EUR-Lex Access to European Union law

Back to EUR-Lex homepage

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 62021CJ0089

Arrêt de la Cour (huitième chambre) du 28 avril 2022.
« Romega » UAB contre Valstybinė maisto ir veterinarijos tarnyba.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas.
Renvoi préjudiciel – Législation alimentaire – Règlement (CE) no 2073/2005 – Critères microbiologiques applicables aux denrées alimentaires – Article 1er – Annexe I – Viandes fraîches de volaille – Contrôle, par les autorités nationales compétentes, de la présence des salmonelles énumérées au point 1.28 du chapitre I de cette annexe – Contrôle de la présence d’autres micro-organismes pathogènes – Règlement (CE) no 178/2002 – Article 14, paragraphe 8 – Pouvoir d’appréciation des autorités nationales – Portée.
Affaire C-89/21.

Court reports – general – 'Information on unpublished decisions' section

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2022:313

 ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

28 avril 2022 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Législation alimentaire – Règlement (CE) no 2073/2005 – Critères microbiologiques applicables aux denrées alimentaires – Article 1er – Annexe I – Viandes fraîches de volaille – Contrôle, par les autorités nationales compétentes, de la présence des salmonelles énumérées au point 1.28 du chapitre I de cette annexe – Contrôle de la présence d’autres micro-organismes pathogènes – Règlement (CE) no 178/2002 – Article 14, paragraphe 8 – Pouvoir d’appréciation des autorités nationales – Portée »

Dans l’affaire C‑89/21,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Cour administrative suprême de Lituanie), par décision du 10 février 2021, parvenue à la Cour le 12 février 2021, dans la procédure

« Romega » UAB

contre

Valstybinė maisto ir veterinarijos tarnyba,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. N. Jääskinen, président de chambre, MM. M. Safjan et N. Piçarra (rapporteur), juges,

avocat général : M. G. Pitruzzella,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour « Romega » UAB, par Me Endzinas, advokatas, et M. R. Čiupkevičius,

pour le gouvernement lituanien, par MM. K. Dieninis et R. Dzikovič, en qualité d’agents,

pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek, J. Pavliš et J. Vláčil, en qualité d’agents,

pour le gouvernement danois, initialement par Mmes M. Wolff, L. Teilgård et M. J. Nymann-Lindegren, puis par Mme M. Wolff, en qualité d’agents,

pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de Mme L. Vignato, avvocato dello Stato,

pour le gouvernement hongrois, par M. M. Z. Fehér et Mme K. Szíjjártó, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par M. W. Farrell ainsi que par Mmes I. Galindo Martín et A. Steiblytė, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 1er ainsi que de l’annexe I, chapitre 1, point 1.28, du règlement (CE) no 2073/2005 de la Commission, du 15 novembre 2005, concernant les critères microbiologiques applicables aux denrées alimentaires (JO 2005, L 338, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) no 1086/2011 de la Commission, du 27 octobre 2011 (JO 2011, L 281, p. 7) (ci-après le « règlement no 2073/2005 »), et de l’article 14, paragraphes 1, 2 et 8, du règlement (CE) no 178/2002 du Parlement européen et du Conseil, du 28 janvier 2002, établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l’Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires (JO 2002, L 31, p. 1).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant « Romega » UAB, un grossiste en viandes de volaille, au Valstybinė maisto ir veterinarijos tarnyba (Service national des denrées alimentaires et en matière vétérinaire, Lituanie) (ci‑après l’« autorité lituanienne ») au sujet de la décision de cette autorité d’infliger une amende et d’enjoindre à Romega de retirer du marché les viandes de volaille dans lesquelles la présence de certains sérotypes de salmonelle a été détectée.

Le cadre juridique

Le règlement no 178/2002

3

L’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 178/2002, intitulé « Objet et champ d’application », dispose :

« Le présent règlement contient les dispositions de base permettant d’assurer, en ce qui concerne les denrées alimentaires, un niveau élevé de protection de la santé des personnes et des intérêts des consommateurs, compte tenu notamment de la diversité de l’offre alimentaire, y compris les productions traditionnelles, tout en veillant au fonctionnement effectif du marché intérieur. [...] »

4

L’article 14 de ce règlement, intitulé « Prescriptions relatives à la sécurité des denrées alimentaires », énonce :

« 1.   Aucune denrée alimentaire n’est mise sur le marché si elle est dangereuse.

