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Document 62020CC0003

Conclusions de l'avocat général Mme J. Kokott, présentées le 29 avril 2021.
Procédure pénale contre AB e.a.
Demande de décision préjudicielle, introduite par la Rīgas rajona tiesa.
Renvoi préjudiciel – Protocole (no 7) sur les privilèges et immunités de l’Union européenne – Membre d’un organe de la Banque centrale européenne – Gouverneur d’une banque centrale nationale d’un État membre – Immunité de juridiction pénale – Inculpation liée aux activités exercées dans le cadre de la fonction au sein de l’État membre.
Affaire C-3/20.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2021:344

 CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME JULIANE KOKOTT

du 29 avril 2021 ( 1 )

Affaire C‑3/20

LR Ģenerālprokuratūras Krimināltiesiskā departamenta Sevišķi svarīgu lietu izmeklēšanas nodaļa

contre

AB,

CE

et

MM investīcijas SIA

[demande de décision préjudicielle formée par la Rīgas rajona tiesa (tribunal de district de Riga, Lettonie)]

« Renvoi préjudiciel – Article 343 TFUE – Statuts du Système européen de banques centrales (SEBC) et de la Banque centrale européenne (BCE) – Article 39 – Protocole sur les privilèges et immunités de l’Union européenne – Article 22, premier alinéa – Membre d’un organe de décision de la BCE – Gouverneur de la banque centrale d’un État membre – Article 11, sous a) – Immunité de juridiction – Validité après la cessation des fonctions – Actes du personnel de l’Union en sa qualité officielle – Immunité fonctionnelle – Article 130 TFUE – Indépendance de la BCE, du SEBC et des banques centrales des États membres – Article 18 – Accord commun – Article 4, paragraphe 3, TUE – Principe de coopération loyale – Article 17 – Levée de l’immunité par la BCE – Intérêts de l’Union – Immunité face aux procédures judiciaires au principal – Immunité face aux mesures de contraintes publiques »

I. Introduction

1.

Le gouverneur d’une banque centrale nationale, qui est dans le même temps membre du conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE), peut-il faire l’objet de poursuites pénales au niveau national ou une immunité résultant du droit de l’Union y fait-elle obstacle ? Cette question se pose dans la présente procédure préjudicielle qui trouve son origine dans une procédure pénale engagée en Lettonie à l’encontre de l’ancien gouverneur de la banque centrale lettonne pour corruption et blanchiment d’argent en lien avec une procédure en matière de surveillance prudentielle visant une banque lettonne.

2.

En vertu de l’article 11, sous a), du protocole (no 7) sur les privilèges et immunités de l’Union européenne (ci-après le « protocole sur les privilèges et immunités de l’Union ») ( 2 ), les fonctionnaires et autres agents de l’Union jouissent sur le territoire de tous les États membres de l’immunité de juridiction pour les actes qu’ils ont accomplis en leur qualité officielle. La présente affaire offre à la Cour l’opportunité de préciser la portée de cette immunité.

3.

La première particularité de cette affaire réside dans le fait que les gouverneurs des banques centrales des États membres sont certes des autorités nationales, mais que, dans le même temps, en tant que membres du conseil des gouverneurs de la BCE, ils déterminent la politique monétaire de la zone euro dans le cadre du Système européen de banques centrales (SEBC) et assument aussi en cette qualité, depuis la création de l’union bancaire, des missions de surveillance prudentielle en vertu du règlement (UE) no 1024/2013 ( 3 ). Afin de déterminer si le gouverneur de la banque centrale poursuivi jouit de l’immunité en vertu du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union, ces différentes fonctions doivent être clairement distinguées les unes des autres.

4.

Il convient en outre de préciser le rôle que joue, eu égard à la légalité de mesures de poursuites pénales à l’égard d’un ancien gouverneur de banque centrale comme le prévenu dans la procédure au principal, le fait que la BCE, les banques centrales nationales et les membres de leurs organes de décision assument leurs fonctions, en vertu de l’article 130 TFUE, en parfaite indépendance. Il faut en définitive trouver dans la présente affaire un juste équilibre entre les intérêts des États membres aux poursuites pénales et l’intérêt de l’Union au bon fonctionnement de ses institutions.

II. Le cadre juridique

A.   Le droit de l’Union

1. Le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE)

5.

La direction du SEBC est réglée à l’article 129, paragraphe 1, TFUE :

« Le SEBC est dirigé par les organes de décision de la Banque centrale européenne, qui sont le conseil des gouverneurs et le directoire. »

6.

L’article 130 TFUE régit l’indépendance de la BCE, du SEBC et des banques centrales des États membres :

« Dans l’exercice des pouvoirs et dans l’accomplissement des missions et des devoirs qui leur ont été conférés par les traités et les statuts du SEBC et de la BCE, ni la Banque centrale européenne, ni une banque centrale nationale, ni un membre quelconque de leurs organes de décision ne peuvent solliciter ni accepter des instructions des institutions, organes ou organismes de l’Union, des gouvernements des États membres ou de tout autre organisme. Les institutions, organes ou organismes de l’Union ainsi que les gouvernements des États membres s’engagent à respecter ce principe et à ne pas chercher à influencer les membres des organes de décision de la Banque centrale européenne ou des banques centrales nationales dans l’accomplissement de leurs missions. »

7.

L’article 282, paragraphe 1, TFUE définit le SEBC :

« La Banque centrale européenne et les banques centrales nationales constituent le Système européen de banques centrales (SEBC). La Banque centrale européenne et les banques centrales nationales des États membres dont la monnaie est l’euro, qui constituent l’Eurosystème, conduisent la politique monétaire de l’Union. »

8.

L’article 283, paragraphe 1, TFUE détermine qui est membre du conseil des gouverneurs de la BCE :

« Le conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne se compose des membres du directoire de la Banque centrale européenne et des gouverneurs des banques centrales nationales des États membres dont la monnaie est l’euro. »

9.

L’article 343 TFUE est la disposition de base relative aux privilèges et immunités de l’Union :

« L’Union jouit sur le territoire des États membres des privilèges et immunités nécessaires à l’accomplissement de sa mission dans les conditions définies au protocole du 8 avril 1965 sur les privilèges et immunités de l’Union européenne. Il en est de même de la Banque centrale européenne et de la Banque européenne d’investissement. »

2. Les statuts du SEBC et de la BCE

10.

Le protocole (no 4) sur les statuts du Système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne ( 4 ) régit en son article 12.1 les missions des organes de décision de la BCE :

« Le conseil des gouverneurs arrête les orientations et prend les décisions nécessaires à l’accomplissement des missions confiées au SEBC par les traités et les présents statuts. Le conseil des gouverneurs définit la politique monétaire de l’Union, y compris, le cas échéant, les décisions concernant les objectifs monétaires intermédiaires, les taux directeurs et l’approvisionnement en réserves dans le SEBC, et arrête les orientations nécessaires à leur exécution.

[...]

Dans la mesure jugée possible et adéquate et sans préjudice du présent article, la BCE recourt aux banques centrales nationales pour l’exécution des opérations faisant partie des missions du SEBC. »

11.

L’article 14 de ce protocole concerne les banques centrales des États membres :

« [...]

14.2.   Les statuts des banques centrales nationales prévoient en particulier que la durée du mandat du gouverneur d’une banque centrale nationale n’est pas inférieure à cinq ans.

Un gouverneur ne peut être relevé de ses fonctions que s’il ne remplit plus les conditions nécessaires à l’exercice de ses fonctions ou s’il a commis une faute grave. Un recours contre la décision prise à cet effet peut être introduit auprès de la Cour de justice par le gouverneur concerné ou le conseil des gouverneurs pour violation des traités ou de toute règle de droit relative à leur application. Ces recours doivent être formés dans un délai de deux mois à compter, suivant le cas, de la publication de l’acte, de sa notification au requérant ou, à défaut, du jour où celui-ci en a eu connaissance.

14.3.   Les banques centrales nationales font partie intégrante du SEBC et agissent conformément aux orientations et aux instructions de la BCE. Le conseil des gouverneurs prend les mesures nécessaires pour assurer le respect des orientations et des instructions de la BCE, et exige que toutes les informations nécessaires lui soient fournies.

14.4.   Les banques centrales nationales peuvent exercer d’autres fonctions que celles qui sont spécifiées dans les présents statuts, à moins que le conseil des gouverneurs ne décide, à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés, que ces fonctions interfèrent avec les objectifs et les missions du SEBC. Ces fonctions, que les banques centrales nationales exercent sous leur propre responsabilité et à leurs propres risques, ne sont pas considérées comme faisant partie des fonctions du SEBC. »

12.

L’article 39 dudit protocole porte sur les privilèges et immunités :

« La BCE jouit sur le territoire des États membres des privilèges et immunités nécessaires à l’accomplissement de ses missions, selon les conditions définies au protocole sur les privilèges et immunités de l’Union européenne. »

13.

L’article 44 de ce même protocole concerne le conseil général de la BCE :

« 44.1.   Sans préjudice de l’article 129, paragraphe 1, [TFUE], le conseil général est constitué comme troisième organe de décision de la BCE.

44.2.   Le conseil général se compose du président et du vice-président de la BCE ainsi que des gouverneurs des banques centrales nationales. Les autres membres du directoire peuvent participer, sans droit de vote, aux réunions du conseil général. [...] »

3. Le protocole sur les privilèges et immunités de l’Union

14.

L’article 8 du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union régit l’immunité des membres du Parlement européen pour leurs opinions ou votes émis :

« Les membres du Parlement européen ne peuvent être recherchés, détenus ou poursuivis en raison des opinions ou votes émis par eux dans l’exercice de leurs fonctions. »

15.

L’article 9 de ce protocole prévoit l’immunité des membres du Parlement européen pendant la durée des sessions :

« Pendant la durée des sessions du Parlement européen, les membres de celui-ci bénéficient :

a)

sur leur territoire national, des immunités reconnues aux membres du parlement de leur pays,

b)

sur le territoire de tout autre État membre, de l’exemption de toute mesure de détention et de toute poursuite judiciaire.

L’immunité les couvre également lorsqu’ils se rendent au lieu de réunion du Parlement européen ou en reviennent.

L’immunité ne peut être invoquée dans le cas de flagrant délit et ne peut non plus mettre obstacle au droit du Parlement européen de lever l’immunité d’un de ses membres. »

16.

L’article 10, premier alinéa, dudit protocole concerne les représentants des États membres :

« Les représentants des États membres participant aux travaux des institutions de l’Union ainsi que leurs conseillers et experts techniques jouissent, pendant l’exercice de leurs fonctions et au cours de leurs voyages à destination ou en provenance du lieu de la réunion, des privilèges, immunités ou facilités d’usage. »

17.

L’article 11, sous a), de ce même protocole est libellé comme suit :

« Sur le territoire de chacun des États membres et quelle que soit leur nationalité, les fonctionnaires et autres agents de l’Union :

a)

jouissent de l’immunité de juridiction pour les actes accomplis par eux, y compris leurs paroles et écrits, en leur qualité officielle, sous réserve de l’application des dispositions des traités relatives, d’une part, aux règles de la responsabilité des fonctionnaires et agents envers l’Union et, d’autre part, à la compétence de la Cour de justice de l’Union européenne pour statuer sur les litiges entre l’Union et ses fonctionnaires et autres agents. Ils continueront à bénéficier de cette immunité après la cessation de leurs fonctions. »

18.

En vertu de l’article 17 du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union :

« Les privilèges, immunités et facilités sont accordés aux fonctionnaires et autres agents de l’Union exclusivement dans l’intérêt de cette dernière.

Chaque institution de l’Union est tenue de lever l’immunité accordée à un fonctionnaire ou autre agent dans tous les cas où elle estime que la levée de cette immunité n’est pas contraire aux intérêts de l’Union. »

19.

L’article 18 de ce protocole prévoit :

« Pour l’application du présent protocole, les institutions de l’Union agissent de concert avec les autorités responsables des États membres intéressés. »

20.

Aux termes de l’article 22, premier alinéa, dudit protocole :

« Le présent protocole s’applique également à la Banque centrale européenne, aux membres de ses organes et à son personnel, sans préjudice des dispositions du protocole sur les statuts du Système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne. »

4. Le règlement MSU

21.

La BCE assume depuis le 4 novembre 2014 les missions spéciales liées à la surveillance prudentielle des établissements de crédit, telles qu’elles lui ont été confiées par le règlement MSU ( 5 ).

22.

Les considérants 28 et 29 de ce règlement sont libellés comme suit :

« (28)

Les missions de surveillance qui ne sont pas confiées à la BCE devraient rester du ressort des autorités nationales. Ces missions devraient inclure [...] la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme [...]

(29)

La BCE devrait, le cas échéant, coopérer pleinement avec les autorités nationales qui ont pour mission [...] de lutter contre le blanchiment de capitaux. »

23.

L’article 4 dudit règlement énumère les missions confiées à la BCE :

« 1.   Dans le cadre de l’article 6, la BCE est [...] seule compétente pour exercer, à des fins de surveillance prudentielle, les missions suivantes à l’égard de tous les établissements de crédit établis dans les États membres participants :

a)

agréer les établissements de crédit et retirer les agréments des établissements de crédit, sous réserve de l’article 14 ;

[...]

d)

veiller au respect des actes visés à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, qui imposent des exigences prudentielles aux établissements de crédit dans les domaines des exigences de fonds propres, de la titrisation, des limites applicables aux grands risques, de la liquidité, de l’effet de levier ainsi que des déclarations d’informations et des informations à destination du public sur ces sujets ;

e)

veiller au respect des actes visés à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, qui imposent aux établissements de crédit des exigences en vertu desquelles ceux-ci devront disposer de dispositifs solides en matière de gouvernance, y compris les exigences d’honorabilité, de connaissances, de compétences et d’expérience nécessaires à l’exercice des fonctions des personnes chargées de la gestion des établissements de crédit, de processus de gestion des risques, de mécanismes de contrôle interne, de politiques et de pratiques de rémunération ainsi que de procédures efficaces d’évaluation de l’adéquation du capital interne, y compris des modèles fondés sur les notations internes ;

f)

mener des contrôles prudentiels [...] visant à déterminer si les dispositifs, stratégies, processus et mécanismes mis en place par les établissements de crédit et les fonds propres qu’ils détiennent garantissent la bonne gestion et la couverture de leurs risques, et, sur la base de ce contrôle prudentiel, imposer aux établissements de crédit des exigences spécifiques de fonds propres supplémentaires, des exigences spécifiques de publicité, des exigences spécifiques de liquidité et d’autres mesures lorsque les dispositions pertinentes du droit de l’Union permettent expressément aux autorités compétentes d’agir ;

[...] »

24.

