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Document 62020TO0472(01)
Order of the General Court (Eighth Chamber) of 26 April 2021.#Frédéric Jouvin v European Commission.#Case T-472/20 and T-472/20 AJ II.
Ordonnance du Tribunal (huitième chambre) du 26 avril 2021.
Frédéric Jouvin contre Commission européenne.
Recours en annulation – Concurrence – Ententes – Marché de la collecte, du suivi et de la distribution de colis – Décision de rejet d’une plainte – Recours manifestement dépourvu de tout fondement en droit – Demande d’aide juridictionnelle présentée ultérieurement à l’introduction d’un recours.
Affaire T-472/20 et T-472/20 AJ II.
Ordonnance du Tribunal (huitième chambre) du 26 avril 2021.
Frédéric Jouvin contre Commission européenne.
Recours en annulation – Concurrence – Ententes – Marché de la collecte, du suivi et de la distribution de colis – Décision de rejet d’une plainte – Recours manifestement dépourvu de tout fondement en droit – Demande d’aide juridictionnelle présentée ultérieurement à l’introduction d’un recours.
Affaire T-472/20 et T-472/20 AJ II.
ECLI identifier: ECLI:EU:T:2021:215
ORDONNANCE DU TRIBUNAL (huitième chambre)
26 avril 2021 (*)
« Recours en annulation – Concurrence – Ententes – Marché de la collecte, du suivi et de la distribution de colis – Décision de rejet d’une plainte – Recours manifestement dépourvu de tout fondement en droit – Demande d’aide juridictionnelle présentée ultérieurement à l’introduction d’un recours »
Dans l’affaire T‑472/20 et T-472/20 AJ II,
Frédéric Jouvin, demeurant à Clichy (France), représenté par Me L. Bôle-Richard, avocat,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée par Mme B. Ernst, M. A. Keidel et Mme A. Boitos, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2020) 3503 final de la Commission, du 28 mai 2020, rejetant la plainte introduite par le requérant concernant de prétendues infractions à l’article 101 TFUE,
LE TRIBUNAL (huitième chambre),
composé de MM. J. Svenningsen, président, C. Mac Eochaidh et Mme T. Pynnä (rapporteure), juges,
greffier : M. E. Coulon,
rend la présente
Ordonnance
Antécédents du litige
1 Le requérant, Frédéric Jouvin, a déposé des brevets relatifs à la collecte et à la distribution de colis dans plusieurs pays ainsi qu’au niveau de l’Union européenne le 27 juin 2001, et a présenté un projet dénommé Ripost, utilisant ces brevets, au groupe La Poste le 31 janvier 2003.
2 Le 12 mars 2017, le requérant a introduit une plainte concernant une infraction à l’article 102 TFUE de la part du groupe La Poste. Ce groupe, qui fournit des services postaux en France, contreferait les brevets du requérant relatifs à la collecte et à la distribution de colis.
3 Dans une lettre du 31 mars 2017, la Commission a indiqué en substance que le comportement du groupe La Poste, à supposer qu’il soit avéré, semblerait constituer une contrefaçon de brevets plutôt qu’un abus de position dominante au titre de l’article 102 TFUE et que, pour cette raison, le courrier du requérant ne ferait pas l’objet d’un examen plus approfondi de sa part.
4 Le 4 octobre 2017, le requérant a adressé à la Commission une lettre reformulant sa plainte sur le fondement de l’article 101 TFUE, visant un cartel transnational composé d’opérateurs postaux, de fabricants de machines et de logiciels à affranchir et d’équipements de tri postal, des clients de commerce électronique tel qu’Amazon et d’organismes internationaux de normalisation (ci-après le « cartel »).
5 Une conférence téléphonique avec la Commission a eu lieu le 29 novembre 2017.
6 Les 1er, 12 et 13 décembre 2017, 22 janvier, 15 mai et 20 novembre 2018 et le 22 février 2019, le requérant a adressé à la Commission des lettres dans lesquelles il indiquait travailler à une troisième version de sa plainte.
