soumettre ses observations sur la demande de remplacement et que, d’après les informations transmises par A à la Commission, le requérant avait eu de nombreuses possibilités de soumettre ses observations sur les allégations formulées à son égard. Enfin, s’agissant de la demande d’indemnité, la Commission a indiqué que, A et le requérant ayant déjà conclu la transaction, elle avait décidé de ne pas revenir sur la demande de remplacement et de ne pas indemniser le requérant.

31      Par lettres des 2 et 25 novembre 2021 respectivement, l’avocate du requérant et la Commission ont chacun maintenu leur position.

 Conclusions des parties

32      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        reconnaître la responsabilité extracontractuelle de la Commission et la condamner à lui accorder, à titre principal, ou à titre subsidiaire in solidum avec A, la réparation des préjudices subis ;

–        le cas échéant, annuler la lettre du 5 octobre 2021 ;

–        condamner la Commission à tous les dépens, même en cas de rejet du recours.

33      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

34      Aux termes de l’article 126 du règlement de procédure du Tribunal, lorsque le Tribunal est manifestement incompétent pour connaître d’un recours ou lorsque celui-ci est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

35      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de cet article, de statuer sans poursuivre la procédure.

 Sur la demande d’annulation de la lettre du 5 octobre 2021

36      La Commission émet des doutes quant à la recevabilité de certaines parties du recours.

37      Selon elle, la formule « [l]e cas échéant » figurant dans le deuxième chef de conclusions (voir point 32, deuxième tiret, ci-dessus) semblerait indiquer que le requérant cherche d’abord à obtenir la réparation du préjudice, mais il n’expliquerait pas ce qu’il souhaite obtenir avec l’annulation demandée au moyen de cette formule.

38      En l’espèce, il convient de constater, d’une part, que la lettre du 5 octobre 2021 porte rejet d’une demande en indemnité (voir point 30 ci‑dessus) et, d’autre part, que dans la réplique, le requérant précise que son recours vise « uniquement » à engager la responsabilité extracontractuelle de la Commission et, partant, à demander réparation du préjudice prétendument subi.

39      Dans ces conditions, le présent recours doit être regardé comme ayant pour objet d’obtenir réparation des préjudices que le requérant estime avoir subis du fait de la Commission.

 Sur la demande en indemnité

40      À titre liminaire, il convient de rappeler que l’article 340, deuxième alinéa, TFUE prévoit que, en matière de responsabilité non contractuelle, l’Union doit réparer, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres, les dommages causés par ses institutions ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions.

41      Selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, au sens de la disposition mentionnée au point 40 ci-dessus, est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché à l’institution, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (voir ordonnance du 14 novembre 2018, Spinoit/Commission e.a., T‑711/17, non publiée, EU:T:2018:803, point 51et jurisprudence citée).

42      Dès lors que l’une de ces conditions n’est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions de ladite responsabilité (voir arrêt du 8 juin 2022, EMCS/AUEA, T-621/20, non publié, EU:T:2022:342, point 102 et jurisprudence citée). Par ailleurs, le juge de l’Union n’est pas tenu d’examiner ces conditions dans un ordre déterminé (arrêt du 9 septembre 1999, Lucaccioni/Commission, C‑257/98 P, EU:C:1999:402, point 13).

 Sur le comportement prétendument illégal reproché à la Commission

43      S’agissant de la condition relative au comportement illégal reproché à l’institution ou à l’organe concerné, la jurisprudence exige que soit établie une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers (voir, en ce sens, arrêt du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, EU:C:2000:361, point 42).

44      En l’espèce, le requérant reproche à la Commission d’avoir violé, en tant que pouvoir adjudicateur dans le projet Subatra, son droit d’être entendu, l’obligation de motivation, ainsi que son devoir de diligence dans la procédure de remplacement du personnel.