L’article 6 du règlement MSU régit la coopération entre la BCE et les autorités compétentes nationales qui constituent ensemble, d’après son paragraphe 1, le mécanisme de surveillance unique (MSU). En vertu de l’article 6, paragraphe 4, il convient de distinguer en substance, aux fins de la surveillance, les établissements de crédit importants des établissements de crédit moins importants, ces derniers demeurant en principe soumis à la surveillance des autorités nationales. Une exception existe pour les missions de surveillance au titre de l’article 4, paragraphe 1, sous a) qui sont toujours assumées par la BCE. L’article 6, paragraphes 5 et 6, est en partie libellé comme suit :

« 5.   En ce qui concerne les établissements de crédit visés au paragraphe 4 [...] :

a)

la BCE communique aux autorités compétentes nationales des règlements, des orientations ou des instructions générales précisant les modalités selon lesquelles lesdites autorités compétentes nationales doivent accomplir les missions définies à l’article 4, à l’exclusion du paragraphe 1, points a) et c), et arrêter des décisions en matière de surveillance ;

[...]

b)

si cela s’avère nécessaire pour assurer une application cohérente de normes élevées de surveillance, la BCE peut, à tout moment, de sa propre initiative après consultation des autorités compétentes nationales, ou à la demande d’une autorité compétente nationale, décider d’exercer elle-même directement toutes les compétences pertinentes à l’égard d’un ou de plusieurs établissements de crédit visés au paragraphe 4 [...] ;

c)

la BCE supervise le fonctionnement du système [...] ;

[...]

6.   Sans préjudice du paragraphe 5 du présent article, les autorités compétentes nationales s’acquittent et sont chargées des missions visées à l’article 4, paragraphe 1, points b), d) à g), et i), et elles sont habilitées à adopter toutes les décisions pertinentes en matière de surveillance à l’égard des établissements de crédit visés au paragraphe 4, premier alinéa, du présent article [...].

[...]

Les autorités compétentes nationales font régulièrement rapport à la BCE sur l’accomplissement des missions relevant du présent article »

25.

Le retrait de l’agrément au titre de l’article 14, paragraphe 5, du règlement MSU fait partie des pouvoirs de surveillance spécifiques de la BCE :

« Sous réserve du paragraphe 6, la BCE peut retirer l’agrément de sa propre initiative dans les cas prévus par le droit applicable de l’Union, après consultation de l’autorité compétente nationale de l’État membre participant où l’établissement de crédit est établi, ou sur proposition de cette autorité compétente nationale. [...]

Lorsque l’autorité compétente nationale qui a proposé l’agrément conformément au paragraphe 1 estime que l’agrément doit être retiré en vertu du droit national, elle soumet une proposition en ce sens à la BCE. Dans ce cas, la BCE arrête une décision sur la proposition de retrait en tenant pleinement compte des motifs justifiant le retrait avancés par l’autorité compétente nationale. »

26.

L’article 26 de ce règlement a pour objet le conseil de surveillance :

« 1.   La planification et l’exécution des missions confiées à la BCE sont intégralement assurées par un organe interne composé de son président et de son vice-président, désignés conformément au paragraphe 3, de quatre représentants de la BCE, désignés conformément au paragraphe 5, et d’un représentant de l’autorité compétente nationale de chaque État membre participant (ci-après dénommé le “conseil de surveillance”). Les membres du conseil de surveillance agissent tous dans l’intérêt de l’Union dans son ensemble.

Si l’autorité compétente n’est pas une banque centrale, le membre du conseil de surveillance visé au présent paragraphe peut décider de se faire accompagner d’un représentant de la banque centrale de l’État membre. Aux fins de la procédure de vote visée au paragraphe 6, les représentants des autorités d’un État membre sont considérés dans leur ensemble comme un seul membre.

[...]

8.   Sans préjudice de l’article 6, le conseil de surveillance réalise des travaux préparatoires concernant les missions de surveillance confiées à la BCE et propose au conseil des gouverneurs de la BCE des projets complets de décisions pour adoption par ce dernier, en application d’une procédure devant être établie par la BCE. [...]

[...] »

5. La directive CRD

27.

La directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement ([Capital Requirements Directive], ci-après la « directive CRD ») ( 6 ) régit comme suit, en son article 18, les conditions matérielles d’un retrait de l’agrément :

« Les autorités compétentes ne peuvent retirer l’agrément accordé que lorsqu’un établissement de crédit :

[...]

c)

ne remplit plus les conditions d’octroi de l’agrément ;

d)

ne remplit plus les exigences prudentielles énoncées à la troisième, quatrième ou sixième partie du règlement (UE) no 575/2013 ou imposées en vertu de l’article 104, paragraphe 1, point a), ou de l’article 105, de la présente directive ou n’offre plus la garantie de pouvoir remplir ses obligations vis-à-vis de ses créanciers et, en particulier, n’assure plus la sécurité des fonds qui lui ont été confiés par ses déposants ;

e)

se trouve dans un des autres cas de retrait de l’agrément prévus par le droit national ; ou

f)

commet l’une des infractions visées à l’article 67, paragraphe 1. »

6. Le règlement-cadre MSU

28.

Le règlement (UE) no 468/2014 de la banque centrale européenne, du 16 avril 2014, établissant le cadre de la coopération au sein du mécanisme de surveillance unique entre la Banque centrale européenne, les autorités compétentes nationales et les autorités désignées nationales (ci-après le « règlement-cadre MSU ») ( 7 ) règle en son article 83 la « [d]écision de retrait d’agrément prise par la BCE ». Les paragraphes 1 et 2 de cette disposition sont libellés comme suit :

« 1.   La BCE prend une décision de retrait d’agrément dans les meilleurs délais. Ce faisant, elle peut accepter ou rejeter le projet de décision de retrait concerné.

2.   Lorsqu’elle prend sa décision, la BCE tient compte de l’ensemble des points suivants : a) son examen des circonstances justifiant le retrait ; b) le cas échéant, le projet de décision de retrait de l’autorité compétente nationale ; c) la consultation de l’autorité compétente nationale concernée et, lorsque l’autorité compétente nationale n’est pas l’autorité nationale de résolution, de l’autorité nationale de résolution (ensemble avec l’autorité compétente nationale les “autorités nationales”) ; d) les observations présentées par l’établissement de crédit [...] »

B.   Le droit letton

29.

L’article 120 du Kriminālprocesa likums (code de procédure pénale) ( 8 ) contient une liste des autorités qui jouissent d’immunité. La Banque de Lettonie et son gouverneur n’y figurent pas.

30.

L’article 404 de ce code dispose que le ministère public communique en principe à l’autorité compétente la demande d’engager des poursuites à l’encontre d’une personne bénéficiant, en vertu de la loi, de l’immunité de procédure pénale lorsqu’il considère qu’il existe des motifs permettant d’établir la responsabilité pénale de cette personne. Des informations sur les éléments de preuve justifiant la culpabilité de la personne dont la levée d’immunité est demandée sont jointes à la demande.

31.

Le Krimināllikums (code pénal) ( 9 ) réprime le blanchiment d’argent (article 195) et la corruption (article 320).

III. Les faits et la procédure au principal

32.

AB, le prévenu dans la procédure au principal (ci-après « le prévenu »), était, depuis le 21 décembre 2001, gouverneur de la Latvijas Banka (banque centrale de Lettonie). En cette capacité, il était autorisé à participer aux réunions du conseil de la Finanšu un kapitāla tirgus komisija (commission des marchés financiers et des capitaux, Lettonie, ci-après « FKTK »), compétente pour l’agrément et la surveillance des établissements de crédit en Lettonie.

33.

Trasta Komercbanka AS est un établissement de crédit letton auquel la FKTK avait accordé en 1991 un agrément pour la prestation de services financiers. Depuis le 4 novembre 2014, la FKTK a assumé les missions de surveillance de Trasta Komercbanka, confiées à la BCE en vertu de l’article 4, paragraphe 1, sous b), d) à g) et i), du règlement MSU ( 10 ).

34.

Sur proposition de la FKTK du 5 février 2016, la BCE a retiré à Trasta Komercbanka l’agrément en tant qu’établissement de crédit par décision du 3 mars 2016, remplacée par la décision du 11 juillet 2016, conformément aux dispositions combinées de l’article 4, paragraphe 1, sous a), et de l’article 14, paragraphe 5, du règlement MSU ainsi que l’article 83, paragraphe 1, du règlement-cadre MSU ( 11 ).

35.

Le 15 février 2018, le Korupcijas novēršanas un apkarošanas birojs (bureau de prévention et de lutte contre la corruption, Lettonie) a engagé contre le prévenu une procédure d’enquête pénale portant sur des chefs d’accusation de corruption en lien avec la procédure de surveillance prudentielle contre Trasta Komercbanka en Lettonie, précédant le retrait de l’agrément.

36.

Concrètement, le prévenu se voit reprocher, d’une part, d’avoir accepté du président du conseil de surveillance et actionnaire de Trasta Komercbanka, entre le 20 et le 30 août 2010, un voyage de loisir d’une valeur de 7490 euros. Il l’aurait en échange illégalement conseillé avant la fin de l’année 2015, notamment en exploitant des informations relatives aux mesures de surveillance et de contrôle adoptées par la FKTK au sujet de Trasta Komercbanka et qu’il avait obtenues légalement en sa qualité officielle. Ces conseils sont supposés avoir porté sur les points suivants : premièrement, l’incapacité de Trasta Komercbanka d’assurer durablement un vrai système de contrôles internes afin de garantir la satisfaction des conditions de la loi lettonne de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, deuxièmement, l’augmentation nécessaire du capital social afin d’assurer une participation qualifiée et, troisièmement, les démarches nécessaires afin d’attirer des investisseurs (actionnaires). Ces questions ont fait l’objet à plusieurs reprises, entre le 29 juillet 2009 et le 31 décembre 2015, de contrôles par la FKTK, le prévenu ayant à cet égard aidé à formuler des réponses aux questions posées par la FKTK lors des contrôles et conseillé Trasta Komercbanka quant à son comportement lors des contrôles.

37.

D’autre part, il lui est reproché d’avoir accepté, entre le 23 août 2012 et le 9 mai 2013, une offre de pot-de-vin du vice-président du conseil d’administration et actionnaire de Trasta Komercbanka à hauteur de 500000 euros et d’avoir obtenu la moitié de cette somme – 250 000 euros – de celui-ci et d’un intermédiaire codéfendeur. En échange, le prévenu aurait conseillé Trasta Komercbanka après le 23 août 2012, et ce jusqu’au 31 décembre 2015, en matière de surveillance par la FKTK et l’aurait aidé à formuler ses échanges écrits avec la FKTK. Cela aurait contribué à ce que la FKTK lève partiellement les restrictions pesant sur les activités de Trasta Komercbanka. Le prévenu n’aurait pas obtenu le reste du pot-de-vin dans la mesure où la FKTK aurait maintenu une autre partie des restrictions et prévoyait en outre d’autres restrictions à l’activité de Trasta Komercbanka.

38.

En lien avec les deux chefs d’accusation du Korupcijas novēršanas un apkarošanas birojs (bureau de prévention et de lutte contre la corruption, Lettonie), le prévenu n’aurait, jusqu’à la proposition de la FKTK de retirer l’agrément de Trasta Komercbanka, pas participé aux réunions de son conseil au cours desquelles des questions relatives à la surveillance de Trasta Komercbanka ont été discutées. Il aurait par conséquent en particulier omis, en violation de ses obligations, de prévenir dans ce cadre la détérioration du coefficient de capital propre et des exigences de liquidités de Trasta Komercbanka et d’empêcher la possibilité de blanchiment d’argent dans cet établissement de crédit.

39.

Le prévenu aurait enfin, en 2012 et 2013, investi une part considérable du pot-de-vin reçu, à hauteur de 250000 euros, de manière dissimulée par le truchement d’une entreprise codéfenderesse dans un immeuble.

40.

Le 28 juin 2018, le procureur général compétent a tout d’abord inculpé le prévenu devant la Rīgas rajona tiesa (tribunal de district de Riga) pour corruption avant d’étendre le 24 mai 2019 ce chef d’inculpation à celui de blanchiment d’argent.

41.

Le 20 décembre 2019, le dernier mandat du prévenu en tant que gouverneur de la Banque de Lettonie a pris fin.

42.

La Rīgas rajona tiesa (tribunal de district de Riga) a engagé la procédure pénale de première instance et doit désormais statuer sur l’ouverture de l’instruction d’audience dans le cadre du procès pénal.

IV. Les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

43.

Étant donné que la Rīgas rajona tiesa (tribunal de district de Riga) a dans ce contexte des doutes quant à l’applicabilité et la portée des immunités au titre du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union, elle a, par ordonnance du 20 décembre 2019, sursis à statuer et soumis à la Cour, conformément à l’article 267 TFUE, les questions préjudicielles suivantes :

« 1)   L’article 11, sous a), et l’article 22, premier alinéa, du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union s’appliquent-ils à la fonction de membre du conseil des gouverneurs de la [BCE], exercée par le gouverneur d’une banque centrale d’un État membre, à savoir le président de la Banque de Lettonie ?

2)   En cas de réponse affirmative à la première question, ces dispositions continuent-elles d’assurer à cette personne l’immunité contre une procédure pénale même après qu’elle a quitté le poste de gouverneur de la banque centrale d’un État membre et, donc, le poste de membre du conseil des gouverneurs de la [BCE] ?

3)   En cas de réponse affirmative à la première question, cette immunité concerne-t-elle uniquement l’immunité “de juridiction”, comme indiqué à l’article 11, sous a), du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union, ou bien s’étend-elle aussi aux poursuites pénales, y compris à la notification de l’acte d’inculpation et à l’obtention des preuves ? Dans le cas où l’immunité s’appliquerait aux poursuites pénales, cette circonstance a-t-elle une influence sur la possibilité d’utiliser les preuves ?