7 Le 5 avril 2019, le requérant a adressé à la Commission une lettre fournissant de nouveaux éléments.
8 Par une lettre du 30 juillet 2019, la Commission a informé le requérant qu’il n’existait pas de motifs suffisants pour donner suite à sa plainte.
9 Le 14 septembre 2019, le requérant a adressé à la Commission des observations modifiant la portée de sa plainte, indiquant abandonner ses allégations relatives à des abus de position dominante de la part du groupe La Poste, d’Amazon et de certains opérateurs postaux, et ne maintenir que les allégations d’infraction à l’article 101 TFUE.
10 La plainte comprenait quatre allégations d’infraction à l’article 101 TFUE, à savoir la contrefaçon criminelle envers l’ensemble des brevets du requérant ; la rupture abusive de négociation par les entreprises du cartel, auxquelles le requérant a tenté en vain de concéder des licences d’exploitation de ses brevets ; le boycott collectif de ses brevets au travers d’actions concertées de contrefaçon criminelle, de ruptures abusives de négociations et d’autres actions concertées illégales et, enfin, l’établissement de normes par des organismes internationaux qui contreferaient les brevets du requérant.
11 Le 28 mai 2020, la Commission a adopté la décision C(2020) 3503 final, rejetant la plainte du requérant (ci-après la « décision attaquée »).
12 Selon la décision attaquée, le rejet de la plainte était dû au fait que la probabilité d’établir l’existence d’une infraction au droit de l’Union en matière de concurrence semblait limitée en l’espèce. Cette conclusion était fondée sur deux considérations principales. La Commission a estimé que le problème soulevé n’était pas un problème du ressort du droit de la concurrence. Par ailleurs, les informations apportées ne lui auraient pas permis d’inférer ou même de fonder des soupçons raisonnables à propos d’une collusion entre les entreprises visées.
Procédure et conclusions des parties
13 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 juillet 2020, le requérant a introduit une demande d’aide juridictionnelle, en application de l’article 147 du règlement de procédure du Tribunal, en vue d’introduire un recours tendant à l’annulation de la décision attaquée.
14 Dans ses observations sur cette première demande d’aide juridictionnelle, déposées au greffe du Tribunal le 28 août 2020, conformément à l’article 148, paragraphe 1, du règlement de procédure, la Commission a avancé que le recours envisagé par le requérant apparaissait manifestement dépourvu de tout fondement en droit.
15 Par ordonnance du 30 septembre 2020, le président du Tribunal a rejeté cette première demande d’aide juridictionnelle au motif que l’action que le requérant envisageait d’introduire n’avait pas été exposée d’une manière cohérente et compréhensible dans le formulaire de demande d’aide juridictionnelle et qu’il était dès lors impossible d’en apprécier la recevabilité et le bien-fondé.
16 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 octobre 2020, le requérant a introduit le présent recours.
17 Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le même jour, le requérant a introduit une nouvelle demande d’aide juridictionnelle.
18 La Commission a déposé ses observations sur cette seconde demande d’aide juridictionnelle le 1er février 2021.
19 Le 26 mars 2021, la Commission a produit le mémoire en défense.
20 Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– renvoyer le dossier à la Commission ;
– condamner la Commission aux dépens.
21 Dans ses observations sur la seconde demande d’aide juridictionnelle, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter ladite demande, au motif que le recours introduit par le requérant apparaît manifestement dépourvu de tout fondement en droit.
En droit
Sur le recours en annulation
22 En vertu de l’article 126 du règlement de procédure, lorsqu’un recours est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sur proposition du juge rapporteur, à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.
23 En l’espèce, le Tribunal, s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier, décide de statuer sans poursuivre la procédure.
24 À l’appui de son recours, le requérant soulève cinq moyens tirés, respectivement, de l’appréciation manifestement erronée de l’intérêt de l’Union de la part de la Commission ; du défaut d’examen diligent et impartial de sa plainte par la Commission ; du détournement de pouvoir dont se serait rendue coupable la Commission en se trouvant en situation de conflit d’intérêts et en usant de manœuvres dilatoires à l’encontre du requérant et de ses prétentions ; d’une erreur de droit résultant du défaut de constatation par la Commission d’une discrimination à l’accès au processus d’élaboration des normes ainsi qu’au résultat et aux comptes rendus de ces processus et, enfin, d’une erreur de droit résultant du défaut de constatation par la Commission d’une violation de l’article 101, paragraphe 1, TFUE.
