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Document 62019CC0120

Conclusions de l'avocat général M. E. Tanchev, présentées le 28 janvier 2021.
X contre College van burgemeester en wethouders van de gemeente Purmerend.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Raad van State (Pays-Bas).
Renvoi préjudiciel – Transport intérieur des marchandises dangereuses – Directive 2008/68/CE – Article 5, paragraphe 1 – Notion de “prescription relative à la construction” – Interdiction de prévoir des prescriptions relatives à la construction plus sévères – Autorité d’un État membre imposant à une station-service de ne se faire approvisionner en GPL que par des véhicules-citernes disposant d’un revêtement thermique particulier non prévu par l’ADR – Illicéité – Décision inattaquable en droit par une catégorie de justiciables – Possibilité strictement encadrée d’obtenir l’annulation d’une telle décision en cas de contrariété manifeste avec le droit de l’Union – Principe de sécurité juridique – Principe d’effectivité.
Affaire C-120/19.

Court reports – general – 'Information on unpublished decisions' section

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2021:78

 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. EVGENI TANCHEV

présentées le 28 janvier 2021 ( 1 )

Affaire C‑120/19

X

Autres parties à la procédure :

College van burgemeester en wethouders van de gemeente Purmerend,

Tamoil Nederland BV

[demande de décision préjudicielle formée par le Raad van State (Conseil d’État, Pays-Bas)]

« Renvoi préjudiciel – Transport de marchandises dangereuses – Notion de “prescription relative à la construction” – Condition imposant à une station-service GPL de n’être approvisionnée que par des véhicules-citernes équipés d’un revêtement thermique – Accords relatifs à ce revêtement thermique – Présomption de légalité de cette condition »

1.

La présente affaire, telle qu’elle est soumise à la Cour, soulève deux questions distinctes. L’une est relative à la bonne interprétation de la directive 2008/68/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 septembre 2008, relative au transport intérieur des marchandises dangereuses ( 2 ), et plus précisément de son article 1er, paragraphe 5 et de son article 5, paragraphe 1. L’autre concerne le principe d’effectivité et les limites que ce principe impose aux règles procédurales des États membres. Ces questions ont été soulevées dans le cadre d’un recours contre certaines conditions imposées dans le cadre d’un permis d’environnement à une station-service vendant du gaz de pétrole liquéfié (ci-après « GPL »), aux termes desquelles la station-service ne peut recevoir de livraison de GPL qu’à partir de véhicules-citernes qui satisfont à certaines prescriptions particulières de sécurité. La première question concerne la compatibilité de ces conditions avec le droit de l’Union et, plus particulièrement, avec la directive 2008/68 ; la deuxième question est de savoir si ces conditions pourraient être mises en œuvre dans le cas où elles seraient jugées contraires au droit de l’Union.

I. Le cadre juridique

A.   La directive 2008/68

2.

Le considérant 5 de la directive 2008/68 énonce que l’accord européen relatif au transport international des marchandises dangereuses par route (ci-après l’« ADR ») ( 3 ), le règlement concernant le transport international ferroviaire des marchandises dangereuses et l’accord européen relatif au transport international des marchandises dangereuses par voies de navigation intérieures établissent des règles uniformes de sécurité pour les transports internationaux de marchandises dangereuses. Ces règles devraient être également étendues aux transports nationaux afin d’harmoniser dans toute l’Union les conditions de transport des marchandises dangereuses et d’assurer le bon fonctionnement du marché commun des transports.

3.

En outre, le considérant 13 de la directive 2008/68 énonce que chaque État membre devrait conserver le droit d’appliquer des règles plus sévères aux opérations de transport national effectuées en utilisant des moyens de transport immatriculés ou mis en circulation sur son territoire.

4.

Le considérant 22 de la directive 2008/68 indique que les objectifs de la directive sont d’assurer l’application uniforme de règles de sécurité harmonisées dans toute l’Union et un niveau élevé de sécurité dans les opérations de transport national et international.

5.

La directive 2008/68 dispose à son article 1er, intitulé « Champ d’application » :

« 1.   La présente directive s’applique au transport des marchandises dangereuses par route [...] à l’intérieur des États membres ou entre plusieurs États membres, y compris aux opérations de chargement et de déchargement [...]

[...]

5.   Les États membres peuvent réglementer ou interdire, uniquement pour des raisons autres que la sécurité du transport, le transport de marchandises dangereuses sur leur territoire. »

6.

L’article 3 de la directive 2008/68, intitulé « Dispositions nationales », prévoit :

« 1.   Sans préjudice de l’article 6, les marchandises dangereuses ne sont pas transportées dans la mesure où cela est interdit par l’annexe I, section I.1 [...] ;

2.   Sans préjudice des règles générales relatives à l’accès au marché ou des règles généralement applicables au transport des marchandises, le transport de marchandises dangereuses est autorisé sous réserve du respect des conditions établies à l’annexe I, section I.1 [...] »

7.

L’article 5 de la directive 2008/68, intitulé « Restrictions pour des motifs de sécurité du transport », dispose :

« 1.   Les États membres peuvent, pour des motifs de sécurité du transport, appliquer des dispositions plus sévères concernant le transport national de marchandises dangereuses effectué par des véhicules, des wagons et des bateaux de navigation intérieure immatriculés ou mis en circulation sur leur territoire, exception faite des prescriptions relatives à la construction.

[...] »

8.

L’annexe I, intitulée « Transport par route », prévoit à la section I.1 (« ADR ») :

« Annexes A et B de l’ADR, [...] étant entendu que les termes “partie contractante” sont remplacés par les termes “État membre” où il y a lieu. »

B.   L’accord européen relatif au transport international des marchandises dangereuses par route (ADR)

9.

L’annexe A de l’ADR fournit les définitions suivantes au point 1.2.1 (intitulé « Définitions ») :

« [...]

“Citerne”, un réservoir, muni de ses équipements de service et de structure. [...]

[...]

“Gaz de pétrole liquéfié (GPL)”, un gaz liquéfié à faible pression contenant un ou plusieurs hydrocarbures légers qui sont affectés aux nos ONU 1011, 1075, 1965, 1969 ou 1978 seulement et qui est principalement constitué de propane, de propène, de butane, des isomères du butane, de butène avec des traces d’autres gaz d’hydrocarbures ;

[...]