4)   En cas de réponse affirmative à la première question, l’article 11, sous a), du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union, lu en combinaison avec l’article 17 dudit protocole, permet-il au responsable de la procédure ou, au stade correspondant de la procédure, à la formation de jugement d’apprécier l’existence d’un intérêt de l’Union européenne dans le cadre de ladite procédure et, seulement dans le cas où cette existence serait constatée – à savoir si les agissements incriminés du prévenu sont liés à l’exercice de ses fonctions au sein d’une institution de l’Union européenne –, de demander à l’institution concernée, à savoir la [BCE], de lever l’immunité de cette personne ?

5)   L’existence d’un intérêt de l’Union européenne, lors de l’application des dispositions du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union, doit-elle toujours être directement liée aux décisions prises ou aux actes accomplis dans l’exercice des fonctions au sein d’une institution de l’Union européenne ? En effet, un tel fonctionnaire peut-il faire l’objet d’un acte de procédure pénale si son inculpation n’est pas liée à ses fonctions au sein d’une institution de l’Union européenne mais aux activités exercées dans le cadre de ses fonctions au sein d’un État membre ? »

44.

Le prévenu, les gouvernements letton et italien, la BCE et la Commission européenne ont présenté sur les questions préjudicielles des observations écrites ainsi que des observations orales lors de l’audience qui s’est tenue le 26 janvier 2021. Lors de cette audience, le codéfendeur CE ainsi que le LR Ģenerālprokuratūras Krimināltiesiskā departamenta Sevišķi svarīgu lietu izmeklēšanas nodaļa (service des enquêtes sur les affaires d’importance particulière de la division pénale du bureau du procureur général du ministère public, Lettonie) se sont également exprimés.

V. Appréciation en droit

45.

La juridiction de renvoi est saisie d’une procédure pénale visant l’ancien gouverneur de la banque centrale de Lettonie et dans laquelle ce dernier est notamment soupçonné de corruption dans le cadre d’une procédure de surveillance prudentielle à l’égard d’une banque lettonne. En vertu du droit letton, la juridiction saisie ne peut pas ouvrir l’instruction d’audience dans le cadre du procès pénal si l’immunité du prévenu y fait obstacle.

46.

Le droit letton ne prévoit certes pas d’immunité pour la banque centrale de Lettonie ou ses organes. Cependant, conformément à l’article 11, sous a), du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union, les fonctionnaires et autres agents de l’Union jouissent de l’immunité de juridiction sur le territoire des États membres « pour les actes accomplis par eux [...] en leur qualité officielle ». En vertu de son article 22, premier alinéa, ce protocole vaut à cet égard également pour la BCE, les membres de ses organes de décision et son personnel. Conformément à l’article 282, paragraphe 1, première phrase, TFUE, les banques centrales nationales font partie du SEBC et leurs gouverneurs – pour autant que l’État membre en cause appartienne au système de l’Euro ( 12 ) – sont membres du conseil des gouverneurs de la BCE, la plus haute instance de décision de la BCE.

47.

Dans ce contexte, la juridiction de renvoi souhaiterait en définitive savoir, avec ses cinq questions préjudicielles, si les dispositions du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union, et en particulier les immunités de juridiction prévues à l’article 11, sous a), pour les actes officiels, sont, dans les circonstances de l’affaire au principal, applicables à l’ancien gouverneur de la banque centrale de Lettonie accusé et ce que cela implique concrètement pour la procédure pénale pendante devant cette juridiction.

48.

À cette fin, il convient tout d’abord de préciser, en réponse aux trois premières questions préjudicielles, sous quelles conditions l’immunité pour les actes officiels, prévue à l’article 11, sous a), du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union, s’applique à un gouverneur de banque centrale nationale et quelle en est la portée. Il y a lieu de préciser à cet égard, entre autres – ce qui constitue l’objet de la première partie de la troisième question préjudicielle –, si l’article 11, sous a), de ce protocole concerne également la légalité de mesures de poursuites pénales (voir à ce sujet sous A).

49.

Il convient alors d’examiner, en réponse à la quatrième question préjudicielle, comment constater dans un cas concret, et par qui, si les actes reprochés au prévenu sont couverts par l’immunité prévue à l’article 11, sous a), du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union et à quelles conditions cette immunité peut être levée (voir à ce sujet sous B).

50.

Dans ce contexte, il faut également se pencher sur la question de savoir si, dans le cas particulier d’un gouverneur de banque centrale, une immunité plus étendue pourrait le cas échéant être opportune. Cette question est soulevée par la juridiction de renvoi dans sa cinquième question préjudicielle, par laquelle elle souhaiterait en substance savoir si le droit de l’Union fait obstacle à des actes dans le cadre d’une procédure pénale visant un gouverneur de banque centrale et qui n’a pas de lien avec ses fonctions relevant du droit de l’Union (voir à ce sujet sous C).

51.

Enfin, il convient encore de préciser, dans le cadre de la deuxième partie de la troisième question préjudicielle, la conséquence juridique qui découlerait d’une violation de l’immunité au titre de l’article 11, sous a), du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union (voir à ce sujet sous D).

A.   Sur l’applicabilité du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union et la portée de l’immunité en cause (première à troisième questions préjudicielles)

1. Sur les dispositions pertinentes du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union (première et deuxième questions préjudicielles)

52.

Ainsi qu’il a déjà été établi, le protocole sur les privilèges et immunités de l’Union s’applique également, conformément à son article 22, premier alinéa, à la BCE, aux membres de ses organes de décision et à son personnel. La plus haute instance de décision de la BCE est le conseil des gouverneurs de la BCE qui, en vertu de l’article 283, paragraphe 1, TFUE, est composé des membres du directoire de la BCE et des gouverneurs des banques centrales des États membres dont la monnaie est l’euro ( 13 ).

53.

L’acte d’accusation dans la procédure au principal couvre certes des actes commis entre le milieu de l’année 2010 et la fin de l’année 2015, qui se sont donc en partie déroulés avant l’adhésion de la Lettonie à la zone euro au 1er janvier 2014 et par conséquent avant que le prévenu ne soit membre du conseil de gouverneurs de la BCE. En vertu de l’article 44.2, première phrase, du protocole sur les statuts du SEBC et de la BCE, les gouverneurs des banques centrales des États membres font cependant partie du conseil général qui, d’après l’article 44.1, de ce protocole est le troisième organe de décision de la BCE. Le prévenu en était donc déjà membre depuis l’adhésion de la Lettonie à l’Union le 1er mai 2004 et ainsi pendant toute la période couverte par l’acte d’accusation.

54.

Le protocole sur les privilèges et immunités de l’Union prévoit des immunités pour trois groupes différents de personnes avec, à chaque fois, des portées différentes en ce qui concerne, d’une part, leur objet et, d’autre part, l’étendue de la protection.

55.

Premièrement, ce protocole prévoit pour les membres du Parlement européen les immunités visées aux articles 8 et 9. L’immunité au titre de l’article 8 est limitée dans son objet aux opinions et aux votes émis par ceux-ci en leur qualité officielle, mais recouvre la protection contre toute implication dans une procédure d’enquête, ainsi que contre toute arrestation ou poursuite. L’immunité au titre de l’article 9 est quant à son objet uniquement limitée dans le temps aux périodes de session, la protection en vertu de l’article 9, paragraphe 1, sous b), ne couvrant durant cette période sur le territoire de tout État membre autre que l’État membre d’origine que les poursuites judiciaires et les arrestations.

56.

Deuxièmement et en vertu de l’article 10 du même protocole, les représentants des États membres qui participent aux travaux des institutions de l’Union jouissent « des privilèges, immunités ou facilités d’usage ». Cela doit être compris comme un renvoi à la convention de Vienne sur les relations diplomatiques (ci-après la « convention de Vienne ») et en particulier à ses articles 29 à 31. En vertu de l’article 29 de la convention de Vienne, « [l]a personne de l’agent diplomatique est inviolable ». Cette disposition ne prévoit pas de restriction supplémentaire de l’objet de cette immunité. Le diplomate « ne peut être soumis à aucune forme d’arrestation ou de détention ». L’article 31, paragraphe 1, de la convention de Vienne prévoit enfin que les diplomates jouissent de l’immunité de la juridiction pénale, civile et administrative de l’État accréditaire sans que cela soit limité à des actes particuliers ( 14 ). En vertu de l’article 31, paragraphe 2, de la convention de Vienne, ils ne sont pas non plus obligés de donner leur témoignage.

57.

Troisièmement, l’article 11, sous a), du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union vaut pour tous les autres fonctionnaires et autres agents de l’Union. L’immunité qui y est prévue est limitée dans son objet aux actes accomplis par eux en « leur qualité officielle » et concerne pour ce qui est de l’étendue de la protection la « juridiction » des États membres.

58.

Les articles 8 et 9 du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union ne s’appliquent manifestement pas en l’espèce.

59.

Les gouverneurs des banques centrales des États membres ne relèvent cependant pas non plus de l’article 10 de ce protocole. En effet, dans la mesure où ils interviennent en tant que membres des organes de décision de la BCE, ils ne doivent précisément pas être considérés comme des « représentants des États membres ». La Cour a déjà jugé, spécialement pour le contexte du SEBC, qu’il existe une distinction moins marquée entre l’ordre juridique de l’Union et les ordres juridiques des États membres ( 15 ). Les gouverneurs des banques centrales nationales ont dans ce système très intégré une double position fonctionnelle et un statut hybride ( 16 ). Des considérations parallèles valent pour l’union bancaire. En tant que membres du conseil des gouverneurs de la BCE, ils remplissent des missions de surveillance bancaire au niveau européen ( 17 ). Ils ne doivent pas, dans l’exercice de cette fonction, être considérés comme des représentants des autorités nationales. Les immunités diplomatiques des représentants des États membres ne s’appliquent par ailleurs qu’à l’égard de l’État accréditaire et non de l’État d’origine.

60.

Pour les gouverneurs des banques centrales nationales, seule demeure ainsi l’immunité au titre de l’article 11, sous a), du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union.

2. Sur la limitation de l’immunité aux « actes accomplis en qualité officielle »

61.

L’article 11, sous a), du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union accorde une immunité de juridiction aux « fonctionnaires et autres agents de l’Union [...] pour les actes accomplis par eux, y compris leurs paroles et écrits, en leur qualité officielle ». À la différence de l’immunité diplomatique personnelle susmentionnée (immunité ratione personae), cette disposition ne vaut pas pour une personne, mais uniquement pour les actes ayant un certain lien matériel – à savoir ceux ayant un caractère officiel. Il s’agit là d’une immunité dite fonctionnelle. Elle est de ce fait également désignée comme une immunité ratione materiae. Le seul fait d’appartenir au personnel de l’Union ne suffit donc pas pour que cette immunité vienne à s’appliquer ( 18 ).

62.

Pour les gouverneurs de banques centrales nationales cela signifie, eu égard à leur double position fonctionnelle et à leur statut hybride dans le cadre du SEBC et de l’union bancaire, que l’article 11, sous a), du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union ne s’applique en principe à leur égard que pour autant qu’ils agissent en leur fonction de responsables de l’Union ( 19 ).

63.

La limitation de la portée de l’immunité pour le personnel de l’Union est motivée par le fait que l’Union, en vertu de l’article 343 TFUE, « jouit sur le territoire des États membres des privilèges et immunités nécessaires à l’accomplissement de sa mission ». Il découle ainsi de la jurisprudence de la Cour que l’octroi à l’Union des privilèges et immunités est supposé prévenir une entrave au bon fonctionnement et à l’indépendance de l’Union ( 20 ). Le caractère limité des immunités de l’Union est confirmé par l’article 17, paragraphe 1, du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union, en vertu duquel les immunités ne sont accordées aux fonctionnaires et autres agents de l’Union que dans l’intérêt de celle-ci ( 21 ) – et non dans l’intérêt propre du personnel. Les immunités sont donc fonctionnelles, non seulement pour ce qui est de leur objet, mais également pour ce qui est de leur sens et de leur finalité.

64.

Une immunité pour les actes officiels est indispensable au bon fonctionnement et à l’indépendance des institutions de l’Union. En effet, si le personnel de l’Union ne jouissait pas de l’immunité de juridiction en ce qui concerne les actes qu’il accomplit en sa qualité officielle, il courrait le risque, premièrement, d’être poursuivi par les autorités des États membres précisément pour ces actes ( 22 ). Cela pourrait conduire le cas échéant à une prudence excessive, voire même à une paralysie de l’activité des institutions de l’Union.

65.

Deuxièmement, il serait porté atteinte au bon fonctionnement et à l’indépendance des institutions de l’Union si les activités du personnel pouvaient être jugées d’après le droit national des États membres ( 23 ). Cela pourrait éventuellement faire obstacle à l’accomplissement de ces missions. C’est pour cette raison que l’article 11, sous a), du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union exclut la compétence juridictionnelle des États membres pour les actes que le personnel de l’Union accomplit en sa qualité officielle.

66.

Cela assure en outre la compétence exclusive de la Cour de justice de l’Union européenne en vertu de l’article 263 TFUE pour contrôler la légalité des actes des institutions de l’Union. Si un fonctionnaire agit en sa qualité officielle, c’est en effet en définitive l’institution elle-même qui agit. Un tel acte ne saurait par conséquent faire l’objet de l’appréciation des États membres.

67.

Les deux objectifs de l’immunité pour les actes officiels sont encadrés par l’article 340, deuxième alinéa, TFUE. En vertu de cette disposition, l’Union est responsable vers l’extérieur des actes officiels de son personnel et le personnel n’est pas personnellement responsable desdits actes. La compétence exclusive pour l’appréciation de l’existence d’une telle responsabilité appartient, en vertu de l’article 268 TFUE, à la Cour ( 24 ).

3. Sur la limitation de l’immunité à la « juridiction » des États membres (première partie de la troisième question préjudicielle)

68.

Dans ce contexte, la juridiction de renvoi pose la question de savoir si l’article 11, sous a), du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union exclut uniquement les procédures judiciaires principales qui concernent les actes du personnel de l’Union agissant en qualité officielle ou si les poursuites pénales concernant de tels actes, précédant la procédure judiciaire au principal, sont déjà illégales.