Sur le premier moyen, tiré de l’appréciation manifestement erronée de l’intérêt de l’Union de la part de la Commission
25 Selon le requérant, la Commission n’aurait pas pris la mesure de l’importance et de la gravité de l’infraction alléguée aux règles de la concurrence en tant que critères d’appréciation de l’intérêt de l’Union.
26 L’infraction alléguée, constituée par le fait que les opérateurs postaux et les entreprises de fabrication de machines à affranchir et de colisage automatisé auraient développé leurs propres normes internes reprenant le procédé breveté du requérant et qui constitueraient une norme sectorielle de fait, concernerait en effet un nombre très important de contrefacteurs allégués.
27 En outre, l’exploitation frauduleuse du portefeuille de brevets du requérant aurait permis aux e-commerçants ainsi qu’aux opérateurs postaux et logistiques d’utiliser l’invention en question sans répartir son utilisation, ses avantages et les bénéfices qui en découlent sur l’ensemble du marché concerné. La technologie ne serait en effet pas accessible directement au grand public au guichet, mais resterait réservée aux e-commerçants.
28 Pour apprécier l’intérêt de l’Union à sa juste mesure et déterminer le degré de priorité à accorder à la plainte du requérant, la Commission aurait dû procéder à des mesures d’investigation qui l’auraient conduite à établir sans aucun doute possible l’existence de l’infraction alléguée par le requérant et à poursuivre les contrefacteurs allégués.
29 La Commission conteste l’argumentation du requérant.
30 Il y a lieu de rappeler tout d’abord que ni le règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 et 102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), ni le règlement (CE) no 773/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles [101 et 102 TFUE] (JO 2004, L 123, p. 18), ne contiennent de dispositions expresses concernant la suite à réserver, au fond, à une plainte et les obligations d’investigation éventuelles de la Commission en ce qui concerne l’instruction de celle-ci. Sur ce point, il y a lieu de relever que la Commission n’a pas l’obligation d’engager des procédures visant à établir d’éventuelles violations du droit de l’Union et que, parmi les droits conférés aux plaignants par lesdits règlements, ne figure pas celui d’obtenir une décision définitive quant à l’existence ou non de l’infraction alléguée (voir, en ce sens, arrêts du 4 mars 1999, Ufex e.a./Commission, C‑119/97 P, EU:C:1999:116, point 87 ; du 19 septembre 2013, EFIM/Commission, C‑56/12 P, non publié, EU:C:2013:575, point 57 et jurisprudence citée, et du 12 mai 2010, EMC Development/Commission, T‑432/05, EU:T:2010:189, point 57 et jurisprudence citée).
31 De plus, il est inhérent à la procédure des plaintes que la charge de la preuve de l’infraction alléguée revient au plaignant, alors que la Commission, appelée à définir et à mettre en œuvre la politique de l’Union en matière de concurrence, dispose d’un pouvoir discrétionnaire au regard de leur traitement et est en droit d’accorder auxdites plaintes des degrés de priorité différents (voir, en ce sens, arrêts du 4 mars 1999, Ufex e.a./Commission, C‑119/97 P, EU:C:1999:116, point 88, et du 19 septembre 2013, EFIM/Commission, C‑56/12 P, non publié, EU:C:2013:575, point 72 et jurisprudence citée).
32 C’est sur la base de ces principes que la jurisprudence a reconnu que, si la Commission n’a pas l’obligation de se prononcer sur l’existence ou non d’une infraction, elle ne saurait être contrainte de mener une instruction, puisque cette dernière ne pourrait avoir d’autre objet que de rechercher les éléments de preuve relatifs à l’existence ou non d’une infraction qu’elle n’est pas tenue de constater (voir arrêt du 12 mai 2010, EMC Development/Commission, T‑432/05, EU:T:2010:189, point 58 et jurisprudence citée).