45      En premier lieu, s’agissant de la prétendue violation du droit d’être entendu, le requérant soutient, en substance, que la Commission aurait omis de s’assurer qu’il ait la possibilité de soumettre ses observations concernant la décision de le remplacer avant que cette décision soit adoptée. Si le requérant avait été entendu, il aurait pu remettre en cause la décision de remplacement. Ce faisant, la Commission aurait violé, de façon suffisamment caractérisée, l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), l’article 17, paragraphe 2, des conditions générales et le point 3.4.13 du document intitulé « Marchés publics et subventions dans le cadre des actions extérieures de l’Union européenne – Un guide pratique » (ci-après le « PRAG »). Par ailleurs, à cet égard, le requérant précise, en substance, que, à supposer que la décision de remplacement ait été adoptée par A, la Commission ayant demandé à cette dernière son remplacement, elle aurait joué un rôle important dans son licenciement, de sorte que, ainsi que jugé par la Cour dans l’arrêt du 28 octobre 2021, Vialto Consulting/Commission (C-650/19 P, EU:C:2021:879, point 118), la responsabilité de la Commission pour la violation du droit d’être entendu devrait être engagée en l’espèce.

46      Dans la réplique, le requérant fait valoir, premièrement, que le libellé de l’article 17, paragraphe 2, des conditions générales ne prévoit pas que l’obligation d’entendre le « personnel convenu » (à savoir le requérant) pesait sur le « contractant » (à savoir A). Deuxièmement, dans la mesure où il n’existe pas de contrat entre lui et la Commission et que cette dernière (et non A) avait l’obligation de l’entendre avant d’ordonner son remplacement, la Commission aurait agi à son égard en tant qu’autorité administrative. Troisièmement, conformément à ce qui aurait été jugé par le Tribunal dans l’arrêt du 2 mars 2022, VeriGraft/Eismea (T‑688/19, EU:T:2022:112, point 62), même si un acte est adopté dans le domaine contractuel, les obligations découlant de l’article 41 de la Charte trouveraient à s’appliquer.

47      En deuxième lieu, s’agissant de la prétendue violation de l’obligation de motivation, le requérant fait valoir que la Commission n’a pas motivé sa demande de remplacement tout en violant l’article 41, paragraphe 2, sous b), de la Charte ainsi que l’article 17, paragraphe 2, des conditions générales. La Commission ayant agi en sa qualité d’autorité administrative, elle avait l’obligation de motiver sa demande de remplacement. Le requérant n’aurait toutefois reçu aucun détail sur les griefs formulés dans ladite demande et, partant, il n’aurait pas été en mesure de comprendre les motifs de son remplacement soudain.

48      En troisième lieu, s’agissant de la prétendue violation du devoir de diligence, le requérant fait valoir, en substance, que la Commission a violé ce devoir en ce qu’elle aurait omis de vérifier que son remplaçant ne possédait pas des qualifications et une expérience équivalentes aux siennes, elle aurait omis de vérifier si le remplaçant ne se trouvait pas dans une situation de conflit d’intérêts et, en décidant de le remplacer, elle n’aurait pas pris en considération sa situation personnelle. Ces omissions constitueraient une violation suffisamment caractérisée de plusieurs dispositions du PRAG, telles que le point 3.4.13 (remplacement des experts) et le point 2.5.4 (conflit d’intérêts), du point 6.1.1 de termes de référence (conflit d’intérêts) et de l’article 61, paragraphe 1, du règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1).

49      La Commission conteste les arguments du requérant.

50      Tout d’abord, il convient de relever que le requérant reproche à la Commission la violation de son droit d’être entendu, de l’obligation de motivation ainsi que du devoir de diligence, en invoquant, d’une part, l’article 41 de la Charte et, d’autre part, certaines dispositions contractuelles telles que l’article 17, paragraphe 2, des conditions générales et le point 3.4.13 du PRAG, en ce qui concerne le droit d’être entendu et l’obligation de motivation, et l’article 17, paragraphe 3, des conditions générales, le point 2.5.4 du PRAG ainsi que le point 6.1.1 des termes de référence, en ce qui concerne le devoir de diligence.

51      À cet égard, il convient de souligner que le cadre factuel du litige trouve son origine dans deux relations contractuelles distinctes. D’une part, il existe une relation contractuelle entre l’Union, représentée par la Commission, et A. Celle-ci est formée par le contrat principal. D’autre part, il existe une relation contractuelle entre A et le requérant. Celle-ci est formée par le contrat de service.