69.

Il découle déjà des termes de l’article 11, sous a), de ce protocole qu’aucune procédure judiciaire au principal ne saurait être engagée à l’encontre des personnes citées dans cette disposition pour les actes qu’elles ont accomplis en leur qualité officielle. Ladite disposition s’étend à tous les types de juridictions et recouvre donc aussi les juridictions pénales ( 25 ).

70.

Contrairement à ce qu’estime la Lettonie, l’immunité au titre de l’article 11, sous a), du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union ne se limite cependant pas aux procédures judiciaires au sens étroit, mais couvre au contraire aussi les procédures d’enquête.

71.

Cette circonstance trouve son fondement dans les termes de certaines versions linguistiques de cette disposition qui ne contiennent pas toujours une limitation à l’élément « judiciaire » ( 26 ). La procédure d’enquête peut en tout cas déjà contenir des éléments judiciaires comme les compétences ponctuelles d’un juge d’instruction. Étant donné cependant que la portée de l’immunité ne saurait dépendre de l’aménagement concret de la procédure pénale et de la répartition des compétences entre les autorités répressives et les tribunaux dans les différents États membres, il convient de partir du principe que l’immunité vaut d’une manière générale pour les mesures de contrainte publiques dans le cadre d’enquêtes pénales ( 27 ).

72.

La détention provisoire du prévenu, son audition et les perquisitions chez lui sont des mesures concrètes qui sont donc illégales sans levée préalable de l’immunité au titre de l’article 11, sous a), du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union. Il en va de même pour de telles mesures en lien avec des procédures administratives ou civiles à l’égard d’un acte accompli par un membre du personnel de l’Union en sa qualité officielle ( 28 ).

73.

Cette interprétation de la portée de l’article 11, sous a), du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union a été récemment confirmée par la Cour, celle-ci soulignant que, en vertu de cette disposition, un fonctionnaire de l’Union ne peut en particulier pas être soumis à des mesures privatives de liberté pour des actes qu’il a accomplis en sa qualité officielle ( 29 ).

74.

Ladite interprétation trouve un fondement supplémentaire à l’article 19 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, qui prévoit que les fonctionnaires doivent se voir délivrer une autorisation s’ils doivent fournir des déclarations devant les tribunaux au sujet d’activités officielles ou de faits dont ils ont eu connaissance dans l’exercice de leurs fonctions. Il en résulte a contrario que le législateur de l’Union est parti du principe que l’immunité de juridiction ferait sinon obstacle à l’audition d’un fonctionnaire en tant que témoin ou prévenu.

75.

Le caractère fonctionnel de l’immunité prévue à l’article 11, sous a), du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union exclut en revanche la possibilité d’interpréter cette immunité comme une interdiction générale de procéder à des enquêtes ou de saisir les tribunaux.

76.

Premièrement, si toute implication des fonctionnaires de l’Union dans des enquêtes pénales avait dû être exclue, cela aurait été expressément imposé dans le protocole sur les privilèges et immunités de l’Union. Cela a été réglé ainsi, par exemple, à l’article 8 de ce protocole en ce qui concerne les membres du Parlement. Ceux-ci ne sauraient « être recherchés, détenus ou poursuivis en raison des opinions ou votes émis par eux dans l’exercice de leurs fonctions ».

77.

Deuxièmement, une interdiction d’engager même une enquête ou de se saisir d’affaires qui pourraient éventuellement relever de l’immunité au titre de l’article 11, sous a), dudit protocole ne pourrait en pratique se rattacher qu’à la personne du fonctionnaire en cause. Les limites avec l’immunité personnelle seraient cependant de ce fait dissoutes ( 30 ).

78.

Troisièmement, il ne serait tout simplement pas possible – ce que le gouvernement italien a signalé à juste titre – d’établir l’existence d’un lien avec les missions officielles d’une institution de l’Union si les autorités répressives ne pouvaient même pas, au regard des actes des fonctionnaires de l’Union, engager d’enquête au sujet des faits pertinents.

79.

Enfin, quatrièmement, l’interprétation du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union ne saurait, selon la jurisprudence de la Cour, rendre indûment difficile, voire impossible, la conduite d’enquêtes pénales sur le territoire des États membres ( 31 ). En d’autres termes, le caractère fonctionnel et ainsi limité des privilèges et immunités au titre du protocole devrait assurer un équilibre approprié entre les intérêts de l’Union à son indépendance et à son bon fonctionnement, d’une part, et l’intérêt des États membres à l’efficacité de leurs poursuites pénales, d’autre part. Une interdiction globale de mener une enquête irait cependant au-delà de ce qui est « nécessair[e] à l’accomplissement de sa mission », au sens de l’article 343 TFUE.

80.

On ne peut certes pas exclure que, dans certains cas particuliers, une enquête visant un fonctionnaire de l’Union pour des actes officiels puisse menacer de porter atteinte à l’indépendance et au bon fonctionnement des institutions de l’Union. C’est la raison pour laquelle l’article 18 du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union prévoit cependant que les institutions de l’Union et les autorités responsables des États membres agissent de concert lors de l’application de ce protocole. Il s’agit de prévenir ce faisant les conflits lors de l’interprétation et de l’application des dispositions du protocole ( 32 ) et d’assurer de manière générale que les objectifs du protocole ne soient pas mis en échec. L’article 18 du protocole concrétise ainsi l’article 4, paragraphe 3, TUE ( 33 ).

81.

Les autorités répressives et les juges d’instruction nationaux sont donc tenus, dès un stade précoce de la procédure, d’informer l’institution de l’Union pour laquelle travaille un prévenu des enquêtes en cours et de demander le cas échéant une levée de l’immunité ( 34 ). Cette institution doit en effet se voir accorder la possibilité d’apprécier si son bon fonctionnement et son indépendance sont menacés ( 35 ). Il ne peut y avoir une exception que tout au plus dans les cas où il n’existe manifestement aucun lien entre les actes qui font l’objet de l’enquête ou de la procédure pénale et les missions et obligations au titre du droit de l’Union du prévenu. Compte tenu des liens étroits entre les compétences nationales et les compétences de l’Union dans le domaine du SEBC et de la surveillance bancaire au niveau européen, il semble cependant difficile d’imaginer qu’un acte en apparence officiel d’un gouverneur d’une banque centrale puisse être exclusivement rattaché au domaine de compétence nationale.

82.

Si l’institution de l’Union est d’avis qu’il n’existe aucun lien entre les actes incriminés et ses missions ou que l’Union n’a aucun intérêt au maintien de l’immunité, au sens de l’article 17, paragraphe 2, du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union, la procédure d’enquête peut se poursuivre. La personne concernée peut, dans ce cas, conformément à l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne et, le cas échéant, conformément à son article 91, former un recours auprès de la Cour, qui juge alors si l’immunité a été rejetée ou levée à tort. La Cour a jugé à ce sujet qu’une telle décision d’une institution constitue un « acte faisant grief », étant donné qu’elle produit des effets de droit contraignants qui peuvent affecter directement et immédiatement les intérêts de l’intéressé en modifiant sa situation juridique de manière caractérisée ( 36 ). La décision quant au rejet ou à la levée de l’immunité remplit ainsi toutes les conditions d’un acte attaquable, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE ( 37 ), de sorte qu’elle peut être également attaquée par les intéressés qui ne relèvent pas du statut des fonctionnaires de l’Union européenne – comme par exemple l’ensemble du personnel de la BCE ainsi que les gouverneurs des banques centrales nationales.

83.

Si l’institution est en revanche d’avis qu’il existe un lien avec ses missions et que lever l’immunité nuirait à ses intérêts, le juge d’instruction compétent peut déjà adresser une « demande d’entraide judiciaire » à la Cour dans le cadre de la procédure d’enquête, s’il ne souhaite pas accepter cette décision ( 38 ). Il s’agit ici à cet égard d’un type de procédure propre qui porte l’acronyme « IMM » (demande relative aux immunités). La Cour vérifie dans ce cas si l’institution avait le droit de refuser la levée de l’immunité ( 39 ).

84.

Enfin, en cas de refus des autorités ou juridictions nationales d’associer les institutions de l’Union ou la Cour dans le sens décrit ci-dessus, la personne supposée jouir de l’immunité peut même engager elle-même une procédure « IMM » auprès de la Cour afin de faire constater une immunité ( 40 ). En outre, une violation de l’obligation de coopération loyale dans l’application du protocole peut être poursuivie dans le cadre d’une procédure en manquement ( 41 ).

85.

Si cela ne devait pas non plus se produire, une juridiction nationale serait tenue – comme en l’espèce –, au plus tard avant l’ouverture de la procédure au principal conformément à l’article 18 du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union, de procéder à un renvoi préjudiciel à la Cour, en vertu de l’article 267 TFUE ( 42 ).

86.

Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’immunité de juridiction pour les actes officiels accomplis par le personnel de l’Union, au sens de l’article 11, sous a), du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union, recouvre certes les mesures de contrainte nationales dans une procédure pénale, mais qu’elle ne fait pas obstacle à l’ouverture et à la conduite d’une procédure d’enquête.

4. Conclusion intermédiaire

87.

Les gouverneurs des banques centrales des États membres relèvent, en vertu des dispositions combinées de l’article 22, premier alinéa, et de l’article 11, sous a), du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union, du champ d’application de ce protocole, pour autant qu’ils agissent officiellement comme responsables de l’Union dans le cadre du SEBC ou de l’union bancaire, et en particulier dans leur fonction de membre du conseil général de la BCE ou du conseil des gouverneurs de la BCE.

88.

L’immunité de juridiction, au sens de l’article 11, sous a), du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union, recouvre, outre la procédure judiciaire au principal pour des actes accomplis en qualité officielle, les mesures de contrainte nationales dans les procédures pénales qui concernent de tels actes, mais elle ne fait pas de manière générale obstacle à l’ouverture et à la conduite d’une procédure d’enquête visant de tels actes.

89.

Il découle par ailleurs des termes de cette disposition que l’immunité de juridiction vaut également « après la cessation [des] fonctions ». Il est ainsi précisé que l’immunité demeure après la fin du mandat. Elle ne concerne cependant que les actes officiels accomplis au cours du mandat. Il est en revanche sans importance de savoir quand l’acte accompli au cours du mandat est poursuivi.

B.   Sur les conditions de l’immunité de juridiction au titre de l’article 11, sous a), du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union dans le détail (quatrième question préjudicielle)

90.

Par sa quatrième question préjudicielle, la juridiction de renvoi souhaiterait en substance savoir comment apprécier si, dans le cas concret, le prévenu jouit d’une immunité de juridiction en vertu de l’article 11, sous a), du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union, quel rôle l’existence d’un intérêt de l’Union joue à cet égard et dans quelles circonstances cette juridiction doit demander à la BCE la levée de l’immunité.

91.

Pour constater si un acte déterminé a été accompli en qualité officielle, au sens de l’article 11, sous a), du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union, le facteur déterminant est le lien entre l’acte et les obligations et missions du membre du personnel de l’Union ( 43 ). La juridiction de renvoi demande ainsi en particulier si elle peut juger elle-même de l’existence de ce lien.

92.

Il convient donc de préciser dans une première étape, qui est compétent pour juger de l’existence d’un lien avec les missions d’une institution de l’Union ou des membres de son personnel (voir sous 1). Il faut ensuite, dans une deuxième étape, déterminer d’après quels critères ce lien doit être apprécié (voir sous 2). Enfin, dans une troisième étape, il y a lieu d’examiner quelles circonstances dans la présente affaire importent dans le cadre de cet examen (voir sous 3).

1. Sur la compétence pour juger du lien avec les missions de l’Union

93.

En pratique, ce sont tout d’abord les autorités répressives ou les juridictions des États membres qui sont saisies de la question de savoir s’il pourrait y avoir un obstacle procédural du fait de l’immunité d’un membre du personnel de l’Union. Elles seules disposent des informations matérielles nécessaires permettant de déduire un éventuel lien avec les missions d’une institution de l’Union. Il est donc dans la nature même des choses que les autorités ou juridictions nationales interviennent en premier dans l’examen de la question de savoir s’il y a une immunité en vertu du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union.

94.

Cela ne signifie cependant pas qu’elles pourraient juger de manière autonome de l’existence d’un lien entre les actes objet de l’enquête et les missions officielles d’un membre du personnel de l’Union. Elles doivent au contraire s’adresser à la Cour dès qu’un comportement pourrait prima facie relever du champ d’application de l’article 11, sous a), du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union ( 44 ).

95.

Il faut tout d’abord rappeler que, d’après la jurisprudence de la Cour, l’immunité accordée pour les actes officiels au titre de l’article 11, sous a), du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union est supposée prévenir que l’activité officielle de l’Union et de son personnel soit jugée d’après le droit national des États membres. Il s’agit de garantir ce faisant la compétence exclusive de la Cour de justice de l’Union européenne en vertu de l’article 263 TFUE pour contrôler la légalité des actes des institutions de l’Union ( 45 ).

96.

Seule la Cour peut dans le doute définir de manière contraignante ce qui appartient aux missions et obligations des membres du personnel de l’Union ( 46 ). S’il appartenait au contraire aux juridictions des États membres d’apprécier si un lien existe ou non avec une mission de l’Union, celles-ci détermineraient en définitive ce qui relève ou non du champ d’activité des institutions de l’Union.

97.

Il en va certes différemment pour l’immunité parlementaire prévue à l’article 9, paragraphe 1, sous a), du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union. Celle-ci dépend cependant expressément, d’après les termes de cette disposition, du droit national ( 47 ). Étant donné que seules les juridictions nationales sont autorisées à définir la portée de l’immunité parlementaire existant en vertu du droit national, elles seules peuvent aussi constater si un comportement est couvert par cette immunité.

98.

Dans les cas visés à l’article 11, sous a), du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union, l’article 18 dudit protocole entraîne ainsi pour une juridiction nationale l’obligation de saisir la Cour d’une demande de décision préjudicielle conformément à l’article 267 TFUE si elle envisage d’engager une procédure à l’encontre d’un membre du personnel de l’Union ( 48 ). Il y aurait sinon un risque qu’une juridiction nationale juge des actes d’une institution de l’Union en violation de l’article 263 TFUE.