2.   Une denrée alimentaire est dite dangereuse si elle est considérée comme :

a)

préjudiciable à la santé ;

b)

impropre à la consommation humaine.

3.   Pour déterminer si une denrée alimentaire est dangereuse, il est tenu compte :

a)

des conditions d’utilisation normales de la denrée alimentaire par le consommateur à chaque étape de la production, du traitement et de la distribution ; et

b)

de l’information fournie au consommateur, y compris des informations figurant sur l’étiquette, ou d’autres informations généralement à la disposition du consommateur, concernant la prévention d’effets préjudiciables à la santé propres à une denrée alimentaire particulière ou à une catégorie particulière de denrées alimentaires.

4.   Pour déterminer si une denrée alimentaire est préjudiciable à la santé, il est tenu compte :

a)

de l’effet probable immédiat et/ou à court terme et/ou à long terme de cette denrée alimentaire sur la santé non seulement d’une personne qui la consomme, mais aussi sur sa descendance ;

b)

des effets toxiques cumulatifs probables ;

c)

des sensibilités sanitaires particulières d’une catégorie spécifique de consommateurs lorsque la denrée alimentaire lui est destinée.

5.   Pour déterminer si une denrée alimentaire est impropre à la consommation humaine, il est tenu compte de la question de savoir si cette denrée alimentaire est inacceptable pour la consommation humaine compte tenu de l’utilisation prévue, pour des raisons de contamination, d’origine externe ou autre, ou par putréfaction, détérioration ou décomposition.

[...]

7.   Sont considérées comme sûres les denrées alimentaires conformes à des dispositions communautaires spécifiques régissant la sécurité des denrées alimentaires, en ce qui concerne les aspects couverts par ces dispositions.

8.   La conformité d’une denrée alimentaire à des dispositions spécifiques applicables à cette denrée n’interdit pas aux autorités compétentes de prendre des mesures appropriées pour imposer des restrictions à sa mise sur le marché ou pour exiger son retrait du marché s’il existe des raisons de soupçonner que, malgré cette conformité, cette denrée alimentaire est dangereuse.

[...] »

Le règlement no 2073/2005

5

Aux termes des considérants 1 et 3 du règlement no 2073/2005 :

« (1)

L’obtention d’un niveau élevé de protection de la santé humaine et de la santé animale est l’un des objectifs fondamentaux de la législation alimentaire, comme l’énonce le règlement [no 178/2002]. Les risques microbiologiques liés aux denrées alimentaires constituent une source majeure de maladies d’origine alimentaire chez l’homme.

[...]

(3)

[...] Pour contribuer à la protection de la santé publique et éviter les interprétations différentes, il convient de définir des critères de sécurité harmonisés relatifs à l’acceptabilité des denrées alimentaires, notamment en ce qui concerne la présence de certains micro-organismes pathogènes. »

6

L’article 1er de ce règlement, intitulé « Objet et champ d’application », prévoit :

« Le présent règlement établit les critères microbiologiques applicables à certains micro-organismes et les règles d’application que les exploitants du secteur alimentaire doivent observer lorsqu’ils mettent en œuvre les mesures d’hygiène générales et spécifiques [...] L’autorité compétente vérifie le respect des règles et des critères énoncés dans le présent règlement [...], sans préjudice de son droit d’entreprendre d’autres échantillonnages et analyses en vue de détecter et de mesurer d’autres micro-organismes, leurs toxines ou métabolites, dans le cadre soit d’une vérification de procédé, pour les denrées alimentaires suspectées de présenter un danger, soit d’une analyse des risques.