52      Par ailleurs, il est constant entre les parties qu’il n’existe aucune relation contractuelle entre le requérant et la Commission. En effet, ainsi que cela a été relevé au point 8 ci-dessus, l’article 16, paragraphe 6, des conditions générales énonce que le recrutement d’un expert par le contractant (A) ne peut créer de relations contractuelles entre l’expert (le requérant) et le pouvoir adjudicateur (la Commission).

53      La procédure ayant abouti au remplacement du requérant se compose de deux actes différents, à savoir la demande de remplacement et la décision de résiliation du contrat de service, qui ont été adoptés par deux sujets juridiques différents et dans le cadre de deux relations contractuelles distinctes, la demande de remplacement étant un acte adopté par la Commission dans le contexte du contrat principal et la décision de résiliation étant, en revanche, un acte d’A s’inscrivant dans le cadre du contrat de service.

54      En particulier, à cet égard, il convient de préciser que la Commission n’a adopté aucune décision de mettre fin au contrat de service. En effet, elle s’est bornée, conformément à l’article 17, paragraphe 2, des conditions générales, à présenter à A la demande de remplacement. C’est A qui, par la lettre du 16 décembre 2020, a fait suite à cette demande en décidant de résilier le contrat de service, avec effet immédiat, conformément, à l’article 9, paragraphe 2, du même contrat.

55      De plus, à cet égard, il importe de souligner qu’il ressort du libellé de cette disposition (voir point 13 ci-dessus) qu’A « peut » résilier le contrat. Elle n’était donc pas obligée de le faire et disposait d’une marge d’appréciation.

56      Dès lors, il n’existe aucune décision adoptée par la Commission à l’égard du requérant. En effet, A a résilié le contrat de service et a adopté la décision de remplacer le requérant.

57      Partant, les arguments du requérant visent à faire valoir, en substance, que c’est par la demande de remplacement que la Commission a violé le droit d’être entendu, l’obligation de motivation ainsi que le devoir de diligence, tant au regard de certaines dispositions contractuelles qu’au regard de l’article 41 de la Charte.

–       Sur le comportement illégal de la Commission au regard des dispositions contractuelles invoquées par le requérant

58      S’agissant de la prétendue violation du droit d’être entendu, de l’obligation de motivation et du devoir de diligence au regard des dispositions contractuelles mentionnées au point 50 ci-dessus, il convient de relever que, en l’absence de relation contractuelle entre le requérant et la Commission, le requérant ne saurait se prévaloir de la violation de ces dispositions contre la Commission.

59      À supposer même qu’il existe une relation contractuelle liant le requérant à la Commission et que le requérant puisse, en vertu de cette relation contractuelle, se prévaloir de ces dispositions contre la Commission, leur violation constitue une prétention contractuelle, qui, en l’absence de clause compromissoire au sens de l’article 272 TFUE, ne relève pas de la compétence du Tribunal (voir, en ce sens, arrêt du 10 octobre 2019, Help – Hilfe zur Selbsthilfe/Commission, T-335/17, non publié, EU:T:2019:736, point 85 et jurisprudence citée).

60      Il ressort du point 58 ci-dessus que l’argumentation tirée de la prétendue violation du droit d’être entendu, de l’obligation de motivation et du devoir de diligence au regard des dispositions contractuelles invoquées par le requérant doit être rejetée comme étant manifestement dépourvue de tout fondement en droit.

–       Sur le comportement illégal de la Commission au regard de l’article 41 de la Charte

61      S’agissant de la prétendue violation du droit d’être entendu, de l’obligation de motivation et du devoir de diligence au regard de l’article 41 de la Charte, en premier lieu, il convient de rappeler que cet article consacre le principe de bonne administration, lequel comporte, notamment, le droit de toute personne d’être entendue, le droit de toute personne d’avoir accès au dossier qui la concerne et l’obligation pour l’administration de motiver ses décisions.

62      Il convient également de relever que le principe de bonne administration, auquel le devoir de diligence est inhérent [voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2008, Masdar (UK)/Commission, C‑47/07 P, EU:C:2008:726, points 92 et 93,], constitue un principe général de droit qui régit l’action des institutions de l’Union dans le cadre de l’exercice de leurs responsabilités administratives (voir, en ce sens, arrêt du 11 décembre 2013, EMA/Commission, T‑116/11, EU:T:2013:634, point 245 et jurisprudence citée) et dans leurs relations avec le public (voir, en ce sens, arrêt du 4 avril 2017, Médiateur/Staelen, C‑337/15 P, EU:C:2017:256, point 34).