“Réservoir” (pour citernes), la partie de la citerne qui contient la matière à transporter, y compris les ouvertures et leurs moyens d’obturation, mais à l’exclusion de l’équipement de service et de l’équipement de structure extérieur ;

[...]

“Revêtement protecteur” (pour les citernes), revêtement protégeant le matériau métallique de la citerne des matières à transporter ;

NOTA  : Cette définition ne s’applique pas au revêtement servant uniquement à protéger la matière à transporter.

[...]

“Véhicule-citerne”, un véhicule construit pour transporter des liquides, des gaz ou des matières pulvérulentes ou granulaires et comportant une ou plusieurs citernes fixes. Outre le véhicule proprement dit ou les éléments de train roulant en tenant lieu, un véhicule-citerne comprend un ou plusieurs réservoirs, leurs équipements et les pièces de liaison au véhicule ou aux éléments de train roulant ;

[...] ».

C.   Le droit néerlandais

10.

L’article 8:69a de l’Algemene wet bestuursrecht (code de droit administratif néerlandais) est rédigé comme suit :

« Le juge administratif n’annule pas une décision au motif qu’elle est contraire à une règle de droit écrite ou non écrite ou à un principe général du droit si cette règle ou ce principe ne visent manifestement pas à protéger les intérêts de ceux qui les invoquent. »

II. Les faits, la procédure au principal et les questions préjudicielles

11.

Le litige au principal concerne une action en justice intentée par un résident (ci-après « X ») de la commune de Purmerend (Pays-Bas) afin de contester certaines conditions d’un permis d’environnement délivré à l’exploitant d’une station-service GPL. Selon l’ordonnance de renvoi, le but ultime de l’action de X n’est pas de faire annuler ces conditions, mais plutôt de faire interdire la vente de GPL par la station-service. X s’inquiète des problèmes de sécurité liés à la vente de GPL dans un quartier résidentiel.

12.

La station-service GPL est titulaire d’une autorisation de vente de GPL depuis le 8 novembre 1977. Le 30 mars 1998, le College van burgemeester en wethouders van de gemeente Purmerend (Collège des bourgmestre et échevins de la commune de Purmerend, Pays-Bas ci-après le « Collège ») a délivré un permis pour l’installation, conformément à la Wet milieubeheer (loi néerlandaise sur la gestion de l’environnement). Ce permis a ensuite été modifié à plusieurs reprises. Le 18 janvier 2016, deux conditions ont été ajoutées au permis d’environnement, concernant les véhicules utilisés pour livrer du GPL à la station-service. Selon la première, ces véhicules doivent être équipés d’un revêtement thermique ( 4 ) et, en vertu de la seconde, ils doivent être équipés d’un tuyau de remplissage amélioré (et plus sûr). Selon les observations soumises à la Cour par le Collège, ces conditions supplémentaires ont été ajoutées au permis d’environnement à la demande de l’exploitant, afin d’augmenter le niveau de sécurité de la station-service GPL, de manière à ce qu’il puisse conserver son permis d’environnement en vertu de nouvelles normes, plus strictes que celles qui lui étaient précédemment applicables.

13.

Le Collège a imposé les conditions supplémentaires quasi en même temps qu’il a examiné un recours introduit par X contre le permis d’environnement de la station-service GPL. Selon le Collège, la station-service GPL est légalement tenue de respecter ces prescriptions supplémentaires, qui réduisent à un niveau jugé acceptable le risque d’un événement catastrophique.

14.

X demande l’annulation de deux conditions du permis d’environnement, à savoir celle qui impose que la station-service GPL ne soit approvisionnée que par des véhicules-citernes à GPL équipés d’un revêtement thermique et celle qui concerne le tuyau de remplissage GPL des véhicules-citernes. X ne conteste pas ces conditions en tant que telles, mais demande leur annulation au motif qu’elles ne peuvent pas être mises en œuvre, parce qu’elles sont contraires au droit de l’Union. L’objectif ultime du recours de X est de faire retirer le permis d’environnement de la station-service GPL. Sans la sécurité supplémentaire apportée par ces conditions, les distances de sécurité requises jusqu’à des objets relativement vulnérables seraient plus importantes et la station-service GPL ne pourrait, en raison de son emplacement, respecter ces distances de sécurité plus importantes.

15.

Plus précisément, X a fait valoir, dans l’affaire au principal devant la juridiction de renvoi, que les deux conditions sont contraires à la directive 2008/68 ou à l’article 34 TFUE et, partant, ne peuvent pas être mises en œuvre.

16.

La juridiction de renvoi a conclu que, en vertu du droit néerlandais, le Collège ne peut pas assortir le permis d’environnement de conditions qui ne peuvent pas être mises en œuvre et que X, en tant que voisin de la station-service GPL, a un intérêt à ce que ces conditions puissent être mises en œuvre. En conséquence, la juridiction de renvoi estime qu’elle doit apprécier sur le fond la position de X selon laquelle les conditions ne peuvent pas être mises en œuvre et n’apportent donc qu’une sécurité apparente.

17.

La juridiction de renvoi a jugé que la condition relative au tuyau de remplissage ne viole pas les dispositions de la directive 2008/68 et qu’elle peut donc être maintenue. Les questions posées ne concernent donc pas la condition relative au tuyau de remplissage, mais l’ordonnance de renvoi contient cependant une description détaillée de cette prescription.

18.

Dans ces circonstances, le Raad van State (Conseil d’État, Pays‑Bas) a sursis à statuer et a posé à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

a)

L’article 5, paragraphe 1, de la [directive 2008/68] doit-il être interprété en ce sens qu’il fait obstacle à une prescription d’un permis délivré pour une station-service GPL, qui prévoit que la station-service GPL particulière en cause ne peut être approvisionnée qu’au moyen d’un véhicule-citerne pour le GPL équipé d’un revêtement thermique, alors que cette obligation ne s’adresse pas directement à un ou plusieurs exploitants de véhicules-citernes pour le GPL ?

b)

La réponse à la première question est-elle influencée par le fait que l’État membre a conclu une convention, sous la forme du “Safety Deal hittewerende bekleding op GPL-autogastankwagens” avec des organisations d’opérateurs du secteur du GPL (notamment des exploitants de stations-services GPL et des producteurs, revendeurs et transporteurs de GPL), dans laquelle les opérateurs se sont engagés à mettre en place des revêtements de protection contre la chaleur, et par le fait que, en relation avec cet accord, l’État membre a émis une circulaire comme la “Circulaire effectafstanden externe veiligheid LPG-tankstations voor besluiten met gevolgen voor de effecten van een ongeval”, dans laquelle est élaborée une politique complémentaire de gestion des risques qui part de la supposition que les stations-services GPL sont approvisionnées au moyen de véhicules-citernes équipés d’un revêtement thermique ?