[...] »

7

L’article 3, paragraphe 1, dudit règlement, intitulé « Exigences générales », impose aux exploitants du secteur alimentaire de veiller à ce que les denrées alimentaires respectent les critères microbiologiques pertinents établis à l’annexe I. Cette annexe contient un chapitre 1, intitulé « Critères de sécurité des denrées alimentaires », lequel, tel que modifié par le règlement (UE) 2019/229 de la Commission, du 7 février 2019 (JO 2019, L 37, p. 106), prévoit, à son point 1.28 :

« Catégorie de denrées alimentaires

Micro-organismes/ toxines, métabolites

Plan d’échantil-lonnage (1)

Limites (2)

Méthode d’analyse de référence (3)

Stade d’application du critère

N

c

m

M

1.28 Viandes fraîches de volaille (20)

Salmonella Typhimurium (21) Salmonella Enteritidis

5

0

Non détecté dans 25 g

EN ISO 6579-1 (recherche) – Schéma de White- Kaufmann-Le Minor (sérotypage)

Produits mis sur le marché pendant leur durée de conservation

[...]

(20) Ce critère est applicable aux viandes fraîches provenant de cheptels reproducteurs de Gallus gallus, de poules pondeuses, de poulets de chair, de cheptels reproducteurs de dindes et de cheptels de dindes d’engraissement. »

Le règlement no 1086/2011

8

Les considérants 9 et 10 du règlement no 1086/2011 sont libellés comme suit :

« (9)

Selon le rapport de synthèse communautaire sur les tendances et les sources des zoonoses, des agents zoonotiques et des foyers de toxi-infection alimentaire au sein de l’Union européenne en 2008 [The EFSA Journal (2010) ; 8(1) : 1496], publié par l’Autorité européenne de sécurité des aliments, environ 80 % des cas de salmonellose observés chez l’homme cette année-là étaient dus à Salmonella enteritidis et à Salmonella typhimurium, comme les années précédentes. Les viandes de volaille restent une source majeure de salmonellose humaine.

(10)

La fixation d’un critère pour Salmonella enteritidis et Salmonella typhimurium permettrait de concilier au mieux la réduction des cas de salmonellose humaine imputés à la consommation de viandes de volaille et la limitation des répercussions économiques de l’application du critère. Parallèlement, elle encouragerait les exploitants du secteur alimentaire à prendre, à des stades antérieurs de la production avicole, des mesures susceptibles de contribuer à la réduction de la prévalence de tous les sérotypes de salmonelles présentant un intérêt du point de vue de la santé publique. La concentration des efforts sur ces deux sérotypes serait par ailleurs conforme aux objectifs que l’Union s’est fixés en ce qui concerne la production primaire de volailles. »

Le litige au principal et la question préjudicielle

9

Le 19 octobre 2018, à la suite d’une notification d’alerte rapide indiquant que des micro-organismes pathogènes de l’espèce Salmonella Kentucky avaient été détectés dans des viandes fraîches de volaille en provenance de la Pologne, l’autorité lituanienne a procédé à un contrôle auprès de Romega. Au cours de ce contrôle, la présence de ce sérotype de salmonelle a été détectée dans les viandes fraîches de volaille que Romega avait mises sur le marché. Par ordonnance du 4 avril 2019, cette autorité lui a infligé une amende d’un montant de 540 euros pour violation, notamment, de l’article 14, paragraphe 1, et paragraphe 2, sous a) et b), du règlement no 178/2002.

10

Par décision du 12 avril 2019, l’autorité lituanienne, après avoir constaté la présence de Salmonella Infantis dans des viandes fraîches de volaille mises sur le marché par Romega, a interdit à cette dernière de continuer à mettre sur le marché de telles viandes et lui a enjoint de retirer et de détruire celles déjà mises sur le marché.

11

Romega a saisi le Vilniaus apygardos administracinis teismas (tribunal administratif régional de Vilnius, Lituanie) d’un recours tendant à l’annulation de l’ordonnance du 4 avril 2019 et de la décision du 12 avril 2019. Ce recours a été rejeté par jugement du 2 juillet 2019 dont Romega a interjeté appel devant la juridiction de renvoi. Elle fait valoir, en substance, que l’annexe I, chapitre I, point 1.28, du règlement no 2073/2005 n’interdit la présence, dans les viandes fraîches de volaille, que de la Salmonella Enteritidis et de la Salmonella Typhimurium. Selon Romega, la présence d’autres salmonelles, telles que la Salmonella Kentucky ou la Salmonella Infantis, dans ces viandes ne permet pas de les considérer comme des denrées alimentaires dangereuses, au sens de l’article 14, paragraphes 1 et 2, du règlement no 178/2002.