33 Toutefois, si la Commission ne saurait être tenue de mener une instruction, elle est néanmoins tenue, selon une jurisprudence constante de la Cour, d’examiner attentivement les éléments de fait et de droit portés à sa connaissance par le plaignant, en vue d’apprécier si lesdits éléments font apparaître un comportement de nature à fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur et à affecter le commerce entre États membres (voir, en ce sens, arrêts du 4 mars 1999, Ufex e.a./Commission, C‑119/97 P, EU:C:1999:116, point 86, et du 19 septembre 2013, EFIM/Commission, C‑56/12 P, non publié, EU:C:2013:575, point 57 et jurisprudence citée).
34 Ainsi, la Commission a pour seule obligation d’examiner les éléments de fait et de droit portés à sa connaissance par le plaignant (voir, en ce sens, arrêt du 12 mai 2010, EMC Development/Commission, T‑432/05, EU:T:2010:189, point 59 et jurisprudence citée). Il en découle qu’il ne saurait lui être reproché, dans le cadre d’un recours formé contre une décision de rejet d’une plainte en matière de concurrence, de ne pas avoir pris en considération un élément qui n’a pas été porté à sa connaissance par le plaignant et dont elle n’aurait pu découvrir l’existence qu’en engageant une enquête (voir, en ce sens, arrêt du 4 mars 2003, FENIN/Commission, T‑319/99, EU:T:2003:50, point 43).
35 En l’espèce, le requérant fait valoir que l’infraction alléguée, constituée par le fait que les opérateurs postaux et les entreprises de fabrication de machines à affranchir et de colisage automatisé auraient développé leurs propres normes internes reprenant le procédé breveté du requérant et qui constitueraient une norme sectorielle de fait, concernerait un nombre très important de contrefacteurs allégués.
36 À cet égard, il convient de noter que la Commission a indiqué, aux considérants 36, 40, 43 et 46 de la décision attaquée, que les informations apportées par le requérant ne lui permettent pas d’inférer ou même de fonder des soupçons raisonnables à propos d’une collusion entre les entreprises visées par sa plainte. Elle a également estimé en substance, aux considérants 36, 39 et 46 de la décision attaquée, que les comportements dénoncés ressortiraient du droit de la propriété intellectuelle et non pas du droit de la concurrence, en ce sens que les droits de propriété intellectuelle du requérant n’auraient pas été pris en compte lors de l’établissement de ladite norme. C’est notamment par cette raison que la Commission a motivé sa conclusion selon laquelle la probabilité d’établir l’existence d’une infraction au droit de l’Union en matière de concurrence semblait limitée en l’espèce et, ainsi, motivé son refus de poursuivre l’examen de la plainte du requérant.
37 Partant et à défaut pour le requérant d’avoir établi que cette conclusion procédait d’une erreur manifeste d’appréciation de la part de la Commission, c’est à bon droit que celle-ci a constaté l’absence d’intérêt suffisant de l’Union à poursuivre l’examen des faits dénoncés par le requérant.
38 Le fait allégué par le requérant selon lequel la pratique dénoncée concernerait un nombre très important de contrefacteurs allégués ne saurait infirmer cette conclusion, à défaut pour celui-ci d’avoir démontré que cet élément, à le supposer avéré, remettrait en cause le constat effectué par la Commission quant à l’absence de preuve d’une collusion entre les entreprises visées par sa plainte ou quant au fait que les comportements dénoncés ressortiraient avant tout du droit de la propriété intellectuelle.
39 Partant, ce grief doit être rejeté comme étant manifestement non fondé.
40 Le requérant fait encore valoir que les opérateurs postaux se seraient réparti le marché concerné en choisissant de ne pas proposer la technologie brevetée au public au guichet, mais uniquement aux e-commerçants.
41 À cet égard, il convient de noter qu’il ressort des lettres du requérant des 4 octobre 2017 et 14 septembre 2019 ainsi que des considérants 12 et 24 de la décision attaquée que les arguments du requérant concernant un partage de marchés n’ont pas été soulevés lors de la procédure administrative.