63      En deuxième lieu, il convient de rappeler que, en l’espèce, la demande de remplacement a été présentée par la Commission dans le cadre de la relation contractuelle liant l’Union, représentée par la Commission, à A (voir point 54 ci-dessus). En effet, ladite demande trouve son fondement dans les stipulations de l’article 17, paragraphe 2, des conditions générales, lesquelles prévoient explicitement la possibilité d’une telle demande.

64      Il s’ensuit que, en présentant la demande de remplacement, la Commission a agi uniquement dans le cadre des droits et des obligations nées des stipulations contractuelles qui la lient à A. Par ailleurs, cette constatation est confirmée par le fait que le requérant lui-même reproche à la Commission d’avoir violé ses obligations en tant que pouvoir adjudicateur.

65      De ce fait, la Commission a agi en tant qu’autorité contractante sans avoir exercé de prérogatives de puissance publique (voir, en ce sens, ordonnances du 14 novembre 2018, Bruel/Commission e.a., T-793/17, non publiée, EU:T:2018:801, point 57, et du 14 novembre 2018, Spinoit/Commission e.a., T‑711/17, non publiée, EU:T:2018:803, point 58).

66      Dès lors, en présentant la demande de remplacement, la Commission n’a pas adopté un acte de puissance publique dont les effets auraient pu affecter défavorablement le requérant au sens de l’article 41 de la Charte. Partant, elle n’était pas soumise, à l’égard du requérant, aux obligations découlant du principe général de bonne administration, telles qu’invoquées par le requérant (voir, en ce sens, ordonnances du 14 novembre 2018, Bruel/Commission e.a., T-793/17, non publiée, EU:T:2018:801, point 57, et du 14 novembre 2018, Spinoit/Commission e.a., T‑711/17, non publiée, EU:T:2018:803, point 58).

67      Par ailleurs, le requérant n’a apporté aucun élément permettant de conclure autrement. En effet, ce dernier se borne à faire valoir que si, en demandant de le remplacer, la Commission a agi en tant que pouvoir adjudicateur envers A, elle a agi en tant qu’autorité administrative à son égard. Cependant, un tel argument, fondé sur une double qualification juridique de la demande de remplacement, ne saurait prospérer. En effet, un même acte ne saurait être qualifié en même temps et au regard d’un seul et même sujet juridique (à savoir le requérant) d’acte de nature contractuelle adopté par la Commission en tant que pouvoir adjudicateur et d’acte de puissance publique adopté par cette dernière en tant qu’autorité publique exerçant des prérogatives de puissance publique.

68      Partant, le requérant ne saurait reprocher à la Commission une violation suffisamment caractérisée du droit d’être entendu, de l’obligation de motivation et du devoir de diligence au regard de l’article 41 de la Charte.

69      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument du requérant tiré de l’arrêt du 2 mars 2022, VeriGraft/Eismea (T‑688/19, EU:T:2022:112, point 62), concernant le respect des obligations de la Charte et des principes généraux de droit de l’Union qui incombe à une institution de l’Union à l’égard de « ses contractants » lorsqu’elle exécute un contrat. Ainsi que la Commission le souligne à juste titre, une conclusion différente comporterait le risque de paralyser l’action des pouvoirs adjudicateurs, dans la mesure où toute décision contractuelle adoptée dans le cadre de la mise en œuvre des marchés publics pourrait faire l’objet d’un recours en annulation de la part de tout tiers affecté par une telle décision.

70      De même, le requérant ne saurait se prévaloir de l’argument selon lequel l’intervention de la Commission a représenté une étape décisive dans le processus de son licenciement, de sorte que la responsabilité de la Commission pourrait être engagée.