12

L’autorité lituanienne, pour sa part, estime que, dès lors que son pouvoir de veiller au respect des règles et des critères énoncés dans le règlement no 2073/2005 est, conformément à l’article 1er de ce règlement, sans préjudice de son droit d’entreprendre d’autres échantillonnages et analyses, elle est habilitée à vérifier, dans les viandes fraîches de volaille, la présence non seulement des sérotypes de salmonelle énumérés à l’annexe I, chapitre I, point 1.28, dudit règlement, mais aussi des sérotypes de salmonelle qui n’y figurent pas. L’absence, dans ces viandes, des sérotypes de salmonelle énumérés à ce point 1.28 ne permettrait pas de les considérer automatiquement comme étant sûres aux fins de la consommation humaine.

13

La juridiction de renvoi relève que, pour être conformes à l’annexe I, chapitre I, point 1.28, du règlement no 2073/2005, les viandes fraîches de volaille ne doivent présenter aucun des deux sérotypes de salmonelle qui y sont visés, à savoir la Salmonella Typhimurium et la Salmonella Enteritidis. Cependant, ce critère ayant été introduit par le règlement no 1086/2011, cette juridiction s’interroge, eu égard notamment à l’objectif, énoncé au considérant 10 de ce dernier règlement, de réduire les cas de salmonellose humaine causés par la consommation de viandes fraîches de volaille, sur la portée du pouvoir d’appréciation dont disposent les autorités compétentes pour contrôler la présence, dans ces viandes, de sérotypes de salmonelle autres que ceux énumérés à ce point 1.28 du règlement no 2073/2005 ou d’autres micro-organismes pathogènes.

14

À cet égard, la juridiction de renvoi fait observer, d’une part, que, si les critères établis à cette annexe ne s’appliquent qu’aux deux sérotypes de salmonelle, l’article 1er du règlement no 2073/2005 indique clairement que l’autorité compétente peut entreprendre d’autres échantillonnages et analyses en vue de détecter et de mesurer d’autres micro-organismes, leurs toxines ou métabolites, dans le cadre soit d’une vérification de procédé, pour les denrées alimentaires suspectées de présenter un danger, soit d’une analyse des risques. D’autre part, cette juridiction relève que l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 178/2002 interdit de mettre sur le marché des denrées alimentaires dangereuses, le paragraphe 8 de cet article attribuant un important pouvoir d’appréciation à cette fin aux autorités compétentes.

15

C’est dans ces conditions que le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Cour administrative suprême de Lituanie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’article 1er du règlement [no 2073/2005] et l’article 14, paragraphe 8, du règlement [no 178/2002] doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils confèrent aux autorités compétentes de l’État membre un pouvoir d’appréciation pour déclarer que de la viande fraîche de volaille, qui est conforme aux critères établis à l’annexe I, chapitre 1, point 1.28, du règlement no 2073/2005, n’est pas conforme aux critères établis à l’article 14, paragraphes 1 et 2, du règlement no 178/2002 lorsque les denrées alimentaires relevant de cette catégorie sont contaminées par des sérotypes de salmonelle autres que ceux qui sont indiqués à l’annexe I, chapitre 1, point 1.28, du règlement no 2073/2005, comme cela a été constaté dans l’affaire au principal ? »

Sur la question préjudicielle

16

Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1er du règlement no 2073/2005, lu en combinaison avec l’article 14, paragraphe 8, du règlement no 178/2002, doit être interprété en ce sens que l’autorité compétente d’un État membre peut traiter comme étant dangereuse, au sens de l’article 14, paragraphes 1 et 2, du règlement no 178/2002, la catégorie de denrées alimentaires consistant en des viandes fraîches de volaille dans lesquelles ont été détectés des micro-organismes pathogènes autres que les sérotypes de salmonelle visés à l’annexe I, chapitre 1, point 1.28, du règlement no 2073/2005.