42 Dès lors, conformément à la jurisprudence rappelée au point 34 ci-dessus, il ne peut être reproché à la Commission de ne pas avoir analysé ces arguments dans la décision attaquée.
43 Enfin, le requérant ne saurait valablement se prévaloir du fait que, pour apprécier l’intérêt de l’Union à sa juste mesure et déterminer le degré de priorité à accorder à sa plainte, la Commission aurait dû procéder à des mesures d’investigation qui l’auraient conduite à établir sans aucun doute possible l’existence de l’infraction alléguée par le requérant et à poursuivre les contrefacteurs allégués.
44 À cet égard, il suffit de rappeler que, conformément à la jurisprudence mentionnée aux points 31 à 34 ci-dessus, la charge de la preuve de l’infraction alléguée revient au plaignant, que la Commission ne saurait être contrainte de mener une instruction et qu’elle a pour seule obligation d’examiner les éléments de fait et de droit portés à sa connaissance par le plaignant, éléments de fait dont il a été précédemment constaté qu’ils n’étaient pas de nature à justifier l’ouverture d’une enquête par la Commission.
45 Ce grief et, partant, le premier moyen dans son ensemble, doivent donc être rejetés comme étant manifestement non fondés.
Sur le deuxième moyen, tiré du défaut d’examen diligent et impartial de la plainte du requérant par la Commission
46 Selon le requérant, la Commission aurait procédé à une présentation partiale de l’affaire et de sa chronologie en faisant référence, au considérant 10 de la décision attaquée, à des allégations abandonnées depuis lors par le requérant, relatives à l’existence d’un abus de position dominante.
47 Par ailleurs, la Commission aurait délivré des conseils juridiques inappropriés au requérant, car matériellement impossibles à mettre en œuvre tout en précisant, dans la décision attaquée, qu’il ne lui appartenait pas de fournir des conseils juridiques approfondis.
48 Enfin, le libellé de la décision attaquée laisserait apparaître que la Commission n’aurait jamais pris le soin d’analyser sérieusement les allégations du requérant, ni d’examiner les faits portés à sa connaissance.
49 La Commission conteste l’argumentation du requérant.
50 En ce qui concerne le premier grief, relatif à la présentation partiale de l’affaire et de sa chronologie dans la décision attaquée, il convient de relever que, aux considérants 2 à 29 de cette décision, la Commission a retracé l’historique de la plainte du requérant. Aux considérants 9 et 10 de ladite décision, la Commission a ainsi évoqué l’allégation du requérant relative à un abus de position dominante de la part du groupe La Poste, tout en précisant, aux considérants 11, 23 et 34 de cette décision, que cette allégation avait ensuite été abandonnée par le requérant.
51 Aux considérants 33 à 48 de la décision attaquée, la Commission a procédé à l’évaluation de la plainte, sans examiner l’allégation relative à l’existence d’un abus de position dominante, celle-ci ayant été abandonnée par le requérant.
52 Le requérant ne démontre pas en quoi le fait pour la Commission de retracer de manière chronologique, dans la décision attaquée, les différentes étapes de la procédure administrative, et notamment les reformulations successives de sa plainte par le requérant, que ce dernier ne conteste pas, serait une marque de partialité.
53 Partant, ce grief doit être rejeté comme étant manifestement non fondé.
54 Par le deuxième grief, le requérant reproche, en substance, à la Commission de ne pas lui avoir fourni davantage de conseils juridiques, tout en faisant valoir que les conseils qu’elle lui aurait fournis auraient été inappropriés.
55 Il convient de relever à cet égard que, dans sa lettre du 14 septembre 2019, le requérant avait pourtant « [pris] bonne note que la Commission n’[était] pas soumise au devoir de conseil auprès des plaignants » et déclaré être « parfaitement conscien[t] que la Commission n’avait aucune obligation réglementaire de [le] conseiller », mais noté qu’il « [aurait] apprécié, compte tenu de l’asymétrie extrême de moyens entre [le requérant] et ce cartel dans sa globalité, de pouvoir bénéficier d’un peu plus de conseils et de soutien moral et opérationnel de la part de la DG COMP par le passé, même si cette administration n’[était] pas tenue officiellement de le faire ».