2)

a)

Lorsqu’un juge national examine une décision de mise en œuvre destinée à contraindre le destinataire d’une prescription d’un permis devenue inattaquable en droit et contraire au droit de l’Union :

le droit de l’Union, et en particulier la jurisprudence de la Cour de justice relative à l’autonomie de la procédure nationale, autorise-t-il le juge national à partir en principe de l’idée qu’une telle prescription d’un permis est légale à moins qu’il soit évident que cela est contraire au droit supérieur, et notamment au droit de l’Union ? Si oui, le droit de l’Union impose-t-il des conditions (supplémentaires) à cette exception ?

ou bien le droit de l’Union implique-t-il, au vu notamment des arrêts du 29 avril 1999, Ciola (C‑224/97, EU:C:1999:212), et du 6 avril 2006, ED & F Man Sugar (C‑274/04, EU:C:2006:233), que le juge national doit écarter l’application d’une telle prescription du permis en raison de sa contrariété avec le droit de l’Union ?

b)

S’agissant de répondre à la question 2, [sous a)], importe-t-il de savoir si la décision de mise en œuvre est une sanction ayant un caractère de réparation (remedy) ou une sanction ayant un caractère répressif (criminal charge) ? »

19.

Le Collège, les gouvernements allemand et néerlandais ainsi que la Commission européenne ont présenté des observations écrites.

20.

Dans un premier temps, la Cour a posé deux questions pour réponse orale aux parties qui entendaient participer à l’audience prévue. En raison de la pandémie de Covid-19, l’audience a été annulée et les deux questions ont été posées aux parties intéressées visées à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne pour réponse écrite.

21.

Les questions étaient les suivantes :

« Convient-il de considérer que, en vertu des dispositions combinées de l’article 1er, paragraphe 5, et de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2008/68, les États membres sont libres d’appliquer des prescriptions plus sévères, dès lors que l’imposition de telles prescriptions est motivée par des raisons autres que la sécurité du transport, telles que notamment la protection de l’environnement ?

Dans l’affirmative, quelles conséquences convient-il d’en tirer aux fins de la réponse à la première question préjudicielle ? »

22.

Le Collège, les gouvernements allemand et néerlandais et la Commission européenne ont soumis des réponses écrites aux questions.

III. Analyse

A.   La première question

1. Remarques préliminaires concernant la question 1

23.

La question 1, sous a), telle qu’elle est posée par la juridiction de renvoi, ne demande à la Cour qu’une clarification concernant l’application de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2008/68. Toutefois, la juridiction de renvoi s’intéresse en réalité à la question de savoir si les conditions du permis d’environnement portant sur les véhicules-citernes à GPL par lesquels la station-service de Purmerend peut être approvisionnée, à savoir les prescriptions relatives au revêtement thermique et au tuyau de remplissage, ne peuvent pas être mises en œuvre parce qu’elles sont contraires au droit de l’Union (et, plus précisément, aux dispositions de la directive 2008/68). Si ces conditions ne peuvent pas être mises en œuvre et que la station-service GPL peut effectivement être approvisionnée par tout véhicule-citerne à GPL qui satisfait aux prescriptions de sécurité de la directive 2008/68, il est possible que la station-service GPL de Purmerend ne satisfasse pas aux normes de sécurité requises par la législation néerlandaise. Si les conditions sont juridiquement contraignantes, il semblerait – selon l’ordonnance de renvoi – que les normes de sécurité requises pour la station-service GPL pourraient être respectées.

24.

La juridiction de renvoi a jugé que la prescription relative au tuyau de remplissage n’enfreignait pas le droit de l’Union et elle n’a donc pas demandé de précisions concernant cette prescription. Je ne suis pas convaincu que cette conclusion soit correcte et, afin de fournir à la juridiction de renvoi des réponses utiles pour résoudre les questions au principal, je conseillerai donc la Cour sur la manière dont elle peut fournir à la juridiction de renvoi des indications sur cette prescription.

25.

La juridiction de renvoi a très logiquement réparti ses questions en deux parties : la question 1, sous a) et b), portant sur le point de savoir si les conditions sont contraires au droit de l’Union, et la question 2, sous a) et b), portant sur le point de savoir si les conditions pourraient être mises en œuvre même si elles sont, sur le fond, contraires au droit de l’Union, parce que la décision qui les impose n’est plus susceptible de recours en droit procédural néerlandais.

26.

La Commission a suggéré dans ses observations écrites que l’article 1er, paragraphe 5, de la directive 2008/68 pouvait être pertinent pour la question de savoir si les conditions sont admissibles, et la Cour a posé les deux questions mentionnées au point 21 des présentes conclusions aux parties intéressées, leur donnant ainsi la possibilité de présenter leurs observations sur cette question.

27.

Conformément à l’économie et à la logique de la directive 2008/68, j’examinerai, en premier lieu, les arguments relatifs à l’article 1er, paragraphe 5 de cette directive, tant en ce qui concerne la prescription relative au revêtement thermique que celle relative au tuyau de remplissage, avant de me tourner vers l’examen de l’article 5, paragraphe 1 de ladite directive.

28.

La question 1, sous b), concerne les effets possibles du Safety Deal ( 5 ) et de la circulaire ( 6 ) sur la réponse à la question 1, sous a). J’examinerai cette sous-question en même temps que la question 1, sous a).

2. La finalité de la directive 2008/68

29.