99.

Ce n’est que si la Cour parvient à la conclusion que, vu les circonstances de fait communiquées par la juridiction nationale, il n’y a pas de lien avec les missions d’une institution de l’Union, que cette juridiction peut engager la procédure pénale. Dans le cas contraire, l’institution de l’Union concernée doit tout d’abord, conformément à l’article 17, paragraphe 2, dudit protocole, être saisie d’une demande de levée d’immunité ( 49 ). L’institution obtient ainsi la possibilité de contrôler si l’immunité est nécessaire au maintien de son bon fonctionnement et de son indépendance. Le protocole sur les privilèges et immunités de l’Union est précisément supposé permettre ce contrôle ( 50 ).

100.

C’est la deuxième raison pour laquelle une juridiction nationale ne saurait décider seule qu’il n’existe pas de lien entre un acte déterminé et les missions de l’Union exercées par un membre de son personnel et que l’article 11, sous a), de ce protocole ne s’applique donc pas. Elle anticiperait en effet ce faisant l’examen par l’institution concernée et y ferait obstacle. Cela distingue l’immunité, au titre de l’article 11, sous a), dudit protocole, des cas, au titre de son article 8 dans lesquels il n’est pas prévu que le Parlement vérifie si, dans le cas concret l’immunité d’un ou d’une député(e) est nécessaire ( 51 ).

101.

Par conséquent, le lien entre un acte et les missions des membres du personnel de l’Union, nécessaire pour l’existence d’« actes accomplis [...] en leur qualité officielle », au sens de l’article 11, sous a), du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union, doit être déterminé de manière autonome en vertu du droit de l’Union et par la Cour ( 52 ). Cela ne change naturellement rien au fait que seule la juridiction nationale saisie de la procédure peut procéder aux constatations de fait nécessaires à cette appréciation. Elle est à cet égard uniquement appelée à résumer les faits démontrés d’après ses constatations en recourant aux critères établis par la Cour à cette fin ( 53 ).

2. Sur les critères pour la constatation du lien nécessaire avec les missions de l’Union

102.

La Cour n’a eu jusqu’à maintenant qu’une seule occasion de prendre position sur la question de savoir quand un acte est lié aux missions d’un membre du personnel de l’Union au point que l’on pourrait parler d’une « action en qualité officielle » au sens de l’article 11, sous a), du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union ( 54 ). Dans les arrêts Sayag et Zurich, la Cour a jugé que l’immunité de juridiction ne couvre que les actes qui par leur nature représentent une participation de celui qui l’invoque à l’exercice des tâches de l’institution dont cette personne relève ( 55 ). Les actes doivent, compte tenu du rapport interne et direct, constituer le prolongement nécessaire des missions des institutions ( 56 ).

103.

Il faut, pour rendre ces critères applicables, se demander quels actes doivent être couverts par l’immunité pour les actes officiels, d’après le sens et l’objet de celle-ci.

104.

Il semble ainsi logique de se fonder sur le point de savoir si l’acte en cause est « nécessaire » à une mission officielle ( 57 ) ou s’il présente une connexion ou un rapport de causalité avec cette mission ( 58 ). En effet, le bon fonctionnement et l’indépendance des institutions de l’Union pourraient être entravés si des membres de leur personnel devaient craindre d’être poursuivis civilement ou pénalement pour des actes qui, certes, n’appartiennent pas au cœur de leur activité statutaire, mais qui servent à l’exercice de cette activité ou lui sont nécessaires ( 59 ).

105.

Ainsi qu’il a cependant déjà été indiqué, l’immunité pour les actes officiels est supposée prévenir en particulier que les actes des institutions de l’Union soient jugés par les autorités et les juridictions nationales et qu’il soit ainsi porté atteinte au bon fonctionnement et à l’indépendance des institutions de l’Union. Par voie de conséquence, il y a toujours lieu d’admettre l’existence d’un lien entre un acte et les missions d’une institution de l’Union lorsque l’appréciation de cet acte nécessiterait une appréciation des obligations de son personnel, cette appréciation ne pouvant pas, d’après les développements qui précèdent ( 60 ), revenir aux autorités et juridictions nationales, mais appartenant uniquement aux institutions de l’Union et en définitive à la Cour.

106.

Une telle interprétation du lien nécessaire ne restreint pas de manière excessive les intérêts légitimes des États membres en ce qui concerne les poursuites pénales. En effet, l’existence d’un acte accompli en qualité officielle et l’immunité qui y est liée au titre de l’article 11, sous a), du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union – le cas échéant après constatation par la Cour – ne signifient pas que la personne concernée ne peut définitivement pas être poursuivie et condamnée. Les autorités ou juridictions des États membres peuvent au contraire saisir l’institution en cause, conformément à l’article 17, paragraphe 2, de ce protocole, d’une demande de levée de l’immunité. D’après la jurisprudence de la Cour, les institutions de l’Union sont à cet égard tenues, en vertu du principe de coopération loyale consacré à l’article 18 dudit protocole, d’accueillir la demande lorsqu’il n’existe pas d’intérêt de l’Union à l’immunité dans le cas concret ( 61 ). Si les institutions refusent alors à tort la levée de l’immunité, la Cour peut encore autoriser les poursuites pénales ( 62 ).

107.

En ce sens, l’immunité au titre de l’article 11, sous a), du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union se distingue de l’immunité des membres du Parlement au titre de l’article 8 de ce protocole, laquelle ne peut pas être levée ( 63 ). Cette particularité semble cependant être précisément la raison pour laquelle la Cour a jugé que le lien doit être direct et s’imposer avec évidence ( 64 ). Une interprétation aussi étroite de ce lien n’est donc pas opportune dans les cas visés à l’article 11, sous a), dudit protocole.

108.

Le fait qu’un acte est éventuellement illégal ne saurait en tout cas exclure qu’il ait été accompli en qualité officielle ( 65 ). Il doit déjà en aller ainsi parce que c’est précisément dans la procédure en cause que l’illégalité de l’acte doit être appréciée. Si cette illégalité était admise et que l’immunité de juridiction des États membres était levée de manière hâtive, il se pourrait en définitive qu’une juridiction nationale décide tout de même à la place de la Cour de la légalité des actes d’une institution de l’Union. Pour de nombreuses infractions particulièrement graves – comme un homicide –, l’immunité devra ainsi en règle générale être rejetée parce qu’un tel acte ne nécessite aucune appréciation des obligations du prévenu relevant du droit de l’Union et n’a donc manifestement aucun lien avec les missions de droit de l’Union de cette personne, et non parce que l’acte est illégal ( 66 ).

109.

L’illégalité potentielle d’un acte ne doit au contraire être prise en compte qu’au niveau de la levée de l’immunité. Si un acte est probablement illégal, seuls des intérêts de l’Union particulièrement importants justifieraient un maintien de l’immunité.

110.

Contrairement aux considérations exprimées par la juridiction de renvoi dans la première partie de la cinquième question, l’existence d’intérêts particuliers de l’Union est également sans pertinence pour l’appréciation du lien entre un acte et les missions de l’Union. Les privilèges et immunités sont certes accordés, en vertu des dispositions générales de l’article 17, premier alinéa, du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union, exclusivement dans l’intérêt de l’Union. Toutefois, il s’ensuit seulement, en lien avec la question de l’existence d’une immunité, que celle-ci est fonctionnellement limitée et n’entre donc en ligne de compte que pour les actes accomplis en qualité officielle ( 67 ). L’existence d’intérêts de l’Union ne devra par contre être examinée que dans le cadre d’une éventuelle levée de l’immunité. L’article 17, second alinéa, du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union précise ainsi que chaque institution lève l’immunité si cela ne va pas à l’encontre des intérêts de l’Union. L’institution en cause n’a par contre pas à démontrer que les poursuites pénales pourraient entraver son bon fonctionnement ou son indépendance pour justifier la simple existence de l’immunité fonctionnelle ( 68 ).

111.

En définitive doivent être considérés comme des « actes accomplis en qualité officielle » au sens de l’article 11, sous a), du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union, les actes qui en raison du rapport interne et direct constituent le prolongement nécessaire des missions des institutions et qui, par leur nature, représentent donc une participation d’une personne citée dans cette disposition à l’exercice des tâches de l’institution à laquelle elle appartient. Tel est le cas lorsque l’examen par les tribunaux de cet acte nécessite une appréciation des obligations de l’institution en cause ou de son personnel, pour laquelle seule la Cour est compétente.

3. Sur l’existence du lien nécessaire dans le cas concret

112.

Afin de fournir à la juridiction de renvoi une réponse utile à sa véritable question – à savoir si l’article 11, sous a), du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union fait obstacle à l’ouverture de l’instruction d’audience dans la procédure au principal –, il convient de procéder ci-après à l’examen du lien nécessaire, pour autant que cela soit possible sur la base des faits communiqués. Il faut en outre se pencher sur les conditions matérielles, dont la satisfaction doit encore être examinée dans ce contexte par la juridiction de renvoi ( 69 ).

113.

À cette occasion, le rattachement aux missions nationales et relevant du droit de l’Union d’un gouverneur de banque centrale dans le cadre du SEBC et de la surveillance bancaire au niveau européen peut en particulier conduire à des difficultés en pratique, compte tenu de la forte intégration de ces systèmes ( 70 ). Cela illustre, d’une part, l’obligation d’impliquer la BCE à un stade précoce d’une telle procédure ( 71 ) et souligne, d’autre part, la nécessité de confier à la Cour l’appréciation du lien avec les missions de l’Union ( 72 ).

114.

On peut déduire de la décision de renvoi, premièrement, que le prévenu se voit reprocher d’avoir conseillé Trasta Komercbanka au sujet de sa surveillance par la FKTK, et ce contre rémunération et prestations en nature, du milieu de l’année 2010 jusqu’à la fin de l’année 2015, et de l’avoir aidée à formuler l’échange de correspondance avec la FKTK en utilisant des informations qu’il avait obtenues de cette dernière sur la base de sa position officielle. Deuxièmement, jusqu’à la proposition de la FKTK du 5 février 2016 de retirer l’agrément à Trasta Komercbanka, il n’aurait pas participé aux réunions au cours desquelles des questions tenant à la surveillance de Trasta Komercbanka ont été traitées et aurait omis de prévenir dans ce contexte une détérioration du ratio de fonds propres de Trasta Komercbanka et de lutter contre le blanchiment d’argent. Il lui est reproché, troisièmement, d’avoir investi en 2012 et 2013 l’argent reçu en contrepartie dans un bien immobilier afin d’en dissimuler l’origine.

a) Sur les reproches en ce qui concerne la période antérieure au 4 novembre 2014

115.

Dans le cadre du SEBC, les gouverneurs des banques centrales nationales assument des missions de l’Union, en particulier lorsqu’ils prennent des décisions portant sur des mesures de politique monétaire en leur qualité de membres du conseil des gouverneurs de la BCE. Ce dernier détermine, en vertu de l’article 129, paragraphe 1, TFUE, lu en combinaison avec l’article 12.1, premier alinéa, du protocole sur les statuts du SEBC et de la BCE, la politique monétaire de l’Union ( 73 ). Le conseil général de la BCE coordonne de son côté, en vertu de l’article 141, paragraphe 2, TFUE, la politique monétaire des États membres avec pour objectif de maintenir la stabilité des prix.

116.

En leur qualité de membres du conseil des gouverneurs de la BCE, les gouverneurs des banques centrales nationales peuvent depuis le 4 novembre 2014, date d’entrée en vigueur du MSU, également exercer des missions de l’Union dans des matières de surveillance bancaire. En effet, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, du règlement MSU, la BCE est responsable du fonctionnement efficace et cohérent du MSU composé de la BCE et des autorités compétentes nationales ( 74 ). En vertu de l’article 26, paragraphe 8, du règlement MSU, les décisions définitives relatives aux missions de surveillance confiées à la BCE en vertu de l’article 4, paragraphe 1, de ce même règlement sont adoptées par le conseil des gouverneurs de la BCE après préparation par le conseil de surveillance ( 75 ). Le conseil général de la BCE, auquel appartiennent également les gouverneurs des banques centrales des États membres qui ne participent pas à l’union monétaire, n’a dans ce cadre naturellement aucune mission, puisque seules les banques de la zone euro font l’objet d’une surveillance dans le cadre du MSU.

117.

En ce qui concerne le reproche du blanchiment d’argent, on ne saurait discerner en quoi celui-ci pourrait être lié aux fonctions relevant du droit de l’Union du prévenu en tant que membre d’un organe de décision de la BCE. En effet, l’investissement d’une somme d’argent dans un projet immobilier n’a aucun rapport interne avec les domaines d’intervention de la politique monétaire ou de la surveillance bancaire.

118.

Pour autant que les actes reprochés devraient avoir été réalisés avant le 1er janvier 2014 – jour de l’adhésion de la Lettonie à la zone euro –, un lien avec les fonctions relevant du droit de l’Union du prévenu est également exclu. Durant cette période, le prévenu était en effet uniquement membre du conseil général de la BCE, lequel a seulement un mandat en matière de politique monétaire ( 76 ). Un lien interne entre les reproches décrits et les mesures de politique monétaire ne saurait toutefois être discerné.

119.

Il n’y a ainsi aucun lien avec les missions du prévenu en tant que membre du conseil des gouverneurs de la BCE entre le 1er janvier 2014 et le 3 novembre 2014, étant donné que, durant cette période, le conseil des gouverneurs de la BCE n’assumait également que des missions de politique monétaire. Les missions de surveillance bancaire évoquées au point 116 des présentes conclusions ne sont en effet exercées par le conseil des gouverneurs de la BCE que depuis le 4 novembre 2014, jour de l’entrée en vigueur du règlement MSU. La FKTK, dont le prévenu était, d’après les indications de la juridiction de renvoi, un membre à fonctions consultatives pendant toute la période en question, n’a assumé avant l’entrée en vigueur du MSU que des missions de surveillance nationales ( 77 ).

b) Sur les reproches en ce qui concerne la période à partir du 4 novembre 2014

120.