56 Or, comme le requérant l’a lui-même reconnu lors de la procédure administrative, et ainsi que la Commission l’a fait valoir au considérant 47 de la décision attaquée, cette dernière ne peut faire fonction de conseil juridique auprès du plaignant, son rôle étant de se prononcer sur la plainte de ce dernier.
57 En effet, le système des plaintes prévu à l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 est conçu uniquement pour faciliter la détection des infractions aux règles de concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2013, EFIM/Commission, C‑56/12 P, non publié, EU:C:2013:575, point 71).
58 Il en découle que le requérant ne saurait faire grief à la Commission de ne pas lui avoir fourni, dans la décision attaquée, suffisamment de conseils juridiques aux fins de la défense de ses intérêts.
59 Pour la même raison, il convient de constater qu’est inopérante la critique du requérant tenant au caractère inapproprié des conseils généraux de la Commission l’orientant plutôt vers les possibilités offertes par le droit de la propriété intellectuelle.
60 Partant, ce grief doit être rejeté comme étant manifestement non fondé.
61 Par le troisième grief, le requérant fait valoir que l’utilisation du conditionnel pour faire référence aux allégations du requérant dans la décision attaquée démontrerait un défaut d’analyse sérieuse des allégations de ce dernier par la Commission ainsi qu’un défaut d’examen des faits portés à sa connaissance.
62 Le fait que la Commission ait utilisé le conditionnel pour se référer, par exemple, à l’allégation du requérant selon laquelle « certaines entreprises auraient enfreint l’article 101 TFUE en ne déclarant pas […] l’existence de [se]s brevets avant le début des travaux de normalisation auxquelles elles participaient » (considérant 38 de la décision attaquée) ne saurait, à lui seul, permettre d’établir un quelconque défaut d’analyse des allégations ou des faits portés à sa connaissance.
63 En effet, l’emploi, dans la décision attaquée, de verbes au mode conditionnel ou de formules telles que « à supposer que » ou « vous alléguez que » en ce qui concerne les faits dénoncés constituent des conventions de rédaction, communément admises, destinées à permettre à la Commission de rapporter des faits portés à sa connaissance par des plaignants, sans préjuger de leur fondement.
64 Ce grief et, partant, le deuxième moyen dans son ensemble, doivent donc être rejetés comme étant manifestement non fondés.
Sur le troisième moyen, tiré du détournement de pouvoir dont se serait rendue coupable la Commission
65 Le requérant fait valoir que la Commission se trouverait dans une situation de conflit d’intérêts, dans la mesure, premièrement, où elle aurait conclu un contrat d’hébergement de sa structure informatique sur le cloud de la société Amazon, contrefacteur allégué du portefeuille de brevets du requérant.
66 Deuxièmement, la Commission aurait financé le projet Mobypost, présenté par un consortium comprenant le groupe La Poste en 2009, alors que ledit groupe serait un contrefacteur allégué du portefeuille de brevets du requérant et que la marque MOBIPOST appartiendrait à ce dernier.
67 Selon le requérant, la Commission aurait par ailleurs usé de manœuvres dilatoires à son égard, lesquelles porteraient à croire qu’elle n’aurait pas mis en œuvre l’ensemble des moyens à sa disposition, ni mené les investigations nécessaires pour examiner sérieusement les faits portés à sa connaissance par lui.
68 La Commission conteste l’argumentation du requérant.
69 En ce qui concerne le grief relatif à la situation de conflit d’intérêts dans laquelle se trouverait la Commission à l’égard, d’une part, de la société Amazon avec laquelle elle aurait conclu des contrats d’hébergement de sa structure informatique et, d’autre part, du groupe La Poste qui aurait bénéficié de financements de projets de la part de la Commission, il doit être écarté.