La directive 2008/68 a été adoptée pour remplacer les directives 94/55/CE ( 7 ) et 96/49/CE ( 8 ) et pour établir un régime commun pour tous les aspects du transport intérieur des marchandises dangereuses (par route, par chemin de fer ou par voie navigable) ( 9 ). À ces fins, la directive 2008/68 étend les règles établies en matière de transport international de marchandises dangereuses dans trois accords internationaux au transport à l’intérieur des États membres ou entre plusieurs États membres, afin d’harmoniser les conditions de transport des marchandises dangereuses et d’« assurer le bon fonctionnement du marché commun des transports » ( 10 ). Les objectifs déclarés de cette directive sont d’« assurer l’application uniforme de règles de sécurité harmonisées dans toute [l’Union] » et de « garantir un niveau de sécurité élevé dans les opérations de transport national et international » ( 11 ).

3. Les prescriptions (revêtement thermique, tuyau de remplissage) vont-elles au-delà de ce que prévoient la directive 2008/68 et l’ADR ?

30.

Les questions posées par la juridiction de renvoi partent de la prémisse que la prescription relative au revêtement thermique qui figure dans les conditions du permis d’environnement pour la station-service GPL de Purmerend va au-delà de ce qui est requis de manière générale pour les véhicules-citernes à GPL en vertu de la directive 2008/68 et de l’ADR. L’analyse complémentaire effectuée dans l’ordonnance de renvoi concernant le tuyau de remplissage part de la même prémisse. Si ces prescriptions n’allaient pas au-delà de ce qui est requis par la directive, les questions posées seraient sans objet. Aucune des parties ayant présenté des observations n’a fait valoir le contraire. Il ressort également de l’ordonnance de renvoi que le gouvernement néerlandais s’est abstenu d’imposer le revêtement thermique prévu dans le Safety Deal au niveau national et par voie de prescription contraignante et généralisée, de crainte de violer l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2008/68 ( 12 ).

31.

J’ai par conséquent fondé mon examen sur la prémisse que la prescription relative au revêtement thermique et celle relative au tuyau de remplissage vont toutes les deux au-delà des prescriptions que la directive 2008/68 impose à l’exploitant d’un véhicule-citerne à GPL.

4. La directive 2008/68 s’applique-t-elle aux conditions d’un permis d’environnement tel que celui de la station-service GPL de Purmerend ?

32.

Dans leurs observations, le gouvernement néerlandais et le Collège soutiennent que les conditions du permis d’environnement de la station-service GPL de Purmerend sortent du champ d’application matériel de la directive 2008/68. Le Collège a observé à cet égard que les conditions du permis d’environnement s’adressent à l’exploitant de la station-service GPL et non au transporteur du GPL.

33.

Le Collège a également souligné que les conditions d’un permis d’environnement se rapportent aux activités d’une « installation », et qu’il résulte de la nature même d’un tel permis qu’on ne saurait, au moyen de celui-ci, édicter une prescription relative à la construction, ni d’ailleurs quelque type de prescription que ce soit, qui soit applicable à des véhicules-citernes à GPL.

34.

Le Collège a également souligné que les conditions du permis ne sont pas des prescriptions de nature générale concernant la construction. Elles ne concernent pas tous les véhicules-citernes à GPL (quel que soit leur lieu d’immatriculation ou leur lieu de mise en circulation), ni l’ensemble des stations-service GPL aux Pays-Bas. Elles interdisent seulement à l’exploitant de la station-service GPL de Purmerend d’être approvisionné par un véhicule-citerne à GPL qui n’est pas équipé du revêtement thermique requis (et, devrais-je ajouter, du tuyau de remplissage).

35.

Le Collège a aussi observé que les conditions concernant le revêtement thermique et le tuyau de remplissage ont toutes deux été mises en place à la demande de l’exploitant de la station-service GPL.

36.

À mon avis, aucun de ces arguments n’est convaincant.

37.

Selon le considérant 22 de son préambule, la directive 2008/68 est destinée à atteindre deux objectifs, à savoir « assurer l’application uniforme de règles de sécurité harmonisées dans toute [l’Union] » et « garantir un niveau de sécurité élevé dans les opérations de transport national et international ». À cette fin, elle reprend en substance les règles de trois accords internationaux sur les transports internationaux de marchandises dangereuses et les étend au transport intérieur de ces marchandises dans l’Union ( 13 ), avec certaines exceptions limitées. En l’espèce, de ces trois accords internationaux, seul l’ADR est pertinent.

38.

La directive 2008/68, à l’article 3, paragraphe 2, impose aux États membres l’obligation d’autoriser le transport de marchandises dangereuses sous réserve du respect des conditions établies dans cette directive.

39.

Le permis d’environnement délivré à la station-service GPL de Purmerend par le Collège et les conditions qui y figurent sont clairement des actes juridiques d’un pouvoir public décentralisé. Les conditions dont est assorti le permis d’environnement ont pour effet de limiter les véhicules qui peuvent effectivement desservir cette station-service GPL, en obligeant son exploitant à s’abstenir de recevoir des livraisons de véhicules-citernes qui – bien que pleinement conformes aux prescriptions de la directive 2008/68 – ne satisfont pas à ces prescriptions supplémentaires. Le caractère de décision administrative individuelle et concrète du permis d’environnement est, dans ce contexte, sans pertinence ( 14 ).

40.

Dans la mesure où les conditions du permis d’environnement vont au-delà de ce qui est requis en vertu de la directive 2008/68, ces conditions sont contraires à cette directive, à moins qu’elles ne puissent être justifiées par une des dispositions de celle-ci qui laissent aux États membres la faculté d’adopter des mesures plus strictes. À moins que tel soit le cas, ces conditions ne devraient donc pas, en principe, pouvoir être mises en œuvre par les autorités néerlandaises.

5. L’article 34 TFUE est-il pertinent pour répondre à la question 1 ?

41.

Comme le gouvernement allemand l’a relevé au point 34 de ses observations, la directive 2008/68 doit être considérée, en ce qui concerne les prescriptions de sécurité applicables aux véhicules-citernes à GPL, comme assurant une harmonisation exhaustive au niveau de l’Union. La question de la compatibilité des deux conditions du permis d’environnement doit donc être examinée à la lumière des dispositions de cette directive, et non du droit primaire ( 15 ). Il n’y a donc pas lieu d’examiner les conditions et les prescriptions qu’elles imposent à la lumière de l’article 34 TFUE. En tout état de cause, les questions préjudicielles ne demandent pas de précisions à cet égard.

6. L’article 1er, paragraphe 5, de la directive 2008/68

42.