Après l’entrée en vigueur du MSU, Trasta Komercbanka continuait certes à être soumise, en tant qu’établissement de crédit de moindre importance au sens de l’article 6, paragraphe 4, du règlement MSU, à la surveillance directe de la FKTK pour ce qui est des missions de surveillance citées à l’article 4, paragraphe 1, sous b), d) à g) et i), de ce règlement, conformément à l’article 6, paragraphe 6, dudit règlement.

121.

La BCE a cependant la compétence exclusive pour le retrait de l’agrément conformément à l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement MSU, et ce même lorsque l’établissement de crédit en cause est, comme Trasta Komercbanka, d’importance moindre.

122.

La décision quant au retrait de l’agrément de Trasta Komercbanka n’a certes été prise par le conseil des gouverneurs de la BCE que le 3 mars 2016 et ainsi – pour autant que l’on puisse en juger – postérieurement à la période visée par l’acte d’accusation dans la procédure au principal. Cette décision a cependant été prise dans la présente affaire, conformément à l’article 14, paragraphe 5, du règlement MSU et à l’article 83, paragraphe 1, du règlement-cadre MSU, sur proposition de la FKTK en tant qu’« autorité compétente nationale » au sens de l’article 2, point 2, du règlement MSU, dont le prévenu était également membre à titre consultatif. Il convient à cette occasion de partir du principe que la FKTK, pendant une longue période avant la soumission de cette proposition à la BCE, examinait déjà si Trasta Komercbanka satisfaisait encore aux exigences de cet agrément.

123.

Dans une telle situation, les autorités de surveillance nationales agissent selon moi, fonctionnellement, comme des institutions de l’Union. Par voie de conséquence, les gouverneurs d’une banque centrale nationale doivent aussi être considérés comme tels dans leur fonction en tant que membres de cette autorité ( 78 ).

124.

Les actions des autorités de surveillance nationales dans le cadre du MSU peuvent être réparties en trois cas de figure. Dans le premier cas, les autorités de surveillance nationales remplissent les missions qui leur sont attribuées en vertu du droit national dans tous les domaines qui ne sont pas couverts par le règlement MSU (voir article 1er, paragraphe 5, du règlement MSU).

125.

Dans le deuxième cas, ces autorités assument certes les missions réglementées par le règlement MSU, mais elles agissent cependant en tant qu’acteurs indépendants. Relève notamment de ce cas de figure la surveillance d’établissements de crédit de moindre importance en vertu de l’article 6, paragraphe 6, du règlement MSU. Les autorités de surveillance nationales sont, en vertu de cette disposition, elles-mêmes responsables de l’adoption de toutes les décisions de surveillance pertinentes et sont uniquement soumises en vertu de l’article 6, paragraphe 5, sous a), du règlement MSU aux instructions générales de la BCE.

126.

Dans le troisième cas de figure, les autorités de surveillance nationales agissent uniquement en préparation d’une décision de la BCE sans adopter à cette occasion de décisions propres auxquelles la BCE serait liée. Un exemple en ce sens, tiré de la jurisprudence de la Cour, est la procédure d’autorisation d’une participation qualifiée en vertu des articles 22 et 23 de la directive CRD, lus en combinaison avec l’article 4, paragraphe 1, sous c), et l’article 15 du règlement MSU ( 79 ). La Cour a jugé à ce sujet que l’éventuelle implication d’autorités nationales au cours de la procédure qui conduit à l’adoption d’une décision de la BCE ne saurait remettre en cause sa qualification comme acte de l’Union ( 80 ). Puisque la BCE supporte en dernier ressort la responsabilité, les actes des autorités de surveillance nationales lui sont donc, dans cette situation, imputés.

127.

Il s’ensuit, d’une part, que la Cour est seule compétente pour juger de la légalité d’une telle mesure, même s’il convient d’apprécier à cette occasion les actes des autorités de surveillance nationales ( 81 ). Cela doit signifier, d’autre part et dans le même temps, que les actes de ces autorités jouissent de l’immunité de juridiction des États membres parce que lesdites autorités doivent être fonctionnellement considérées comme des organes de la BCE, au sens de l’article 22, premier alinéa, du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union. Dans le cas contraire, ces actes pourraient être jugés par les juridictions des États membres ( 82 ).

128.

Tel est précisément le cas en ce qui concerne le retrait d’un agrément bancaire, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, sous a), et de l’article 14, paragraphe 5, du règlement MSU, lus en combinaison avec l’article 83 du règlement-cadre MSU, qui a été appliqué en l’espèce à l’égard de Trasta Komercbanka. Bien que le retrait de l’agrément conformément à l’article 14, paragraphe 5, du règlement MSU soit intervenu sur proposition de la FKTK, la BCE devait tenir compte de cette proposition dans son ensemble sans pour autant être liée par celle-ci en vertu de l’article 83, paragraphe 1, du règlement-cadre MSU. La FKTK n’a donc agi que dans une fonction de soutien. L’appréciation de l’action de la FKTK appartient donc dans ce contexte à la seule Cour ( 83 ).

129.

Pour déterminer si les actes reprochés au prévenu et accomplis avant le 4 novembre 2014 sont liés à ses missions relevant du droit de l’Union, la juridiction de renvoi doit donc examiner si les « activités de conseil » qui lui sont reprochées à compter de cette date concernaient des exigences qui, si elles n’avaient pas été satisfaites, auraient pu entraîner un retrait de l’agrément d’un établissement de crédit et sur lesquelles la FKTK aurait par conséquent pu fonder sa proposition en vertu des dispositions combinées de l’article 18 et de l’article 14, paragraphe 5, du règlement MSU.

130.

Elle doit concrètement examiner, par exemple, si le reproche, cité dans l’acte d’accusation, au sujet des conseils fournis au sujet de l’augmentation nécessaire du capital social pour garantir une participation qualifiée et des démarches nécessaires pour attirer des investisseurs (actionnaires) a un lien avec les exigences de capitaux propres pour les établissements de crédit qui, si elles n’étaient pas satisfaites, auraient pu conduire au retrait de l’agrément d’un établissement de crédit, par exemple, conformément à l’article 18, sous d), de la directive CRD. Il en va de même en ce qui concerne le reproche au sujet des conseils sur l’incapacité de Trasta Komercbanka d’assurer le respect des exigences de la loi lettonne de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Il ressort en effet des considérants 28 et 29 du règlement MSU que la lutte contre l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment d’argent est une mission de surveillance purement nationale. Le soupçon de blanchiment d’argent visant la personne d’un actionnaire est cependant un aspect qui peut jouer un rôle lors du retrait de l’agrément ( 84 ). En outre, le retrait de l’agrément entre également en ligne de compte, en vertu des dispositions combinées de l’article 18, sous e) et f), et de l’article 67, sous o), de la directive CRD, en cas de violation du droit national applicable.

131.

Il faut préciser dans ce contexte que les « conseils » au sujet de ces exigences, fournis à une banque par un membre de l’organe qui doit contrôler de manière continue que cette banque remplit lesdites conditions – ici la FKTK – ou qui doit constater que ces conditions ne sont en définitive pas remplies – ici la BCE – ont précisément un rapport interne avec les missions de cet organe lorsque ces conseils conduisent à dissimuler des circonstances qui devraient conduire au retrait de l’agrément. Un tel comportement d’un membre du conseil des gouverneurs de la BCE peut certes constituer une violation de ses obligations, parce qu’il n’est pas prévu que la BCE conseille les établissements de crédit et que le prévenu a à cette occasion éventuellement méconnu le caractère confidentiel des informations reçues. C’est précisément la raison pour laquelle ce comportement présente dans le sens précité un lien avec les obligations de ce membre, car son appréciation comme étant conforme ou non aux obligations appartient à la Cour et non à la juridiction de renvoi ( 85 ).

132.

Cela signifie que la BCE doit, conformément à l’article 17, paragraphe 2, du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union, être saisie d’une demande de levée de l’immunité ( 86 ).

133.

Contrairement à ce que semble suggérer la juridiction de renvoi dans sa cinquième question préjudicielle, la constatation d’un lien avec les fonctions du prévenu au titre du droit de l’Union n’est cependant pas une déclaration quant à l’existence d’intérêts de l’Union à l’immunité de juridiction. Il n’existe en effet, d’une part, pas d’immunité qui devrait être levée, s’il n’y a pas de lien avec les missions de l’Union. D’autre part, la levée de l’immunité ne va pas toujours à l’encontre des intérêts de l’Union lorsque le lien nécessaire existe. Il n’y aurait sinon jamais de levée de l’immunité.

134.

En d’autres termes, il est tout à fait envisageable – et même probable compte tenu de la position défendue par la BCE dans la présente affaire – que la BCE lèvera l’immunité du prévenu et que rien ne fera donc plus obstacle aux poursuites pénales en Lettonie. Si la BCE devait contre toute attente refuser la levée de l’immunité, la juridiction de renvoi pourrait toujours resoumettre cette décision à l’examen de la Cour ( 87 ).

c) Conclusion intermédiaire

135.

Dans les circonstances de fait communiquées par la juridiction de renvoi, il n’y a pas de lien entre les faits qui sont reprochés au prévenu pour la période antérieure au 4 novembre 2014 et ses missions relevant du droit de l’Union en tant que membre du conseil général de la BCE ou du conseil des gouverneurs de la BCE. Pour la période courant à partir de l’entrée en vigueur du MSU le 4 novembre 2014, il existe un lien avec les missions du prévenu relevant du droit de l’Union en tant que membre du conseil des gouverneurs de la BCE et de la FKTK en tant qu’« autorité compétente nationale », au sens de l’article 2, paragraphe 2, du règlement MSU, si les conseils incriminés fournis par le prévenu à Trasta Komercbanka portent sur les exigences qui peuvent être pertinentes pour le retrait de l’agrément d’un établissement de crédit. C’est à la juridiction de renvoi qu’il appartiendra d’établir si tel est le cas.

C.   Sur les exigences de l’article 130 TFUE (cinquième question préjudicielle)

136.

La question se pose néanmoins de savoir si l’article 130 TFUE, qui prévoit l’indépendance de la BCE, des banques centrales nationales et des membres de leurs organes de décision, peut représenter le fondement d’une immunité plus étendue des gouverneurs de banques centrales. La juridiction de renvoi demande ainsi, dans le cadre de sa cinquième question préjudicielle, si le droit de l’Union fait obstacle aux actes adoptés à l’encontre d’un gouverneur de banque centrale dans le cadre d’une procédure pénale qui n’a pas de rapport avec ses missions au titre du droit de l’Union.

137.

En vertu de l’article 130 TFUE, les institutions et les personnes qui y sont nommées ne sauraient accepter d’instructions d’autres organes ou organismes et il est interdit de chercher à les influencer dans l’accomplissement de leurs missions. L’indépendance de la BCE, des banques centrales nationales et des membres de leurs organes de décision est, d’après la conception des traités, une condition indispensable à la garantie de la stabilité des prix, la mission principale du SEBC ( 88 ).

138.

Cette indépendance pourrait cependant être également entravée par des mesures nationales d’enquête ou pénales ainsi que par des mesures de contrainte nationales visant un gouverneur de banque centrale en lien avec des missions purement nationales, voire même des questions sans caractère officiel. La pression politique ainsi éventuellement exercée ou les simples entraves créées pour cette personne – comme son arrestation – seraient de nature à porter atteinte à l’accomplissement indépendant des missions dans le cadre du SEBC ( 89 ).

139.

Dans ces circonstances, il pourrait être opportun d’assurer aux membres des organes de décision de la BCE une protection plus étendue, en particulier contre les mesures de contrainte nationales, non limitée à l’accomplissement de leurs fonctions relevant du droit de l’Union. En effet, les dispositions relatives à l’indépendance sont au fond supposées protéger le SEBC contre toute pression politique afin que celui-ci puisse poursuivre effectivement les objectifs fixés pour ses missions ( 90 ).

140.

De telles immunités personnelles ne sont pas totalement inconnues en droit de l’Union. Les juges de la Cour et ses avocats généraux jouissent ainsi, en vertu de l’article 3, paragraphe 1, première phrase, et de l’article 8 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, qui ne sont pas affectés par l’article 20 du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union, d’une immunité de juridiction. À la différence de l’immunité diplomatique, l’immunité pour les membres de la Cour vaut même dans l’État membre qui les a nommés. Cela est supposé garantir que l’impartialité des membres de la Cour sera particulièrement protégée ( 91 ).

141.

Dans le même temps, une extension de l’immunité dont jouissent les gouverneurs de banques centrales au-delà de celle de l’article 11, sous a), du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union n’a pas été prévue, bien que ce protocole ouvre expressément la porte à cette possibilité ( 92 ).

142.

Elle n’est d’ailleurs pas nécessaire.

143.

En ce qui concerne le champ d’action purement national, l’obligation globale de coopération loyale ( 93 ) décrite ci-dessus assure déjà que la BCE sera informée à un stade précoce d’éventuelles activités d’enquête des autorités nationales et recevra l’opportunité d’examiner s’il y a un risque d’atteinte à son bon fonctionnement et à son indépendance. En effet, l’exception à l’implication de l’institution de l’Union concernée pour les cas dans lesquels il n’y a manifestement pas de lien avec les missions relevant du droit de l’Union de la personne en cause ne peut valoir pour un gouverneur de banque centrale que tout au plus pour les actes qui ne sont clairement pas de nature officielle ( 94 ). Dès qu’un acte semble en apparence être officiel, les autorités répressives nationales sont tenues d’impliquer la BCE ( 95 ).

144.

S’il existe en revanche un risque de procédure pénale pour des actes exclusivement non officiels, on ne saurait prima facie discerner pour quelle raison un gouverneur d’une banque centrale devrait y échapper dans un premier temps simplement du fait de sa position.

145.

Il y a lieu de souligner à cet égard que la crainte de poursuites pénales politiquement motivées ou de l’utilisation de procédures judiciaires comme moyen de pression ne saurait justifier une inviolabilité personnelle d’un gouverneur de banque centrale. L’Union européenne est une union de droit reposant sur les valeurs citées à l’article 2 TUE et communes à tous les États membres ( 96 ). L’État de droit fait en particulier partie de ces valeurs. Cela justifie la confiance mutuelle des États membres et en particulier de leurs juridictions ( 97 ).

146.