71      À cet égard il convient de relever, à l’instar de la Commission, que l’arrêt du 28 octobre 2021, Vialto Consulting/Commission (C‑650/19 P, EU:C:2021:879), invoqué par le requérant, concerne un programme soumis au principe de gestion décentralisée avec contrôle ex ante et dont la mise en œuvre avait été confiée à une structure d’exécution relevant de l’administration du pays bénéficiaire qui n’avait aucune relation contractuelle avec la Commission laquelle, cependant, conservait la responsabilité finale de l’exécution du budget général. Or, dans la présente affaire, la demande de remplacement a été présentée par la Commission en sa qualité d’autorité contractante dans le cadre de sa relation contractuelle avec A. En outre, ainsi que cela a été constaté aux points 65 et 66 ci-dessus, elle a été adressée uniquement à A, de sorte qu’elle n’a produit à l’égard du requérant aucun effet juridique découlant de l’exercice de prérogatives de puissance publique.

72      Partant, il y a lieu de rejeter les arguments du requérant portant sur la violation du droit d’être entendu, de l’obligation de motivation et du devoir de diligence au regard de l’article 41 de la Charte comme étant manifestement dépourvus de tout fondement en droit.

–       Sur l’absence de violation du droit d’être entendu, de l’obligation de motivation et du devoir de diligence

73      En tout état de cause, il convient de constater que les trois violations reprochées par le requérant à la Commission n’ont pas été commises en l’espèce.

74      En premier lieu, s’agissant de la prétendue violation du droit d’être entendu (voir points 45 et 46 ci-dessus), il ressort du dossier que la Commission a demandé à A le remplacement du requérant après avoir reçu des bénéficiaires du projet Subatra plusieurs plaintes concernant le requérant. Or, ces plaintes ont été examinées lors de la réunion du 3 décembre 2020 entre la Commission et A. Le même jour, A a informé le requérant des plaintes en lui donnant la possibilité de faire connaître son point de vue lors d’un entretien par Skype d’une heure et demie (voir point 17 ci-dessus). En outre, comme cela est indiqué dans le courrier électronique d’A du 11 décembre 2020, après le 3 décembre 2020, il y a eu de nombreuses réunions et discussions entre A. et le requérant au cours desquelles ce dernier a été entendu. En particulier, une réunion avait eu lieu entre le requérant et le directeur de projet (voir point 20 ci-dessus).

75      De plus, il ressort du dossier que, lors de la réunion du 14 décembre 2020 (voir point 21 ci-dessus) A a informé la Commission des discussions qu’elle avait eues avec le requérant ainsi que des observations que ce dernier avait formulées au regard des plaintes présentées par les bénéficiaires du projet. De surcroît, A a informé le requérant de l’issue de ladite réunion immédiatement après sa clôture afin de lui permettre de « tout préparer de [son] côté », en l’invitant à discuter sur Skype s’il le souhaitait (voir point 22 ci-dessus). Dès lors, contrairement à ce qu’il fait valoir, le requérant a eu l’opportunité de présenter utilement ses observations avant de recevoir la lettre de résiliation du contrat de la part d’A.

76      Par ailleurs, le requérant a également eu l’opportunité des présenter ses observations directement à la délégation de l’Union lors de la réunion bilatérale ayant eu lieu le 18 décembre 2020 (voir point 25 ci-dessus). Or, à cet égard, le requérant fait valoir que cette opportunité est dénuée de pertinence étant donné que la Commission aurait dû l’entendre avant de présenter la demande de remplacement. Cependant, il convient de relever que, ainsi que cela a été constaté aux points 54 et 56 ci-dessus, la décision de résilier le contrat de service a été adoptée par A et non par la Commission. En outre, la Commission, n’étant pas partie au contrat de service, n’était pas en principe censée savoir que, au moment de ladite réunion, ce contrat avait déjà été résilié par A, cela d’autant plus que le curriculum vitae du nouveau chef d’équipe n’avait pas encore été présenté par A à la Commission et que cette dernière ne l’avait pas encore approuvé.

77      Partant, le requérant ne saurait faire valoir que la Commission ne lui a pas donné l’opportunité d’être entendu avant de demander à A de le remplacer en tant que chef d’équipe du projet Subatra, le requérant ayant eu l’opportunité de présenter ses observations tout au long de la procédure ayant abouti à son remplacement.