La Commission a fait valoir dans ses écritures qu’il était concevable que les conditions soient admissibles au titre de l’article 1er, paragraphe 5, de la directive 2008/68, si elles étaient mises en place pour des raisons autres que la sécurité des transports. Dans sa réponse écrite aux questions posées par la Cour, le gouvernement allemand s’est prononcé contre cette position, tandis que, dans leurs réponses, le Collège et le gouvernement néerlandais ont plaidé en sa faveur.

43.

Dans sa réponse, le gouvernement allemand a fait valoir que l’exception prévue à l’article 1er, paragraphe 5, de la directive 2008/68 a pour objet de permettre aux autorités nationales d’imposer des restrictions de passage, telles que des restrictions de passage dans des zones protégées, pour des raisons telles que la sécurité nationale ou la protection de l’environnement. Le gouvernement allemand s’appuie sur une interprétation littérale du texte de la disposition, qui permet aux États membres de réglementer ou d’interdire le « transport » ( 16 ) (au sens de l’acte de transporter les marchandises en question) sur leur territoire national et rappelle que cette disposition ne saurait, selon lui, justifier des prescriptions de construction au sens de l’article 5, paragraphe 1 de ladite directive.

44.

Le Collège a fait valoir dans sa réponse que les conditions avaient été incluses dans le permis pour protéger l’environnement et garantir la sécurité aux abords de la station-service GPL, qui est située dans une zone résidentielle, et que ces motifs étaient, selon lui, distincts de la sécurité du transport.

45.

Je dois rappeler d’abord que l’article 1er, paragraphe 5, et l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2008/68, d’une manière complémentaire, énoncent les conditions dans lesquelles les États membres peuvent, respectivement, « réglementer ou interdire » le transport de marchandises dangereuses sur leur territoire pour des « raisons autres que la sécurité du transport » ou appliquer des « restrictions pour des motifs de sécurité du transport ». Ainsi, l’article 1er, paragraphe 5, définit ce que les États membres peuvent faire, dans le cadre de cette directive, pour « des raisons autres que la sécurité du transport » et l’article 5, paragraphe 1, de la même directive fait de même en ce qui concerne les restrictions que les États membres peuvent imposer « pour des motifs de sécurité du transport ».

46.

Le pouvoir d’appréciation dont disposent les États membres pour réglementer ou interdire le transport de marchandises dangereuses en vertu de l’article 1er, paragraphe 5, de la directive 2008/68 constitue une exception à la règle générale prévue à l’article 3, paragraphes 1 et 2, de cette directive, qui prévoit que les marchandises dangereuses ne sont pas transportées si les annexes pertinentes de ladite directive l’interdisent et que leur transport est autorisé sous réserve du respect des conditions prévues à ces annexes. En tant qu’exception à la règle générale, le pouvoir d’appréciation dont disposent les États membres en vertu de l’article 1er, paragraphe 5, de la directive 2008/68 doit être interprété de manière restrictive. Cette conclusion est clairement confirmée par la formulation de l’article 1er, paragraphe 5, de cette directive, qui exige que, pour être autorisés en vertu de cette disposition, les règlements ou les interdictions aient été mis en place uniquement pour des raisons autres que la sécurité du transport. En vertu du libellé clair de l’article 1er, paragraphe 5, de ladite directive, des réglementations ou interdictions mises en place en partie pour des raisons de sécurité du transport ne sauraient relever de l’exception prévue par cette disposition.

47.

Cette interprétation est étayée par les arguments exposés au point 43 des présentes conclusions. Si l’article 1er, paragraphe 5, de la directive 2008/68 vise avant tout à laisser aux États membres le pouvoir discrétionnaire d’interdire ou de réglementer le transport de marchandises dangereuses dans des zones particulièrement sensibles, comme on pourrait le soutenir sur la base du considérant 11 de cette directive ( 17 ), alors l’adverbe « uniquement » paraît bien placé. Si un État membre décidait de restreindre l’utilisation d’un itinéraire particulier, par exemple un itinéraire traversant une zone protégée ou densément peuplée, cette interdiction serait édictée « uniquement » pour des raisons autres que la sécurité du transport. La sécurité du transport lui-même ne serait pas affectée du seul fait qu’il doit emprunter un autre itinéraire, mais l’environnement peut être protégé du risque inhérent à tout transport de marchandises dangereuses. Ce type de mesures n’a pas non plus pour effet de fausser ou de diviser le marché intérieur du transport de marchandises dangereuses.

48.

Il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer si les conditions du permis d’environnement de la station-service GPL de Purmerend ont été mises en place « uniquement pour des raisons autres que la sécurité du transport ». Il est toutefois difficile d’imaginer un cas plus emblématique de réglementation de la sécurité du transport que des prescriptions de construction des véhicules-citernes à GPL destinées à retarder ou à empêcher une vaporisation explosive d’un liquide porté à ébullition (BLEVE) en cas d’accident impliquant un incendie.

49.

De même, il est difficile d’imaginer que la prescription relative à l’utilisation d’un tuyau de remplissage plus sûr puisse être considérée comme ayant été mise en place uniquement pour des raisons autres que la sécurité du transport, alors que le « transport » comprend expressément les « opérations de chargement et de déchargement » des marchandises ( 18 ). L’objectif déclaré de l’ajout de ces deux conditions était de réduire le risque qu’une catastrophe se produise lors d’opérations – la livraison de GPL – qui consistent à conduire des véhicules-citernes à l’endroit en question, à décharger le GPL et à quitter cet endroit, opérations qui, toutes, relèvent entièrement de la notion de « transport », au sens où ce terme est employé dans la directive 2008/68.

50.

Le simple fait que les conditions en question aient été inscrites dans un permis d’environnement visant à protéger les abords de la station-service GPL de Purmerend ne peut, à mon avis, modifier la substance de ce que ces conditions imposent. Elles ne s’appliquent qu’au transport de GPL par route vers la station-service et au déchargement de GPL dans cette station au moyen de véhicules-citernes, et elles visent clairement à prévenir des accidents ou à en limiter les effets pendant le transport, y compris le déchargement de la marchandise. Cette activité relève directement du champ d’application de la directive 2008/68 et l’intitulé de ces restrictions ou l’acte dans lequel elles sont prévues ne peuvent, à mon avis, en modifier la nature.

51.