Il faut néanmoins admettre que l’emprisonnement d’un gouverneur de banque centrale en particulier – quel que soit le contexte, c’est-à-dire même s’il n’est pas abusif – pourrait conduire à une entrave à l’indépendance, au sens de l’article 130 TFUE. La Cour a déjà jugé en ce sens que l’absence prolongée de participation d’un membre du conseil des gouverneurs de la BCE peut gravement affecter le bon fonctionnement de cet organe essentiel de la BCE ( 98 ).

147.

La Cour a cependant également jugé dans ce contexte que l’instrument à utiliser pour prévenir une telle atteinte à l’indépendance n’est pas l’immunité, mais la possibilité de recours prévue à l’article 14.2, du protocole sur les statuts du SEBC et de la BCE ( 99 ).

148.

En vertu de cette disposition, le gouverneur d’une banque centrale nationale ne peut être relevé de ses fonctions que lorsqu’il ne remplit plus les conditions nécessaires à l’exercice de ses fonctions ou s’il a commis une faute grave. Il ressort à ce sujet de la jurisprudence de la Cour que cette mesure vaut pour toute mesure qui conduit de facto à ce que les fonctions du gouverneur de la banque centrale ne puissent plus être exercées ( 100 ). Dans ces circonstances, et quel que soit le contexte, l’emprisonnement d’un gouverneur d’une banque centrale semble déjà exclu par principe du fait de l’article 14.2, du protocole sur les statuts du SEBC et de la BCE. Des exceptions ne sont envisageables que pour des fautes particulièrement graves.

149.

Mais même en cas de faute particulièrement grave, les autorités des États membres seraient tenues, en vertu de l’article 4, paragraphe 3, TUE, d’informer sans délai la BCE afin de permettre à l’article 130 TFUE de déployer son plein effet. Il est ainsi assuré que la BCE puisse recourir à la voie de recours prévue à l’article 14.2, du protocole sur les statuts du SEBC et de la BCE si elle est d’avis que la mesure de contrainte en question portera atteinte de manière injustifiée à son indépendance. Elle peut même obtenir dans ce cadre l’adoption de mesures provisoires à destination des autorités répressives nationales ( 101 ). La Cour vérifie alors en particulier s’il existe suffisamment d’indices que le gouverneur de banque centrale en cause a commis une faute grave ( 102 ). Si tel n’est cependant pas le cas, on ne voit pas pourquoi le bon fonctionnement du conseil des gouverneurs de la BCE devrait être placé au-dessus des intérêts légitimes des États membres aux poursuites pénales.

150.

Les garanties de l’article 14.2, du protocole sur les statuts du SEBC et de la BCE, lu en combinaison avec l’obligation de coopération loyale au titre de l’article 18 du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union et de l’article 4, paragraphe 3, TUE, dont le respect peut être le cas échéant imposé par une procédure en manquement ( 103 ), constituent ainsi en définitive une protection suffisante contre les atteintes à l’indépendance de la BCE, des banques centrales nationales et de leurs membres par des mesures de poursuites pénales dans des affaires purement nationales et non officielles rendant inutile une extension de l’immunité des personnes concernées au-delà des termes clairs de l’article 11, sous a), du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union.

151.

Il y a donc lieu de conclure que les gouverneurs des banques centrales des États membres jouissent uniquement des immunités prévues à l’article 11, sous a), du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union.

D.   Sur les conséquences juridiques des violations de l’immunité (deuxième partie de la troisième question préjudicielle)

152.

Par la deuxième partie de la troisième question préjudicielle, la juridiction de renvoi souhaiterait enfin savoir en substance si les preuves obtenues en violation de l’immunité au titre de l’article 11, sous a), du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union peuvent être utilisées. Cela pourrait concerner en particulier les résultats d’auditions ou de perquisitions, lesquelles, d’après les développements qui précèdent n’auraient pas pu être effectuées légalement sans levée au préalable de l’immunité par l’institution en cause ( 104 ).

153.

On peut déjà avoir des doutes sur le point de savoir si cette partie de la question n’est pas de nature hypothétique. La demande de décision préjudicielle ne contient en effet aucune indication quant aux preuves qui auraient été collectées en violation de l’immunité en cause et qui sont décisives pour la décision à rendre dans la procédure au principal.

154.

Il convient en tout cas de renvoyer de nouveau à la procédure de levée de l’immunité pour ce qui est d’une éventuelle interdiction d’utilisation des preuves. En tout état de cause, dès que l’immunité a été levée, aucun intérêt de l’Union, au sens de l’article 17, paragraphe 1, du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union, ne fait plus obstacle à l’utilisation des preuves. Puisque la question de l’utilisation des preuves n’est cependant pas réglée par le protocole, c’est l’autonomie procédurale des États membres qui prévaut ( 105 ). Cela signifie que s’appliquent en principe les règles nationales qui, dans des cas comparables, s’appliquent à la question de la possibilité d’utiliser des preuves obtenues illégalement (principe d’équivalence). Les juridictions nationales doivent cependant assurer à cette occasion que les objectifs du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union ne seront pas compromis (principe d’effectivité).

VI. Conclusion

155.

Je propose à la Cour de répondre comme suit aux questions préjudicielles :

1)

Les gouverneurs des banques centrales des États membres relèvent du champ d’application de l’article 22, premier alinéa, lu en combinaison avec l’article 11, sous a), du protocole (no 7) sur les privilèges et immunités de l’Union européenne, pour autant qu’ils assument des missions officielles dans le cadre du Système européen de banques centrales (SEBC) ou de l’union bancaire, en particulier en leur fonction de membres du conseil général de la Banque centrale européenne (BCE) ou du conseil des gouverneurs de la BCE. Lorsqu’une banque centrale est une autorité nationale compétente, au sens de l’article 2, point 2, du règlement (UE) no 1024/2013 du Conseil, du 15 octobre 2013, confiant à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit, ou que son gouverneur appartient en vertu du droit national à cette autorité, cette personne relève, conformément à son article 22, premier alinéa, du champ d’application du protocole (no 7) sur les privilèges et immunités de l’Union, si ladite autorité accomplit des actes préparatoires dans une procédure reposant sur le pouvoir de décision exclusif de la BCE. L’immunité pour de tels actes accomplis en qualité officielle vaut également après la cessation des fonctions.

2)

Sont à considérer comme des « actes accomplis en qualité officielle », au sens de l’article 11, sous a), du protocole (no 7) sur les privilèges et immunités de l’Union, les actes qui, du fait d’un rapport interne, sont le prolongement nécessaire des missions des institutions et doivent donc, de par leur nature, être considérés comme la participation d’une personne citée dans cette disposition à l’accomplissement des missions de l’institution à laquelle elle appartient. Tel est le cas lorsque le contrôle juridictionnel d’un tel acte exige une appréciation des obligations de l’institution en question ou de son personnel, pour laquelle seule la Cour est compétente.

3)

L’immunité de juridiction nationale, en vertu de l’article 11, sous a), du protocole (no 7) sur les privilèges et immunités de l’Union, fait obstacle à ce que, pour des actes accomplis en qualité officielle, une procédure judiciaire soit ouverte ou des mesures de contrainte nationales soient adoptées à l’égard de l’une des personnes citées dans cette disposition avant qu’il ne soit parvenu à un accord avec l’institution à laquelle cette personne appartient. Ladite disposition ne fait cependant pas obstacle de manière générale à l’ouverture et à la conduite d’une procédure d’enquête pour de tels actes.

4)

Si des preuves sont obtenues en violation de l’immunité, au titre de l’article 11, sous a), du protocole (no 7) sur les privilèges et immunités de l’Union, les règles nationales relatives à l’utilisation de ces preuves obtenues illégalement s’appliquent dans le respect des principes d’équivalence et d’effectivité.


( 1 ) Langue originale : l’allemand.

( 2 ) JO 2016, C 202, p. 266.

( 3 ) Règlement du Conseil du 15 octobre 2013 confiant à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit (JO 2013, L 287, p. 63, ci-après le « règlement MSU »).

( 4 ) JO 2016, C 202, p. 230, ci-après le « protocole sur les statuts du SEBC et de la BCE ».

( 5 ) Voir article 33, paragraphe 2, premier alinéa, de ce règlement.

( 6 ) Modifiant dans le même temps la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE (JO 2013, L 176, p. 338). La modification postérieure de l’article 18 par la directive (UE) 2019/878 du Parlement européen et du Conseil, du 20 mai 2019 (JO 2019, L 150, p. 253), n’est pas pertinente en l’espèce.

( 7 ) BCE/2014/17 (JO 2014, L 141, p. 1).

( 8 ) Latvijas Vēstnesis, 2005, no 74.

( 9 ) Latvijas Vēstnesis, 1998, no 199/200.

( 10 ) Voir article 6, paragraphe 6, du règlement MSU.

( 11 ) Ce processus a fait et continue de faire l’objet de différentes affaires devant la Cour de justice de l’Union européenne. Voir ordonnance du 12 septembre 2017, Fursin e. a./BCE (T‑247/16, non publiée, EU:T:2017:623) ; arrêt du 5 novembre 2019, BCE e. a./Trasta Komercbanka e. a. (C‑663/17 P, C‑665/17 P et C‑669/17 P, EU:C:2019:923), ainsi que l’affaire pendante T‑698/16, Trasta Komercbanka e. a./BCE.

( 12 ) Voir article 283, paragraphe 1, TFUE.

( 13 ) Voir arrêt du 17 décembre 2020, Commission/Slovénie (Archives de la BCE) (C‑316/19 EU:C:2020:1030, points 76, 79 et 81).

( 14 ) Voir cependant les exceptions à l’article 31, paragraphe 1, de la convention de Vienne pour les actions réelles concernant un immeuble privé situé sur le territoire de l’État accréditaire [sous a)], les actions concernant une succession, dans laquelle l’agent diplomatique figure comme exécuteur testamentaire, administrateur, héritier ou légataire, à titre privé et non pas au nom de l’État accréditant [sous b)], et les actions concernant une activité professionnelle ou commerciale, quelle qu’elle soit, exercée par l’agent diplomatique dans l’État accréditaire en dehors de ses fonctions officielles [sous c)].

( 15 ) Arrêts du 26 février 2019, Rimšēvičs et BCE/Lettonie (C‑202/18 et C‑238/18, EU:C:2019:139, points 69 et 70), et du 17 décembre 2020, Commission/Slovénie (Archives de la BCE) (C‑316/19, EU:C:2020:1030, point 83).

( 16 ) Arrêt du 26 février 2019, Rimšēvičs et BCE/Lettonie (C‑202/18 et C‑238/18, EU:C:2019:139, point 70).

( 17 ) Voir à ce sujet, point 45 des présentes conclusions.

( 18 ) Arrêt du 11 juillet 1968, Sayag et Zurich (5/68, EU:C:1968:42, p. 576). En ce sens, l’article 23, paragraphe 1, deuxième phrase, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne confirme que les fonctionnaires ne sont pas dispensés de s’acquitter de leurs obligations privées, ni d’observer les lois et les règlements de police en vigueur pour autant que le protocole sur les privilèges et immunités de l’Union n’en dispose pas autrement.

( 19 ) Voir, par analogie avec la protection des archives d’une banque centrale nationale en vertu de l’article 2 du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union, arrêt du 17 décembre 2020, Commission/Slovénie (Archives de la BCE) (C‑316/19, EU:C:2020:1030, points 84 et 85).

( 20 ) Ordonnance du 13 juillet 1990, Zwartveld e.a. (C‑2/88‑IMM, EU:C:1990:315, point 19) ; arrêts du 19 décembre 2019, Junqueras Vies (C‑502/19, EU:C:2019:1115, point 82) ; du 18 juin 2020, Commission/RQ (C‑831/18 P, EU:C:2020:481, point 47), et du 17 décembre 2020, Commission/Slovénie (Archives de la BCE) (C‑316/19, EU:C:2020:1030, points 73 et 100).

( 21 ) Ordonnance du 13 juillet 1990, Zwartveld e.a. (C‑2/88‑IMM, EU:C:1990:315, point 20), et arrêt du 18 juin 2020, Commission/RQ (C‑831/18 P, EU:C:2020:481, point 47).

( 22 ) Voir conclusions de l’avocat général Bobek dans l’affaire OH (Immunité de juridiction) (C‑758/19, EU:C:2021:86, point 67 et jurisprudence citée).

( 23 ) Voir arrêt du 11 juillet 1968, Sayag et Zurich (5/68, EU:C:1968:42, p. 576).

( 24 ) Voir arrêt du 10 juillet 1969, Sayag (9/69, EU:C:1969:37, points 5 à 7). La responsabilité dans les rapports internes est, en vertu de l’article 22, premier alinéa, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, limitée aux fautes graves.

( 25 ) Voir conclusions de l’avocat général Bobek dans l’affaire OH (Immunité de juridiction) (C‑758/19, EU:C:2021:86, point 27).

( 26 ) Voir, par exemple, « fritagelse for retsforfølgning » en langue danoise, « immune from legal proceedings » en langue anglaise et « vrijgesteld van rechtsvervolgin » en langue néerlandaise.

( 27 ) Voir mes conclusions dans les affaires Rimšēvičs/Lettonie et BCE/Lettonie (C‑202/18 et C‑238/18, EU:C:2018:1030, point 144).

( 28 ) En dehors aussi de la procédure pénale, des obligations de se présenter ou de fournir des renseignements sous peine d’amende administrative voire sous peine de l’imposition de mesures de sûreté (conservatoires) sont envisageables.

( 29 ) Arrêt du 18 juin 2020, Commission/RQ (C‑831/18 P, EU:C:2020:481, point 45).

( 30 ) Voir à ce sujet, points 56 et 61 des présentes conclusions.

( 31 ) Voir arrêt du 17 décembre 2020, Commission/Slovénie (Archives de la BCE) (C‑316/19, EU:C:2020:1030, point 105).

( 32 ) Arrêts du 21 octobre 2008, Marra (C‑200/07 et C‑201/07, EU:C:2008:579, point 42) ; du 6 septembre 2011, Patriciello (C‑163/10, EU:C:2011:543, point 40), et du 17 décembre 2020, Commission/Slovénie (Archives de la BCE) (C‑316/19, EU:C:2020:1030, point 119).

( 33 ) Arrêts du 21 octobre 2008, Marra (C‑200/07 et C‑201/07, EU:C:2008:579, point 41), et du 17 décembre 2020, Commission/Slovénie (Archives de la BCE) (C‑316/19, EU:C:2020:1030, point 119).