78      En deuxième lieu, s’agissant de la prétendue violation de l’obligation de motivation (voir point 47 ci-dessus), il y a lieu de constater qu’il ressort du dossier que, après avoir indiqué le contexte dans lequel elle s’inscrit, la demande de remplacement précise également les motifs ayant conduit la Commission à la formuler. De plus, l’alerte de la part des bénéficiaires du projet a fait l’objet de plusieurs réunions et discussions entre le requérant et A (voir points 74 à 76 ci-dessus). Dès lors, le requérant ne saurait faire utilement valoir qu’il n’était pas en mesure de comprendre les motifs de la demande de remplacement.

79      Ainsi, il y a lieu de constater que, contrairement à ce que le requérant prétend, la demande de remplacement est motivée à suffisance de droit.

80      En troisième lieu, s’agissant de la prétendue violation du devoir de diligence (voir point 48 ci-dessus), le requérant avance en substance trois griefs. Premièrement, il soutient que la Commission aurait approuvé la nomination d’un remplaçant qui ne possède pas des qualifications et une expérience équivalentes aux siennes, deuxièmement, que la Commission aurait omis de vérifier si son remplaçant se trouvait dans une situation de conflit d’intérêts et, troisièmement, que, en décidant de l’évincer du projet Subatra, la Commission aurait omis de prendre en considération sa situation personnelle.

81      Or, d’une part, les premier et deuxième griefs doivent être écartés comme étant inopérants. En effet, ainsi que la Commission le souligne à juste titre, ce n’est pas la nomination d’un nouveau chef d’équipe qui est à l’origine des préjudices que le requérant aurait prétendument subis, mais la résiliation du contrat de service et, donc, la perte de sa position de chef d’équipe. D’autre part, le troisième grief doit être rejeté en tant que pure allégation non étayée par un élément de preuve.

82      Partant, il y a lieu de constater que le requérant n’a pas établi que la Commission a commis une violation suffisamment caractérisée de son devoir de diligence.

83      Au vu de ce qui précède, il convient de conclure que le requérant n’a pu établir aucune violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit à son égard.

84      À titre surabondant, il y a lieu de noter que, en tout état de cause, le lien de causalité fait manifestement défaut.

 Sur le lien de causalité

85      S’agissant de la condition tenant à l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué, il ressort d’une jurisprudence constante que le préjudice allégué doit découler de façon suffisamment directe du comportement reproché, ce dernier devant constituer la cause déterminante du préjudice. Il appartient à la partie requérante d’apporter la preuve d’un tel lien de causalité (voir arrêt du 14 décembre 2017, European Dynamics Luxembourg et Evropaïki Dynamiki/Parlement, T-164/15, non publié, EU:T:2017:906, point 72 et jurisprudence citée).

86      En l’espèce, le requérant fait valoir que, en présentant la demande de remplacement, la Commission lui a causé un grave préjudice financier ainsi qu’un grave préjudice moral.

–       Sur le lien de causalité entre le comportement prétendument illégal et les préjudices financiers

87      Selon le requérant, le préjudice financier consiste, d’abord, en une perte de revenus pour la durée du contrat de service comprise entre la date de sa résiliation et la date à laquelle il aurait dû prendre fin, en 2025, ensuite, en une perte de la chance de percevoir une rémunération si le contrat PNUD n’avait pas été résilié et avait été mené à son terme et, enfin, en une perte d’une chance sérieuse de voir le contrat de service renouvelé.

88      Afin de prouver l’existence d’un lien de causalité entre le comportement prétendument illégal de la Commission et lesdits préjudices financiers, d’une part, le requérant avance que les préjudices prétendument subis sont imputables à la Commission en ce que, si cette dernière n’avait pas demandé à A de le remplacer, il aurait pu continuer à participer au projet Subatra. En effet, selon le requérant, la demande de remplacement était contraignante pour A, laquelle n’aurait pas eu d’autre choix que de résilier le contrat de service. D’autre part, le requérant fait valoir que les préjudices allégués découlent directement du comportement illégal de la Commission en ce que, si cette dernière avait respecté le droit d’être entendu, l’obligation de motivation et le devoir de diligence, elle n’aurait pas demandé à A de le remplacer.