70 Le fait que la Commission, dans le cadre de ses activité courantes, ait conclu des contrats de prestation de services avec une société, ou ait accordé une subvention à une autre société et que ces sociétés aient ensuite été visées par une plainte adressée à la Commission ne permet pas, à lui seul, de conclure que cette institution a commis un détournement de pouvoir lorsqu’elle a rejeté cette plainte.
71 Or, comme le requérant ne fournit aucune preuve autre que les éléments rappelés au point 69 ci-dessus au soutien de son allégation de détournement de pouvoir par la Commission, celle-ci ne peut qu’être rejetée.
72 Partant, ce grief doit être rejeté comme étant manifestement non fondé.
73 En ce qui concerne le grief relatif aux manœuvres dilatoires dont se serait rendue coupable la Commission, le requérant fait valoir, en substance, que la Commission n’aurait pas répondu à tous ses courriers et aurait tardé à répondre à sa plainte. Or, il ressort des points 2 à 11 ci-dessus que la Commission a veillé à répondre, par écrit ou oralement, à chacun des courriers du requérant auxquels elle était tenue de répondre conformément à l’article 7, paragraphes 1 et 2, du règlement no 773/2004.
74 En ce que le requérant fait valoir, en particulier, que la Commission aurait omis de répondre par écrit à son courrier du 4 octobre 2017, il convient de noter que le requérant a reconnu avoir néanmoins reçu une réponse orale de la Commission, en indiquant, dans sa lettre du 22 février 2019, « pouvo[ir] seulement considérer notre conférence téléphonique […] en date du 2[9]/11/2017, après le second dépôt, comme la seule réponse négative officielle et argumentée de [la] DG COMP/F1 pour ne pas donner suite à ce nouveau dépôt ».
75 Par ailleurs, il ne ressort aucunement de la chronologie de la procédure ayant abouti à l’adoption de la décision attaquée que la Commission aurait usé de manœuvres dilatoires à l’encontre du requérant. De plus, cette procédure n’a pas été particulièrement longue au regard notamment des multiples courriers du requérant (accompagnés de nombreuses annexes), de ses multiples corrections, clarifications et demandes de prolongation de délais et des changements successifs de la portée de sa plainte.
76 Ce grief et, partant, le troisième moyen dans son ensemble, doivent donc être rejetés comme étant manifestement non fondés.
Sur les quatrième et cinquième moyens, tirés du défaut de constatation par la Commission, respectivement, d’une discrimination à l’accès au processus d’élaboration des normes ainsi qu’au résultat et aux comptes rendus de ces processus et d’une violation de l’article 101, paragraphe 1, TFUE
77 Par son quatrième moyen, le requérant fait valoir qu’il aurait été empêché d’accéder au processus de normalisation aussi bien auprès de l’organisme de normalisation Global Standards 1 (ci-après « GS 1 ») et de l’Organisation internationale de normalisation, qu’auprès des opérateurs postaux ou logistiques et des entreprises ayant développé leur propre norme sectorielle de fait fondée sur le procédé breveté par lui.
78 Ce faisant, les contrefacteurs allégués auraient violé leurs obligations résultant des lignes directrices de la Commission sur l’applicabilité de l’article 101 TFUE aux accords de coopération horizontale (JO 2011, C 11, p. 1) ainsi que leur propre réglementation interne concernant l’obligation de divulgation de droits de propriété industrielle appartenant à des tiers non membres.
79 Enfin, la discrimination dont aurait fait l’objet le requérant se traduirait également par l’absence de bonne foi et de bonne volonté des organismes de normalisation et de leurs membres, contrefacteurs allégués, dans la négociation de licences FRAND (fair, reasonable, and non-discriminatory) avec lui pour l’utilisation de son portefeuille de brevets.
80 Par son cinquième moyen, le requérant fait valoir que, au sein du marché de l’envoi et du suivi de colis dans l’Union, les contrefacteurs allégués auraient procédé à des discussions anticoncurrentielles, une exclusion anticoncurrentielle et lui auraient refusé l’accès au résultat du processus de normalisation, tout en rendant sa participation à ce dernier inutile.
81 Ces accords de coopération horizontale seraient en conséquence incompatibles avec l’article 101, paragraphe 1, TFUE, contrairement à ce qui serait avancé dans la décision attaquée.