( 34 ) Voir, par analogie avec les archives de l’Union, arrêt du 17 décembre 2020, Commission/Slovénie (Archives de la BCE) (C‑316/19, EU:C:2020:1030, point 126).

( 35 ) Voir, en ce sens, arrêt du 17 décembre 2020, Commission/Slovénie (Archives de la BCE) (C‑316/19, EU:C:2020:1030, point 102).

( 36 ) Voir arrêt du 18 juin 2020, Commission/RQ (C‑831/18 P, EU:C:2020:481, points 44 à 54).

( 37 ) Voir arrêt du 13 octobre 2011, Deutsche Post et Allemagne/Commission (C‑463/10 P et C‑475/10 P, EU:C:2011:656, points 36 et 37).

( 38 ) Voir, au sujet de cette situation, ordonnance du 13 juillet 1990, Zwartveld e.a. (C‑2/88‑IMM, EU:C:1990:315).

( 39 ) Voir, en ce sens, ordonnance du 13 juillet 1990, Zwartveld e.a. (C‑2/88‑IMM, EU:C:1990:315, point 24) ; voir également point 106 des présentes conclusions.

( 40 ) Voir, au sujet de cette situation, arrêt du 16 décembre 1960, Humblet/État belge (6/60‑IMM, EU:C:1960:48).

( 41 ) Voir à ce sujet, arrêt du 17 décembre 2020, Commission/Slovénie (Archives de la BCE) (C‑316/19, EU:C:2020:1030, points 111 et suiv.).

( 42 ) Voir à ce sujet, points 93 et suiv. des présentes conclusions. Voir également, en définitive, arrêt du 6 septembre 2011, Patriciello (C‑163/10, EU:C:2011:543, point 40).

( 43 ) Ainsi déjà conclusions de l’avocat général Gand dans l’affaire Sayag et Zurich (5/68, non publiées, EU:C:1968:30, p. 587) ; voir également sur l’accomplissement de déclarations en qualité officielle, arrêts du 6 septembre 2011, Patriciello (C‑163/10, EU:C:2011:543, point 33), et du 17 septembre 2020, Troszczynski/Parlement (C‑12/19 P, EU:C:2020:725, point 40).

( 44 ) Voir à ce sujet, points 81 et suiv. des présentes conclusions.

( 45 ) Voir points 65 et 66 des présentes conclusions.

( 46 ) Voir, en ce sens, avis 2/13 du 18 décembre 2014[(Adhésion de l’Union à la CEDH)], (EU:C:2014:2454, points 224, 225, 230 et 231), et avis 1/17 (Accord ECG UE-Canada) du 30 avril 2019 (EU:C:2019:341, point 132).

( 47 ) Arrêt du 6 septembre 2011, Patriciello (C‑163/10, EU:C:2011:543, point 25).

( 48 ) Voir, sur les obligations au titre de l’article 18 du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union, point 80 des présentes conclusions.

( 49 ) Cela aurait en principe déjà dû intervenir au cours de la procédure d’enquête (voir points 81 et suiv. des présentes conclusions), mais doit être fait au plus tard maintenant, si l’institution n’a pas encore eu la possibilité d’examiner si son indépendance et son bon fonctionnement pourraient être entravés par la procédure.

( 50 ) Voir, en ce sens, arrêt du 17 décembre 2020, Commission/Slovénie (Archives de la BCE) (C‑316/19, EU:C:2020:1030, point 102).

( 51 ) La déclaration de la Cour dans l’arrêt du 21 octobre 2008, Marra (C‑200/07 et C‑201/07, EU:C:2008:579, point 32), fait uniquement référence à cela.

( 52 ) Voir développements de la Cour sur cette question dans l’arrêt du 6 septembre 2011, Patriciello (C‑163/10, EU:C:2011:543, points 28 à 37).

( 53 ) Voir, en ce sens, arrêts du 6 septembre 2011, Patriciello (C‑163/10, EU:C:2011:543, point 37), et du 17 septembre 2020, Troszczynski/Parlement (C‑12/19 P, EU:C:2020:725, point 57).

( 54 ) Cette question se pose cependant désormais aussi dans l’affaire actuellement pendante OH (Immunité de juridiction) (C‑758/19, EU:C:2021:86), dans laquelle l’avocat général Bobek a lu ses conclusions le 2 février 2021.

( 55 ) Arrêt du 11 juillet 1968, Sayag et Zurich (5/68, EU:C:1968:42, p. 576).

( 56 ) Arrêt du 10 juillet 1969, Sayag (9/69, EU:C:1969:37, point 7).

( 57 ) Voir conclusions de l’avocat général Sharpston dans l’affaire Commission/RQ (C‑831/18 P, EU:C:2019:1143, point 54).

( 58 ) Voir conclusions de l’avocat général Gand dans l’affaire Sayag et Zurich (5/68, non publiées, EU:C:1968:30, p. 587).

( 59 ) En ce sens également, conclusions de l’avocat général Bobek dans l’affaire OH (Immunité de juridiction) (C‑758/19, EU:C:2021:86, points 27, 29 et 67), qui s’appuie sur le critère de la proximité.

( 60 ) Voir points 95, 96 et 98 des présentes conclusions.

( 61 ) Voir, en ce sens, ordonnance du 13 juillet 1990, Zwartveld e.a. (C‑2/88‑IMM, EU:C:1990:315, points 22 et 25), et arrêt du 17 décembre 2020, Commission/Slovénie (Archives de la BCE) (C‑316/19, EU:C:2020:1030, point 101).

( 62 ) Voir à ce sujet, point 83 des présentes conclusions et ordonnance du 6 décembre 1990, Zwartveld e.a. (C‑2/88‑IMM, EU:C:1990:440).

( 63 ) Arrêts du 21 octobre 2008, Marra (C‑200/07 et C‑201/07, EU:C:2008:579, point 44), et du 6 septembre 2011, Patriciello (C‑163/10, EU:C:2011:543, point 27).

( 64 ) Arrêts du 6 septembre 2011, Patriciello (C‑163/10, EU:C:2011:543, point 35), et du 17 septembre 2020, Troszczynski/Parlement (C‑12/19 P, EU:C:2020:725, point 39). Voir également conclusions de l’avocat général Pikamäe dans l’affaire Troszczynski/Parlement (C‑12/19 P, EU:C:2020:258, point 51).

( 65 ) Arrêt du 19 décembre 2019, Junqueras Vies (C‑502/19, EU:C:2019:1115, point 89), et conclusions de l’avocat général Bobek dans l’affaire OH (Immunité de juridiction) (C‑758/19, EU:C:2021:86, point 27).

( 66 ) Voir conclusions de l’avocat général Poiares Maduro dans les affaires jointes Marra (C‑200/07 et C‑201/07, EU:C:2008:369, point 12).

( 67 ) Voir à ce sujet, points 63 et 64 des présentes conclusions.

( 68 ) Arrêt du 17 décembre 2020, Commission/Slovénie (Archives de la BCE) (C‑316/19, EU:C:2020:1030, point 100).

( 69 ) Voir à ce sujet, point 101 des présentes conclusions.

( 70 ) Voir au sujet de cette exigence, point 62 des présentes conclusions.

( 71 ) Voir point 81 des présentes conclusions.

( 72 ) Voir, en particulier, points 95 et 96 des présentes conclusions.

( 73 ) Arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400, point 38).

( 74 ) Arrêts du 19 décembre 2018, Berlusconi et Fininvest (C‑219/17, EU:C:2018:1023, point 53), et du 2 octobre 2019, Crédit mutuel Arkéa/BCE (C‑152/18 P et C‑153/18 P, EU:C:2019:810, point 60).

( 75 ) Voir à ce sujet, article 13g.1, première phrase, du règlement intérieur de la BCE. Le conseil de surveillance assume à cet égard, en vertu de l’article 26, paragraphe 1, du règlement MSU, la planification et l’exécution des décisions. Le rôle important du conseil des gouverneurs de la BCE dans la surveillance bancaire est en outre précisé par l’article 7, paragraphe 7, l’article 19, paragraphe 3, l’article 24, paragraphes 7 et 8, ainsi que l’article 25, paragraphes 4 et 5, du règlement MSU.

( 76 ) Voir déjà point 53 des présentes conclusions.

( 77 ) Sur les missions de droit de l’Union de la FKTK, voir points 124 à 128 des présentes conclusions.

( 78 ) D’après le considérant 13 du règlement MSU, les autorités compétentes nationales ne sont pas nécessairement les banques centrales, mais c’est le cas dans de nombreux États membres. Dans le cas de la Lettonie, c’est la FKTK et non la banque centrale qui est compétente pour la surveillance dans le cadre du MSU. Le gouverneur de la banque centrale est cependant, d’après les indications de la juridiction de renvoi, en vertu du droit letton, un membre consultatif de la FKTK.

( 79 ) Arrêt du 19 décembre 2018, Berlusconi et Fininvest (C‑219/17, EU:C:2018:1023, points 43 et 55).

( 80 ) Arrêt du 19 décembre 2018, Berlusconi et Fininvest (C‑219/17, EU:C:2018:1023, points 43 et 56).

( 81 ) Arrêt du 19 décembre 2018, Berlusconi et Fininvest (C‑219/17, EU:C:2018:1023, point 57).

( 82 ) Voir à ce sujet, points 65 et 66 des présentes conclusions.

( 83 ) Voir, par analogie, arrêt du 19 décembre 2018, Berlusconi et Fininvest (C‑219/17, EU:C:2018:1023, point 57).

( 84 ) Voir BCE, Guide relatif à l’évaluation des demandes d’agrément – Informations générales concernant les demandes d’agrément, seconde édition révisée, janvier 2019, p. 29.

( 85 ) Voir point 108 des présentes conclusions.

( 86 ) Voir sur cette procédure, point 99 des présentes conclusions.

( 87 ) Voir à ce sujet en particulier, points 83 et 106 in fine des présentes conclusions.

( 88 ) Voir à ce sujet, mes conclusions dans les affaires Commission/Slovénie (Archives de la BCE) (C‑316/19, EU:C:2020:641, point 59), et Rimšēvičs/Lettonie et BCE/Lettonie (C‑202/18 et C‑238/18, EU:C:2018:1030, points 5 et 76).

( 89 ) Voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2019, Rimšēvičs et BCE/Lettonie (C‑202/18 et C‑238/18, EU:C:2019:139, points 52, 61 et 73).

( 90 ) Arrêts du 16 juin 2015, Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400, point 40), et du 26 février 2019, Rimšēvičs et BCE/Lettonie (C‑202/18 et C‑238/18, EU:C:2019:139, point 47).

( 91 ) Voir la prestation de serment en vertu de l’article 2 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

( 92 ) Voir l’indication à l’article 22, premier alinéa, du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union, en vertu duquel les statuts du SEBC et de la BCE ne sont pas affectés. Ils ne prévoient cependant – à la différence du statut de la Cour de justice de l’Union européenne – aucune immunité pour les membres des organes de décision de la BCE allant au-delà du protocole.

( 93 ) Voir à ce sujet en particulier, points 81 à 84 des présentes conclusions.

( 94 ) Voir point 81 des présentes conclusions.

( 95 ) Voir point 113 des présentes conclusions.

( 96 ) En ce sens, la situation de départ est différente dans le contexte de la convention de Vienne. Les éléments de justification habituels pour l’immunité diplomatique – théorie de la représentation, théorie de l’extraterritorialité et théorie de la fonction – ne peuvent pas, d’après l’opinion majoritaire, justifier une immunité personnelle globale comme celle que prévoit l’article 31, paragraphe 1, de la convention de Vienne. Voir simplement Ross, M. S., « Rethinking Diplomatic Immunity : A Review of Remedial Approaches to Address the Abuses of Diplomatic Privileges and Immunities », American University International Law Review 4, no 1, 1989, p. 173, 179 et 180 ; Maginnis, V. L., « Limiting Diplomatic Immunity : Lessons Learned from the 1946 Convention on the Privileges and Immunities of the United Nations », 28 Brook. J. Int’l L., 2003, p. 989 et 992. C’est pour cette raison que l’on peut partir du principe que l’immunité diplomatique globale est supposée tenir compte de la crainte de persécutions politiques des diplomates ou de leur utilisation comme moyen de pression. Voir Maginnis, V. L., op. cit., p. 996.

( 97 ) Arrêts du 27 février 2018, Associação Sindical dos Juízes Portugueses (C‑64/16, EU:C:2018:117, point 30) ; du 25 juillet 2018, Minister for Justice and Equality (Défaillances du système judiciaire) (C‑216/18 PPU, EU:C:2018:586, point 35), et du 24 juin 2019, Commission/Pologne (Indépendance de la Cour suprême) (C‑619/18, EU:C:2019:531, point 43).

( 98 ) Arrêt du 26 février 2019, Rimšēvičs et BCE/Lettonie (C‑202/18 et C‑238/18, EU:C:2019:139, point 73).

( 99 ) Voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2019, Rimšēvičs et BCE/Lettonie (C‑202/18 et C‑238/18, EU:C:2019:139, points 48 et 61).

( 100 ) Voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2019, Rimšēvičs et BCE/Lettonie (C‑202/18 et C‑238/18, EU:C:2019:139, points 52, 61 et 73).

( 101 ) Arrêt du 26 février 2019, Rimšēvičs et BCE/Lettonie (C‑202/18 et C‑238/18, EU:C:2019:139, points 73 et 74).

( 102 ) Voir arrêt du 26 février 2019, Rimšēvičs et BCE/Lettonie (C‑202/18 et C‑238/18, EU:C:2019:139, point 92).

( 103 ) Voir arrêt du 17 décembre 2020, Commission/Slovénie (Archives de la BCE) (C‑316/19, EU:C:2020:1030, points 111 et suiv.).

( 104 ) Voir point 72 des présentes conclusions.

( 105 ) Voir à ce sujet aussi arrêt du 19 décembre 2019, Junqueras Vies (C‑502/19, EU:C:2019:1115, point 93), ainsi que mes conclusions dans l’affaire Commission/Slovénie (Archives de la BCE) (C‑316/19, EU:C:2020:641, point 83).

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