89      La Commission conteste les arguments du requérant.

90      En premier lieu, il convient de constater que, ainsi que cela a été relevé aux points 54 et 56 ci-dessus, la décision de résilier le contrat de service a été adoptée par A conformément à l’article 9, paragraphe 2, de ce contrat et que, selon cette disposition, A n’était pas obligée de résilier le contrat, mais disposait à cet égard d’une marge d’appréciation.

91      En deuxième lieu, le requérant n’apporte aucune preuve du fait que, si la Commission avait agi d’une manière qui, selon lui, aurait été appropriée, elle n’aurait pas demandé à A de le remplacer.

92      En troisième lieu, s’agissant de la perte de la rémunération que le requérant aurait perçue si le contrat de service avait été mené à son terme, il convient de rappeler que la situation juridique du requérant et, dès lors, sa rémunération, sont uniquement régies par le contrat de service, le liant à A, sans que la Commission – partie tierce audit contrat – puisse juridiquement intervenir à cet égard. Plus particulièrement, les conditions de la rémunération du requérant sont fixées à l’article 3 du contrat de service. Force est donc de conclure que le préjudice invoqué par le requérant trouve son origine dans le fait qu’il a été mis un terme au contrat de service par A et non dans le comportement prétendument illégal de la Commission (voir, en ce sens, ordonnances du 14 novembre 2018, Bruel/Commission e.a., T-793/17, non publiée, EU:T:2018:801, point 65 et jurisprudence citée, et du 14 novembre 2018, Spinoit/Commission e.a., T-711/17, non publiée, EU:T:2018:803, point 66).

93      En quatrième lieu, s’agissant de la perte de chance de percevoir une rémunération si le contrat PNUD n’avait pas été résilié et avait été mené à son terme, il convient de souligner que ce contrat, auquel la Commission n’est pas partie, a été résilié à la demande du requérant au moyen de la lettre du 10 août 2020, laquelle ne comporte aucune référence à l’engagement du requérant dans le cadre du projet Subatra. Par ailleurs, ainsi que le souligne la Commission à juste titre, la prétendue perte de rémunération liée au contrat PNUD s’est produite avant le comportement prétendument illégal qui lui est imputé, de sorte qu’il n’existe aucun lien entre la perte de cette rémunération et ledit comportement.

94      En cinquième lieu, s’agissant de la prétendue perte de chance sérieuse de voir le contrat de service renouvelé en 2025, il convient de souligner que, ainsi que le requérant l’admet, l’article 2, paragraphe 3, premier alinéa, de ce contrat dispose que ce dernier « ne crée aucun droit au renouvellement ou à la conversion en un quelconque autre type de contrat ou à la désignation dans le cadre d’une quelconque activité de [A]. ». Cette disposition prévoit une simple possibilité de renouvellement du contrat de service dans le seul cas où le contrat principal serait prolongé. Cependant, en l’espèce, le requérant ne prouve pas que, en l’absence du comportement prétendument illégal de la Commission, il n’aurait fait aucun doute que le contrat principal et, par conséquent, le contrat de service, aurait été prolongé.

95      Ainsi, il y a lieu de constater que le requérant n’a manifestement pas apporté la preuve de l’existence d’un lien de causalité entre le comportement reproché à la Commission et les préjudices financiers invoqués.

–       Sur le lien de causalité entre le comportement prétendument illégal et le préjudice moral

96      S’agissant du lien de causalité entre le prétendu comportement illégal et le préjudice moral, le requérant  fait valoir que son éviction du projet Subatra a porté préjudice à sa réputation en ce que, malgré ses efforts, depuis lors, il n’aurait pas été en mesure de trouver un nouvel emploi. En outre, il soutient avoir été profondément affecté par les critiques formulées dans la demande de remplacement. Il aurait également été profondément touché par la manière dont il a été traité par la Commission, sans aucun égard et sans respect de ses droits.

97      La Commission conteste les arguments du requérant.

98      À titre liminaire, il convient de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence que, dans la mesure où un requérant n’avance aucun élément de nature à démontrer l’existence et à déterminer l’étendue de son préjudice moral ou immatériel, il lui incombe, tout au moins, d’établir que le comportement incriminé était, par sa gravité, de nature à lui causer un tel dommage (arrêt du 1er février 2017, Kendrion/Union européenne, T‑479/14, EU:T:2017:48, point 121 et jurisprudence citée).