La juridiction de renvoi a demandé expressément si le Safety Deal, que le gouvernement néerlandais a conclu avec les acteurs du marché de l’industrie du GPL, avait une incidence sur la réponse à la question 1, sous a).

52.

Par cette question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’existence parallèle d’engagements dont les effets sont identiques ou semblables à ceux des conditions du permis d’environnement de la station-service GPL de Purmerend, que les opérateurs du marché du GPL aux Pays-Bas ont contractés sous la forme d’un accord de droit privé, peut en quelque manière modifier la nature des conditions imposées par le permis d’environnement. L’existence parallèle d’obligations de droit privé ne peut, à mon avis, modifier le caractère de droit public des conditions dont est assorti le permis d’environnement de la station-service GPL, ni l’obligation des autorités néerlandaises de se conformer à la directive 2008/68.

53.

Pour ces raisons, selon moi, l’article 1er, paragraphe 5, de la directive 2008/68 ne laisse aucune marge d’appréciation aux États membres pour imposer des prescriptions de sécurité, telles que le revêtement thermique et le tuyau de remplissage, prévues par les conditions supplémentaires du permis d’environnement, qui vont au-delà de ce qui est requis en vertu de la directive 2008/68.

7. L’article 5, paragraphe 1, de la directive 2008/68

54.

L’article 5, paragraphe 1, de la directive 2008/68 autorise les États membres à « appliquer des dispositions plus sévères » pour des motifs de sécurité du transport, dans certaines circonstances limitées. Les dispositions plus sévères doivent concerner le « transport national » de marchandises dangereuses effectué par des véhicules « immatriculés ou mis en circulation sur leur territoire », et ces dispositions ne doivent pas être des « prescriptions relatives à la construction ».

55.

Il est clair que les conditions du permis d’environnement de la station-service GPL de Purmerend, telles qu’elles sont décrites dans l’ordonnance de renvoi, imposent des prescriptions non seulement pour les véhicules effectuant des transports nationaux, mais aussi pour les véhicules effectuant des transports transfrontaliers qui livrent du GPL à la station-service. Les conditions s’appliquent également dans les deux cas. De même, ces conditions s’appliquent non seulement aux véhicules « immatriculés ou mis en circulation » aux Pays-Bas, mais quel que soit le pays d’immatriculation du véhicule. Pour ces raisons déjà, les conditions du permis d’environnement concernant tant le revêtement thermique que le tuyau de remplissage semblent ne pas être admissibles en vertu de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2008/68.

56.

Cependant, dans sa première question, la juridiction de renvoi s’est concentrée sur un autre aspect, celui de savoir si les conditions du permis d’environnement de la station-service GPL de Purmerend sont contraires à la directive 2008/68 en ce qu’elles constituent des « prescriptions de construction » et non des « dispositions plus sévères » que les Pays-Bas pourraient valablement imposer en vertu de l’exception prévue à l’article 5, paragraphe 1, de cette directive si leur application était limitée au transport national effectué au moyen de véhicules immatriculés ou mis en circulation aux Pays-Bas. La juridiction de renvoi a conclu que la prescription relative au tuyau de remplissage n’était pas une « prescription de construction » en ce sens, et elle a demandé à la Cour de lui indiquer si la prescription relative au revêtement thermique devait être considérée comme une « prescription de construction » au sens de cette disposition.

57.

L’article 5, paragraphe 1, de la directive 2008/68 ne précise pas ce que l’on entend par « prescription de construction ». Il ne contient pas non plus de précision ou de limitation quant au type d’objets que ces « prescriptions de construction » pourraient concerner. Il semblerait, à la lecture du considérant 16 de la directive 2008/68, que les « prescriptions de construction » puissent concerner à la fois les « moyens de transport » et les « équipements », sans autre précision quant à ce qu’il y a lieu d’entendre par « équipements ».

58.

Or, il est logique que l’interdiction des prescriptions de construction « plus sévères » couvre au moins le même type de moyens de transport et d’équipements que ceux pour lesquels l’ADR impose des « prescriptions de construction » ou des « prescriptions » relatives à leur « construction ».

59.

Il semblerait qu’une « prescription de construction » soit – pour ce qui concerne tant le revêtement thermique que le tuyau de remplissage – une prescription portant sur la construction de l’équipement, c’est-à-dire une prescription relative à la conception, à la production et à des spécifications que l’équipement doit respecter ( 19 ). Par exemple, le point 6.7.2.2 de l’annexe A de l’ADR prévoit des « prescriptions générales concernant la conception et la construction » des réservoirs, y compris des prescriptions relatives à tout « revêtement intérieur » de ces réservoirs ( 20 ). Une prescription selon laquelle le réservoir d’un véhicule-citerne à GPL doit être équipé d’un revêtement thermique ou d’un revêtement intérieur résistant à la chaleur, conforme à certains critères techniques, doit clairement être qualifiée de « prescription de construction » en ce sens.

60.

À titre d’exemple supplémentaire, le point 6.2.1.3.1 de l’annexe A de l’ADR exige que certains équipements de service que sont les « robinets, tubulures et autres équipements soumis à la pression » soient « conçus et fabriqués » de façon à satisfaire à certaines conditions de pression d’éclatement (mise en italique par mes soins). De telles prescriptions sont des « prescriptions de construction » au sens naturel de cette expression en ce qui concerne cet « équipement de service », tout comme le sont des spécifications techniques complémentaires concernant tant la citerne à GPL que le tuyau de remplissage d’un véhicule-citerne à GPL.

61.

Par conséquent, je suis d’avis que des prescriptions de construction des véhicules-citernes à GPL, telles que la prescription relative à un revêtement thermique ou à un tuyau de remplissage spécial, qui vont au-delà de ce qui est requis en vertu de la directive 2008/68 et qui ont été mises en place au moins en partie pour des raisons de sécurité du transport (y compris le chargement et le déchargement), sont contraires aux obligations que cette directive impose aux États membres.

B.   La deuxième question

62.

Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi cherche en substance à obtenir des indications sur les conséquences qu’elle doit tirer de l’illégalité, au regard du droit de l’Union, des conditions supplémentaires concernant la construction des véhicules-citernes à GPL qui approvisionnent la station-service de Purmerend. Dans la mesure où non seulement la prescription relative au revêtement thermique, mais aussi celle relative au tuyau de remplissage sont contraires au droit de l’Union, la deuxième question s’applique également à ces conditions.