17

Il importe de rappeler d’emblée que le règlement no 2073/2005 établit, conformément à son article 1er, « les critères microbiologiques applicables à certains micro-organismes » dans le secteur alimentaire et habilite l’autorité compétente non seulement à vérifier le respect de ces critères, mais aussi à « entreprendre d’autres échantillonnages et analyses en vue de détecter et de mesurer d’autres micro-organismes, leurs toxines ou métabolites, dans le cadre soit d’une vérification de procédé, pour les denrées alimentaires suspectées de présenter un danger, soit d’une analyse des risques ».

18

Il découle ainsi de cette disposition, lue à la lumière du considérant 3 du règlement no 2073/2005, que, si les critères microbiologiques que ce règlement établit ne s’appliquent qu’aux micro-organismes pathogènes qui sont énumérés à l’annexe I de ce règlement, l’autorité compétente n’est pas tenue de se limiter, lors des analyses des denrées alimentaires qu’elle effectue, au contrôle de la présence de ces seuls micro‑organismes.

19

En outre, si l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 2073/2005 impose une obligation aux exploitants du secteur alimentaire de veiller à ce que les denrées alimentaires respectent les critères microbiologiques établis à l’annexe I de ce règlement, cette obligation ne saurait empêcher les autorités compétentes de rechercher des micro-organismes pathogènes autres que ceux visés à cette annexe, conformément à l’objectif d’obtenir un niveau élevé de protection de la santé humaine, énoncé au considérant 1 dudit règlement. Comme la Commission européenne l’a souligné dans ses observations écrites, pour tenir compte des critères de sécurité des denrées alimentaires, établis au chapitre 1 de ladite annexe, les exploitants du secteur alimentaire doivent inclure, dans les procédures qu’ils appliquent, des contrôles systématiques de la contamination par certains micro-organismes, sans qu’une telle obligation signifie que seuls les micro-organismes pathogènes visés par lesdits critères sont dangereux pour la santé humaine.

20

Cette analyse est confirmée par le règlement no 178/2002, qui établit, conformément à son article 1er, paragraphe 1, les dispositions de base de la législation alimentaire de l’Union. L’article 14, paragraphe 8, de ce règlement prévoit expressément que « [l]a conformité d’une denrée alimentaire à des dispositions spécifiques applicables à cette denrée n’interdit pas aux autorités compétentes de prendre des mesures appropriées pour imposer des restrictions à sa mise sur le marché ou pour exiger son retrait du marché s’il existe des raisons de soupçonner que, malgré cette conformité, cette denrée alimentaire est dangereuse ».

21

Quant à l’article 14, paragraphes 1 et 2, du règlement no 178/2002, il en ressort que la mise sur le marché de toute denrée alimentaire dangereuse, c’est-à-dire préjudiciable à la santé ou impropre à la consommation humaine, doit être interdite (arrêt du 19 janvier 2017, Queisser Pharma, C‑282/15, EU:C:2017:26, point 44).

22

Dans ce contexte, l’article 14, paragraphe 7, de ce règlement précise que la qualification d’une denrée alimentaire de sûre en application de dispositions spécifiques du droit de l’Union régissant la sécurité des denrées alimentaires, comme celles du règlement no 2073/2005, ne vaut qu’« en ce qui concerne les aspects couverts par ces dispositions ».

23

L’article 14, paragraphes 1, 2, 7 et 8, du règlement no 178/2002 permet ainsi aux autorités nationales compétentes de prendre des mesures appropriées pour imposer des restrictions à la mise sur le marché ou pour exiger le retrait du marché des denrées alimentaires qui, malgré leur conformité à des dispositions spécifiques du droit de l’Union qui leur sont applicables, donnent à ces autorités des raisons objectives de soupçonner que ces denrées sont dangereuses. Cette disposition, compte tenu de son importance aux fins d’atteindre un niveau élevé de protection de la santé des personnes et des intérêts des consommateurs, conformément à l’article 1er, paragraphe 1, de ce règlement, doit faire l’objet d’une interprétation large.