99      En l’espèce, le requérant invoque une atteinte à sa réputation, notamment au regard de futurs employeurs. Cependant, les arguments du requérant ne sont pas étayés par des éléments de preuve qui démontreraient que, par leur gravité, les prétendues violations du droit d’être entendu, de l’obligation de motivation et du devoir de diligence étaient susceptibles d’avoir une incidence sur sa réputation. En effet, il se contente de faire valoir que la résiliation précoce du contrat de service pourrait avoir des effets négatifs sur ses perspectives de trouver un nouvel emploi.

100    À cet égard, tout d’abord, en évoquant la résiliation précoce du contrat de service comme possible cause de préjudice à sa réputation, le requérant reconnaît lui-même que ce n’est pas le comportement prétendument illégal de la Commission qui est susceptible, per se, de porter atteinte à sa réputation, mais la résiliation du contrat de service, laquelle a été décidée par A et n’a pas été contestée par le requérant.

101    Ensuite, il ressort du dossier que la demande de remplacement a été adressée uniquement à A, sans avoir fait l’objet d’une divulgation auprès de tiers.

102    Enfin, compte tenu des éléments de preuve apportés par le requérant, il n’est pas démontré que son remplacement en tant que chef d’équipe dans le cadre du projet Subatra est la cause du fait qu’il n’a pas trouvé un nouvel emploi.

103    Dans ces conditions, il y a lieu de constater que le requérant est manifestement resté en défaut de démontrer un lien de causalité entre une prétendue violation du droit d’être entendu, de l’obligation de motivation et du devoir de diligence dans le cadre de la procédure ayant conduit à son remplacement en tant que chef d’équipe, et le préjudice moral allégué.

 Conclusion sur la demande en indemnité

104    Compte tenu des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter la demande en indemnité comme étant manifestement dépourvue de tout fondement en droit.

105    A fortiori il y a lieu de rejeter la demande relative à la responsabilité in solidum de la Commission avec A (voir point 32 ci-dessus). Au surplus, il convient de constater que, en dehors du fait que le requérant a exclu toute responsabilité d’A quant à la violation du droit d’être entendu, de l’obligation de motivation et du devoir de diligence, dans la mesure où, par son recours, le requérant avance une prétendue responsabilité in solidum de la Commission avec A, il met en cause les agissements de cette dernière dans le cadre du contrat de service. Or, le Tribunal n’est manifestement pas compétent pour juger ces agissements contractuels.

 Sur les dépens

106    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

107    En l’espèce, le requérant, qui a succombé, demande néanmoins au Tribunal de condamner la Commission aux dépens même en cas de rejet du recours (voir point 32 ci-dessus). En substance, le requérant affirme que le comportement de la Commission ne lui aurait pas laissé d’autre choix que de saisir le Tribunal.

108    À cet égard, il convient de relever que conformément à l’article 135, paragraphe 2, du règlement de procédure, le Tribunal peut condamner une partie, même gagnante, à rembourser à l’autre partie les frais qu’elle lui a fait exposer en raison de son attitude, en particulier lorsque ces frais sont jugés frustratoires ou vexatoires.

109    Toutefois, en l’espèce, le comportement de la Commission n’a pas favorisé l’introduction du présent recours par le requérant.

110    Par conséquent, il convient, en vertu de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, de condamner le requérant aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (dixième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Rommert Folkertsma est condamné aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 9 février 2023.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

O. Porchia


Table des matières


Antécédents du litige

Conclusions des parties

En droit

Sur la demande d’annulation de la lettre du 5 octobre 2021

Sur la demande en indemnité

Sur le comportement prétendument illégal reproché à la Commission

– Sur le comportement illégal de la Commission au regard des dispositions contractuelles invoquées par le requérant

– Sur le comportement illégal de la Commission au regard de l’article 41 de la Charte

– Sur l’absence de violation du droit d’être entendu, de l’obligation de motivation et du devoir de diligence

Sur le lien de causalité

– Sur le lien de causalité entre le comportement prétendument illégal et les préjudices financiers

– Sur le lien de causalité entre le comportement prétendument illégal et le préjudice moral

Conclusion sur la demande en indemnité

Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’anglais.

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