63.

La juridiction de renvoi est confrontée à une situation dans laquelle, en vertu du droit néerlandais, X peut demander à bon droit l’annulation des conditions du permis d’environnement si ces conditions ne peuvent pas être mises en œuvre, ce qui peut avoir pour conséquence que le permis d’environnement n’est plus justifié et qu’il peut devoir être retiré ( 21 ).

64.

Par conséquent, la question sur laquelle la juridiction de renvoi demande des éclaircissements n’est pas de savoir si le droit de l’Union exige des autorités de l’État membre concerné qu’elles rouvrent et réexaminent la décision assortissant le permis d’environnement des conditions supplémentaires ni, pour commencer, la décision accordant le permis d’environnement. Une telle obligation de réexaminer une décision administrative contraire au droit de l’Union pourrait naître dans certaines conditions, comme la Cour l’a précisé, par exemple, dans les arrêts Kühne & Heitz ( 22 ), i-21 Germany et Arcor ( 23 ) et Kempter ( 24 ). Toutefois, par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande précisément ce qu’il lui incombe de faire lorsqu’elle « examine une décision de mise en œuvre » ( 25 ), mais non ce qu’il lui incombe de faire lorsqu’elle examine la validité du permis d’environnement lui-même.

65.

La question sur laquelle la juridiction de renvoi demande des éclaircissements est donc une question différente : il s’agit de savoir si des conditions supplémentaires peuvent être mises en œuvre alors même qu’elles sont contraires au droit de l’Union, parce que la décision qui les impose n’est plus attaquable en vertu du droit procédural national. Une mise en œuvre implique nécessairement qu’il y ait d’abord une violation des conditions en question, suivie d’une nouvelle forme d’action ou de décision des autorités compétentes, qui apporte une forme de sanction ou une autre conséquence ayant nature de mise en œuvre.

66.

Ainsi que la Cour l’a déjà précisé, entre autres, dans l’arrêt Ciola, tous les organes de l’administration, y compris les autorités décentralisées, sont soumis aux obligations découlant de la primauté du droit de l’Union, et ces obligations s’appliquent également à des décisions administratives individuelles et concrètes ( 26 ). Sur ce fondement, la Cour a conclu, dans l’arrêt du 29 avril 1999, Ciola (C‑224/97, EU:C:1999:212), qu’une interdiction édictée par une décision administrative individuelle et concrète devenue définitive, mais qui était contraire au droit de l’Union, devait être écartée lors de l’appréciation du bien-fondé d’une amende qui sanctionnait le non-respect de cette interdiction.

67.

Dans la présente affaire, comme dans l’affaire Ciola, ce n’est pas le sort de l’acte administratif lui-même qui est en cause, mais la question de savoir si des conditions de cet acte qui sont contraires au droit de l’Union peuvent être invoquées dans des actes ou décisions administratifs de mise en œuvre adoptés ensuite, ou si elles doivent être écartées lors de l’appréciation du bien-fondé d’une sanction – ou éventuellement d’une mesure de mise en œuvre ayant un caractère de réparation (remedy) – infligée pour sanctionner le non-respect de ces conditions ( 27 ). Dans son arrêt ED & F Man Sugar ( 28 ), la Cour a réitéré qu’une sanction doit être fondée sur une base légale claire et non ambiguë et elle a jugé, dans le cadre de restitutions à l’exportation, que les autorités et juridictions nationales qui contrôlent la légalité d’une décision de sanction (c’est-à-dire une décision de mise en œuvre) doivent être en mesure d’examiner les éléments factuels de la décision de récupération sous-jacente, même si cette décision est devenue définitive ( 29 ).

68.

La juridiction de renvoi a demandé précisément si le caractère de réparation (remedy) ou le caractère répressif (criminal charge) de la décision de mise en œuvre était pertinent. Je ne pense pas que tel soit le cas ni qu’il doive en être ainsi. Toute nouvelle décision destinée à mettre en œuvre des conditions qui enfreignent le droit de l’Union devrait être interdite, qu’elle ait un caractère répressif ou qu’elle vise à une réparation. La jurisprudence de la Cour dans les arrêts E.B. ( 30 ) et Fallimento Olimpiclub ( 31 ) me semble instructive à cet égard.

69.

Dans l’affaire Fallimento Olimpiclub, la Cour a jugé, dans le cadre d’un litige en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), que le droit de l’Union « n’impose pas à une juridiction nationale d’écarter l’application des règles de procédure internes conférant l’autorité de la chose jugée à une décision, même si cela permettrait de remédier à une violation du droit [de l’Union] par la décision en cause » ( 32 ). Toutefois, le droit de l’Union s’opposait à des dispositions de droit national conférant la force de chose jugée à une décision illégale pour ce qui concerne d’autres décisions relatives à d’autres années d’imposition dans une matière régie par des règles non conformes au droit de l’Union ( 33 ). Autrement dit, la décision d’origine pouvait subsister, mais elle ne pouvait pas déterminer des décisions futures.

70.

Dans l’affaire E.B., un policier avait fait l’objet d’une décision administrative disciplinaire de mise à la retraite d’office en 1975, après avoir été condamné pour tentative d’attentat à la pudeur sur des personnes du même sexe. La décision avait également réduit de 25 % le montant de la pension que l’intéressé aurait autrement pu percevoir. Considérant que la décision initiale réduisant le montant de la pension d’E. B. aurait été contraire à la directive 2000/78/CE ( 34 ) si celle-ci avait été applicable, la Cour a jugé que la juridiction nationale n’était pas tenue de réexaminer la décision disciplinaire définitive ordonnant la mise à la retraite anticipée d’E.B., mais qu’elle devait réexaminer la réduction de son droit à pension, afin de calculer le montant qu’il aurait perçu en l’absence de violation des droits que lui confère le droit de l’Union (dans ce cas, son droit à ne pas subir de discrimination fondée sur l’orientation sexuelle).

71.