24

Il s’ensuit que le règlement no 2073/2005 ne saurait être interprété en ce sens qu’il empêche l’autorité compétente, en présence d’une catégorie de denrées alimentaires, comme les viandes fraîches de volaille, qui se trouve dans les conditions décrites au point précédent du présent arrêt, d’adopter les mesures appropriées visées à l’article 14, paragraphe 8, du règlement no 178/2002.

25

À cet égard, il convient d’ajouter qu’il ressort du considérant 9 du règlement no 1086/2011 qu’environ 80 % des cas de salmonellose observés chez l’homme en 2008, tout comme dans les années précédentes, étaient dus à la Salmonella Enteritidis et à la Salmonella Typhimurium, et les viandes de volaille restent une source majeure de salmonellose humaine. Le considérant 10 de ce règlement précise néanmoins que la concentration des efforts sur ces deux sérotypes devrait, parallèlement, encourager les exploitants du secteur alimentaire à prendre, à des stades antérieurs de la production avicole, des mesures susceptibles de contribuer à la réduction de la prévalence de tous les sérotypes de salmonelles présentant un intérêt du point de vue de la santé publique.

26

Or, comme le soulignent, en substance, les gouvernements lituanien, tchèque et italien ainsi que la Commission, même si les sérotypes détectés, en l’occurrence, par l’autorité lituanienne dans la viande fraîche de volaille, à savoir la Salmonella Kentucky et/ou la Salmonella Infantis, semblent moins répandus que la Salmonella Typhimurium et la Salmonella Enteritidis, l’effet néfaste sur la santé des deux premiers sérotypes ne saurait, pour autant, être exclu.

27

Il appartient à la juridiction nationale compétente de vérifier, conformément à l’article 14, paragraphe 8, du règlement no 178/2002, tel qu’interprété au point 23 du présent arrêt, si la présence de ces sérotypes, qui ne sont pas mentionnés à l’annexe I, chapitre 1, point 1.28, du règlement no 2073/2005, permet de soupçonner que la viande fraîche de volaille en cause est dangereuse, au sens de l’article 14, paragraphes 2 à 5, du règlement no 178/2002, et de justifier les mesures adoptées par cette autorité en tant que « mesures appropriées » prises sur le fondement de la première disposition.

28

Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que l’article 1er du règlement no 2073/2005, lu en combinaison avec l’article 14, paragraphe 8, du règlement no 178/2002, doit être interprété en ce sens que l’autorité compétente d’un État membre peut traiter comme étant dangereuse, au sens de l’article 14, paragraphes 1 et 2, du règlement no 178/2002, la catégorie de denrées alimentaires consistant en des viandes fraîches de volaille dans lesquelles ont été détectés des micro-organismes pathogènes autres que les sérotypes de salmonelle visés à l’annexe I, chapitre 1, point 1.28, du règlement no 2073/2005.

Sur les dépens

29

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit :

 

L’article 1er du règlement (CE) no 2073/2005 de la Commission, du 15 novembre 2005, concernant les critères microbiologiques applicables aux denrées alimentaires, tel que modifié par le règlement (UE) no 1086/2011 de la Commission, du 27 octobre 2011, lu en combinaison avec l’article 14, paragraphe 8, du règlement (CE) no 178/2002 du Parlement européen et du Conseil, du 28 janvier 2002, établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l’Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires, doit être interprété en ce sens que l’autorité compétente d’un État membre peut traiter comme étant dangereuse, au sens de l’article 14, paragraphes 1 et 2, du règlement no 178/2002, la catégorie de denrées alimentaires consistant en des viandes fraîches de volaille dans lesquelles ont été détectés des micro-organismes pathogènes autres que les sérotypes de salmonelle visés à l’annexe I, chapitre 1, point 1.28, du règlement no 2073/2005, tel que modifié par le règlement no 1086/2011.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le lituanien.

Top