82 La Commission conteste l’argumentation du requérant.
83 Par ses quatrième et cinquième moyens, le requérant développe sa théorie du caractère anticoncurrentiel de l’accord de normalisation GS 1 et du comportement de ses membres, sans soulever aucun argument visant spécifiquement la décision attaquée.
84 En outre, les arguments du requérant sont en grande partie nouveaux par rapport à ceux fournis lors de la procédure administrative dans sa lettre du 14 septembre 2019, auxquels la Commission a répondu aux considérants 38 et suivants de la décision attaquée. La Commission a conclu, respectivement aux considérants 40 et 43 de la décision attaquée, d’une part, que « les informations [apportées] ne [lui] permett[aient] pas d’inférer ou même de fonder des soupçons raisonnables à propos d’une collusion entre les entreprises [visées] » et, d’autre part, que, « même à supposer qu’il soit avéré que les règles de fonctionnement de GS 1 constitueraient un accord de normalisation risquant de créer un pouvoir de marché et ne respecteraient pas les conditions décrites aux points 270 à 286 des lignes directrices, [le requérant] n’indiqu[e] pas en quoi les règles de fonctionnement auraient pour effet de restreindre la concurrence ».
85 Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le contrôle juridictionnel des décisions de rejet de plainte ne doit pas conduire le Tribunal à substituer son appréciation de l’intérêt de l’Union à celle de la Commission, mais vise à vérifier que la décision litigieuse ne repose pas sur des faits matériellement inexacts et qu’elle n’est entachée d’aucune erreur de droit, ni d’aucune erreur manifeste d’appréciation ou de détournement de pouvoir (voir arrêt du 11 janvier 2017, Topps Europe/Commission, T‑699/14, non publié, EU:T:2017:2, point 66 et jurisprudence citée).
86 En l’espèce, comme la Commission l’a fait valoir à juste titre, il n’incombe donc pas au Tribunal d’examiner directement la question de savoir si l’accord de normalisation GS 1 et le comportement de ses membres sont anticoncurrentiels, mais de déterminer si la position exposée aux considérants 38 et suivants de la décision attaquée, en réponse aux arguments fournis par le requérant lors de la procédure administrative, est entachée d’une erreur de droit, d’une erreur manifeste d’appréciation ou d’un détournement de pouvoir.
87 Or, par les quatrième et cinquième moyens, le requérant demande en substance au Tribunal de constater une infraction aux règles de la concurrence, sans soulever aucun argument visant à démontrer que la décision attaquée serait entachée d’une erreur de droit, d’une erreur manifeste d’appréciation ou d’un détournement de pouvoir.
88 Les quatrième et cinquième moyens doivent donc être rejetés comme étant manifestement non fondés.
89 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le présent recours doit être rejeté comme étant manifestement dépourvu de tout fondement en droit.
Sur la seconde demande d’aide juridictionnelle
90 Aux termes de l’article 146, paragraphes 1 et 2, du règlement de procédure, l’octroi de l’aide juridictionnelle est subordonné à la double condition que, d’une part, le requérant soit, en raison de sa situation économique, dans l’incapacité totale ou partielle de faire face aux frais liés à l’assistance et à la représentation en justice devant le Tribunal et que, d’autre part, son action ne paraisse pas manifestement irrecevable ou manifestement dépourvue de tout fondement en droit.
91 En l’occurrence, dès lors que le présent recours est manifestement dépourvu de tout fondement en droit, la seconde demande d’aide juridictionnelle doit être rejetée, conformément à l’article 146, paragraphe 2, du règlement de procédure.
Sur les dépens
92 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (huitième chambre)
ordonne :
1) Le recours est rejeté comme manifestement dépourvu de tout fondement en droit.
2) La demande d’aide juridictionnelle est rejetée.
3) M. Frédéric Jouvin est condamné aux dépens.
Fait à Luxembourg, le 26 avril 2021.
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Le greffier |
Le président |
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E. Coulon |
J. Svenningsen |
* Langue de procédure : le français.