Dans ces deux cas, la décision judiciaire ou administrative initiale a été maintenue, mais ne peut servir de fondement à des décisions judiciaires ultérieures (affaire Fallimento Olimpiclub) ni déterminer les droits à pension en cours d’un fonctionnaire ayant fait l’objet d’une action disciplinaire (affaire E.B.). Ainsi, la Cour a distingué entre la nécessité de sécurité juridique concernant les décisions initiales, définitives, qui n’étaient plus attaquables et la nécessité de sauvegarder le principe de légalité pour les décisions ultérieures ou les conséquences existantes des décisions initiales. Je suis donc d’avis que des actions ou décisions destinées à mettre en œuvre les conditions concernant le revêtement thermique et le tuyau de remplissage sont inadmissibles en droit de l’Union.

IV. Conclusion

72.

À la lumière des considérations qui précèdent, je suggère à la Cour de répondre aux questions du Raad van State (Conseil d’État, Pays-Bas) dans les termes suivants :

1)

La directive 2008/68/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 septembre 2008, relative au transport intérieur des marchandises dangereuses, doit être interprétée en ce sens que des prescriptions de construction des véhicules-citernes à GPL, telles que les prescriptions imposant un revêtement thermique ou un tuyau de remplissage spécial, qui vont au-delà de ce qui est requis en vertu de cette directive et qui ont été mises en place au moins en partie pour des raisons de sécurité du transport (y compris le chargement et le déchargement), sont contraires aux obligations que ladite directive impose aux États membres.

2)

Le droit de l’Union, et en particulier la jurisprudence de la Cour dans l’affaire Ciola (C‑224/97), interdit à une juridiction ou à une autorité administrative nationale de mettre en œuvre dans une décision administrative accordant un permis d’environnement des conditions, telles que des prescriptions imposant un revêtement thermique et un tuyau de remplissage spécial, qui sont contraires au droit de l’Union, même si la décision elle-même peut être maintenue.


( 1 ) Langue originale : l’anglais.

( 2 ) JO 2008, L 260, p. 13.

( 3 ) Accord européen relatif au transport international des marchandises dangereuses par route (ADR), fait à Genève le 30 septembre 1957 sous l’égide de la Commission économique des Nations unies pour l’Europe.

( 4 ) En néerlandais, « hittewerende bekleding ».

( 5 ) « Safety Deal hittewerende bekleding op LPG-tankwagens » (accord de sécurité relatif au revêtement thermique des véhicules-citernes à GPL, ci-après le « Safety Deal »).

( 6 ) « Circulaire effectafstanden externe veiligheid LPG-tankstations voor besluiten met gevolgen voor de effecten van een ongeval » (circulaire sur les distances à respecter en matière de sécurité externe des stations-service GPL dans le cadre des décisions ayant une incidence sur les effets d’un accident, ci-après la « circulaire »).

( 7 ) Directive du Conseil du 21 novembre 1994 relative au rapprochement des législations des États membres concernant le transport des marchandises dangereuses par route (JO 1994, L 319, p. 7).

( 8 ) Directive du Conseil du 23 juillet 1996 relative au rapprochement des législations des États membres concernant le transport de marchandises dangereuses par chemin de fer (JO 1996, L 235, p. 25).

( 9 ) Voir considérant 3 de la directive 2008/68.

( 10 ) Voir article 1er, paragraphe 1 et considérant 5 de la directive 2008/68.

( 11 ) Voir considérant 22 de la directive 2008/68.

( 12 ) Voir ordonnance de renvoi, point 44.

( 13 ) Voir considérants 4 et 5 de la directive 2008/68.

( 14 ) Voir arrêt du 29 avril 1999, Ciola (C‑224/97, EU:C:1999:212, points 32 et 33).

( 15 ) Voir, en ce sens, arrêts du 17 avril 2007, AGM-COS.MET (C‑470/03, EU:C:2007:213, point 50), et du 1er juillet 2014, Ålands Vindkraft (C‑573/12, EU:C:2014:2037, point 57).

( 16 ) En allemand, « Beförderung ».

( 17 ) Le considérant 11 de la directive 2008/68 énonce : « Chaque État membre devrait conserver le droit de réglementer ou d’interdire le transport de marchandises dangereuses sur son territoire, pour des motifs autres que la sécurité, par exemple des motifs de sécurité nationale ou de protection de l’environnement ».

( 18 ) Article 1er, paragraphe 1, de la directive 2008/68.

( 19 ) Voir par exemple la prescription figurant au point 4.3.2.3.2 de l’annexe A de l’ADR, concernant l’épaisseur des parois du réservoir, selon laquelle « les conteneurs-citernes/CGEM » ne doivent pas être protégés d’une manière particulière si ces conteneurs, « y compris les équipements de service, sont construits » pour pouvoir résister aux chocs ou contre le retournement.

( 20 ) Voir par exemple points 6.7.2.2.4 et 6.7.2.2.5. Même si l’ADR emploie l’expression « conçus et construits », ces deux aspects de l’équipement en question sont logiquement inséparables à cet égard. Il n’est pas possible de « construire » sans « concevoir ».

( 21 ) Je ne me prononcerai sur aucune de ces deux questions de droit national.

( 22 ) Arrêt du 13 janvier 2004 (C‑453/00, EU:C:2004:17).

( 23 ) Arrêt du 19 septembre 2006 (C‑392/04 et C‑422/04, EU:C:2006:586).

( 24 ) Arrêt du 12 février 2008 (C‑2/06, EU:C:2008:78).

( 25 ) Mise en italique par mes soins.

( 26 ) Arrêt du 29 avril 1999, Ciola (C‑224/97, EU:C:1999:212, points 30 à 33).

( 27 ) Arrêt du 29 avril 1999, Ciola (C‑224/97, EU:C:1999:212, point 25).

( 28 ) Arrêt du 6 avril 2006 (C‑274/04, EU:C:2006:233, point 15).

( 29 ) Arrêt du 6 avril 2006, ED & F Man Sugar (C‑274/04, EU:C:2006:233, point 18).

( 30 ) Arrêt du 15 janvier 2019 (C‑258/17, EU:C:2019:17).

( 31 ) Arrêt du 3 septembre 2009 (C‑2/08, EU:C:2009:506).

( 32 ) Arrêt du 3 septembre 2009, Fallimento Olimpiclub (C‑2/08, EU:C:2009:506, point 23).

( 33 ) Arrêt du 3 septembre 2009, Fallimento Olimpiclub (C‑2/08, EU:C:2009:506, dispositif).

( 34 ) Directive du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (JO 2000, L 303, p. 16).

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